L'histoire primitive de la Palestine ne nous est connue que par quelques traditions conservées dans les livres sacrés des Hébreux. Ce que nous avons à dire à ce sujet se réduit à un très-petit nombre de dates, et il s'agit seulement de présenter, dans un certain ordre, les faits historiques ou traditionnels, disséminés dans l'Écriture sainte, ainsi que les données qui résultent de la combinaison de certains passages. Les peuples qui occupèrent, avant les Hébreux, les contrées dont nous avons donné la description peuvent se diviser en trois races, savoir : les Aborigènes ou les peuples géants, les Cananéens et les Philistins. A. LES ABORIGÈNES OU LES PEUPLES GÉANTS. A côté des Cananéens, établis dans le pays dès le temps d'Abraham (Genèse, 12, 6), nous trouvons les restes d'une autre race plus ancienne, que les Cananéens avaient exterminée en grande partie ou forcée d'émigrer. Les différents noms que la Bible donne à cette race, indiquent généralement des hommes de haute stature et d'une grande force ; c'était une race gigantesque devant laquelle les Hébreux n'étaient que comme des sauterelles (Nombres, 13, 33) et que les Moabites appelaient Emîm, c'est-à-dire formidables (Deutér., 2, 11). On la désigne, en général, sous le nom de Rephaïm (ib. v. 11 et 20), que les versions chaldaïque et syriaque, ainsi que la Vulgate, rendent par géants. Les Rephaïm se divisaient en plusieurs peuplades, savoir : 1° Les Rephaïm proprement dits, probablement les descendants de Rapha (2 Sam., 21, v. 16 et 18) ; ils habitèrent le pays de Basân, et leur capitale était Astharoun-Karnaïm[1] (Genèse, 14, 5). Du temps de Moïse, les Amorrhéens habitaient déjà leur pays ; mais le roi Og était un des débris de leur race, et son sarcophage en basalte qu'on voyait à Rabbath-Ammôn, avait neuf coudées de long et quatre coudées de large (Deut. 3, 11). Il possédait soixante villes fortes, entourées de hautes murailles, avec des portes et des verrous, et, en outre, un grand nombre de villes ouvertes (ib. v. 4 et 5). 2° Les Émîm, établis dans le pays qui plus tard s'appelait Moab, et aussi dans la plaine de Kiryathaïm (Gen. 14, 5). 3° Les Zamzummîm ou les Rephaïm du pays d'Ammôn (Deut. 2, 20). 4° Les Zouzîm à Hâm[2], pays inconnu. 5° Les Anakîm ou fils d'Anak, répandus dans les montagnes du pays de Canaan. De cette branche étaient les Nephilim que la Vulgate appelle monstra quædam de genere giganteo, et les familles d'Achiman, Sésaï et Thelmaï, qui demeuraient à Hebron, ville d'Arba l'Anakite[3] (Nomb., 13, v. 23 et 34). Il y avait aussi des Anakîm à Debir, à Anab, dans toutes les montagnes de Juda et d'Israël, de même à Gaza, Gath et Asdod (Josué, 11, v. 21, 22). Outre ces peuples de géants, on mentionne encore, comme habitants primitifs de ces contrées : Les Horîm (c'est-à-dire Troglodytes), qui habitaient surtout les montagnes de (mot manquant) maintenant El-scherah ; les Avvim, qui habitaient la plaine au S. O. jusqu'à Gaza ; enfin les peuplades Kéni, Kenizi et Kadmoni, mentionnées à côté des peuplades cananéennes (Gen. 15, 19). Kenizi et Kadmoni sont inconnus du reste ; quant aux Kénites, Bileam les voit d'une hauteur, à côté d'Amalek (Nomb. 24, 21), et il résulte aussi d'un passage du Ier livre de Samuel (15, 6), qu'ils étaient établis parmi les Amalécites, au midi de la Palestine. Une de leurs branches s'établit parmi les Hébreux[4]. Les aborigènes de la Palestine, à l'ouest du Jourdain, avaient subi déjà du temps d'Abraham l'invasion des peuples cananéens. Les rois de Sodom, de Gomorrhe, d'Adama, de Seboïm et de Segor, dont on ne nous fait pas connaître la race[5], étaient tributaires de Kedorlaomer, roi d'Élam, ou de la Susiane (maintenant le Khouzistan). Pendant douze années ils avaient supporté le joug ; dans la treizième ils se révoltèrent (Gen. 14, 4). Le roi d'Élâm arriva donc, dans la quatorzième année, accompagné de trois autres rois, ses alliés, pour punir les vassaux révoltés. Chemin faisant, ils attaquèrent et défirent les Rephaïm, les Zouzîm et les Émîm, établis à l'est du Jourdain ; ils s'avancèrent même au midi et au S. O. des villes révoltées et battirent les Horîm