PALESTINE

 

LIVRE III. — HISTOIRE DES HÉBREUX

PREMIÈRE PÉRIODE. — ORIGINES DU PEUPLE HÉBREU.

DEUXIÈME PARTIE. — CULTE ET LOIS CÉRÉMONIELLES.

 

 

Le culte, avons-nous dit, est le symbole de la doctrine ; c'est-à-dire, la représentation extérieure, par certains actes qui tombent sous les sens, des points principaux de la doctrine sur Dieu et sur ses rapports avec la nature et avec l'homme en particulier. Le culte n'est pas en lui-même un véritable lien entre la Divinité et l'homme ; mais il met sans cesse l'homme en présence de Dieu, il vient en aide au sentiment moral, et, par les actes qu'il prescrit, il rappelle à l'homme la croyance en Dieu et les devoirs intérieurs que lui impose cette croyance.

Le culte des patriarches avait la plus grande simplicité ; ils n'avaient pas de temple, ils adressaient des prières à la Divinité et lui offraient des sacrifices dans tous les lieux et sans avoir des époques fixes pour leurs actes de dévotion. Ils préféraient cependant les hauteurs et l'ombre des bois comme des lieux plus propres à faire naître le recueillement et les sentiments de piété. Dans les endroits où ils avaient reconnu plus particulièrement la manifestation de la Divinité, ils posaient des pierres en monument, et ils les consacraient avec de l'huile, et ces monuments restaient toujours pour eux un objet de respect et de pieux souvenirs (Gen. 28, 18, 35, 19). En Égypte les Hébreux avaient conservé quelque notion de Jéhova, le Dieu de leurs pères, mais il paraît que les pratiques religieuses des Égyptiens ne restèrent pas sans influence sur les Hébreux ; le culte pur de l'époque patriarcale disparut peu à peu pour faire place à des pratiques idolâtres.

Moïse, après avoir proclamé de nouveau Jéhova, le Dieu unique, et avoir sévèrement défendu d'adorer toute autre divinité, ou de représenter Jéhova lui-même sous une image quelconque, sentit cependant la nécessité d'établir des symboles extérieurs de la présence de Jéhova au milieu du peuple hébreu, et de prescrire des actes de dévotion qui, tout en s'adressant à l'Être absolu et invisible, fussent en rapport avec les usages de l'époque. Il a dû respecter les habitudes de ses contemporains et laisser subsister une foule de cérémonies, qui, à la vérité, ne sont pas toujours dignes de sa sublime doctrine, tuais qui seules pouvaient agir alors sur l'esprit des masses. Le grand génie de Moïse devança les siècles ; mais il ne put élever jusqu'à lui les hommes auxquels il s'adressait, et qui ne pouvaient encore l'entendre qu'à moitié. Il devait donc s'abaisser à eux, et adapter, autant que possible, les nouvelles doctrines aux usages généralement établis. C'est pourquoi la voix sublime qui, du haut du Sinaï, proclame le monothéisme le plus pur, le Dieu qui s'annonce comme libérateur des Hébreux, qui brise les chaînes de leurs corps et de leurs esprits, peut et doit s'abaisser jusqu'à régler même leurs préjugés, pour les préparer à une émancipation graduelle qui doit s'avancer à mesure que les lumières s'accroîtront.

D'un autre côté, les usages qui étaient plus particulièrement en rapport avec le polythéisme et l'idolâtrie devaient être proscrits avec la plus grande sévérité, et souvent, pour les faire disparaître, il a fallu établir des cérémonies qui leur fussent diamétralement opposées[1]. De là vient le caractère si compliqué du culte mosaïque et cette infinité de pratiques minutieuses qui paraissent souvent être en désaccord avec la doctrine et la morale de Moïse.

C'est sous ce point de vue que nous considérons le culte et les lois cérémonielles de Moïse, laissant de côté la typologie et le symbolisme, c'est-à-dire la doctrine qui considère les pratiques du culte des Hébreux comme autant de types d'une révélation postérieure, et celle qui voit dans chacune de ces pratiques le véritable symbole d'une idée mosaïque. Ces doctrines manquent, l'une et l'autre, d'une base historique et objective, et elles laissent un champ très-vaste à l'imagination individuelle. Quant à la typologie qui fut mise en vogue, au dix-septième siècle, par Cocceius et son école, elle est presque tombée dans l'oubli, et les théologiens chrétiens les plus fervents n'osent plus l'admettre dans ses détails. Il est certain, dit Jahn[2], qu'on ne trouve point dans les lois mosaïques de ces types du Christ, que les Hébreux eussent reconnus alors, ou à toute autre époque avant le Christ. Le symbolisme, qui considère les cérémonies du culte mosaïque comme des allégories ou des images des divers points de la doctrine, était déjà en vogue dans l'école juive d'Alexandrie, et les écrits de Philon montrent jusqu'où peut s'égarer l'esprit humain lorsque, évitant le terrain historique, il s'abandonne à une vague spéculation. Voulant soutenir la dignité des livres de Moïse en face de la philosophie de son temps, Philon se sert de cette même philosophie, pour expliquer allégoriquement non-seulement une partie des lois mosaïques, mais aussi les récits historiques et mythiques du Pentateuque. La même tendance se montre dans les écrits de Josèphe et dans ceux de certains rabbins, notamment des cab-balistes. Dans les derniers temps la Symbolique de Creuzer, qui s'occupe particulièrement de la mythologie des Grecs, a fait renaître le goût du symbolisme appliqué à l'Écriture sainte, et récemment l'Allemagne a vu paraître un ouvrage savant et grandiose sur les symboles du culte mosaïque[3]. Dans l'introduction de cet ouvrage, nous lisons le passage suivant[4] : Les recherches modernes sur les religions de l'antiquité ont eu pour résultat cette certitude indubitable, que la forme matérielle des cultes païens a un caractère figuré et qu'elle ne doit pas être prise seulement comme quelque chose d'extérieur. Or, le culte mosaïque serait au-dessous et non pas au-dessus de tous les cultes païens, si seul il faisait une exception et si les hommages qu'on y rend à la Divinité n'étaient autre chose qu'une pompe extérieure, un aliment pour les sens grossiers du vulgaire, un plaisir des yeux. Bien au contraire, nous avons dans le mosaïsme un motif de plus qui nous oblige d'accorder à la forme matérielle de son culte un caractère figuré. Le principe distinctif et caractéristique du mosaïsme est l'unité et la spiritualité de Dieu, comme nous l'enseigne le Décalogue dans le premier et dans le deuxième commandement, dans lequel on défend très-énergiquement de représenter la Divinité par une image quelle qu'elle puisse être. Or, avec un être invisible, purement spirituel, sans forme ni image, on ne peut se mettre dans un rapport réel que d'une manière invisible et spirituelle, et jamais ce qui est matériel ne saurait produire un rapport purement spirituel. Ainsi donc, de même que l'objet du culte mosaïque est un Dieu immatériel, invisible, spirituel, de même la forme matérielle de ce culte ne saurait être en elle-même le but, mais l'image et la représentation d'un rapport spirituel.

C'est en partant de ce raisonnement que l'auteur cherche à expliquer le sens symbolique de tous les détails du culte des Hébreux. A la vérité, ce symbolisme moderne a sur l'ancien ce grand avantage qu'il procède avec beaucoup plus de critique, en restant sur le terrain mosaïque et en cherchant dans les doctrines de Moïse elles-mêmes le sens symbolique des pratiques religieuses des Hébreux. Mais il n'en procède pas moins d'une manière subjective ; car les écrits de Moïse n'offrent pas assez de données, pour nous faire reconnaître le criterium du symbole, qui dépendra toujours d'une manière de voir tout individuelle. Il nous semble que, si Moïse avait voulu donner à tous ses préceptes un caractère symbolique, il n'aurait pas manqué de nous donner quelques indices qui -pussent nous faire reconnaître le symbole. Les prophètes du moins en auraient eu quelque connaissance, ne fat-ce que par la tradition orale, et ils n'auraient pas montré tant d'éloignement pour les pratiques extérieures du culte, qu'ils présentent toujours comme une chose peu agréable à Dieu.

Nous n'admettons donc le sens symbolique que là où Moïse l'a clairement indiqué lui-même. Ainsi le sabbat est le symbole de la création qui était achevée le septième jour (Exode, 20, 11 ; 31, 17) ; le tabernacle représente la résidence de Jéhova au milieu des Hébreux (ib. 25, 8) ; la circoncision est le symbole de l'élection du peuple hébreu (Genèse, 17, 11). Les fêtes, outre leur sens agronomique, devaient rappeler de grands souvenirs historiques : la Pâque et ses rites devaient perpétuer la mémoire des grands miracles qui signalèrent la sortie d'Égypte (ib. ch. 12) ; la fête des Tabernacles devait rappeler aux Hébreux leur séjour dans le désert (Lév. 23, 43). De même nous verrons quelques autres rites dans lesquels on reconnaît facilement le caractère symbolique. Enfin, malgré les emprunts que Moïse a faits aux cultes païens, il a su donner au culte hébreu, dans son ensemble, un caractère particulier qui en fait le symbole distinctif de la doctrine monothéiste. Quant aux détails, nous le répétons, ce sont en partie des accommodations à l'esprit du temps, et en partie des dispositions qui ont pour but de détruire des pratiques idolâtres qui ne pouvaient être tolérées. De cette manière on s'explique facilement les nombreuses analogies qui existent entre les rites mosaïques et ceux de plusieurs cultes païens, et qui ne sauraient être l'effet du hasard.

Notre opinion d'ailleurs s'appuie sur des autorités très-imposantes ; elle est celle des anciens rabbins et des plus illustres Pères de l'Église, qui considèrent l'institution des sacrifices et de plusieurs autres rites comme une condescendance pour la faiblesse des Hébreux[5]. Le premier qui ait développé cette opinion et qui ait essayé d'expliquer les cérémonies du culte mosaïque par les cultes païens, est l'illustre Moïse Ben-Maïmoun, ou Maïmonide, rabbin du XIIe siècle[6] ; il a tâché de prouver que le législateur divin a tantôt emprunté, tantôt combattu les usages des Sabiens ou Sabéens, nom sous lequel les écrivains arabes comprennent en général les anciens peuples païens. Spencer a embrassé avec chaleur les opinions de Maïmonide, et elles forment la base de son grand ouvrage sur les lois rituelles des Hébreux[7] ; mais ce savant est allé trop loin quelquefois dans les rapprochements qu'il fait entre le culte hébreu et les cultes païens, et souvent il a abaissé Moïse au rôle de simple imitateur, sans faire ressortir les vues sublimes qui guidaient le législateur hébreu, et par lesquelles il ennoblissait les emprunts qu'il avait faits aux autres.

Les arguments que Maïmonide puise dans les livres des Sabéens, et que Spencer a développés avec une vaste érudition, nous pouvons maintenant les fortifier par les notions que nous avons acquises sur les anciennes religions de l'Orient. Il est naturel, pour expliquer les cérémonies du culte des Hébreux, qu'on interroge tout d'abord les usages de l'Égypte. S'il nous restait des monuments écrits des prêtres égyptiens, ils jetteraient sans doute beaucoup de lumière sur une grande partie des rites mosaïques ; mais nous en sommes réduits, pour l'Égypte, aux notions éparses çà et là dans les auteurs grecs, notamment dans Hérodote et dans Diodore de Sicile. Néanmoins ce que nous savons des pratiques religieuses des Égyptiens ne manque pas de nous fournir des données précieuses pour éclaircir plusieurs points du culte de Moïse, et nous en faire comprendre le caractère compliqué. Hérodote nous dit que les prêtres égyptiens observaient, pour ainsi dire, des myriades de cérémonies religieuses[8]. Mais s'il ne nous est pas permis d'interroger directement l'Égypte, nous pouvons nous adresser à ceux qui furent ses précepteurs ou ses disciples. L'Inde paraît être la source de laquelle sont émanés en grande partie les cultes de l'antiquité. L'Egypte paraît avoir puisé à cette source, soit que des brahmanes missionnaires y aient importé directement les doctrines de l'Inde, ou que ces doctrines y soient venues par l'intermédiaire de l'Éthiopie, où régnait peut-être une civilisation plus ancienne[9]. Les colonies que l'Égypte envoya en Grèce ont dû y apporter des doctrines et des pratiques égyptiennes. D'un autre côté, l'intime rapport qui existe entre les langues sanscrite et grecque ne nous permet plus de douter que les prétendus autochtones de la Grèce ne soient d'origine indienne. Le culte des Hellènes est donc aussi venu de l'Inde, en partie directement, et en partie par l'Égypte, et, malgré toutes les modifications que les pratiques religieuses des Indiens et des Égyptiens ont pu éprouver chez les Grecs, elles peuvent encore là nous fournir des éclaircissements pour le culte des Hébreux.

Quelle qu'ait été d'ailleurs la filiation des doctrines et des cérémonies religieuses, il est certain que les rites des Hébreux offrent de nombreux rapports avec ceux de plusieurs autres peuples de l'antiquité, et notamment des Indous[10]. Ces rapports ne sauraient être fortuits, et il est évident que Moïse a beaucoup emprunté aux autres nations ; car on ne pourrait guère soutenir, avec la moindre vraisemblance historique, que les Indous aient pu emprunter quelque chose aux Hébreux, avec lesquels ils n'avaient pas la moindre relation, tandis que les Hébreux ont pu recevoir des usages indiens par l'intermédiaire de l'Égypte. Mais en étudiant les anciens cultes de l'Orient, bien loin de faire un reproche à Moïse des pratiques et des cérémonies qu'il prescrit aux Hébreux, on sera étonné, au contraire, qu'il ait pu entreprendre

Une si immense réforme, en réduisant à si peu de chose les innombrables pratiques par lesquelles tout l'Orient crut honorer ses divinités, et en proscrivant toutes celles qui n'avaient pour base que la superstition et qui ne s'accordaient pas avec le monothéisme et la morale[11]. On comprendra, en même temps, l'antipathie que Moïse tâcha d'inspirer aux Hébreux pour les cultes étrangers, afin qu'ils conservassent pure et intacte la sublime doctrine qu'il leur avait révélée.

En établissant son culte, Moïse fixe tout d'abord le lieu qui devait être considéré comme la résidence particulière de la Divinité ; il règle ensuite les actes religieux qui devaient s'accomplir dans ce lieu et les pratiques imposées aux individus ; il institue un personnel qui devait présider à l'accomplissement des actes religieux, et il fixe les temps qui devaient être distingués par des solennités particulières. Nous avons donc à considérer les quatre points suivants : 1° le sanctuaire, 2° les pratiques religieuses, 3° le sacerdoce, 4° les fêtes. Autant que les bornes de ce résumé nous le permettent, nous ferons connaître ces différentes faces du culte mosaïque, en indiquant çà et là ses points de contact avec d'autres cultes de l'antiquité.

 

I. LE SANCTUAIRE.

Nous avons déjà parlé du temple portatif que Moïse lit établir dans le désert pour servir de sanctuaire central et unique, et pour accompagner les Hébreux dans leurs différents campements, jusqu'à ce que, maîtres du pays de Canaan, ils pussent fonder dans l'une de ses villes un temple plus solide, d'après le même modèle, et dans les mêmes proportions. Le sanctuaire unique était le symbole du Dieu unique fixant sa résidence au milieu des Hébreux : Qu'ils me fassent un sanctuaire, pour que je réside au milieu d'eux (Exode, 25, 8). En outre, le temple central avait le triple avantage de servir de lien politique et religieux aux différentes tribus, d'empêcher l'idolâtrie et de restreindre le culte matériel des sacrifices, qui étaient sévèrement interdits hors du sanctuaire central.

Nous donnons ici la description du temple portatif d'après l'Exode (ch. 25 et suiv. ; ch. 36 et suiv.), bien qu'il soit douteux si les travaux ont pu être réellement exécutés dans le désert conformément à cette description idéale. Le temple était semblable aux tentes de luxe des chefs nomades ; mais la tenture était soutenue par un échafaudage de planches qui lui donnait plus de consistance. Le tout formait un carré oblong dont les côtés plus longs allaient du levant au couchant, et il se composait du sanctuaire proprement dit, appelé MISCHCÂN (demeure), et d'un vaste parvis, qui l'entourait de tous les côtés.

Le Mischcân, que nous appelons Tabernacle, se divisait en deux parties : le devant appelé le lieu saint ou le sanctuaire et le derrière (adytum) appelé le Saint des Saints (Ex., 26, 33)[12].

L'échafaudage du Tabernacle était formé de quarante-huit planches épaisses de bois de Sittim, dont chacune avait la largeur d'une coudée et demie[13], et la longueur de dix coudées. Elles étaient placées debout, de sorte que la hauteur de l'édifice était de dix coudées. Vingt de ces planches étaient placées au nord et vingt au midi, ce qui donne trente coudées pour toute la longueur du Tabernacle. La distance entre les deux parois, ou la largeur du Tabernacle, était, selon Philon, Josèphe et les rabbins, de dix coudées. Selon le texte (Exode, ch. 26, v. 22-25), la paroi du fond ou de l'occident était formée de six planches faisant neuf coudées, plus une planche de chaque côté pour les encoignures. Il parait donc que ces deux planches étaient placées de manière à fournir chacune une demi-coudée pour la paroi du fond ; le reste servait a couvrir l'épaisseur des planches des deux autres parois[14]. Ces trois parois formaient, pour ainsi dire, le squelette du Tabernacle. Le côté oriental, par où l'on entrait, n'avait pas de cloison. Toutes les planches étaient dorées et elles avaient chacune deux tenons ; on les plantait dans des soubassements d'argent, probablement pointus, pour les fixer dans la terre. Les planches se joignaient les unes aux autres au moyen de traverses de bois de Sittim, également dorées, et qui étaient renfermées dans des anneaux d'or fixés aux planches.

Une tenture très-précieuse recouvrait l'intérieur[15] de cette boiserie dorée et formait en même temps le plafond du Tabernacle ; c'était un tissu de lin retors avec des trames, couleur de jacinthe, pourpre et cramoisi, formant des figures de chérubins et (selon Josèphe) de toute espèce de fleurs. Toute la tenture se composait de dix tapis ayant chacun vingt-huit coudées de long sur quatre coudées de large ; les tapis étaient cousus ensemble cinq à cinq, et les deux moitiés se joignaient l'une à l'autre par cinquante nœuds couleur jacinthe et cinquante agrafes d'or. L'ensemble formait ainsi une draperie de quarante coudées de long sur vingt-huit de large. La longueur était exactement la mesure du plafond et de tout l'édifice (30 coud.), plus la hauteur de la paroi occidentale (10 coudées)[16] la largeur devait correspondre à la hauteur des deux parois latérales, plus la largeur du plafond, ensemble trente coudées ; or, comme la largeur de la tenture n'était que de vingt- huit coudées, il s'ensuit qu'au bas de chacune des deux parois une coudée de la boiserie dorée restait découverte.

Une seconde tenture de poils de chèvre recouvrait l'extérieur du plafond et de la boiserie. Elle se composait de onze tapis longs de trente coudées et larges de quatre coudées. A près avoir cousu ensemble cinq d'une part et six de l'autre, on joignait les deux portions par cinquante nœuds et cinquante agrafes d'airain. Toute la tenture avait donc quarante-quatre coudées de long et trente coudées de large ; sa jointure s'appliquait sur celle de la première tenture ; la portion plus grande (celle de six tapis) était vers l'orient, et le sixième tapis, qui dépassait nécessairement la longueur du Tabernacle, retombait sur le devant (Exod., 26, 9).

Par-dessus se trouvaient encore deux couvertures, dont l'inférieure était de peaux de béliers teintes en rouge, et la supérieure de peaux d'un animal inconnu[17]. Elles étaient attachées avec des piquets de cuivre fixés dans le sol.

L'entrée, vers l'orient, était fermée par un rideau de lin retors, orné de broderies en couleur de jacinthe, pourpre et cramoisi, et tendu sur cinq colonnes de bois de Sittim doré, ayant des crochets d'or et des soubassements d'airain. Un autre rideau, dont le travail était pareil à celui de la première tenture, se trouvait dans l'intérieur, à vingt coudées de l'entrée, pour établir une séparation. La partie du Tabernacle qui se trouvait derrière le rideau formait le Saint des Saints, dont l'espace était un cube ayant dix coudées dans chaque dimension. Ce rideau de séparation, appelé PAROCHETH, était tendu sur quatre colonnes dorées ayant des soubassements d'argent.

Le Parvis qui entourait le Tabernacle, en était beaucoup plus rapproché à l'occident qu'il ne l'était à l'orient ; car ici il formait une vaste cour où s'assemblaient les fidèles. Cette enceinte, qui avait cent coudées de long et cinquante coudées de large, était fermée par une série de rideaux de lin tendus entre des colonnes d'airain de la hauteur de cinq coudées ; les colonnes étaient placées à cinq coudées de distance les unes des autres, et liées en haut par des bâtons d'argent ; des crochets d'argent servaient à fixer la tenture. A l'orient, où était l'entrée, la tenture était interrompue au milieu pour faire place à un rideau de vingt coudées de largeur. Ce rideau, tendu sur les quatre colonnes du milieu, était pareil à celui de l'entrée du Tabernacle.

