LIVRE TROISIÈME — GUERRE DES GAULES D’APRÈS LES COMMENTAIRES
— I — Inspection de la flotte. Marche contre les Trévires César, après avoir apaisé les troubles d’Illyrie et passé quelque temps en Italie, rejoignit l’armée chez les Belges, au commencement de juin de l’an 700. Dès son arrivée, il visita tous les quartiers et l’arsenal maritime établi, selon Strabon, à l’embouchure de la Seine[1]. Il trouva sa flotte prête à prendre la mer. Malgré la rareté des matériaux nécessaires, les soldats l’avaient construite avec une habileté et un zèle extrêmes. Il leur donna des éloges, félicita ceux qui avaient dirigé les travaux, et indiqua, comme point de réunion générale, le port Itius (Boulogne). La concentration de la flotte exigeait un temps assez long ; César le mit à profit pour prévenir les effets de l’agitation qui se manifestait chez les Trévires. Ces populations, rebelles à ses ordres et soupçonnées d’appeler les Germains en deçà du Rhin, ne se faisaient point représenter aux assemblées. César marcha contre elles avec quatre légions, sans bagages, et huit cents cavaliers, laissant des troupes en nombre suffisant pour protéger la flotte. Les Trévires possédaient, indépendamment d’une infanterie
considérable, une cavalerie plus nombreuse qu’aucun autre peuple de — II — Départ pour l’île de Bretagne Espérant avoir pacifié le pays par ces mesures, César se
rendit avec ses quatre légions au port Itius, sa flotte, parfaitement
équipée, était prête à mettre à la voile. Eu comptant les bâtiments de l’année
précédente, elle se composait de six cents navires de transport et de
vingt-huit galères ; il ne manquait que soixante navires construits chez les
Meldes[3], et ramenés par
la tempête à leur point de départ ; en y ajoutant un certain nombre de
barques légères que beaucoup de chefs avaient fait construire pour leur usage
personnel, le total s’élevait à huit cents voiles[4]. L’armée romaine
concentrée à Boulogne était de huit légions et de quatre mille cavaliers
levés dans toute On était à la tin de juin. Le vent du nord-ouest, qui Souffle habituellement à cette époque de l’année sur cette côte, retarda de vingt-cinq jours le départ de la flotte ; enfin se leva un vent favorable, et l’armée reçut l’ordre de s’embarquer. Au milieu des embarras et de la préoccupation du départ, Dumnorix sortit secrètement du camp avec la cavalerie éduenne, et prit le chemin de son pays. A cette nouvelle, l’embarquement est suspendu, et nue grande partie de la cavalerie se met à la poursuite du fugitif, avec ordre de le ramener mort ou vif. Dumnorix, bientôt atteint, résiste, est entouré et mis à mort. Les cavaliers éduens revinrent tous au camp. Le 20 juillet, croyons-nous, la flotte leva l’ancre au coucher
du soleil, par une légère brise du sud-ouest. Ce vent ayant cessé vers le
milieu de la nuit, elle fut entraînée assez loin hors de sa route par le
courant de la marée montante. An point du jour, César s’aperçut qu’il avait
laissé — III — Marche dans l’intérieur du pays Le débarquement opéré, César établit son camp dans une bonne position, à proximité de la mer[8]. La flotte restée à l’ancre près de la côte, sur une plage unie et sans écueils, sous le commandement d’Atrius, ne lui inspirait aucune inquiétude[9]. Dès qu’il sut où se trouvait l’ennemi il se mit en marche à la troisième veille (minuit), ayant laissé dix cohortes[10] et trois cents cavaliers pour garder la flotte. Après avoir parcouru pendant là nuit environ douze milles, les Romains aperçurent au point du jour les barbares, postés sur les hauteurs de Kingston, au delà d’un cours d’eau appelé aujourd’hui la Petite-Stour[11]. Ceux-ci firent avancer jusqu’au bord du ruisseau leur cavalerie et leurs chars, cherchant, de leur position dominante, à cri disputer le passage ; mais, repousses par les cavaliers, ils se retirèrent dans une forêt oit se trouvait un lieu singulièrement fortifié par la nature et par l’art, refuge construit jadis pendant des guerres intestines[12]. De nombreux abatis d’arbres en fermaient toutes les avenues. Les Romains poursuivirent l’ennemi jusqu’à la lisière du bois et tentèrent d’enlever la position. Les Bretons sortaient par petits groupes pour défendre les approches de leur oppidum ; ruais les soldats de la 7e légion, ayant formé la tortue et poussé une terrasse jusqu’à l’enceinte, s’emparèrent du réduit et les chassèrent du bois sans pertes sensibles. César empêcha de les poursuivre ; il ne connaissait pas le pays et voulait employer le reste du jour à fortifier son camp[13]. — IV — Destruction d’une partie de la flotte Le lendemain matin, il partagea l’infanterie et la cavalerie en trois corps, et les envoya séparément à la poursuite de l’ennemi. Les troupes avaient fait un assez long trajet, et déjà les derniers fuyards étaient en vue, lorsque des cavaliers expédiés par Q. Atrius vinrent annoncer que, la nuit précédente, une violente tempête avait endommagé et jeté sur la côte presque tous les vaisseaux : ni ancres ni cordages n’avaient pu résister ; les efforts des pilotes et des matelots étaient demeurés impuissants, et le choc des vaisseaux entre eux avait causé de graves avaries. A cette nouvelle, César rappela ses troupes, leur ordonna de se borner à repousser l’ennemi tout en se retirant, et les devança pour revenir à sa flotte. Il constata l’exactitude des pertes annoncées : quarante navires environ étaient détruits, et la réparation des autres exigeait un long travail. Il prit les ouvriers attachés aux légions, en fit venir du continent, et écrivit à Labienus de construire, avec ses troupes, le plus grand nombre possible de vaisseaux ; enfin, voulant mettre sa flotte à l’abri de tout danger, il résolut, malgré la peine qui devait en résulter, de haler à terre tous les vaisseaux et de les enfermer dans le camp par un nouveau retranchement[14]. Les soldats employèrent dix jours entiers à ce travail, sans l’interrompre, même la nuit[15]. — V — César reprend l’offensive Les vaisseaux une fois mis à sec, et entourés de solides défenses,
César laissa dans le camp les mêmes troupes qu’auparavant, et retourna vers
les lieux on il avait été obligé d’abandonner la poursuite des Bretons. Il
les trouva rassemblés en grand nombre. La direction générale de Les cavaliers ennemis, avec les chariots de guerre, attaquèrent vivement la cavalerie dans sa marche ; partout ils furent vaincus et rejetés dans les forêts ou sur les hauteurs. Peu de temps après, tandis que les Romains sans défiance travaillaient aux retranchements, les Bretons sortirent tout à coup des bois et se précipitèrent sur les avant-postes. La lutte devenant acharnée, César fit avancer deux cohortes d’élite, les premières de deux légions. Elles avaient à peine pris position, laissant entre elles un léger intervalle, lorsque les barbares manœuvrèrent avec les chariots selon leur coutume, et intimidèrent tellement les Romains par cette manière de combattre, qu’ils purent passer et repasser impunément à travers l’intervalle des cohortes. L’ennemi ne fut repoussé qu’à l’arrivée des renforts. Q. Laberius Duras, tribun militaire, périt dans cette journée. La description de ce combat, telle que la donnent les Commentaires, a été diversement comprise. Suivant Dion Cassius, les Bretons auraient d’abord mis le désordre dans les rangs des Romains au moyen de leurs chariots, mais César, afin