Alexandre, en partant pour l'Égypte, confia la Syrie et la Palestine à un gouverneur nommé Andromaque. Après avoir promptement délivré l'Égypte du joug des satrapes de Perse et s'être emparé du pays, il repartit de Memphis (au printemps de l'an 331 avant J. C) pour se rendre à Tyr. Andromaque, qui, à ce qu'il paraît, avait fixé sa résidence à Samarie, venait d'être brûlé vif, par quelques mécontents, dans une maison de cette ville ; à l'arrivée d'Alexandre, les Samaritains, redoutant sa vengeance, lui livrèrent aussitôt les coupables, qui furent punis de mort. En même temps Alexandre fit sentir sa juste colère aux habitants de Samarie, qu'il expulsa de la ville, pour y établir une colonie macédonienne. Les Samaritains allèrent se fixer à Sichem près de leur temple ; ce fut probablement à cette occasion qu'Alexandre abandonna aux Juifs une partie du territoire samaritain, en récompense de leur fidélité, comme le dit l'historien Hécatée[1]. Au milieu de l'été, Alexandre quitta Tyr à la tête d'une armée de près de cinquante mille hommes, traversa le nord de la Palestine et se dirigea sur l'Euphrate. Memnon fut nommé, à la place d'Andromaque, gouverneur de tout le pays en deçà du fleuve. La Palestine et les Juifs s'effacent entièrement pour nous pendant la durée des guerres d'Alexandre en Asie. A Babylone, Alexandre voulut en vain forcer les Juifs de travailler à la reconstruction du temple de Bélus ; voyant l'horreur invincible que leur inspirait ce travail, il finit par les en dispenser[2]. Après la mort d'Alexandre (323) Perdiccas, régent de l'empire macédonien, établit les généraux de l'armée dans les différentes provinces, à titre de gouverneurs ; Laomédon de Mitylène reçut la Syrie et la Palestine. On connaît les divisions et les guerres qui éclatèrent bientôt entre les gouverneurs. Ptolémée, fils de La-gus, surnommé Soter, qui régnait en Egypte, envoya son général Nicanor faire la guerre à Laomédon, et s'empara de la Syrie, de la Phénicie et de la Palestine (320) ; Jérusalem tomba, sans coup férir, au pouvoir de Ptolémée. Cette ville, dit-on, fut surprise un jour de sabbat, pendant que les Juifs se livraient au repos[3] ; mais il n'est pas probable que, tout autre jour, ils eussent opposé à Ptolémée une résistance sérieuse. Un grand nombre de Juifs furent transportés en Égypte, en Cyrène et en Lydie ; ils peuplèrent en partie la nouvelle ville d'Alexandrie, où déjà Alexandre lui-même avait établi beaucoup de Juifs, et où ils eurent des droits égaux à ceux des Macédoniens[4], ce qui engagea depuis beaucoup de leurs compatriotes à émigrer spontanément en Égypte. Antigonus s'étant rendu maître d'une grande partie de l'Asie, par la victoire remportée sur Eumènes (en 315), s'empara ensuite de la Syrie et de la Palestine (en 314) ; mais bientôt Ptolémée, ayant défait près de Gaza, Démétrius, fils d'Antigonus, occupa de nouveau la Palestine (en 312). L'année suivante, un traité de paix remit Antigonus en possession de ce pays, jusqu'à ce que, après la sanglante bataille d'Ipsus (en 301), dans laquelle Antigonus perdit le royaume et la vie, la convention faite entre Cassander, Lysimaque, Seleucus et Ptolémée, rendit définitivement la Palestine à ce dernier ; depuis lors elle resta environ un siècle, sauf quelques courts intervalles, sous la domination des rois d'Égypte. Sous le premier Ptolémée, vers l'an 300, florissait Siméon, surnommé le Juste, fils et successeur du grand prêtre Onias. Il fut un des derniers membres et des plus célèbres de là grande synagogue ; mais nous ne connaissons de lui aucun fait historique. Ce que les livres thalmudiques rapportent de Siméon le Juste est ou fabuleux ou très-peu important[5] ; tout ce que nous savons de sa doctrine se réduit à cette sentence : Le monde est basé sur trois choses : sur la loi, sur le culte et sur les œuvres de charité[6]. C'est probablement à cet homme célèbre (et non pas à Siméon II) que s'applique l'éloge de l'Ecclésiastique (ch. 50), d'où il résulte qu'il fit exécuter plusieurs travaux pour l'embellissement et la fortification du Temple. Il s'établit, depuis cette époque, des relations fréquentes entre les Grecs et les Juifs ; les sciences de la Grèce furent cultivées par les Juifs, notamment par ceux d'Égypte, et les Grecs apprirent à connaître l'histoire et les lois dés Juifs. Hécatée d'Abdère, qui vivait à la cour de Ptolémée, ayant fait la connaissance d'un prêtre juif de distinction, nominé Ézéchias, qui était venu se fixer en Égypte, se fit instruire par lui dans la littérature hébraïque, et composa ensuite un ouvrage sur les Juifs et leurs institutions, qu'il jugeait d'une manière très-favorable. Il raconte, entre autres, que les juifs servaient dans les armées d'Alexandre et de ses successeurs, et il rapporte que prenant part lui-même à une expédition dans. les environs de la mer Rouge, il vit parmi les cavaliers Juifs qui accompagnaient la troupe, un homme vaillant et très-robuste, nommé Mosollam, qui panait pour un des meilleurs archers. Un devin ayant voulu faire arrêter la troupe, pour observer le vol d'un oiseau qui se montrait en l'air, Mosollam tua aussitôt l'oiseau d'un coup de flèche, afin de montrer combien il était peu raisonnable d'interroger un animal qui n'avait aucun pressentiment de son propre avenir et qui s'était rendu dans ce lieu, ne sachant pas qu'il y perdrait la vie. Les Juifs d'Égypte, tout en restant fidèles à la religion de leurs pères, adoptèrent peu à peu les mœurs