Voici maintenant les objets sacrés qui se trouvaient dans les trois parties du sanctuaire : dans le Parvis se trouvait l'autel destiné aux sacrifices ; il était construit en bois de Sittim et couvert d'airain, et il avait cinq coudées en long et en large et une hauteur de trois coudées[18]. Un feu sacré était perpétuellement entretenu sur cet autel, qui était placé en face de l'entrée du sanctuaire. Plus près de cette entrée, mais (selon la tradition) un peu vers le midi, était placé un bassin d'airain, sur un piédestal du même métal ; les prêtres y puisaient de l'eau pour se laver les mains et les pieds avant d'entrer dans le sanctuaire ou de s'approcher de l'autel[19]. On avait employé, pour faire ce bassin, des miroirs métalliques offerts par les femmes pieuses qui venaient habituellement à la porte du sanctuaire pour y faire des actes de dévotion[20]. — Dans le sanctuaire se trouvait à droite, ou au nord, la table des pains de proposition, en bois de Sittim, longue de deux coudées, large d'une coudée et haute d'une coudée et demie. Elle était dorée et avait un couronnement d'or à l'entour. Différents vases d'or pur servaient à faire le pain de proposition. Les pains, de fleur de farine, sans le, vain et recouverts d'encens, étaient au nombre de douze, et représentaient probablement les douze tribus des Hébreux. On les renouvelait chaque jour de Sabbat ; les pains qu'on enlevait appartenaient aux prêtres, qui devaient les manger dans le lieu saint. A gauche était placé le Chandelier à sept branches ; les branches étaient ornées de calices de fleurs en forme d'amande, de pommeaux et de fleurs, le tout d'or pur, d'une seule pièce et travaillé au marteau[21]. Les lampes restaient allumées du soir au lendemain ; pour les arranger il y avait des mouchettes et de cendriers d'or pur. Entre la table et le chandelier, devant le rideau du Saint des Saints, se trouvait l'autel des parfums, appelé aussi l'autel d'or (Nombres, 4, 11), parce qu'il était entièrement revêtu de lames d'or. Le matin et le soir le grand prêtre y brûlait des parfums d'aromates[22]. — Le Saint des Saints ne renfermait autre chose que l'arche sainte. C'était une caisse de bois de Sittim, recouverte d'or pur en dedans et en dehors, et ornée d'un couronnement d'or. Quatre anneaux d'or placés aux quatre coins servaient à recevoir des barres de bois couvertes d'or, pour transporter la caisse. Celle-ci avait deux coudées et demie de long, une coudée et demie de large et autant de hauteur. Elle renfermait les deux tables du Décalogue. Le couvercle[23] était d'or massif étendu au marteau, et se terminait à chacune des deux extrémités par un Chérubin ayant les ailes étendues. Les deux Chérubins avaient les faces tournées l'une vers l'autre et un peu penchées vers le couvercle. Entre ces deux figures se trouvait la résidence symbolique de Jéhova, où Moïse allait chercher ses inspirations (Exode, 25, 22). Quant aux Chérubins, nous avons déjà dit que c'étaient des figures symboliques ; la représentation d'un être réel, existant dans le ciel ou sur la terre, était sévèrement défendue aux Hébreux. La forme des Chérubins n'est pas indiquée par Moïse, qui en parle comme d'une chose déjà connue ; tout ce qui résulte de la description de Moïse, c'est que les Chérubins avaient une face humaine et des ailes, et on pourrait conclure de la Genèse (3, 24) qu'ils avaient des mains. D'autres éléments que nous trouvons dans les Chérubins d'Ézéchiel appartiennent à l'imagination individuelle de ce prophète. Quoi qu'il en soit, les Chérubins étaient un mélange de diverses figures d'animaux, et cela seul suffit pour nous faire reconnaître leur origine égyptienne. M. Jomard dit, en parlant des Égyptiens : Ils n'ont pas moins excellé à combiner ensemble les diverses figures d'animaux, pour en composer des êtres chimériques, exprimant sans doute la réunion des propriétés attribuées à chacune de ces figures[24]. Les Chérubins paraissent avoir le plus intime rapport avec les sphinx, qui ont généralement la tête d'un homme et le corps d'un lion[25], représentant le symbole de l'intelligence et de la force. Créature idéale, réunissant ce qu'il y a de plus parfait dans le règne animal, le Chérubin représente la plus belle, la plus parfaite manifestation de Dieu dans la nature, sans être lui-même image de la Divinité[26]. Ici le caractère symbolique est suffisamment indiqué par Moïse lui-même, qui place le lieu de la révélation spéciale de la Divinité au-dessus de l'arche sainte entre les deux Chérubins.

De même que les Chérubins, les autres objets sacrés, et le Tabernacle en général, avaient sans doute des rapports avec ce qui était en usage chez les Égyptiens[27]. Nous ne pouvons pas ici entrer dans de plus longs détails ; nous rappellerons seulement que, selon Hérodote (II, 4), les Égyptiens furent les premiers à construire des autels et des temples ;que chez les Égyptiens, comme chez plusieurs autres peuples de l'antiquité, l'entrée des temples était tournée vers l'orient et qu'on trouvait, dans l'intérieur, des arches ou des caisses sacrées qui renfermaient des symboles et des mystères[28]. Moïse se conforma aux usages établis, mais il abolit les mystères ; son arche sainte ne renfermait autre chose que les lois fondamentales, qui avaient été proclamées en présence de tout le peuple. Cependant le grand-prêtre seul pouvait pénétrer une fois l'année dans le Saint des Saints, au grand jour des expiations. Le reste du sanctuaire était accessible aux prêtres ordinaires, et le parvis aux lévites et à ceux qui venaient offrir un sacrifice.

Pendant le séjour dans le désert, le Tabernacle était toujours placé au milieu du camp, et les douze tribus étaient campées autour, suivant l'ordre prescrit (Nombres, ch. 2). La tribu de Lévi se trouvait dans le centre, auprès du sanctuaire, et elle était chargée de décomposer, d'emballer et de transporter à chaque départ toutes les pièces du Tabernacle, et de le reconstruire à chaque station (ib. ch. 4).

Suivant les lois de Moïse, ce sanctuaire central devait être le seul lieu consacré au culte (Lév., 17, 1-9), et plus tard on devait choisir une des villes du pays de Canaan pour y établir le temple unique de Jéhova (Deut. 12, 11). Après la conquête, le Tabernacle fut établi à Siloh (Jos., 18, 1), et nous l'y rencontrons encore du temps de Saül (I Sam., 14, 3). Plus tard, il fut probablement transporté à Nob (ib. 22, 11) et de là à Gabaon (I Chron., 16, 39), où il resta jusqu'à ce qu'il fut remplacé par le temple de Salomon.

 

II. LES PRATIQUES RELIGIEUSES.

Les actes religieux que la loi de Moïse impose aux Hébreux devaient être la manifestation du dévouement que le peuple tout entier et chacun de ses membres en particulier portait à la Divinité. Ces actes consistaient dans des sacrifices qui ne pouvaient être offerts que dans le sanctuaire central, et dans certaines pratiques et privations auxquelles se soumettaient les individus. Nous divisons donc les actes religieux en deux parties : les sacrifices et les pratiques personnelles.

A. LES SACRIFICES.

L'usage des sacrifices remonte, selon la Genèse, jusqu'aux premiers âges ; non-seulement Noé offre des holocaustes, mais déjà Caïn et Abel avaient offert à Dieu, l'un les fruits de la terre, l'autre la graisse de ses meilleures brebis. Nous retrouvons les sacrifices dans les antiques traditions de tous les peuples. Les puissances invisibles que l'homme, même le plus inculte, a dû reconnaître dans la nature, lui inspirèrent à la fois la crainte et la reconnaissance. Pour apaiser leur courroux, ou pour leur témoigner sa gratitude, l'homme s'imposait volontairement des privations et consacrait la meilleure partie de ce qu'il possédait dans le règne végétal et animal aux puissances supérieures qui le lui avaient accordé ; c'est ainsi que l'homme croyait honorer la Divinité et se mettre en rapport avec elle. Cette idée est si simple, elle convient si bien à l'enfant, que l'on ne doit pas s'étonner de retrouver les sacrifices chez tous les peuples dès leur origine. Mais cette manifestation enfantine et innocente devait dégénérer lorsque la société humaine, sortie de l'état d'enfance, n'avait pourtant pas l'esprit assez élevé pour abandonner ce qu'un long usage avait consacré et se créer un culte plus noble. Au lieu d'abandonner ces matérielles démonstrations de respect et d'attachement, convenables à des enfants, l'esprit humain tâcha de consolider les anciens usages, en leur prêtant un autre sens que celui qu'ils avaient eu d'abord ; et, en les réduisant en système, on arriva à des résultats monstrueux. Du principe de privation on en vint aux sacrifices humains ; car, pour plaire aux dieux et pour apaiser leur colère, il fallait se priver de ce qu'on possédait de plus cher, et les mères donnaient à Moloch leurs tendres nourrissons. D'un autre côté, les sacrifices, considérés comme moyen de s'approcher de la Divinité, furent symbolisés ; on les envisageait comme un lien mystérieux entre les dieux et les hommes, et on arriva ainsi à la superstition systématique, ou au mysticisme. Dans les plus anciens livres des Indous nous voyons déjà les sacrifices considérés sous ce point de vue mystique[29], et il en était sans doute de même chez les Égyptiens.

Moïse obligé, pour le moment, de laisser subsister les sacrifices, tâcha cependant d'obvier aux abus. Il décréta la peine de mort contre ceux qui feraient des sacrifices humains ou qui imiteraient les autres cérémonies idolâtres contraires à la morale et à la pudeur ; il restreignit l'usage des sacrifices, en défendant avec une égale sévérité de les offrir ailleurs que dans l'unique sanctuaire national, et il ne les recommanda jamais comme une chose agréable à la Divinité, ou comme un moyen de s'en approcher. Le prophète Jérémie (7, 22) fait dire à Dieu : Je n'ai pas parlé à vos ancêtres et ne leur ai rien ordonné, le jour où je les fis sortir d'Égypte, au sujet d'holocaustes et de victimes. St. Éphrem, qui s'étend beaucoup sur ce passage, dit entre autres : Le prophète les avertit que ce n'est pas dans les sacrifices, mais dans les lois divines, qu'ils trouveront le véritable moyen de salut ; car cette loi Dieu lui-même l'a écrite de son doigt sur les tables et l'a remise aux enfants d'Israël. Mais les autres préceptes, tels que les rites des prêtres et des sacrifices, ont peu de valeur aux yeux du Seigneur. Aussi ne les a-t-il pas placés à la tête de sa loi, dans l'Exode..... Plus tard Moïse, par ordre de Dieu, prescrivit ces observances aux Hébreux à cause de leur faiblesse et de l'endurcissement de leurs cœurs ; de peur qu'ils ne méprisassent une religion nue (sans culte extérieur) et ne s'attachassent aux faux dieux, dont ils voyaient le culte embelli par de belles et pompeuses cérémonies[30].

En effet, tous les prophètes comprenaient ainsi l'intention de Moïse et ils prêchaient constamment contre les sacrifices[31]. Ainsi les préceptes que Moïse donne sur les sacrifices sont de simples règlements, dans lesquels le législateur emploie le langage technique des prêtres de ces temps, comme, par exemple, cette formule si souvent répétée : Odeur agréable au Seigneur, qu'il ne faut pas prendre à la lettre. Partout dans l'antiquité on croyait apaiser la colère des dieux et leur être agréable en faisant monter en vapeur certaines parties des victimes, et lorsque la flamme ne montait pas, c'était un mauvais augure.

Nous allons maintenant jeter un coup d'œil sur les différentes espèces de sacrifices dont parle la loi de Moïse. Les sacrifices se divisent, sous le rapport des objets offerts à la Divinité, en deux parties, ceux du règne animal, ou sacrifices sanglants, et ceux du règne végétal, ou offrandes et libations.

a. Sacrifices sanglants.

Les sacrifices sanglants ne pouvaient être choisis que dans quatre espèces d'animaux domestiques, savoir, le mouton, l'espèce bovine, la chèvre et la colombe. Il paraît que le législateur a voulu choisir les animaux que l'on pouvait se procurer avec facilité. Peut-être aussi a-t-il voulu destiner à l'autel de Jéhova les animaux auxquels les Égyptiens rendaient un culte. Les victimes devaient être exemptes de tout défaut, et on brûlait sur l'autel quelques-unes des meilleures parties de la victime, savoir, la graisse qui couvre les entrailles, les deux rognons avec la graisse qui est dessus, le grand lobe de foie et la queue grasse des béliers[32]. Celui qui voulait offrir une victime la présentait à l'entrée du sanctuaire, en posant sa main sur la tête de l'animal. Il pouvait lui-même égorger la victime ou la faire égorger par les prêtres[33] ; mais ceux-ci recevaient le sang et en aspergeaient l'autel. Après avoir dépecé l'animal, on brûlait les parties que nous venons d'indiquer, et on disposait du reste suivant la destination de la victime ; car il y avait dans le culte mosaïque quatre espèces de sacrifices sanglants : l'holocauste, les sacrifices de péché et de délit, et le sacrifice pacifique.

L'holocauste (OLAH) occupe le premier rang ; si c'était un quadrupède, on ne pouvait y employer que des animaux mâles. Les cérémonies qu'on observait pour l'holocauste et la manière dont on le brûlait sont rapportées au premier chapitre du Lévitique. Après l'avoir coupe en morceaux, on brûlait tout sur l'autel, excepté la peau, qui appartenait aux prêtres (Lév. 7, 8). L'holocauste était tantôt du culte public, comme, par exemple, le sacrifice quotidien du matin et du soir, ou bien les sacrifices additionnels des jours de fête ; tantôt une offrande privée, comme l'une des victimes que le naziréen (Nombres, ch. 6, v. 11 et 14), le lépreux la femme en couche et autres personnes impures (Lév. ch. 14, v. 15) offraient au jour de leur purification. — On pouvait, du reste, offrir volontairement un holocauste, et les étrangers mêmes étaient admis à en présenter à l'autel de Jéhova (Nombres, 15, 14)[34].

Les sacrifices de péché et de délit (HATTATH et ASCHAM)[35] ont beaucoup de rapport entre eux, et il est même difficile d'indiquer avec précision les légères nuances qui les distinguent l'un de l'autre[36]. Les formalités étaient les mêmes pour les deux ; on en brûlait les parties grasses destinées à l'autel, et tout le reste appartenait aux prêtres[37]. Ils n'étaient pas accompagnés, comme les autres sacrifices, d'offrandes et de libations[38], et ils ne pouvaient être offerts que dans des cas déterminés par la loi. Voici, selon les rabbins, les différences les plus notables entre ces deux espèces de sacrifices. Le sacrifice de péché pouvait être pris dans les quatre espèces d'animaux que nous avons indiquées plus haut, le sacrifice de délit ne pouvait être qu'un bélier ou un agneau ; le premier faisait souvent partie du culte public, le dernier n'était offert que par les individus pour expier certaines fautes personnelles, spécifiées par la loi ; celui-là s'offrait dans certains cas par un individu convaincu d'un péché involontaire, celui-ci servait à expier un péché douteux et à tranquilliser la conscience de celui qui ne savait pas lui-même s'il avait péché ou non[39].

Le sacrifice pacifique (ZÉBACH SCHELANÎM) était offert par suite d'un vœu ou volontairement ; quelquefois par reconnaissance d'un bienfait reçu de la Divinité. Dans ce dernier cas il est accompagné d'une offrande et on l'appelle sacrifice de reconnaissance (Lév. 7, 12). Dans quelques cas il est ordonné par la loi, comme, par exemple, le bélier du naziréen (Nombres, 6, 14) et les deux agneaux de la fête des prémices (Lév. 23, 19). Ces derniers offrent le seul exemple d'un sacrifice pacifique faisant partie du culte public ; les prêtres seuls pouvaient en manger la chair, tandis qu'ils n'obtenaient du sacrifice pacifique des individus que certaines parties dont ils pouvaient faire part à leurs familles. Ces parties étaient la poitrine et l'épaule droite qui avaient servi à la cérémonie de l'agitation et de l'élévation (Lév. 7, 29-34)[40]. Tout le reste, excepté les pièces destinées à l'autel, était employé à un repas. Les sacrifices pacifiques ne sont que des repas solennels comme nous en trouvons chez les autres peuples de l'antiquité, Dans les poésies d'Homère il est souvent question de ces repas sacrés où l'on donnait sa part à la Divinité[41].

En outre de ces quatre classes de sacrifices sanglants, nous devons mentionner deux espèces de victimes qu'on immolait dans certaines occasions en dehors du temple et qui ne peuvent être comptées au nombre des sacrifices proprement dits.

Trouvait-on une personne assassinée dans les champs sans qu'on sût qui l'avait frappée, on mesurait la distance des villes à l'entour ; les anciens de la ville qui était la plus proche de l'endroit où l'on avait trouvé le cadavre prenaient une jeune vache qui n'avait encore servi à aucun travail, et allaient lui casser la nuque dans un ravin rocailleux, impropre à la culture. Après avoir ainsi immolé la jeune vache, les anciens, en présence des prêtres, se lavaient les mains sur la victime en prononçant ces mots : Nos mains n'ont pas répandu ce sang, et nos veux ne l'ont pas vu répandre. Pardonne, ô Jéhova, à ton peuple Israël que tu as délivré, et ne lui impute pas l'effusion du sang innocent[42]. Tout cet acte n'était autre chose qu'un jugement symbolique, et, pour ainsi dire, une exécution en effigie ; la jeune vache représentait l'assassin et n'était pas un sacrifice expiatoire[43].

Une autre espèce de victime immolée hors du camp, ou de là ville sainte, était celle de la vache rousse (Nombres, ch. 19). De temps à autre un prêtre[44] immolait une vache rousse sans défaut, qui n'avait jamais porté le joug ; il trempait son doigt dans le sang de la victime et en faisait sept aspersions dans la direction du Saint des Saints. Ensuite on brûlait la vache tout entière, et le prêtre jetait dans la flamme du bois de cèdre, de l'ézob et de la laine teinte en cramoisi. La cendre mêlée dans de l'eau de fontaine servait à purifier les personnes et les choses qui avaient été en contact avec un cadavre, et qui restaient impures pendant sept jours. On les aspergeait, le troisième et le septième jour, avec un bouquet d'ézob trempé dans cette eau lustrale. Cette singulière cérémonie que, selon les rabbins, le sage roi Salomon lui-même ne savait expliquer, peut s'éclaircir en partie par les usages de plusieurs peuples de l'Orient, et no laminent des Égyptiens. Les Indous professent un grand respect pour la vache ; elle est le symbole de la terre et de la déesse Lakschmi qui répand les bénédictions du sol et qui n'est autre chose que la terre personnifiée[45]. La fiente et l'urine de la vache est, chez les Indous, comme chez les Perses, un moyen très-efficace de purification. La vénération de la vache n'était pas moins grande chez les Égyptiens, qui voyaient dans cet animal l'image d'Isis. Les Égyptiens, dit Hérodote (II, 41), sacrifiaient le bœuf, mais il ne leur était pas permis d'immoler la vache, consacrée à Isis[46]. Spencer pense, avec raison, que Moïse a voulu détruire la vénération superstitieuse de la vache[47]. Moïse veut que la vache qui sert à préparer l'eau lustrale soit rouge, et, selon le Thalmud, elle est rejetée, si elle a seulement deux poils noirs. Cette circonstance s'explique encore par les usages égyptiens : selon Hérodote (II, 38) on examinait le bœuf avant de l'immoler, et s'il avait un seul poil noir, il était impur. Mais Diodore de Sicile dit expressément que les bœufs destinés aux sacrifices devaient avoir la couleur rousse qui était celle de Typhon, et Plutarque, qui rapporte la même chose, ajoute que le bœuf est soumis à un examen très-minutieux, et que, si on découvre sur lui un seul poil noir ou blanc, il est rejeté comme non propre au sacrifice[48]. Il serait donc possible que Moïse eût voulu rendre encore plus éclatante la profanation de la vache sacrée, en lui donnant la couleur abhorrée de Typhon, le représentant du mal. Il résulte avec évidence d'un passage d'Isaïe (1, 18) que chez les Hébreux, comme chez les Égyptiens, la couleur rouge était le symbole du péché et du mal. Dans les véritables sacrifices destinés à l'autel de Jéhova, il n'est jamais question du rouge, ni d'aucune autre couleur, contrairement aux usages des Égyptiens polythéistes, qui attachaient une grande importance au sens symbolique des couleurs, et qui offraient aux différentes divinités, selon le goût et la nature qu'on leur supposait, des animaux rouges, noirs ou blancs[49].

b. Offrandes et Libations.

L'usage des offrandes et des libations, comme celui dès sacrifices, se trouve chez tous les peuples de l'antiquité. Chez les païens comme chez les Hébreux, tantôt elles se présentent seules, tantôt elles accompagnent les sacrifices sanglants.

Chez les Hébreux, l'offrande (MINHA) se composait ordinairement de fleur de farine de froment[50] et d'huile d'olive. Tantôt on offrait la pure farine, on y versait de l'huile et on y mettait de l'encens ; tantôt on en faisait une espèce de tourteaux pétris avec de l'huile ou des flans oints d'huile (Lév. 2, 4-7). Il fallait toujours y mettre du sel, comme signe de l'alliance avec Dieu[51] ; mais il n'était pas permis d'y mettre du levain ou du miel. Les Indous offrent également à leurs dieux des gâteaux sans levain[52]. L'usage du sel était très-commun dans les sacrifices des Grecs et des Romains[53]. Quant au miel, il était défendu probablement à cause de la fermentation qu'il produit, comme le levain ; mais les peuples païens, et notamment les Sabéens, en faisaient un grand usage dans leurs sacrifices[54].

Les libations (NÉSECH) se faisaient avec du vin. On versait le vin autour de l'autel comme le dit Josèphe, ou dans un conduit qui se trouvait à l'autel, comme le disent les rabbins[55]. Chez les païens, on versait généralement le vin entre les cornes de la victime ; mais il y avait aussi chez eux des libations indépendantes des sacrifices, qui se versaient par terre.

Les offrandes et les libations des Hébreux accompagnaient toujours les holocaustes et les sacrifices pacifiques, mais jamais les sacrifices de péché et de délit, à l'exception de celui du lépreux (Lév. 14, 21). La quantité de la farine, de l'huile et du vin, était en raison de l'importance de la victime : la colombe n'était accompagnée d'aucune offrande (Nombres, 15, 1-12).