de déjouer cette manœuvre, leur aurait ouvert un libre passage en plaçant ses cohortes à de plus grands intervalles, il aurait ainsi renouvelé les dispositions prisés par Scipion, à la bataille de Zama, pour se garantir des éléphants carthaginois. Cet engagement, livré devant le camp et sous les yeux de l’armée, montra’ combien la tactique romaine était peu appropriée à ce genre de guerre. Le légionnaire, pesamment armé et habitué à combattre en ligne, ne pouvait ni poursuivre l’ennemi dans sa retraite, ni trop s’éloigner de ses enseignes. Un désavantage plus grand encore existait pour les cavaliers. Les Bretons, par une fuite simulée, les attiraient loin des légions, et alors, sautant à bas de leurs chars, engageaient à pied une lutte inégale ; car, toujours soutenus par leur cavalerie, ils étaient aussi dangereux dans l’attaque que dans la défense[17]. Le jour suivant, les ennemis prirent position loin du camp, sur les hauteurs ils ne se montrèrent que par petits groupes, isolés, harcelant la cavalerie avec moins d’ardeur que la veille. Mais, vers le milieu du jour, César ayant envoyé an fourrage trois légions et la cavalerie sous les ordres du lieutenant C. Trebonius, ils s’élancèrent de toutes parts sur les Fourrageurs avec une telle impétuosité, qu’ils vinrent jusque près des aigles et des légions restées sous les armes. L’infanterie les repoussa avec vigueur, et, quoique ordinairement elle s’en remît à la cavalerie du soin de la poursuite, cette fois elle ne cessa de les chasser devant elle que quand la cavalerie, se sentant appuyée, vint elle-même précipiter la déroute. Celle-ci ne leur laissa le temps ni de se rallier, ni de s’arrêter, ni de descendre des chars, et en fit un grand carnage. Après cette défaite, les Bretons résolurent de ne plus combattre désormais avec leurs forces réunies, et de se borner il inquiéter l’armée romaine, de manière à traîner la guerre en longueur[18]. — VI — Marche vers César, pénétrant leur dessein, n’hésita plus, afin de terminer
promptement la campagne, à se porter an centre même de leurs forces : il se
dirigea vers le territoire de Cassivellaunus, en passant, paraît-il, par
Maidstone et Westerham. Parvenu au bord de — VII — Soumission d’une partie de Cet échec enleva à Cassivellaunus tout espoir de résistance ; il renvoya la plus grande partie de ses troupes, ne garda que quatre mille hommes environ, montés sur des chars. (En supposant six essedarii par char, cela ferait encore le nombre considérable de six cent soixante voitures.) Tantôt se bornant à observer la marche de l’armée, tantôt se cachant dans des lieux de difficile accès, ou faisant le vide devant le passage des colonnes romaines ; souvent aussi, profitant de la connaissance des lieux, il tombait à l’improviste avec ses chariots sur la cavalerie quand elle s’aventurait à marauder et à saccager au loin ; ce qui obligea celle-ci à ne plus s’écarter des légions. Ainsi le dommage causé à l’ennemi ne put s’étendre au delà de la marche de l’infanterie. Cependant les Trinobantes, un des peuples les plus
puissants de La protection obtenue par les Trinobantes engagea les Cénimagnes, les Ségontiaques, les Ancalites, les Bibroques et les Casses, à imiter leur conduite. Les députés de ces différents peuples apprirent à César que l’oppidum de Cassivellaunus (Saint-Albans) était à peu de distance, défendit par des marais et par des bois, et renfermait beaucoup d’hommes et de bestiaux[21]. Quoique cette position formidable eût été encore fortifiée, César y amena ses légions et n’hésita pas à l’attaquer sur deux points. Après une faible résistance, les barbares, en cherchant à s’échapper, furent tués ou pris en grand nombre. Cependant César opérait trop loin de son point de départ pour que Cassivellaunus ne fût pas tenté de rendre impossible son retour sur le continent, en s’emparant de sa flotte. Effectivement, Cassivellaunus avait ordonné aux quatre rois des différentes parties du Cantium (Kent), Cingetorix, Carvilius, Taximagulus, Segovax, de rassembler toutes leurs troupes et d’assaillir à l’improviste le camp où étaient renfermés les vaisseaux romains. Ils s’y portèrent aussitôt ; mais les cohortes ne leur laissèrent pas le temps d’attaquer ; elles firent une sortie, tuèrent beaucoup de barbares, prirent un de leurs principaux chefs, Lugotorix, et rentrèrent sans perte. A la nouvelle de cette défaite, Cassivellaunus, découragé par tant de revers et par la défection de plusieurs peuples, chargea Commius d’offrir sa soumission[22]. — VIII — Rembarquement de l’armée L’été touchait à sa fin (derniers jours d’août). César, comprenant
que le peu de temps qui lui restait ne pouvait être employé avec avantage, se
prépara au départ ; il voulait, d’ailleurs, passer l’hiver sur le continent,
craignant des révoltes soudaines de la part des Gaulois. Il exigea des
otages, fixa le tribut à payer chaque année par Après avoir reçu les otages, César se hâta de revenir de
sa personne sur la côte, et se fit suivre plus tard par son armée ; il trouva
les vaisseaux réparés, et les fit mettre à la mer. Le grand nombre de
prisonniers et la perte de plusieurs navires l’obligèrent à faire passer son
armée en cieux convois. Chose remarquable, de tant de bâtiments employés
plusieurs fois à la traversée, cette année ou l’année précédente, aucun de
ceux qui portaient des troupes ne fut perdu ; mais, au contraire, la plupart
des navires qui revinrent à vide, après avoir déposé à terre les soldats du
premier transport, et ceux construits par Labienus, au nombre de soixante, n’atteignirent
pas leur destination ; presque tous furent rejetés sur la côte du continent.
César, qui n’avait voulu quitter Cette seconde expédition, quoique plus heureuse que la première, n’amena pas la soumission complète de l’île de Bretagne. D’après Cicéron, on n’aurait même pas fait de butin ; cependant Strabon et Morus parlent d’un butin considérable[24], et un autre auteur rapporte que César aurait prélevé sur les dépouilles ennemies une cuirasse ornée de perles qu’il consacra à Vénus[25]. — IX — Observations Plusieurs indications nous permettent encore de préciser l’époque
de la seconde expédition en Bretagne. Une lettre de Cicéron à son frère
Quintus nous fait connaître que César était à la fin de mai à Lodi (nous
admettons le 22 mai)[26]. Il a donc pu
être rendu vers le 2 juin sur les rivages de l’Océan, où il inspecta sa
flotte. En attendant qu’elle se rassemblât au port Itius, il alla dans le
pays des Trévires, et n’y fit qu’un court séjour ; car, vers le milieu de l’été
(ne œstatem in Treveris consumere cogeretur),
il partit pour Boulogne, oit il arriva à la fin de juin. Les vents de
nord-ouest l’y retinrent vingt-cinq jours, c’est-à-dire jusque vers la fin de
juillet. D’un autre côté, Cicéron écrivait à Atticus, le 26 juillet[27] : Je vois, d’après les lettres de mon frère, qu’il doit être
déjà en Bretagne. — Répondant à une autre lettre de Quintus, datée
du 4 des ides d’août (8
août), il se réjouit d’avoir reçu, le jour des ides de septembre (9 septembre), la
nouvelle de son arrivée dans cette île[28]. Ces données
fixent le départ de l’expédition à la fin de juillet, car les lettres
mettaient de vingt à trente jours à faire le trajet de César mit à la voile au coucher du soleil, c’est-à-dire à
huit heures (solis occasu naves solvit, leni Africo provectus).