et le langage des Grecs, et bientôt ils ne furent plus en état de comprendre leurs livres sacrés, et ils sentirent le besoin d'en posséder une traduction grecque. Une tradition très-répandue chez les anciens auteurs juifs et chez les Pères de l'Église parle d'une version du Pentateuque faite sous le règne et sur le désir de Ptolémée Philadelphe (284-247). Ce roi, mû par le conseil de Démétrius de Phalère, se serait adressé, dit-on, au grand prêtre Éléazar, frère et successeur de Siméon le Juste, et lui aurait demandé de lui envoyer des hommes instruits et capables de traduire en grec les livres de Moïse, afin d'en enrichir la célèbre bibliothèque qui venait d'être fondée à Alexandrie. Éléazar aurait envoyé à Ptolémée soixante-douze hommes tort instruits, six de chaque tribu ; le roi leur fit rendre de grands honneurs, et retirés dans l'île de Pharos, loin du bruit de la capitale, ils achevèrent la version du Pentateuque dans l'espace de soixante-douze jours. Ces faits, entourés de beaucoup d'autres détails évidemment fabuleux, sont rapportés dans un ouvrage ancien, dont l'auteur se dit Grec et se nomme Aristée, capitaine du roi Ptolémée, et, s'il fallait ajouter foi à cet ouvrage, nous y aurions la relation d'un témoin oculaire ; car notre Aristée dit avoir été envoyé lui-même auprès d'Éléazar pour lui faire connaître le désir du roi. Josèphe n'a fait que copier avec une foi aveugle les détails donnés par le faux Aristée[7]. Philon, sans parler d'Aristée, attribue également l'origine de la version grecque à la demande faite par Ptolémée au grand-prêtre des Juifs, mais sans mentionner les soixante-douze interprètes ; d'un autre côté Justin le martyr et le Thalmud vont plus loin que le faux Aristée et Josèphe, et prétendent que les soixante douze, enfermés dans autant de cellules, firent chacun une version, et que, le travail achevé, les soixante-douze versions se trouvèrent exactement conformes[8]. C'est probablement de ces diverses fables que la traduction grecque du Pentateuque a reçu le nom de version des LXXII, ou, comme on dit ordinairement, des Septante, nom qu'on étendit ensuite à la version grecque de tout l'Ancien Testament, faite successivement par différents auteurs. Quant à la véritable origine de la version du Pentateuque, il n'est guère possible de l'indiquer avec certitude ; mais les récits dont nous venons de parler, quelque fabuleux qu'ils puissent être, nous paraissent cependant renfermer ce t'ait historique, que la version a été faite sous Ptolémée Philadelphe, ce qui est confirmé aussi par le témoignage du philosophe juif Aristobule, qui, selon toute apparence, florissait sous Ptolémée Philométor (180-145)[9]. Il est possible que le roi d'Égypte ait témoigné le désir de posséder dans sa bibliothèque, les livres de Moïse ; mais l'origine immédiate de la version est suffisamment motivée par les besoins religieux des Juifs d'Égypte. Quoique nous ne sachions dire de qui elle est émanée, il est certain qu'elle est l'œuvre d'un ou de plusieurs Juifs d'Égypte, d'éducation grecque — si toutefois notre version dite des septante est exactement la même que celle qui fut faite à cette époque — ; car on peut y découvrir des traces de cette philosophie qui s'est développée depuis parmi les Juifs d'Alexandrie et dont Philon est pour nous le principal représentant[10]. Il ne nous appartient pas de caractériser ici la traduction sous le rapport philologique ; nous devons nous contenter de constater que, dans beaucoup d'endroits, elle diffère sensiblement de notre texte hébreu, et que bien souvent ses variantes s'accordent avec le texte des Samaritains. Cependant ce dernier n'est pas assez conforme à la version des Septante, pour qu'on puisse supposer aux deux rédactions une source commune. Située entre les royaumes grecs de Syrie et d'Égypte et constamment en rapport politique et commercial avec les Grecs, la Judée elle-même ne put rester entièrement inaccessible à la civilisation hellénique. Tant que le gouvernement grec persévérait dans son système de tolérance et accordait au Temple de Jérusalem une généreuse protection, l'étude des lettres grecques ne rencontrait pas d'opposition sérieuse. A la vérité les documents positifs nous !flanquent pour cette époque ; mais elle dut porter les germes des doctrines et des écoles que nous trouvons plus tard à l'état de développement parfait et dans lesquelles on ne saurait méconnaître l'influence d'une philosophie étrangère, et notamment de la dialectique des écoles grecques. Le plus grand docteur de cette époque et le représentant du système de la tradition, fut Antigonus de Socho[11], disciple de Siméon le Juste ; les anciens ne nous ont conservé de lui qu'une sentence qui dit qu'il faut pratiquer le bien pour le bien même, et non pas dans le but d'obtenir une récompense. Les rabbins disent que cette sentence donna lieu à deux de ses disciples, Sadok et Baithos, de nier les récompenses et les peines de l'autre vie, et que ce fut là l'origine de la secte des Saducéens, dont nous parlerons plus loin[12]. Siméon le Juste n'ayant laissé qu'un fils mineur nommé Onias, la dignité de grand prêtre, comme on l'a vu, avait passé à Éléazar, frère de Siméon. Éléazar étant mort avant que son neveu fût en âge de lui succéder, le pontificat fut donné à Manassé, fils de Iaddoua et oncle de Siméon et d'Éléazar. Ce ne fut qu'après la mort de Manassé, qui, dit-on, exerça le pontificat pendant vingt-six ans, que le fils de Siméon, nominé