L'offrande proprement dite et indépendante du sacrifice sanglant était, comme celui-ci, publique ou privée. Les offrandes publiques, présentées au nom de tout le peuple, étaient au nombre de trois : 1° Le Omer, ou les prémices de la moisson des orges, offertes pendant la Pâque (Lév. 23, 10 et suiv.) ; 2° les deux pains offerts le jour de la fête des semaines (ib. v. 17) ; 3° les douze pains de proposition, que l'on renouvelait chaque jour de sabbat. — Les offrandes privées étaient de quatre espèces : 1° Offrande du pécheur ; elle était présentée par le pauvre qui avait à expier un péché, mais qui ne possédait même pas les moyens d'acheter des colombes (Lév. 5, 11). 2° Offrande de jalousie, ou celle de la femme soupçonnée d'adultère ; elle était de farine d'orge (Nombres, 5, 15). A ces deux espèces on ne mettait ni huile ni encens. 3° Offrande du prêtre : le prêtre admis pour la première fois à exercer ses fonctions offrait un dixième d'Épha de fleur de farine, moitié le matin et moitié le soir, avec le sacrifice quotidien (Lév. 6, 13). Selon les rabbins, le grand prêtre répétait cette offrande tous les jours, pendant tout le temps de ses fonctions ; la même chose est affirmée par Josèphe[56]. 4° Offrande volontaire, ou par suite d'un vœu.

De ses offrandes on consumait une poignée sur l'autel, le reste appartenait aux prêtres ; mais l'offrande du prêtre appartenait tout entière à l'autel.

Une autre espèce d'offrandes consistait en fumigations qui avaient lieu chaque jour dans le temple, sur l'autel particulièrement destiné à cet usage. Le parfum dont on se servait était d'une composition particulière, indiquée dans l'Exode (30, 34). De semblables fumigations étaient aussi en usage chez les peuples païens ; selon Hérodote (I, 183), on brillait dans le temple de Bélus, sur un autel particulier, mille talents d'encens par an.

On peut encore compter au nombre des sacrifices et des offrandes certains impôts sacrés, tels que les prémices et les dl mes de tous les produits du pays, qu'on présentait devant le sanctuaire et qui appartenaient aux prêtres et aux lévites[57]. Nous y reviendrons plus loin en parlant des revenus de la caste sacerdotale.

Tout mâle premier-né de sa mère était également consacré à Jéhovah, et devait être présenté devant le sanctuaire. Le premier-né mâle de la femme était présenté un mois après la naissance, et on payait, pour le racheter, un prix fixé par le prêtre, mais qui ne pouvait dépasser cinq sékels ; le premier-né d'un animal impur devait être racheté, ou tué ou vendu au profit du sanctuaire ; celui d'un animal pur devait être employé à un sacrifice pacifique dont la chair appartenait aux prêtres ; cependant s'il avait un défaut qui le rendait impropre au sacrifice, le propriétaire pouvait le manger en le rachetant[58]. Moïse rattache cette loi à l'événement miraculeux arrivé avant la sortie d'Égypte, lorsque la mort enleva subitement tous les premiers-nés des Égyptiens, en épargnant ceux des Hébreux[59]. Cependant la Genèse (4, 4) fait remonter jusqu'aux premiers hommes l'usage de sacrifier les premiers-nés des animaux.

Enfin toute chose pouvait être consacrée à Dieu volontairement par suite d'un vœu. L'usage de faire des vœux aux dieux était très-répandu chez tous les peuples de l'antiquité. Moïse le laissa subsister, sans trop le recommander (Deut. 23, 23), et il y porta certaines restrictions (Nombres, Ch. 30). Toute chose vouée à la Divinité pouvait être rachetée. A l'égard des personnes et des animaux consacrés par un vœu, on observait à peu près les règles prescrites pour les premiers-nés[60].

B. PRATIQUES PERSONNELLES.

Les pratiques personnelles sont celles où les individus paient de leurs propres personnes, en se soumettant à certains actes et à certaines privations. Tels sont le jeûne et les prières, les observances concernant la pureté du corps et la nourriture, l'abstinence volontaire par suite d'un vœu.

a. Jeûne et Prières.

De même que les vœux, les pratiques ascétiques étaient peu recommandées dans la loi de Moïse, qui n'offre aucune trace des pratiques superstitieuses de pénitence prescrites dans les codes religieux des autres peuples de l'Orient[61]. Le législateur des Hébreux n'ordonna qu'un seul jeûne public dans toute l'année, celui du jour des expiations, célébré le dixième jour du septième mois et dont nous parlerons plus loin. Vous affligerez vos personnes, dit le législateur (Lév. 16, 29 ; 23, 27). Plusieurs passages bibliques et l'usage suivi par les Juifs à toutes les époques prouvent avec évidence que cette affliction n'est autre chose que le-jeûne[62].

Quant à la prière, Moïse l'abandonne au sentiment individuel et à l'inspiration du moment. Dans certaines circonstances il prescrit la confession des péchés devant Dieu, sans en fixer les termes (Lév. 5, 5 ; 16, 21). Le Pentateuque ne renferme que trois formules de prière : la bénédiction que les prêtres prononçaient sur le peuple (Nombres, 6, 24-26), les actions de grâce que chaque Hébreu devait réciter en offrant les prémices (Deut. 26, 5-10), et la prière qu'il devait prononcer en présentant la seconde dîme (ib. v. 13-15). La loi ordonne aussi de se prosterner devant Dieu (ib. v. 10).

b. Pureté et hygiène.

Les lois de pureté prescrites par Moïse peuvent être considérées, jusqu'à un certain point, comme des règlements de police médicale émanés de certaines idées de pureté et d'hygiène communes à tous les peuples de l'Orient, et qui ont partout un caractère religieux. En comparant, sous ce rapport, les lois des Hébreux avec celles des Indous et des Égyptiens[63], on trouvera que Moïse a beaucoup simplifié les pratiques de pureté, en abolissant tout ce qui n'était fondé que sur des superstitions et en ne laissant subsister que ce qui pouvait être utile à l'hygiène publique et aux mœurs. Mais la pureté corporelle avait encore un autre but plus élevé ; elle était le symbole de la pureté intérieure et elle est mise par le législateur dans un intime rapport avec le culte de Jéhova et avec la sainteté qu'exigeait ce culte[64].

L'impureté pouvait provenir du corps lui-même, ou bien lui être communiquée par le contact d'une personne ou d'une chose impure. Certains animaux étaient réputés impurs et ne pouvaient servir de nourriture à l'Hébreu ; il en était de même de certaines parties des animaux purs.

Le corps humain en lui-même pouvait être pollué, surtout par certaines fonctions naturelles des parties génitales telles, que les menstrues, etc., ou par des affections maladives de ces mêmes parties. Pour ce dernier cas le législateur ordonna, outre les ablutions, un sacrifice expiatoire ; de même pour la femme en couches[65]. Pour les autres cas, l'impureté disparaissait par la simple ablution. Mais aucune impureté du corps n'était réputée plus grande que celle causée par la maladie contagieuse de la lèpre. Le législateur donne des prescriptions très-minutieuses pour empêcher la propagation de cette maladie si terrible en Orient[66], et il recommande aux prêtres de l'observer avec beaucoup de soin dans toutes les phases de son développement. Quand le prêtre avait positivement reconnu la lèpre, le malade était déclaré impur et tout commerce avec les personnes saines lui était sévèrement interdit. Exclu de la société, il demeurait hors du camp ou de la ville[67]. Il lui était permis de sortir ; mais, pour éloigner de lui les passants, il devait se faire connaître par son costume de deuil : les vêtements qu'il portait étaient déchirés, ses cheveux en désordre ; et enveloppé jusqu'au menton, il criait sans cesse : impur ! impur ! — Toutes ces précautions prouvent que les Hébreux redoutaient beaucoup, cette terrible maladie indigène en Egypte, où ils avaient séjourné pendant plusieurs siècles. Elle était considérée par les peuples de l'Orient comme une suite de graves péchés, notamment d'atteintes portées aux personnes et aux choses sacrées[68]. Aussi la purification qui suivait la guérison de la lèpre exigeait elle un cérémonial très-compliqué. Quand le malade se croyait guéri, un prêtre allait le visiter dans sa retraite, et, après avoir constaté la guérison, il faisait chercher deux oiseaux vivants, d'une espèce pure, ainsi que du bois de cèdre, de l'ézob, et de la laine teinte en cramoisi. On égorgeait l'un des oiseaux, et son sang était reçu dans un vase de terre où il y avait de l'eau fraîche. Ensuite le prêtre trempait dans le vase l'oiseau vivant et tous les objets que nous venons d'indiquer, et, après en avoir aspergé le malade guéri, il laissait s'envoler l'oiseau vivant, qui emportait, d'une manière symbolique, le péché dont le lépreux venait de se purifier[69]. Celui-ci lavait ses vêtements, rasait tous ses cheveux et se baignait ; c'est ainsi que se terminait le premier acte de sa lustration. Devenu pur, il pouvait rentrer dans le camp ou dans la ville ; mais il devait encore se soumettre à une espèce de quarantaine de sept jours hors de sa maison. Le septième jour il se rasait de nouveau la tête, la barbe et jusqu'aux sourcils ; il lavait encore ses vêtements et se baignait ; dès lors il était définitivement purifié. Le huitième jour était employé à un sacrifice expiatoire, composé d'un agneau pour délit, d'un second agneau holocauste et d'une brebis sacrifice de péché ; le pauvre pouvait remplacer les deux dernières pièces par deux tourterelles ou deux jeunes pigeons. Le tout était accompagné d'une offrande de fleur de farine pétrie d'huile et d'une mesure (log) d'huile ; des cérémonies toutes particulières étaient observées pour ce sacrifice, ainsi qu'on peut le voir dans le Lévitique (14, 10-31).

Au nombre des usages ayant pour but la pureté corporelle on pourrait encore compter, sous un certain rapport, celui de la circoncision, que les Égyptiens pratiquaient, selon Hérodote (II, 37), à cause de la propreté : elle a cependant chez les Hébreux une importance beaucoup trop grande pour être considérée comme une simple mesure de police sanitaire. C'est par cette pratique que l'Hébreu devient citoyen de la théocratie, nous devons done la mettre au nombre des lois constitutives de la société hébraïque.

L'impureté communiquée par le contact de personnes ou de choses impures était plus ou moins grave, selon la gravité de l'impureté primitive. Les Hébreux devaient surtout éviter le contact d'un animal mort et même des animaux purs qui n'avaient pas été tués selon les rites. Toute impureté de contact s'effaçait par de simples ablutions, excepté celle qui provenait du contact d'un cadavre humain ; elle durait sept jours, et, pour en être purifié, il fallait les aspersions faites avec l'eau lustrale de la vache rousse dont nous avons déjà parlé.

La loi de Moïse renferme aussi un certain nombre de prescriptions concernant la nourriture. A la vérité, ces prescriptions reposent probablement en partie sur des motifs d'hygiène et sur certaines répugnances communes à presque tous les peuples de l'Orient ; mais il y en a d'autres qui ne sauraient être expliquées par ces seuls motifs, et qui sont particulières au législateur des Hébreux. D'ailleurs, si Moïse n'avait eu qu'un but d'hygiène, il aurait également donné des préceptes sur l'usage des plantes, tandis qu'il ne s'occupe que du règne animal. Il faut donc qu'il ait été guidé par certaines idées de pureté, inapplicables aux plantes[70]. Ce sont, comme il le dit lui-même, des préceptes de pureté et de sainteté (Lév. 11, 44). De tout temps les Hébreux, comme les Juifs de nos jours, leur ont attribué un caractère religieux, et souvent ils ont subi les privations et même le martyre plutôt que de se souiller par une nourriture défendue dans les lois de Moïse[71]. L'historien doit donc placer ces préceptes au nombre des observances religieuses des Hébreux, mais en même temps il doit chercher à se rendre compte historiquement de leur origine. Là il trouvera encore des analogies frappantes dans les usages des peuples païens et notamment des Indous et des Égyptiens.

La loi de Moïse divise les animaux en purs et impurs, et la Genèse (ch. 7, v. 2 et 8) fait remonter cette division jusqu'au déluge. Noé déjà choisit pour ses sacrifices des animaux purs (ib. ch. 8, v. 20). Moïse, qui probablement a suivi les théories des prêtres égyptiens, établit pour les animaux certaines conditions d'organisation qui seules en faisaient des créatures parfaites et pures ; quant aux animaux qui ne remplissaient pas ces conditions, il était permis de s'en servir pour le travail et pour d'autres usages, mais leur chair était impure et ne pouvait servir de nourriture. Selon Moïse[72], les quadrupèdes ne sont purs que lorsqu'ils ont le sabot divise et qu'ils ruminent ; ceux qui ne remplissent que l'une de ces deux conditions, tels que le chameau, le schaphan[73], le lièvre, le porc, sont impurs. Tout ce qui vit dans l'eau est impur, excepté ceux d'entre les poissons qui ont en même temps des nageoires et des écailles. Pour les oiseaux, Moïse n'indique pas de condition générale de pureté ; il se contente de nommer un certain nombre d'oiseaux impurs, et la plupart des noms qu'il donne ne sauraient être expliqués avec certitude. On y remarque l'aigle, l'autour, le corbeau, l'autruche. Nous avons déjà dit plus haut que les noms donnés par Moïse désignent, en général, les oiseaux carnivores. Les reptiles sont impurs ; Moïse défend particulièrement les différentes espèces de la famille des lézards. Les insectes sont également impurs, excepté ceux qui, outre les ailes et les quatre pattes, ont des pieds pour sauter, tels que les différentes espèces de sauterelles.

Nous trouvons chez les Égyptiens des usages analogues ; chez eux aussi les lois de diète ont une tendance religieuse[74]. Les animaux impurs, les plantes nuisibles appartenaient au règne de Typhon, de même que tout ce qui vivait dans la mer. Les prêtres s'abstenaient de toute espèce de poissons (Hérod. I, 37) ; mais il paraît qu'ils permettaient au peuple les poissons à écailles[75]. Ils s'abstenaient également des quadrupèdes qui n'avaient pas le sabot divisé, ou qui l'avaient fendu plusieurs fois, ou qui n'étaient pas cornus, ainsi que de tous les oiseaux carnivores[76]. Quant au porc, les Égyptiens en évitaient même le contact, et si quelqu'un par hasard avait touché un porc, il se baignait dans la rivière avec ses vêtements[77].

Dans les livres de Zoroastre on trouve également la division des animaux en purs et impurs, et la condition principale de pureté est le sabot divisé[78]. Mais ce sont les usages des Indous qui offrent, sous ce rapport, le plus d'analogie avec ceux des Hébreux. Les lois de Manou (V, 11, etc.) proscrivent les quadrupèdes qui n'ont pas le sabot divisé, et particulièrement le porc ; les ruminants paraissent être préférés[79] ; mais, comme dans la loi de Moïse, le chameau fait exception. Les poissons sont défendus, excepté ceux qui ont des écailles[80], et parmi les oiseaux impurs, nous remarquons en première ligne les oiseaux carnivores. D'un autre côté, plusieurs animaux défendus par Moïse sont permis dans les lois de Manou, comme, par exemple, le lièvre, la tortue, une certaine espèce de lézards ou alligators, etc.

Il paraîtrait donc que les lois d'abstinence reposent sur un principe généralement admis par les différents peuples que nous venons de nommer, mais que, pour les détails, il y a variation dans l'application du principe. Moïse trouvant à ce sujet des usages établis, profite de ceux qui pouvaient avoir quelque utilité réelle. Tantôt il se laisse guider par un principe d'hygiène, comme, par exemple, en défendant la chair de porc, très-nuisible dans les contrées exposées à la lèpre. Tantôt il défend de se nourrir de certains animaux dont les peuples voisins affectionnaient la chair, pour établir une séparation entre ces peuples et les Hébreux ; ainsi le chameau et le lièvre, permis aux Arabes, sont interdits aux Hébreux. Enfin, si en défendant les insectes, il excepte les sauterelles, c'est peut-être pour procurer au pauvre une nourriture aux époques même où les sauterelles venaient ravager les campagnes et amenaient la famine[81].

Les animaux purs eux-mêmes ne pouvaient servir d'aliment que lorsqu'ils avaient été tués selon les rites : s'ils étaient morts par un accident quelconque ou déchirés par une bête féroce, ils ne pouvaient être mangés par les Hébreux. Celui qui s'était souillé par une pareille nourriture, restait impur jusqu'au soir et était obligé de se baigner et de laver ses vêtements[82].

Un châtiment sévère est réservé à celui qui aura mangé les parties de graisse qui, dans les sacrifices, étaient destinées à l'autel, ou bien le sang d'un quadrupède ou d'un oiseau[83].

Moïse défend aussi, à plusieurs reprises, de faire cuire le chevreau dans le lait de sa mère[84]. Cette défense se rapporte probablement à quelque rite superstitieux pratiqué par les païens[85]. La tradition rabbinique lui donne un sens plus général, et y voit la défense de manger de la viande préparée avec du lait ou du beurre[86]. Philon (De charitate) prend les mots du texte à la lettre et y voit un précepte d'humanité.

D'après un antique usage que la Genèse (32, 33) fait remonter jusqu'au temps de Jacob, les Hébreux ne mangeaient la cuisse des quadrupèdes qu'après en avoir enlevé le nerf. Il n'est pas question de cet usage dans la partie législative du Pentateuque.

c. Abstinence volontaire, Naziréat.

L'abstinence volontaire rentre dans la catégorie des vœux ; on faisait vœu de se soumettre à certaines privations, de s'abstenir de certaines jouissances qui n'étaient pas interdites par la loi. Un vœu particulier de ce genre est celui de se faire Nazir ou Naziréen (mot qui signifie séparé, distingué). L'homme ou la femme qui faisait ce vœu se séparait, en quelque sorte, du monde, pour se consacrer à l'Eternel (Nombres, 6, 2). Le Nazir devait s'abstenir de boire du vin ou d'autres boissons enivrantes, ou même du vinaigre ; tout ce qui provenait de la vigne lui était interdit, jusqu'aux pépins, et à la pellicule du raisin. En outre, il devait laisser croître ses cheveux et éviter avec soin de se mettre en contact avec un cadavre, de sorte qu'il ne pouvait rendre les derniers devoirs à ses plus proches parents, pas même à son père et à sa mère. On faisait le vœu de Nazir pour un temps limité ; le naziréat à vie, comme celui de Simson, consacré par ses parents dès sa naissance, n'est pas prévu dans la loi de Moïse. Si le Nazir avait été souillé involontairement par le contact d'un cadavre, il se rasait la tête après sept jours : le huitième jour, il offrait deux tourterelles ou deux jeunes pigeons, l'un comme holocauste, l'autre comme sacrifice de péché, plus un agneau d'un an comme sacrifice de délit, et il commençait de nouveau à compter les jours qu'il avait fixés pour son naziréat ; car les jours précédents ne comptaient plus. Quand les jours de son vœu étaient accomplis, il était obligé d'offrir un sacrifice très-coûteux, composé de trois victimes, de copieuses offrandes et de libations[87]. En même temps il coupait ses cheveux et les brûlait dans le feu qui consumait la troisième victime (c'était un sacrifice pacifique).

La loi de Moïse (Nombres, 6, 2) parle du vœu de Nazir comme d'une chose connue ; le naziréat était sans doute un usage établi avant Moïse, qui le sanctionne sans le recommander. En considérant les devoirs difficiles et dispendieux que la loi impose au naziréen, on dirait même que le législateur a voulu faire cesser cet usage. Le vin mêlé d'eau était la boisson ordinaire des Hébreux, et le vinaigre servait de rafraîchissement dans la saison des chaleurs ; la privation de ces boissons et la longue chevelure devaient être extrêmement incommodes en Palestine. Il fallait de plus jouir d'une certaine aisance pour subvenir aux frais des sacrifices[88].

Quant à l'origine du naziréat, on l'a tait remonter aux Égyptiens[89]. En effet, l'Égypte nous offre les différents éléments du naziréat, quoique nous n'y trouvions pas de parallèle pour l'ensemble du rite. Les Égyptiens comme les Hébreux se coupaient ordinairement les cheveux ; chez les deux peuples une chevelure longue et en désordre était un signe dé réclusion ou de deuil. Ainsi Joseph, en sortant de la prison égyptienne, se fait couper les cheveux (Gen. 41, 14) ; la prisonnière de guerre que l'Hébreu délivre de sa captivité pour l'épouser en fait autant (Deut. 21, 12). Chez les autres hommes, dit Hérodote (II, 36), l'usage veut que, dans un deuil, ceux qui s'y trouvent particulièrement intéressés se rasent la tête ; les Égyptiens, au contraire, dans les cas de mort, se laissent croître les cheveux de la tête et de la barbe, que jusque-là ils avaient coupés[90]. Ainsi la longue chevelure du naziréen est le signe de sa séparation de la société ; il offre ensuite cette chevelure à la Divinité, comme cela se pratiquait, dans certaines occasions, chez d'autres peuples et notamment chez les Égyptiens[91]. Ces derniers s'abstenaient également du vin dans plusieurs actes de piété et d'expiation[92].

 

III. LE SACERDOCE.

Nous avons dit que le culte établi par Moïse était une concession faite à l'esprit de l'époque. Il en est de même du sacerdoce, accessoire nécessaire au culte des sacrifices qui demandait un personnel nombreux, entièrement voué au service du sanctuaire.

Moïse était bien loin de vouloir introduire parmi les Hébreux des castes semblables à celles des Égyptiens. Les distinctions qu'il établit, en créant l'ordre des Lévites et des Prêtres, étaient de pure forme ; elles étaient une conséquence nécessaire de l'amalgame temporaire du culte païen avec la nouvelle religion toute spirituelle. Au fond, tous les Hébreux étaient égaux devant Dieu et devant les lois ; ils formaient tous ensemble un règne de prêtres, un peuple saint (Exode, 19, 6), et s'il est vrai que les prêtres seuls pouvaient s'approcher de l'intérieur du sanctuaire, le livre de la loi était ouvert a tous, le sanctuaire de la doctrine religieuse était accessible au dernier des Hébreux comme au grand prêtre. Le véritable sacerdoce des Hébreux fut le prophétisme ; Moïse en posa les fondements et se garda bien de confier ce sacerdoce à la caste privilégiée, qui, intéressée à la conservation du culte matériel, devait s'efforcer de faire triompher ce culte sur les idées spiritualistes, afin de laisser le peuple dans l'ignorance et la superstition.

