1. Guerre des Juifs contre les Syriens — Établissement et consolidation du gouvernement national (167-130). Dans le bourg de Modaîm, ou Modéïn, situé sur une montagne du même nom, près de Lydda, sur la route qui conduit de Joppé à Jérusalem, vivait un prêtre de Jérusalem, appelé Matthathias, fils de Johanan (Jean), fils de Siméon, fils d'Hasmon (Asmonée), de la division sacerdotale de Joïarib (I Chron. 24, 7). Du nom du bisaïeul de Matthathias, les membres de sa famille furent appelés Hasmonéens. Matthathias, déjà avancé en âge, avait cinq fils, nommés : Johanan, Siméon, Juda, Éléazar et Jonathan. Chacun des cinq avait plus tard un surnom (I Maccab. 2, 2-5), dont l'origine est incertaine ; Juda fut appelé Makkabi, ou Maccabée, nom qui paraît être analogue à Martel[1], et comme il se distinguait par son héroïsme plus encore que ses frères, dont, par la volonté du père, il devint le chef, il communiqua son épithète honorifique à tous les Hasmonéens, qui plus tard furent appelés Maccabées. Matthathias et sa famille pleuraient dans leur retraite les malheurs de leur peuple et adressaient leurs prières au Dieu d'Israël, lorsqu'un jour un officier du roi de Syrie, nommé Apellès, se présenta dans le bourg de Modéïn pour forcer les habitants de se soumettre au décret d'Antiochus et de sacrifier aux divinités grecques. Matthathias résista courageusement aux menaces d'Apellès et à ses brillantes promesses, et déclara à haute voix que lui, ses fils et ses frères resteraient fidèles à la religion de leurs pères. Un Juif s'étant approché de l'autel pour faire le sacrifice impie, Matthathias se jeta sur lui et le tua sur-le-champ ; ensuite l'intrépide vieillard, ses fils et quelques autres Juifs, saisis d'une sainte fureur, osèrent attaquer Apellès et ses soldats, et, les ayant tués, ils détruisirent l'autel. Après ce premier acte de vengeance, Matthathias, ayant invité tous ceux qui étaient animés du même zèle pour la religion à s'assembler autour de lui, se retira avec ses fils dans les montagnes de Juda, où un grand nombre de pieux compatriotes vinrent les rejoindre. La nouvelle de la révolte étant arrivée à Jérusalem, le gouverneur Philippe se mit aussitôt en marche contre les rebelles retirés sur divers points dans les cachettes des montagnes. Il en rencontra une troupe cachée dans une caverne, et, les ayant attaqués un jour de sabbat, les malheureux, pour ne pas violer le repos de ce jour sacré, ne prirent aucune mesure pour leur défense, et aimèrent mieux se laisser massacrer avec leurs femmes et leurs enfants, au nombre de mille âmes. A la nouvelle de ce désastre, Matthathias, et les siens, déplorant les scrupules exagérés de leurs compatriotes, résolurent de prendre les armes le jour de sabbat toutes les fois qu'ils seraient attaqués. A Jérusalem on redoubla de fureur contre les Juifs récalcitrants ; on raconte qu'un prêtre nonagénaire, nommé Éléazar, qu'on voulut forcer de manger de la chair de porc, se voua généreusement au martyre, et que sept frères périrent sous les yeux de leur mère, qui, après les avoir elle-même encouragés à subir les plus affreux supplices, expira sur leurs cadavres[2]. S'il était vrai, comme le dit la relation que ces scènes d'horreur se passèrent devant un tribunal présidé par Antiochus, il faudrait supposer que le roi, à la nouvelle de la révolte des Hasmonéens, accourut lui-même en Judée ; mais il est plus que probable que les détails de ces scènes, recueillis par la tradition, ne sont pas exactement historiques. La troupe de Matthathias devint de plus en plus nombreuse ; tous les vrais amis de la religion et de la nationalité juive qui purent échapper aux tyrans vinrent la rejoindre. On désignait ces patriotes par le nom d'Assidéens ou mieux Hasidîm (pieux)[3], par opposition aux impies qui favorisaient le parti grec. Matthathias, à la tête d'une petite armée d'élite, osa prendre l'offensive ; il pénétra dans plusieurs villes, renversa les autels païens, fit circoncire les enfants, et arracha aux ennemis les exemplaires de la loi qu'il trouva entre leurs mains, et qui étaient voués à la destruction. Au bout de quelques mois, le magnanime vieillard, se sentant près de mourir, conféra le commandement de sa troupe à son troisième fils, le vaillant Juda Maccabée, lui adjoignant, comme conseiller, son second fils, nommé Siméon. Après la mort de Matthathias (166), Juda, se trouvant à la tête d'environ six mille hommes, continua, à l'exemple de son père, à parcourir les montagnes de la Judée et à attaquer les Syriens ainsi que les Juifs infidèles. Apollonius, gouverneur de Samarie, étant venu, à la tête de ses troupes, arrêter la marche victorieuse du jeune héros, fut entièrement défait et reçut la mort de la main de Juda, qui lui ôta son épée, pour s'en servir dans les combats. Bientôt après, Séron, général de l'armée de Célésyrie, vint attaquer la troupe de Juda près de Beth-Horôn ; il eut le même sort qu'Apollonius. Les soldats avant vu tomber leur chef, prirent fa fuite ; Juda les poursuivit et en tua huit cents ; les autres s'enfuirent au pays des Philistins. Irrité de ces défaites, Antiochos résolut d'exterminer toute la race juive et de donner à la Judée de nouveaux habitants ; mais ses trésors étaient épuisés et sa perplexité était d'autant plus grande, que les provinces de Perse venaient de refuser le payement du tribut. Obligé de diviser ses forces, il marcha lui-même en Perse avec une partie de ses troupes, et laissa une autre division à la disposition de Lysias, à qui il confia son jeune héritier, et qu'il nomma gouverneur général de toutes les provinces situées entre l'Euphrate et l'Égypte. Lysias envoya en Judée un corps d'armée composé de quarante mille hommes de pied et d e sept mille chevaux, et dont le commandement général fut confié à Ptolémée Macron, gouverneur de Célésyrie. Celui-ci expédia d'abord vingt mille hommes sous les ordres des généraux Nicanor et Gorgias (II Macc., 9) et suivit lui même avec le reste des troupes. Toute l'armée vint camper près d'Emmaüs, dans la Judée occidentale, où se rendirent aussi une foule de marchands d'esclaves, invités d'avance par Nicanor, pour acheter les prisonniers qu'on comptait faire sur les Juifs. Juda, après s'être préparé à Mispah par des actes de dévotion, marcha avec sa petite troupe à la rencontre des ennemis, et résolut de tenter une attaque Il venait d'inviter ses soldats à se tenir prêts pour le lendemain matin, lorsqu'il apprit que Gorgias avait quitté son camp avec cinq mille hommes de pied et mille cavaliers, et qu'il se proposait de surprendre la nuit même le camp des Juifs. A cette nouvelle, Juda partit sur-le-champ pour attaquer le camp syrien que Gorgias venait de quitter. Cette attaque nocturne, qui vint surprendre les Syriens au milieu de la plus profonde sécurité, mit le désordre dans leur camp ; trois mille hommes furent tués par les Juifs, les autres prirent la fuite. Le lendemain matin, Gorgias, revenu de son expédition contre les Juifs qu'il avait vainement cherché à surprendre, trouva son camp en flammes ; saisi de frayeur, il prit la fuite avec toute son armée. Poursuivis par Juda, les Syriens perdirent encore plusieurs milliers d'hommes ; la troupe de Juda pilla ensuite les camps de Gorgias et de Nicanor et enleva l'argent de ceux qui étaient venus pour acheter les prisonniers juifs. Nicanor s'échappa déguisé eu esclave et s'enfuit par mer à Antioche. L'année suivante (165), Lysias conduisit en personne une armée plus nombreuse[4] contre les Juifs, et voulant occuper les positions fortes du midi de la Judée, il arriva par l'Idumée et calma près de Bethsour, situé à vingt milles romains de Jérusalem, sur le chemin de Hébron. Juda, dont la troupe était devenue plus nombreuse, vint l'attaquer avec dix mille hommes et mit en déroute l'armée syrienne., qui laissa cinq mille morts sur le champ de bataille. Lysias s'en retourna à Antioche et fit enrôler de nouvelles troupes à l'étranger pour compléter son armée et la conduire une seconde fois en Judée. Après le départ de Lysias, Juda, pour le moment maître dans le pays, alla s'emparer de Jérusalem, à l'exclusion de la citadelle, qui avait une garnison syrienne. Il purifia le Temple, remplaça tous les objets sacrés qui avaient été enlevés par les Syriens, et ayant fait démolir l'autel du parvis souillé par les sacrifices païens, il en ra construire un nouveau. L'inauguration du nouvel autel eut lieu le 25 kislew de l'an 148 des Séleucides (164), le même jour où, trois ans auparavant, on avait offert dans le Temple les premiers sacrifices à Jupiter Olympien. La fête de l'inauguration (HANUCCA) fut célébrée, avec beaucoup de solennité, pendant huit jours ; on convint qu'une fête pareille aurait lieu chaque année, en commémoration de la victoire des Maccabées, et encore maintenant les Juifs célèbrent ces jours de réjouissance par des illuminations dans leurs synagogues et dans leurs maisons. Pour mettre en sûreté les visiteurs dû Temple contre les attaques de la garnison de la citadelle, on construisît, du côté de la basse ville, une haute Muraille garnie de tours. En même temps Juda fit fortifier Bethsour, dans la crainte d'une nouvelle invasion du côté de l'Idumée. Les peuples voisins ne purent rester indifférents à ces succès des Juifs ; sur plusieurs points ils massacraient les Juifs qui tombaient entre leurs mains. Juda les attaqua et les vainquit dans plusieurs combats ; il défit les Iduméens, et passant de l'autre côté du Jourdain, il combattit les Ammonites conduits par Timothée et Bacchide, et s'empara de la ville de Yaëzer et des environs[5]. A peine revenu en Judée, il apprit que les païens, dans le pays de Gilead, pillaient et massacraient de nouveau les habitants juifs. Ceux-ci s'étaient réfugiés en partie dans une forteresse appelée Dathema, d'où ils envoyèrent des lettres à Juda et à ses frères, pour les supplier de venir à leur secours. En même temps on apprit que les Juifs de Galilée étaient menacés d'une guerre d'extermination de la part des habitants de Ptolémaïde (Acco), de Tyr et de Sidon. Juda envoya eu Galilée son frère Siméon, avec trois mille hommes, tandis qu'il marcha lui-même avec Jonathan, son frère cadet, à la tête de huit mille hommes, contre les Gileadites ; il laissa deux autres capitaines, Joseph et Azaria, pour garder la Judée, et leur défendit de rien entreprendre contre les ennemis, pendant son absence. Siméon ayant vaincu, dans plusieurs combats, les ennemis des Juifs dans la Galilée, mais se voyant hors d'état d'assurer aux Juifs de ces contrées une paix durable, les emmena tous en Judée, avec leurs femmes et leurs enfants. Juda passa le Jourdain ; après trois journées de marche dans le désert, il apprit par les nomades nabatéens que les Juifs de Gilead étaient assiégés dans plusieurs villes, et que le lendemain la forteresse de Dathema devait être prise d'assaut. Se dirigeant sur cette forteresse, il prit, chemin faisant, la ville de Bosor[6], et y mit le feu ; car il avait appris que dans cette ville et dans quelques autres beaucoup de Juifs étaient retenus prisonniers. Ayant ensuite continué sa marche pendant toute la nuit, il arriva au point du jour devant Dathema et attaqua aussitôt les assiégeants qui déjà montaient à l'assaut ; ceux-ci se voyant en présence de Maccabée prirent la fuite,. mais poursuivis par les Juifs, ils furent entièrement défaits et perdirent près de huit mille hommes. Plusieurs villes fortes tombèrent au pouvoir des Juifs et furent livrées au pillage. Timothée, ayant renforcé son armée par des mercenaires arabes, vint se poster près de Raphon, non loin d'Astharoth-Karnaïm. Juda alla à la rencontre des ennemis, et ayant passé courageusement un torrent qui séparait les deux armées, il mit en déroute les troupes de Timothée, qui se réfugièrent en partie dans le temple d'Astharoth-Karnaïm. Juda les y poursuivit, prit la ville et brilla le temple avec tous ceux qui y avaient cherché un refuge. Il rassembla ensuite tous les Juifs qui se trouvaient en Pérée, pour les emmener en Judée avec leurs familles. Avant dé repasser le Jourdain, il conquit et détruisit la ville d'Éphron, dont les habitants lui avaient refusé le passage ; ensuite ayant passé le Jourdain, il alla à Beth-Seân, ou Scythopolis, remercia les habitants de la bienveillance qu'ils avaient témoignée à l'égard des Juifs, et partit pour Jérusalem, où il arriva pour la fête de la Pentecôte (II Maccab. 12, 29-31). Pendant l'absence de Juda, Joseph et Azaria, ayant appris ses exploits et ceux de son frère Siméon, avaient voulu aussi se rendre célèbres par quelque fait d'armes et avaient marché contre Yabné, ou Jannina ; mais ils avaient été repoussés par les troupes de Gorgias, et avaient perdu environ deux mille hommes. Ce fut sans doute pour venger cette défaite que Juda, après avoir arraché aux Iduméens la ville dé Hébron et ses environs, envahit le pays des Philistins. Malgré la perte qu'il essuya d'abord par une tentative imprudente de quelques prêtres, il parvint à s'emparer de la ville d'Asdod, qu'il livra au pillage, après avoir renversé les aie ; tels païens et brûlé les idoles. Satisfait d'avoir ainsi vengé l'échec de ses compagnons d'armes, il retourna immédiatement en Judée. Pendant que les généraux d'Antiochus Épiphanes s'épuisaient en vains efforts pour soumettre un petit nombre de patriotes juifs, le roi lui-même ne fut pas plus heureux dans son expédition contre les provinces de Perse. Voulant renouveler la tentative qui avait coûté la vie à son père, Antiochus le Grand, il chercha à s'emparer d'un des temples les plus riches de la province d'Élymaïde pour en piller les trésors ; mais il fut repoussé par les Elyméens et obligé de s'enfuir. En même temps on lui apporta la nouvelle des victoires remportées sur ses troupes par Juda Maccabée. Il résolut d'aller lui-même en Judée pour exterminer les rebelles ; mais à Tabes, ville de Perse sur les frontières de la Babylonie, il fut atteint d'une cruelle maladie dans les entrailles. Se sentant près de mourir, et n'ayant pour héritier qu'un enfant de neuf ans, il en confia la tutelle à un de ses amis, nommé Philippe, à qui il remit les insignes royaux pour aller en revêtir le jeune roi. Il mourut bientôt après dans des souffrances horribles, l'an 149 des Séleucides (164-163 avant J.C.), après un règne de onze ans et quelques mois. Le jeune Antiochus, surnommé Eupator, se trouvant au pouvoir de Lysias, celui-ci refusa de reconnaître Philippe comme tuteur, et s'empara lui-même de la régence. Philipe se rendit d'abord en Égypte auprès de Ptolémée Philométor ; mais n'y trouvant point d'appui, il alla en Perse, où il réussit à s'entourer de forces suffisantes pour aller attaquer Lysias. En même temps Démétrius, fils de Séleucus Philopator, qui se trouvait toujours à Rome, ayant appris la mort de son oncle Antiochus Épiphanes, réclama la couronne que ce dernier avait usurpée. Mais le sénat de Rome aimant mieux voir le trône de Syrie occupé par un enfant, s'empressa de reconnaître la royauté d'Antiochus Eupator. Néanmoins Démétrius ne renonça pas à ses prétentions et n'attendit qu'une occasion favorable pour s'échapper de Rome. Il y eut donc en Syrie de nombreux éléments de guerres civiles, et grâce à ces conflits, les patriotes juifs, dont l'héroïsme n'aurait pu résister à la longue à de grandes forces unies et compactes, purent continuer une lutte qui était au-dessus de leurs moyens et conquérir, par leur courage et leur dévouement héroïque, l'indépendance de leur patrie. Apres la mort d'Antiochus Epiphanes, Juda résolut de délivrer Jérusalem de la garnison syrienne qui occupait encore la citadelle et qui ne cessait d'exercer de cruelles représailles contre ceux qui visitaient le Temple. Juda fit un appel au peuple ; on assiégea la citadelle, mais sans obtenir un prompt résultat. Quelques-uns des assiégés, et notamment les traîtres juifs qui favorisaient le parti syrien, sortirent du fort, et ayant su tromper la vigilance des soldats de Juda, ils partirent pour Antioche, afin d'engager le nouveau roi à se rendre promptement en Judée. Lysias, à ce qu'il parait, avait déjà préparé des forces redoutables, afin de hâter la soumission des Juifs avant d'être attaqué par son rival Philippe ; une armée immense[7] se mit aussitôt en marche contre la Judée ; Lysias commanda en personne et le jeune roi le suivit au combat. La guerre s'ouvrit de nouveau dans le midi de la Judée et la première attaque fut dirigée contre la forteresse de Bethsour. Le héros Maccabée accourut avec sa petite troupe de patriotes, et pénétrant au milieu de la nuit dans le camp des Syriens, il leur tua près de quatre mille hommes (II Macc. 13, 15) ; mais le matin les Syriens s'étant rangés en bataille, Juda dut céder aux forces supérieures de l'ennemi et se retirer vers Jérusalem. Au nombre des braves qui restèrent sur le champ de bataille fut Éléazar, frère de Juda, qui s'était voué à la mort pour tuer un éléphant qu'il croyait monté par le roi de Syrie. La forteresse de Bethsour fut obligée de se rendre, et l'armée syrienne marcha sur Jérusalem, où les patriotes juifs s'étaient enfermés ; c'en était fait de l'indépendance de la Judée, si la force de l'ennemi n'eût été subitement paralysée par un cou p de la Providence. Au moment de commencer le siège des lieux saints, Lysias reçut la nouvelle inattendue que Philippe, revenu de Perse avec une nombreuse armée, venait de s'emparer d'Antioche. En outre l'armée manquait de vivres ; car c'était une année sabbatique, et les greniers étaient épuisés. Lysias, obligé de se retirer, offrit aux Juifs une paix honorable ; il leur accorda le libre exercice de leur religion et le maintien de leurs lois nationales. Sur la foi du serment fait par le roi et par les chefs de l'armée, les Juifs ouvrirent les portes ; mais le roi viola bientôt son serment, en commandant de démolir la muraille qui protégeait le Temple. Cependant Lysias, avant de retourner en Syrie, donna aux Juifs un grand sujet de satisfaction, en les débarrassant du traitre Menelaüs, instigateur de l'assassinat commis sur le pieux Onias à Antioche. Présentant Menelaüs comme la première cause de toute cette guerre, il conseilla au roi de le faire périr, afin de trouver dans sa mort un gage de paix avec les Juifs. Menelaüs fut envoyé à Berée (Alep), où il périt d'un affreux supplice (II Maccab. 13, 4-7). A sa place un certain Joïakîm, qui portait le nom grec d'Alcime (Alkimos), fut nommé grand prêtre par le roi, quoiqu'il ne fût pas de la famille pontificale, et qu'il existât un héritier direct du pontificat. Le malheureux Onias III avait laissé, en mourant, un jeune fils qui portait également le nom d'Onias, et qui avait été privé de ses droits par l'usurpation de ses oncles Jason et Menelaüs. Se voyant définitivement exclu du pontificat par la nomination du prêtre Alcime, le jeune Onias se réfugia en Égypte, où il fut accueilli avec bonté par Ptolémée Philométor. Il éleva plus tard, sur les ruines d'un temple d'Isis, à Léontopolis, dans le district d'Héliopolis, un temple rival de celui de Jérusalem. ; invoquant un oracle d'Isaïe (ch. 19, v. 18 et 19), il soutint que ce prophète avait prédit l'établissement d'un autel de Jéhova à Héliopolis en Égypte. Il sut gagner pour ce temple des prêtres de la race d'Ahron, et il en devint lui-même le pontife[8]. Lysias, revenu à Antioche, parvint à s'emparer de Philippe, qui fut mis à mort. Mais à peine Antiochus Eupator se fut-il affermi sur le trône, que Démétrius (Soter), fils de Séleucus Philopator, qui, sur le conseil de l'historien Polybe, avait quitté Rome en secret, débarqua subitement sur les côtes de Syrie (en 162). Le bruit se répandit qu'il était envoyé par le sénat de Rome, pour prendre possession du trône de son père ; l'armée se déclara bientôt en sa faveur, et il signala son avènement par le meurtre de son cousin Antiochus et par celui de Lysias. Le prêtre Alcime, que les Juifs avaient refusé de reconnaître comme pontife, se rendit auprès de Démétrius pour l'engager à prendre des mesures sévères contre Juda Maccabée et son parti, qu'il accusait de troubler le repos du pays. Démétrius envoya en Judée un corps d'armée sous les ordres de Bacchide, gouverneur d'une province au delà de l'Euphrate, pour établir Alcime dans la dignité de grand prêtre (161). Alcime et son protecteur Bacchide feignirent d'abord d'apporter la paix et parvinrent même à gagner la confiance d'une partie des amis de Juda. Soixante hommes du parti des Hasidim se rendirent auprès d'Aldine et se montrèrent disposés à le reconnaître pour pontife ; mais il les fit traîtreusement assassiner. Bacchide, après avoir établi Alcime à Jérusalem et lui avoir laissé les troupes nécessaires pour le protéger, retourna en Syrie. La trahison d'Aldine alluma de nouveau la guerre civile entre son parti et celui de Juda ; Alcime, ne pouvant lutter longtemps avec avantage contre les patriotes, se rendit une seconde fois auprès du roi Démétrius pour implorer son secours. Cette fois le commandement des troupes fut confié à Nicanor, qui, cinq ans auparavant, avait pris part à la malheureuse expédition de Gorgias. Nicanor, arrivé à Jérusalem, loua d'abord le rôle de médiateur pacifique ; sur son invitation, Juda et ses frères se rendirent auprès de lui, avec les précautions nécessaires, et furent redis avec des témoignages d'amitié. Mais bientôt Juda s'aperçut des véritables intentions de Nicanor, et rompant les négociations, il se prépara à la guerre. Un combat s'engagea près d'un village appelé Caphar-Salama ; Nicanor, repoussé avec perte, se retira dans la citadelle de Jérusalem[9]. Il menaça les prêtres et les anciens de brûler le Temple, si Juda ne lui était livré avec sa troupe ; on dit qu'il envoya des soldats pour faire saisir Razia, un des anciens, renommé pour ses vertus et sa piété, mais que celui-ci prévint les sicaires de Nicanor, en se donnant lui-même la mort (II Maccab. 14, 37-46). Nicanor marcha de nouveau contre Juda qui campait près d'Adasa, non loin de Beth-Horon. Malgré les renforts que Nicanor venait de recevoir de Syrie, il fut battu par les trois mille hommes de Juda ; il tomba lui-même dès le commencement du combat, et l'armée syrienne, voyant son chef tué, prit la fuite. Les Juifs la poursuivirent et en tuèrent un grand nombre. Juda fit couper la tête et la main droite de Nicanor pour les exposer à Jérusalem. Le jour de cette victoire fut le 13 du mois d'adar (février-mars), la veille de la fête d'Esther ; on convint de perpétuer la mémoire de cette journée par une fête annuelle. On trouve encore bien plus tard des traces de cette fête de Nicanor[10], qui est tombée en désuétude chez les Juifs. La Judée respira un moment ; Juda, pour ne pas être exposé aux attaques continuelles des Syriens, voulut mettre son peuple sous la protection d'une grande puissance étrangère, et envoya deux ambassadeurs à Rome, pour demander ail sénat de conclure une alliance avec lui. Les négociations réussirent empiétement ; le sénat de Rome ne fit pas de difficultés à conclure un traité qui ne pouvait porter aucun préjudice au peuple romain, et qui lui donnait la perspective d'intervenir avec une apparence de droit dans les affaires intérieures de la Judée et de la Syrie[11]. Par suite de cette alliance, le sénat enjoignit à Démétrius de laisser les Juifs en repos, le menaçant de lui faire la guerre s'il osait les inquiéter de nouveau (I Maccab. 8, 31 et 32). Mais au printemps de l'an 152 des Séleucides (160 avant J. C.), avant que la lettre du
sénat fût parvenue à Démétrius, celui-ci, pour venger la défaite de Nicanor,
envoya, en Judée un corps d'armée compose de vingt mille hommes de pied et de
deux mille chevaux, sous le commandement de Bacchide. Cette armée, traversant
la Galilée, tua un grand nombre de Juifs qui s'étaient réfugiés dans les
cavernes près d'Arbèles (non loin de Séphoris)
; de là elle marcha sur Jérusalem. Juda campa avec trois mille hommes, dans
les environs de la capitale, près d'un village appelé (selon Josèphe) Beth-zétho[12]. Bacchide marcha
à sa rencontre ; à la vue des nombreuses phalanges syriennes qui s'avançaient
en bon ordre, les soldats de Juda perdirent courage et désertèrent du camp, à
l'exception de huit cents hommes qui ne voulurent pas abandonner leur chef.