Onias II, fut revêtu de cette dignité (vers 250). En 246, Ptolémée Philadelphe mourut, et son fils, Ptolémée Évergètes, lui succéda. Celui-ci, pour venger la mort de sa sœur Bérénice, qui, mariée en 249 au roi de Syrie Antiochus II, surnommé Théos, avait été répudiée et ensuite assassinée, ravagea la Syrie et y lit un butin immense. Rappelé en Égypte par une révolte qui éclata dans ce pays, il passa par Jérusalem et offrit des sacrifices dans le Temple, auquel il lit des dons considérables[13]. Plus tard Onias, au lieu de se montrer reconnaissant envers le souverain, crut devoir profiter de ses dispositions bienveillantes pour satisfaire sa cupidité, et négliger de payer le tribut, qui était de vingt talents par an. Évergètes envoya à Jérusalem son favori Athénion pour sommer le grand prêtre de faire ses payements, le menaçant, en cas de refus, de s'emparer du territoire de la Judée et d'y envoyer des colonies militaires. Ce fut en vain que Joseph, fils de la sœur d'Onias, jeune homme habile et intelligent, conjura son oncle de se rendre à la cour d'Égypte pour détourner l'orage. Enfin, il obtint d'Onias la permission d'aller lui-même trouver le roi, et ayant su gagner les bonnes grâces d'Athénion et se procurer de l'argent à Samarie par l'entremise de quelques amis, il chercha à rassurer le peuple et partit pour l'Égypte précédé par Athénion, qui le recommanda vivement au roi et lui prépara un accueil favorable. En chemin il rencontra plusieurs hommes riches de Syrie et de Phénicie qui se rendaient en Égypte pour prendre à ferme les impôts de leurs provinces respectives ; fiers de leur fortune, ils regardaient avec un air dédaigneux, tandis que celui-ci forma le projet de les supplanter. Joseph fut reçu par le roi et la reine avec une bienveillance extrême, et il ne lui fut pas difficile de faire oublier la conduite de son oncle, qu'il chercha à excuser par son âge avancé. Les spéculateurs syriens et phéniciens ayant offert huit mille talents pour le fermage des impôts, Joseph en offrit le double ; le roi lui accordant toute sa confiance, lui afferma les revenus de la Phénicie, de la Célésyrie, de la Samarie et de la Judée, et lui donna deux mille soldats chargés de faire respecter son autorité. A Ascalon et à Scythopolis (Bethseân), il fut obligé de déployer la plus grande sévérité et de faire mettre à mort quelques-uns des habitants les plus considérés. Sa fermeté fut approuvée par le roi et son autorité fut reconnue dans les quatre provinces ; il occupa pendant vingt-deux ans le poste important et lucratif de receveur des impôts. Il paraîtrait que le gouvernement égyptien se contentait de recevoir le tribut, sans intervenir dans les affaires intérieures de la Palestine et dans les querelles des partis ; car Josèphe rapporte que, sous le pontificat d'Onias, les Samaritains faisaient quelquefois des incursions en Judée, ravageaient les campagnes, emmenaient les habitants et les vendaient comme des esclaves[14]. Ptolémée Évergètes mourut en 221, empoisonné, dit-on, par son fils Ptolémée, surnommé Philopator, qui lui succéda au trône. Antiochus III, roi de Syrie, surnommé le Grand, entreprit la conquête de la Célésyrie et de la Palestine ; déjà il s'était rendu maître de la Galilée, de la Samarie, de la Pérée et de Rabbah, capitale de l'Ammonitide, lorsque, en 217, la victoire remportée par l'armée égyptienne près de Raphia, le força de conclure un traité de paix avec Ptolémée Philopator et de renoncer à toutes ses conquêtes. Le roi d'Égypte se rendit à Jérusalem et offrit des sacrifices dans le Temple. Onias venait de mourir, et son fils Siméon II avait été revêtu de la dignité de grand prêtre. On rapporte, d'après une source peu authentique (III Maccab.), que Philopator eut la curiosité de voir l'intérieur du Temple, et que, voulant y pénétrer malgré les représentations du grand prêtre Siméon, il fut saisi d'une terreur subite et tomba sans mouvement. Revenu à lui, il partit aussitôt pour l'Égypte, en faisant aux Juifs d'horribles menaces. De retour à Alexandrie, il priva les Juifs, dit-on, des privilèges qu'ils y possédaient depuis le temps d'Alexandre, et ordonna que les soldats juifs qui tiendraient à conserver leurs droits fussent marqués d'une feuille de lierre, symbole de Bacchus, laquelle leur serait appliquée sur le corps avec un fer chaud. Presque tous aimèrent mieux renoncer à leurs privilèges que de se soumettre à une pareille humiliation ; le roi n'en fut que plus irrité, et condamna les récalcitrants à être exposés dans l'hippodrome aux éléphants mis en fureur. Mais ces bêtes ayant tourné leur rage contre la force armée, le roi vit dans ce prodige un avertissement du ciel, et, renonçant à ses projets sanguinaires, il rendit aux Juifs leurs anciens droits. Philopator mourut en 204, laissant pour héritier du trône un enfant de cinq ans, Ptolémée V, surnommé Épiphanes ; Antiochus, profitant des désordres qui éclatèrent en Égypte, se ligua avec Philippe III, roi de Macédoine, pour s'emparer de la Célésyrie et de la Palestine (en 202). Les Égyptiens placèrent leur jeune roi sous la protection des Romains, qui enjoignirent à Antiochus de rendre les provinces dont il s'était emparé. Le roi de Syrie s'y étant refusé, Aristomène, ministre de Ptolémée Épiphanes, expédia un corps d'armée sous le général Scopas, qui reprit facilement la Palestine, la Phénicie et la Célésyrie, pendant qu'Antiochus se trouvait engagé dans une guerre avec Attalus, roi