Un jour Moïse choisit soixante-dix anciens des tribus d'Israël, et les place autour du Tabernacle. La Divinité descend dans un nuage, et aussitôt une partie de l'esprit de Moïse se communique, aux anciens et ils prophétisent[93]. Deux d'entre eux, qui ne se sont pas rendus au Tabernacle, prophétisent au milieu du camp. Josué, jaloux de la gloire de son maître, lui dénonce ces deux hommes qui s'arrogent le don de prophétie, c'est-à-dire la faculté d'expliquer le sens ésotérique et spirituel de la loi ; mais Moïse lui répond : Puisse tout le peuple de Dieu être prophète ! Puisse Dieu faire descendre son esprit sur eux ! Nous reviendrons dans un autre endroit sur la nature et les développements du prophétisme.

Il y a une immense différence entre les prêtres des Hébreux ; et la caste sacerdotale des Indous et des Égyptiens, et nous devons encore ici admirer la sagesse du législateur qui sut ainsi, d'un coup, abolir les distinctions de caste, et qui pourtant, pour céder à l'esprit du siècle, en conservait la forme. On sait que les Indous se divisent en quatre castes : les prêtres ou théologiens, les guerriers, les Marchands et les serfs ; les premiers sortirent de la tête de Brahma, les derniers de ses pieds. Chaque caste a ses attributions particulières ; la dernière n'a qu'un seul devoir, celui d'obéir

toujours aux autres castes, sans jamais leur manquer de respect[94]. Toute liaison entre les castes est sévèrement défendue ; les enfants qui naissent des unions mixtes forment des races maudites, dont les différentes subdivisions sont indiquées, dans les lois des Indous, avec les détails les plus minutieux[95].

Chez les Hébreux il n'y a pas de trace de ces distinctions. Le grand prêtre pouvait se marier avec la plus humble vierge d'Israël, pourvu qu'elle eût toujours eu des mœurs irréprochables. L'Hébreu ne respectait dans le prêtre que le serviteur de Dieu ; il n'est jamais question d'une obéissance passive, et le sacerdoce ne donnait aucun privilège civil[96].

Il paraît que, chez les Égyptiens, la séparation des castes était beaucoup moins sévère que chez les Indous, et que les prêtres, en Égypte, avaient cédé aux rois les premiers honneurs et le suprême pouvoir, sauf à prendre la meilleure part des impôts[97]. Mais toute la puissance intellectuelle se trouvait entre leurs mains ; les arts et les sciences étaient des mystères accessibles aux seuls initiés, et le peuple restait plongé dans la plus profonde ignorance et abandonné a la plus grossière idolâtrie[98].

Moïse, bien loin de faire des lévites et des prêtres les seuls dépositaires de la loi, ne voulut pas même leur confier exclusivement l'enseignement du peuple. Il leur assigna des fonctions toutes matérielles ; ils étaient les serviteurs de l'autel, ils donnaient des renseignements sur les rites des sacrifices, sur les lois diététiques, sur ce qui était pur et impur, enfin sur toutes les lois cérémonielles ; ils décidaient aussi des questions de droit civil (Deut. 17, 8), mais les fonctions de juges ne leur étaient pas exclusivement réservées. L'enseignement spirituel était confié à tous ceux qui voulaient s'en charger et qui en étaient capables, et nous voyons dans l'histoire des Hébreux de simples bergers prêcher au nom de Jéhovah. Ce qui prouve que l'enseignement spirituel et les fonctions judiciaires, besoins de tous les jours et de toutes les localités, ne devaient pas se trouver exclusivement entre les mains des lévites et des prêtres, c'est que Moïse assigna à ceux-ci un certain nombre de villes où ils devaient demeurer ensemble. Ces observations suffiront pour répondre à ceux qui n'ont vu dans le sacerdoce des Hébreux qu'une simple imitation de celui des Égyptiens. Mais nous ne nions pas que dans les formes extérieures les deux instituts n'offrent de nombreuses analogies, et c'est une preuve de plus que l'établissement du sacerdoce chez les Hébreux remonte jusqu'à Moïse, qui seul a pu y mêler tant d'éléments égyptiens[99].

La tribu de Lévi qui, dans l'affaire du veau d'or, avait manifesté son zèle pour le culte de Jéhovah, et à laquelle appartenait Moïse lui-même, fut choisie pour le service du sanctuaire. Elle remplaçait les premiers-nés, qui, corn me on l'a vu plus haut, avaient été consacrés à Jéhovah, depuis la sortie d'Égypte[100], et qui, selon la tradition, avaient exercé d'abord les fonctions de prêtres[101]. Moïse ayant fait le dénombrement de tous les lévites et de tous les premiers-nés âgés d'un mois et au-dessus, trouva que les premiers se montaient à 22.000 et les derniers à 22.273 ; les premiers-nés furent libérés du service par la substitution des lévites, et le surplus de 273 premiers-nés fut racheté à cinq sékels par tête.

Les enfants de Lévi furent divisés en deux classes ; dans l'une étaient les simples LÉVITES, dans l'autre les Cohanim ou PRÊTRES. Lévi avait eu trois fils : Gerson, Kehath et Merari ; le premier et le dernier avaient eu chacun deux fils, Kehath en avait eu quatre, dont l'aîné, nommé Amrâm, était le père d'Ahron et de Moïse[102]. Les descendants d'Ahron devaient seuls former la classe des prêtres ; l'autre classe se composait de tout le reste des lévites, y compris les descendants de Moïse ; ils étaient divisés en familles, dont chacune avait un chef portant le titre de Nasi (Nombres, ch. 3). Nous allons donner quelques détails sur chacune des deux classes.

A. Les Lévites.

Les simples lévites étaient les serviteurs et gardiens du sanctuaire, dont l'intérieur n'était accessible qu'aux seuls prêtres. Ils étaient subordonnés aux prêtres et les aidaient probablement à tour de rôle, dans les fonctions qui ne s'exerçaient pas à l'autel et par le moyen des vases sacrés (Nombres, 18, 3). Dans le désert ils étaient chargés du transport du Tabernacle et de ses ustensiles. Plus tard ils gardaient le Temple ; ils étaient chargés de l'ouvrir et de le fermer, d'avoir soin de sa propreté et de celle des vases sacrés ; ils préparaient les pains de proposition et les autres pâtisseries nécessaires pour les sacrifices ; ils administraient les revenus du Temple, et ses provisions, telles que la farine, le vin, l'huile, l'encens, etc.[103] Sous David nous les verrons aussi chargés de la musique du temple, et, en général, plus régulièrement organisés.

L'installation des lévites et leur sacre se fit une fois pour toutes, du temps de Moïse, avec une grande solennité. Les cérémonies se composèrent de lustrations et de sacrifices, et les Hébreux (c'est-à-dire les chefs des tribus) posèrent leurs mains sur les lévites pour les consacrer à Dieu[104]. Dorénavant tout lévite entrait au service actif à l'âge de trente ans et le quittait à l'âge de cinquante[105]. La loi ne leur prescrit pas de costume particulier, comme elle le fait pour les prêtres[106].

La tribu de Lévi ne devait pas participer au partage de la terre de Canaan, mais elle avait le droit d'occuper quarante-huit villes choisies au milieu des différentes tribus[107] ; chacune de ces villes avait une banlieue de deux mille coudées à l'entour. Les revenus des simples lévites consistaient dans les dîmes que les propriétaires offraient à Dieu, chaque année, des produits de l'agriculture, des arbres fruitiers et de la vigne, ainsi que des bestiaux élevés en troupeaux, que les bœufs, les brebis, et les chèvres. On pouvait racheter la dîme des végétaux en y ajoutant le cinquième de la valeur. La dîme des bestiaux devait être livrée en nature ; on comptait les pièces, et la dixième, bonne ou mauvaise, formait l'impôt sacré. Si le propriétaire substituait une mauvaise pièce à une bonne, on lui prenait l'une et l'autre[108]. Les lévites payaient à leur tour un dixième de leur dîme pour l'entretien des prêtres. Outre la première dîme, les propriétaires en prélevaient une seconde, dans laquelle le lévite avait aussi sa part. Cette seconde dîme était employée, par les propriétaires, eu sacrifices pacifiques et en repas solennels auprès du sanctuaire central, aux époques de pèlerinage. Les lévites devaient être invités à ces repas. Tous les trois ans la seconde dîme devait être entièrement distribuée, dans chaque localité, aux pauvres tant hébreux qu'étrangers, et encore ici les lévites ne devaient pas être oubliés[109]. Ils avaient aussi une part du butin (Nombres, 31, 47), quoique, selon Josèphe[110], ils fussent exemptés du service de guerre.

B. Les Prêtres.

Les lévites de la famille d'Ahron étaient chargés du sacerdoce proprement dit ; seuls ils pouvaient entrer dans l'intérieur du sanctuaire et faire le service des autels. Pour y être admis ils devaient être exempts de défauts corporels, n'être entachés d'aucune impureté et jouir d'une bonne réputation ; aucun doute ne devait planer sur la naissance légitime du prêtre et Sur la conduite de sa mère. Il ne pouvait épouser une femme de mauvaises mœurs ou d'une naissance équivoque, ni même une femme répudiée par divorce, et devait se garder de se souiller par le contact d'un cadavre, à moins que ce ne fût pour rendre les derniers devoirs à ses plus proches parents, c'est-à-dire à ses père et mère, à ses frères, à ses sœurs non mariées et à ses enfants ; mais alors même il devait éviter, pendant le service, certaines démonstrations de deuil, comme, par exemple, de porter les cheveux longs et en désordre et de déchirer ses vêtements (Lév. 10, 6)[111]. Dans l'exercice de leurs fonctions, les prêtres devaient s'abstenir du vin et de toute autre boisson spiritueuse (Lév. 10, 9). La loi ne renferme aucune disposition spéciale concernant l'âge des prêtres ; mais il paraît résulter d'un passage des Nombres (ch. 4, v. 3, etc.) qu'ils étaient soumis, sous ce rapport, à la règle générale des Kéhathites et des autres lévites. Plus tard cependant nous les voyons entrer au service dès l'âge de vingt ans (II Chron. 31, 17).

Les fonctions des prêtres consistaient surtout dans les cérémonies du culte qui se pratiquaient dans l'intérieur du sanctuaire et dans le service des autels. Ils allumaient les parfums sur l'autel d'or, le matin et le soir ; ils nettoyaient chaque matin le candélabre d'or et versaient l'huile dans les lampes ; ils posaient chaque semaine les pains de proposition sur la table sacrée. Dans le parvis ils entretenaient le feu perpétuel sur l'autel des holocaustes et enlevaient les cendres chaque jour ; ils faisaient toutes les cérémonies prescrites pour les différents sacrifices, notamment les aspersions du sang. Ils sonnaient des trompettes à différentes époques solennelles (Nombres, 10, 8-10) et prononçaient la bénédiction sur le peuple (ib. 6, 23) à la fin des sacrifices publics[112]. Leurs fonctions en dehors du temple étaient l'administration de la police sanitaire, surtout la visite des lépreux, l'estimation des objets consacrés par des vœux, l'enseignement sur les lois cérémonielles, et quelquefois les décisions juridiques dans les cas difficiles.

Toutes ces fonctions s'exerçaient, du temps de Moïse, par Ahron et ses fils ; plus tard, quand le personnel devint plus nombreux, les prêtres furent divisés en vingt-quatre classes, ayant chacune un chef et fonctionnant à tour de rôle (I Chron. ch. 24).

A la tête de tous se trouvait le grand prêtre, qu'on appelait aussi le prêtre oint, parce qu'il avait reçu l'huile sainte sur sa tête[113]. Cette dignité était héréditaire ; d'Ahron elle passa à son fils Éléazar et resta dans la ligne de celui-ci[114]. Le grand prêtre ne pouvait se marier qu'avec une vierge intacte, et il devait éviter, encore plus que les prêtres ordinaires, tout contact impur, de sorte qu'il ne pouvait pas même s'approcher des funérailles de son père et de sa mère. Les démonstrations de deuil, dont nous avons parlé plus haut, lui étaient toujours interdites.

Les fonctions du grand prêtre consistaient dans l'administration générale du sanctuaire et du culte. Lui seul pouvait entrer dans le Saint des Saints ; il fonctionnait en personne au grand jour des expiations, et, dans les circonstances graves, il consultait l'oracle des Ourim et Thummim dont nous parlerons plus bas ; mais il dépendait de lui de prendre part, lorsqu'il le jugeait convenable, aux fonctions des prêtres ordinaires. Le Thalmud parle aussi d'un vicaire (SAGAN) qui aurait assisté le grand prêtre comme coadjuteur et qui le remplaçait, au jour des expiations, dans le cas d'un accident imprévu, ce qui est très-probable, quoique la loi de Moïse ne fixe rien à ce sujet ; il est évidemment question d'un second prêtre ou vicaire lors de la destruction de Jérusalem par les Chaldéens[115]. La tradition rabbinique parle aussi d'un autre prêtre supérieur, presque égal en dignité au grand prêtre ; c'est celui qui, en temps de guerre, faisait la proclamation prescrite dans le Deutéronome (ch. 20, v. 3). Selon les rabbins, c'était un prêtre choisi ad hoc et oint de l'huile sacrée ; ils l'appellent l'oint de la guerre[116]. Mais on n'en trouve aucune trace dans le Pentateuque ni dans le reste de l'Écriture sainte.

De même que les simples lévites, les prêtres furent installés, du temps de Moïse, par un sacre solennel. Des cérémonies symboliques, composées de sacrifices de toute espèce et de lustrations, furent célébrées pendant sept jours, et pendant tout ce temps Ahron et ses fils ne purent quitter le sanctuaire[117]. Ils furent revêtus du costume sacerdotal et sacrés avec l'huile sainte composée.de cinq substances (Exode, 30, 23 etc.) ; quant au grand prêtre Ahron, Moïse lui versa aussi de cette huile sur la tête, et cette onction dut être donnée également à ses successeurs, tandis que les autres cérémonies du sacres n'eurent lieu qu'a la première installation, et désormais les prêtres, en entrant au service, n'eurent plus qu'à présenter une offrande et à prendre  le costume prescrit, sur lequel nous allons donner quelques détails.

Nous avons déjà dit que l'institution du sacerdoce était une condescendance à l'esprit du siècle et un accessoire nécessaire au culte matériel ; il ne serait donc pas étonnant que les règlements qui concernent les prêtres hébreux, leur sacre, leur discipline, leur costume, offrissent de nombreuses analogies avec ceux des prêtres païens, surtout des Égyptiens. Nous pouvons même supposer l'analogie là où nous manquons de données positives pour la démontrer. Dans le costume, elle est de toute évidence, du moins pour ce qui concerne l'étoffe et la couleur, et il ne peut y avoir de doute que Moïse n'ait suivi, sous ce rapport, comme sous beaucoup d'autres, les usages des prêtres égyptiens.

Hérodote (II, 37) nous apprend que les vêtements des prêtres égyptiens étaient de lin ; la même chose est affirmée par beaucoup d'autres auteurs anciens, et chez les poètes romains les prêtres d'Égypte sont appelés linigeri[118]. Selon Plutarque, ils choisissaient le lin, parce qu'il croit de la terre immortelle, de la terre sacrée d'Isis, et que sa fleur est bleue comme l'éther[119]. Mais il est plus probable, comme le fait entendre Hérodote, que le lin était préféré pour des motifs de propreté[120]. De même que les prêtres d'Égypte, ceux des Hébreux devaient être vêtus de lin blanc ; les uns et les autres ne pouvaient mettre, pendant leur service, des vêtements de laine qui produisent la sueur et la malpropreté[121]. Le lin d'Égypte était célèbre pour sa blancheur ; on en faisait plusieurs espèces de toile dont le Schesch était la plus estimée. L'étoffe dont se servaient les prêtres hébreux est appelée tantôt Bad, tantôt Schesch ; les deux espèces sont sans doute la même chose que le lin égyptien, mais le Schesch paraît être un tissu particulier.

Probablement l'analogie n'existait pas seulement dans l'étoffe et la couleur, mais aussi dans la forme du costume[122] ; il est toutefois difficile de se former une idée exacte du costume des prêtres hébreux, d'après la description qu'en donne le Pentateuque. Il me semble néanmoins que le vague même qui règne dans cette description prouve que Moïse parle de choses connues depuis longtemps, et qu'il lui suffisait d'indiquer rapidement à ses prêtres ce qu'ils avaient déjà vu en Égypte. Nous nous aiderons ici de quelques éclaircissements de Josèphe, qui, prêtre lui-même, peut expliquer ce qui se pratiquait de son temps, d'après les anciennes traditions[123].

Le costume des simples prêtres se composait de quatre pièces : 1° Des caleçons (MICHNASAÏM) qui, selon l'Exode (28, 42), devaient aller des reins jusqu'aux cuisses. Josèphe dit qu'après y avoir fait entrer les pieds, on les tirait jusqu'aux reins, où on les serrait ; mais il ne dit rien sur leur longueur. 2° Une tunique (CHETHONETH) d'une texture particulière (Ex. 28, 39) et probablement faite à petits carreaux. Selon Josèphe, elle avait des manches ; elle était très-serrée et presque collée sur le corps et allait jusqu'aux pieds. Tout le vêtement, dit-il, était d'une seule pièce ; cependant, selon les rabbins, les manches étaient tissées à part et cousues sur la tunique[124]. On conçoit difficilement qu'on ait pu mettre un vêtement fait d'une seule pièce et en même temps très-serré ; Josèphe dit que la tunique avait en haut une ouverture large. et qu'après l'avoir passée, on fermait l'ouverture sur les deux épaules avec des cordons sortant de l'ourlet des deux côtés de la poitrine et du dos. 3° Une ceinture (ABNET) en ouvrage de broderie de différentes couleurs (Exode, 39, 29), dont la largeur, selon les rabbins, était de trois doigts, et selon Josèphe, de quatre ; sa longueur, disent les rabbins, était de trente-deux coudées, et elle entourait le corps deux ou trois fois. Les bouts, formant un nœud sur le devant, descendaient jusqu'aux pieds ; le prêtre rejetait ces bouts sur l'épaule gauche lorsqu'il faisait des sacrifices. 4° Un turban ou plutôt un haut bonnet (MIGBAAH). La coiffure du grand prêtre est appelée MISNÉPHETH[125]. Moïse ne donne nulle part la description de ces deux espèces de coiffure qui probablement étaient connues et qu'il suffisait de nommer. Selon Josèphe, elles étaient aplaties et arrondies en haut et ne couvraient pas toute la tête. Mais Moïse les a expressément distinguées, et, s'il est permis de fonder des conjectures sur l'étymologie des deux mots, il paraîtrait que la Migbaah était une espèce de haut bonnet pointu attaché à la tête (Ex. 29, 9), et la Misnépheth un turban, tel qu'en portaient les rois et les autres grands personnages[126]. Quoique les deux coiffures fussent de lin, celle du grand prêtre se distinguait non-seulement par la forme, mais aussi par la plaque d'or dont nous parlerons tout à l'heure.

A ces vêtements le grand-prêtre ajoutait les pièces suivantes : 1° une tunique supérieure, appelée MEÎL, plus large que la Chethoneth, et sans manches ; elle était de couleur violette. Fermée de tous les côtés, elle avait des ouvertures pour passer les bras et la tête ; en bas elle avait une bordure dans laquelle variaient des grenades de différentes couleurs et des clochettes d'or par le son desquelles le grand prêtre s'annonçait lorsqu'il entrait dans le sanctuaire et lorsqu'il en sortait. 2° Un vêtement plus court appelé ÉPHOD. Le tissu était fait de lin retors, entremêlé de fils d'or et de fils teints en pourpre, violet et cramoisi. Il se composait, à ce qu'il paraît, de deux pièces dont l'une était suspendue sur la poitrine, l'autre sur le dos ; elles étaient jointes sur les épaules par deux agrafes ou épaulettes surmontées chacune d'une pierre précieuse. Sur les deux pierres étaient gravés les noms des douze tribus, rangés par ordre de naissance, six à droite et six à gauche. Les bords des deux pièces de l'Éphod se joignaient par des cordons et étaient resserrés par une ceinture du même tissu. C'est là ce qui résulte de la description de l'Exode (28, 6-12), comparée à celle de Josèphe ; ce dernier compare l'Éphod à l'épomide des Grecs, et lui donne des manches, ce qui ne concorde pas bien avec l'Éphod mosaïque[127]. 3° Le Pectoral ou Rational (HOSCHEN), ornement du même tissu, appliqué sur le devant de l'Éphod. Il était double et carré, d'un palme en long et en large, et formait une espèce de bourse attachée à l'Éphod par des anneaux d'or et des cordons violets. Sur le Pectoral brillaient douze pierres précieuses, de différentes espèces, enchâssées dans de l'or ; elles étaient rangées trois à trois, et les noms des douze tribus y étaient gravés. Il paraît que le sort sacré ou l'oracle des OURIM et THUMMIM[128] qu'on consultait dans les circonstances graves, était placé dans le creux du Pectoral (Ex. 28, 30). Moïse en parle comme d'une chose connue et il n'en donne aucun détail. Il appelle le pectoral HOSCHEN HAMIMSCHPAT (ornement de la justice), ce qui a fait penser à un ornement analogue que portait le grand Juge chez les Égyptiens, et dont parlent Diodore et Élien[129] ; mais il est certain que les Ourim et Thummim rendaient des oracles et n'étaient pas un simple symbole. L'opinion de Josèphe, selon laquelle les douze pierres précieuses du Pectoral auraient formé elles-mêmes les Ourim et Thummim, est inadmissible ; car elle est en contradiction manifeste avec le texte du Pentateuque[130] ; mais il est impossible de dire en quoi consistait cet oracle, et les innombrables dissertations des savants n'ont abouti à aucun résultat positif[131]. Nous adoptons, jusqu'à un certain point, l'opinion de Spencer[132], que les Ourim et Thummim étaient des figures, analogues aux anciens Theraphim, espèce de pénates, donnant des oracles chez les ancêtres araméens du peuple hébreu[133] ; mais, sans admettre avec Spencer que ce fut Dieu ou un ange qui répondait aux questions du grand prêtre, nous croyons que ces figures, symboles de la vérité et de la justice, étaient employées, d'une certaine manière, comme un sort que l'on considérait comme un jugement de Dieu. C'est là tout ce qu'il est possible de deviner. 4° Une plaque d'or (C) attachée par des fils violets au turban du grand prêtre et sur laquelle étaient gravés les mots : Saint à Jéhovah, par lesquels le grand prêtre était présenté comme le médiateur supportant devant Dieu les péchés des Hébreux et obtenant pour eux la faveur divine (Ex. 28, 38). Moïse appelle aussi cet ornement le diadème saint (Ex. 29, 6) ; les fils violets entouraient probablement toute la tête et formaient avec la plaque une espèce de diadème. Josèphe parle d'un triple diadème tout en or, dans lequel se trouvaient de petits calices d'or, comme on en voit, dit-il, dans l'herbe appelée hyosciame ou jusquiame ; mais cette couronne d'or ne fut probablement adoptée que par les grands prêtres de la famille royale des Maccabées.