sur le mont Séïr, puis revenant par Kades-(Barnéa) et retournant à l'est, ils détirent les habitants du pays d'Amalek, et les Amorites qui demeurèrent à Hasason-Thamar ou Én-Gadi. Les rois des cinq villes attendirent l'ennemi dans la plaine de Siddîm, où, peu de temps après, par suite d'une éruption volcanique, se forma le lac Asphaltite. Ils furent totalement défaits par Kedorlaomer, leurs troupes prirent la fuite, et périrent en partie, en tombant dans les nombreux puits d'asphalte qui se trouvaient dans la plaine. Kedorlaomer et ses alliés s'en retournèrent avec un grand butin ; mais ayant emmené, parmi les captifs, Lot, neveu d'Abraham, celui-ci se mit à leur poursuite, avec trois cent dix-huit esclaves[6], les battit et ramena tout le butin et tous les captifs. Les villes de Sodom, Gomorrhe, Adama et Seboïm furent détruites quelque temps après par la catastrophe dont nous avons déjà parlé dans la partie géographique. Le pays des Rephaïm à l'est du Jourdain fut envahi, sans doute, par les Amorites, car on appelle Sihon et Og rois des Amorites (Deut. 3, 8), quoique Og descendît des Rephaïm. Les Émîm furent dépossédés par les Moabites (ib. 2, 9), et les Zamzummîm par les Ammonites (ib. v. 20). Les Horîm furent vaincus par les Édomites ou Iduméens (ib., v. 12 et 22) ; cependant, dans la Genèse (36, v. 20, 21), nous trouvons des tribus horites à côté de celles des Édomites. Les Avvim furent envahis par une colonie de Caphthorîm (Deut. 2, 23), qui, comme on le verra plus loin, sont les Philistins ; mais encore du temps de Josué nous trouvons des Avvim à côté des Philistins (Jos. 13, 3). Quant aux Anakim, ils étaient encore nombreux et redoutables du temps de Moïse : Écoute Israël, dit Moïse, tu passes aujourd'hui le Jourdain, pour déposséder des nations plus grandes et plus puissantes que toi, des villes grandes et fortifiées jusqu'au ciel ; un peuple grand et de haute stature, les enfants des Anakîm que tu connais, et dont tu as entendu dire : Qui peut se tenir devant les enfants d'Anak ? (Deut. 9, v. 1, 2.) Josué extermina tous les Anakîm, à l'exception de ceux qui étaient établis à Gaza, à Gath et à Asdod (Jos. 11, 22). Peut-être le géant Goliath était-il un descendant de ceux de Gath. Depuis le temps de Josué les noms des peuples géants disparaissent de l'histoire ; quelques descendants de Rapha sont encore mentionnés sous David (2 Sam. 21, 16). B. LES CANANÉENS. Selon la table généalogique de la Genèse (10, 15), Canaan, fils de Cham, eut onze fils, savoir : Sidon, Heth, Yebousi, Emori, Guirgasi, Hivvi, Arki, Sini, Arwadi, Semari, Hamathi. Ces noms, à l'exception des deux premiers, ont tous l'article et la terminaison qui, en hébreu, indique la relation de famille ou de race, et il est évident que ce sont les noms de différents peuples que la tradition faisait remonter à la même origine et qui se trouvent ici personnifiés. Ce sont ces peuples que les écrivains grecs appellent Φοίνικες (Phéniciens), en prenant ce mot dans son acception la plus large ; il est vrai que les auteurs grecs classiques ne désignent généralement par le nom de Phéniciens que ceux des peuples cananéens qui habitaient au nord de la Palestine, mais la version grecque de la Bible le met aussi quelquefois pour les Cananéens de la Palestine dépossédés par les Hébreux[7]. Or, Hérodote (liv. 1, ch. 1) nous apprend que, d'après les historiens des Perses, les Phéniciens étaient venus de la mer Rouge s'établir sur les côtes de la Méditerranée. Dans un autre endroit (l. 7, ch. 89) Hérodote rapporte que les Phéniciens disaient eux-mêmes avoir anciennement habité sur la mer Rouge. Mais ce qu'Hérodote appelle la mer Rouge (Έρυθρή θάλασσα) est tantôt tout l'océan austral, d'où sortent le golfe Persique et le golfe Arabique, tantôt, dans un sens plus restreint, l'un de ces deux golfes. Les opinions sont donc divisées sur les deux passages que nous venons de citer : les uns prétendent qu'Hérodote parle ici de ce que nous appelons la mer Rouge, ou du golfe Arabique ; les autres, s'appuyant de l'autorité de Strabon, qui dit expressément que les Phéniciens vinrent du golfe Persique à la