En vain on représentait à Juda l'impossibilité de soutenir une lutte aussi
inégale ; son courage restait inébranlable : Dieu me
garde, dit-il, de fuir devant eux ; si notre
heure est venue, mourons vaillamment pour nos frères, et ne laissons point de
blâme à notre gloire. Avec le courage du désespoir, Juda et ses braves
se jetèrent sur l'aile droite de l'ennemi commandée par Bacchide en personne
; les Syriens ne pouvant soutenir le choc, se retirèrent en désordre, et Juda
les poursuivit. Mais l'aile gauche, venant au secours de Bacchide, attaqua
les Juifs par derrière ; Juda et ses héros enveloppés de toute part
résistèrent encore et trouvèrent, en combattant, une mort glorieuse. La lutte
était terminée ; la mort de Juda fit triompher l'oppresseur et les traîtres
qui l'appuyaient. Mais Juda légua aux patriotes l'exemple de son dévouement
héroïque et leur laissa dans ses frères des guides courageux, dont le calme
et la prudence devaient achever l'œuvre pour laquelle le fougueux héroïsme de
Juda avait donné l'impulsion. L'enthousiasme religieux et l'esprit
d'indépendance que les exploits de Juda avaient fait naître parmi les Juifs,
ne pouvaient plus être étouffés par une défaite et devaient d'un moment à
l'autre faire revivre le courage et recommencer la lutte. Le corps de Juda
fut emporté du champ de ha-taille par ses frères Jonathan et Siméon, qui
l'ensevelirent dans le sépulcre de leur famille, au bourg de Modéïn. Bacchide abandonna l'administration du pays à Alcime et aux hommes de son parti, qui crurent affermir leur pouvoir en livrant au tyran étranger tous les amis de Juda dont ils purent s'emparer. La famine, qui désolait alors la Palestine, força un grand nombre de Juifs de se soumettre à ceux qui, peur le moment, dominaient dans le pays. Le désespoir des patriotes était au comble ; ils s'adressèrent à Jonathan, frère de Juda, et le supplièrent de se mettre à leur tête pour recommencer la lune. Jonathan y consentit ; menacé d'être pris par Bacchide, il se retira d'abord, avec sa troupe, dans le désert de Thécoa, au midi de Jérusalem. De là il envoya son frère Johanan à la tête d'un détachement, qu'il chargea d'emporter tous les bagages pour les mettre en sûreté chez les nomades nabatéens, amis des patriotes juifs. Le convoi fut attaqué par des Arabes de la tribu des Amanites, ou Beni-Amr, de Médaba, qui s'emparèrent des bagages et tuèrent Johanan et ses gens. — Après le départ de Johanan, Jonathan et son frère Siméon s'étaient rendus avec leur troupe dans les endroits marécageux de la plaine du Jourdain, peu praticables pour une armée nombreuse. Cependant Bacchide vint les y attaquer un jour de sabbat ; malgré la sainteté de ce jour, Jonathan encouragea les patriotes à prendre les armes, et leur présenta les dangers qui les menaçaient, étant enfermés entre le Jourdain et les ennemis. Le combat s'engagea ; les Juifs tuèrent beaucoup de monde à Bacchide, et déjà l'épée de Jonathan était levée sur la tête de ce chef, mais Bacchide para le coup. Ne pouvant résister plus longtemps aux ennemis qui leur étaient bien supérieurs en nombre, les patriotes juifs, Jonathan en tête, se jetèrent dans le Jourdain et le traversèrent à la nage. Bacchide retourna à Jérusalem ; pour tenir en respect les patriotes, il donna immédiatement l'ordre de remettre en bon état les fortifications des principales villes de la Judée, dans lesquelles il établit des garnisons syriennes. Dans la citadelle de Jérusalem, il mit comme otages les fils des principaux habitants du pays. Jonathan et Siméon, restés dans les environs du Jourdain, trouvèrent bientôt l'occasion de venger la mort de leur frère Johanan sur les Arabes Amanites, au moment où ceux-ci, revenus de la rive droite du Jourdain, où ils étaient allés chercher la fiancée d'un des leurs, allaient rentrer à Médaba en procession solennelle. Jonathan et ses gens, placés en embuscade, tombèrent sur les Amarites, en tuèrent un grand nombre et firent un riche butin. L'année suivante (159), le grand prêtre Alcime, croyant son pouvoir assez solidement établi pour entreprendre des innovations qui devaient flatter ses amis et ses protecteurs païens, commença par faire démolir les murs intérieurs du parvis du Temple qui marquaient la limite jusqu'où les païens pouvaient pénétrer ; mais frappé subitement de paralysie, il mourut bientôt après dans de grandes douleurs. Bacchide, après la mort de son protégé, repartit aussitôt pour Antioche, sans s'occuper de la nomination d'un nouveau pontife. Le pays était tranquille ; les deux frères Hasmonéens, restés dans leur retraite près du Jourdain, eurent le temps de rassembler de nouvelles forces, sans être inquiétés par les Syriens. Peut-être ce repos, qui dura près de deux ans, était-il dû au traité conclu par Juda Maccabée avec le sénat de Rome, et dont la notification avait dû parvenir à Démétrius, qui, dans sa position, était obligé d'avoir des égards pour le peuple romain. Cependant le parti grec parmi les Juifs, voyant avec peine et avec inquiétude la tranquillité dont jouissait le parti des Hasmonéens, usa de nouvelles intrigues auprès de Bacchide et l'engagea à venir surprendre Jonathan, dans sa retraite, et exterminer son parti, ce qui était présenté comme une chose très-facile. Bacchide revint avec un corps d'armée ; mais Jonathan, prévenu du complot, se tint sur ses gardes. Il parvint à saisir cinquante des meneurs, qu'il fit mettre à mort. Cependant n'étant pas de force pour résister aux troupes de Bacchide, il se retira dans le désert et se fortifia dans un endroit appelé Bethbasi, ou (selon Josèphe) Bethalaga. Confiant la défense de la forteresse à son frère Siméon, Jonathan fit des excursions dans les environs et harcela les ennemis, sur lesquels il remporta des avantages signalés. Siméon ne fut pas moins heureux au poste qu'il occupait ; non-seulement Bacchide s'épuisa en vains efforts pour se rendre maitre de la forteresse, mais il fut même attaqué par Siméon qui faisait souvent des sorties et brûlait les machines de guerre des assiégeants. Bacchide, obligé enfin de renoncer au siège et de se retirer, déchargea sa colère sur les traîtres juifs qui l'avaient engagé à cette expédition, et en fit mourir plusieurs. Jonathan, informé de la retraite de Bacchide, envoya des messagers auprès de lui pour lui offrir la paix et l'échange des prisonniers. Bacchide accepta volontiers les propositions de Jonathan, conclut avec lui un traité de paix et se retira de la Judée pour ne jamais y rentrer. Cependant les garnisons syriennes restèrent dans les forteresses et notamment dans la citadelle de Jérusalem. Jonathan établit sa résidence à Michmas. Son parti se fortifiait de jour en jour, ses ennemis étaient terrassés, et pendant quatre ans (157-153) le pays jouit d'une profonde tranquillité. En 153, un imposteur, Alexandre Balas, se disant fils d'Antiochus Épiphanes, et favorisé par le sénat de Rome, entra dans Ptolémaïde (Acco), s'y fit proclamer roi de Syrie, et fut reconnu par un parti nombreux, mécontent de Démétrios qui menait une vie dissipée et négligeait les affaires du royaume. Démétrius, craignant que les patriotes juifs ne profitassent de cette occasion pour se rendre indépendants en favorisant l'usurpation d'Alexandre, écrivit à Jonathan pour lui conférer le commandement de la Judée, l'autorisant à lever des troupes et à faire provision d'armes ; en même temps il ordonna de rendre les otages qui se trouvaient dans la citadelle de Jérusalem. Les garnisons syriennes évacuèrent toutes les places de la Judée, à l'exception de la forteresse de Bethsour et de la citadelle de Jérusalem, occupées principalement par des Juifs du parti grec. Jonathan lit aussitôt rétablir les murs qui protégeaient le Temple, et établit sa résidence à Jérusalem. Alexandre, désirant attirer Jonathan dans son parti, renchérit sur les offres de Démétrius, et appelant Jonathan son frère et ami du roi, il lui envoya une couronne d'or et une robe de pourpre et lui conféra la dignité de grand prêtre. Jonathan, qui avait accepté les concessions de Démétrius sans prendre aucun engagement envers lui, accepta également les offres d'Alexandre, et n'hésita pas à reconnaître ce prétendant qui, par sa position même, lui offrait plus de garanties que toutes les promesses de Démétrius, dictées par une nécessité momentanée. A la fête des Tabernacles de l'an 160 des Séleucides (octobre 153), Jonathan se présenta pour la première fois au Temple, revêtu des ornements pontificaux et ouvrit la série des grands prêtres hasmonéens. Démétrius écrivit une seconde lettre à Jonathan pour faire à la nation juive les offres les plus brillantes. Il offrit d'affranchir les Juifs du tribut et des différents impôts qui se composaient de droits sur le sel, du tiers des semences, de la moitié des fruits des arbres, des couronnes ou présents honorifiques ; les mêmes exemptions devaient être accordées à divers districts des pays de Samarie et de Galilée qui avaient été joints à la Judée, et qui devaient demeurer sous la domination immédiate du grand prêtre. Il promit aussi d'évacuer la citadelle de Jérusalem et de la livrer à Jonathan, qu'il confirma dans la dignité de grand prêtre ; de renoncer aux cinq mille sicles d'argent que lui fournissait chaque année le Temple de Jérusalem ; de faire don à ce Temple de quinze mille sicles par an et de la ville de Ptolémaïde, pour subvenir aux dépenses nécessaires du sanctuaire ; de mettre eu liberté tous les captifs juifs ; d'exempter les Juifs de son royaume de tout service pendant les jours de fête, de même que trois jours avant et après les fêtes ; de prendre à sa solde trente mille Juifs, commandés par leurs propres chefs, et d'admettre des Juifs a occuper des emplois supérieurs, sans les troubler dans l'exercice de leurs devoirs religieux. Ces promesses et d'autres encore furent laites par celui qui naguère avait traité les Juifs en sujets rebelles et avait cherché à exterminer les patriotes ; elles étaient trop belles pour que Jonathan prît les croire sincères. Il resta donc fidèle à Alexandre, et bientôt il eut lieu de se louer du parti qu'il avait pris ; dans le second combat entre Alexandre et Démétrius (151), ce dernier fut vaincu et perdit la vie. Alexandre, monté sur le trône, se montra reconnaissant envers Jonathan ; en 150, célébrant à Ptolémaïde son mariage avec Cléopâtre, fille de Ptolémée Philométor, il invita Jonathan à assister aux fêtes, et le recevant avec beaucoup de distinction, il l'honora d'une robe de pourpre et le fit asseoir près de lui. En même temps il le nomma général en chef et gouverneur de Judée et fit cesser les intrigues des malveillants, en refusant d'écouter les plaintes qu'on portait contre lui. Le fils aîné de Démétrius Soter, qui portait également le nom de Démétrius, s'était réfugié en Crète. Après quelques années (en 147), ayant appris que les Syriens étaient peu satisfaits du nouveau roi, il se présenta, à la tête d'une petite armée de Crétois, en Cilicie, où il fut favorablement accueilli, et s'avança de là en Syrie. Apollonios, gouverneur de Célésyrie, se déclara en faveur du prétendant, et ayant rassemblé ses troupes près de Yabné, ou Jamnia, il menaça Jonathan, qui resta fidèle à Alexandre. Jonathan marcha avec dix mille hommes sur Joppé, et s'empara de cette ville ; ensuite, ayant remporté une victoire sur Apollonius, il mit le feu à la ville d'Asdod, où les ennemis avaient cherché un refuge. Ascalon se soumit également au vainqueur, qui retourna à Jérusalem chargé de butin. Alexandre ; pour témoigner sa reconnaissance à Jonathan, lui envoya une agrafe d'or, telle qu'on n'en envoya qu'aux princes du sang, et lui céda la ville d'Ekrou, qui fut réunie à la Judée. Alexandre se trouvait encore en Cilicie, où il était allé combattre l'insurrection, lorsque Ptolémée Philométor, dont il avait imploré le secours, arriva, en 146, avec une armée de terre et une flotte, sur les côtes de la Palestine et de la Phénicie, avec l'intention secrète de s'emparer lui-même de la Syrie, en expulsant son gendre. Dans cette vue, il laissa des garnisons égyptiennes dans toutes les villes de la côte. Jonathan qui vint le rejoindre à Joppé fut très-bien accueilli, et l'accompagna jusqu'à l'Éleutherus (fleuve sur les limites de la Phénicie et de la Syrie), d'où il retourna à Jérusalem. Philométor, prétendant qu'Alexandre avait voulu attenter à ses jours[13], fit reprendre sa fille Cléopâtre, femme d'Alexandre, qu'il offrit en mariage à Démétrios, lui promettant de le rétablir sur le trône de son père. Le roi d'Égypte se présenta bientôt devant Antioche, le peuple se souleva contre Ammonius, ministre d'Alexandre, le massacra et ouvrit les portes à Philométor, qui fut proclamé roi de Syrie. Alexandre revint en toute hâte de la Cilicie, et conduisit toute son armée contre Philométor ; mais il fut défait et s'enfuit en Arabie, où il tomba victime d'une trahison, après avoir régné cinq ans et quelques mois. Philométor mourut bientôt après, d'une blessure qu'il avait reçue dans son combat contre Alexandre. Démétrius monta sur le trône de Syrie et prit le nom de Nicator (vainqueur) ; il confia les rênes du gouvernement à un certain Lasthène, Crétois, qui lui avait rendu de grands services, et lui avait fourni les troupes avec lesquelles il était allé insurger la Cilicie. Lasthène fit massacrer les garnisons égyptiennes, et congédia toutes les troupes, à l'exception des mercenaires qu'il avait amenés des îles de Grèce, ce qui excita au plus haut degré le mécontentement du peuple. A cette époque (145), Jonathan entreprit le siège de la citadelle de Jérusalem, pour se délivrer enfin de la garnison syrienne qui occupait encore cette partie de la capitale. Démétrius le lit venir à Ptolémaïde, pour lui demander compte de sa conduite ; Jonathan s'y rendit, accompagné d'une nombreuse suite d'anciens et de prêtres, et précédé de riches présents. Le roi, satisfait de ses explications, lui confirma les privilèges accordés par ses prédécesseurs, et consentit, pour la somme de trois cents talents que Jonathan lui promit, à affranchir de tout impôt la Judée, ainsi que les districts de Samarie et de Galilée qui y avaient été joints, ce qui augmenta considérablement le pouvoir de Jonathan. Pendant l'absence de Jonathan, le siège de la citadelle de Jérusalem avait été continué sans succès ; Jonathan entama des négociations à ce sujet avec Démétrius. Une révolte venait d'éclater à Antioche, et Démétrius, manquant de défenseurs, promit à Jonathan d'évacuer la citadelle, si celui-ci voulait envoyer des troupes à son secours. Jonathan expédia trois mille Juifs, qui, s'étant rendus maîtres de la ville d'Antioche, y mirent le feu, firent un grand carnage des insurgés et délivrèrent le roi. Mais l'ingrat Démétrius, se voyant sauvé, ne voulut pas accomplir ses promesses ; non-seulement la citadelle né fut pas évacuée, mais Démétrius réclama même les impôts que Jonathan avait rachetés pour trois cents talents. Cependant un nouvel orage qui éclata sur la tête de Démétrius fournit bientôt à Jonathan l'occasion de prendre sa revanche. Diodotus, surnommé Tryphon, l'un des généraux d'Alexandre Balas, ramena d'Arabie le fils de son ancien maître, nommé Antiochus, pour le placer sur le trône de Syrie. Les troupes qui avaient été congédiées par Démétrius, s'empressèrent de se ranger sous les drapeaux du prétendant ; Démétrius fut battu et forcé de se retirer à Séleucie, et le fils d'Alexandre, Antiochus VI (Théos), monta sur le trône (144). Il fit aussitôt à Jonathan les offres les plus avantageuses, en confirmant tous ses privilèges, et nomma en outre son frère Siméon général de l'armée de la côte, depuis Tyr jusqu'aux frontières d'Égypte. Jonathan ayant accepté les offres d'Antiochus, marcha sur Ascalon qui se soumit volontairement, et prit Gaza après en avoir fait brûler les faubourgs ; en peu de temps il fit reconnaître Antiochus dans tout le pays jusqu'à Damas. Démétrius, qui avait établi son gouvernement à Séleucie, envoya des troupes en Galilée pour attaquer Jonathan, qui campait près du lac de Génésareth. Le combat s'engagea dans les environs de Hasor ; les ennemis avant placé des embuscades dans les montagnes, attaquèrent les troupes de Jonathan sur plusieurs points. Déjà Jonathan voyait s'enfuir une partie de son armée ; mais deux de ses généraux ayant courageusement chargé l'ennemi, leur exemple ranima les autres, et l'armée de Démétrius fut totalement défaite. En même temps, Siméon poursuivit ses succès dans le midi, se rendit maître de la forteresse de Bethsour, et y mit une garnison juive. Jonathan, revenu à Jérusalem, voulant s'affermir dans la position presque indépendante qu'il avait prise par ses exploits et par sa conduite pleine de sagesse, envoya des ambassadeurs à Rome, pour renouveler l'alliance avec le peuple romain. Le premier livre des Maccabées (ch. 12, v. 5-23) parle aussi, à cette occasion, du renouvellement d'une autre alliance jadis conclue entre les Juifs et les Spartiates, et d'une lettre écrite autrefois par un roi de Sparte, nommé Darius, ou Arius[14], au grand prêtre Onias et dans laquelle on rappelait que les Spartiates étaient, comme les Juifs, descendants d'Abraham. Mais les difficultés historiques et chronologiques qu'offre ce document ne permettent pas à l'historien de le 'considérer comme authentique ; dans tous les cas, il doit y avoir ici quelque confusion qu'il est impossible d'éclaircir[15]. Démétrius, s'étant remis de sa défaite en Galilée, voulut tenter une nouvelle attaque contre les Juifs. Jonathan marcha au-devant des ennemis jusqu'aux environs de Hamath (Épiphanie), en Syrie, pour ne pas leur donner le temps d'entrer en Palestine. Ayant appris par des émissaires que les troupes de Démétrius devaient le surprendre dans la nuit, il prit des mesures de défense tellement bien combinées que les ennemis, craignant une défaite, cherchèrent leur salut dans une retraite subite. Le lendemain Jonathan, s'en étant aperçu, se mit à leur poursuite ; mais ils s'étaient hâtés de passer l'Eleuthérus, et il ne put les atteindre. Se dirigeant vers Damas, il rencontra une horde arabe qui lui était hostile ; il la défit et prit ses dépouilles. En même temps, Siméon combattit dans le midi les amis de Démétrius, qu'il expulsa de Joppé et des autres forteresses. Revenus à Jérusalem, les deux frères, de commun accord avec les anciens, prirent des mesures pour fortifier la capitale et d'autres villes de la Judée, et pour resserrer de plus en plus les ennemis qui occupaient encore la citadelle, de manière e leur rendre impossible toute communication avec la ville. Sur ces entrefaites, Tryphon, qui avait élevé au trône le jeune Antiochus, fils d'Alexandre, pour gouverner sous son nom, résolut de lui enlever la couronne et de se faire proclamer roi de Syrie (143). Craignant avec raison que Jonathan ne mit obstacle à sa trahison, il vint en Palestine avec une armée. Jonathan, qui probablement avait conçu des soupçons, alla au-devant de lui avec quarante mille Nommes et le rencontra à Bethseân ; mais Tryphon le combla d'honneurs et lui donna à l'extérieur toutes les marques d'une bienveillance sincère, disant qu'il était venu pour lui remettre Ptolémaïde et d'autres forteresses. Il lui persuada donc de renvoyer ses troupes et de venir à Ptolémaïde ; Jonathan le crut et partit avec trois mille hommes, dont il laissa deux mille en Galilée. Dès qu'il fut arrivé à Ptolémaïde avec ses mille hommes, Tryphon fit fermer les portes de la ville, a ayant fait massacrer les soldats de Jonathan, il s'empara de sa personne. Il envoya ensuite une division de ses troupes en Galilée, pour faire main basse sur les deux mille hommes que. Jonathan y avait laissés ; mais ceux-ci se montrant résolus à opposer une résistance désespérée, les Syriens n'osèrent les attaquer, et ils purent retourner en Judée, où la nouvelle de l'infâme trahison de Tryphon répandit la plus profonde consternation. Siméon, qui s'occupait alors à mettre en état de défense Hadida et d'autres villes de l'ouest de la Judée, ayant appris le malheur qui venait de frapper son frère, accourut à Jérusalem, et ayant assemblé le peuple, il l'exhorta à s'armer de courage dans les nouveaux dangers qui menaçaient la patrie, et offrit de se mettre à la tête de l'armée et de sacrifier sa vie, comme l'avaient fait ses frères, pour le salut de sa nation. Les paroles de Siméon furent accueillies avec le plus vif enthousiasme, et il fut nominé chef de la nation. Il envoya aussitôt à Joppé une division commandée par tin capitaine distingué, Jonathan, fils d'Absalom, pour s'assurer de cette place, tandis qu'il campa lui-même près de Hadida. Tryphon partit de Ptolémaïde avec une grande armée, pour envahir la Judée, et mena avec lui le malheureux Jonathan prisonnier ; mais voyant les forces dont disposait Siméon, il n'osa l'attaquer. Il fit dire à Siméon qu'il n'avait gardé Jonathan que pour se faire payer cent talents que celui-ci devait au roi, et qu'il était prêt à le mettre en liberté aussitôt que Siméon lui aurait payé cette somme et envoyé les deux fils de Jonathan comme otages, pour répondre de la fidélité de leur père. Siméon craignit bien que ce ne fût là qu'une nouvelle perfidie ; mais pour ne pas s'exposer à des reproches de la part du peuple, il envoya a Tryphon les cent talents et les deux enfants de Jonathan. Ce que Siméon avait craint arriva en effet ; Jonathan ne fut point rendu à la liberté. Tryphon se rendit en Idumée, cherchant à envahir la Judée par le midi ; mais Siméon le suivit partout et déjoua ses projets. Sollicité par la garnison syrienne de la citadelle de Jérusalem qui manquait de vivres, Tryphon expédia toute sa cavalerie pour la délivrer ; mais on était dans l'hiver et une forte neige mit obstacle à cette expédition. Tryphon se retira dans le Gilead, d'où il retourna à Antioche, après avoir fait assassiner Jonathan près d'une petite ville appelée Bascama (I Maccab. 