Outre le costume brillant que nous venons de décrire, le grand prêtre avait un costume plus simple de lin blanc dans lequel il fonctionnait au jour des expiations dans le Saint des Saints (Lév. 16, 4).

Hérodote (II, 37) donne aux prêtres égyptiens des sandales, faites de l'écorce de papyrus. Il paraît cependant qu'ils n'en portaient pas pendant l'office ; sur les monuments on trouve les prêtres représentés nu-pieds. Chez les prêtres hébreux il n'est jamais question de sandales, et il est certain qu'ils n'en portaient pas dans le temple ; car c'eût été profaner le lieu saint[134].

Il nous reste à ajouter quelques détails sur les revenus des prêtres, qui, appartenant à la tribu de Lévi, n'avaient pas de part dans la distribution des terres de Canaan. Sur les quarante-huit villes données aux lévites, un certain nombre devait appartenir aux prêtres, et plus tard on leur en donna treize[135]. Ils avaient la centième partie de tous les produits du pays soumis à la dîme ; car les lévites leur payaient la dîme de la dîme (Nombres, 18, 26). Ils recevaient en outre : 1° les prémices des récoltes de blés et de fruits qu'on présentait devant le sanctuaire avec un cérémonial particulier (Deut. 26, 2, etc.) ; 2°celles des objets préparés pour la consommation, tels que le vin, l'huile, la farine, la pâte (ib. 15, 20 ; 18, 8, etc.) ; 3° celles de la tonte des brebis (Deut. 18, 4) ; la quantité de toutes ces prémices n'était pas fixée, mais, selon la tradition, celles des produits de la terre devaient en former au moins la soixantième partie ; 4° tout ce qui par un vœu avait été consacré à Dieu (Nombres, 18, 14) ; 5° certaines restitutions et amendes payées par ceux qui avaient porté atteinte à la propriété, appartenaient aux prêtres, si la personne lésée n'existait plus et n'avait pas laissé d'héritiers (Nomb. 5, 8) ; 6° l'argent provenant du rachat des premiers-nés des hommes et des animaux impurs ; 7° l'épaule (droite), l'estomac et la mâchoire des animaux tués pour l'usage des propriétaires. Outre ces revenus, dont les prêtres pouvaient faire part à leurs familles, ils jouissaient encore de certains objets sacrés qu'ils devaient consommer devant le sanctuaire, par exemple : la chair des sacrifices de péché et de délit, à l'exception des parties grasses qu'on brûlait sur l'autel ; la poitrine et l'épaule droite des sacrifices pacifiques ; la peau des holocaustes ; toutes les offrandes publiques et privées, dont une portion seulement se consumait sur l'autel. Les prêtres étaient en outre exemptés des services militaires et des impôts.

Le grand prêtre participait à tous ces revenus, destinés primitivement par la loi à Ahron et à ses enfants (Nombres, 18, 8) ; mais quoique le texte de la loi ne lui accorde sous ce rapport aucune prérogative, il était probablement mieux doté que les autres prêtres. Selon les rabbins, il devait jouir d'une fortune en rapport avec son rang élevé et être le plus riche de tous les prêtres ; s'il ne l'était pas, la caste était obligée de lui créer une position opulente[136]. Ce qui prouve que, sous les rois, le grand prêtre occupait une position brillante, c'est que les princesses royales ne dédaignaient pas sa main[137].

Les charges imposées au peuple pour soutenir les lévites et les prêtres pourraient paraître exorbitantes, surtout s'il est vrai, comme le dit la tradition, que les frais des sacrifices publies et de l'entretien du sanctuaire n'étaient pas Ai la charge de la classe sacerdotale, et que chaque homme au-dessus de vingt ans, riche ou pauvre, payait poux cet effet une contribution d'un demi-sicle par an[138]. En effet, d'après le livre des Nombres (3, 39), la tribu de Lévi comptait, du temps de Moïse, 22.000 mâles âgés de plus d'un mois, ce qui peut faire supposer tout au plus 12.000 adultes au-dessus de vingt ans. Or, toutes les autres tribus ensemble comptaient à la même époque 603.550 hommes âgés de plus de vingt ans ; ainsi, si toutefois les nombres sont exacts, les lévites auraient formé environ la cinquantième partie de toute la nation, et cependant ils retiraient la dixième partie des revenus, sans parler de la seconde dîme, de tout ce que prélevaient les prêtres, et des quarante-huit villes ou bourgs que possédait la tribu de Lévi, avec une campagne de deux mille coudées à l'entour de chaque ville. Nous devons avouer qu'il est difficile de justifier complètement ces dispositions de la loi mosaïque, surtout si l'on réfléchit que, d'après cette loi elle-même, les Hébreux ne devaient avoir d'autres ressources que l'agriculture, hase de toute la constitution[139]. Mais il faut considérer les institutions des Hébreux relativement à celles des autres peuples et aux usages depuis longtemps établis. En Egypte, la caste sacerdotale, selon Diodore (1,73), avait le tiers des terrains et était libre de toute imposition ; outre cela, chaque temple avait ses terres et ses revenus particuliers et nourrissait abondamment ses prêtres avec leurs familles, de sorte qu'ils ne dépensaient rien de leurs propres revenus, comme le dit Hérodote (II, 37). D'un autre côté, la Genèse nous apprend que, depuis Joseph, les agriculteurs payaient au roi le cinquième du revenu total. Chez les Indous les impôts variaient selon les temps et les circonstances ; les Brahmanes recevaient quelquefois plus de la troisième partie du revenu du pays[140], et l'impôt payé aux rois pouvait s'élever, en temps d'urgence, jusqu'au quart du revenu[141]. A côté de ces énormités les dîmes et prémices, seuls impôts réguliers que connaisse la loi de Moïse, paraîtront peu de chose. Quant aux autres contributions sacrées, elles étaient, en grande partie, volontaires, et les impôts civils que nous trouvons plus tard chez les Hébreux n'existent pas dans la constitution de Moïse. Ce législateur, en instituant les dîmes, profita d'un usage qui remonte jusqu'aux patriarches[142], et qu'on trouve aussi chez les autres peuples de l'antiquité, afin d'assurer à la tribu de Lévi, exclue du partage des terrains, une position indépendante et non pas une prépondérance ruineuse pour les autres tribus. La dîme devait être payée à Jéhovah, le roi invisible, qui la céda aux gardiens de ses lois et aux ministres de son culte. La tribu de Lévi ne devait pas s'occuper de l'agriculture, pour se consacrer entièrement au service de Dieu, et la loi lui accorda beaucoup pour lui assurer, dans tous les cas, le nécessaire ; car nous voyons clairement par plusieurs passages du Deutéronome, où les lévites figurent à enté des pauvres, que le législateur ne comptait pas beaucoup sur le paye-nient exact des dîmes, et ii recoin-mande souvent les lévites à la générosité des propriétaires. En outre, la tribu de Lévi formait la classe des savants de profession ; l'étude de la loi était pour elle un devoir et elle devait rendre, sous le rapport intellectuel, de grands services que la nation pouvait toujours réclamer sans rétribution spéciale. Si plus tard l'avidité sacerdotale a dénaturé les intentions du législateur, il ne faut pas reprocher à celui-ci ses belles illusions, et il faut reconnaître du moins qu'il a agi avec un grand désintéressement, en reléguant ses enfants dans les humbles rangs des simples lévites, et qu'il a prévenu les abus du pouvoir sacerdotal en ouvrant à tout Hébreu le sanctuaire de la loi et en préparant la voie à un nouveau pouvoir intellectuel, celui des prophètes.

 

IV. LES TEMPS DU CULTE ET LES FÊTES.

Il nous reste à indiquer l'ordre du culte public que le législateur rattache à certaines époques fixées par la division du temps. Nous devons donc, avant de parler des époques du culte, faire connaître la division adoptée par Moïse. Le poète sacré, chantant les merveilles de la création de Jéhovah, dit : il a fait la lune pour les temps ou les époques (Ps. 104, 19), et en effet c'est la lune qui, dans la loi de Moïse, sert à fixer toutes les mesures du temps. Les jours se mesurent naturellement par la variation de la lumière et des ténèbres ; cependant, chez les Hébreux, comme chez plusieurs autres peuples qui avaient le calendrier lunaire, les jours commençaient par le soir (Lév. 23, 32), parce que le croissant se lève le soir. Dans le récit de la création on lit toujours : Et il fut soir et il fut matin[143]. Les jours du temps de Moïse n'étaient pas encore subdivisés en heures ; la nuit se divisait en trois veilles[144] ; la division du jour, plus importante pour le rituel du culte, était donnée par la nature : le matin, le midi et le soir. Dans plusieurs passages, et notamment dans le rituel des cérémonies religieuses, on trouve l'expression entre les deux soirs que la Vulgate rend par vespere ou ad vesperum[145], et qui équivaut, à ce qu'il paraît, à notre dans l'après-midi ; car, sel on la tradition rabbinique, le premier soir commence au déclin du soleil (à midi et demi) et le second à son coucher[146].

Sept jours formaient une période appelée SCHABOUA (semaine) ; il en est déjà question dans l'histoire du patriarche Jacob (Gen. 29, 27). Cette période se trouve chez les peuples les plus éloignés les uns des autres, même chez les Américains, et elle paraît avoir son fondement dans les quatre phases de la lune[147], dont chacune dure environ sept jours et neuf heures. On donna de bonne heure aux jours de la semaine les noms des planètes[148] ; mais les Hébreux, qui rattachaient leur semaine à la cosmogonie et qui en faisaient le symbole de la création, n'ont jamais adopté les noms des divinités planétaires, et ils disaient premier jour, deuxième jour, etc. La troisième mesure du temps est déterminée par le cours total de la lune ; c'est le mois, qui, chez les Hébreux, recommençait à chaque nouvelle apparition visible de la lune, et durait tantôt 29, tantôt 30 jours. Douze de ces mois lunaires formaient une année. De même que les jours de la semaine, les mois n'avaient pas de noms, et on disait premier mois, deuxième mois, et ainsi de suite. Le premier mois cependant s'appelait aussi ABIB (mois des épis, ou mieux Germinal) ; dans ce mois tombaient le commencement du printemps et la Pâque et les épis devaient être mûrs. On était donc obligé de mettre d'accord l'année lunaire avec le cours du soleil, ce qui se faisait par l'intercalation d'un treizième mois toutes les fois que, à la fin du douzième mois, on ne trouvait pas le blé assez mûr[149]. On voit que l'année des anciens Hébreux commençait au printemps. Plus tard quelques changements furent introduits dans le calendrier civil ; mais nous ne parlons ici que du calendrier mosaïque, d'après lequel se réglaient les fêtes.

Le culte quotidien consistait dans deux sacrifices dont l'un s'offrait le matin et l'autre dans l'après-midi, ou, comme dit le texte, entre les deux soirs. Chacun des sacrifices consistait dans un agneau offert en holocauste et accompagné d'une offrande et d'une libation[150]. Nous avons déjà parlé de l'encens qu'on brûlait le matin et le soir sur un autel particulier, et des lampes du candélabre qui éclairaient le sanctuaire pendant toute la nuit.

Mais certains jours, en rapport avec les mesures de temps que nous venons de signaler, devaient être distingués par des solennités particulières ; certains autres jours de l'année étaient consacrés à la mémoire des grands événements de l'histoire des Hébreux ou à des réjouissances qui se rattachaient à l'agriculture. A côté du but social et politique l'institution de ces jours solennels avait aussi un but religieux et moral. Il y en avait un qui était entièrement consacré aux pratiques religieuses, c'était le jour des expiations ; en ce jour l'Hébreu devait entièrement renoncer au monde et se réconcilier avec le Créateur, en s'abstenant de toute jouissance terrestre, en devenant, pour ainsi dire, un être céleste.

Sous ce rapport le législateur des Hébreux n'a rien emprunté aux cultes étrangers. A la vérité, nous trouvons les époques solennelles et les fêtes chez tous les peuples de l'antiquité ; de même que les sacrifices, les fêtes étaient inséparables de l'idée du culte. Mais dans les fêtes des païens nous reconnaissons partout la nature divinisée ; de même que le ciel, la terre, le soleil, la lune, les planètes, sont les divinités de l'espace, de même l'année et les saisons sont personnifiées comme divinités du temps. Mais Jéhovah, l'être absolu, est au-dessus de l'espace et du temps, et c'est autour de Dieu, le maitre de toute la nature, que les solennités périodiques devaient réunir les Hébreux. Les fêtes des Hébreux portent un caractère moral et religieux qui leur est particulier ; elles ne sont point, comme les sacrifices et le sacerdoce, une institution locale, et elles sont pour l'Israélite de nos jours ce qu'elles étaient pour l'ancien Hébreu, car elles représentent, sous une forme symbolique, les points principaux des croyances mosaïques qui restent toujours les mêmes, quelles que soient les modifications que le temps ait fait subir au culte des Hébreux.

Cependant, s'il est permis de rattacher les fêtes instituées par Moïse à quelque idée orientale plus ancienne, qui a pu guider le législateur, du moins dans la forme qu'il donne à ces institutions, on retrouvera ici cette influence mystérieuse du nombre sept qu'on rencontre si souvent dans l'antiquité orientale. Nous avons déjà fait remarquer que la semaine était commune aux Indous, aux Égyptiens et à plusieurs autres peuples. Nous retrouvons encore ce nombre Mystique dans les sept mondes (locas), les sept Richis ou Saints, les sept mers et les sept grands continents (Dvipas) des Indous, les sept Amschaspandas (archanges) des anciens Perses[151]. Parmi les Grecs ce furent principalement les pythagoriciens qui rattachaient au nombre sept une idée de sainteté[152]. Le fond de ce mystère est probablement dans les sept planètes à l'influence desquelles était subordonné tout le monde sublunaire[153].

Quoi qu'il en soit, le nombre sept, auquel la cosmogonie hébraïque donne une haute importance, joue aussi un grand rôle dans les temps sacrés des Hébreux. Le septième jour de la semaine est sacré ; la Pâque et la fête des Tabernacles durent sept jours ; on compte sept semaines de la Pâque à la Pentecôte ; le premier jour du septième mois est distingué par une solennité particulière, et une grande partie de ce mois est consacrée à des fêtes ; la septième année est sacrée, et après sept fois sept ans on célèbre le jubilé. Mais, il ne faut pas l'oublier, ce nombre, qui chez les païens se rattache au culte de la nature, est sanctifié chez les Hébreux par leur croyance fondamentale et leur rappelle sans cesse le Dieu créateur et les périodes de la création[154].

S'il est vrai que cette idée générale a guidé le législateur dans la distribution des temps sacrés, les fêtes en elles-mêmes diffèrent cependant par l'idée particulière qu'elles renferment à côté de l'idée religieuse qui plane sur toutes, et nous pouvons les diviser en trois classes : fêtes septénaires et chronologiques ; fêtes historiques et agronomiques et fêtes purement religieuses. A la première appartiennent les sabbats et les néoménies ; la deuxième embrasse les trois grandes fêtes : la Pâque, la Pentecôte et la fête des Tabernacles ; la troisième ne renferme qu'une seule fête, le jour des expiations.

A. FÊTES SEPTENAIRES ET CHRONOLOGIQUES.

a. Le Sabbat.

La célébration du septième jour de la semaine, comme symbole de la création (Exode, 20, 11 ; 31, 17), remonte avant la législation mosaïque. Souviens-toi de sanctifier le sabbat, dit le décalogue, et dans l'histoire de la manne où il est question, pour la première fois, de repos du sabbat, on parait en parler également comme d'une chose connue (ib. 16, 23). On sait que, selon la Genèse, Dieu lui-même sanctifia le septième jour et le bénit ; car en ce jour le Créateur avait cessé (SCHABATH) son ouvrage ; aussi ce jour est-il destiné avant tout à la cessation du travail et au repos ; de là il s'appelle SCHABBATH (cessator). Pans l'histoire des patriarches nous n'en trouvons pas de traces, bien qu'il y soit question de la semaine ; les nomades, dont toute l'occupation consistait à faire paître les troupeaux, ne pouvaient guère interrompre leur ouvrage. Il paraîtrait donc que l'usage de célébrer le sabbat avait commencé en Egypte, avant la servitude ou immédiatement après la sortie d'Égypte, comme le disent les rabbins, qui pensent que le sabbat faisait partie des lois publiées à Marah (ib. 15, 25).

La célébration du sabbat, comme l'indique le nom lui-même, consistait principalement dans le repos. Les travaux devaient cesser ce jour-là ; les esclaves et même tes animaux devaient aussi jouir d'un repos absolu, et ce repos rappelait non-seulement la cessation des œuvres de la création, mais aussi la délivrance de l'esclavage d'Égypte, comme le dit la deuxième rédaction du décalogue (Deut. 5, 15). Le repos du sabbat était le signe de l'alliance que Jéhovah avait conclue avec les Hébreux (Exode, 31, 13-17). En violant le sabbat On rompait cette alliance ; c'était un crime de haute trahison contre le roi Jéhovah, et la loi veut que ce crime soit puni de mort. Elle se montre sévère pour la violation publique du sabbat, fût-ce même par un travail insignifiant, et Moïse décréta la peine de mort contre un homme qui avait publiquement ramassé du bois le jour du sabbat (Nomb. 15, 32-96). Au reste, la loi mosaïque qui défend tors travail, ne spécifie pas les occupations auxquelles il était défendu de se livrer le jour de sabbat[155] ; outre le cas nous venons de rapporter, elle défend de recueillir la manne (Ex. 10, 28), de faire des excursions (ib. v. 23)[156] et d'allumer du feu (ib. 35, 3). Quant à cette dernière défense, on l'a mise en rapport avec celle qui interdit de faire cuire les aliments[157] et qui résulte indirectement du passage de la manne que nous venons de citer. Mais le texte ne renferme aucun indice à ce sujet, et il ne serait pas impossible que la défense d'allumer du feu eût pris son origine dans quelque usage païen, dans quelque rite inconnu du culte de Saturne que Moïse craignait de voir imitée par les Hébreux.

Les travaux nécessaires pour les pratiques du culte suivaient, le jour de sabbat, leur cours ordinaire ; les prêtres faisaient tout ce qui était prescrit pour les sacrifices, et on opérait aussi la circoncision[158].

Quant au service militaire, quoique la loi ne renferme aucune disposition spéciale à cet égard, le simple bon sens dit qu'il ne pouvait être défendu de combattre les ennemis, le jour de sabbat, et de faire toutes les opérations nécessaires, surtout lorsqu'il s'agissait de repousser une attaque. C'est un fait historique, bien que la tradition rait enveloppé d'un voile merveilleux, que les opérations du siège de Jéricho durèrent sept jours consécutifs (Jos. ch. 6), dont l'un était nécessairement un sabbat. C'est donc tout à fuit dans l'esprit de la loi que les codes rabbiniques ordonnent de poursuivre les opérations militaires le jour du sabbat, même dans une guerre offensive[159], et ce n'était que l'effet d'une déplorable exaltation si, après l'exil, nous voyons quelquefois les soldats juifs subir les attaques et même la mort, plutôt que de sortir de leur repos sabbatique[160].

Il n'est pas probable, du reste, qu'on se soit borné à célébrer le sabbat par le repos absolu. A. la vérité, la loi de Moïse ne parle expressément que de cette célébration négative ; mais le sabbat et les autres jours de fête sont appelés par Moïse MIKRA KODESCH (convocation sainte)[161], et on pourrait conclure de là que ces jours étaient consacrés à des assemblées publiques où on s'entretenait surtout des choses religieuses[162]. Plus tard, quand l'institut des orateurs ou des prophètes se fut développé, on se rendait auprès d'eux, aux jours solennels, pour entendre leurs discours, et les femmes elles-mêmes participaient à ces réunions (II Rois, 4, 23). On s'occupait aussi de l'étude des lois[163], et depuis l'établissement des synagogues on s'y réunissait le jour de sabbat pour prier, pour lire et expliquer les livres saints[164]. Mais la loi mosaïque, qui insiste surtout sur te repos du sabbat, n'ordonne positivement d'autre célébration publique qu'un sacrifice extraordinaire qu'on devait offrir dans le sanctuaire, entre les deux sacrifices quotidiens, et qui se composait de deux agneaux offerts en holocauste et accompagnés chacun d'une offrande et d'une libation ; en outre, on posait sur la sainte table les douze pains de proposition qui se renouvelaient chaque semaine.

Comme tous les jours de fête, le sabbat commençait dès la veille au soir et finissait au coucher du soleil. Les aliments et autres objets nécessaires devaient être préparés la veille (Ex. 16, 23) ; de là le sixième jour de la semaine est appelé, dans le Nouveau Testament, Parasceué (παρασκευη)[165].

b. Les Néoménies et le mois sabbatique.