Méditerranée, pensent, avec plus de vraisemblance, que c'est de ce même golfe que parle Hérodote[8]. Quoi qu'il en soit, ce qu'il nous importe de constater ici, c'est que les Cananéens n'étaient pas indigènes en Palestine et qu'ils y étaient venus d'un autre pays[9]. Les anciennes traditions ne nous font pas connaître l'époque de cette migration des Cananéens, mais elle a dû avoir lieu environ deux mille ans avant l'ère chrétienne, car lorsque Abraham vint en Palestine les Cananéens y étaient déjà établis[10]. Sur les onze peuples descendus de Canaan, six s'étaient établis au nord de la Palestine, où ils avaient fondé des villes, savoir : Sidon (les Sidoniens) sur la côte de la Méditerranée ; Arki, à Arca, au nord de Tripolis ; Sini, probablement au S. O. du Liban, où se trouvait, selon Strabon, une forteresse appelée Sinna[11] ; Arwadi sur la petite île d'Aradus ; Semari, probablement à Simyra, près d'Antaradus à l'ouest du Liban[12] ; Hamathi à Hamath (Épiphanie) en Syrie. Nous n'avons pas à nous occuper ici de ces peuplades qui appartiennent à la Phénicie proprement dite, ou à la Syrie. Il nous reste cinq peuples cananéens établis en Palestine ; savoir : 1° les Héthites, 2° les Yebousites (ou Jébusites), 3° les Émorites (ou Amorites), 4° les Guirgasites, les Hyvites (ou Hévites). A côté de ces cinq peuplades nous trouvons encore mentionnés : 6° les Canaanites (probablement d'un autre Canaan, descendant de l'un des onze fils du premier Canaan), et 7° les Phérizites, qui ne formaient peut-être pas une tribu particulière, mais qui étaient en général les campagnards[13]. Ce sont là les sept peuples que la Bible mentionne comme habitants du pays et que les Hébreux devaient expulser[14]. Voici sur ces peuplades quelques détails géographiques et historiques. 1° Les Héthites demeurèrent dans les montagnes (Nomb. 13, 29), surtout dans les environs de Hebron. C'est là que, après la mort de Sarah, Abraham s'adresse aux Héthites pour acquérir un tombeau de famille (Genèse, ch. 23). Esaü épousa deux femmes héthites (ib. 26, 34). Nous trouvons les restes de ce peuple encore longtemps après l'invasion des Hébreux. Le malheureux tria, l'un des généraux de David (2 Sam. 23, 39) et mari de Bathséba, était Habite ; dans le harem du roi Salomon se trouvaient des femmes héthites (1 Rois, 11, 1). Le mot Héthites se trouve quelquefois pour Cananéens en général (Jos., 1, 4), et c'est sans doute dans ce sens qu'on mentionne encore des rois des Héthites[15], après que les derniers restes de ce peuple eurent été subjugués par Salomon. 2° Les Jébusites ou Yebousites étaient établis dans la ville de Jérusalem et dans ses environs. Jusqu'au temps de David ils restèrent maîtres du fort de Sion, et même après la perte de ce fort, ils demeuraient en paix parmi les Hébreux ; David acheta d'un Jébusite, nommé Aravna, la place où Salomon fit bâtir le temple (2 Sam. 24, 16 et suiv.). 3° Les Amorites, de haute stature comme les cèdres, et forts comme les
chênes (Amos, 2, 9),
occupèrent, comme on l'a vu plus haut, les environs d'En-Gadi, à l'ouest de
la mer Morte. Nous les trouvons aussi dans les montagnes (Nomb., 13, 29), et même jusque dans les
environs de Yafo et de Yabné ; car on lit dans le livre des Juges (1, 34) qu'ils forcèrent la tribu de Dan de
rester sur les montagnes et ne h laissèrent pas descendre dans la plaine. Il
paraît que les Amorites étaient les plus puissants des habitants des
montagnes ; c'est pourquoi ceux-ci se trouvent quelquefois désignés en
général sous le nom d'Amorites (Jos., 5, 1 ; 10, 5), qui s'étend même à tous
les peuples de Canaan (Genèse, 15, 16 ; Amos,
2, 10). Les montagnes de la Judée sont appelées montagnes des Amorites (Deut., 1, v. 7, 19 et 20). A l'est du Jourdain, les Amorites
avaient fondé, avant le temps de Moïse, deux royaumes : l'un dans le Basân,
au nord du Yabbok, ayant pour
capitales Astharoth et Edréi ; l'autre entre le Yabbok et l'Arnôn,
dont la capitale était Hesbôn[16]. A l'arrivée des
Hébreux sous Moïse, le royaume du nord était gouverné par le roi Og, celui du
midi par le roi Sibên, qui avait arraché ce pays aux Ammonites[17] et aux Moabites.