13, 23). Siméon alla chercher la dépouille mortelle de son frère et l'ensevelit à Modéïn dans le tombeau des Hasmonéens ; le peuple tout entier pleura le héros qui avait échappé à tant de périls pour recevoir la mort de la main d'un lâche assassin. Bientôt Siméon éleva à Modéïn un magnifique mausolée de pierres de taille ; sous un portique très-élevé et reposant sur des colonnes d'une seule pierre, ornées d'armes et de navires en bas-relief, on voyait sept pyramides, pour la mémoire des parents et des cinq fils, dont Siméon était le dernier survivant. Ce monument était vu de loin par les navigateurs de la Méditerranée ; il existait encore près de trois siècles après la destruction de Jérusalem. Peu de temps après le retour de Tryphon à Antioche, le bruit se répandit que le jeune Antiochus était mort, sous la main des médecins, pendant une opération[16] ; Tryphon, qui se fit proclamer roi (143-42), passa, aux yeux de tout le Inonde, pour le meurtrier d'Antiochus. Les Juifs, si cruellement trompés par Tryphon, n'hésitèrent point à reconnaître la royauté de Démétrius et à lui offrir leur secours contre l'assassin de Jonathan et d'Antiochus. Démétrius qui était encore à Séleucie, et dont l'armée venait d'être battue, près de Ptolémaïde, par celle de Tryphon, accepta avec empressement les propositions de paix faites par les ambassadeurs de Siméon, qui lui offrirent, de la part de leur maître, une couronne d'or et un manteau de pourpre ; il souscrivit à toutes les conditions, et, promettant d'oublier le passé, il reconnut Siméon comme grand prêtre et chef de la nation juive, lui abandonna toutes les forteresses de la Judée, et exempta ce pays du tribut et de tous les impôts. Dès lors Siméon devint de fait prince indépendant, et la suzeraineté du roi de Syrie ne fut plus qu'une vaine forme. Et l'an 170 des Séleucides (142 avant J.-C.), le peuple juif commença une nouvelle ère, et on écrivit dans les actes publics : La première année de Siméon, grand prêtre et prince des Juifs (I Maccab. 13, 42). Siméon eut soin de remettre les forteresses en bon état ; il s'empara de Gazer, ou Gazara (place forte près de Beth-Horon, au nord-ouest de Jérusalem), de Joppé et de Jamnia (Yabné)[17], et la garnison syrienne de la citadelle de Jérusalem, ne voyant plus aucun moyen de salut, demanda enfin à capituler. Le 23 du deuxième mois de l'an 171 (mai 141), les Juifs prirent possession de la citadelle. Siméon la lit raser et on se mit aussitôt à aplanir la hauteur sur laquelle elle avait été élevée et qui dominait le Temple ; ce travail dura trois ans. Il fortifia la hauteur sur laquelle était situé le Temple et y fixa sa résidence (I Maccab. 13, 53), probablement au N.-O. du Temple, là où ses successeurs élevèrent un château appelé Baris et plus tard Antonia. Johanan, ou Jean Hyrcan, fils de Siméon, fut nommé général en chef, et s'établit à Gazara. Siméon, qui déjà avait fait annoncer au sénat de Rome la mort de son frère Jonathan, envoya à Rome une nouvelle ambassade avec un grand bouclier d'or pour confirmer son alliance avec la république romaine. A Jérusalem, on convoqua, l'année suivante, une grande assemblée nationale, composée des prêtres, des anciens et de tous les chefs du peuple, pour conférer solennellement à Siméon et à ses descendants la dignité de grand prêtre et de prince des Juifs, avec des pouvoirs très-étendus et le droit exclusif de convoquer les assemblées nationales ; tous les actes publics devaient être dorénavant rédigés sous son nom. L'acte d'investiture, daté du 23 éloul 172, troisième année du règne de Siméon (septembre 140), fut gravé sur une table d'airain et placé à l'entrée du parvis du Temple ; une copie en fut mise dans les archives. Ce fut environ à la même époque que Démétrius Nicator, ayant tourné ses armes contre l'Arsacide Mithridate, roi des Parthes, fut fait prisonnier et envoyé en Hyrcanie, où il se maria avec Rhodogune, fille de Mithridate. Cléopâtre, sa première femme qu'il avait laissée à Séleucie, offrit sa main et la couronne de Syrie à Antiochus Sidètes, frère de Démétrius, qui se trouvait alors à Rhodes. Antiochus accepta avec empressement les offres de sa belle-sœur, se fit proclamer roi de Syrie et se prépara à continuer la guerre contre l'usurpateur Tryphon. Il écrivit à Siméon pour lui confirmer toutes les concessions que ses prédécesseurs lui avaient faites et y ajouta même le droit de frapper de la monnaie (I Maccab. 15, 6), droit dont Siméon, à ce qu'il parait, avait déjà usé depuis deux ans, sans attendre l'autorisation du gouvernement syrien[18]. L'année suivante (139-38), Antiochus, ayant rassemblé une nombreuse armée, marcha contre Tryphon ; l'usurpateur perdit la plus grande partie de ses troupes, qui passèrent du côté d'Antiochus, et il fut obligé de se réfugier dans la forteresse de Dor. Là Antiochus vint l'assiéger, par terre et par mer, avec toute son armée, qui, dit-on, se composa de cent vingt mille hommes de pied et de huit mille chevaux (I Maccab. 15, 13). Siméon lui envoya deux mille hommes d'élite avec des armes et des machines de guerre, ainsi que de l'argent pour subvenir aux frais de l'expédition ; mais Antiochus refusa les secours de Siméon et manifesta des intentions hostiles, croyant probablement pouvoir se passer de l'alliance de Siméon, puisque Tryphon était réduit à la dernière extrémité. L'usurpateur, obligé de rendre la forteresse de Dor, s'enfuit par mer à Orthosiade, ou Orthosie, au nord de Tripolis ; de là il se rendit à Apamée, sa ville natale, où, quelque temps après, il fut pris et tué. L'ambassade que Siméon avait envoyée à Rome venait de revenir en Judée ; elle avait eu le plus grand succès, et le consul Lucius Camélias Pison avait adressé des lettres à Démétrius Nicator, au roi d'Égypte, Ptolémée Physcon, et à plusieurs gouvernements d'Asie et de Grèce, leur recommandant de respecter le territoire des Juifs et de livrer au prince Siméon les traîtres qui se réfugieraient auprès d'eux. Antiochus Sidètes, ne tenant aucun compte de la lettre de Rome qui était adressée à son frère Démétrius, rétracta les promesses qu'il avait faites à Siméon, et lui fit signifier par son favori Athénobius que, pour avoir la paix, il devait lui que, les villes de Gazara et de Joppé et la citadelle de Jérusalem, ou paver, à leur place, cinq cents talents ; en outre, il lui fit demander cinq cents autres talents pour les dégâts faits pendant la guerre. Siméon offrit de payer cent talents pour Gazara et Joppé, et repoussa avec dignité toutes les autres prétentions d'Antiochus : Nous n'avons point pris, dit-il, le pays d'autrui, mais c'est l'héritage de nos pères qui a été, pendant quelque temps, injustement possédé par nos ennemis, et que nous avons repris quand nous en avons trouvé l'occasion. Athénobius ne répondit pas un mot, et s'en retourna aussitôt auprès d'Antiochus. Celui-ci, sur le point de partir pour réduire le reste des partisans de Tryphon, envoya contre la Judée son général Cendebée, qui se rendit, avec une armée, dans les environs de Joppé et de Jamnia, et s'étant fortifié dans un endroit appelé Kedron, ou (selon la Vulgate) Gedor (I Maccab. 15, 39 et 40)[19] il ravagea l'otiest de la Judée. Jean Hyrcan, qui résidait à Gazara, vint à Jérusalem avertir son père Siméon des mouvements de Cendebée. Siméon, trop âgé pour se mettre lui-même à la tête de ses troupes, en confia le commandement à ses fils Juda et Jean, qui marchèrent contre Cendebée avec vingt mille hommes de pied et quelque cavalerie. Une vigoureuse attaque força Cendebée de se jeter dans la place où il s'était fortifié, et son armée se débanda ; Juda fut blessé, mais Jean poursuivit les fugitifs jusque dans les plaines d'Asdod, brilla les tours occupées par les ennemis et fit périr deux mille hommes. La victoire resta aux Juifs ; le territoire de la Judée fut délivré des Syriens, et Siméon gouverna dès lors avec une entière indépendance. Siméon disposa d'un pouvoir presque absolu ; il en usa avec justice et Modération, et la Judée jouit, sous Sa domination, de quelques années de paix et de bonheur. Une noire trahison vint interrompre ce bonheur, et jeter de nouveau le pays dans le trouble et la consternation. Ptolémée, fils d'Aboub, gendre de Siméon, était gouverneur du district de Jéricho ; riche et ambitieux, il forma le projet de se mettre à la place de son beau-père, et probablement il était d'intelligence avec Antiochus Sidètes, lui promettant de placer de nouveau la Judée sous la souveraineté des rois de Syrie. Siméon étant allé faire une tournée dans son pays et visiter les principales villes pour s'enquérir de leurs besoins et mettre en bon ordre leur administration, vint à Jéricho, avec sa femme et deux de ses fils, Matthathias et Juda, au mois de schebât de la huitième année de son règne (janvier-février 135). Ptolémée les invita traîtreusement à se rendre à son château de Dôch, situé au nord de Jéricho, et leur donna un grand festin ; au milieu de la gaieté produite par le vin, Ptolémée et ses gens se jetèrent sur Siméon et l'assassinèrent. Sa femme et ses fils furent jetés en prison[20]. Ptolémée annonça aussitôt la mort de Siméon à Antiochus Sidètes et lui demanda d'envoyer des troupes à son secours ; en même temps il chercha à corrompre plusieurs capitaines juifs en leur promettant de riches présents. Il envoya aussi des sicaires à Gazara pour assassiner Jean Hyrcan, mais celui-ci, avant été informé d'avarice, par un ami, de tout ce qui s'était passé et du danger qui le menaçait, saisit dès leur arrivée les gens envoyés par Ptolémée et les fit mettre à mort. Il se rendit aussitôt à Jérusalem, où il fut reconnu grand prêtre et prince des Juifs, à la place de son père. Ptolémée, arrivé peu de temps après devant Jérusalem, fut repoussé par les habitants et alla se réfugier dans son château de Dôch, où Jean Hyrcan vint l'assiéger. Ptolémée eût infailliblement succombé ; mais chaque fois que Jean tentait un assaut, le barbare faisait amener sur la muraille la mère et les frères de Jean, leur faisait endurer de cruels tourments et menaçait de les précipiter en bas, si Jean ne se retirait pas. Jean, malgré les instances de sa mère héroïque, qui l'encourageait toujours au combat, ne pouvait supporter la vue de ses tourments et se retirait chaque fois. Bientôt le siège fut arrêté par l'arrivée de l'année sabbatique, pendant laquelle on avait l'habitude de s'abstenir de la guerre offensive. Ptolémée eut le temps de s'enfuir, mais il ne le fit qu'après avoir fait assassiner la mère et les frères de Jean ; il passa ensuite le Jourdain et se retira auprès de Zénon Cotylas, prince de Philadelphie (Rabbath-Ammon). Cependant Antiochus Sidètes, appelé par Ptolémée, envahit la Judée et vint mettre le siège devant Jérusalem. Il divisa ses troupes en sept corps qu'il plaça sur les points les plus importants, en les couvrant par une double tranchée. Malgré le courage et la constance des assiégés, Jérusalem fut près de succomber par le manque de vivres ; ce fut en vain qu'on chercha à faire sortir une partie de la population, il était impossible de se frayer un chemin à travers les ennemis qu'on rencontrait sur tous les points. Mais Antiochus, qui n'était point animé contre les Juifs de la haine implacable que leur avaient portée ses prédécesseurs, et qui peut-être aussi craignait une intervention sérieuse de la part des Romains, eut bientôt l'occasion de gagner les Juifs par un acte de générosité, et sa modération les mit à même de demander une capitulation, sans compromettre leur bonheur. Jean Hyrcan ayant demandé une trêve pour les prochaines fêtes des Tabernacles, Antiochus non-seulement accorda cette demande, mais il envoya même des victimes pour les sacrifices, et des coupes d'or et d'argent remplies d'aromates. Hyrcan, touché de ces procédés, demanda à traiter. Antiochus exigea que les assiégés livrassent leurs armes, qu'on payât le tribut pour Joppé et quelques autres villes, que les créneaux des murs de Jérusalem fussent démolis, mais que la citadelle fût rétablie pour recevoir de nouveau une garnison syrienne. Hyrcan accepta toutes ces conditions, à l'exception de la dernière. Antiochus céda sur ce point et consentit à accepter en place de la citadelle, cinq cents talents d'argent[21] et des otages, parmi lesquels se trouva un frère d'Hyrcan. Le siège fut levé et l'armée syrienne quitta la Judée ; mais ce pays se trouva de nouveau, pour quelque temps, sous la dépendance de la Syrie. Quatre ans après cet événement (en 131), Hyrcan marcha, comme auxiliaire d'Antiochus, contre Phraates, roi des Parthes, et revint couvert de gloire, après une première campagne, qui avait été heureuse pour les Syriens. L'année suivante, Antiochus ayant été tué sur le champ de bataille, Hyrcan se rendit entièrement indépendant. Démétrius Nicator recouvra bientôt ses États de Syrie ; mais son armée était trop affaiblie, pour qu'il pût entreprendre une nouvelle expédition contre les Juifs, qui furent délivrés pour toujours du joug syrien. Avant de raconter l'histoire de la Judée indépendante, sous Hyrcan et ses successeurs, nous devons jeter un coup d'œil sur l'état religieux, intellectuel et social des Juifs, dont la connaissance est nécessaire pour la parfaite intelligence des événements qui vont suivre. 2. État religieux, intellectuel et social des Juifs à l'époque des Maccabées. Les sectes.Nous avons déjà indiqué plus haut l'influence qu'exerça l'exil de Babylone sur les idées religieuses des Hébreux, et le caractère distinctif imprimé au judaïsme par l'admission de certaines doctrines étrangères et par le système d'interprétation formé successivement par les docteurs qui remplaçaient les prophètes et qui s'efforçaient de rattacher au texte de l'Écriture les doctrines nouvelles et les nouveaux usages. Ceux qui cultivaient l'étude de la loi et des prophètes, et la science d'interprétation, s'appelaient SOPHERIM ou scribes ; plus tard on leur donnait aussi le titre de docteur de la loi (νομεδιδάσκαλος) et celui de maitre (Rabbi), qu'on trouve çà et là dans le Nouveau Testament. La masse du peuple croyait par tradition et pratiquait par habitude, sans trop s'enquérir de l'origine de ses croyances et de ses pratiques ; mais parmi les scribes ou docteurs, qui scrutaient et examinaient, les opinions se divisèrent. Les uns, acceptant les croyances, les doctrines et les pratiques que le temps avait consacrées et qui cependant n'étaient pas écrites dans les livres saints, cherchèrent à leur attribuer une origine antique et divine, en les disant émanées de Moïse et transmises, par une tradition orale, de génération en génération, ou bien en faisant remonter à Moïse le système d'interprétation par lequel ils les rattachaient au texte ; les autres refusèrent d'admettre l'origine divine des traditions et de reconnaître les doctrines qui n'avaient pas de base der l'Écriture. Il se forma donc deux sectes, ou mieux deux écoles opposées ; les partisans de l'une furent appelés Pharisiens, ceux de l'autre Sadducéens. Les uns sanctionnèrent certaines croyances superstitieuses et un grand nombre de pratiques minutieuses ; mais leur système d'interprétation avait l'avantage de donner la vie et le mouvement à la lettre morte, de revêtir d'une autorité divine certaines doctrines utiles et même nécessaires qui n'étaient pas explicitement énoncées dans l'Écriture, et de favoriser le progrès et le développement perpétuel du judaïsme ; car les docteurs de chaque époque pouvaient se servir de ce même principe de l'interprétation pour accommoder le culte et les institutions aux besoins et à l'esprit de leur temps. Les autres, à la vérité, cherchèrent à conserver le mosaïsme dans sa pureté, comme le faisaient aussi les Samaritains ; mais ils le rendirent stationnaire et le dépouillèrent des germes de développement qui y étaient déposés. A côté de ces deux écoles, il se forma une association d'hommes exaltés ou de philosophes pratiques, qui, admettant en principe le système religieux des Pharisiens, cherchèrent à en éviter les inconvénients, en v apportant les lumières d'une philosophie probablement puisée chez les Juifs d'Alexandrie, et en faisant prévaloir les principes d'une morale sévère sur les pratiques extérieures de la religion. Nous allons donner quelques détails sur les écoles des Pharisiens et des Sadducéens, ainsi que sur l'association dont nous venons de parler, et qui est connue sous le nom d'Esséniens[22]. A. Les Pharisiens, dont le nom signifie séparés, distingués (hébr. PEROUSCHIM, chald. PERISCHIN), admettaient, à côté des doctrines mosaïques et des traditions prophétiques, certaines doctrines étrangères, puisées principalement dans la religion de Zoroastre, dont les dogmes offraient de l'analogie avec ceux de la religion mosaïque et pouvaient facilement se répandre parmi les Juifs pendant l'exil et à l'époque de la domination persane. La base de la doctrine des Pharisiens était la tradition orale, qu'ils faisaient remonter jusqu'à Moïse, et dont l'autorité, pour eux, était égale à celle de l'Écriture. Voici quels étaient leurs dogmes principaux : 1° Il y a un destin, ou mieux une providence divine, un ordre de choses établi par Dieu et auquel l'homme ne saurait se soustraire ; cependant Dieu laisse à la volonté humaine la liberté de se déterminer, l'homme peut choisir entre le bien et le mal et il est responsable de ses œuvres[23]. 2° L'âme de l'homme est immortelle ; après la mort, les âmes des bons seront récompensées et un jour elles reviendront sur la terre, revêtues d'un nouveau corps[24] ; celles des méchants resteront toujours sous la terre (dans le Schéol)[25], pour y subir une peine éternelle. A ce dogme qui, comme le premier, avait sa base dans la doctrine mosaïque, se rattachaient diverses croyances populaires concernant le paradis et, l'enfer, et empruntées aux Chaldéens et aux Perses. On appelait le paradis GAN-ÉDEN (jardin d'Éden), et l'enfer GUÉ-HINNÔM. 