de Pergame. Les Juifs eurent beaucoup à souffrir dans ces guerres entre la Syrie et l'Égypte ; de quelque côté que fût la victoire, ils furent traités sans ménagement. Ils eurent beaucoup à se plaindre, à ce qu'il parait, des ravages exercés. par les troupes de Scopas ; aussi, lorsque le roi de Syrie, revenu de l'Asie Mineure, eut vaincu le général égyptien près de Paneas (en 198), et qu'il se fut emparé de Sidon et de Gaza, les Juifs se jetèrent dans les bras du vainqueur, et non contents de fournir des vivres à l'armée d'Antiochus, ils l'aidèrent à chasser la garnison égyptienne du fort de Sion. Antiochus se montra reconnaissant des services qui lui avaient été rendus par les Juifs ; Josèphe nous a conservé un décret par lequel le roi de Syrie ordonna à son gouverneur Ptolémée de donner aux Juifs des facilités pour réparer le Temple de Jérusalem, de leur fournir les objets nécessaires pour les sacrifices, d'exempter des impôts les anciens, les prêtres et les autres serviteurs du Temple, et d'accorder la même exemption, pour trois ans, à tous les habitants de Jérusalem et à tous ceux qui viendraient s'y établir dans un temps donné, afin de hâter par là le repeuplement de cette ville, qui avait beaucoup souffert dans les dernières guerres. Un autre décret interdit à tous les non-juifs, sons peine d'une forte amende, de pénétrer dans les lieux saints, ou d'introduire dans Jérusalem la chair des animaux dont l'usagé était défendu par les lois des Juifs. En général Antiochus se montrait très-favorable aux Juifs, en qui il avait une grande confiance. Ayant appris qu'il y avait des troubles en Phrygie et en Lydie, il écrivit à son général Zeuxis d'y faire passer deux mille familles des Juifs de Mésopotamie et de Babylonie, pour leur confier la garde des places fortes, et il leur lit donner des maisons et des terres. Il paraît néanmoins qu'il y avait encore en Judée un parti favorable au gouvernement égyptien et prêt à retourner, à la première occasion, sous l'obéissance du roi d'Égypte. A la tête de ce parti se trouvait probablement Joseph, l'ancien receveur des impôts, et la famille pontificale y, fut également entraînée par les événements. En 193, Antiochus, se préparant à la guerre contre les Romains, sentit le besoin de se réconcilier complètement avec l'Égypte, et mariant sa fille Cléopâtre au roi Ptolémée Épiphanes, il lui céda pour la dot de la princesse la Célésyrie et la Palestine[15]. Nous ne savons si le traité conclu à cet égard eut une prompte exécution ; mais ce qui est certain, c'est que dans l'année de la mort d'Antiochus, la Palestine était sous la dépendance de l'Égypte. Ce fut en 187 qu'Antiochus, voulant piller un temple d'Élimaïde, pour subvenir aux frais de la guerre malheureuse qu'il avait soutenue contre les Romains, fut assassiné par le peuple, qui se souleva contre lui. Dans la même année, le receveur Joseph envoya en Égypte son fils Hyrcan, pour complimenter le roi Ptolémée Épiphanes sur la naissance d'un héritier du trône. Hyrcan était le plus jeune des fils de Joseph. Une première femme lui avait donné sept fis ; par une singulière aventure, sa nièce, fille de son frère Solyme, lui en donna un huitième, qui plus que tous les autres lui ressemblait par son intelligence et ses manières. Joseph avait été éperdument amoureux d'une danseuse d'Alexandrie, et avant découvert son amour à son frère, celui-ci feignit de favoriser ses désirs ; mais, ne pouvant approuver une pareille liaison, il aima mieux profiter d'un moment où Joseph était pris de vin, pour lui faire amener sa propre fille. Joseph s'abandonna aux embrassements de sa nièce, qu'il prit pour la danseuse ; mais revenu a lui-même, il sut gré a son frère de cette supercherie, qui l'avait préservé d une liaison illicite. Il épousa sa nièce, et Hyrcan fut le fruit de leur mariage. Ce fut lui que Joseph, sur le conseil même de ses autres fils, envoya en Égypte, te recommandant à son chargé d'affaires, afin que celui-ci lui fournît l'argent nécessaire pour ses dépenses et pour les riches cadeaux qu'il devait présenter au roi et à la reine. Hyrcan se montra extrêmement splendide ; il sut captiver la bienveillance du roi, qui lui fit rendre de grands honneurs, et a son retour en Judée, Ptolémée en fit de grands éloges dans les lettres qu'il lui remit pour son père et plusieurs grands personnages. Les succès prodigieux d'Hyrcan excitèrent la jalousie de ses frères ; ils allèrent au-devant de lui dans l'intention de le tuer, et Joseph, irrité lui-même, à cause des énormes dépenses faites par Hyrcan à Alexandrie, ne fit rien pour calmer l'effervescence de ses sept lits. Ceux-ci avec leurs gens attaquèrent Hyrcan et sa suite ; la lutte fut sanglante : deux des frères d'Hyrcan y perdirent la vie, les autres se réfugièrent à Jérusalem auprès de leur père. Hyrcan, mal reçu dans la capitale et ne s'y croyant pas eu sûreté, se retira de l'autre côté du Jourdain, où il faisait des courses hostiles contre les peuplades arabes des environs. Joseph étant mort quelque temps après, la lutte recommença entre Hyrcan et ses frères ; c'était plus qu'une lutte de famille, car Joseph, par sa position, avait exercé une très-grande influence sur tes affaires du pays, et sa succession était une question d'intérêt publie. Hyrcan ne comptait que peu de partisans à Jérusalem ; la grande majorité, ainsi que le grand prêtre Siméon II[16], se prononcèrent en faveur des fils aînés de Joseph. Hyrcan, comprenant que