Le vent ayant cessé à Pour déterminer le jour du débarquement de César, il est
nécessaire, avant tout, de savoir vers quels parages la flotte romaine fut
entraînée pendant la nuit. Il est évident d’abord qu’elle fut poussée vers le
nord-est par le courant de la marée montante ou le flot, car autrement on ne
comprendrait pas que César, au lever du soleil, eût aperçu Cela posé, il suffit évidemment, pour déterminer le jour du débarquement, de résoudre cette question : Quel jour du mois de juillet de l’an 700 le courant de la marée descendante commença-t-il il se faire sentir au lever du soleil, c’est-à-dire vers quatre heures du matin, dans les parages situés à dix milles à l’est de Deal ? Ou bien, si l’on considère que le jusant commence dans ces parages environ quatre heures et demie après l’heure de la pleine mer à Douvres[31], quel jour du mois de juillet de l’an 700 y eut-il pleine mer à Douvres vers onze heures et demie du soir ? En faisant un raisonnement semblable à celui que nous
avons produit pour déterminer le jour du premier débarquement de César, et en
remarquant que les marées des jours précédant la pleine lune du mois de
juillet 700, qui tomba le 21, correspondent à celles des jours qui
précédèrent la pleine lune du Cette date, d’après laquelle l’armée romaine aurait débarqué la veille du jour de la pleine lune, convient d’autant plus que César, dès son arrivée en Bretagne, fit une marche de nuit qui eût été impossible dans une complète obscurité. La traversée avait duré seize heures. Au retour, elle ne dura que neuf heures, puisque César partit à neuf heures du soir (seconda irrita cura solvisset vigilia) et arriva à Boulogne au point du jour (prima luce), qui, au milieu de septembre, est à six heures du matin[32]. La date de son retour est à peu près fixée par une lettre de Cicéron, qui s’exprime ainsi[33] : Le 11 des calendes de novembre (17 octobre), j’ai reçu des lettres de Quintus, mon frère, et de César ; l’expédition était finie, les otages étaient donnés. On n’avait pas fait de butin. On avait seulement imposé des contributions. Les lettres écrites des rivages bretons sont datées du 6 des calendes d’octobre (21 septembre), au moment d’embarquer l’armée qu’on ramène. Ces renseignements s’accordent avec la date de l’équinoxe, qui eut lieu le 26 septembre et qui, d’après les Commentaires, était imminent (quod œquinoctium suberat). César était donc resté en Bretagne environ soixante jours. — X — Dates présumées de la seconde campagne de Bretagne
— XI — Répartition des légions dans leurs quartiers d’hiver A peine arrivé sur le continent, César fit mettre les dans
leurs navires à sec et tint ensuite à Samarobriva (Amiens) l’assemblée de Il existait chez les Carnutes (pays chartrain) un homme de haute naissance, Tasgetius, dont les ancêtres avaient régné sur cette nation. En considération de sa valeur et de ses importants services militaires, César l’avait replacé, depuis trois ans, dans le rang de ses aïeux, lorsque ses ennemis le massacrèrent publiquement. Les coupables étaient si nombreux qu’on devait craindre de voir la révolte s’étendre dans tout le pays. Pour la prévenir, César fit partir, au plus vite, L. Plancus à la tête de sa légion, avec ordre de prendre ses quartiers chez les Carnutes, et de lui envoyer les complices du meurtre de Tasgetius[41]. — XII — Défaite de Sabinus à Aduatuca Il reçut, à la même époque (fin d’octobre), des lieutenants et du
questeur, la nouvelle que les légions étaient arrivées et retranchées dans leurs
quartiers. Elles s’y trouvaient en effet depuis quinze jours environ, lorsque
tout à coup éclata une révolte, à l’instigation d’Ambiorix et de Catuvolcus.
Ces deux chefs s’étaient rendus d’abord, jusqu’aux limites de leur
territoire, au-devant de Sabinus et de Cotta, et leur avaient même fourni des
vivres ; mais bientôt, excités par le Trévire Indutiomare, ils soulèvent tout
le pays, tombent à l’improviste sur les soldats occupés à chercher du bois,
et attaquent avec des forces considérables le camp de Sabinus. Aussitôt les
Romains courent aux armes et montent sur le vallum. La cavalerie espagnole
fait une sortie avec succès, et les ennemis se retirent déçus dans leur
espoir d’emporter de vive force les retranchements. Ayant alors recours à la
ruse, ils jettent, selon leur coutume, de grands cris, demandent à entrer en
pourparler et à délibérer des intérêts communs. On envoya près d’eux C.
Arpineius, chevalier romain, ami de Sabinus, et l’Espagnol Q. Junius, qui
avait rempli plusieurs missions auprès d’Ambiorix. Celui-ci déclara n’avoir
pas oublié les nombreux bienfaits de César, mais être forcé de suivre le
mouvement de Sabinus répondit avec force qu’il fallait se décider avant
que les Germains vinssent augmenter le nombre des assaillants, et que les
quartiers voisins eussent éprouvé quelque désastre. Le moment exige une prompte décision. César est sans doute
parti pour l’Italie : autrement les Carnutes auraient-ils osé tuer Tasgetius,
et les Éburons attaquer le camp avec tant d’audace ? Il faut considérer l’avis
en lui-même, et non celui qui le donne : le Rhin est peu éloigné ; les
Germains sont irrités de la mort d’Arioviste et de leurs précédentes défaites
; Cotta et les centurions de première classe soutinrent vivement l’opinion contraire. Qu’il soit donc fait comme vous le voulez ! leur dit alors Sabinus ; puis, élevant la voix pour être entendu des soldats, il s’écria : La mort ne m’effraye pas, mais voici, Cotta, ceux qui te demanderont compte des malheurs que tu leur prépares. Après-demain, si tu le voulais, ils pourraient avoir rejoint la légion voisine et, réunis à elle, courir ensemble les chances de la guerre ; ils sauront que tu as préféré les laisser, loin de leurs compagnons, exposés à périr par le fer ou par la faim. Le conseil levé, on entoure les deux lieutenants, on les supplie de ne pas compromettre le salut de l’armée par leur mésintelligence ; qu’on parte ou qu’on reste, pourvu qu’on soit d’accord, tout deviendra facile. Le débat se prolonge jusqu’au milieu de la nuit : enfin Cotta, ébranlé, se rend à l’opinion de Sabinus, et consent à rejoindre Cicéron, campé chez les Nerviens ; le départ est fixé au point du jour. Le reste de la nuit se passe au milieu des préparatifs ; le soldat choisit ce qu’il emportera de son équipement d’hiver. Et, comme si le danger n’était pas assez grand, il semble qu’on veuille l’accroître encore par les fatigues et les veilles. Au point du jour, les troupes, pleines de sécurité, se mettent en marche sur une longue colonne, encombrée de nombreux bagages. A trois kilomètres (a millibus passuum
circiter duobus) de la ville de Tongres se trouve le vallon
de Lowaige, encaissé entre deux collines, et formant un grand défilé d’environ