3° Il existe des êtres supérieurs à l'homme, de purs esprits, intermédiaires entre la divinité et les hommes, et qui sont appelés messagers de Dieu ou anges. Il y en a de bons et de mauvais ; les uns sont les protecteurs des hommes, les autres sont des génies malfaisants, des démons qui causent aux hommes toute sorte de maux. — Ce troisième dogme n'est pas mentionné par Josèphe dans les divers passages où il parle des doctrines des Pharisiens, mais il en est question dans le Nouveau Testament (Actes des Ap. 23, 8). Il paraît que la croyance à deux sortes d'anges, les uns bons, les autres mauvais, croyance empruntée aux doctrines de Zoroastre, était généralement répandue parmi le peuple et admise par les Pharisiens, sans cependant former un point essentiel de leur doctrine ou un dogme proprement dit. Josèphe voit dans les démons les âmes des hommes méchants qui, après leur mort, viennent quelquefois tourmenter les vivants[26] ; il ne fait pas mention de mauvais anges. Mais dans le Nouveau Testament et dans le Thalmud, les anges et les démons jouent un très-grand rôle, et il est évident que la croyance populaire des Juifs avait adopté jusqu'à un certain point le dualisme des Parses qui fut subordonné au monothéisme mosaïque. Déjà dans les croyances des anciens Hébreux, nous rencontrons les messagers célestes, ou les anges, représentant les actes émanés de Dieu et les facultés de la nature ; les Hébreux pouvaient donc facilement retrouver leurs messagers célestes dans les Izeds de la doctrine de Zoroastre. A l'exemple de cette doctrine, on arriva bientôt à distinguer un esprit représentant le mal, un ange rebelle, l'ennemi de l'humanité, qu'on désignait par le nom de Satan (adversaire)[27], et qui est l'Ahriman de la doctrine du Zend -Avesta ; on entoura Satan de mauvais anges, ou de démons, semblables aux devs d'Ahriman. A la tête des bons anges on plaça sept princes ou archanges ; ce sont les sept Amschaspandas des Perses, dont le premier est Ormuzd. Il y est fait allusion dans le livre de Daniel, écrit à l'époque des Maccabées, et on les représente comme les protecteurs des différents peuples et empires[28]. L'angélologie prit de plus grands développements dans la doctrine chrétienne et dans celle des Kabbalistes. Quant aux pratiques religieuses, les Pharisiens observaient une foule de cérémonies qui n'étaient pas écrites dans les lois de Moïse ; c'étaient des usages introduits peu à peu et qui avaient pris un caractère religieux, ou des règlements faits par les docteurs pour servir, comme ils disent, de haie autour de la loi[29]. Ces usages et règlements, qui, en grande partie, étaient rattachés au texte de la loi, au moyen de l'interprétation, concernaient aussi bien les lois sociales que les pratiques religieuses ; quelques siècles plus tard ils furent réunis en un corps d'ouvrage qu'on appelle la MISCHNA, seconde loi ou répétition (δευτέρωσις). Il est vrai que les Pharisiens ne considéraient ces pratiques que comme un moyen d'entretenir le sentiment religieux et qu'ils recommandaient une vie modeste et une morale austère, ce qui fait que Josèphe les compare aux Stoïciens[30] ; mais comme ils attachaient une grande importance aux cérémonies extérieures, telles que les ablutions, les jarres, les prières etc., il y avait beaucoup d'hommes qui, sans être animés de vrais sentiments de piété, affectaient la vie extérieure des Pharisiens et renchérissaient même sur les observances prescrites, afin d'agir sur les masses Ignorantes en se donnant à leurs yeux toutes les apparences d'une vie sainte. Ils abusaient souvent de l'influence qu'ils exerçaient sur le peuple, pour faire prévaloir leurs vues politiques. Dans le Nouveau Testament on met souvent en scène ces faux Pharisiens, dont le nombre était devenu très-grand et dont la conduite compromettait gravement la réputation de la secte et de ses principes, de manière que le mot Pharisien finit par devenir synonyme d'hypocrite. Le Thalmud lui-même, qu'on peut considérer comme l'expression des doctrines pharisiennes dans leur plus grande étendue, plaisante quelquefois sur ceux qui les professent ; il énumère sept classes de Pharisiens, dont il fait ressortir le ridicule, l'arrogance et l'hypocrisie, et dont une seule, selon lui, est animée de l'amour sincère de Dieu et de la vertu[31]. B. Les Sadducéens étaient, sous tous les rapports, opposés aux Pharisiens. 1° Ils rejetaient toutes les doctrines qui n'étaient pas formellement écrites dans le Pentateuque ou dans les Prophètes[32] et refusaient de reconnaître l'autorité de la tradition orale. 2° Ils niaient le destin ou la providence divine, dans ce sens qu'ils ne lui reconnaissaient aucune influence sur le sort de l'individu, dont toutes les actions, disent-ils, sont parfaitement libres, et qui est toujours lui-même l'ouvrier de son bonheur ou de son malheur. En vertu de ce principe ils jugeaient très-sévèrement les actions humaines et étaient beaucoup moins portés à l'indulgence que l'es Pharisiens, qui usaient d'une grande circonspection dans l'application des peines légales[33]. On rapporte que les Saducéens surent faire prévaloir, pendant un certain temps, l'application à la lettre des lois mosaïques concernant le talion, qui, selon l'interprétation pharisienne, devaient s'entendre dans le sens d'une composition pécuniaire[34]. Ces principes agissaient aussi sur le caractère personnel des Sadducéens ; dans le commerce de la vie, ils étaient extrêmement froids et réservés, et avaient même quelque chose d'acerbe et de repoussant[35]. 3° Ils niaient l'immortalité de l'âme et par conséquent la résurrection, ainsi que les récompenses et les peines d'une autre vie. 4° Ils n'admettaient, hors Dieu, l'existence d'aucun esprit sans corps et soutenaient qu'il n'y avait ni ange ni démon (Actes des Ap., 23, 8). Comme il n'est jamais question des anges dans les doctrines mosaïques, ils se croyaient sans doute autorisés à interpréter dans un sens allégorique les apparitions d'anges mentionnées dans le Pentateuque et dans les autres parties de l'Écriture sainte. Les principes du Sadducéisme, qui faisaient consister le bonheur de l'homme dans la jouissance des biens terrestres, devaient convenir principaleme.it aux grands et aux riches ; mais la grande majorité du peuple trouvait plus de satisfaction dans la spiritualité des doctrines pharisiennes. Aussi les Sadducéens étaient-ils peu nombreux et toujours dominés par le parti compact des Pharisiens. Ils n'étaient pas exclus des fonctions publiques ; mais, en les acceptant, ils étaient obligés de suivre malgré eux les principes des Pharisiens, qui possédaient la sympathie du peuple. Quand, par surprise, ils s'emparaient du pouvoir, leur domination n'était que de courte durée et ils ne pouvaient résister longtemps à la puissante influence de leurs adversaires. L'histoire nous laisse dans l'ignorance sur l'origine des Sadducéens et de leur nom. Nous avons déjà dit que la tradition rabbinique leur donne pour fondateur un certain Sadok, disciple d'Antigonus de Socho. C. Les Esséniens, ou Esséens, issus des Pharisiens, formaient, comme nous l'avons dit, une association de philosophes pratiques qui joignaient aux croyances pharisiennes les principes d'une morale exaltée et s'appliquaient aux vertus pratiques, à la tempérance et au travail. On ne saurait dire quelle fut l'origine de cette association, ni quel est le sens exact du nom d'Esséniens. On a cru voir dans ce nom le mot syriaque Hasoya (les pieux), et on a pensé que les Esséniens étaient les mêmes que ceux que les livres des Maccabées désignent par le nom hébreu d'Assidéens ou Hasidim ; mais quelque recommandable que soit d'ailleurs cette étymologie du mot Esséniens, il nous semble bien plus probable que ce nom vient du syriaque Asaya (les médecins), et que les Esséniens de Palestine s'étaient formés sur le modèle d'une secte ou association juive d'Égypte portant le nom de Thérapeutes (θεραπευταί) ou médecins (des âmes)[36]. Les Théra pentes vivaient dans la solitude et se livraient à l'abstinence et à la contemplation ; les Esséniens vivant dans un monde où le côté pratique, dans la religion comme dans la vie sociale, était bien plus apprécié que les spéculations philosophiques des Juifs d'Égypte cherchaient à diriger les principes philosophiques des Thérapeutes vers un but plus pratique, et, malgré leur peu- chant pour la vie ascétique et contemplative, ils restaient en relation avec le monde extérieur et cherchaient à servir la société en lui donnant l'exemple d'une vie laborieuse, d'une piété sincère et d'une vertu constante qui domptait toutes les passions humaines. Josèphe, dans le 2e livre de la Guerre des Juifs (ch. 8) entre dans de longs détails sur l'association des Esséniens, qui, de son temps, comptait environ quatre mille membres ; nous reproduirons ici les traits les plus saillants de sa description. Les Esséniens avaient, dans plusieurs villes et villages de la Palestine, des établissements où ils demeuraient ensemble. Ceux qui entraient dans leur société devaient y apporter tout ce qu'ils possédaient ; les biens de la société, confiés à des administrateurs, appartenaient à tous les membres en commun, et il n'y avait parmi eux ni riches ni pauvres. Les différents établissements accordaient mutuellement à leurs membres la plus généreuse hospitalité ; l'Essénien qui voyageait était mir de trouver chez ses confrères des autres localités tout ce dont il avait besoin et d'y être reçu comme dans sa propre famille. Le voyageur n'emportait rien, si ce n'est des armes pour se défendre contre les brigands ; car dans chaque ville[37] il y avait un délégué de la confrérie chargé de distribuer aux voyageurs des vêtements et des vivres. La journée était divisée, chez les Esséniens, entre la prière, les ablutions, le travail et les repas communs. Aucun mot profane ne sortait de leur bouche avant le lever du soleil, qu'ils saluaient chaque matin par des prières selon l'antique usage. Ensuite les supérieurs renvoyaient chacun à sa besogne ; après avoir travaillé jusqu'à cinq (onze) heures, ils se baignaient dans l'eau froide, et se réunissaient pour le repas. Ils entraient dans leur salle à manger avec un air solennel, comme si c'était un temple, et s'asseyaient dans le plus profond silence. Chacun recevait un pain de la main du boulanger et le cuisinier apportait à chacun un plat avec un seul mets. Avant et après le repas, un prêtre prononçait une prière. Avant de retourner au travail, ils ôtaient le vêtement qu'ils avaient pris pour le repas et qu'ils considéraient comme sacré. Le soir, ils se réunissaient de nouveau pour un second repas. Ils ne faisaient rien sans l'ordre de leurs supérieurs, excepté quand il s'agissait de porter secours ou de pratiquer la charité ; ils étaient toujours libres d'assister les malheureux, mais pour donner quelque chose à leurs propres parents, il leur fallait la permission des supérieurs. — Celui qui voulait être reçu dans leur confrérie, devait d'abord se soumettre, pendant un an, à leur manière de vivre, avant d'être admis dans l'établissement ; ce n'était qu'après avoir donné des preuves suffisantes de tempérance que le novice était reçu dans la confrérie et prenait part aux ablutions ; mais les membres anciens n'entretenaient encore aucun rapport avec lui, et évitaient même son contact comme une souillure. Pour être admis au repas commun, il lui fallait traverser deux autres années d'épreuves. Au bout de ce temps, s'étant montré digne d'être membre de la confrérie, il y était reçu sans réserve, après s'être engagé par de terribles serments à s'astreindre aux devoirs imposés à la confrérie. Il jurait : d'observer la piété envers Dieu et la justice envers les hommes ; de ne nuire à personne, ni de son propre mouvement, ni par ordre ; de haïr toujours les injustes et d'aider les justes ; de garder sa foi à tout le monde et principalement aux autorités, parce que tout pouvoir venait de Dieu ; de ne pas abuser du pouvoir s'il y arrivait lui-même, et de ne pas chercher la splendeur des vêtements et d'autres ornements pour s'élever par là au-dessus de ses subordonnés ; d'aimer toujours la vérité et de dévoiler les menteurs ; de garder ses mains pures de larcin, et son âme de tout gain illicite ; de ne rien cacher à ses confrères (des mystères de la secte), et de ne rien révéler aux autres, dût-il être menacé de la mort ; de ne communiquer à personne les doctrines de la secte autrement qu'il ne les aurait reçues lui-même ; enfin de conserver avec soin les livres de la secte et les noms des anges. Leurs mœurs étaient très-austères. Ceux qui se rendaient coupables d'un grave péché étaient exclus de la confrérie et abandonnés à leur sort. Pour prononcer un jugement il fallait une réunion de cent membres ; la sentence de ces juges était irrévocable. Après Dieu, ils avaient le Législateur (Moïse) en grande vénération ; si quelqu'un avait blasphémé contre lui, il était puni de mort. Ils fuyaient les voluptés comme un crime, et considéraient comme la plus grande vertu de l'homme de dompter ses passions. La plupart d'entre eux, voulant se garder des excès des femmes, qu'ils croyaient généralement infidèles, renonçaient au mariage, et élevaient des enfants étrangers ; ceux d'entre eux qui se mariaient éprouvaient leurs fiancées pendant trois ans et cherchaient aussi à savoir si elles seraient propres à avoir des enfants. Ne se soumettant au mariage que par devoir, ils se tenaient éloignés de leurs femmes pendant leur grossesse. Dans l'observance des lois cérémonielles, ils étaient quelquefois très-minutieux, et ils avaient aussi certains usages singuliers ; ainsi, par exemple, ils s'abstenaient de cracher devant eux ou à droite ; ils évitaient le contact de l'huile comme une chose impure, et si quelqu'un avait eu involontairement un peu d'huile sur quelque partie de son corps, il s'essuyait et se frottait avec soin. Ils tenaient toujours à ce que leurs vêtements fussent de couleur blanche, mais peu leur importait qu'ils fussent propres ; ils trouvaient même un certain mérite dans la négligence. Pour leurs besoins naturels, ils observaient strictement les prescriptions du Deutéronome (ch. 23, v. 13 et 14) ; à cet effet chaque novice recevait, avec le vêtement blanc et le tablier (pour le bain), une bêche pour creuser la terre. Ils cherchaient à vaincre ces besoins pendant le jour de sabbat, qu'ils observaient, en général, avec une grande rigueur ; ils n'osaient en ce jour remuer aucun objet de sa place. Ils consacraient le sabbat à la lecture de l'Écriture sainte et des livres de leur secte ; ils étudiaient avec un grand zèle certains écrits de médecine qui traitaient des vertus occultes des plantes et des minéraux. Il y en avait parmi eux qui prétendaient pouvoir prédire l'avenir. Au reste ils étaient d'une moralité exemplaire ; ils s'efforçaient de réprimer toute passion et tout mouvement de colère, et dans leurs relations ils étaient toujours bienveillants, paisibles et de la meilleure foi. Leur parole avait plus de force qu'un serment ; aussi considéraient-ils le serment comme une chose superflue et comme un parjure, et ils n'en prêtaient plus après celui par lequel ils avaient été reçus dans la confrérie. Ils supportaient, avec une admirable force d'âme et le sourire sur les lèvres, les plus cruelles tortures, plutôt que de violer le moindre précepte religieux. Leur vie sobre et leurs mœurs simples et austères les faisaient arriver à un âge très-avancé ; on voyait parmi eux beaucoup de centenaires. Nous citerons encore un passage de Philon, qui nous donne sur les occupations des Esséniens quelques détails qui manquent dans la description de Josèphe : Ils servent Dieu, dit Philon[38], avec une grande piété, non pas en lui offrant des victimes[39], mais en sanctifiant leur esprit. Ils habitent les villages et fuient les villes[40], à cause des dérèglements habituels des citadins, sachant que, par leur contact, l'âme est atteinte d'un mal incurable, tel que la maladie qui provient d'un air pestiféré. Il y en a parmi eux qui cultivent la terre ; d'autres s'appliquent aux arts qui accompagnent la paix, et ils sont utiles par là à eux-mêmes et à leur prochain. Ils n'amassent pas l'argent et l'or et ne cherchent pas à augmenter leurs revenus en achetant de grands terrains ; ils s'efforcent seulement d'avoir le strict nécessaire pour vivre. Presque seuls d'entre tous les hommes, ils sont (pour ainsi dire) sans argent et sans possessions, plutôt par leurs mœurs que parce que la fortune leur fait défaut, et ils sont réputés les plus riches, parce que la richesse consiste pour eux dans la frugalité et dans le contentement. Vous ne trouverez chez eux aucun artisan qui fabrique des flèches, des javelots, des glaives, des casques, des cuirasses ou des boucliers, en général aucun armurier, aucun qui fasse des machines ou quoi que ce soit qui ait rapport à la guerre, et même aucun qui embrasse une profession paisible pouvant conduire au mal. Ainsi ils ignorent jusqu'au rêve des métiers de commerçant, de cabaretier, de fréteur ; car ils repoussent loin d'eux tout ce qui donne lieu à la cupidité. Il n'existe pas un seul esclave chez eux ; ils sont tous libres et travaillent les uns pour les autres. Ils rejettent la domination non-seulement comme une chose injuste qui détruit l'égalité, mais comme une chose impie, renversant la loi de la nature qui, semblable à une mère, a mis au monde et a élevé tous les hommes, et les a faits égaux comme des frères germains, non pas de nom mais de fait ; mais la rusée cupidité, l'emportant sur cette parenté, produit l'éloignement au lieu de la familiarité, l'inimitié au lieu de l'amitié. La partie logique de la philosophie n'étant pas nécessaire pour acquérir la vertu, ils l'abandonnent aux chasseurs de mots ; la partie physique étant au-dessus de la nature humaine, (ils l'abandonnent) à ceux qui prétendent s'élever dans les hautes régions, excepté toutefois ce qui traite de l'existence de Dieu et de l'origine de tout ce qui est. Mais la partie morale, ils l'étudient avec un grand zèle, en prenant pour guides les lois nationales, dont l'intelligence (selon eux) est inaccessible à l'esprit humain, sans une inspiration divine ; ils s'instruisent dans ces lois en tout temps, mais principalement le septième jour (de la semaine), qui est réputé un jour sacré, et pendant lequel ils s'abstiennent de toute autre occupation. Réunis dans les lieux saints, qu'on appelle synagogues, ils forment un auditoire, assis par classes et dans un ordre convenable suivant l'âge, les jeunes au-dessous des anciens. L'un prend les livres et lit ; un autre d'entre les plus expérimentés aborde les matières difficiles et les explique ; car la plupart des sujets sont présentés chez eux par des symboles selon la méthode des anciens, etc. Les dogmes des Esséniens étaient au fond les mêmes que ceux des Pharisiens ; seulement nous y remarquons quelques modifications produites par l'exaltation des Esséniens. Ceux-ci, comme l'affirme Josèphe, attribuaient tout au destin, et croyaient que rien n'arrivait à l'homme que par le décret du destin, ou plutôt de la providence ; selon les Esséniens, dit-il ailleurs, tout devait être abandonné à Dieu[41]. Il est évident que, par le mot destin (είμαρμένη), il faut entendre la providence divine ; mais il paraîtrait toujours, d'après Josèphe, que les Esséniens refusaient à l'homme le libre arbitre, ce qui ne s'accorde pas bien avec les austérités volontaires qu'ils s'imposaient pour plaire davantage à là Divinité et acquérir un mérite plus grand. Josèphe ne se prononce pas assez clairement sur ce point ; peut-être les Esséniens ne se rendaient-ils pas compte eux-mêmes des conséquences de leur principe. Selon Philon (l. c.), ils faisaient remonter à Dieu tout ce qui est bon, mais ils ne le croyaient l'auteur d'aucun mal. Les Esséniens ont pu, dans leur exaltation, ôter à l'homme le mérite des bonnes œuvres et le croire responsable du mal ; leurs austérités avaient peut-être pour but d'éviter jusqu'au moindre contact du mal. Nos documents ne suffisent pas pour nous former une idée nette de ce que les Esséniens enseignaient sur le destin ou la providence et sur ses rapports avec les actions humaines. — La doctrine des Esséniens sur la permanence de l'âme humaine est conforme à celle des Pharisiens ; il résulte d'un passage de Josèphe qu'ils s'exprimaient à cet égard dans un langage figuré, car il n'est pas possible que les Esséniens aient entendu à la lettre ce que Josèphe leur fait dire sur le séjour des âmes après la mort[42]. L'âme, disaient-ils, descendue de l'éther le plus subtil et attirée dans le corps par un certain charme naturel, y demeure comme dans une prison ; délivrée des liens du corps, comme d'un long esclavage, elle s'envole avec joie. Les bines des bons vivent dans un lieu au delà de l'Océan, où il n'y a ni pluie, ni neige, ni chaleur, qui les incommode, et où l'on ne sent que le souffle d'un doux zéphyr ; celtes des méchants sont reléguées dans un réduit sombre et froid, où elles sont livrées à un supplice éternel. On a vu plus haut que les Esséniens attachaient une grande importance aux noms des anges, et qu'ils avaient des doctrines particulières dont ils faisaient mystère et qui ne pouvaient être communiquées qu'aux membres de leur secte. Rien n'a transpiré de leurs mystères dans les écrits de Josèphe et de Philon ; mais il est plus que probable que les livres plus récents des Kabbalistes nous retracent, en grande partie, les doctrines mystiques et métaphysiques des Esséniens, et l'existence en Judée des divers éléments de la Kabbale s'explique d'une manière très-satisfaisante par les liens qui rattachaient les croyances et doctrines esséniennes aux traditions pharisiennes d'un côté, et de l'autre aux spéculations et à la vie contemplative des philosophes juifs d'Égypte[43]. Pour compléter le tableau des doctrines qui avaient cours chez les Juifs depuis l'époque des Maccabées, on nous permettra de donner ici une esquisse rapide de la Kabbale, bien que les sources anciennes nous manquent et que nous soyons obligé de puiser dans des écrits où les doctrines kabbalistiques se présentent avec des développements qui appartiennent sans doute à des époques postérieures. Nous devons donc avertir le lecteur que c'est par anticipation que nous