Un antique poème dit : Un feu est sorti de Hesbôn,
une flamme de la ville de Sihôn, qui a dévoré Ar (la ville) de Moab,
les maîtres des hauteurs de l'Arnôn. Malheur à toi, Moab ! tu es perdu,
peuple de Camôs ; on a rendu ses fils fuyards, et ses filles captives du roi
d'Amori, Sihôn. (Nombr. 21, v. 28, 29). Les deux rois furent vaincus par Moïse, comme on le verra dans l'histoire des Hébreux. 4° Les Guirgasites ou Gergesites. Il ne résulte d'aucun passage de la Bible de donnée certaine sur les lieux qu'habitait cette peuplade ; mais, ce qui est certain, c'est qu'elle demeurait parmi les autres peuples cananéens à l'ouest du Jourdain. Selon quelques éditions des Évangiles (Math., 8, 28), nous trouvons le territoire des Gergeséens ou Gergesites à l'est du lac de Tibériade ; mais le mot Γεργεσήνων n'a été placé ici que par une simple conjecture d'Origène, qui ne s'appuie sur aucune autorité plus ancienne[18]. 5° Les Hévites étaient établis principalement au pied du Hermon ou de l'Antiliban (Josué, 11, 3 ; Juges, 3, 3). Mais nous trouvons aussi des familles hévites à Sichem ; Hamor, prince des Sichemites, du temps de Jacob, est appelé Hévite (Genèse, 34, 2). Les Gabaonites ou habitants de Gabaon, qui, par une ruse, obtinrent la paix des Hébreux (Josué, ch. 9), étaient également des Hévites (ib. 11, 19). Josué en fit des scieurs de bois et des porteurs d'eau pour le service du tabernacle. 6° Les Canaanites demeuraient à l'est et à l'ouest (Jos. 11, 3), c'est-à-dire dans les plaines, à l'ouest du Jourdain et sur la Méditerranée (Nombres, 13, 29). Nous les trouvons à Gazer près d'Emmaüs (Jos. 16, 10 ; I Rois, 9, 16) ; ils occupaient Bethscheân et ses environs, ainsi que la plaine d'Esdrélon ; et, par leurs chariots de fer, ils se rendirent redoutables aux Ephrahnites (Jos. 17, 19). 7° Les Phérisites. Du temps d'Abraham nous les trouvons dans les environs de Beth-el (Genèse, 13, 7). Plus tard nous les voyons dans les montagnes d'Ephraïm (Jos. 17, 15) et de Juda (Juges, I, 4). Lorsque Josué fit la conquête du pays de Canaan, ce pays était divisé en un grand nombre de petites principautés dont chacune avait son roi (Mélech). Le catalogue des rois vaincus par Josué en compte trente et un (Jos., ch. 12, v. 9-24)[19]. Les noms de plusieurs de ces rois nous sont conservés dans le livre de Josué ; tels sont : Adoni-Sédek, roi de Jérusalem ; Hoham, roi de Hebron ; Piream, roi de Yarmouth ; Yaphia, roi de Lachis ; Debir, roi d'Eglon (Jos. 10, 3) ; Horam, roi de Gazer (v. 33) ; Yabîn, roi de Hasor ; Yobab, roi de Madôn (ib. 11, 1). Il parait que plusieurs de ces principautés formaient des confédérations, sur lesquelles l'un des princes fédérés exerçait une certaine suprématie. Ainsi Adoni-Sédek fait un appel aux rois du midi, pour aller combattre les Gabaonites, qui avaient fait la paix avec Josué (10, 1-5) ; Yabin invite à la guerre contre les Hébreux tous les rois du nord, depuis le Hermôn jusqu'au midi du lac de Génésareth et jusqu'à Dôr (11, 1-3), et on nous dit expressément que la ville de Hasor était à la tête de tous ces petits royaumes du nord (ib. v. 10). Au milieu des petits royaumes de Canaan, il y avait sans doute aussi plusieurs républiques avec des formes plus ou moins aristocratiques. Il est à remarquer, par exemple, qu'on ne fait mention nulle part d'un roi de Gabaon, l'une des principales villes de Canaan. Dans le livre de Josué (10, 2) elle est appelée une ville grande, comme une des utiles royales. Les députés des Gabaonites parlent à Josué, au nom de leurs anciens et de tous leurs compatriotes (9, 11). Il est évident que Gabaon formait avec trois autres villes, Caphira, Beéroth et Kiryath-Yearîm (9, 17), un petit