sa Cause était perdue, jugea convenable de ne pas se rendre à Jérusalem, et aima mieux continuer sa vie aventurière à l'est du Jourdain. Il s'établit dans les environs d'Heshon, où il se fit construire un fort nominé Tyr. De là il domina la contrée, et exerça ses brigandages pendant tout le règne de Séleucos, successeur d'Antiochus le Grand, jusqu'a ce que, mis au désespoir par l'invasion d'Antiochus Épiphanes, il se donna volontairement la mort. Ces faits prouvent avec évidence que dans ces temps les gouvernements d'Égypte et de Syrie, préoccupés par des événements plus graves, abandonnèrent à eux- mêmes les habitants de la Palestine, et se contentèrent de recevoir les impôts. Ptolémée Épiphanes mourut empoisonné, en 180, au moment où il se préparait à faire la guerre à son beau-frère Séleucus Philopator, roi de Syrie ; son fils aîné, nommé Ptolémée Philométor, lui succéda à l'âge de six ans, sous la tutelle de sa mère Cléopâtre. Bientôt après, nous voyons Séleucus en possession de la Palestine, soit qu'il se fût emparé de ce pays du vivant de Ptolémée Épiphanes, pendant les révoltes excitées en Égypte par la cruauté du roi, et que ce fût là le motif de la guerre qu'Épiphanes, avant sa mort, allait entreprendre contre la Syrie, ou bien qu'il eût profité de la minorité de Philométor, pour occuper les possessions égyptiennes en Asie. Quoi qu'il en soit, le 2e livre des Maccabées (ch. 3) nous montre Séleucus, vers 176, maître de la Célésyrie et de la Palestine, où il avait alors pour gouverneur Apollonius, fils de Thrasée. Le grand prêtre Siméon Il était mort, et son fils Onias Ili lui avait succédé dans le pontificat. Onias, par sa piété, inspirait le respect au roi de Syrie, qui, conformément au décret de son père Antiochus, faisait fournir, de ses propres revenus, tout ce qui était nécessaire pour le ministère des sacrifices. Jérusalem jouissait d'une paix profonde, lorsqu'un certain Simon, de fa tribu de Benjamin, lequel, à ce qu'il parait, commandait la garde du Temple (II Maccab. 3, 4), jeta tout d'un coup la ville dans le plus grand trouble. Simon, dont les projets ambitieux trouvaient un obstacle insurmontable dans le pieux Onias, ne pouvant lutter contre un homme que le peuple entourait d'un profond respect, ne craignit pas de trahir sa patrie pour se venger du grand prêtre. Il alla trouver Apollonius et lui révéla que le Temple possédait d'immenses trésors, dont on pourrait s'emparer au profit du roi. Apollonius ayant averti le roi Séleucus, celui-ci, obligé de se créer des ressources pour payer aux Romains le tribut imposé à son père Antiochus, et qui était de mille talents par an, envoya à Jérusalem l'un de ses courtisans, nominé Héliodore, pour enlever les trésors du Temple. Onias protesta que ces trésors étaient ou des dépôts confiés à la garde du sanctuaire, ou des sommes destinées à- secourir les pauvres, et refusa de les livrer. Héliodore, voulant employer la force, et pénétrer avec ses gens dans le lieu où se trouvait le trésor, fut, dit-on, subitement renverse par un magnifique cavalier qui se lança contre lui avec impétuosité et frappé par deux jeunes hommes de telle manière qu'il perdit connaissance et qu'on l'enleva comme mort[17]. Onias, craignant que le roi mie le soupçonnât d'avoir lui-même provoqué cette attaque, offrit des sacrifices et fit des prières pour le salut d'Héliodore. Celui-ci, convaincu d'avoir été frappé par des êtres surhumains, partit aussitôt après sa guérison, et, revenu auprès de Séleucus, il fit part au roi de toutes les merveilles qui avaient frappé sou imagination. Le roi voulut envoyer un autre officier pour faire sommer Onias ; mais Héliodore parvint à l'en détourner, en lui disant que s'il avait quelque ennemi ou quelque traître à faire châtier, il pouvait l'envoyer à Jérusalem. Cependant Simon ne cessait pas ses manœuvres ; la querelle des partis devint de plus en plus violente, et il y eut des collisions sanglantes. Onias fut obligé de se rendre lui-même auprès de Séleucos, pour le supplier de faire cesser les intrigues de Simon ; mais bientôt l'avènement d'Antiochus Épiphanes (en 175) jeta la Judée dans de nouveaux troubles, qui menaçaient de détruire la nationalité des Juifs et leur religion. Onias, à ce qu'il paraît, était encore à Antioche, lorsque Séleucus mourut, empoisonné par Héliodore, qui, pendant l'absence de Démétrius, fils de Séleucus, envoyé comme otage à Rome, espérait pouvoir s'emparer du trône. Le frère de Séleucus, Antiochus, surnommé Épiphanes, arriva de Rome peu de temps après la mort du roi, expulsa Héliodore et se plaça sur le trône de son frère. Josué, frère d'Onias, homme ambitieux et irréligieux, qui, affectant les mœurs grecques, changea son nom en celui de Jason, profita de l'absence de son frère, pour le priver de la dignité de grand prêtre et se mettre à sa place[18]. Sachant qu'Antiochus avait besoin de sommes considérables pour faire face à son luxe et au paiement du tribut, il lui offrit quatre cent quarante talents pour être revêtu de la dignité pontificale, et cent cinquante autres pour la permission d'élever à Jérusalem un gymnase grec et pour obtenir aux habitants de cette capitale le droit de s'appeler citoyens d'Antioche et les privilèges attachés à ce titre. Antiochus ne fit aucune difficulté à sacrifier les droits d'Onias, qui demeurait retiré à Antioche, et Jason, quoique premier serviteur de l'autel de Jéhova, ne craignit pas d'introduire de plus en plus l'éducation