Avertis des projets de retraite par le bruit et le tumulte, ils s’étaient partagés en deux corps, à droite et à gauche du vallon, et postés en embuscade au milieu des bois. Quand ils virent la plus grande partie des troupes romaines engagées dans le défilé, ils les attaquèrent en queue et en tête, profitant de tous les avantages des lieux. Alors Sabinus, en homme qui n’avait rien prévu, se trouble, court çà et là, hésite dans toutes ses mesures, comme il arrive à celui qui, surpris par l’événement, est forcé, au milieu du péril, de prendre un parti ; Cotta, au contraire, qui avait calculé les chances funestes du départ et s’y était opposé, ne néglige rien pour le salut commun. Il anime les troupes, combat dans les rangs, général et soldat à la fois. Comme la longueur de la colonne empêchait les lieutenants de tout voir et de tout régler par eux-mêmes, ils firent passer de bouche en bouche aux soldats l’ordre d’abandonner les bagages et de former le cercle. Cette résolution, quoique justifiée par la circonstance, eut cependant un effet fâcheux : elle diminua la confiance des Romains et accrut l’ardeur des Éburons, qui attribuèrent un parti si désespéré à la crainte et au découragement. Il en résulta d’ailleurs un inconvénient inévitable : les soldats quittaient en foule les enseignes pour courir aux bagages et en tirer ce qu’ils avaient de plus précieux ; ce n’était partout que cris et confusion. Les barbares se conduisirent avec intelligence. Leurs chefs, craignant qu’ils ne se débandassent pour piller les bagages des Romains, firent savoir sur tous les points que chacun eût à garder son rang, déclarant que l’important était d’assurer d’abord le succès, et qu’ensuite lé butin tomberait entre leurs mains. Les Éburons étaient de rudes adversaires ; mais les Romains par leur nombre et leur courage auraient pu soutenir la lutte. Quoique abandonnés de leur chef et de la fortune, ils attendaient tout d’eux-mêmes, et chaque fois qu’une cohorte tombait sur l’ennemi, elle en faisait un grand carnage. Ambiorix s’en aperçoit : il commande à haute voix de lancer les traits de loin, de ne point s’approcher, de céder toutes les fois que les Romains se précipiteront en avant, de ne les attaquer que dans la retraite, lorsqu’ils retourneront à leurs enseignes, manœuvre facile aux Éburons, rompus aux exercices et agiles à cause de la légèreté de leur équipement. L’ordre fut fidèlement exécuté. Lorsqu’une cohorte sortait du cercle pour charger l’ennemi, il s’enfuyait avec vitesse ; mais la cohorte, en s’avançant, laissait son flanc droit exposé aux traits, car il n’était pas protégé par les boucliers, quand elle reprenait son ancienne position, elle était enveloppée de tous côtés, et par ceux qui avaient cédé et par ceux qui étaient restés sur les flancs. Si, au lieu de faire avancer successivement les cohortes, les Romains se maintenaient de pied ferme en cercle, ils perdaient l’avantage de l’attaque, et leur ordre serré les exposait d’autant plus à la multitude des traits Cependant le nombre des blessés augmentait à chaque instant ; il était. deux heures ; le combat durait depuis le lever du soleil, et pourtant les soldats romains n’avaient cessé de se montrer dignes d’eux-mêmes. A ce moment la lutte devient plus acharnée. T. Balventius, homme brave et respecté, qui l’année précédente avait commandé comme primipile, a les deux cuisses traversées d’un javelot ; Q. Lucanius, officier du même grade, est tué en combattant vaillamment pour secourir son fils, entouré d’ennemis. Cotta lui-même, tandis qu’il court de rang en rang animer les soldats, est blessé au visage d’un coup de fronde. A ce spectacle, Sabinus, découragé, ne voit plus d’autre ressource que de traiter avec Ambiorix. L’apercevant de loin qui excitait ses troupes, il lui envoie son interprète Cn. Pompeius, pour le prier de l’épargner lui et les siens. Ambiorix répond qu’il est tout disposé à entrer en pourparler avec Sabinus, dont il s’engage par serment à faire respecter la personne ; que d’ailleurs il espère obtenir des Éburons, pour les soldats romains, la vie sauve. Sabinus fait part de cette réponse à Cotta, déjà blessé, et lui propose d’aller tous les deux conférer avec Ambiorix ; cette démarche peut assurer leur salut et celui de l’armée. Cotta refuse obstinément, et déclare qu’il ne traitera jamais avec un ennemi en armes. Sabinus enjoint aux tribuns des soldats qui l’environnent et aux centurions de première classe de le suivre. Arrivé près d’Ambiorix, il est sommé de déposer son épée : il obéit, et ordonne aux siens d’imiter son exemple. Tandis que l’on discute les conditions, dans un entretien que le chef des Éburons traîne exprès en longueur, Sabinus est peu à peu entouré et massacré. Alors les barbares, poussant, selon leur coutume, des cris sauvages, se précipitent sur les Romains, dont ils rompent les rangs. Cotta et la plus grande partie de ses soldats périssent les armes à la main ; les autres se réfugient au camp d’Aduatuca, d’où ils étaient partis. Le porte-enseigne L. Petrosidius, pressé par une foule d’ennemis, jette l’aigle dans les retranchements et meurt en se défendant avec bravoure au pied du rempart. Les malheureux soldats s’efforcent de soutenir le combat jusqu’à la nuit, et cette nuit même s’entre-tuent de désespoir. Quelques-uns cependant, échappés du champ de bataille, traversent les forêts, et gagnent au hasard les quartiers de T. Labienus, qu’ils instruisent de ce désastre[43]. — XIII — Attaque du camp de Cicéron Exalté par cette victoire, Ambiorix se rend aussitôt avec sa cavalerie dans le pays des Aduatuques, peuple voisin de ses États, et marche sans interruption toute la nuit et le jour suivant ; l’infanterie a l’ordre de le suivre. Il annonce ses succès aux Aduatuques, et les excite à prendre les armes. Le lendemain, il se rend chez les Nerviens, les presse de saisir cette occasion de venger leurs injures et de s’affranchir à jamais du joug des Romains ; il leur apprend la mort de deux lieutenants et la destruction d’une grande partie de l’armée romaine ; il ajoute que la légion en quartiers d’hiver chez eux, sous le commandement de Cicéron, sera facilement surprise et anéantie ; il offre son concours aux Nerviens et les persuade aisément. Ceux-ci avertissent sur-le-champ les Ceutrons, les Grudiens, les Lévaques, les Pleumoxiens, les Geidunnes, peuplades sous leur dépendance ; ils ramassent le plus de troupes qu’ils peuvent et se portent à l’improviste aux quartiers d’hiver de Cicéron, avant qu’il ait appris le désastre et la mort de Sabinus. Là, comme il était arrivé récemment à Aduatuca, quelques soldats, occupés à couper le bois dans la forêt, sont surpris par la cavalerie. Bientôt un nombre considérable d’Éburons, d’Aduatuques, de Nerviens, avec leurs alliés et leurs clients, viennent attaquer le camp. Les Romains courent aux armes et montent sur le vallum ; mais ce jour-là ils tiennent tête difficilement à un ennemi qui, plaçant tout son espoir dans la promptitude d’une attaque imprévue, est convaincu qu’après cette victoire rien ne pourra plus lui résister[44]. — XIV — César marche au secours de Cicéron César se trouvait encore à Amiens, ignorant les évènements qui venaient de se passer. Cicéron lui écrivit aussitôt, et promit de grandes récompenses à ceux qui parviendraient à lui remettre ses lettres ; mais tous les chemins étaient gardés, et personne ne put arriver. La nuit on éleva, avec une célérité incroyable, cent vingt tours au moyen du bois déjà apporté pour fortifier le camp[45], et on compléta les ouvrages. Le lendemain, les ennemis, dont les forces s’étaient accrues, revinrent à l’attaque et se mirent à combler le fossé. La résistance fut aussi vive que la veille et continua les jours suivants ; chez ces héroïques soldats la constance et l’énergie semblaient grandir avec le péril. Chaque nuit on prépare tout ce qui est nécessaire pour la défense du lendemain. On façonne en grand nombre des pieux durcis au feu et des pilums employés dans les sièges ; on établit avec des planches les étages des tours, et, au moyen de claies, des parapets et des créneaux. On travaille sans relâche ; les blessés, les malades ne prennent aucun repos. Cicéron lui-même, d’une faible santé, est jour et nuit à l’œuvre, malgré les instances de ses soldats, qui le supplient de se ménager. Cependant les chefs et les principes
des Nerviens proposèrent une entrevue à Cicéron. Ils lui répétèrent ce qu’Ambiorix