État républicain. Les habitants de Gabaon, comme nous l'avons déjà dit, étaient Hévites ; il paraîtrait que les institutions républicaines avaient été, de tout temps, en faveur chez ce peuple. Le Hévite Hamor, prince de Sichem, pour traiter avec les fils de Jacob, a besoin de porter l'affaire devant l'assemblée du peuple (Genèse, 34, 20) ; il n'a pas le titre de Mélech (roi), mais celui de Nâsi (prince)[20] et, du temps de Josué, la ville de Sichem ne figure pas non plus parmi les villes royales. Les princes cananéens succombèrent presque tous dans la lutte qu'ils eurent à soutenir contre les Hébreux ; les peuples de Canaan furent exterminés en grande partie. Il est probable que pendant cette guerre si désastreuse pour les Cananéens, une partie de la population aura émigré dans d'autres pays ; et si nous en croyons une tradition vague répandue en Afrique depuis les temps anciens et jusqu'à nos jours, les peuplades de l'Atlas seraient en partie les descendants des Cananéens émigrés sous Josué. Nous avons déjà dit au commencement de cet ouvrage que, encore du temps de saint Augustin, les paysans des environs d'Hippone (maintenant Bone) s'appelaient eux-mêmes Chanani ou Cananéens[21]. Selon Eusèbe (Chron., l. I), les Cananéens émigrèrent à Tripolis en Afrique. Procope, auteur grec païen du sixième siècle, qui ne paraît pas avoir connu le litre de Josué et qui puisa, comme il le dit lui-même, dans les écrivains qui ont écrit l'histoire ancienne des Phéniciens, parle des Phéniciens (Cananéens) qui prirent la fuite devant Josué et qui se répandirent en Afrique jusqu'aux colonnes d'Hercule : Là, dit-il, ils habitent encore, et ils se servent de la langue phénicienne. Ils bâtirent un fort dans une ville numidienne, là où est maintenant la ville qu'on appelle Tigisis. Il y a là, près de la grande fontaine, deux colonnes faites de pierres blanches, et sur lesquelles sont gravés des caractères phéniciens, qui, en langue phénicienne, disent ce qui suit : Nous sommes ceux qui ont pris la fuite devant le brigand Josué, fils de Naué[22]. — Les auteurs arabes ont aussi entendu parler de l'origine palestinienne de plusieurs peuples d'Afrique : selon Masoudi, tous les peuples répandus dans l'intérieur de l'Afrique sont descendus des enfants de Canaan[23]. Edrisi dit que les peuples d'origine berbère habitaient anciennement la Palestine ; David ayant tué Goliath le berber, les Berbers passèrent dans le Maghreb, parvinrent jusqu'aux extrémités les plus reculées de l'Afrique et s'y répandirent[24]. Enfin les Juifs de Barbarie, encore aujourd'hui, donnent aux Berbers le nom de Pelischthim (Philistins ou Palestiniens). Cependant la langue des Berbers ne paraît avoir aucun rapport avec le phénicien, ni avec aucune autre langue de cette famille. — Quelle que soit d'ailleurs la valeur de ces différentes traditions, l'émigration en Afrique des peuples de Canaan n'a, en elle-même, rien d'invraisemblable ; des tribus cananéennes refoulées vers la mer, par les Hébreux venus de l'est du Jourdain, ont pu s'embarquer et chercher un refuge sur les côtes de l'Afrique. Nous passons sous silence plusieurs autres détails de l'histoire de Canaan qui devront nécessairement trouver place dans l'histoire des Hébreux. Nous dirons seulement que, après l'invasion de ces derniers, les Cananéens restèrent maîtres, non-seulement de toute la côte jusqu'au pays des Philistins, mais aussi de beaucoup de villes de l'intérieur. On peut voir, dans le premier chapitre des Juges (v. 21 et suiv.), les noms des villes dont les Cananéens ne purent être expulsés ; avec le temps elles devinrent, en partie, tributaires des Hébreux (ib. v. 28). Plusieurs principautés