présentons ici le système développé de la Kabbale, dont les éléments cependant remontent sans doute à l'époque dont nous nous occupons ici et en partie même à des époques plus reculées. La Kabbale.Le mot Kabbale, ou mieux Kabbalah, vient du verbe Kibbel, qui veut dire recevoir par tradition ; les adeptes out cru devoir décorer du nom de tradition une doctrine qu'ils faisaient remonter jusqu'à Abraham et même jusqu'à Adam, qui, selon eux, fut initié dans les mystères par l'ange Raziel. La doctrine de la Kabbale, déposée plus tard dans le livre de la création (YECIRAH) et dans le livre de l'éclat (ZOHAR), a eu sans doute sa première origine dans l'exil de Babylone ; mais le système tout entier n'a pu se former que plus tard sous l'influence des écoles juives d'Alexandrie, où les doctrines de Pythagore et de Platon furent combinées avec certaines autres doctrines philosophiques que jusqu'ici on a vaguement désignées par le nom de philosophie orientale, mélange de spéculations profondes et de croyances superstitieuses, de haute sagesse et d'extravagances. — Les Kabbalistes modernes divisent ordinairement leur science en deux parties ; l'une théorique ou spéculative (IYYOUNITH), l'autre pratique (MAASITH). La première s'occupe de la doctrine de l'émanation, base du système métaphysique de la Kabbale ; elle expose les différents noms de Dieu, des anges et des démons, et leur influence sur le monde sublunaire, et elle enseigne aussi un mode d'exégèse mystique pour faire retrouver ses doctrines dans l'Écriture sainte. La seconde renferme une prétendue science secrète, qui enseigne l'art de faire agir, dans certaines occurrences, les puissances supérieures sur le monde inférieur, et de produire par là des effets surnaturels ou des miracles. En prononçant certains mots de l'Écriture sainte qui renferment des allusions aux différents noms des puissances que l'on veut faire agir, ou en écrivant ces mots sur des amulettes, on parvient à se soumettre ces puissances, et par là on petit exorciser, guérir des malades, éteindre des incendies et opérer toute sorte de miracles. Cette science chimérique, qui offre un triste spectacle des égarements de l'esprit humain, a été puisée, sans doute, dans les superstitions de l'Orient, pendant et après l'exil de Babylone ; quelques-uns des livres apocryphes de l'Ancien Testament, ainsi que les Évangiles, les Actes des Apôtres et le Thalmud, en offrent des traces nombreuses. Sans nous arrêter à ce dernier degré de folies et d'extravagances dues à l'imagination déréglée de quelques têtes malades, considérons la Kabbale dite théorique dans ses différentes parties. Les Kabbalistes eux-mêmes la divisent en MAASÉ BERÉSCHITH (histoire de la création, ou explication du premier chapitre de la Genèse) et MAASÉ MERCAVA (histoire du char céleste, ou explication des visions d'Ézéchiel et de quelques autres prophètes) ; mais ils sont très-peu d'accord sur ce qu'il faut comprendre sous chacune de ces dénominations[44]. En suivant un ordre qui nous paraît plus méthodique et en même temps plus conforme au développement historique de la Kabbale, nous la diviserons, 1° en symbolique, 2° en positive ou dogmatique, et 3° en spéculative ou métaphysique. 1. La Kabbale symbolique donne les moyens de trouver dans l'Écriture sainte un sens ésotérique ou mystique, différent du sens littéral. On y parvient par différentes permutations ou combinaisons des lettres. Ces opérations se réduisent à trois : themoura, guématria et notarikon. A. La themoura (change, permutation) consiste à transposer arbitrairement les lettres d'un mot, ou à leur substituer', d'après certaines règles, d'autres lettres de l'alphabet, de manière qu'on en forme un autre mot que celui qui est dans le texte. Parmi les différentes méthodes de substitution, nous choisissons pour exemple celle qu'on appelle ath basch, et qui consiste à substituer la dernière lettre de l'alphabet (thau) à la première (aleph), l'avant-dernière (schin) à la deuxième (beth), et ainsi de suite. C'est de cette manière que le mot SCHESCHACH (Jérémie, 25, 26 ; 51, 41), nom de pays inconnu, et qui se compose des lettres schin, schin, caph[45], est expliqué par BABEL (beth, beth, lamed)[46], ce qui convient parfaitement au sens des deux passages. — B. La guématria consiste à n'avoir égard qu'à la valeur numérique des lettres et à leur en substituer d'autres qui produisent la même somme ; car les Hébreux, comme les Grecs, emploient les lettres de l'alphabet comme chiffres numériques. Le mot MASCHIAH (Messie), composé de mem (40), schin (300), yod (10), heth (8), donne la valeur numérique de 358 ; il en est de même du mot NAHASCH (serpent), composé de noun (50), heth (8), schin (300). Les Kabbalistes concluent de là que le Messie l'emportera sur Satan, représenté sous l'image du serpent, et qu'il détruira le péché et la mort spirituelle. — C. Le notarikon consiste à réunir les lettres initiales ou finales de plusieurs mots, pour en former un seul, ou à considérer les lettres d'un seul mot comme autant de mots dont elles formeraient les initiales. Ainsi, par exemple, les finales des mots BABA ÉLOHÎM LAASOTH, creavit Deus ut faceret (Genèse, 2, 3), forment le mot EMETH (vérité), ce qui indique que Dieu n'a créé le monde que pour y faire régner la vérité. Les trois lettres du mot ADAM forment les initiales des trois mots Adam, David, Messie, ce qui indique que l'âme d'Adam, par la métempsycose, devait reparaître dans les corps de David et du Messie. — Cette méthode d'exégèse laisse un champ très-vaste à l'imagination ; on devait nécessairement avoir recours à ces moyens artificiels dès qu'il s'agissait de trouver dans les écrits de Moïse et des prophètes les dogmes d'une croyance étrangère et les différents noms de Dieu et des anges. La Kabbale symbolique devait se perfectionner à mesure que les doctrines étrangères se multipliaient, et si les méthodes de guématria et de notarikon paraissent être assez récentes, comme l'indiquent ces mots mêmes, corrompus du grec et du latin, celle de themoura, dont le nom est hébreu, est sans doute très-ancienne, comme les deux passages de Jérémie, cités plus haut, paraissent le prouver. Il se trouve dans le même prophète un troisième passage très-remarquable (ch. 51, v. 1), où le nom d'un pays est indiqué par les mots LEB KAMAY (le cœur de mes adversaires), que la version gréco-alexandrine explique par Chaldéens. Or, par la permutation ath basch, les lettres de LEB KAMAY correspondent en effet à celles du mot hébreu CASDÎM (Chaldéens) de la manière suivante : Le lamed au caph Le beth au sin Le kouph au daleth Le mem au yod Le yod au mem. 2. La Kabbale positive ou dogmatique. Nous comprenons sous cette dénomination tout cet amas de croyances et de dogmes mystiques entés sur le judaïsme pendant et après l'exil de Babylone, adoptés en substance par les Pharisiens et naturalisés longtemps avant la formation de la Kabbale spéculative. Quoique celle-ci ait adopté en général l'essence de ces dogmes, elle ne s'occupe pas de leurs détails positifs. Ces détails sont plutôt du domaine de la croyance que de celui de la spéculation philosophique ; c'est pourquoi nous en formons une branche particulière que nous appelons Kabbale dogmatique. Elle s'occupe des anges et des démons et de leurs différentes divisions, des différents départements du paradis et de l'enfer, de la transmigration des âmes, etc. Toute cette partie est purement mythologique ; comme nous l'avons déjà dit, en parlant des Pharisiens, ces mythes sont empruntés aux Chaldéens et aux Perses, mais les Kabbalistes n'ont pas manqué d'y exercer leur imagination et d'amplifier à leur manière les fables étrangères. Dans les visions d'Ézéchiel, nous voyons Dieu sur un trône entouré de différentes figures d'animaux ailés ; les figures d'Ézéchiel ont de l'analogie avec celles que l'on trouve représentées sur les ruines de Persépolis ; les unes et les autres sont sans doute des êtres symboliques eu rapport avec les croyances locales[47]. Les Kabbalistes, comme on l'a vu, appellent la vision d'Ézéchiel mercava (le char) ; ils y ont vu la cour du roi céleste, le trône de Dieu entouré des anges, et ils y ont rattaché leurs théories d'anges et de démons. Nous voyons reparaitre les bons génies d'Ormuzd, Ahriman avec ses Devs, un monde entier de génies bienveillants et de malins esprits. Les astres, les différents règnes de la nature, les éléments, les hommes, leurs vertus, leurs passions, enfin tout ce qu'il y a dans la nature de matériel et d'intellectuel, se trouve sous l'influence d'anges ou de génies. Le monde inférieur lui-même est rempli de génies matériels des deux sexes, qui tiennent le milieu entre l'homme et l'ange, et qui s'appellent Schédim[48] ou Keliphoth (écorces)[49]. Les bons anges se trouvent sous le commandement de Metatron[50], qui s'appelle aussi Sarhappanim (l'ange de la face divine), et qui est le premier ministre de la cour céleste. Les diables sont commandés par Samuel, qui est le Satan et l'ange de la mort. — Nous mentionnons encore ici la doctrine de la métempsycose, adoptée par la masse des Kabbalistes, mais qui trouva aussi de chaleureux adversaires parmi eux, et qui, simple doctrine traditionnelle, n'est pas essentiellement liée à leurs spéculations métaphysiques sur l'âme humaine. Outre la métempsycose proprement dite, les Kabbalistes en admettent une autre qu'ils appellent ibbour (gestation, ou imprégnation) ; c'est la réunion de deux âmes dans un seul corps, lorsque chacune séparément, ou du moins l'une d'elles, manque de force pour accomplir tous les préceptes de la loi, et a besoin d'un secours étranger pour s'acquitter de ses devoirs. — En somme, la Kabbale dogmatique nous présente une mythologie complète qui a beaucoup de rapport avec celle de plusieurs peuples de l'Orient et notamment avec celle des anciens Perses telle que nous la trouvons dans les livres de Zoroastre. Des Kabbalistes d'une imagination poétique n'ont pas manqué de profiter de cette mythologie ; plusieurs de leurs fables du paradis et de l'enfer rappellent les descriptions d'un Dante, d'un Milton, et leurs légendes respirent souvent un profond sentiment poétique. C'est pourquoi cette partie de la Kabbale devint assez populaire parmi les Juifs, sans que pour cela ils eussent généralement adopté la partie métaphysique qui s'y rattache et gui en donne le sens ésotérique. 3. La Kabbale spéculative ou métaphysique renferme un système de philosophie qui tend à mettre d'accord le monothéisme et le dogme de la création avec ce principe fondamental de la philosophie ancienne : ex nihilo nihil fit. Les philosophes non matérialistes admettaient deux principes fondamentaux, l'esprit et la matière ; mais dans ce dualisme, les deux principes sont bornés l'un par l'autre, l'esprit ou la divinité n'est pas libre dans son mouvement et ne peut se manifester selon sa volonté. D'un autre côté, ce système avait l'avantage d'expliquer l'existence du mal moral et physique qu'on rejetait sur la matière, tandis qu'en n'admettant qu'un principe unique, d'une perfection absolue, on ne pouvait comprendre le mal. Au lieu de mettre ce principe au-dessus de la spéculation et du raisonnement et de reconnaitre l'insuffisance de la raison humaine, on se perdait dans un labyrinthe de subtilités pour chercher à lever toutes les contradictions Dans la doctrine de Zoroastre, la question n'est que déplacée ; car, quoique dans son dualisme, il suboraonne le principe du mal (Ahriman) au bon principe (Ormuzd), on se demande toujours quelle pouvait être l'origine du mal dans le monde d'Ormuzd. Pour résoudre ces difficultés, ou imagina la doctrine de l'émanation. Toute la création, disait-on, est émanée graduellement de la lumière divine ; à mesure qu'elle s'éloignait de la source, elle s'approchait des ténèbres, et la matière qui en est le plus éloignée est le siège du mal. Cette doctrine, qui nous fait entrer dans un nouveau labyrinthe, était en vogue dans les écoles d'Alexandrie ; la Kabbale spéculative est une de ses ramifications. Voici le système des Kabbalistes : Aucune substance n'est sortie du néant absolu ; tout ce qui est a tiré son origine d'une source de lumière éternelle, de Dieu. Dieu n'est compréhensible que dans sa manifestation ; le Dieu non manifesté est pour nous une abstraction. Ce Dieu est de toute éternité ; c'est, selon les termes des Kabbalistes, le vieux des jours, l'occulte des occultes (ATTHIK YOMÎN, TEMIR MICCOL TEMIRIN). Sous ce rapport il est appelé aussi le Néant (AYIN)[51], et c'est ainsi que le monde, créé par lui, est sorti du néant. Ce néant est unique, c'est l'unité indivisible et infinie ; c'est pourquoi il s'appelle ÈN-SOPH (sans fin). Cet Èn-soph n'est borné ni déterminé par rien, car il est tout, et rien n'est hors lui ; il se manifeste librement et par sa sagesse, et devient ainsi la cause première, la cause des causes. La lumière primitive du Dieu-Néant remplissait tout l'espace, elle est l'espace même ; tout y était virtuellement, mais pour se manifester, elle devait créer, c'est-à-dire se développer par l'émanation. Elle se retira donc en elle-même pour former un vide qu'elle remplit ensuite graduellement par une lumière tempérée et de plus en plus imparfaite. Cette contraction ou concentration de la lumière de l'En-soph s'appelle, dans le langage des Kabbalistes, CIMÇOUM. Par cette théorie qui repose sur des principes purement physiques, sur la manière de considérer les effets matériels des rayons de lumière, les Kabbalistes croyaient sauver l'infini de la lumière divine ; car dans les autres systèmes d'émanation, la lumière se montrait bornée en se perdant enfin dais les ténèbres. A prés cette concentration, l'En-soph se manifesta d'abord dans un premier principe, prototype de la création, ou Macrocosme, qui est appelé le fils de Dieu, ou l'homme primitif (ADAM KADMÔN). C'est la figure d'homme, qui plane au-dessus des animaux symboliques d'Ézéchiel. De cet Adam Kadmôn émana la création en quatre degrés, ou quatre mondés, que les Kabbalistes appellent : ACILAH, BERIAH, YECIRAH, ASIAH. a. Le monde Acilah (émanation) représente les qualités opératrices de l'Adam Kadmôn ; ce sont des puissances ou des intelligences émanées de lui et qui forment en même temps ses qualités essentielles et les instruments avec lesquels il opère. Ces qualités sont réduites au nombre de dix et forment la sainte décade des SEPHIRÔTH[52], qui se compose de deux nombres sacrés, trois et sept ; car les trois premières Sephirôth, sont appelées intellectuelles, tandis que les sept autres ne sont que des attributs. Voici dans quel ordre elles émanent les unes des autres :
Elles s'appellent : 1 Kéther (couronne), 2 Hochmah (sagesse), 3 Binah (intelligence), 4 Hésed (grâce) ou Guedoulah (grandeur), 5 Guevourah (force), 6 Tiphéreth (beauté), 7 Néçach (triomphe), 8 Hôd (gloire ou majesté), 9 Yesôd (fondement), 10 Malchouth (règne). Il nous semble qu'on peut reconnaître facilement dans les Sephirôth les puissances (δυνάμεις) de Philon et les Éons des Gnostiques. — Ce premier monde d'émanation fit émaner à son tour : b. le monde Beriah (création) ; c'est le commencement de la création. Les substances que renferme ce deuxième monde sont toutes spirituelles ; mais n'étant pas immédiatement émanées de l'En-soph, elles sont inférieures aux Sephirôth. De ces substances émane : c. le monde Yecirah (formation), qui renferme les anges, êtres incorporels, mais individuels, entourés d'une enveloppe lumineuse. d. Le monde Asiah (fabrication) est la dernière émanation ; c'est la matière. Ce monde renferme des substances soumises à des variations continuelles, qui naissent et périssent, se composent et se décomposent. Tout ce qui est matériel y appartient ; c'est le rebut de la création, c'est là que réside le mal. L'homme, par sa nature, participe aux trois mondes créés, et pour cela il est appelé microcosme (OLAM KATAN) ; car tout ce que l'Adam Kadmôn ou le macrocosme contient virtuellement, l'homme le contient en réalité. Par l'âme, comme principe vital, il appartient au monde Asiah, par l'esprit au monde Yecirah et par l'âme intellectuelle au monde Beriah ; cette dernière est une partie de la Divinité, elle est préexistante[53]. C'est pour exprimer cette triplicité que la langue hébraïque a trois mots pour dire âme, savoir, NÉPHESCH (anima), ROUACH (spiritus), NESCHAMAH (animus) ; Isaïe y fait allusion dans ces mots (ch. 43, v. 7) : Je l'ai créé (BERATHIW), je l'ai formé (YEÇARTHIW) et je l'ai fait (AF ASITHIW). L'homme est donc composé de deux principes, l'un bon et l'autre mauvais ; il dépend de lui de faire prévaloir l'un sur l'autre, et après la mort il est récompensé selon ses œuvres, car la Neschamah est immortelle. Tel est en substance le système de la Kabbale ; les difficultés, loin d'y être résolues, ne sont qu'éludées. Le passage de l'esprit à la matière, du bien absolu au mal, reste enveloppé d'un voile impénétrable. Ce système, par ses résultats, s'écarte complètement de la doctrine mosaïque et aboutit au panthéisme ; au lieu d'un Dieu libre créant par sa volonté, nous ne trouvons plus, dans ce système d'émanation, qu'une fatalité organisatrice de la nature divinisée. Synagogues, écoles et littérature.Des synagogues et des oratoires (προσευχαί) existaient, depuis l'époque des Maccabées, dans toutes les villes de la Judée et dans beaucoup d'autres villes où il y avait des communautés juives ; il en est souvent fait mention dans les écrits de Josèphe et de Philon et dans le Nouveau Testament, et leur origine remonte probablement à l'époque de l'exil, ou tout au moins à celle d'Ezra. Ces lieux de réunion étaient destinés à la prière commune et à l'instruction religieuse ; les fidèles s'y assemblaient surtout les jours de sabbat et de fête pour prier et pour entendre la lecture et l'interprétation de différents chapitres du Pentateuque et des Prophètes. Chaque synagogue était administrée par un collège d'Anciens, à la tête desquels se trouvait un chef ou principal (BOSCH HAKENÉSETH, άχρισυναγωγός). Le ministre officiant, chargé de réciter les prières à haute voix, s'appelait SCHELIACH CIBBOUR (legatus ecclesiœ)[54] ; l'entretien du local était confié à un bedeau appelé HAZZÂN (ύπηρέτης, Luc, 4, 20), qui avait soin aussi des livres sacrés et les présentait à la lecture ; il paraît qu'il apprenait aussi à lire aux enfants[55]. L'instruction était mieux organisée que dans les temps anciens ; les synagogues, comme on l'a vu, servaient en quelque sorte d'écoles publiques ; mais il y avait des écoles élémentaires pour les enfants[56], et les scribes ou docteurs tenaient aussi des écoles supérieures, dont l'entrée était ouverte à tout le monde[57]. L'instruction se donnait en général gratuitement, les hommes instruits se faisaient un honneur et un devoir d'enseigner aux autres ce qu'ils savaient, et chaque docteur, s'il n'avait pas de fortune, possédait un art ou un métier qui le faisait vivre. Il nous reste un petit nombre de monuments de la littérature des Juifs depuis l'époque de Néhémia jusqu'à la fin de celle des Maccabées. Dans le livre de l'Ecclésiaste qui est attribué à Salomon, mais qui remonte tout au plus à l'époque persane[58], on fait allusion à une surabondance de livres (ch. 12, v. 12), et il en existait certainement d'autres que ceux qui nous sont restés de ces temps. Parmi ces derniers, un des plus anciens est l'Ecclésiastique, ou la Sagesse de Jésus fils de Sirach, recueil de sentences morales dans le genre des Proverbes de Salomon, et dont l'auteur vécut probablement quelque temps après Siméon le Juste. Nous ne possédons plus de cet ouvrage qu'une version grecque due au petit-fils de l'auteur (voir le prologue), et de laquelle sont émanées les autres versions anciennes ; mais dans le Thalmud nous trouvons encore des fragments de l'original hébreu. La rédaction des livres des Chroniques, d'Ezra et de Néhémia, tirés de Chroniques, plus anciennes, date à peu près de la même époque et ne remonte pas au delà du commencement de l'ère des Séleucides[59]. Le livre d'Esther est d'une date incertaine, et remonte probablement avant la fin de l'époque persane ; mais le livre de Daniel, comme nous l'avons déjà dit, est de l'époque maccabéenne, de même que le premier livre des Maccabées, dont l'original, écrit probablement en hébreu, est perdu, et dont nous n'avons que la version grecque. Nous rappellerons encore les livres mystiques des Esséniens, dont nous avons parlé plus haut. Quelques-uns des livres apocryphes[60] de l'Ancien Testament sont ou d'une époque plus récente, comme, par exemple, le livre de Tobie, ou dérivent des Juifs d'Alexandrie, comme le livre de la Sapience, le troisième livre des Maccabées, et quelques autres. État social.La société juive n'était plus basée, comme autrefois, sur l'agriculture ; le commerce et l'industrie avaient pris de très-grands développements. Les Juifs prenaient part au commerce actif qui se faisait sur les côtes de la Palestine, dans les villes phéniciennes et philistéennes ; ils durent avoir des vaisseaux marchands partant du port de Joppé, car à la fin de l'époque maccabéenne, du temps de Pompée, Aristobule II fut accusé de se livrer à la piraterie[61]. Les habitants des campagnes s'occupaient de l'agriculture (II Maccab. 