L'apparition de la nouvelle lune se célébrait par un holocauste extraordinaire offert entre les deux sacrifices quotidiens et composé de deux jeunes taureaux, un bélier et sept agneaux ; on y ajoutait un jeune bouc, comme sacrifice de péché, et les différentes victimes étaient accompagnées de leurs offrandes et de leurs libations respectives (Nombres, 28, 11-15). Le texte de la loi ne dit rien sur la fixation des Néoménies ; mais l'usage rapporté par la tradition est très-simple et naturel, et remonte sans doute à une haute antiquité. Comme les Hébreux n'avaient pas de calcul astronomique, les Néoménies ne pouvaient êtres fixées que par l'observation matérielle de la nouvelle lune, et comme celle-ci ne pouvait s'observer que vers le soir, le sacrifice se célébrait le lendemain de l'observation, qui était considéré comme le premier jour du mois. Le trentième jour de la lune on recevait, jusque dans l'après-midi, le témoignage de ceux qui pouvaient avoir découvert la nouvelle lune le vingt-neuf au soir, et, s'il en était temps encore, on célébrait la Néoménie ce même jour ; mais si aucun témoignage n'arrivait à temps, le lendemain du trente était célébré sans aucune observation préalable[166]. On annonçait la nouvelle lune par de grands feux allumés sur les hauteurs qui se reproduisaient de distance en distance ; mais plus tard on expédia des courriers dans les provinces, parce que les Samaritains allumaient quelquefois des feux afin de tromper les Juifs par un faux signal.

Selon l'opinion de Maimonide[167] et de quelques théologiens chrétiens[168], le sacrifice des Néoménies, offert à Jéhovah, fut institué par opposition au culte que plusieurs peuples, et notamment les Égyptiens, offraient à la nouvelle lune. Chez les Hébreux le jour de la nouvelle lune n'était pas une fête proprement dite ; la loi mosaïque ne le mentionne pas parmi les jours de fête appelés Mikra Kodesch (Lév. ch. 23), et il en est question seulement dans le rituel des sacrifices additionnels (Nomb. ch. 28 et 29). Nous savons cependant par les livres historiques et prophétiques que les Néoménies se célébraient par des repas solennels. On interrompait les affaires et on se réunissait chez les prophètes, comme au jour du sabbat[169].

Le premier jour du septième mois était un véritable jour de fête, on le célébrait par le repos comme le sabbat, dont il porte aussi le nom (Lév. 23, 24). Mais il était permis ce jour-la de préparer les aliments, et la loi ne punit pas de mort celui qui aurait rompu le repos de ce sabbat. Moïse l'appelle jour de retentissement (Nomb. 29, 1) et souvenir de retentissement (Lév. l. c.), parce qu'on l'annonçait au son des trompettes[170]. Pendant le sacrifice des jours de fête et des Néoménies on sonnait toujours de la trompette pour un souvenir devant Dieu (Nomb. 10, 10). La loi veut que la septième Néoménie s'annonce par des sons retentissants, plus forts et plus solennels que ceux des autres Néoménies[171] ; car c'est le commencement du mois sabbatique, dans lequel on célèbre aussi le grand jour des expiations. Outre les sacrifices additionnels des Néoménies ordinaires, on offrait ce jour-là un jeune taureau, un bélier et sept agneaux en holocauste et un jeune bouc comme sacrifice de péché, ainsi que les offrandes et les libations respectives.

Selon la tradition des rabbins, cette fête était l'anniversaire de la création, et ils l'appellent ROSCH HASCH-SCHANAR (le commencement de l'année) ; mais l'année des anciens Hébreux commençait évidemment vers l'équinoxe du printemps, et Moïse dit expressément, en parlant du mois Abib qui est la lune du printemps : il sera pour vous le premier des mois de l'année (Exode, 12, 2). Il n'existe pas de trace, dans toute la Bible, d'une solennité pour le premier jour de l'an[172]. Cette solennité, rattachée par les rabbins au premier jour du septième mois, était inconnue aux anciens Hébreux et n'a commencé probablement qu'après la mort d'Alexandre le Grand, lorsque les Juifs, sous la domination syro-macédonienne, adoptèrent l'ère des Séleucides ; car l'année des Syriens commençait à l'équinoxe d'automne, par le mois d'octobre[173].

c. Les années sabbatiques.

La terre aussi devait célébrer son sabbat ; après avoir été labourée pendant six ans, elle devait rester en friche la septième année, appelée année de sabbat. Le cultivateur devait se reposer ; il ne devait ni ensemencer le champ ni tailler la vigne et l'olivier, et il lui était même prescrit d'abandonner tout ce que la terre produisait spontanément, et les fruits des arbres, aux pauvres, aux étrangers et aux animaux[174]. A l'abandon de la terre se rattachait aussi celui des créances dont le payement ne pouvait être réclamé pendant la septième année. A cause de ce double abandon, l'année sabbatique s'appelait aussi SCHEMITTA (relâche, abandon). Nous reviendrons plus loin sur l'année sabbatique considérée sous le rapport social et économique. Ici où nous ne nous occupons que du culte, nous indiquons seulement cette cessation de l'agriculture, travail par excellence du peuple hébreu. Sous le rapport religieux le repos de la septième année avait le même but qui celui du septième jour ; c'était le symbole de la création. Mais le repos de l'année sabbatique ne pouvait être analogue à celui du sabbat ; on se bornait donc seulement à interrompre le travail principal, celui de la terre. Chaque année sabbatique, pendant la fête des Tabernacles, la loi devait être lue près du sanctuaire, en présence de tout le peuple. Les femmes et les enfants, et même les étrangers établis parmi les Hébreux, assistaient à cette lecture.

La loi ne fixe rien sur le commencement des périodes sabbatiques qui n'étaient établies que pour la Palestine. Selon la tradition, elles auraient commencé quatorze ans après l'entrée des Hébreux dans le pays de Canaan ; car la conquête avait duré sept ans (Jos. 14, 10), et le partage des terrains, selon la tradition, en aurait duré autant[175].

Après la révolution de sept périodes sabbatiques ou de quarante-neuf ans, on célébrait le Jubilé. Selon le texte (Lév. 25, 10), l'année du jubilé était la cinquantième et non la quarante-neuvième, de sorte que les périodes sabbatiques recommençaient l'année cinquante et un. Toutes les difficultés qu'on a élevées à cet égard[176] doivent céder devant la lettre du texte. La célébration du Jubilé, sous le rapport de l'agriculture, était la même que celle de l'année sabbatique. En outre, on devait restituer les terrains qui avaient été vendus et rendre la liberté aux esclaves hébreux. Nous reviendrons plus loin sur les lois du Jubilé destinées à rétablir l'équilibre, tous les cinquante ans, dans les familles et les tribus. Le Jubilé se proclamait le dixième jour du septième mois, qui était le jour des expiations, par le son retentissant du YOBEL (probablement une espèce de cor) ; de là le nom de Jubilé. On voit que le Jubilé, et par conséquent aussi l'année sabbatique, commençait vers l'équinoxe de l'automne, après la fin de toutes les récoltes.

Nous avons déjà dit que l'année sabbatique et le Jubilé ne furent probablement pas observés avant l'exil de Babylone ; mais, après cet exil, ils le furent rigoureusement[177], et nous voyons par quelques passages de Josèphe qu'on Interrompait quelquefois les opérations de guerre pendant l'année sabbatique[178], ce qui n'était nullement dans l'esprit de la loi.

B. FÊTES HISTORIQUES ET AGRONOMIQUES.

Outre le but général des jours solennels, cette seconde classe de fêtes avait encore un but particulier ; les trois grandes fêtes étaient en rapport avec l'agriculture, base de la constitution du peuple hébreu, et en même temps, elles se rattachaient aux événements les plus mémorables de l'histoire de ce peuple. Elles étaient, sous ces deux rapports, des fêtes nationales par excellence, et devaient réunir toutes les tribus, ou du moins tous les hommes capables d'entreprendre le voyage, autour du sanctuaire de Jéhovah. Le pèlerinage ordonné pour les trois fêtes[179] devait rapprocher les tribus à différentes époques de l'année, et c'était un moyen de maintenir toujours l'esprit public et l'unité de la nation, ces grandes réunions populaires donnant toujours un nouvel essor à la vie religieuse et à la vie politique. C'est probablement de ce pèlerinage que les trois fêtes de la Pâque, de la Pentecôte et des Tabernacles ont reçu particulièrement le nom de HAG[180]. Les pèlerins ne devaient pas apparaître devant Dieu les mains vides (Deut. 16, 16) ; ils apportaient les prémices et la seconde dîme, ils offraient des sacrifices pacifiques et donnaient des repas solennels auxquels ils invitaient les lévites, les pauvres et les étrangers (ib. v. 11 et 14). Quant au degré de sainteté attribué à ces fêtes, il était le même que celui de la septième Néoménie, tout travail était interdit, excepter la préparation des aliments. Telles étaient les règles communes aux trois fêtes, dont chacune cependant avait ses rites particuliers. Nous allons les considérer chacune sous son point de vue spécial.

a. La Pâque.

La fête de Pâque, célébrée en commémoration de la sortie d'Égypte, commençait le quinzième jour du mois d'Abib, c'est-à-dire le quatorzième au soir ; elle durait sept jours et finissait au soir du vingt et un. La veille de la fête, le quatorzième jour du mois, entre les deux soirs, chaque famille devait immoler, dans le parvis du sanctuaire, un agneau ou un jeune bouc, âgé d'un an et sans défaut, et le sang reçu par les prêtres devait être versé au pied de l'autel. La victime rôtie tout entière sur le feu était consommée le soir même, avec des pains azymes et des herbes amères et on n'en devait rien laisser pour le lendemain ; ce qui ne pouvait être mangé le soir devait être brûlé. Si une famille n'était pas assez nombreuse pour consommer la victime, elle pouvait s'associer avec une autre. Cette victime, appelée l'agneau pascal, devait rappeler chaque année le rite observé par les Hébreux la veille de leur sortie d'Égypte (Ex. 12, 3 et suiv.)[181] ; les pains azymes rappelaient le départ précipité, qui n'avait pas permis de faire lever la pâte, et les herbes amères étaient le symbole des amertumes de la servitude d'Égypte.

L'usage des pains azymes était ordonné pour les sept leurs de la fête, pendant lesquels on ne pouvait pas même conserver le levain dans la maison (ib. v.19) ; la loi menace de la peine du retranchement (dont nous parlerons dans la troisième partie) celui qui, pendant la Pâque, aurait mangé du pain fermenté ; c'est pourquoi la Pâque s'appelle aussi HAG HAMMAÇÇOTH (fête des azymes).

Pour le culte public la loi prescrit un sacrifice extraordinaire : chacun des sept jours on offrait, outre le sacrifice quotidien, un holocauste composé de deux jeunes taureaux, un bélier et sept agneaux, ainsi que des offrandes et des libations, et un bouc comme sacrifice de péché. Cependant le premier et le septième jour étaient seuls considérés comme jours de repos et de fête, et il était permis de travailler pendant les cinq jours intermédiaires[182].

La Pâque était aussi la première époque des récoltes ; elle était la fête de la moisson de l'orge, lapins hâtive des céréales, et c'est aussi dans ce sens que la fête devait être célébrée par un rite particulier. Le lendemain du premier jour de Pâque, ou le seizième jour de la lune[183], on présentait dans le sanctuaire une gerbe d'orge de la nouvelle moisson ; un prêtre faisait avec cette gerbe la cérémonie de l'agitation, et, en même temps, on offrait un agneau en holocauste, accompagné d'une offrande et d'une libation. Avec cette cérémonie la moisson était déclarée ouverte, et alors seulement il était permis de manger du blé nouveau (Lév. 23, 9-14).

b. La Pentecôte.

A partir du jour de la cérémonie dont nous venons de parler, on comptait sept semaines, ou quarante-neuf jours, et le cinquantième jour était célébré comme une fête solennelle (ib. v. 15-21). Moïse l'appelle fête des semaines[184] ; plus tard on lui donna le nom grec de Πεντηκοστή (cinquantième), d'où vient celui de Pentecôte. Cette fête se rattache à la Pâque, sous le rapport agronomique : la moisson commencée par l'orge, pendant la pâque, se terminait par le froment vers la Pentecôte, qui s'appelait aussi fête de la moisson (Exode, 23, 16), et qui était particulièrement consacrée au froment (ib. 34, 22). Cette fête ne durait qu'un jour ; son rite particulier consistait dans l'offre de deux pains fermentés, faits de lieur de farine de froment comme prémices de la nouvelle récolte. De là le jour de la Pentecôte s'appelait aussi jour des prémices (Nombres, 28, 26). Avec les deux pains on offrait un holocauste de sept agneaux, un jeune taureau et deux béliers, accompagnés des offrandes et libations d'usage, et un bouc comme sacrifice de péché. On y ajoutait un sacrifice pacifique de deux agneaux ; avant de les immoler, on les joignait aux deux pains des prémices, pour pratiquer avec ces différents objets le rite symbolique de l'agitation (Lév. 23, 20). Ces différents sacrifices, que le Lévitique dit positivement être les accessoires des deux pains des prémices, ne doivent pas être confondus avec Ceux que mentionne le rituel des sacrifices additionnels des jours de fête (Nombres, 28, 21-30). Selon ce rituel, on offrait pour la fête de la Pentecôte des sacrifices particuliers qui étaient les mêmes que ceux de la Pâque (voy. ci-dessus). Aussi Josèphe compte-t-il en tout trois jeunes taureaux, trois[185] béliers et quatorze agneaux offerts en holocauste, et deux boucs, comme sacrifices de péché.

Selon le texte de la loi, la Pentecôte n'aurait été qu'un complément à la Pâque et la clôture[186] de la moisson. La tradition cependant donne à la Pentecôte un sens historique et en fait

la fameuse journée

Où sur le mont Sine la loi nous fut donnée.

En effet, la proclamation du Décalogue a dû avoir lieu dans les premiers jours du troisième mois (Exode, 19, 1), environ cinquante jours après la Pâque. Mais la Pentecôte, que les Juifs rabbanites célèbrent toujours le 6 du troisième mois (Siwân), ne pouvait pas se rattacher à une date fixe avant l'établissement du calcul astronomique, et les anciens Hébreux ont dû la célébrer entre le 5 et le 7. Aussi Moïse ne fixe-t-il nulle part la date de la Pentecôte, comme il le fait pour les autres fêtes.

c. La fête des Tabernacles.

Le quinzième jour du septième mois, commençait la fête des Tabernacles ou des cabanes (SUCCOTH). Pendant sept jours les Hébreux devaient demeurer dans des cabanes, en commémoration de la vie nomade du désert (Lév. 23, 42). La loi ne se prononce pas sur la manière de construire les cabanes, mais nous voyons par un passage de Néhémia (8, 15) qu'on y employait des feuillages d'oliviers, de myrtes, de pommiers, etc., et qu'elles se dressaient dans les rues et les places publiques, dans les cours des maisons et sur les toits. Cette fête, sous le rapport agronomique, signalait la fin de toutes les récoltes, la rentrée de tous les fruits des arbres et de la vigne[187]. La loi ordonne (Lév. 23, 40) de porter, le premier jour de la fête (comme symbole de la récolte), un faisceau composé de plusieurs plantes, savoir, le fruit d'un des plus beaux arbres, des spathes du dattier, la branche d'un arbre à feuilles épaisses et des saules de rivière. C'est du moins dans ce sens que, le verset du Lévitique est expliqué par la tradition selon laquelle le fruit du bel arbre, est le cédrat (ETHROG), et l'arbre à feuilles épaisses est le myrte[188]. Tous les fidèles portaient de pareils faisceaux en procession, comme le font les juifs encore aujourd'hui. Cependant, il n'est pas certain que cet usage remonte au temps mosaïque ; les adversaires de la tradition, tels que les Samaritains, les Saducéens et les Caraïtes, soutiennent que, dans le verset du Lévitique, il n est question que des différentes plantes qu'il fallait employer pour la construction et l'ornement des cabanes, ce qui paraîtrait en effet résulter du passage de Néhémia.

La fête des Tabernacles était la plus grande et la plus joyeuse de toutes ; on l'appelait la fête par excellence[189]. Le premier des sept jours était seul consacré au repos, mais tous les jours de cette fête on offrait de nombreux sacrifices additionnels. Comme à toutes les fêtes on offrait un bouc pour le péché ; mais l'holocauste se composait de deux béliers et de quatorze agneaux, auxquels on joignait, le premier jour, treize jeunes taureaux, le second douze, le troisième onze, le quatrième dix, le cinquième neuf, le sixième huit, et le septième sept. Les offrandes et les libations étaient en raison des victimes (Nombres, 29, 12-34).

Immédiatement après la fête des Tabernacles, c'est-a-dire le 22 du septième mois, on célébrait un jour comme fête de clôture. Ce huitième jour était, comme le premier, consacré au repos ; il est appelé ACÉRETH[190], nom que le Deutéronome (16, 8) donne aussi au septième et dernier jour de Pâques. Le jour de Acéreth est expressément distinct des sept jours des Tabernacles ; aussi le sacrifice additionnel de ce jour rentre-t-il dans les proportions ordinaires : on offrait un taureau, un bélier et sept agneaux en holocauste, avec les accessoires d'usage en farine et en vin, et un bouc comme sacrifice de péché.

Nous n'avons pas à nous occuper ici de quelques autres cérémonies observées plus tard pendant la fête des Tabernacles, telles que les libations d'eau, les illuminations du Temple, les branches de saule portées en procession autour de l'autel. Toutes ces cérémonies, dont parle la loi traditionnelle[191], n'ont aucune base dans la loi mosaïque.

C. FÊTE RELIGIEUSE.

Jour des Expiations.

Le dixième jour du septième mois, cinq jours avant la fête des Tabernacles, on célébrait le grand jour des expiations (YOM KIPPOURIM), qui, sous tous les rapports, est considéré comme un vrai Sabbat. Il se distingue des autres fêtes par son caractère austère et purement religieux. Les autres jours de repos sont consacrés en grande partie à la joie, celui-ci au jeûne absolu et à la contrition. Le rite expiatoire prescrit pour ce jour était pour tout le peuple en commun ce que certains sacrifices étaient pour les individus coupables d'un péché ; par ce rite symbolique, par le jeûne général qui l'accompagnait, et surtout par les sentiments de repentir et de contrition qu'il devait faire naître, le peuple hébreu se lavait de ses péchés, et se réconciliait avec son Dieu dont il avait pu se rendre indigne. Le grand prêtre fonctionnait seul dans le rite du jour des expiations, et, selon la tradition, il était aussi chargé en ce jour de tout le service ordinaire du Temple. Voici le rite particulier de ce jour solennel, tel qu'il est décrit dans le Lévitique (ch. 16) : Le grand prêtre, après s'être baigné et revêtu de son costume simple de lin blanc composé des quatre pièces ordinaires, amène d'abord (de son propre fonds) un jeune taureau pour servir de sacrifice de péché et un bélier pour servir d'holocauste. La communauté d'Israël lui fournit deux boucs comme sacrifices de péché et un bélier comme holocauste ; les deux boucs Sont destinés par le sort, l'un à être sacrifié à Jéhova, l'autre à être envoyé à Azazel. Après ces préparatifs le grand prêtre commence par immoler son taureau comme sacrifice expiatoire pour lui et la famille sacerdotale. Il prend ensuite un encensoir rempli de braises de l'autel et deux poignées d'encens, et entré dans le Saint des Saints, il jette l'encens sur le feu, afin que la colonne de fumée dérobe à ses yeux le couvercle de l'arche sainte, ou la Capporeth, résidence symbolique de la Divinité. Ayant pris du sang du taureau, il en fait une aspersion sur la surface de la Capporeth, et sept devant la Capporeth (probablement par terre). Puis il se retire pour aller immoler celui des deux boucs expiatoires du peuple que le sort a destiné à Jéhova, et avec son sang il fait dans le Saint des Saints les mêmes aspersions qu'il a faites avec celui du taureau[192]. Après s'être retiré de nouveau, il mêle le sang du bouc avec celui du taureau, il met de ce sang mêlé sur les quatre angles de l'autel des parfums, et il en fait sept aspersions sur l'autel. Avant ainsi purifié le sanctuaire des souillures et des péchés des enfants d'Israël, il sort et fait approcher le bouc vivant destiné par le sort à être envoyé à Azazel. Posant ses deux mains sur la tête du bouc, il confesse les péchés et les iniquités des enfants d'Israël, et en charge symboliquement ce second bouc expiatoire pour les emporter dans un lieu désert, loin des habitations des hommes, où le boue périra avec les péchés dont il est chargé. Aussitôt un homme destiné d'avance à cette fonction l'emmène dans le désert. C'est ainsi que s'explique le texte lui-même (v. 22) sur ce qu'il avait appelé d'abord (v. 10) envoyer à Azazel. Selon les croyances des peuples aux environs de la Palestine, les lieux déserts et incultes étaient habités par des démons eu des êtres malfaisants ; il parait que le plus puissant et le plus redoutable de ces démons s'appelait AZAZEL, c'est-à-dire puissant de Dieu[193] ; de là venait, ce me semble, l'expression proverbiale envoyer à Azazel pour dire vouer à la perdition, et Moïse emploie cette expression, sans penser au sens primitif du mot Azazel. Telle me paraît être l'explication la plus simple que l'on puisse donner du rite prescrit par Moïse et du mot Azazel sur lequel on a écrit des volumes. Les uns l'ont considéré, avec la Vulgate, comme le nom du bouc lui-même (caper emissarius) ; d'autres y ont vu le nom du lieu désert où le bouc est envoyé. D'autres encore y ont reconnu le Satan en personne, auquel on aurait renvoyé les péchés qu'il a fait naître ; nuis on conviendra qu'un pareil rite serait diamétralement opposé à l'esprit des livres de Moïse, où, sans être prévenu par un intérêt dogmatique, on ne saurait découvrir la plus légère trace de Satan. D'autres enfin, ont rendu le mot Azazel par départ ou écartement total, se fondant sur la prétendue origine arabe de ce mot[194] ; mais en admettant même cette origine, comment accordera-t-on une pareille interprétation avec la construction du texte hébreu, qui dit au verset 8 : Un sort pour Jéhova et un sort pour Azazel, et au v. 10 : pour l'envoyer à Azazel, dans le désert ? Il est évident que Azazel, placé vis-à-vis de Jéhova, désigne primitivement un être personnel ; d'un autre côté, cependant, il est absolument impossible que Moïse ait voulu décerner un bouc au démon Azazel, puisque, immédiatement après (ch. 17, v. 7), il défend sévèrement de sacrifier aux démons. N'eût-ce pas été reconnaître la puissance d'Azazel, que de tirer au sort entre lui et Jéhova ? Ce serait un énorme blasphème dans le sens de la doctrine mosaïque. Ainsi pour satisfaire à l'esprit de la loi aussi bien qu'à la grammaire, nous ne voyons d'autre explication possible que celle que nous avons donnée. Les deux boucs expiatoires, dont l'un est sacrifié à Jéhova et l'autre est renvoyé pour se perdre dans le désert, sont tout à fait analogues aux deux colombes employées dans le rite de purification du lépreux ; l'Une est immolée et l'autre s'envole et emporte avec elle l'impureté et le péché. — Nous revenons à l'ordre du rite. Après avoir renvoyé le bouc émissaire, le grand prêtre rentre dans le Tabernacle ; il se dépouille de ses vêtements de lin, et, après s'être baigné de nouveau, il revêt son costume de luxe dont nous avons donné la description. Il se rend à l'autel du parvis et offre en holocauste son bélier et celui du peuple. Le bélier du peuple, selon la tradition, était celui-là même qui faisait partie du sacrifice additionnel de la fête (Nombres, 29, 8-1) ; car ce sacrifice se composait d'un jeune taureau, d'un bélier, et de sept agneaux offerts en holocauste avec leurs offrandes et leurs libations respectives, et d'un bouc pour le péché. Toutes ces pièces, a l'exception du bélier, s'offraient, selon la tradition, avant le rite d'expiations que nous venons de décrire, de sorte que ce rite se trouvait intercalé dans celui du sacrifice additionnel de la fête[195]. Après avoir immolé les deux béliers, le grand prêtre brûle sur l'autel les parties grasses du taureau et du bouc expiatoires ; tout le reste des deux victimes est envoyé hors du camp ou de la ville sainte pour être brûlé en totalité. Ainsi se termine le rite du jour saint dont le législateur résume le sens dans ces mots (v. 30) : Car en ce jour il vous pardonnera pour vous purifier ; de tous vos péchés vous serez purifiés devant Jéhova.