avait dit à Sabinus : Toute Déçus dans leur espoir d’intimider Cicéron, les Nerviens entourèrent le camp d’un rempart de neuf pieds de haut et d’un fossé large de quinze. Ils avaient observé les ouvrages romains dans les campagnes précédentes, et appris de quelques prisonniers à les imiter. Mais, comme ils manquaient des instruments de fer nécessaires, ils furent obligés de couper le gazon avec leurs épées, de prendre la terre avec leurs mains et de la porter dans leurs saies. On peut juger de leur grand nombre par ce fait, qu’en moins de trois heures ils achevèrent un retranchement de quinze mille pieds de circuit[46]. Les jours suivants, ils élevèrent des tours à la hauteur du vallum, préparèrent des gaffes (falces) et des galeries couvertes (testudines), ce que les prisonniers leur avaient également enseigné[47]. Le septième jour du siège, un grand vent s’étant levé, les ennemis lancèrent dans le camp des dards enflammés, et avec la fronde des balles d’argile brûlante (ferventes fusili ex argilla glandes)[48]. Les baraques couvertes en paille, à la manière gauloise, eurent bientôt pris feu, et le vent répandit en un instant la flamme sur tout le camp. Alors, poussant de grands cris, comme s’ils eussent déjà remporté la victoire, ils firent avancer leurs tours et leurs galeries couvertes et tentèrent, à l’aide d’échelles, d’escalader le vallum ; mais tels furent le courage et la fermeté des soldats romains, qu’environnés de flammes, accablés d’une grêle de traits, sachant bien que l’incendie dévorait leurs bagages et leur avoir, aucun d’eux ne quitta son poste et ne songea même à tourner la tête, tant cette lutte acharnée absorbait leurs esprits. Ce fut leur plus rude journée. Cependant beaucoup d’ennemis furent tués ou blessés, parce que, s’entassant au pied du rempart, les derniers rangs fermaient la retraite aux premiers. Le feu s’étant apaisé, les Nerviens poussèrent une tour contre le vallum[49]. Les centurions de la troisième cohorte, qui se trouvaient là, ramenèrent leurs hommes en arrière, et, par bravade, invitèrent du geste et de la voix les barbares à entrer. Nul ne s’y hasarda. Alors on les chassa par une grêle de pierres, et la tour fut incendiée. Il y avait dans cette légion deux centurions, T. Pulion et L. Vorenus, qui rivalisèrent de bravoure en se précipitant au milieu des assaillants ; renversés tour à tour, enveloppés d’ennemis, ils se dégagèrent mutuellement plusieurs fois, et rentrèrent au camp sans blessures. Les armes défensives permettaient alors au courage individuel de réaliser des prodiges. Cependant le siège se prolongeait, et le nombre des défenseurs diminuait chaque jour ; les vivres commençaient à manquer ainsi que les choses nécessaires pour soigner les blessés[50]. Les fréquents messagers que Cicéron envoyait à César étaient arrêtés en route et quelques-uns cruellement mis à mort à la vue du camp. Enfin Verticon, chef nervien qui avait embrassé la cause des romains, décida un de ses esclaves à se charger d’une lettre. Sa qualité de Gaulois lui permit de passer inaperçu et d’avertir le général du danger que courait Cicéron. César reçut cet avis à Amiens, vers la onzième heure du jour (quatre heures du soir) ; il n’avait à sa portée que trois légions : celle de Trebonius, à Amiens ; celle de M. Crassus, dont les quartiers étaient à Montdidier, chez les Bellovaques, à vingt-cinq milles de distance ; enfin celle qui, sous C. Fabius, hivernait chez les Morins, à Saint-Pol[51]. Il expédia à Crassus un courrier chargé de lui porter l’ordre de partir avec sa légion au milieu de la nuit, et de le rejoindre en toute hâte à Amiens pour y relever la légion de Trebonius. Un autre courrier fut envoyé au lieutenant C. Fabius pour l’inviter à mener sa légion sur le territoire des Atrébates, que César devait traverser, et où leur jonction s’opérerait. Il écrivit de même à Labienus de marcher avec sa légion vers le pays des Nerviens, s’il le pouvait sans péril. Quant à la légion de Roscius et à celle de Plancus, qui étaient plus éloignées, elles restèrent dans leurs cantonnements. Aussitôt les ordres reçus, Crassus se mit en route ; le lendemain, vers la troisième heure (dix heures), ses coureurs annoncèrent son approche. César le laissa à Amiens, avec une légion pour garder les bagages de l’armée, les otages, les archives et les approvisionnements de l’hiver. Il partit aussitôt lui-même, sans attendre le reste de l’armée, avec la légion de Trebonius et quatre cents cavaliers des quartiers voisins. Il suivit sans doute la direction d’Amiens à Cambrai, et fit ce jour-là vingt milles (30 kilom.). Il fut ensuite rejoint probablement vers Bourcies, entre Bapaume et Cambrai, par Fabius, qui n’avait pas perdu un instant pour exécuter ses ordres. Sur ces entrefaites arriva la réponse de Labienus. Il faisait connaître à César les événements survenus chez les Éburons et leur effet chez les Trévires. Ces derniers venaient de se soulever. Toutes leurs troupes s’étaient avancées vers lui et l’entouraient à trois milles de distance. Dans cette position, craignant de ne pouvoir résister à des ennemis fiers d’une, récente victoire, qui prendraient son départ pour une fuite, il pensait qu’il y aurait péril à quitter ses quartiers d’hiver. César approuva la résolution de Labienus, quoiqu’elle réduisît à deux les trois légions sur lesquelles il comptait, et, bien que, réunies, leur effectif rte s’élevât pas à plus de 7.000 hommes, comme le salut de l’armée dépendait de la célérité des mouvements, il se rendit à marches forcées chez les Nerviens ; là il apprit des prisonniers dans quelle situation périlleuse se trouvait Cicéron. Aussitôt il engagea, par la promesse de larges récompenses, un cavalier gaulois à lui porter une lettre : elle était écrite en grec[52], afin que l’ennemi, s’il l’interceptait, ne prît en connaître le sens. De plus, dans le cas où le Gaulois ne pourrait pas parvenir jusqu’à Cicéron, il lui avait été recommandé d’attacher cette lettre à l’amentum de son javelot et de le lancer par-dessus les retranchements. César écrivait qu’il arrivait en toute hâte avec ses légions, et il exhortait Cicéron à persévérer dans son énergique défense. D’après Polyen[53], la dépêche contenait ces mots : Δαρρεϊν, Βοίβειαν προσδέχου (Courage ! attends du secours). Une fois près du camp, le Gaulois, n’osant y pénétrer, exécuta ce qu’on lui avait prescrit. Le hasard voulut que son javelot restât deux jours fiché dans une tour. Le troisième seulement il fut aperçu et porté à Cicéron. La lettre, lue en présence des soldats assemblés, excita des transports de joie. Bientôt on découvrit au loin la fumée des habitations incendiées qui annonçait l’approche de l’armée de secours. Elle arrivait en ce moment, après cinq jours de marche, à vingt kilomètres de Charleroy près de Binche, où elle campa. Les Gaulois, en étant informés par les éclaireurs, levèrent le siège, et, au nombre de 60.000 environ, marchèrent à la rencontre des légions. Cicéron, ainsi dégagé, envoya un autre Gaulois annoncer à César que l’ennemi tournait toutes ses forces contre lui. A cette nouvelle, reçue vers le milieu de la nuit, César prévint ses soldats et les affermit dans leur désir de vengeance. Le lendemain, au point du jour, il leva son camp. Après avoir parcouru quatre milles, il aperçut une foule d’ennemis au delà d’une grande vallée traversée par le ruisseau de la Haine[54]. César ne crut pas prudent de descendre dans la vallée pour y combattre des troupes si nombreuses ; d’ailleurs, une fois Cicéron délivré, il n’avait plus besoin de presser sa marche ; il s’arrêta donc, et choisit une bonne position pour s’y retrancher : le mont Sainte-Aldegonde. Quoique son camp, contenant 7.000 hommes à peine, sans bagages, eût nécessairement peu d’étendue, il le resserra le plus possible, en donnant moins de largeur aux rues, afin de tromper l’ennemi sur ses forces réelles. En même temps il envoya des éclaireurs reconnaître quel était le meilleur endroit pour traverser la vallée. Cette journée se passa en escarmouches de cavalerie sur