12, 1), ainsi que de la culture des palmiers et des baumiers dans les environs de Jéricho. Nous avons très peu de données sur les institutions civiles et politiques à l'époque des rois maccabéens. Ces rois, a ce qu'il parait, disposaient d'un pouvoir très-étendu, et sans leur autorisation aucune assemblée ne pouvait être convoquée dans le pays (I Maccab. 14, 44). Au lieu des anciens représentants de la nation, nous trouvons un sénat permanent, que plusieurs auteurs ont fait remonter à tort aux temps anciens, mais qui fut probablement établi sous le règne de Jean Hyrcan, et que Josèphe mentionne pour la première fois au temps d'Hyrcan II et d'Hérode[62]. Ce sénat, qui est connu sous le nom de Synédrium, se composait de soixante-onze membres, y compris le président, qui portait le titre de Nasi (prince), et le vice-président, appelé Ab Bêth-din (père du tribunal). Les membres étaient choisis dans toutes les classes de la société ; on y trouve des prêtres, des anciens ou chefs de famille et des scribes ou docteurs de la loi. L'instruction seule donnait des titres pour siéger dans le sénat ; le président et le vice-président devaient être les plus instruits de tous[63]. Quelques auteurs ont soutenu à tort que la présidence appartenait de droit au grand prêtre[64] ; il paraît cependant que le grand prêtre était préféré, quand il avait l'instruction nécessaire[65]. Selon les rabbins, on portait devant ce tribunal suprême les affaires criminelles et administratives qui concernaient une tribu tout entière ou une ville ; il jugeait aussi le grand prêtre et les faux prophètes, et le roi avait besoin de son consentement pour entreprendre une guerre qui n'était pas obligatoire[66]. Il recevait aussi les témoignages pour la fixation des néoménies, qui furent proclamées par son ordre. Le Synédrium siégeait près du Temple dans une salle appelée GAZITH (bâtie en pierres de taille) ; plus tard il fut transféré dans quelques autres endroits. Les sièges étaient disposés en demi-cercle ; le Nasi était assis au milieu, à sa droite le Ab Bêth-din, et à chacune des deux extrémités de l'hémicycle était placé un secrétaire[67]. Pour les affaires d'une haute gravité il fallait la présence de tous les membres ; pour celles d'une importance moindre, on se contentait de vingt-trois membres[68]. Les rabbins parlent aussi de petits synhedrin composés de vingt-trois membres et qui siégeaient dans chaque ville ; à Jérusalem, disent-ils, il y en avait deux. Ces tribunaux jugeaient en général toutes les affaires criminelles de l'ordre vulgaire[69]. Mais dans les œuvres de Josèphe, il n'existe aucune trace de ces tribunaux de vingt-trois membres ; cet auteur ne parle que de tribunaux composés de sept juges, et qui selon lui, furent établis par Moïse. Les affaires civiles étaient jugées, selon les rabbins, par trois juges arbitres ; chacune des parties en choisissait un, et les deux ensemble choisissaient le troisième[70]. La procédure, dans les affaires criminelles, était bien plus lente et plus compliquée que dans les temps anciens ; le formalités prescrites à ce sujet par le droit rabbinique, notamment pour l'audition des témoins[71], offraient aux accusés de nombreuses garanties, et les condamnations capitales, selon le Thalmud, étaient extrêmement rares. Nous n'avons pas de données particulières sur l'administration du pays et sur les fiances à l'époque des rois maccabéens ; ceux-ci possédaient des domaines et levaient certains impôts, comme nous le voyons par plusieurs décrets de César, rapportés par Josèphe[72]. Il est probable que les impôts que nous trouvons mentionnés sous Hérode et plus tard remontent en grande partie à cette époque ; on parle de certains impôts sur les terres et les maisons, des douanes et des octrois[73]. Les routes commerciales qui traversaient la Palestine durent, comme autrefois, offrir de grands avantages aux souverains. Nous devons nous borner ici à cette esquisse rapide de l'état religieux et social des Juifs ; elle se complétera sur plusieurs points par le récit historique que nous reprenons maintenant. 3. Les princes maccabéens indépendants jusqu'à la conquête de Jérusalem, par Pompée (de 130 à 63). Jean Hyrcan, comme on l'a vu, était devenu indépendant par la mort d'Antiochus Sidètes et par la défaite de l'armée syrienne dans la malheureuse expédition contre les Parthes. Après s'être emparé de Médaba, de Samega[74] et d'autres villes de Pérée occupées par les Syriens, il fit, en 129, la conquête de Sichem, et détruisit le temple des Samaritains, bâti depuis deux cents ans sur le mont Garizim. Les Samaritains, quoique sujets des princes juifs, ne purent cependant être convertis au judaïsme orthodoxe, et continuant à nourrir une haine implacable contre le temple de Jérusalem, ils célébraient leur culte sur le mont Garizim, près des ruines de leur sanctuaire. Le judaïsme remporta une victoire plus complète sur les Iduméens. Ce peuple, qui s'était emparé de plusieurs villes du midi de la Judée, était devenu un dangereux voisin pour les Juifs et avait maintes fois facilité les invasions hostiles des Syriens. Jean Hyrcan, les ayant complètement défaits, leur laissa le choix d'émigrer ou d'adopter la religion juive en se faisant circoncire. Les Iduméens prirent ce dernier parti ; leur pays forma dès lors une province de la Judée et fut gouverné par un préfet (στρατηγός) juif[75]. Quelque temps après (128-127), à l'époque où Démétrius Nicator, entreprenant une expédition contre le tyran d'Égypte Ptolémée Physcon[76], s'approcha avec son armée du territoire de la Judée, Jean Hyrcan envoya une ambassade à Rome, pour renouveler le traité fait par le sénat avec son père Siméon, et pour demander l'annulation du traité qu'il avait été forcé de conclure avec Antiochus Sidètes, et par lequel il s'était engagé à payer au roi de Syrie un tribut pour Joppé et quelques autres villes. Le sénat renouvela l'alliance avec les Juifs, et promit de s'occuper plus tard des griefs d'Hyrcan. Celui-ci envoya de nouveau, pour traiter cette affaire, un certain Numénius, fils d'Antiochus, qui déjà avait été employé par Jonathan à des négociations semblables (I Maccab. 12, 16). Numénius fut chargé de présenter au sénat un bouclier d'or du poids de cinquante mille sicles. La négociation réussit complètement ; le sénat publia un décret par lequel il accorda aux Juifs tout ce que leurs ambassadeurs avaient demandé[77]. Les guerres civiles qui troublèrent la Syrie profitèrent à Jean Hyrcan, qui put agrandir son territoire et se fortifier de plus en plus. Démétrius fut assassiné à Tyr, après avoir été défait par le prétendant Alexandre Zebina (125), protégé par Ptolémée Physcon. Son fils Séleucus prit le diadème, mais il fut bientôt tué par sa mère Cléopâtre (124). Zebina, qui s'était emparé d'une partie de la Syrie, fit un traité d'alliance avec Jean Hyrcan ; mais Cléopâtre fit venir d'Athènes son fils Antiochus Gryphus, qui fut proclamé roi de Syrie (123). Le roi d'Égypte, qui avait à se plaindre de l'ingratitude de Zebina, envoya une armée au secours d'Antiochus ; Zebina fut défait et périt dans une émeute au moment où il voulait emporter des trésors du temple de Jupiter à Antioche, pour s'enfuir en Grèce. Après quelques années de règne (114), Antiochus Gryphus fut attaqué par son frère utérin, Antiochus de Cyzique ; la guerre civile entre les deux frères dura plusieurs années, jusqu'à ce qu'enfin, en 111, ils convinrent de se partager le royaume. Antiochus de Cyzique reçut la Célésyrie et la Phénicie et fixa sa résidence à Damas ; Gryphus conserva le reste du royaume avec l'ancienne résidence d'Antioche. Hyrcan, encouragé par les troubles et la division du royaume de Syrie, voulut s'emparer de la ville de Samarie, habitée par des Grecs syriens, qui avaient exercé des violences contre les Juifs de Marissa ou Maréscha, dans la plaine de Schephéla. Les deux fils d'Hyrcan, Aristobule et Antigonus, mirent le siège devant Samarie (110). Antiochus de Cyzique vint au secours des assiégés, mais il fut repoussé avec perte, et, poursuivi parles Juifs, il ne put se sauver qu'avec peine. Il implora le secours de Ptolémée Lathyre, roi d'Égypte ; malgré l'opposition de sa mère Cléopâtre, gagnée pour la cause d'Hyrcan par deux Juifs, Hilkia et Hanania, les fils du prêtre Onias de Léontopolis, Lathyre envoya six mille hommes pour renforcer les troupes du roi de Damas. Pour obliger les Juifs à partager leurs forces, Antiochus, au lieu de marcher directement sur Samarie, fit ravager le pays dans di, ers endroits ; mais ces manœuvres n'eurent pas le succès qu'il s'était promis, et ses soldats, fatigués d'une lutte inutile, désertèrent en grande partie. Antiochus se retira à Tripolis, chargeant ses deux généraux, Callimandre et Épicrate, de continuer la lutte ; Callimandre fut bientôt défait et mis en fuite, et Épicrate, trahissant son maître, vendit à Hyrcan Bethseân et les autres villes des environs occupées par les Syriens. Samarie fut obligée de se rendre après un an de siège (109) ; Hyrcan la fit raser, et elle ne fut rebâtie qu'après un demi-siècle, par le général romain Gabinius. Jean Hyrcan, maître de toute la Judée avec les places de Joppé et de Jamnia, de la plus grande partie de la Samarie et de la Galilée (excepté le littoral de la Méditerranée) et de plusieurs villes conquises dans la Pérée sur les Syriens, passa le reste de ses jours dans le repos, quant aux affaires du dehors. Il était juste et vertueux ; disciple et ami des Pharisiens, il possédait à un haut degré l'affection du peuple. Les rabbins lui attribuent plusieurs règlements de police religieuse qui témoignent d'un grand attachement aux observances pharisiennes[78]. Mais vers la fin de son règne, sa tranquillité fut troublée par les querelles des partis dans lesquelles il fut entraîné lui-même par un outrage qu'il subit de la part d'un Pharisien et dont les Sadducéens profitèrent pour l'attirer dans leur parti. Il paraîtrait que plusieurs Pharisiens voyaient avec déplaisir le même homme revêtu en même temps des suprêmes dignités religieuses et temporelles, et disposant par là d'un immense pouvoir dont l'abus pouvait détruire la liberté du peuple. Hyrcan, qui peut-être avait reçu quelque avertissement, invita un jour les principaux chefs des Pharisiens à un festin, et les engagea à lui déclarer avec franchise, si, sous un rapport quelconque, il s'était écarté de la bonne voie et avait négligé ses devoirs. Tous s'accordèrent à faire son éloge ; un seul, nommé Éléazar, homme d'un esprit remuant, osa se faire l'organe du parti des mécontents : Puisque, dit-il au prince, tu veux connaître la vérité et être juste, abdique le pontificat et contente-toi du pouvoir temporel. Sommé de s'expliquer, il dit avoir appris que la mère d'Hyrcan avait été prisonnière des Syriens du temps d'Antiochus Épiphanes, et chercha ainsi à jeter des doutes sur la naissance légitime du prince. Un Sadducéen, nommé Jonathan, ami intime d'Hyrcan, persuada à celui-ci que l'opinion dont Éléazar s'était fait l'écho, était celle de tous les Pharisiens ; pour convaincre le prince de la vérité de son assertion, il l'engagea à faire juger Éléazar par les Pharisiens eux-mêmes. Ceux-ci, étant en général portés à l'indulgence, condamnèrent le calomniateur a la peine du fouet et de la prison. Hyrcan, ne trouvant point dans cette peine une réparation suffisante de l'outrage qu'il avait subi de la part d'Éléazar, ajouta foi aux insinuations de Jonathan, et se déclarant dès ce moment partisan de la doctrine sadducéenne, il abolit les pratiques introduites par les Pharisiens et ordonna de punir ceux qui observeraient les prescriptions de la loi orale ou traditionnelle[79]. Cette mesure devint funeste à la famille des Maccabées et lui fit perdre la popularité dont elle avait joui jusqu'alors. Cependant Hyrcan, grâce au respect que commandait son caractère personnel, réussit à maintenir la paix pendant le reste de ses jours. Il mourut après un règne de vingt-neuf ou trente ans (105). Sa mémoire resta en vénération à la postérité ; on disait dans le peuple qu'il avait des révélations divines, et qu'il prédisait les choses futures[80]. Jean Hyrcan laissa en mourant cinq fils : Aristobule et Antigonus, qui s'étaient distingués au siège de Samarie ; Alexandre Jannée, élevé en Galilée et que son père avait pris en haine, parce, que, disait-on, un songe l'avait averti qu'il régnerait un jour ; un quatrième dont le nom est inconnu et un cinquième nommé Absalom. En vertu du testament d'Hyrcan, son épouse devait gouverner à sa place ; mais Aristobule ne voulant pas se contenter du pontificat, s'empara aussi de la principauté temporelle, et prenant le diadème, il changea son titre de prince (nasi) en celui de roi. Sa mère voulant faire valoir ses droits, il la fit jeter en prison et mourir de faim. Ses frères aussi furent retenus dans les fers, à l'exception d'Antigonus, qui possédait son affection et à qui il accorda une grande part dans les affaires du gouvernement. Son court règne fut illustré par quelques brillants faits d'armes et notamment par la conquête de l'Iturée, dont les habitants furent forcés d'embrasser le judaïsme. Mais la vengeance du ciel atteignit bientôt le roi parricide et son châtiment fut un autre crime, commis sur fa personne de son frère qu'il chérissait, mais qui avait à la Gourde puissants ennemis, à la tête desquels se trouvait l'épouse d'Aristobule, la reine Salomé, ou, comme on l'appelait en grec, Alexandra. Aristobule avait toujours fermé l'oreille aux bruits mensongers et aux noires calomnies que Salomé et quelques courtisans ne cessaient de répandre contre Antigonus, qu'ils présentaient comme un homme ambitieux méditant l'usurpation du pouvoir royal. A la fête des Tabernacles, Aristobule étant malade et retenu dans son château, Antigonus, revenu de l'armée, sans se donner le temps de déposer sa magnifique armure, se rendit directement au Temple, accompagné d'une troupe de guerriers, afin de rendre des actions de grâce à la Divinité et de prier pour le salut de son frère. Ses ennemis profitèrent de cette occasion pour exciter les soupçons du roi malade, en lui parlant de l'entrée pompeuse d'Antigonus et de sa troupe armée. Le roi, pour éprouver son frère, lui fit ordonner de se présenter immédiatement chez lui sans armes ; en même temps il fit placer des hommes de sa garde dans une allée souterraine qui conduisait du Temple au château des Maccabées appelé Baris et leur donna l'ordre de tuer Antigonus s'ils le voyaient passer en armes. Le messager d'Aristobule, gagné parla reine, dit à Antigonus que le roi désirait le voir revêtu de son armure, et le malheureux, en traversant le souterrain, fut assassiné par la garde du roi. Josèphe rapporte qu'un Essénien, nommé Juda, qui ne s'était jamais trompé dans ses prophéties, avait prédit qu'Antigonus mourrait près de la Tour de Straton, voulant indiquer la ville qui plus tard fut appelée Césarée. Voyant Antigonus à Jérusalem au jour qu'il croyait fixé pour sa mort, il désespérait de la vérité de ses visions prophétiques ; mais il apprit avec étonnement que le meurtre d'Antigonus venait d'être commis dans le souterrain qui portait également le nom de Tour de Straton. Ce récit de Josèphe, quelle que soit son origine, peut servir à caractériser le rôle qu'on attribuait aux Esséniens. La maladie d'Aristobule s'aggrava par les cruels remords qui déchiraient son âme, et il vomit du sang. Un domestique, qui emporta le sang, le versa par hasard à l'endroit où Antigonus avait-été assassiné ; le roi l'ayant appris y vit un signe de la vengeance céleste. Le souvenir de sa mère et de son frère lé remplit d'un affreux désespoir ; il invoqua le mort pour qu'elle mit fin à ses souffrances et expira bientôt dans d'horribles angoisses. Il n'avait régné qu'un an. Immédiatement après sa mort, ses trois frères qu'il avait fait mettre en prison furent relâchés par les ordres de la reine Alexandra et le plus âgé d'entre eux, Alexandre Jannée, monta sur le trône (104). La reine se conforma probablement au vœu du peuple ; car on ne saurait indiquer aucun motif qui pût la porter à faire librement un choix aussi contraire à son intérêt personnel[81]. Alexandre signala son avènement par le meurtre du frère qui le suivait dans l'ordre de la naissance et qui avait manifesté des vues ambitieuses ; Absalom, l'autre frère de Jannée, homme paisible et modeste, put vivre en paix. Alexandre, d'une humeur guerrière et d'un esprit eh/reprenant, mais peu réfléchi, voulut agrandir son royaume et s'emparer notamment de plusieurs villes du littoral de la Méditerranée, lesquelles, profitant des troubles qui désolaient la Syrie divisée en deux royaumes, s'étaient rendues indépendantes. Alexandre commence par !mettre le siège devant Ptolémaïde, et envoya quelques divisions de son armée assiéger Dora et Gaza. Les habitants de Ptolémaïde appelèrent à leur secours Ptolémée Lathyre, chassé d'Égypte par sa mère Cléopâtre et qui était alors roi de Cypre ; mais bientôt ils se repentirent d'avoir demandé un secours aussi dangereux et refusèrent de recevoir Lathyre. Il fut invité cependant à venir protéger Dora et Gaza contre les troupes d'Alexandre, et celui-ci, pour pouvoir porter son attention de ce côte, fut obligé de lever le siège de Ptolémaïde. S'adressant secrètement à Cléopâtre pour implorer son secours, il feignit de demander la paix à Lathyre, qui consentit à trahir les villes de Dora et de Gaza et à les lui livrer pour quatre cents talents. Mais Lathyre, ayant découvert les démarches faites par Alexandre auprès de Cléopâtre, envahit la Galilée, prit la ville d'Asochis et fit dix mille prisonniers (103). Après avoir vainement tenté de s'emparer de Séphoris, Lathyre s'avance vers le Jourdain et tailla en pièces les troupes d'Alexandre assemblées près du fleuve. Alexandre y perdit trente mille hommes. Ptolémée Lathyre ravagea le pays et y exerça des cruautés inouïes ; il se serait infailliblement emparé de la Palestine, si Cléopâtre n'eût pas amené une armée au secours d'Alexandre. Les troupes égyptiennes étaient commandées par les deux frères Hilkia et Hanania dont nous avons parlé plus haut. Par cette diversion, Lathyre fut obligé de se retirer ; Hilkia se mit à sa poursuite, mais il y perdit la vie, et Lathyre put se sauver par la fuite (102). Cléopâtre, ayant pris Ptolémaïde, où Alexandre vint la voir, eut un moment la pensée de faire assassiner le roi des Juifs et de s'emparer de son pays ; mais Hanania la détourna de ce projet et elle fit une alliance avec Alexandre. Celui-ci, ayant passé de l'autre côté du Jourdain (101), assiégea Gadara, qu'il prit au bout de dix mois, et se rendit maitre d'Amathous, où il saisit les trésors que Théodore, fils de Zénon Cotylas, prince de Philadelphie, y avait déposés. Mais Théodore vint l'attaquer subitement, reprit ses trésors et la ville d'Amathous, et s'empara des bagages d'Alexandre, qui laissa dix mille hommes sur le champ de bataille. Après s'être remis de cette défaite, il marcha de nouveau sur la côte du sud-ouest, prit Raphia et Anthedon, près de Gaza, et mit le siège devant cette dernière ville (98). Gaza fit une résistance vigoureuse ; après un an de siège, elle fut livrée par trahison à Alexandre, qui, feignant la clémence, occupa paisiblement toutes les positions fortes. Mais aussitôt il donna l'ordre de massacrer tous les habitants ; ceux-ci firent payer cher leur vie aux troupes d'Alexandre, et mirent eux-mêmes le feu à leurs maisons, afin d'enlever au barbare le fruit de sa victoire. Alexandre fit raser les fortifications et revint dans sa capitale, couvert du sang des vaincus et de celui des vainqueurs qu'il avait versé à flots sans aucune utilité pour la gloire et le bien-être de son pays. A Jérusalem, la haine que les Pharisiens portaient à la famille des Maccabées, depuis la défection de Jean Hyrcan, ne demandait qu'une occasion pour éclater avec fureur contre un prince dans lequel le caractère du sadducéisme se manifestait dans toute sa dureté repoussante. Le mécontentement général, excité par les guerres infructueuses d'Alexandre, fut mis à profit par les Pharisiens. La révolte éclata a la fête des Tabernacles (en 