et les coutumes grecques. Dans sa grécomanie, il s'oublia à tel point, que l'année suivante, à l'occasion des fêtes d'Hercule célébrées à Tyr en présence du roi de Syrie, il y envoya de l'argent pour les sacrifices ; mais sur la demande de ses messagers, qui sentaient toute l'inconvenance d'une pareille démarche, cet argent, au lieu d'être employé aux sacrifices d'Hercule, fut destiné à construire des vaisseaux de guerre. Cependant personne n'osa élever la voix contre Jason ; on respectait généralement la volonté du roi, dont on ne soupçonnait pas encore les projets sacrilèges et la cruauté sanguinaire. Quelque temps après (173-172), Antiochus, dans la prévision d'une guerre avec l'Égypte, étant allé à Joppé, sans doute pour mettre en sûreté les frontières, vint visiter Jérusalem, où Jason et le peuple lui firent une réception magnifique. Jason avait un frère plus jeune, appelé Onias, comme son frère aîné, mais qui avait adopté le nom grec de Menelaüs[19]. Celui-ci, encore plus épris que son frère de la civilisation grecque, était loin d'imiter sa modération et sa prudence. Envoyé eu mission par Jason auprès du roi de Syrie (en 172), il profita de cette occasion pour supplanter sou frère et acheta le pontificat, en promettant à Antiochus trois cents talents de plus que. la somme qui avait été payée par Jason. Mais revenu à Jérusalem, il ne put parvenir à expulser son frère, quoiqu'il eût su se créer de nombreux partisans, parmi lesquels on remarquait les fils de l'ancien receveur Joseph, appelés, du nom du père de ce dernier, les fils de Tobie[20]. Menelaüs, accompagné de ses amis, se rendit de nouveau à Antioche, pour implorer le secours du roi, promettant de détruire le culte juif et d'introduire en Judée le paganisme grec. Antiochus fit accompagner Menelaüs par une forte armée, et Jason, n'osant lui résister, se réfugia au pays des Ammonites[21]. Menelaüs, se trouvant hors d'état de fournir les sommes qu'il avait promises au roi, fut mandé à Antioche avec Sostrate, commandant de la forteresse de Jérusalem, qu'Antiochus avait chargé de réclamer le payement. A leur arrivée à Antioche, le roi venait de partir pour apaiser une révolte qui avait éclaté en Cilicie ; Andronique, lieutenant du roi, fut gagné par Menelaüs, au moyen de quelques présents, et celui-ci eut le temps de s'entendre avec Lysimaque, qui le remplaçait à Jérusalem, et qu'il chargea de faire vendre à Tyr quelques-uns des vases d'or du Temple, afin de pouvoir payer sa dette à Antiochus. Le pieux Onias, qui se trouvait à Antioche, ayant eu connaissance de ce sacrilège, en fit de sévères reproches à son frère Menelaüs. Celui-ci s'en plaignit à Andronique, et l'engagea à faire mourir Onias, qui fut traîtreusement assassiné à Daphné, près d'Antioche, où il avait cherché un asile. Toute la population d'Antioche fut indignée de ce forfait. Au retour du roi, les Juifs qui habitaient la capitale lui portèrent leurs plaintes ; Antiochus lui-même, ayant connu les vertus et la piété d'Onias, fut ému jusqu'aux larmes, et profondément indigné de l'attentat de son lieutenant Andronique ; il le dépouilla de ses dignités, et le fit mettre à mort à l'endroit même où le meurtre avait été commis. A Jérusalem, le peuple se souleva contre Lysimaque, à cause de la spoliation sacrilège du Temple ; ses trois mille hommes armés ne purent le protéger contre les fureurs populaires, et il fut massacré près du trésor du Temple. Sur ces entrefaites, Antiochus entreprit sa première expédition contre le jeune Ptolémée Philométor (en 170), et ayant remporté une victoire sur les Égyptiens près de Péluse, il se rendit à Tyr pour y passer l'hiver. Là trois députés de Jérusalem vinrent trouver le roi pour se plaindre des spoliations commises par Menelaüs et pour demander une enquête ; Menelaüs, déclaré coupable, employa l'influence de Ptolémée Macron, qui avait traîtreusement livré à Antiochus l'île de Cypre, dont il était gouverneur pour l'Égypte. Par les intrigues de Ptolémée, Menelaüs fut absous et ses trois accusateurs furent mis à mort ; les Tyriens, pour manifester l'horreur que leur inspirait une pareille iniquité, rendirent les honneurs funèbres aux victimes. Menelaüs, réconcilié avec le roi, brava les exécrations des Juifs consternés, et revint à Jérusalem. Au printemps de l'an 169, Antiochus fit sa seconde campagne d'Égypte. Au milieu de ses victoires, un faux bruit de sa mort s'étant répandu en Palestine, Jason vint subitement avec mille hommes attaquer son frère à Jérusalem ; il lit un grand carnage des partisans de Menelaüs, et celui-ci fut forcé de se réfugier dans la forteresse. Antiochus, informé de cet événement, et s'imaginant que les Juifs voulaient se révolter contre lui, accourut avec un corps d'armée, envahit Jérusalem et y fit un horrible carnage durant trois jours ; un grand nombre de Juifs furent vendus comme esclaves. Accompagné du traître Menelaüs, Antiochus pénétra dans le Temple, et fit enlever tous les vases d'or et d'argent et tous les trésors, qui se montaient ensemble à dix-huit cents talents. Il partit ensuite pour Antioche, laissant pour gouverneur un certain Philippe, Phrygien ; Menelaüs fut maintenu dans sa dignité. Jason avait pu s'échapper lors de l'arrivée d'Antiochus ; on dit qu'il se réfugia de nouveau chez les Ammonites, et qu'après avoir été fait prisonnier par Arétas (Hareth), roi d'une peuplade arabe, il s'enfuit en Égypte, et se retira enfin chez les Lacédémoniens, où il termina ses jours dans la misère (II Maccab. 