les bords du ruisseau, mais chacun garda ses positions : les Gaulois, parce
qu’ils attendaient des renforts ; César, parce qu’il comptait sur sa crainte
simulée pour attirer les ennemis hors de leur position, et les forcer de combattre
en deçà de Les Gaulois, attirés par cette feinte, passèrent le ruisseau et se rangèrent en bataille dans un lieu désavantageux. Voyant que les Romains avaient abandonné le vallum, ils s’en approchèrent de plus près, y lancèrent des traits de toutes parts, et firent proclamer par des hérauts, autour des retranchements, que, jusqu’à la troisième heure (dix heures), tout Gaulois ou Romain qui passerait de leur côté aurait la vie sauve. Enfin, n’espérant pas pouvoir forcer les portes, qu’ils croyaient solidement fortifiées, ils poussèrent l’audace au point de combler le fossé et : d’arracher les palissades avec leurs mains. Mais César tenait ses troupes prêtes à profiter de l’excès de confiance des Gaulois : à un signal donné, elles s’élancent par toutes les portes à la fois ; l’ennemi ne résiste pas, il fuit, abandonnant ses armes, et jonche le terrain de ses morts. César ne le poursuivit pas au loin, à cause des bois et des marais ; il n’eut d’ailleurs pu lui faire éprouver de nouvelles pertes ; il se dirigea avec ses troupes intactes vers le camp de Cicéron, où il arriva le même jour[55]. Les tours, les galeries couvertes, les retranchements des barbares, excitèrent son étonnement. Ayant réuni les soldats de la légion de Cicéron, dont les neuf dixièmes étaient blessés, il put juger combien ils avaient couru de périls et déployé de courage. Il combla d’éloges le général et les soldats, s’adressant individuellement aux centurions, aux tribuns, qui s’étaient signalés. Les prisonniers lui donnèrent de plus amples détails sur la mort de Sabinus et de Cotta, dont la catastrophe avait produit dans l’armée une impression profonde. Le lendemain, il rappelle, devant les troupes convoquées, l’événement passé, console, encourage, rejette l’échec sur l’imprudence du lieutenant, et exhorte d’autant plus à la résignation, que, grâce à la valeur des soldats et à la protection des dieux, l’expiation avait été prompte et ne laissait plus de raison aux ennemis de se réjouir, aux Romains de s’affliger[56]. On voit, par ce qui précède, qu’un petit nombre de troupes disséminées sur un vaste territoire surmonta, par la discipline et le courage, une formidable insurrection. Quintus Cicéron, en suivant le principe invoqué par Cotta de ne point entrer en pourparler avec un ennemi en armes, sauva et l’armée, et l’honneur. Quant à César, il montra dans cette circonstance une énergie et une force d’âme que Quintus Cicéron ne manqua pas de faire remarquer à son frère lorsqu’il lui écrivit[57]. Si l’on en croit Suétone et Polyen, César éprouva un si profond chagrin de l’échec subi par Sabinus, qu’en signe de deuil il laissa croître sa barbe et ses cheveux jusqu’à ce qu’il eût vengé ses lieutenants[58], ce qui n’arriva que l’année suivante, par la destruction des Éburons et des Nerviens. — XV — César met ses troupes en quartiers d’hiver. Labienus défait Indutiomare Cependant la nouvelle de la victoire de César parvint à
Labienus, à travers le pays des Rèmes, avec une incroyable vitesse : ses
quartiers d’hiver étaient à soixante milles environ du camp de Cicéron, où
César n’était arrivé qu’après la neuvième heure du jour (trois heures de l’après-midi),
et pourtant avant Ces événements accomplis, César distribua de la manière
suivante les sept légions qui lui restaient : il renvoya Fabius dans ses
quartiers d’hiver avec sa légion chez les Morins, s’établit lui-même aux
environs d’Amiens avec trois légions, qu’il répartit en trois quartiers : c’étaient
la légion de Crassus, qui n’avait pas bougé, celle de Cicéron et celle de
Trebonius. On voit encore, le long de Le général romain appela près de lui les principes de chaque État, effraya les uns en
leur signifiant qu’il était instruit de leurs menées, exhorta les autres au
devoir, et par là maintint la tranquillité d’une grande partie de Durant tout l’hiver, les Trévires et Indutiomare ne
cessèrent d’exciter les peuples au delà du Rhin à prendre les armes, assurant
que la plus grande partie de l’armée romaine avait été détruite. plais aucune
des nations germaines rie se laissa persuader de passer le Rhin. Le souvenir
de la double défaite d’ Arioviste et des Teuctères les avertissait de ne plus
tenter la fortune. Déçu dans son espoir, Indutiomare ne laissa pas de
rassembler des troupes, de les exercer, d’acheter des chevaux dans les pays
voisins, d’attirer à lui, de toutes les parties de Lorsqu’il vit les unis se rallier à lui spontanément, les autres, tels que les Sénonais et les Carnutes, s’engager dans sa cause par la conscience de leur faute, les Nerviens et les Aduatuques se préparer à la guerre, et une foule de volontaires disposés à le rejoindre dès qu’il aurait quitté son pays, Indutiomare, selon l’usage des Gaulois au commencement d’une campagne, convoqua une assemblée en amies. Il déclara ennemi de la patrie Cingétorix, son gendre, resté fidèle à César, et annonça que, pour répondre à l’appel des Sénonais et des Carnutes, il se rendrait chez eux par le pays des Rèmes, dont il ravagerait les terres, mais qu’avant tout il attaquerait le camp de Labienus. Celui-ci, établi sur l’Ourthe, maître d’une position naturellement redoutable, qu’il avait encore fortifiée, ne craignait aucune attaque, et songeait au contraire à saisir la première occasion de combattre avec avantage. Instruit par Cingétorix des intentions d’Indutiomare, il demanda de la cavalerie aux États voisins, simula la crainte, et, laissant les cavaliers ennemis s’approcher impunément, se tint enfermé dans son camp. Tandis que, trompé par ces apparences, Indutiomare
devenait de jour en jour plus présomptueux, Labienus fit, pendant une nuit,
entrer secrètement dans son camp la cavalerie auxiliaire, et, par une
surveillance active, empêcha que les Trévires en fussent informés. L’ennemi,
ignorant l’arrivée de ce renfort, s’avançait de plus en plus près des
retranchements et redoublait ses provocations. On n’y répondit pas, et vers
le soir il se débanda en se retirant. Tout à coup Labienus fait sortir par
deux portes sa cavalerie, soutenue par ses cohortes. Prévoyant la déroute des
barbares, il recommande de s’attacher à Indutiomare seul, et promet de
grandes récompenses à ceux qui apporteront sa tête. La fortune seconda ses
projets : Indutiomare fut atteint au gué même de l’Ourthe, mis à mort, et on
apporta sa tête au camp. Les cavaliers, à leur retour, tuèrent tous les
ennemis qu’ils trouvèrent sur leur passage. Les Éburons et les Nerviens se