95), au moment où Alexandre Jannée, fonctionnant comme grand prêtre, offrit dans le Temple le sacrifice de la fête. Des hommes du parti des Pharisiens lancèrent contre lui les cédrats qu'ils tenaient dans leurs mains, selon l'usage prescrit pour la fête, et vociférèrent contre lui en l'appelant fils d'une captive et indigne du pontificat. Le roi en fureur ordonna à sa garde étrangère, composée de Pisidiens et de Ciliciens, de charger le peuple ; la mêlée devint générale et six mille hommes du peuple tombèrent en ce jour. Par cette sévérité, Alexandre parvint à rétablir la tranquillité pour le moment, mais la haine que lui portaient les Pharisiens et le peuple n'en devint que plus forte. Pour faire diversion aux troubles intérieurs, il entreprit de nouvelles expéditions contre les pays voisins. Il passa le Jourdain (93), rendit tributaires les Moabites et les Arabes du pays de Gilead, et rasa la forteresse d'Ainathous, qui avait été abandonnée par Théodore ; mais son expédition se termina par une défaite honteuse. Ayant attaqué Obedas (Obéida), émir d'une peuplade arabe, il donna dans une embuscade près de Gadara ; son armée, précipitée des hauteurs et refoulée dans un ravin, fut écrasée par les nombreux chameaux des Arabes et entièrement détruite. Ce ne fut qu'avec peine qu'Alexandre parvint à se sauver. Cette défaite fut le signal de nouveaux troubles, qui éclatèrent à Jérusalem à l'arrivée du.roi. La Judée fut désolée, pendant six années, par une guerre civile dans laquelle cinquante mille Juifs perdirent la vie. En vain. Alexandre fit-il aux révoltés des propositions de paix ; quand il leur demanda ce qu'il devait faire pour les contenter, ils répondirent : Mourir ! car ses actes, disaient-ils, pouvaient à peine se pardonner après la mort. Ils appelèrent à leur secours Démétrius Eucérus, fils d'Antiochus Gryphus ; Alexandre ne put tenir tête aux forces réunies des Syriens et des rebelles juifs, et son armée fut entièrement détruite près de Sichem (88). Alexandre se réfugia dans les montagnes, où il rassembla de nouveau quelques forces ; six mille des rebelles rentrèrent spontanément sous l'obéissance du roi, ce qui engagea Démétrius à se retirer à Damas. Alexandre parvint à vaincre les révoltés dans un combat décisif (86) ; les plus opiniâtres se jetèrent dans une forteresse appelée Béthome. Vaincus par Alexandre, ils furent conduits à Jérusalem, où huit cents des principaux prisonniers furent crucifiés le même jour, après avoir vu massacrer leurs femmes et leurs enfants. Alexandre assista à ce spectacle horrible au milieu de ses femmes, qu'il avait réunies pour un festin. Cette cruauté inouïe mérita à Alexandre le surnom de doker (trucidator), ou assassin[82] ; la terreur qu'elle inspira rétablit le repos, et le reste des rebelles, au nombre de huit mille, chercha le salut dans une prompte fuite. Parmi les fugitifs, dit-on, se trouva Siméon, fils de Schatach, frère de la reine Alexandra, et l'un des plus célèbres Pharisiens, qui se réfugia à Alexandrie. La reine intercéda pour lui et il fut rappelé à Jérusalem ; il devint ensuite le restaurateur de la doctrine pharisienne et de la loi traditionnelle[83]. Les dernières années d'Alexandre Jannée furent encore troublées par quelques guerres. Hareth, roi de l'Arabie Pétrée, qui, après avoir vaincu Antiochus Denys, occupa momentanément le trône de Damas, fit une invasion en Judée et vainquit Alexandre près de Hadida (dans la Judée occidentale) ; mais il se retira en vertu d'une convention faite entre les deux rois (84). Alexandre, convoitant toujours les trésors du prince Théodore de Philadelphie, déposés à Gerasa, fit une nouvelle expédition en Pérée. Dans l'espace de trois ans il se rendit maître de Dion, de Pella de Gerasa, de Golan, de Gamala et de quelques autres villes. De retour à Jérusalem (81), où, grâce à ses victoires, il fut bien accueilli par le peuple, il s'abandonna à la bonne chère et aux excès du vin. Son intempérance lui attira une fièvre quarte ; pour faire diversion à sa maladie, il se mit de nouveau en campagne et alla assiéger la citadelle de Ragaba, dans les environs de Gerasa, mais les fatigues hâtèrent les progrès du mal. Se sentant près de mourir, il conseilla à la reine, qui l'avait accompagné au siège, et à laquelle il confia les rênes du gouvernement, de se réconcilier avec les Pharisiens, qui exerçaient une grande influence sur le peuple et dont l'amitié lui serait nécessaire pour régner en paix. Il l'engagea à tenir secrète sa mort jusqu'après la prise de Ragaba, de retourner ensuite à Jérusalem à la tête de l'armée victorieuse et de mettre son corps à la disposition des Pharisiens. Il mourut âgé de quarante neuf ans, après en avoir régné vingt-sept (78). Les Pharisiens, ayant appris les recommandations faites par Alexandre à la reine, oublièrent toute sa conduite passée, et, le comblant d'éloges, ils lui tirent de pompeuses funérailles. Ce fut sous les auspices des Pharisiens que la reine Alexandra monta sur le trône. Elle avait d'Alexandre deux fils : l'aîné, appelé Hyrcan, fut nommé grand prêtre, le cadet, Aristobule, fut chargé du commandement des troupes, et le trône fut occupé par Alexandra. La reine fut entièrement dominée par les Pharisiens. Ceux-ci avaient atteint le but de leurs efforts, la séparation entre le pouvoir temporel et le pouvoir sacerdotal ; mais il y eut parmi eux des esprits remuants qui désirèrent satisfaire leur vengeance par de sanglantes réactions. Ils purent s'y abandonner librement, grâce à la faiblesse de la reine et à l'indolence du grand prêtre Hyrcan. La première victime de cette réaction fut le sadducéen Diogène, homme d'une haute distinction, qui avait été l'ami d'Alexandre Jannée et qu'on accusait d'avoir engagé ce dernier à faire crucifier les huit cents prisonniers de Béthome. Diogène fut mis à mort ; beaucoup d'autres Sadducéens eurent le même sort ; d'autres se sauvèrent par la fuite. Enfin Aristobule se fit le protecteur du parti opprimé ; à la tête d'une députation de Sadducéens, anciens compagnons d'armes d'Alexandre Jannée, il se rendit auprès de sa mère et implora sa protection en faveur de ceux qui avaient partagé les dangers de son père et participé à ses victoires, et dont la mort ou l'exil ferait triompher les ennemis du dehors. Sur ses représentations énergiques, Alexandra chercha à soustraire les Sadducéens à la vengeance de leurs adversaires, en les envoyant dans plusieurs forteresses dont elle leur confia la garde ; mais par là elle leur rendit le moyen de se fortifier et de préparer une contre-révolution, et bientôt Aristobule en profita pour s'emparer du pouvoir. Sa mère étant tombée dangereusement malade, il partit secrètement de Jérusalem- ; dans l'espace de quinze jours il se trouva en possession de vingt-deux places fortes, et avec l'argent qu'il y trouva, il enrôla des troupes et se fit proclamer roi. Sur les prières d'Hyrcan et des Pharisiens, Alexandra fit enfermer la femme et les enfants d'Aristobule dans le château de Baris ; elle remit aux Pharisiens le soin des affaires, et institua Hyrcan son héritier universel. Mais avant de pouvoir rien entreprendre contre Aristobule, elle mourut laissant le pays exposé aux troubles de la guerre civile (69). Elle avait régné neuf ans. A Jérusalem, les Pharisiens placèrent sur le trône le grand prêtre Hyrcan, aimant mieux confier le double pouvoir à un prince qu'ils pouvaient diriger à leur volonté, que de laisser le fougueux Aristobule maitre de leur sort. Ils levèrent aussitôt une armée, pour maintenir Hyrcan contre son frère ; mais cette armée fut battue près de Jéricho, par les troupes d'Aristobule, et Hyrcan, obligé de se retirer, alla s'enfermer dans Jérusalem. La désertion de ses soldats, à qui il ne put inspirer le courage et l'énergie dont il manquait lui-même, et qui aimèrent mieux se placer sous les drapeaux du belliqueux Aristobule, ne lui permit pas de soutenir un siège ; il traita avec son frère des conditions de la paix, et heureux de pouvoir jouir tranquillement de ses biens, il se déchargea sans peine du fardeau de la couronne, mais il conserva probablement le titre et les fonctions de grand prêtre[84]. Les deux frères s'embrassèrent en public ; Aristobule prit possession du château de Baris, et Hyrcan alla demeurer dans la maison d'Aristobule. Cette paix cependant fut de courte durée ; elle fut bientôt troublée par les intrigues, de l'Iduméen Antipas, plus connu sous le nom d'Antipater, et dont le père avait été préfet de la province d'Idumée, sous Alexandre Jannée. Antipater, homme séditieux et ami d'Hyrcan, persuada à celui-ci que sa vie était en danger, et l'engagea à se réfugier auprès de Hareth ou Arétas, roi de l'Arabie Pétrée. Le faible Hyrcan consentit à le suivre à Pétra ; Antipater sut gagner Hareth pour la cause d'Hyrcan, en lui promettant de lui faire rendre douze villes qu'Alexandre Jannée avait prises aux Arabes. Hareth, à la tête de cinquante mille hommes, envahit la Judée, défit les troupes d'Aristobule, entra dans la capitale (65) et força le roi de se retrancher dans l'enceinte du Temple, où il fut assiégé par les Arabes et les Juifs du parti d'Hyrcan, pendant la fête de Pâques. Les assiégeants manifestèrent une grande exaspération et se rendirent coupables de plusieurs forfaits. Un homme pieux, nominé Onias (Honia), qui, disait-on, était chéri de Dieu, et qui, un jour, dans une sécheresse, avait fait tomber, par sa prière, une pluie abondante[85], fut saisi par les assiégeants, qui voulurent le forcer de prier pour le succès de leur entreprise et de prononcer des imprécations contre Aristobule et ses partisans. Dieu, s'écria-t-il, roi de l'univers, ceux qui m'entourent ici sont de ton peuple, et les assiégés sont tes prêtres ; je te prie ; n'exauce pas ceux-là contre ceux-ci, et ne permets pas que les prières de ceux-ci s'accomplissent contre ceux-là. Pour prix de cette prière le pieux Onias fut tué à coups de pierres. Les prêtres assiégés envoyèrent mille drachmes, afin d'obtenir des victimes pour les sacrifices de la fête ; on garda l'argent sans expédier les victimes. Le siège se prolongea sans succès ; mais Aristobule eût été obligé de se rendre, si les événements de Syrie ne lui eussent pas fourni le moyen de se délivrer et de vaincre son frère : funeste victoire, achetée au prix de l'indépendance de la Judée, dont les destinées, depuis ce moment, reposaient entre les mains d'une puissance qui écrasait les peuples sous le poids de sa protection et les étouffait dans les étreintes de son amitié. Pompée, après avoir vaincu Mithridate, fit la guerre à Tigranes, roi d'Arménie, auquel les Syriens, fatigués des interminables guerres civiles, avaient livré le royaume des Séleucides. Scaurus, envoyé en Syrie par Pompée, venait d'occuper Damas (64), d'où il se rendit en Judée, attiré par les querelles des Juifs, qu'il crut devoir mettre à profit. Les deux partis s'adressèrent au général romain, pour le rendre juge de leur querelle. Sedums pouvait être impartial ; car chacun des deux frères lui offrit quatre cents talents, et sa cupidité était désintéressée dans la question. Il décida en faveur du belliqueux et riche Aristobule, et contre le faible Hyrcan, qui était le jouet d'un parti et appuyé par une année étrangère dont la présence probablement donnait ombrage au Romain. Scaurus ordonna à Hyrcan et à son allié Hareth de quitter immédiatement la Judée, sous peine de se voir traités en ennemis par les Romains ; après quoi il retourna à Damas. Hareth se retira avec son armée, mais poursuivi par Aristobule, il fut battu dans un combat et perdit six mille hommes, au nombre desquels se trouvèrent beaucoup de Juifs, ainsi que Phalion, frère d'Antipater. Aristobule rentra triomphant dans Jérusalem. Quelque temps après, Pompée étant venu lui-même a Damas, Antipater se rendit auprès de lui pour plaider la cause d'Hyrcan. De son côté, Aristobule, pour faire sa cour à Pompée, lui envoya une vigne en or, qui, à ce qu'il paraît, provenait de son père Alexandre Jannée. Strabon (cité par Josèphe) dit l'avoir vue à Rome, dans le temple de Jupiter Capitolin ; elle portait l'inscription : D'Alexandre roi des Juifs, et on l'estimait cinq cents talents. Un certain Nicodème fut chargé par Aristobule de défendre ses droits contre Antipater, envoyé d'Hyrcan ; il eut la maladresse de se plaindre de la cupidité de Scaurus et de celle de Gabinius, autre général romain, qui avait aussi reçu trois cents talents pour favoriser la cause d'Aristobule. Ces plaintes indisposèrent Pompée contre Aristobule ; il renvoya les deux ambassadeurs, disant qu'il entendrait les deux frères au printemps prochain, à son retour à Damas. A l'époque fixée, Hyrcan et Aristobule se présentèrent en personne devant Pompée (63). Hyrcan invoqua son droit de premier-né et accusa son frère d'avoir usurpé la couronne et de se livrer à toute sorte de violences, même au brigandage et à la piraterie, ce qui fut affirmé par plus de mille témoins qu'Antipater avait fait venir à Damas. Aristobule, d'un ton arrogant, parla de l'incapacité et de l'indolence de son frère, et de la voix du peuple, qui s'était prononcée pour lui comme étant plus digne de porter la couronne et seul capable de protéger le pays contre les ennemis. En même temps un troisième parti se présenta devant Pompée, pour protester à la fois contre les deux princes, en les accusant d'avoir changé la forme du gouvernement et d'avoir usurpé le titre de roi dans un pays qui, jusque-là, avait été gouverné par les grands prêtres selon ses antiques institutions. Pompée, blessé de la fierté d'Aristobule, l'accusa d'avoir agi avec violence ; mais il ajourna encore la décision jusqu'à son retour d'Arabie, où il allait combattre le roi Hareth. Aristobule, reconnaissant que Pompée ne lui était pas favorable, partit brusquement pour se mettre en état de défense. Pompée, après avoir réduit Hareth, ayant appris les intentions hostiles d'Aristobule, se dirigea vers la Judée. Aristobule l'attendit dans la citadelle d'Alexandrion, élevée par Alexandre Jannée sur la frontière au delà du Jourdain, probablement pour protéger la Judée contre les invasions des Arabes. Arrivé devant Alexandrion, Pompée fit inviter Aristobule à sortir auprès de lui pour exposer ses prétentions ; cet entretien, qui resta sans succès, fut suivi de trois autres, qui n'en eurent pas davantage. Enfin Pompée, fatigué de ces négociations infructueuses, déclara à Aristobule qu'il le retiendrait prisonnier, s'il n'expédiait pas sur-le-champ à toutes les forteresses l'ordre de se rendre aux Romains. Aristobule, pour recouvrer sa liberté, écrivit aussitôt aux commandants des forteresses, et se retira à Jérusalem, plein d'une juste indignation et résolu de se préparer au combat. Pompée le suivit, et Aristobule, reconnaissant qu'il essaierait vainement de lui résister, se rendit de nouveau auprès de lui et lui offrit une somme considérable pour obtenir la paix et être maintenu sur le trône. Pompée y consentit, et envoya Gabinius à Jérusalem pour recevoir la somme promise par Aristobule ; mais le peuple refusa de ratifier la promesse et ferma les portes au général romain. Pompée s'en vengea sur Aristobule en le retenant prisonnier, et mit le siège devant Jérusalem. Les partisans d'Hyrcan ouvrirent les portes aux Romains, mais ceux d'Aristobule se retirèrent sur la montagne du Temple, résolus d'opposer nue résistance opiniâtre. Pompée fit venir de Tyr des machines de guerre, et commença les opérations du siège du côté du nord, qui était le moins fortifié. Le siège dura trois mois, et il aurait duré plus longtemps, si les Romains n'eussent pu profiter des jours de sabbat pour avancer leurs travaux sans en être empêchés par les Juifs. Enfin la plus grande tour de la- muraille ayant été renversée par les machines, ses ruines, comblant le fossé, donnèrent passage aux Romains, qui montèrent à l'assaut. Le premier qui pénétra dans le fort fut Faustus Cornelius, fils du fameux Sylla ; il fut suivi par les centurions Furius et Fabius avec leurs troupes. Les Romains firent un horrible carnage de tous les Juifs qu'ils rencontrèrent dans la place ; beaucoup d'entre eux se précipitèrent du haut de la muraille pour se donner la mort ; d'autres mirent le feu à leurs maisons et expirèrent dans les flammes. Au milieu de ces scènes d'horreur, les prêtres, impassibles, firent leur service à l'autel, en attendant la mort ; ils furent impitoyablement égorgés au pied de l'autel, et leur sang se mêla à celui des victimes. Environ douze mille Juifs périrent en ce jour ; ils tombèrent en partie sous les coups de leurs propres frères du parti d'Hyrcan. Ce qui ajouta à la douleur et à l'humiliation des Juifs, ce fut la profanation du sanctuaire ; car Pompée pénétra avec sa suite dans le Saint des Saints, qui n'était accessible qu'au grand prêtre, une fois par an. Cependant Pompée ne toucha à aucun des vases sacrés, ni même au trésor du Temple, qui était de deux mille talents. Le lendemain, il ordonna de purifier le sanctuaire et d'y offrir les sacrifices comme à l'ordinaire. Ceux qui avaient engagé Aristobule à faire la guerre aux Romains furent condamnés à mort ; d'autres furent faits prisonniers, et parmi ces derniers nous remarquons Absalom, oncle et beau-père d'Aristobule, dont le sort ultérieur est inconnu. Aristobule fut épargné pour être conduit à Rome ; il avait régné six ans. La conquête de Jérusalem elle massacré qui la suivit eurent lieu, selon Josèphe, pendant un jour de jeûne solennel ; on a pensé que ce fut l'anniversaire de la destruction de Jérusalem par les Chaldéens. Selon d'autres, Josèphe veut parler du 10 Thischri (septembre-octobre), jour des expiations, ce qui est plus probable[86]. Par cette conquête la Judée perdit de nouveau son indépendance ; le royaume des Hasmonéens fut changé en une ethnarchie tributaire des Romains. Pompée rendit à Hyrcan le pontificat, mais il lui défendit de porter le diadème, et Hyrcan n'eut plus que le titre d'ethnarque (chef du peuple) ; il fut obligé de payer un tribut, de faire démolir les murailles de Jérusalem, de rendre aux Romains toutes les villes qui autrefois avaient appartenu à la Syrie, et il dut s'engager à faire rebâtir Gaza, Gadara et quelques autres villes détruites par ses prédécesseurs. Scaurus, nommé gouverneur de Syrie, fut chargé de veiller sur la Judée. Pompée retourna ensuite à Rome, en passant par le Pont, où il confirma la royauté de Pharnace, fils de Mithridate, qui venait de se donner la mort. Le vainqueur des Juifs emmena avec lui l'ex-roi Aristobule, ainsi que ses deux fils, Alexandre et Antigonus, et ses deux filles, pour orner son triomphe. |
[1] Le nom doit s'écrire en hébreu
שקכי, par un Kouph, comme le prouve la version syriaque des
livres des Maccabées ; le nom de MAKKABI signifierait donc malleator, de MAKKABA (marteau), et Juda aurait été
ainsi nommé, de même Charles Martel, à cause de la
force de son courage, dont il rompit tant de nations, comme s'exprime
Mézeray.
[2] Voyez II Maccabées, ch.
6 et 7, et Josèphe, Des Maccabées, ch. 5 et suivants.
[3] Voyez I Maccabées, 2 42
(Vulgate) ; 7, 13 ; II Maccabées, 14, 5.
[4] Selon I Maccabées, 4,
28, elle se composa soixante mille hommes d'infanterie et de cinq mille
cavaliers ; ces nombres paraissent être exagérés.
[5] Voyez I Maccabées, 6,
6-8. C'est sans doute le même combat qui est raconté II Maccabées, 8,
30-33, avant la conquête de Jérusalem ; évidemment l'ordre des faits y est
interverti, car, selon le v. 31, Jérusalem était déjà entre les mains des
Juifs. Le récit de II Maccabées, 10, 24-38, parait encore se rapporter à
ce même combat ; la ville de Gazara (v. 32) parait être la même que Yaëzer,
mais alors l'auteur s'est trompé en disant que Timothée fut tué au siège de
cette ville.
[6] Bosor, ou Béser, ancienne ville asile des Hébreux, était
située dans les environs de Baal-Méon.
[7] Selon I Maccabées, 6,
30, elle se composa de cent mille fantassins, de vingt mille hommes à cheval et
de trente-deux éléphants ; Josèphe rapporte la même chose dans ses Antiquités
(XII, 9, 3), mais dans la Guerre des Juifs (I, 1, 5), il dit que cette
armée de Lysias se composa de cinquante mille hommes de pied, de cinq mille
cavaliers et de quatre-vingts éléphants. Les chiffres du livre des Maccabées
sont sans doute fort exagérés.
[8] Voyez Josèphe, Antiquités,
l. XIII, ch. 3 ; Guerre des Juifs, l. VII, ch. 10. Le Thalmud,
dont l'autorité, en fait d'histoire, ne saurait prévaloir sur celle de Josèphe,
fait remonter bien plus haut la fondation du temple d'Héliopolis, et l'attribue
à Onias, fils de Siméon le Juste. Voyez Thalmud de Babylone, traité Menachoth
(des oblations), fol. 109 b ; Maimonide, Comment. sur la Mischna,
même traité, ch. 13, § 10.