5, 7-10). En 188, Antiochus marcha une troisième fois contre l'Égypte, feignant de vouloir protéger Philométor contre l'usurpation de son frère Ptolémée Physcon. En effet, ayant poussé sa marche victorieuse jusqu'à Memphis, il y fit reconnaître la royauté de Philométor ; mais celui-ci, voyant que le roi de Syrie gardait pour lui Péluse, la clef de l'Égypte, ne put se méprendre plus longtemps sur ses véritables intentions ; il se réconcilia donc avec Physcon, et les deux frères convinrent de s'opposer en commun aux envahissements d'Antiochus. Celui-ci, après avoir envoyé sa flotte à Cypre, pour s'assurer de cette île, entreprit, en 167, une quatrième expédition contre l'Égypte, et marcha su r Alexandrie. Mais à Eleusine, à quatre milles romains d'Alexandrie, il fut abordé par les ambassadeurs de Rome, ayant à leur tête Caïus Popilius, qui lui enjoignit, au nom du sénat, d'évacuer Cypre et toute l'Égypte, ajoutant que son refus serait une déclaration de guerre contre Rome. Antiochos ayant demandé le temps de délibérer avec ses conseillers, Popilius traça sur le sable, avec son bâton, un cercle autour du roi, en lui disant : Avant que tu sortes de ce cercle, donne une réponse que je puisse apporter au sénat. Antiochus, stupéfait, hésita un moment, et finit par répondre qu'il ferait ce que le sénat avait décrété[22]. Revenu d'Égypte plein de confusion, le roi de Syrie rejeta sa colère sur les Juifs, soit que ceux ci eussent manifesté leur joie de la déconvenue d'Antiochus, ou que le roi cherchât un prétexte pour se dédommager des frais de la guerre sur les trésors qu'il espérait trouver à Jérusalem. Il y envoya Apollonius avec un corps d'armée de vingt-deux mille hommes ; le général syrien, feignant la paix, entra dans la ville sans coup férir (II Maccab. 5, 25). Mais au premier jour de sabbat, pendant que les Juifs se rendaient à leurs réunions solennelles, il lâcha subitement ses bandes avec l'ordre de massacrer tous les hommes qu'elles rencontreraient et de s'emparer des femmes et des enfants pour les vendre comme esclaves. Des flots de sang coulèrent dans les rues de Jérusalem, la ville fut livrée au feu et au pillage. Une citadelle redoutable s'éleva dans la basse ville'[23], qui reçut de là le nom d'Acra ; du haut de cette citadelle Apollonius et ses soldats pouvaient dominer le Temple et assassiner ceux qui voulaient s'y rendre pour faire leurs dévotions. Tous ceux qui avaient pu échapper au massacre prirent la fuite, et Jérusalem fut entièrement déserte. Le roi, qui était retourné à Antioche[24], expédia l'ordre d'introduire dans toutes les provinces la religion des Grecs ; la circoncision fut défendue aux Juifs sous peine de mort, les livres de la loi furent déchirés et les réunions religieuses interdites. Les Samaritains, qui, sous Alexandre, s'étaient fait passer pour Juifs, se déclarèrent alors descendants des Sidoniens et consacrèrent leur temple du mont Garizim au Jupiter grec. Un prêtre grec fut envoyé à Jérusalem pour profaner le temple de Jéhova et pour y introduire le culte de Jupiter Olympien ; il fit construire, sur le grand autel du parvis, un autel plus petit, pour y offrir les sacrifices païens, qui commencèrent le 25 du mois de Kislev (novembre-décembre). On contraignait les Juifs d'assister à ces sacrifices et d'aller à la procession de Bacchus couronnés de lierre. Il n'était plus permis de s'avouer Juif, et on punissait de mort ceux qui se livraient aux pratiques de la religion mosaïque, ou qui refusaient de prendre part aux cérémonies idolâtres. Des cruautés inouïes, sans nombre, furent commises dans toute la Judée ; on raconte, entre autres, que deux femmes, accusées d'avoir fait circoncire leurs enfants, furent précipitées du haut des murailles dans un profond ravin, ayant leurs enfants suspendus à leur cou. Par ces persécutions, dont l'histoire des Juifs n'offrait pas d'exemple, l'insensé Antiochus crut parvenir à détruire la nationalité juive et à faire prévaloir les cérémonies et les superstitions païennes sur le culte antique et les sublimes doctrines de Moïse. Mais la Providence, en réduisant les Juifs à cette terrible extrémité, voulut leur montrer les conséquences funestes de leur relâchement religieux, et faire revivre, en les humiliant, le sentiment national, qui s'était entièrement effacé pendant quatre siècles de domination étrangère. Antiochus, en se plaçant lui-même à la tête du parti antireligieux parmi les Juifs, changea la lutte civile en une guerre pour l'indépendance nationale. Il y avait encore en Judée beaucoup de partisans zélés du culte national, qui souffraient en silence, n'osant s'élever contre la force imposante du tyran ; l'excès des cruautés d'Antiochus, et l'héroïque dévouement d'une famille de prêtres les firent sortir de leur retraite et prendre les armes pour venger leur religion et leur nationalité outragées, ou mourir de la mort des héros. Après tant d'orages nous verrons de nouveau le soleil de la liberté briller sur la Judée, et une lutte étonnante de grandeur, de courage et de dévouement, amènera la plus brillante époque de l'histoire des Juifs, de courte durée, il est vrai, mais d'une gloire impérissable, et qui prépara le triomphe des croyances juives sur les erreurs du monde païen. |
[1] Sur les faits que nous
rapportons ici, voyez Quinte-Curce, l. IV, ch. 8 ; Hécatée, cité par Josèphe, Contre
Apion, l. II, ch. 22 ; la Chronique d'Eusèbe, et Bar-Rebræi, Chron.