 

 

 



[1] Moses, dit Tacite, quo sibi in posterum gentem firmaret, novos ritus contrariosque ceteris mortalibus indidit. Profana illic omnia quæ apud nos sacra, rursum concessa apud illos quæ nobis incesta. Bos quoque immolatur, quem Aegyptii Apin colunt. Histoires, V, 4.

[2] Archæologie, t. III, p. 104.

[3] Symbolik des mosaischen Cultus, par Karl Chr. W. F. Bæhr, 2 vol. in-8°, Heidelberg, 1837-1839.

[4] T. I, p. 12-14.

[5] Voyez les citations dans les Réflexions sur le culte des anciens Hébreux (p. 25-29) ; nous nous dispensons de reproduire ici tous les détails que nous avons donnés dans cet écrit.

[6] Voyez son Moré Nebouchim, IIIe partie, ch. 29-49.

[7] De legibus Hebrœorum ritualibus et eorum rationibus, libri tres, Cantabrigiæ, 1685, in-folio. Cet ouvrage a été réimprimé plusieurs fois.

[8] L. II, ch. 37. Après avoir parlé de quelques usages des prêtres égyptiens, il ajoute : ἄλλας τε θρησκηίας ἐπιτελέουσι μυρίας ὡς εἰπεῖν λόγῳ.

[9] Voyez Fr. Schlegel, Ueber die Sprache und Weisheit der Indien, p. 179, 180 ; Bohlen, Das alte Indien, t. I, p. 117 et suiv.

[10] Voyez le cinquième livre des Lois de Manou à la suite de mes Réflexions, et les notes que j'y ai jointes.

[11] L'épicurien Celse, dans son Discours véritable, disait que les lois cérémonielles que les Juifs prétendaient avoir reçues de Dieu, étaient imitées des égyptiens, des Perses et d'autres peuples. Origène le lui accorde : mais, dit-il, si l'on applique son esprit à bien pénétrer dans le dessein du législateur, et que l'on examine les institutions de ce peuple (des Hébreux), en les comparant avec celles qui, chez les autres nations, sont en vigueur jusqu'à ce jour, on n'aura certainement pour aucun peuple plus d'admiration : car en repoussant tout ce qui est inutile au genre humain, les Hébreux n'ont adopté que ce qui est utile. Contra Celsum, éd. Spencer, p. 259.

[12] Cette partie remplaçait la tente de rendez-vous et formait l'OHEL-MOED proprement dit.

[13] La coudée hébraïque était très-probablement de six palmes comme celle des Égyptiens. Voyez Hérodote, II, 149. La coudée royale égyptienne est évaluée à 0m,525.

[14] Les commentateurs ont conclu de là que cette épaisseur était d'une coudée, de sorte que nous aurions de vraies poutres au lieu de planches, ce qui n'est nullement admissible. Il est plus probable que les deux planches des encoignures sortaient au delà des parois de longueur, ou qu'elles n'avaient pas la largeur des autres planches. En effet, le texte (v. 23) parait les distinguer.

[15] Et non l'extérieur, comme le croient la plupart des commentateurs ; car dans ce cas elle n'aurait été visible qu'au plafond. D'ailleurs, le texte donne à cette première couverture, par excellence, le nom de Mischcân, ce qui prouve qu'elle formait l'intérieur du Tabernacle. Voyez Bæhr, Symbolik, t. I, p. 63, 64.

[16] On ne comprend pas l'emploi des dernières dix coudées aux deux angles ; le texte n'en dit rien. Mais on voit que la jointure des deux moitiés de la draperie se trouvait à une distance de vingt coudées de l'entrée, et marquait ainsi l'endroit où devait commencer le Saint des Saints (voy. Exode, 26, 23).

[17] Le texte porte des peaux de THAHASCH ; toutes les anciennes versions prennent Thahasch pour une couleur (Vulgate : pelles ianthinæ) ; mais ce mot désigne, sans aucun doute, un animal. Selon le Thalmud, c'est une espèce de fouine.

[18] Voyez sur sa construction et sur ses ustensiles, Exode, 27, v. 1-8.

[19] Selon les rabbins, on en tirait l'eau au moyen de deux robinets placés aux deux côtés opposés.

[20] Voyez Exode, 28,8 ; I Samuel, 2,22. Le texte dit littéralement : de speculis mulierum quæ militabant ; le service de ces femmes consistait, selon les versions chaldaïque et grecque, dans la prière et le jeûne. Voyez sur les usages analogues chez les Égyptiens, Wilkinson, Manners and customs of the ancient Egyptians, t. I, p. 258 et suiv., et sur les miroirs métalliques, ib., t. III, p. 381.

[21] Le dessin de la table et du chandelier pris par les Romains dans le temple d'Hérode se trouve sur l'arc de triomphe de Titus.

[22] Voyez Exode, ch. 30, v. I - 9.

[23] Le mot hébreu CAPPORETH vient de la racine couvrir. Les Septante ont traduit ce mot par έλαστήριον, en le faisant venir du verbe CAPPER (expier) de là la Vulgate a propifiatorium, d'où vient le nom de propitiatoire.

[24] Voyez Description de l'Égypte, t. I, p. 311.

[25] Voyez Wilkinson, l. c., t. III, p. 23. Cet auteur déclare erronée l'opinion qui attribue aux sphinx égyptiens une tête de femme.

[26] Voyez Bæhr, Symbolik, t. I, p. 341, 346.

[27] On peut comparer un bas-relief de Philæ dans l'atlas de la Description de l'Égypte, vol. I, pl. 11, A, fig. 4.

[28] Voyez Spencer, ch. III, dissert. VI ; au sujet de l'arche sainte cet auteur dit, entre autres (ib. dissert. V, cap. 2) : Consuetudo hæc finitima in sacris Ægypti servabatur ; nam Synesius, de Ægyptiorum hierophantis loquens, testatur, eos nescio quas sphœras mysticas et figuras symbolicas in sacris quibusdam eistis ponere et circumferre solitos.

[29] Dans un antique poème philosophique on lit le passage suivant : C'est par la nourriture que subsistent les êtres vivants ; celle-ci provient de la pluie. C'est le sacrifice qui fait venir la pluie, le sacrifice naît de l'œuvre. Sache que l'œuvre vient de l'Être divin (Brahman), et que celui-ci est né de l'impérissable. Ainsi l'être divin qui pénètre tout est toujours présent dans le sacrifice. Voyez Bhagavad-Guita, éd. de Schlegel, troisième leçon, § 14 et 15. Selon les Lois de Manou (liv. V, § 39 et 40), les animaux n'ont été créés que pour le sacrifice ; l'animal, et même ta plante qui aura servi d'offrande, renaîtra dans un rang plus élevé.

[30] Ephræmi Syri Opera Syriaca, t. II, p. 114.

[31] Voyez I Samuel, 15, 22. Ps. 50, 8-10 ; 51, 18 et 19. Isaïe, 1, 11.

[32] Sur les rites analogues des cultes païens, voy. Réflexions, p. 31, 35.

[33] Voyez Lévitique, 1, 5 ; II Chroniques, 29, v. 22-24.

[34] Le second temple reçut les sacrifices de Ptolémée Évergète et ceux de l'empereur Auguste. Voyez Josèphe, Contre Apion, liv. II, ch.5 ; Philon, De légat. ad Caium.

[35] La Vulgate appelle l'un pro peccato et l'autre pro delicto.

[36] Voyez Lévitique, ch. 6, v. 17-23 ; ch. 7, v. 1-8.

[37] Dans certains cas les restes du sacrifice de péché, et même la peau, devaient être brulés hors du camp. Voyez Lévitique, ch. 4, v. 12 et 21 ; ch. 6, v. 23 ; ch. 16, v. 27.

[38] Voyez Maimonide, Commentaire de la Mischna, préface au traité Menahoth (des Oblations), dans la Porta Mosis de Pococke, Oxoniæ, 1655, p. 424.

[39] On peut voir les détails dans mes Réflexions, etc., page. 35.

[40] Cette cérémonie consistait à agiter le sacrifice vers les quatre vents et de haut en bas, pour le vouer à celui qui dirige les vents et qui a créé le ciel et la terre. Thalmud de Babylone, Menahoth, fol. 62 recto.

[41] Voyez Iliade, I, v. 457 et suiv. Le Pentateuque lui-même mentionne ces repas solennels des païens (Nombres, 25, 2).

[42] Voyez Deutéronome, ch. 21, v. 1-8.

[43] Voyez Bæhr, Symbolik, t. II, p. 447-459.

[44] Selon Josèphe (Antiquités, IV, 4, 6) c'était le grand-prêtre ; selon les rabbins, c'était son vicaire, car Moïse donne cette fonction à Éléazar, fils d'Ahron, quoique ce dernier vécût encore.

[45] Voyez Bohlen, Das alte Indien, t. I, p. 247 et suivantes.

[46] Porphyre (De abstinentia, II, 11) dit qu'ils aimeraient mieux se nourrir de chair humaine que de celle d'une vache.

[47] Spencer, De leg. rit. Hebr., l. II, c. 16, sect. 2.

[48] Diodore, Histor., I, 88 ; Plutarque, De Iside et Osiride, p. 363. Diodore dit aussi que, dans les temps anciens, les rois d'Égypte sacrifiaient à Typhon les hommes qui étaient comme lui de couleur rousse.

[49] Voyez Spencer, l. c., éd. Cantabr. fol. 379.

[50] L'offrande de la femme accusée d'infidélité était de farine d'orge.

[51] Voyez Lévitique, 2, 14 ; Nombres, 18, 19. Chez les orientaux, en général, te sel est le symbole d'une alliance durable, qui s'appelle alliance du sel. Voyez II Chroniques, 13, 5. Cette expression est encore usitée chez les Arabes. Voyez Schulz, Leitungen des Hœchsien, t. V, p. 249.

[52] Voyez Réflexions, p. 59, note 7.

[53] Pline dit, en parlant du sel : Maxime autem in sacris intelligitur ejus auctoritas, quamdo nulla conficiuntur sine mola salsa. Hist. nat., l. 31, c. 41. Voyez aussi Eustath. ad. Iliad., I, 449.

[54] Voyez Maimonidis Moré Nebouchim, III, 40 ; Plutarque, Sympos., IV, 5.

[55] Josèphe, Antiquités, III, 9, 4 ; Mischna, Succah, ch. 4, § 9.

[56] Voyez Thalmud, Menahoth, fol. 22 ; Josèphe, Antiquités, III, 10, 7.

[57] Sur les usages analogues des autres peuples, voy. Spencer, lib. III, dissert. I, c. 9.

[58] Voyez Exode, ch. 13, v. 2, 12, 13 ; Lévitique, ch. 27, v. 26, 27 ; Nombres, ch. 18, v. 15-18 ; Deutéronome, ch. 15, v. 19-23, et les commentaires rabbiniques de ces différents passages.

[59] Voyez Exode, ch. 13, v. 15 ; Nombres, ch. 3, v. 13.

[60] Voyez les détails, Lévitique, ch. 97.

[61] Voyez sur les Indous, Réflexions, p. 62.

[62] Nous lisons dans un passage du livre d'Isaïe (ch. 58, v. 3) : Pourquoi avons-nous jeûné, et tu ne l'as pas vu ? Nous avons affligé notre personne, et tu ne le sais pas ? Et plus loin (v. 10) : Quand tu verseras ton âme à celui qui a faim et que tu rassasieras la personne affligée. Le parallélisme, dans ces deux passages, ne permet pas de douter que l'affliction de la personne ne soit la privation de nourriture.

[63] Voyez sur les Indous, les Lois de Manou, V, § 57 et suiv. — Réflexions, p. 65 et suiv. ; sur les Égyptiens, Hérodote, II, 37. Voyez aussi Spencer, l. c., lib. III, dissert. III.

[64] Voyez Lévitique, ch. 11, v. 44, 45 ; ch. 15, v. 31 ; ch. 20, v. 26 ; ch. 22, v. 2 et 3.

[65] Nous renvoyons, pour les détails, au ch. 15 du Lévitique, et au ch. 12, v. 1-8. Voyez aussi Réflexions, p. 66, 67, notes.

[66] Voyez les curieux détails donnés par Michaelis, Mosaïsches Recht, t. IV, § 208 et suiv. — Jahn, Archœologie, t. I, 2e partie, p. 355 et suiv.

[67] Nous trouvons les mêmes usages chez les Perses ; le lépreux ne pouvait communiquer avec personne et il ne lui était pas permis d'entrer dans la ville ; on expulsait les étrangers qui souffraient de cette maladie. Voyez Hérodote, I, 138.

[68] Ainsi Miriam est frappée de la lèpre pour avoir médit de Moïse (Nombres, 12, 10) ; le roi Ouzia, pour s'être arrogé des fonctions sacerdotales (II Chroniques, 26, 19). Les Perses croyaient que la lèpre dérivait de péchés commis envers le soleil (Hérodote, l. c.). Selon la croyance des Indous, l'éléphantiasis est le châtiment des plus grands péchés, et ils l'appellent PAPAROGA (maladie du péché). Voyez Lois de Manou, III, 92, 159 ; V, 64 ; IX, 79.

[69] Un rite analogue était observé pour œ que la loi de Moïse appelle la lèpre des maisons ; il en sera question plus loin, ainsi que de la lèpre des étoffes.

[70] La superstition des Indous et des Égyptiens proscrivait même l'usage de certaines plantes. La loi de Moïse qui défend le mélange de semences hétérogènes (Lévitique, 19, 19 ; Deutéronome, 22, 9), et celle qui interdit l'usage des fruits d'un jeune arbre pendant les trois premières années (Lévitique, 19, 23), ne sont probablement que des lois d'économie rurale.

[71] Voyez Daniel, ch. 1, v. 8 et suiv. ; 2e livre des Maccabées, ch. 6 et 7.

[72] Voyez Lévitique, ch. 11 ; Deutéronome, ch. 14.

[73] Probablement le jerboa ou dipus jaculus de Linné (Mammal. IV, glires).

[74] Voyez Plutarque, De Iside et Osiride, c. 6 et suiv.

[75] Voyez Recherches philosophiques sur les Égyptiens et les Chinois (par M. de Paw), t. I, p. 154.

[76] Chæremon ap. Porphyre, De abstinentia, IV, 7.

[77] Hérodote, II, 47. Les Arabes aussi, même avant Mahomet, s'abstenaient de manger le porc. St. Jérôme dit, en parlant des Arabes (In Jovinian, l. 2, c. 6) : Hi nefas arbitrantur porcorum vesci carnibus. Voyez Millii, Dissert. de Mohammedismo ante Mohammedem, § 20.

[78] Voyez Zend-Avesta par Anquetil du Perron, Boun Dehesch, ch. 14.

[79] Voyez mes notes au cinquième livre des Lois de Manou, § 18, Réflexions, page 62.

[80] Voyez mes notes au cinquième livre des Lois de Manou, § 16.

[81] Voyez Michaelis, Mosaïsches Recht, t. IV, § 201.

[82] Voyez Exode, 22, 30 ; Lévitique, 17, 15 ; Deutéronome, 14, 21.

[83] Voyez Lévitique, ch. 7, v. 23 et suiv. ; ch. 17, v. 10 et suiv.

[84] Exode, 23, 19 ; 34, 26 ; Deutéronome, 14, 21.

[85] Voyez Spencer, l. c., lib. II, c. 8.

[86] Ce sens est déjà exprimé par la version chaldaïque. Il est admis par Michaélis (l. c., § 205), qui fait la singulière supposition que Moïse, en restreignant l'usage du beurre, a voulu favoriser la culture de l'olivier. De même Jahn, Archæologie, I, 2, page 290.

[87] Voyez les détails dans le livre des Nombres, ch. 6, v. 14-20.

[88] Voyez Less, Super lege mosaica de nasiræatu, Num. VI, prima eaque antiquissima vitæ monasticœ improbatione, dissertatio, Gottingæ, 1789 ; Eichborn, Allgemeine Bibliothek, t. II, p. 553. — C'est à tort qu'on a comparé les naziréen aux moines ; ces derniers renoncent entièrement au monde, et ne se marient pas, mais ils ne se font pas scrupule de boire du vin, tandis que le nazir, qui s'abstient de vin, ne renonce pas au commerce conjugal.

[89] Voyez Spencer, lib. III, dissert. 1, c. 6.

[90] Comparez Diodore de Sicile, l. I, c. 18.

[91] Voyez les citations faites par Spencer, l. c., à la fin de la première section.

[92] Plutarque, De Iside et Osiride, l. c.

[93] Voyez Nombres, ch. 11, v. 25 ; le mot hébreu signifie littéralement : Ils parlaient en inspirés.

[94] Voyez Lois de Manou, I, 88-91.

[95] Voyez Lois de Manou, l. XI.

[96] Voyez Réflexions, p. 42.

[97] Diodore, l. I, ch. 73.

[98] Juvénal, Satire XV, 1-3.

Quis nescit, Volusi Bithynice, qualia demens

Ægyptos portenta colat ? Crocodilon adorat

Pars hæc, illa pavet saturam serpentibus ibin.

[99] Plusieurs critiques renommés en Allemagne, tels que De Wette, Hartmann, Bohlen, George et autres, ont fait descendre l'établissement d'un sacerdoce régulier jusqu'aux temps de Salomon ou même de Josias ; mais leurs arguments respectifs se détruisent mutuellement, et leurs assertions contradictoires nous permettent d'assister avec indifférence a ces tournois littéraires, ou chacun tient à faire preuve de sagacité critique, en inventant une nouvelle hypothèse. Nous ne pouvons accorder ici qu'une simple mention a ces tentatives d'une critique qui tend a renverser toute l'histoire des Hébreux et à en faire un chaos inextricable. Ceux qui désirent connaitre sommairement cette critique avec ses faiblesses et ses contradictions peuvent consulter quelques excellentes observations de Bæhr, Symbolik, t. II, p. 7-11.

[100] Voyez Nombres, ch. 3, v. 12 et 13.

[101] Voyez les commentaires rabbiniques sur l'Exode, 19, 22, et la version chaldaïque de Jonathan, ib. 24, 6.

[102] Voyez Exode, ch. 6, v. 16-26.

[103] La loi de Moïse ne parle que de la garde et du service du temple en général ; c'est le Ier livre des Chroniques (ch. 9) qui nous en fait connaître les détails.

[104] Voyez Nombres, ch. 8, v. 6-16.

[105] Voyez Nombres, ch. 4, v. 3, 23, 30, 47. Selon un autre passage (ib. ch. 8, v. 23), le service devait commencer à l'âge de 25 ans ; pour lever la contradiction, le Thalmud et la plupart des commentateurs juifs supposent que, depuis l'âge de 25 jusqu'à celui de 30 ans, les jeunes lévites faisaient leur apprentissage. D'autres pensent qu'au ch. 4 il est question des lourds travaux de transport auxquels les lévites n'étaient soumis qu'a l'âge de trente ans, tandis que les autres services commençaient dès l'âge de 25 ans. Voyez Menassch Ben-Israël, Conciliator (Numer. quæst., IV), p. 203, 204. — Plus tard les lévites étaient admis dès l'âge de 20 ans. Voyez Ezra, 3, 8 ; II Chroniques, 31, 17.

[106] Ce ne fut que bien tard, sous le roi Agrippa II, que les lévites musiciens obtinrent de porter le costume des prêtres. Josèphe, Antiquités, XX, 8, 6.