[9] Voyez I Maccabées, 7,
32. Selon la Vulgate, Nicanor perdit cinq mille
hommes ; mais quelques éditions du texte grec, ainsi que la version syriaque,
portent cinq cents. Josèphe (Antiquités,
XII, 10, 4) s'écarte ici complètement du livre des Maccabées ; selon
lui, Nicanor remporta la victoire et força Juda de se retirer dans la citadelle
(άκρα) de Jérusalem ; ce
qui parait être un mal entendu, car le fort d'Acra était occupé par les
Syriens, et ne pouvait servir de refuge à Juda. Peut-être Josèphe veut-il
parler du fort de Sion.
[10] Voyez Meghillah (traité
des jeûnes), ch. 15. Il résulte aussi du récit de Josèphe (Antiquités,
XII, 10, 5) que cette fête était encore célébrée de son temps.
[11] Voici comment Justin (l. 38,
ch. 3) s'exprime sur cette alliance : A Demetrio
cum descivissent (Judœi), amicitia Romanorum petita, priori omnium ex
Orientalibus libertatem receperunt, facile tunc Romanis de alieno largientibus.
[12] Voyez Josèphe, Antiquités,
XII, 11, 1 ; le Ier livre des Maccabées (9, 5) appelle cet endroit Éleasa, ou, selon la Vulgate, Laïsa, mais Reland présume que les deux noms sont
corrompus, et qu'il faut lire Adasa,
comme ci-dessus. Peut-être doit-on lire Έλαία
(Elœa), nom grec qui serait en quelque
sorte la traduction de Beth-Zétho.
[13] Voyez I Maccabées, ch.
11, v. 10 et 11. Selon Josèphe (Antiquités, XIII, 4, 6), Alexandre avait
en effet engage son ministre Ammonius à faire périr le roi d'Égypte.
[14] Le texte grec et la version
syriaque portent Darius ; dans la Vulgate
on lit Arius, et de même dans Josèphe (Antiquités,
XII, 4, 10). Mais il paraîtrait qu'au nom de Darius,
qui ne pouvait appartenir à un roi de Sparte, on a substitué, par conjecture,
celui d'Arius qui se rapproche d'Areus, nom de deux de Sparte dont le premier a pu
être contemporain d'Onias Ier (quoique Josèphe fasse adresser la lettre à Onias
III).
[15] Michaelis, dans son Commentaire
sur le Ier livre des Maccabées, a pensé que le texte primitif de ce livre
portait Sepharad ou Sphard, nom qu'on trouve dans le livre d'Obadia
(v. 20), et qui, selon saint Jérôme, désigne un peuple du Bosphore ; le
traducteur grec a pu confondre Spard
avec Sparte. D'autres auteurs ont
cherché à démontrer historiquement la parenté des Hébreux avec les Spartiates.
Voyez Winer, Realwœrterbuch, t. II, article Sparta, où les
différentes opinions se trouvent résumées.
[16] Voyez Tite-Live, Épitomé
du liv. 55.
[17] Voyez Josèphe, Antiquités,
XIII, 6, 6 ; Guerre des Juifs, I, 2, 2. Au Ier livre des Maccabées,
ch. 13, v. 43, il faut lire Gazara au
lieu de Gaza.
[18] Au cabinet des médailles de la
Bibliothèque royale, et dans quelques autres cabinets, il existe encore un
nombre assez considérable de pièces de monnaies qui portent pour inscription : Siméon prince d'Israël, et où l'on trouve marqués
les quatre premières années de la délivrance.
Or, on peut conclure d'un passage du Ier livre des Maccabées (13, 42)
que l'an I de la délivrance ou de la liberté est l'an 170 des Séleucides, ou
l'an 112 avant l'ère chrétienne.
[19] Comparez Josué, 15, 58
; I Chroniques, 4, 39.
[20] Voyez Josèphe, Antiquités,
XIII, 7, 4 ; Guerre des Juifs, I, 2, 3. Selon le Ier livre des Maccabées
(16, 16), qui ne fait pas mention de la femme de Siméon, les deux fils furent
tués sur-le-champ avec leur père.
[21] Sur ces cinq cents talents,
trois cents devaient être payés de suite. Josèphe raconte que, pour se procurer
cette somme, Hyrcan fit ouvrir le sépulcre de David, et en tira 3.000 talents
qu'il employa, après avoir payé le tribut, a entretenir des troupes étrangères.
Voyez Josèphe, Antiquités, XIII, 8, 4 ; Guerre des Juifs, I, 2,
5. Si le fait est exact, les 3.000 talents provenaient probablement des trésors
du Temple qui, du temps d'Antiochus Épiphanes, avaient pu être sauvés en partie
et déposés dans le sépulcre de David. Voyez Jahn, Archœologie, t. I, 2e
partie, p. 440.
[22] Voyez Josèphe, Antiquités,
XIII, 9 ; 10, 5 et 6 ; XVII, 2, 1 ; XVIII, 1, 3 ; Guerre des Juifs, II,
8.
[23] C'est ce que Josèphe dit
très-clairement, Antiquités, XVIII, 1, 3 ; sur l'erreur de ceux qui,
s'étant mépris sur le sens d'un autre passage de Josèphe, ont attribué aux
Pharisiens un fatalisme absolu, voyez Basnage, Histoire des Juifs, liv.
2, ch. 10, Brocher, Hist. crit. Philosophiæ, t. II, p. 751 et 752.
Comparez Mischna, quatrième partie, Pirké aboth (sentences des
Pères), ch. 3, § 15.
[24] On s'est trompé sans doute en
croyant reconnaitre dans cette doctrine celle de la métempsycose ; c'est plutôt
celle de la résurrection qui aura lieu après la révolution des siècles
(comparez le discours de Josèphe, Guerre des Juifs, III, 8, 5), avec
cette différence que les anciens Pharisiens n'admettaient pas la résurrection
des corps, mais seulement la renaissance des âmes.
[25] Il paraitrait résulter d'un
passage de Josèphe (Antiquités, XVIII, 1, 3) que, selon la croyance des
Pharisiens, les âmes après la mort, celles des bons comme celles des méchants,
séjournaient sous la terre ; mais dans le discours que nous venons d'indiquer
dans la note précédente, Josèphe, Pharisien lui-même, dit que les âmes des
vertueux occupent le lieu le plus saint du ciel. Cu point, du reste, ne fait point
partie du dogme et appartient au domaine de l'imagination poétique et populaire
qui se plaisait à deviner et à décrire les différents lieux où séjournaient les
âmes, ou, comme on disait plus tard, le paradis et l'enfer.
[26] Voyez Guerre des Juifs,
VII, 6, 3.
[27] Voyez Zacharie, ch. 3,
v. 1 et 2 ; I Chroniques, ch. 21, v. 1.
[28] Voyez Daniel, ch. 10,
v. 13, 20 et 21 ; ch. 12, v. 1 ; comparez Apocalypse, ch. 8, v. 2.
[29] Voyez Josèphe, Antiquités,
XIII, 10, 6.
[30] Vie de Josèphe, ch. 3.
[31] Voyez Thalmud de
Babylone, traité Sota, fol. 22 b. Buxtorf, Lexicon thalmudicum,
col. 1852.
[32] Plusieurs auteurs ont soutenu
que les Sadducéens rejetaient même l'autorité des livres prophétiques et ne
reconnaissaient que le Pentateuque seul. Cette opinion, qui n'est nullement
favorisée par les paroles de Josèphe, est formellement contredite par la Thalmud,
ou nous voyons les Pharisiens citer des passages des Prophètes et des
Hagiographes, pour réfuter les Sadducéens, sans que ceux-ci contestent
l'autorité de ces passages. Voyez Thalmud de Babylone, Synhedrin,
fol. 90 b.
[33] Voyez Josèphe, Antiquités,
XIII, 10, 6 ; XX, 9, 1 ; comparez Actes des Apôtres, ch. 5, v. 17, 31 et
suivants.
[34] Voyez Meghillath Thaanith,
ch. 4.
[35] Josèphe, Guerre des Juifs,
II, 8, 14.
[36] Voyez sur le sens du nom de Thérapeutes, Philon, De la vie contemplative,
au commencement.
[37] C'est-à-dire dans les villes
où il n'y avait pas d'établissement. Voyez Gefrœrer, Geschichte des
Urchristenthums (Histoire du christianisme primitif), t. I, première
partie, p. 301.
[38] Voyez Philon, Quod omnis
probus liber, éd. de Genève, 1613, p. 678 et 679.
[39] Comparez Josèphe, Antiquités,
XVIII, 1, 5.
[40] Ici Philon est en
contradiction avec Josèphe qui dit expressément que les Esséniens habitaient
dans plusieurs villes. Il parait que Philon a principalement en vue ceux
d'entre les Esséniens qui, s'abandonnant plus que les autres à la vie
contemplative, recherchaient de préférence les lieux solitaires, et notamment
les environs de la mer Morte ; c'est peut-être cette classe des Esséniens, qui,
selon Josèphe, vivait dans le célibat. Comparez Pline, Hist. Nat., V, 17
: Ab occidente (lacus) littora Esseni fugiunt...
Gens sola et in toto orbe præter cæteras mira, sine
ulla fœmina, omni venere abdicata, etc.
[41] Voyez Antiquités, XIII,
5, 9 ; XVIII, 1, 5.
[42] Guerre des Juifs, II,
8, 11.
[43] Voyez Basnage, Histoire des
Juifs, liv. III, ch. 16, § 7 ; Brucker, Hist. crit. Philosophie, t. II, p. 943 et suivantes ;
Jost, Geschichte, etc. (Histoire des Israélites, depuis l'époque des
Maccabées), t. III, p. 72 et 75. — M. Franck (La Kabbale, ou la
philosophie religieuse des Hébreux, Paris, 1843), qui n'admet pas
l'influence de la philosophie grecque sur la formation de la Kabbale, parce que, dit-il, le
judaïsme a toujours montré à l'égard de la civilisation grecque une aversion et
une ignorance profonde (p. 253 et 388), nous parait avoir négligé à tort
d'examiner le rôle que les Esséniens ont pu jouer comme intermédiaires entre
l'Égypte et la Palestine. Sur les rapports qui existaient entre les Esséniens
de Palestine et les Thérapeutes d'Égypte, voyez Dæhne, Geschichtliche
Darsteltung, etc. (Exposition historique de la philosophie religieuse
des Juifs d'Alexandrie), t. I, p. 467 et suivantes.
[44] Maimonide, dont les nombreux
écrits n'offrent aucune trace de doctrines de la Kabbale, parle cependant,
comme thalmudiste, du maasé beréschith
et du maasé mercava, dans lesquels le Thalmud
voit de profonds mystères. Préoccupé des doctrines gréco-arabes, et notamment
de la philosophie d'Aristote, il voit dans maasé
beréschith la physique et dans maasé
mercava la métaphysique ; dans la troisième partie de son Moré
nébouchim (ch. 1 à 7), il parle de la mercava
dans un langage assez obscur, et il parait y avoir vu toute la cosmologie
d'Aristote. M. Franck dit (La Kabbale, p. 55) que l'opinion de Maimonide
a été adoptée par tous les Kabbalistes ; mais ceci ne doit s'entendre que de
certains Kabbalistes modernes du treizième et du quatorzième siècle, chez
lesquels la Kabbale se présente sous une enveloppe péripatéticienne.
[45] Il faut se rappeler qu'en
hébreu on n'écrit que les consonnes.
[46] Saint Jérôme parle déjà de
cette interprétation ; voyez son Commentaire sur Jérémie, ch. 25.
[47] Voyez Herder, Persépolis,
œuvres complètes, t. I, p. 63 de l'édition de Carlsruhe.
[48] Comparez Deutéronome,
32, 17 ; Psaumes, 106, 37.
[49] C'est-à-dire rebuts, esprits
impurs ou déchus. Voyez Chr.
Knorr de Rosenroth, Kabbala danudata, Apparat. in librum Sohar, P. I, p.
675. Franck, l. c., p. 211.
[50] Ce nom parait être composé des
mots grecs μετά
θρόνου, auprès
du trône.
[51] Le mot hébreu ayin (rien, néant) est aussi adverbe
interrogatif, et signifie où. David a
dit (Psaume 121, 1) : Je lève mes yeux vers les
montagnes d'où (me-ayin) viendra mon secours. Les Kabbalistes
traduisent : du néant (c'est-à-dire
de Dieu)
viendra mon secours.
[52] L'étymologie du mot Sephirah (pl. Sephirôth) est incertaine :
si on le considère comme un mot hébreu, il signifie numération,
nombre, ce qui a fait penser aux nombres
de Pythagore et aux idées de Platon ; voyez Brucker, Hist. crit. philosophiæ,
t. II, p. 1003 et 1020. M. Franck, qui adopte le sens de numération, s'exprime
ainsi sur les Sephirôth (La Kabbale,
p. 147) : Elles sont représentées comme les formes les
plus générales, par conséquent les plus essentielles de tout ce qui est, et, si
je puis m'exprimer ainsi, comme les catégories de l'univers. Nous voulons dire
qu'en cherchant, n'importe de quel point de vue, les premiers éléments ou les
principes invariables du monde, on doit, d'après les idées dont nous sommes
l'interprète, rencontrer toujours le nombre dix. D'autres font venir le
mot Sephirah du grec σφαΐρα (sphère), et
quelques Kabbalistes représentent les Sephirôth
en dix cercles ou sphères, les unes dans les autres, et au dessus d'elles plane
l'Èn-soph ; d'autres encore y trouvent
l'idée de lumière exprimée par le mot Saphir.
[53] Voyez sur la doctrine de la
préexistence selon les Kabbalistes, la Kabbale de M. Franck, p. 230-244.
[54] Comparez Apocalypse,
ch. 2, v. 1.
[55] Voyez Mischna, 2e
partie, traité Schabbath, ch. 1, § 3. Plus tard on donnait le nom de Hazzan au ministre officiant, et c'est dans ce
sens qu'il est employé maintenant par les Juifs.
[56] Voyez Josèphe, Antiquités,
XV, 10, 5.
[57] Voyez Josèphe, Guerre des
Juifs, I, 33, 2 ; Vie de Josèphe,
ch. 2 ; Actes des Apôtres, 22, 3.
[58] Voyez Eichhorn, Einleitung,
t. V, p. 266.
[59] Voyez Zunz, Gotlesdienst
liche Vortrœge, ch. 2, ou le tome XVIII de la Bible de M. Cahen, p.
31.
[60] On appelle ainsi ceux des
livres de l'Ancien Testament qui ne sont pas reçus dans le Canon des Juifs. Le
mot grec άπόκρυφοι
est probablement la traduction de GUENOUZIN (cachés), mot par lequel on
désignait des livres dans lesquels il n'était pas permis de lire publiquement
dans les synagogues, soit parce qu'ils étaient usés et fautifs, ou parce qu'ils
n'étaient pas comptés parmi les livres inspirés. Voyez Hottinger, Thesaur.
philolog., p. 514. Le Canon, qui renferme les livres dont l'inspiration est
reconnue par les Juifs, se divise en trois parties, selon les trois degrés
d'inspiration ; ce sont : la THORAH (Pentateuque), écrite sous l'inspiration immédiate
; les NEBIÎM
(Prophètes), inspirés par un esprit prophétique inférieur à celui de
Moïse, et les KETHOURIN
(Hagiographes), inspirés par l'esprit saint, inférieur à l'esprit
prophétique. Le Canon fut probablement clos à l'époque maccabéenne ; le dernier
livre qui y fut reçu est celui de Daniel.
[61] Josèphe, Antiquités,
XIV, 3, 2.
[62] Plus haut, Troisième livre,
Troisième partie, Droit politique et administratif, Les chefs de tribus et des
familles, on y a écrit, par erreur, que Josèphe en parle pour la première
fois sous le règne d'Hérode.
[63] Voyez Maimonide, Abrégé du
Thalmud, liv. XIV, traité du Synédrium, ch. 1 ; Selden, de
Synedriis, p. 663.
[64] Contre cette opinion, voyez
Selden, l. c., p. 980 et suivantes.
[65] Voyez par exemple, Actes
des Apôtres, ch. 5, V. 21 et 27 ; Evangile de Matthieu, 29, 3.
[66] Voyez Mischna, Synhédrin,
ch. 1, § 5. Il parait que les crimes politiques d'une certaine importance
étaient également jugés par le grand Synédrium ; comparez Josèphe, Antiquités,
XIV, 9, 4.
[67] Voyez la description et le
dessin donnés par Selden, de Synedriis, p. 663 à 665. Les deux
secrétaires n'étaient pas membres du Synédrium.
[68] Maimonide, l. c. ch. 3,
§ 1.
[69] Mischna, Synhédrin,
ch. 1, § 4 et 6. Comparez Evangile de Matthieu, 10, 17 ; Marc,
13, 9.
[70] Mischna, Synhédrin,
ch. 3, § 1.
[71] Voyez Mischna, Synhédrin,
ch. 4 et 5.
[72] Antiquités, XIV, 10 §
5, 6 et suivants.
[73] Voyez Antiquités, XV,
9, 1 ; 10, 4 ; XVII, 2, 1 ; 8, 4 ; XIX, 6, 3.
[74] Josèphe, Antiquités,
XIII, 9, 1. Cette ville était située sans doute, comme Médaba, dans l'ancien
pays de Moab ; dans la Guerre des Juifs (I, 2, 6). Josèphe l'appelle Samée, Σαμαία.
[75] Voyez Josèphe, Antiquités,
XIII, 9, 1 ; XIV, 1, 3.
[76] Voyez Justin, l. 39, ch. 1.
[77] Voyez Josèphe, Antiquités,
XIV, 8, 5. C'est par mégarde que ce document a été inséré par Josèphe, ou par
son secrétaire, dans l'histoire d'Hyrcan II ; l'erreur devient surtout
manifeste par le nom de Numénius, fils d'Antiochus,
expressément mentionné dans ce décret, et qui, chargé d'une mission du temps de
Jonathan, n'a pu figurer un siècle plus tard sous Hyrcan II. Voyez l'édition de
Havercamp, t. I, p. 898, notes k et t.
[78] Voyez Mischna, Ire
partie, Maaser schéni, ch. 5, § 15 ; 3e partie, Sota, ch. 9, §
10.
[79] Cet événement est raconté
d'une manière un peu différente dans le Thalmud de Babylone, traité Kiddouschin,
fol. 66 a, où on a confondu Johanan, ou Jean Hyrcan, avec son fils le
roi (Alexandre) Jannée ; mais dans un autre passage (Berachoth, fol. 29 a),
on nomme expressément le grand prêtre Johanan
(Jean Hyrcan), qui à la fin de ses jours devint Sadducéen.
[80] Voyez Josèphe, Antiquités,
XIII, 10, 7 ; Guerre des Juifs, I, 2, 8. Cet auteur raconte, entre
autres (Antiquités, l. c. § 3), qu'au jour où ses deux fils vainquirent
Antiochus de Cyzique, Hyrcan entendit une voix dans le sanctuaire, qui lui
annonça cette victoire. On parait faire allusion à ce même fait dans le Thalmud
de Babylone, traité Sota, fol. 33 a.
[81] Quelques savants ont supposé
que la reine épousa Alexandre, et qu'elle est la même qu'Alexandra, femme
d'Alexandre Jannée et qui régna après sa mort. Voyez Jost, Geschichte,
etc. (Histoire des Israélites depuis le temps des Maccabées), t. I,
appendice, p. 30. Mais un pareil mariage eût été une insulte manifeste aux lois
du pays ; comme grand prêtre, Jannée n'aurait pas même pu épouser sa belle-sœur
en vertu du lévirat. D'ailleurs, le caractère de Salomé ou Alexandra, femme
d'Aristobule, n'aurait pu mériter les éloges que Josèphe fait d'Alexandra,
veuve de Jannée (Guerre des Juifs, I, 5, 1). Nous ne saurions nous
occuper ici de la solution des difficultés chronologiques qui résultent, dans
tous les cas, de l'âge que Josèphe donne à Jannée, à sa femme Alexandra et à
leurs fils ; il y a nécessairement des fautes graves dans les nombres. Voyez
Jost, l. c.
[82] Josèphe dit thracidas, θρακίδας
(Antiquités, XIII, 14, 2), mot que quelques-uns ont expliqué par Thrace, barbare
; mais le mot est probablement corrompu. Dans l'extrait hébreu de l'histoire de
Josèphe, connu sous le nom de Josippon (liv. 4, ch. 33), on lit Doker. Voyez aussi la Notifia Karœorum,
publiée par Wolf, p. 86.
[83] Voyez le livre Cosri,
3e partie, § 65, édit. de Buxtorf, p. 241 ; Notitia Karœorum, p. 86.
Comparez Thalmud de Babylone, traité Kiddouschin, fol. 66 a. —
Josèphe n'en fait aucune mention.
[84] Il n'est pas probable, comme
le disent généralement les auteurs modernes, qu'Hyrcan, en déposant la
couronne, ait renoncé en même temps au pontificat. Josèphe ne parle
expressément que de l'abdication de la royauté (Antiquités, XIV, 1, 2 ; Guerre
des Juifs, I, 6, 1). Hyrcan s'engagea à vivre άπραγμόνιος,
c'est-a-dire sans prendre part aux affaires publiques, ce qui n'exclut pas le
pontificat. L'auteur du livre Josippon (ch. 36) dit avec raison qu'Hyrcan
resta grand prêtre.
[85] Cet homme est célèbre, dans
les traditions thalmudiques, sous le nom de Honi,
et surnommé Ha-Meagghel (faisant des
cercles magiques). On parle aussi dans le Thalmud de l'effet de ses prières, et
notamment de celle par laquelle il obtint la pluie. Voyez Thalmud de
Babylone, traité Thaanith, fol. 23 a.
[86] Selon Strabon, l. XVI (éd. Casaubon, 1587, p. 52b), c'était un Jour de jeûne auquel les Juifs s'abstenaient de toute espèce de travail, ce qui ne peut s'adapter qu'au jour des expiations. Voyez les arguments allégués par M. Jost dans son Histoire des Juifs depuis les Maccabées, t. I, appendice, p. 23 à 28.