cananéennes conservèrent leurs propres rois, comme nous l'avons dit en parlant des Héthites. Près de deux siècles après la mort de Josué, Yabîn, roi de Hasor, opprima les Hébreux pendant vingt années ; il avait neuf cents chariots de fer. Son armée, conduite par Sisera, fut enfin défaite par Barak. Dans le premier livre de Samuel (7, 14) nous lisons qu'Israël était en paix avec les Amorites, ce qui prouve que les peuplades cananéennes n'étaient pas encore entièrement soumises du temps de Samuel. Lorsque Joab, général de David, fait le recensement de la population, il va aussi dans les villes des Hévites et des Canaanites (2 Sam. 24, 7). Enfin Salomon rendit tributaires toutes les peuplades qui restèrent des Amorites, des Héthites, des Hévites et des Jebusites (I Rois, 9, 20). Dans les livres des Rois (ib. v. 21) on lit : que ces descendants des Cananéens restaient tributaires et soumis aux corvées jusqu'à ce jour, ce qui prouve qu'ils existaient encore parmi les Hébreux à l'époque où ce document fut écrit. Il n'est pas invraisemblable que dans quelques contrées ils aient pu profiter du schisme qui eut lieu sous Roboam, fils de Salomon, et des guerres qui en furent la suite, pour se rendre indépendants ; ceci expliquerait l'apparition des rois des Héthites, du temps du prophète Elisa (II Rois, 7, 6). Enfin, encore après le retour de l'exil, nous, trouvons plusieurs peuples cananéens parmi ceux avec lesquels les Juifs s'étaient mêlés par des mariages mixtes (Ezra, 9, v. 1 et 2). Plus tard il n'est plus question des Cananéens. C. LES PHILISTINS. Au nombre des fils de Misraïm, c'est-à-dire, des colonies égyptiennes, la table généalogique de la Genèse (10, 14) compte les Caslouhîm, d'où sortirent les Pelischthim (Philistins) et les Caphthorim. Selon le prophète Amos (9, 7), les Philistins étaient venus de Caphthor ; aussi Jérémie (47, 4) les appelle-t-il les restes de l'île de Caphthor. Dans le Deutéronome (2, 23) nous lisons également que les Avvim (qui, comme on l'a vu, habitaient le pays occupé plus tard par les Philistins) furent envahis par une colonie de Caphthorim. Ainsi tous ces passages s'accordent à faire venir les Philistins des Caphthorim, tandis que la table généalogique les fait venir des Caslouhîm. Il me semble que la difficulté peut se résoudre en supposant que les Caslouhîm habitèrent parmi les Caphthorîm, auxquels ils étaient soumis, de sorte que les Philistins pouvaient être les descendants des Caslouhîm et être appelés néanmoins une colonie des Caphthorîm. Le passage d'Amos est très-favorable à cette hypothèse ; on y compare la sortie des Philistins du pays de Caphthor à la sortie des Israelites du pays d'Égypte. Quoi qu'il en soit, il est certain que les Philistins étaient une colonie venue de Caphthor. Mais quel est ce pays de Caphthor ? Les Septante, les versions chaldaïque et syriaque et la Vulgate s'accordent à le prendre pour la Cappadocie dans l'Asie Mineure[25], et cette opinion a été admise par Bochart[26]. Mais Jérémie donne à Caphthor le nom de אי, c'est-à-dire île ou pays maritime, ce qui ne peut convenir à la Cappadocie[27]. Reland (Palæst., p. 74) prend Caphthor pour Petusium, parce qu'il trouve dans ce nom une ressemblance avec celui de Philistins. D'autres ont pensé à l'île de Chypre ; mais le nom hébreu de cette île est Kitthîm. Ce qui est le plus probable, c'est que Caphthor est l'île de Crète. Les prophètes Ézéchiel (25, 16) et Sophonias (2, 5) donnent aux Philistins le nom de Créthîm, et très-probablement ils sont désignés sous le même nom, dans le Ier livre de Samuel (30, 14). On peut encore citer, à l'appui de cette opinion, que, selon Étienne de Byzance, Gaza, l'une des villes