Syr., p. 39.
[2] Hécatée, cité par Josèphe, Contre
Apion, l. II, ch. 22, édit. de Havercamp, l. II, p. 456.
[3] Agatharchide, cité par
Josèphe, Antiquités, XII, 1, 1 ; Contre Apion, 1, 22, p. 458.
[4] Josèphe, Contre Apion,
II, 4.
[5] Voyez Otbo, Hist. Doctor. misnicorum, p. 13-32.
[6] Mischna, traité Aboth, ch. 1, §
2.
[7] Contre l'authenticité de
l'ouvrage d'Aristée voyez Hody, Contra histor. Aristeœ de LXX interpretibus
dissertatio, Oxford, 1655, et De bibliorum
textibus originalibus, ib., 1705. — Des arguments d'une autre
nature, mais aboutissant au même résultat, ont été fournis par Dæhne, Geschichtliche
Darstellung. etc. (Exposition historique de la philosophie religieuse
des Juifs d'Alexandrie), Halle, 1834, t. II, p. 205-215. L'ouvrage
appartient sans doute à quelque Juif helléniste d'Alexandrie.
[8] Philon, De vita Mosis,
l. II ; Justin, Admonit. ad Græcos ; Thalmud de Babylone, traité Meghilla,
ch. 1, fol 9 a. Saint Jérôme, qui admet comme authentique les récits
d'Aristée et de Josèphe, traite de mensonge l'histoire des soixante-douze
cellules ; voyez sa préface au Pentateuque. Les Samaritains racontent également
cette fable ; voyez l'extrait de la Chronique samaritaine dans la Chrestomathie
arabe de Silvestre de Sacy, t. I, p. 347 et 348.
[9] Voyez le fragment
d'Aristobule, cité par Eusèbe, Prœp. Evang., XIII, 12, p. 664, et dont
l'authenticité a été démontrée par Valokenaer, De Aristobalo. Judœo, p.
52 et suivantes. Comparez Dæhne, l. c., p. 82-89.
[10] Voyez Dæhne, l. c., p.
1-72.
[11] Socho était le nom de deux
petites villes de la Judée. Josué, 15, 35 et 48.
[12] Voyez Mischna, traité Aboth,
ch. 1, § 3, et le commentaire de Maimonide.
[13] Josèphe, Contre Apion,
II, 5.
[14] Voyez Josèphe, Antiquités,
XII, 4, 1. Il règne quelque confusion dans le texte de Josèphe, et il y a
probablement une lacune dans ce paragraphe.
[15] Voyez le commentaire de saint
Jérôme sur Daniel, ch. 11, v. 17.
[16] Selon la plupart des
chronologistes, se fondant sur l'autorité douteuse de la Chronique Alexandrine (que l'on appelle aussi Chronicon paschale), Siméon était mort en 195, mais
Josèphe le mentionne expressément dans l'affaire d'Hyrcan. Antiquités,
XII, 4, 11.
[17] Voyez II Maccabées, 3,
25-27. Josèphe (Des Maccabées, ch. 4), qui raconte la chose
différemment, ne parle pas d'Héliodore ; selon lui, ce fut Apollonius lui-même
qui commit l'attentat et qui fut frappé par des anges.
[18] Voyez II Maccabées, 4,
7 et suivants ; Josèphe, Des Maccabées, ch. 4. Selon les Antiquités
de Josèphe (XII, 5, 1), Onias mourut ne laissant pour héritier qu'un fils
mineur, et Jason lui succéda, ce qui diffère totalement du récit du 2e livre
des Maccabées, que nous suivons.
[19] Voyez Josèphe, Antiquités,
XII, 5, 1. Selon II Maccabées, 4, 23, Menelaüs était frère de Simon le
Benjamite, qui avait révélé à Séleucus les trésors du Temple ; mais il y a là
nécessairement une erreur, car un Benjamite n'aurait pu briguer la dignité de
grand prêtre.
[20] Voyez Josèphe, l. c.
(comparez II Maccabées, 3, 11), et Guerre des Juifs, I, 1, 1.
Dans ce dernier passage, Josèphe dit, par erreur, que ce fut Onias qui expulsa
les fils de Tobie, tandis que dans les Antiquités, il les fait partir pour
Antioche avec Menelaüs.
[21] C'est ce qui résulte de la
combinaison de Josèphe, l. c., avec II Maccabées, 4, 25 et 26.
[22] Voyez Tite-Live, l. 45, c. 11
et 12 ; Selecta de legationibus ex Polybio, etc., legat. 89 et 90 ;
Justin, l. 34, c. 2 et 3.
[23] Voyez Josèphe, Antiquités,
XII, 5, 4. Michaelis, Jahn et quelques autres placent cette citadelle sur le
mont Sion, ce qui évidemment est une erreur ; non-seulement Josèphe dit
expressément κάτω πόλει
ᾠκοδόμησεν ἄκραν,
mais il est certain que les Syriens occupaient cette citadelle, longtemps
encore après que les Maccabées eurent pris possession du mont Sion. Voyez I
Maccabées, 4, 60 ; 5, 62.
[24] Selon Josèphe (Antiquités, XII, 6, 4), ce fut le roi en personne qui fit la terrible expédition dont nous venons de parler ; nous avons suivi la relation des livres des Maccabées, I, I, 30-40 ; II, 5, 24-26.