dispersèrent. Le résultat de ces événements fut de donner à — XVI — Observations L’empereur Napoléon, dans son Précis des guerres de César, explique de la manière suivante l’avantage que les Romains retiraient de leurs camps. Les Romains doivent la constance de leurs succès à la méthode dont ils ne se sont jamais départis, de se camper tous les soirs dans un camp fortifié, de ne jamais donner bataille sans avoir derrière eux un camp retranché pour leur servir de retraite et renfermer leurs magasins, leurs bagages et leurs blessés. La nature des armes dans ces siècles était telle, que dans ces camps ils étaient non seulement à l’abri des insultes d’une armée égale, mais même d’une armée supérieure ; ils étaient les maîtres de combattre ou d’attendre une occasion favorable. Marius est assailli par une nuée de Cimbres ou de Teutons ; il s’enferme dans son camp, y demeure jusqu’au jour où l’occasion se présente favorable ; il sort alors précédé par la victoire. César arrive près du camp de Cicéron ; les Gaulois abandonnent celui-ci et marchent à la rencontre du premier ; ils sont quatre fois plus nombreux. César prend position en peu d’heures, retranche son camp, y essuie patiemment les insultes et les provocations d’un ennemi qu’il ne veut pas combattre encore ; mais l’occasion ne tarde pas à se présenter belle ; il sort alors par toutes les portes ; les Gaulois sont vaincus. Pourquoi donc une règle si sage, si féconde en grands résultats, a-t-elle été abandonnée par les généraux modernes ? Parce que les armes offensives ont changé de nature ; les armes de main étaient les armes principales des anciens ; c’est avec sa courte épée que le légionnaire a vaincu le monde ; c’est avec la pique macédonienne qu’Alexandre a conquis l’Asie. L’arme principale des années modernes est l’arme de jet ; le fusil est supérieur à tout ce que les hommes ont jamais inventé ; aucune arme défensive ne peut en parer l’effet. De ce que l’arme principale des anciens était l’épée ou la pique, leur formation habituelle a été l’ordre profond. La légion et la phalange, dans quelque situation qu’elles fussent attaquées, soit de front, soit par le flanc droit ou par le flanc gauche, faisaient face partout sans aucun désavantage ; elles ont pu camper sur des surfaces de peu d’étendue, afin d’avoir moins de peine à en fortifier les pourtours et pouvoir se garder avec le plus petit détachement. L’arme principale des modernes est l’arme de jet ; leur ordre habituel a dû être l’ordre mince, qui seul leur permet de mettre en jeu toutes leurs machines de jet. Une armée consulaire renfermée dans son camp, attaquée par une armée moderne d’égale force, en serait chassée sans assaut et sans en venir à l’arme blanche ; il ne serait pas nécessaire de combler ses fossés, d’escalader ses remparts : environné de tous côtés par l’armée assaillante, prolongé, enveloppé, enfilé par les feux, le camp serait l’égout de tous les coups, de toutes les balles, de tous les boulets : l’incendie, la dévastation et la mort ouvriraient les portes et feraient tomber les retranchements. Une armée moderne placée dans un camp romain pourrait d’abord, sans doute, faire jouer toute son artillerie ; mais, quoique égale à l’artillerie de l’assiégeant, elle serait prise en rouage et promptement réduite au silence ; une partie seule de l’infanterie pourrait se servir de ses fusils, mais elle tirerait sur une ligne moins étendue et serait bien loin de produire un effet équivalent au mal qu’elle recevrait. Le feu du centre à la circonférence est nul ; celui de la circonférence au centre est irrésistible. Toutes ces considérations ont décidé les généraux modernes à renoncer au système des camps retranchés, pour y suppléer par celui des positions naturelles bien choisies. Un camp romain était placé indépendamment des localités : toutes étaient bonnes pour dés armées dont toute la force consistait dans les armes blanches ; il ne fallait ni coup d’oeil ni génie militaire pour bien camper ; au lieu que le choix des positions, la manière de les occuper et de placer les différentes armes, en profitant des circonstances du terrain, est un art qui fait une partie du génie du capitaine moderne. Si l’on disait aujourd’hui à un général : Vous aurez, comme Cicéron, sous vos ordres, 5.000 hommes, 16 pièces de canon, 5.000 outils de pionniers, 5.000 sacs à terre ; vous serez à portée d’une forêt, dans un terrain ordinaire ; dans quinze jours vous serez attaqué par une armée de 60.000 hommes ayant 120 pièces de canon ; vous ne serez secouru que quatre-vingts ou quatre-vingt-seize heures après avoir été attaqué. Quels sont les ouvrages, quels sont les tracés, quels sont les profils que l’art lui prescrit ! L’art de l’ingénieur a-t-il des secrets qui puissent satisfaire à ce problème ? [61] |
[1] Ce fut là
(l’embouchure de
[2] Guerre des Gaules, V, 3-4.
[3] Les Meldes
habitaient sur
[4] Les cinq légions que César emmena en Bretagne faisaient, à cinq mille hommes environ chacune, vingt-cinq mille hommes. Il y avait, de plus, deux mille chevaux. Si nous supposons, comme dans la première expédition, vingt-cinq chevaux par navire, il en fallait quatre-vingts pour contenir la cavalerie. L’année précédente, quatre-vingts transports avaient suffi pour deux légions sans bagages, deux cents auraient dû suffire pour cinq légions ; mais, comme les Commentaires laissent entendre que ces bâtiments étaient plus étroits, et comme les troupes avaient leurs bagages, il est à croire qu’il avait fallu le double de bâtiments, c’est-à-dire quatre cents, pour le transport des cinq légions, ce qui ferait environ soixante-deux hommes par navire. Il serait resté cent soixante transports pour les chefs gaulois et romains, les valets et les approvisionnements. Les vingt-huit galères étaient sans doute les véritables bâtiments de combat destinés à protéger la flotte et le débarquement.
[5] D’après un passage des Commentaires (V, 26), il y avait dans l’armée romaine un corps de cavalerie espagnole.
[6] Dion Cassius, XL, 1.
[7] Guerre des Gaules, V, 8.
[8] Cela nous paraît évident, puisque nous verrons plus tard César enfermer sa flotte dans les retranchements contigus à son camp.
[9] Comme dans la première expédition le désastre arrivé à la flotte avait dû prouver à César le danger auquel les vaisseaux étaient exposés sur la côte, la réflexion ci-dessus indique que, lors de sa seconde expédition, il choisit un meilleur mouillage, à quelques kilomètres plus au nord.
[10] Dix cohortes formaient une légion ; mais César n’emploie pas cette dernière expression, parce qu’il tira sans doute de chacune de ses cinq légions deux cohortes, qu’il laissa à la garde du camp. De cette manière, il conservait le nombre tactique de cinq légions, ce qui était plus avantageux, et faisait participer chaque légion à l’honneur de combattre.
[11] Si des bords de la
mer, près de Deal, où nous supposons que les Romains établirent leur camp, on
décrit, avec un rayon de douze milles, un arc de cercle, on coupe vers l’ouest,
aux villages de Kingston et de Barham, et, plus au nord, au village de
Littlebourn, un ruisseau, nommé
Mais César arriva-t-il sur
Ce ruisseau, vu son peu de profondeur, ne constitue pas
un véritable obstacle ; or, il semble effectivement résulter du récit des
Commentaires que l’engagement n’y fut pas sérieux et que la cavalerie de César
le passa sans peine. Ce dernier fait constitue une objection contre
[12] Il est évident que
ce lieu ne doit pas être cherché à plus de quelques kilomètres de
[13] Guerre des Gaules, V, 9.
[14] Il nous a paru intéressant de chercher à nous expliquer comment César put réunir la flotte au camp.
Le camp romain devait être sur un terrain plat, pour
qu’il fût possible de tirer les navires de la flotte. En supposant que chaque
navire eût en moyenne vingt-cinq mètres de longueur sur six mètres de largeur,
et que les huit cents navires composant la flotte eussent été placés à deux
mètres les uns des autres sur cinq lignes distantes entre elles de trois
mètres, la flotte aurait couvert un rectangle de
[15] Guerre des Gaules, V, 11.
[16] C’est ainsi que
s’exprime César, mais il est certain que ce chiffre n’indique pas la plus
courte distance de
[17] Sur les chars des Bretons, voyez Strabon (IV, p. 166), Dion Cassius (LXXVI, 12). César parlait de plusieurs milliers de cavaliers et de chars de guerre, dans le troisième livre d’un mémoire adressé à Cicéron et qui s’est perdu (Junius Philargyrus, Comm. des Géorgiques de Virgile, III, p. 204).
[18] Guerre des Gaules, V, 17.