[107] Trente-cinq furent occupées par les simples lévites et treize par les prêtres (Josué, ch. 21).

[108] Voyez Lévitique, ch. 27, v. 30-32, et Nombres, ch. 18, v. 21.

[109] Voyez Deutéronome, ch. 14, v. 22-29. Ce passage parait tout d'abord être en contradiction avec ceux cités dans la note précédente ; mais, dans le Deutéronome, il s'agit évidemment d'une seconde dîme, autre que celle qui appartenait entièrement aux lévites, ce qui est confirmé par la tradition rabbinique et par Josèphe (Antiquités, IV, 8, § 8 et 22). Ce que ce dernier appelle la troisième diane n'est autre chose que la seconde dîme distribuée aux lévites et aux pauvres, au bout de trois ans. Il est déjà question de la seconde et de la troisième dîme dans le livre de Tobie, selon le texte grec (ch. 1, v. 7 et 8).

[110] Antiquités, III, 12, 4 ; IV, 4, 3.

[111] Voyez sur toutes ces lois, concernant la dignité sacerdotale, Lévitique, ch. 21, et ch. 22, v. 1-9.

[112] Ce dernier usage existe encore maintenant dans les synagogues ; ceux qui ont conservé par tradition, de père en fils, le titre de Cohen, comme descendants d'Ahron, prononcent en chœur l'antique bénédiction à la fin des offices, aux grands jours de fête. Dans les synagogues d'Orient, les Ahronites prononcent la bénédiction tous les jours de sabbat.

[113] Voyez Lévitique, 4, 3 ; 21, 10.

[114] A l'avènement du grand prêtre Éli, cette dignité passa à la ligne d'Ithamar ; mais Salomon la rendit à celle d'Éléazar. Voyez I Samuel, 2, 33 et suiv. ; I Rois, 2, 35.

[115] Voyez II Rois, 26, 18 ; Jérémie, 52, 24.

[116] Voyez Mischna, Sota, ch. 8, § 1, et les détails recueillis par Leidecker, De republica Hebrœorum, p. 491 et suiv. Cet auteur compare l'oint de la guerre au Flamen Martius établi par Numa Pompilius.

[117] Voyez les détails, Exode, ch. 29, et Lévitique, ch. 8.

[118] On peut voir les nombreuses citations dans l'ouvrage de Spencer, l. III, Dissert. 1, c. 5, sect. 2.

[119] De Iside et Osiride, ch. 4.

[120] Hérodote parle des vêlements de lin là où il énumère, en général, tout ce que les prêtres égyptiens pratiquaient par motif de pureté.

[121] Ézéchiel, ch. 44, v. 17 et 18 ; Hérodote, II, 81.

[122] Voyez Spencer, l. c., éd. Cantabrig. p. 574.

[123] Voyez Antiquités, l. III, ch. 7. Les détails les plus complets sur le costume des prêtres se trouvent dans le savant ouvrage de Braun, intitulé : De vestibus sacerdotum Hebræorum ; altera editio Amstelodaml, 1695, in 4°.

[124] Selon l'Évangile de saint Jean (19, 23), Jésus portait une tunique non cousue. Voyez sur cette texture, Braun, l. c., p. 376 et suiv.

[125] Josèphe et les rabbins donnent ce même nom à la coiffure du simple prêtre, ce qui prouve que, dans le second temple, il n'y avait guère de différence de forme entre la Migbaah et le Misnépheth. Selon Josèphe, le turban du grand prêtre était enveloppé d'un second bandeau de couleur violette.

[126] Ézéchiel, 21, 31 ; Isaïe, 62, 3. Voyez Réflexions, p. 47, note 1.

[127] Voyez Braun, p. 464 et suiv.

[128] Ces mots signifient lumière et intégrité ; la forme du pluriel qu'ont les mots hébreux est le pluriel de majesté.

[129] Diodore, l. I, c. 76 ; Elien, Var. hist., l. 14, c. 34. Ces deux auteurs rapportent que le grand prêtre ou grand juge avait autour du cou une image de pierres précieuses portant le nom de vérité. Les Septante, qui traduisent les mots Ourim et Thummim par révélation et vérité, ont peut-être pensé à l'usage égyptien.

[130] Voyez Exode, 28, 30 ; Lévitique, 8, 8.

[131] Nous dirons avec Braun (p. 595) : Sane quot capita tot sententiæ ; ut si nostri instituti ratio id postularet, integrum opus super hac quæstione sola scribere passemus. Depuis Braun ce sujet a encore été traité par une légion d'écrivains ; les principales hypothèses ont été résumées par Winer, Bibl. Realwœrterbuch, t. II, p. 747-752.

[132] L. c., L. III, dissert. 7, c. 3, sect. 2.

[133] Voyez Genèse, 31, 19 ; Ézéchiel, 21, 26. Dans deux autres passages (Juges, 17, 5 ; Osée, 3, 4) les Theraphim sont mis en rapport avec l'Éphod, et représentent évidemment les Ourim et Thummim.

[134] Voyez Exode, 3, 6 ; Josué, 6, 15.

[135] Selon le livre de Josué (21, 4), ce fut Josué lui-même, qui, assisté du grand prêtre Éléazar, fit ainsi le partage des 48 villes. Mais les descendants d'Ahron ne pouvaient pas alors être assez nombreux pour occuper 13 villes. Il paraîtrait donc que l'auteur du livre de Josué attribue à ce chef ce qui, en réalité, ne se lit que beaucoup plus tard. Il est à remarquer que les 13 villes étaient toutes situées dans les alentours de Jérusalem, ce qui nous indique une époque où cette ville était déjà destinée à recevoir le sanctuaire central.

[136] Voyez Selden, De Synedriis, p. 1119.

[137] Voyez II Rois, 11, 2 ; II Chroniques, 22, 11.

[138] Le texte de l'Exode (ch. 30, v. 12-16) ne dit pas positivement que cette contribution d'un demi-sicle par tête, payée lors de la construction du Tabernacle, devait se renouveler chaque année, mais il est certain que plus tard les paroles de Moïse furent interprétées dans ce sens (II Chroniques, 24, 5). Le livre de Néhémie (10, 33) parle d'un lier, de sicle par an ; peut-être la valeur du sicle avait-elle changé. A l'époque gréco-romaine, cet Ment fut évalué a doux drachmes (Voyez saint Matthieu, 17, 21), qui devaient être payées même par les Juifs établis dans les pays étrangers. Voyez Josèphe, Antiquités, XVIII, 9, 1 ; Guerre des Juifs, VII, 6, 6. — Sur cet impôt, en général, on peut voir Selden, l. c., p. 1134 et suiv.

[139] M. Salvador, dans son Histoire des institutions de Moïse (t. I, p. 253 et suiv.), a soutenu, en s'appuyant sur des calculs erronés, que la tribu de Lévi ne retirait que la dix-septième partie des revenus. Il a d'abord supposé que la dîme de la troisième année, partagée entre les lévites et tous tes nécessiteux, était la première dîme, de sorte que celle-ci n'aurait été payée en totalité aux lévites que dans la première et la deuxième année de l'époque triennale ; mais le fait est qu'il s'agit ici de la seconde dîme, comme l'ont bien vu les commentateurs, et comme il résulte clairement du texte même, où ce règlement concernant la dîme triennale se trouve à la suite de la loi qui parle de la seconde dîme, à moins qu'on ne veuille, avec quelques commentateurs, admettre une troisième dîme. M. Salvador déduit ensuite la septième année, où les lévites ne recevaient pas de dîme ; mais aussi dans la septième année il n'y avait pas de revenu. —Une autre supposition, d'après laquelle les 48 villes n'auraient pas appartenu, en toute propriété, aux lévites, est également sans fondement ; du moins est-il certain que, dans l'intention du législateur, ces villes devaient appartenir à la tribu de Lévi.

[140] Voyez Le théâtre de l'idolâtrie ou la porte ouverte pour parvenir à la cognoissance du paganisme caché, par Abr. Roger, Amst., 1670, in-4°, première partie, ch. 6.

[141] Lois de Manou, X, 120.

[142] Voyez Genèse, 14, 20 ; 28, 22.

[143] Nox ducere dies videtur, dit Tacite en parlant des mœurs des Germains (ch. 11) ; il en était de même chez les Grecs. D'autres peuples commençaient leurs jours au matin, ou à minuit, ou à midi. Voyez Pline, Hist. Nat., II, 79.

[144] Voyez Exode, 14, 24 ; et Juges, 7, 19.

[145] Voyez Exode, 12, 6 ; 16, 12 : 49 et 41 ; 50, 8 ; Lévitique, 33, 6 ; Nombres, 6, 3 ; 38, 4 et 8.

[146] Les Caraïtes soutiennent que, entre les deux soirs, veut dire entre le coucher du soleil et la nuit. Voyez Trigland, Diatribe de secta Karœorum, cap. 4, p. 27. Mais Josèphe est favorable à la tradition rabbinique ; car, selon lui, on égorgeait l'agneau pascal entre la neuvième et la onzième heure, c'est-à-dire entre trois et cinq heures de l'après-midi. Voyez Guerre des Juifs, VI, 9, 3.

[147] Voyez Ideler, Handbuch der Chronologie, t. I, p. 60 et 88.

[148] On les trouve en même temps, et dans le même ordre, chez les Égyptiens (Dion Cassius, l. 37, c. 18) et chez les Indous. Voyez les notes de M. de Chézy au drame de Sacountala, n° 90. Bohlen, Das alte Indien, t. II, p. 248. On en trouve aussi des traces indubitables chez les Grecs (quoique ceux-ci comptassent leurs jours par décades). Voyez Valkenar, De Aristobulo Judœo Alexandrino diatribe, p. 108, 113. Bohlen, l. c., p. 249.

[149] Voyez des Vignoles, Chronologie de l'histoire sainte, t. I, p. 884 et suiv.

[150] Voyez Exode, 29, 38-42 ; Nombres, 28, 2-8.

[151] On peut voir beaucoup d'autres exemples dans l'ouvrage de M. de Rammer, intitulé Encyclopædische Uebersicht, etc. (Résumé encyclopédique des sciences de l'Orient), p. 322-324, et dans Bohlen, l. c., p. 247.

[152] Voyez Brucker, Hist. crit. Philosophiæ, t. I, p. 1055.

[153] Cette opinion me parait être clairement indiquée par Cicéron, dans le fragment connu sous le titre de Somnium Scipionis et qui faisait partie du Ier livre de la République. A l'endroit où il est question de l'harmonie des sphères planétaires nous lisons : Septem efficiunt distinctos intervallis modos ; qui numerus rerum omnium fere nodus est. Voyez le livre De Republica, p.382 (dans la Biblioth. class., de Lemaire). — On peut voir d'autres conjectures sur la sainteté du nombre sept, dans Bæhr, Symbolik, t. I, p. 187 et suiv. et dans mes Réflexions, etc., p. 50, note 1.

[154] Nous rappellerons encore que certaines purifications ne peuvent s'accomplir qu'au bout de sept jours ; le sacre des prêtres durait sept jours ; avec le sang de certaines victimes on faisait sept aspersions sur l'autel ; le candélabre avait sept branches. Même dans la partie historique du Pentateuque, et dans les autres livres de la Bible, nous voyons souvent paraitre les nombres 7 et 70 comme nombres ronds, et il est à remarquer que la racine שבע, de laquelle dérivent ces nombres, sert aussi en hébreu à former le verbe jurer et le mot qui signifie serment.

[155] Le prophète Jérémie (17, 21) détend de porter des fardeaux, et Néhémia (10, 32) interdit le commerce. La tradition énumère trente-neuf travaux défendus, qu'elle appelle travails-pères, et elle défend en outre plusieurs occupations de second ordre. Voyez Mischna, Sehabbôth, ch. 7, § 2.

[156] Selon la tradition rabbinique, on ne pouvait s'éloigner au delà de 2.000 coudées du camp ou de la ville ; c'est pourquoi cette distance s'appelait chemin sabbatique. Actes des Apôtres, 1, 12.

[157] Voyez Michaelis, Mos. Recht, t. IV, § 195, p. 122 et suiv. ; Salvador, Instit. de Moïse, t. I, p. 86.

[158] Voyez les Évangiles, Matthieu, 12, 5 ; Jean, 7, 22.

[159] Voyez Maimonide, Main forte ou Abrégé du Talmud, l. XIV, 4e section, Des rois et des guerres, ch. 8, § 11.

[160] Voyez I Maccabées, 2, 34-38 ; Josèphe, Antiquités, XII 6, 2 ; Guerre des Juifs, I, 7, 3.

[161] Lévitique, ch. 23, v. 2 et suiv. Voyez la traduction de M. Cahen et la note au verset 2. La Vulgate ne rend pas bien ces mots.

[162] Voyez Salvador, l. c. ; nous observerons seulement que les détails que donne cet auteur sur les assemblées du sabbat sont des fictions qui ne s'appuient sur aucun texte positif.

[163] Voyez Josèphe, Antiquités, XVI, 2, 4.

[164] Voyez Marc, 1, 21 ; 6, 2, et beaucoup d'autres passages du Nouveau Testament.

[165] Matthieu, 27, 82, et passim.

[166] Cet usage est suivi encore maintenant par les Caraïtes du Caire et de Jérusalem, qui n'ont pas adopté le calcul astronomique des rabbins.

[167] Moré Nebouchim, III, 46, version de Buxtorf, p. 488.

[168] Spencer, l. c., l. III, dissert. 4, c. 1. Michaelis, l. c., § 200, p. 170.

[169] Voyez I Samuel, ch. 20, v. 6, 5, 18 et suiv. ; II Rois, 4, 23 ; Isaïe, 1, 13 ; Amos, 8, 5.

[170] La Vulgate porte dans le passage des Nombres : Quia dies clangoris est et tubarum ; et dans celui du Lévitique : Sabbatum memoriale clangentibus tubis.

[171] Voyez Réflexions, p. 64, note 2.

[172] Le prophète Ézéchiel, à ce qu'il parait, voulait introduire un sacrifice particulier pour le premier et le septième jour de la lune du printemps. Voyez Exode, ch. 45, v. 18-20.

[173] Voyez Réflexions, p. 65.

[174] Voyez Exode, ch. 23, v. 10 et 11 ; ch. 34, v. 21 ; Lévitique, ch. 25, v. 2-7 ; Josèphe, Antiquités, III, 12, 3.

[175] Voyez Séder Olam Rabba, c. 11. Leidecker, De Rep., Hebr., p. 214.

[176] Voyez des Vignoles, Chronologie de l'histoire sainte, t. I, p. 698 et suiv. Winer, Bibl. Realwœrterbueh, t. I, p. 734.

[177] Voyez Néhémie, 10, 32 ; I Maccabées, 8, 49. Comparez Tacite, Hist., V, 4 : Septimo die otium placuisse ferunt, quia is finem laborum tulerit ; deiu, blandiente inertia, septimum quoque annum ignaviæ datum.

[178] Voyez Antiquités, XIII, 8, 1. Alexandre le Grand exempta les Juifs de payer le tribut pendant l'année sabbatique, et plus tard César leur accorda la même faveur. Voyez ibid., XI, 8, 5 ; XIV, 10, 6.

[179] Voyez Exode, ch. 23, v. 14-17 ; ch. 34, v. 23 ; Deutéronome, ch. 16, v. 16.

[180] Les lexicographes font venir le mot הב du verbe הבב auquel ils donnent le sens de danser, fêter ; mais il est plus probable que le verbe vint du substantif. Le mot HAG ou HADJ désigne, chez les Arabes, le pèlerinage de la Mecque ; chez les Hébreux il désigne particulièrement les trois fêtes de pèlerinage. Il s'emploie ensuite dans le sens de fête en général, de là le verbe HAGAG ou HAGG, célébrer une fête, être joyeux, danser. Le Hadj des musulmans n'est pas une institution de Mahomet, les traditions arabes le font remonter jusqu'à Abraham. Voyez Pococke, Specimen historiœ Arabum, p. 311.

[181] Voyez ci-dessus, où nous avons indiqué l'origine du mot Pâque. Ceux qu'une impureté ou un long voyagé empêchait de se rendre au sanctuaire le 14 du mois d'Abib, célébraient le rite de l'agneau pascal le 14 du deuxième mois (Nombres, ch. 9, v. 9-14).

[182] Voyez Exode, ch. 12, v. 12 ; Lévitique, ch. 23, v. 7 et 8 ; Nombres, ch. 28, v. 18 et 25.

[183] Le texte dit (Lev. 23, 11) : Le lendemain du Sabbat ; selon la tradition rabbinique, le mot Sabbat, pris dans le sens général de fête, jour de repos, désigne ici le premier jour de la fête de Pagnes, et un passage du livre de Josué (5, 11) est très-favorable à cette explication, qui est aussi admise par Josèphe (Antiquités, III, 10, 6). Cependant les Saducéens, prenant le mot Sabbat dans son sens ordinaire, prétendaient que l'orge devait être présentée le dimanche des sept jours de Pâques. Cette opinion est aussi celle des Samaritains et des Caraïtes. Voyez le Repertorium d'Eichhorn, t. IX, p. 13 ; Trigland, De secta Karœorum, c. 4, p. 28.

[184] Exode, 34, 22 ; Deutéronome, 16, 10 et 16.

[185] Quoique le texte de Josèphe (Antiquités, III, 10, 6) porte κριούς δύο, deux béliers (probablement par une faute des copistes), on doit lire τρεΐς.

[186] C'est peut-être dans ce sens que Josèphe et les rabbins l'appellent Acéreth ou Asartha, nom dont le sens n'est pas bien clair (voy. ci-après), mais par lequel Moïse désigne les jours de clôture de la Pâque et de la fête des Tabernacles. Voyez les notes sur Josèphe dans l'édition de Havercamp, t. I, p. 179.

[187] Voyez Exode, 23, 16 ; Lévitique, 23, 39 ; Deutéronome, 16, 13.

[188] Josèphe (Antiquités, III, 10, 4) est d'accord avec la tradition des rabbins ; pour le fruit du bel arbre il met μήλον τής Περσέας qu'il ne faut pas confondre avec la pèche, appelée μήλον περσικόν. Josèphe lui-même l'explique ailleurs par κίτριον, citron. Antiquités, XIII, 13, 5. Voyez les notes dans l'édition de Ravercamp, t. I, p. 175.

[189] Voyez I Rois, ch. 8, v. 2 et 65 ; II Chroniques, ch. 5, v. 3 ; ch. 7, v. 8 et 9.

[190] Voyez Lévitique, 23, 36 ; Nombres, 29, 35 ; Néhémia, 8, 18 ; II Chroniques, 7, 9. Le mot Acereth, qui est la même chose que Açarah, s'explique généralement par assemblée solennelle. La Vulgate le rend inexactement, dans le Lévitique et les Nombres, par dies celeberrimus, et, dans les autres passages par collecta. Les Septante le rendent par έξόδιον, issue, clôture. Le verbe duquel dérive le mot Acéreth signifie retenir, enfermer. Il paraitrait que le législateur désignait ainsi le dernier jour des grandes tètes, où, les rites de la fête étant accomplis, les pèlerins étaient encore retenus par une solennité de clôture. Plus tard on désignait par ce nom toute assemblée solennelle, en général ; et c'est dans ce sens qu'il est employé par les Prophètes.

[191] Voyez Mischna, 2e partie, Succah, ch. 4 et 5. Ces cérémonies et les démonstrations joyeuses qui les accompagnaient étaient connues de Plutarque, qui s'imaginait que les Juifs célébraient le culte de Bacchus. Voyez Sympos., IV, 5.

[192] On voit que le grand prêtre entrait au moins deux fois dans le Saint des Saints, comme le dit Philon (De legat. ad Caium) ; les mots Semel in anno, dans l'épître aux Hébreux (ch. 9, v. 7), signifient un jour de l'année. Selon les rabbins, il entrait quatre fois : 1° avec l'encens ; 2° avec le sang du taureau, 3° avec celui du bouc, et 4° à la fin du rite, pour aller chercher la coupe de l'encens et l'encensoir. Cela est très-probable, car personne ne pouvait accompagner le grand prêtre, et il a dû entrer et sortir plusieurs fois pour transporter les différents objets.

[193] Je ne puis considérer le mot עיאדל que comme un nom composé de עיד fort, puissant (forme qui se trouve, comme nom propre, I Chron., 5, 8) et de אל Dieu. La vraie orthographe serait עוואל ; le א étant quiescent, on l'a supprimé, et le א qui se trouve entre les deux ע est l'Aleph de prolongation, très-fréquent en arabe et dont on trouve aussi des exemples en hébreu. Le nom de Azaz-él est tout à fait analogue au nom propre Azazyahou qu'on trouve I Chron., 15, 21 ; 27, 20 ; et II Chron., 31, 13. Depuis Bochart on a fait venir le mot Azazel de la racine arabe עול qui signifie éloigner, écarter ; mais, quoi que cette opinion soit maintenant généralement adoptée par les plus illustres exégètes allemands, tels que Gesénius, Winer, Ewald et autres (qui diffèrent néanmoins dans l'application), elle me parait absolument inadmissible ; non-seulement la racine עול ne se trouve nulle part en hébreu, mais aussi la forme du mot Azazel, de quelque manière qu'on l'interprète, serait tout à fait insolite.

[194] Voyez Jahn, Archæologie, III, 321 ; Bæhr, Symbolik, II, 668 ; Winer, Realwœrterbuch, II, 767.

[195] Tout le rituel du jour des expiations, tel qu'on l'observait dans le second temple, à partir du sacrifice quotidien du matin jusqu'à celui du soir, est décrit, avec les détails plus minutieux, dans la Mischna, 2e partie, traité Yoma, ch. 3-7, et dans l'abrégé du Thalmud de Maimonide, l. XIII, section 8 (ch. 4). — Le traité Yoma a été publié avec une traduction latine et un commentaire par Robert Sheringham,  Londres, 1648 ; tout le livre vin de Maimonide a été également publié en latin, sous le titre De cultu divino, par L. de Veil, Paris, 1688.