principales des Philistins, portait anciennement le nom de Minoa, parce que Minos, roi de Crète, accompagné de ses frères, Æacus et Rhadamante, y avait conduit une colonie. On y voyait, selon le même auteur, le temple de Jupiter Cretensis, qu'on y adorait sous le nom de Marnas[28]. De même que les Crétois parmi les Grecs, les Philistins étaient célèbres en Palestine, comme habiles archers, et peut-être le corps des Crethi que nous trouvons si souvent mentionné, comme faisant partie de la garde royale de David, n'était-il qu'une compagnie d'archers, formée sur le modèle des célèbres archers philistins[29]. Quant au nom de Pelischtim ou Philistins, il signifie, sans doute, Émigrés ; déjà la version grecque des prophètes et des hagiographes rend ce nom par άλλόφυλοι (forains, étrangers)[30]. Ce fut dans la plaine au S. O. de Canaan, au midi de Yafo, jusqu'à la frontière d'Égypte, que s'établirent les Caphthorîm émigrés, et cette contrée reçut alors le nom de Peléscheth ou Pheléseth, d'où vient le nom de Palestine. Nous ne saurions indiquer avec précision l'époque de l'arrivée des Caphthorîm. Elle a dû avoir lieu après celle des Cananéens ; car à une certaine époque, les possessions des Cananéens s'étendaient au midi jusqu'à Genar et Gaza (Gen. 10, 19), et renfermaient, par conséquent, le territoire philistin. On pourrait être tenté de croire que les Philistins existaient à l'époque d'Abraham et d'Isaac ; car il est question du pays des Philistins dès le temps d'Abraham (Genèse, 21, v. 32 et 34), et, dans l'histoire d'Isaac, Abimélech, roi de Gerar, est appelé expressément roi des Philistins (ib. 26, V. 1) ; ce sont les Philistins qui bouchent les puits creusés par Abraham. Mais il se peut que l'auteur de la Genèse se soit servi du mot Philistins par anticipation, en parlant du pays où, plus tard, s'établirent les Philistins. Toujours est-il certain que les Philistins étaient établis dans le pays dès avant Moïse ; non-seulement le Deutéronome parle de l'invasion des Caphthorîm, mais aussi dans le cantique de Moïse, chanté après le passage de la mer Rouge, et dont une critique raisonnable ne saurait mettre en doute l'authenticité, il est question des habitants de Peléscheth (Exode, 15, 14). Nous croyons même trouver indiqué dans un passage du Ier livre des Chroniques (ch. 7, v. 21, 22) que, à une époque où Éphraïm, fils de Joseph, vivait encore, au moins une génération de Philistins avait déjà vécu dans le pays. On raconte dans ce, passage que quelques-uns des fils d'Éphraïm (qui alors vivaient en Égypte) avaient fait une excursion sur le territoire de Gath, pour s'emparer des troupeaux de ce pays, et qu'ils furent tués par les habitants de Gatti, NÉS DANS LE PAYS[31], ce dont Éphraïm, leur père, fut longtemps dans le deuil. — Ainsi nous ne croyons pas nous tromper, si nous faisons remonter l'arrivée de la colonie des Caphthorîm ou Crétois à dix-huit siècles environ avant l'ère chrétienne. On pourrait s'étonner d'après cela que, dans le Pentateuque, les Philistins ne soient jamais mentionnés parmi les peuples que les Hébreux devaient expulser du pays de Canaan. Mais Moïse, connaissant l'esprit guerrier des Philistins, paraît avoir prévu que les Hébreux trouveraient toujours dans ce peuple un rude adversaire, et il ne voulut pas les engager à risquer une attaque de ce côté. Il nous fait entendre lui-même (Exode, 13, 17) qu'il évita de conduire les Hébreux par le pays des Philistins, quoique ce fût là le chemin le plus court, parce qu'il ne voulait pas s'exposer à les démoraliser par une première défaite. Plus tard Josué, enhardi par ses succès, après avoir vaincu trente et un rois cananéens, nomme aussi les districts des