[19] Il n’existe pas
dans le comté de Kent les moindres vestiges pouvant aider à retrouver la marche
de l’armée romaine. Le camp de Holwood, près de Keston, que les cartes
anglaises qualifient de camp de César,
ne se rapporte pas à l’époque dont nous nous occupons. Sur la colline de
Saint-Georges (Saint-George Hill),
près de Walton sur
Malheureusement il n’est pas possible non plus de
préciser l’endroit où César passa à gué
[20] Guerre des Gaules, V, 18. — Polyen s’exprime ainsi : César, étant dans l’île de Bretagne, voulait passer un grand fleuve. Cassivellaunus, roi des Bretons, s’opposait au passage avec une cavalerie nombreuse et beaucoup de chariots. César avait un très grand éléphant, animal que les Bretons n’avaient jamais vu ; il l’arma d’écailles de fer, lui mit sur le dos une grande tour garnie de gens de trait et de frondeurs, tous adroits, et le fit avancer dans le fleuve. Les Bretons furent frappés d’étonnement à l’aspect d’une bête si énorme qui leur était inconnue. Et qu’est-il besoin de dire que leurs chevaux en furent effrayés, puisqu’on sait que, même parmi les Grecs, la présence d’un éléphant fait fuir les chevaux ? A plus forte raison, ceux des barbares ne purent supporter la vue d’un éléphant armé et chargé d’une tour d’oit volaient des pierres et des traits. Bretons, chevaux et chariots, tout cela prit la fuite ; et les Romains, par le moyen de la terreur que donna un seul animal, passèrent le fleuve sans danger (Stratagèmes, VIII, 23, § 5).
[21] Après avoir
franchi
[22] Guerre des Gaules, V, 22.
[23] Guerre des Gaules, V, 23.
[24] Strabon, IV, p. 167.
[25] Pline, Histoire naturelle, IX, 116. — Solin, LIII, 28.
[26] J’ai reçu, le 4 des nones de juin (1er juin, d’après la concordance adoptée, voir Appendice A), votre lettre datée de Plaisance ; celle du lendemain, datée de Lodi, m’est parvenue le jour même des nones (4 juin). Elle était accompagnée d’une lettre de César qui exprimait sa satisfaction de l’arrivée de Quintus (Cicéron, Lettre à Quintus, II, 15).
[27] Cicéron, Lettres à Atticus, IV, 15. Cette lettre fut close le 5 des calendes d’août, répondant au 26 juillet.
[28] J’ai reçu, le jour des ides de septembre (9 septembre), votre quatrième lettre, datée de Bretagne le 4 des ides d’août (8 août) (Lettre à Quintus, III, 1).
[29] Le 11 des calendes d’octobre (16 septembre), arriva votre courrier : il a mis vingt jours en route ; mon inquiétude était mortelle (Lettre à Quintus, III, 1). — César m’a écrit de Bretagne une lettre datée des calendes de septembre (28 août), que j’ai reçue le 4 des calendes d’octobre. Il paraît que les affaires n’y vont pas mal. César ajoute, pour que je ne sois pas surpris de ne rien recevoir de vous, que vous n’étiez pas avec lui lorsqu’il s’est rapproché de la mer (23 septembre) (Lettre à Quintus, III, 1, 25).
[30] Cicéron, Lettre à Quintus, III, 3.
[31] A dix milles à l’est de Deal, il y a pleine mer une demi-heure plus tard qu’à Douvres, et le jusant y commence quatre heures après l’heure de la pleine mer.
[32] Ceux qui refusent d’admettre Boulogne et Deal comme points d’embarquement et de débarquement de César prétendent qu’un si long temps n’était pas nécessaire pour exécuter un si court trajet. Mais une flotte met d’autant plus de temps à naviguer qu’elle est plus nombreuse ; semblable en cela à un corps d’armée, qui marche beaucoup moins vite qu’un seul homme.
[33] Cicéron, Lettres à Atticus, IV, 17.
[34] Pour trouver le temps voulu, nous devons supposer que par un retard quelconque ou par l’absence de courriers réguliers, la lettre de César à Cicéron a mis 13 jours de Lodi à Rome.
[35] Il existe beaucoup
d’incertitudes sur la dislocation des légions ; cependant l’emplacement de deux
quartiers d’hiver nous paraît certain, Samarobriva (Amiens) et Aduatuca (Tongres).
Si maintenant d’un point situé près de
[36] Le frère de l’orateur. César lui avait permis de choisir lui-même ses quartiers d’hiver (Lettres à Atticus, IV, 18).
[37] Le commandant du génie de Locqueyssie a trouvé sur l’Ourthe, près du village de Lavacherie (duché de Luxembourg), des restes d’un camp romain avec fossés triangulaires, et dans une position qui paraît répondre aux données des Commentaires.
[38] Sous le nom de
Belgium, il ne faut comprendre qu’une partie des peuples de
[39] Unam legionem, quam proxime trans Padum conscripserat. — D’après les auteurs de bonne latinité, proxime ne veut pas dire récemment, mais en dernier lieu. Faute d’avoir bien interprété cette phrase, le général de Gœler a supposé que César avait, à cette époque, fait venir d’Italie la 15e légion ; cette légion, comme on le verra, ne fut levée que plus tard.
[40] On a placé
Aduatuca dans plus de quatorze localités différentes. Si des écrivains ont cru
donner de bonnes raisons pour chercher cette place sur la droite de
[41] Guerre des Gaules, V, 25.
[42] Voyez la notice de M. M. F. Driesen sur la position d’Aduatuca, dans les Bulletins de l’Académie royale de Belgique, 2e série, t. XV, n° 3.
[43] Guerre des Gaules, V, 37.
[44] Guerre des Gaules, V, 39.
[45] Les tours des Romains étaient construites avec des bois de faible échantillon, reliés entre eux par des traverses. C’est encore ainsi qu’à Rome aujourd’hui on élève les échafaudages.
[46] Quoique le texte
porte passuum,
nous n’avons pas hésité à mettre pedum, parce qu’il est peu croyable que les
Gaulois eussent fait, en trois heures de temps, une contrevallation de plus de
[47] La machine de siège nommée testudo tortue était ordinairement une galerie montée sur roues, faite en bois de fort équarrissage et couverte d’un solide blindage. On la poussait contre le mur de la place assiégée. Elle protégeait les travailleurs chargés soit de combler le fossé, soit de miner la muraille, soit de faire mouvoir le bélier. Les travaux de siége des Gaulois doivent faire présumer que le camp de Cicéron était dans un fort entouré d’une muraille.
[48] Dans le bassin houiller au centre duquel est situé Charleroy, les bancs de houille affleurent le sol sur divers points. Encore aujourd’hui on y pétrit de l’argile avec de la houille menue. Mais ce qu’il y a de plus curieux, c’est qu’on a trouvé à Breteuil (Oise), comme dans les ruines de Carthage, une foule de balles ovoïdes en terre cuite.
[49] On a vu que nous nous servons indifféremment des noms de vallum et de rempart.
[50] Dion Cassius, XL, 8.
[51] Il nous a semblé que le mouvement de concentration de César et de Fabius ne permettait pas de placer les quartiers d’hiver de ce dernier à Thérouanne ou à Montreuil-sur-Mer, avec la plupart des auteurs. Ces localités sont trop éloignées de la route d’Amiens à Charleroy pour que Fabius eut pu rejoindre César sur le territoire des Atrébates, comme l’exige le texte des Commentaires. Nous plaçons, par cette raison, Fabius à Saint-Pol.
[52] Il y a dans les Commentaires grœcis conscriptam litteris ; mais Polyen et Dion Cassius affirment que la lettre était écrite en langue grecque.
[53] Polyen, Stratagèmes, VIII, XXIII, 6.
[54] Nous admettons que
Cicéron campait à Charleroy : tout concourt à justifier cette opinion.
Charleroy est situé sur
[55] D’Amiens à
Charleroy il y a
[56] Guerre des Gaules, V, 52.
[57] J’ai lu avec une vive joie ce que tu me dis du courage et de la force d’âme de César dans cette cruelle épreuve (Cicéron, Lettres à Quintus, III, VIII, 166).
[58] Suétone, César, 67. — Polyen, Stratagèmes, VIII, XXIII, 23.
[59] L’un est sur
l’emplacement de la citadelle d’Amiens ; le second est près de Tirancourt ; le
troisième est le camp de l’Étoile (voir Dissertation
sur les camps romains de
[60] Guerre des Gaules, V, 58.
[61] Précis des guerres de César, par Napoléon, chap. V, 5.