Philistins parmi les pays dont les Hébreux devaient prendre possession, et c'est ici qu'il est question, pour la première fois, des cinq princes des Philistins, qui portaient le titre de seranîm (axes, pivots). Leurs principautés étaient : Gaza, Asdôd, Ascalôn, Gath et Ekrôn (Jos. 13, 3)[32]. Josué les donna même d'avance en partage à la tribu de Juda (ib. 15, v. 45 et suiv.). Cette tribu, après la mort de Josué, s'empara en effet des principautés de Gaza, d'Ascalôn et d'Ekrôn (Juges, 1, 18), mais elle ne sut pas s'y maintenir ; car bientôt après nous retrouvons les cinq principautés des Philistins indépendantes (ib, 3, 3). Sous les juges, comme sous les rois, jusqu'à l'époque d'Ézéchias, nous trouverons les Hébreux presque toujours en collision avec les Philistins, tantôt vainqueurs tantôt vaincus. Nous nous contenterons donc ici d'indiquer rapidement les événements les plus remarquables de l'histoire des Philistins, renvoyant, pour les détails, à l'histoire des Hébreux. Sous le juge hébreu Samgar (environ 1370 ans avant l'ère chrétienne), les Philistins, ayant essayé probablement d'attaquer les tribus de la Judée, furent repoussés avec une perte de six cents hommes (Juges, 3, 31). Près de deux siècles après cet événement, ils commencèrent à faire peser leur joug sur les Hébreux (ib. 10, 7) Ce fut a peu près à la même époque que, selon une tradition rapportée par Justin, les Philistins d'Ascalôn vainquirent les Sidoniens, qui, forcés d'émigrer, fondèrent alors la ville de Tyr[33]. La puissance des Philistins alla toujours croissant jusqu'à l'époque de Samson (ib, 13, 1), qui commença à les humilier (ib. v. 5). Lorsqu'il mourut sous les ruines du temple de Dagôn à Gaza, trois mille Philistins, hommes et femmes, y périrent avec lui. Mais les Philistins furent encore très-puissants du temps d'Éli et de Samuel ; ils conquirent même l'arche sainte des Hébreux et la placèrent dans le temple de Dagôn à Asdôd, mais ils la rendirent, leurs prêtres ayant déclaré qu'elle était la cause des maladies dont ils étaient alors affligés. Ils furent constamment en guerre avec Saül. Il paraîtrait que, à cette époque, ils changèrent la forme de leur gouvernement ; car nous trouvons un roi (MÉLECH) des Philistins, nommé Achis, qui réside à Gath (I Sam. 26, 2). Dans l'épigraphe du 34e psaume, ce même roi est appelé Abimélech (père-roi), et il paraît que c'était le titre ordinaire des rois de ces contrées, car le roi de Gerar, du temps d'Abraham et d'Isaac, est également appelé Abimélech. Le roi Achis n'a cependant qu'un pouvoir limité, et nous voyons à côté de lui une puissante aristocratie qui lui impose ses volontés (ib. 29, v. 3 et suiv.). Près du mont Gelboa, les Philistins obtinrent un éclatant succès sur Saül, qui périt dans le combat ainsi que ses fils. Sous David, ils furent battus plusieurs fois (2 Sam. 5, 25 ; 8, 1, et 23, 10), et l'empire de Salomon renferma tout le pays des Philistins, car il s'étendit jusqu'à Gaza (1 Rois, 5, 4, ou 4, 24). Parmi les villes restaurées ou fortifiées par Roboam, fils de Salomon, nous trouvons aussi celle de Gath (2. Chron. 11, 8). Les guerres civiles qui éclatèrent bientôt parmi les Hébreux profitèrent probablement aux Philistins. Sous le roi Josaphat, qui sut se faire craindre des peuples voisins, les Philistins payèrent un tribut (2 Chron., ch. 17, v. 10, 11) ; mais déjà sous Joram ils firent, en commun avec les Arabes, une invasion dans le royaume de Juda (ib. 21, 16). Ouzia (Ozias) leur fit la guerre ; il les soumit, et, après avoir démoli les fortifications de Gath, de Yabné et d'Asdôd, il éleva des forteresses israélites sur le territoire philistin (ib. 26, 6). Mais sous Achaz, probablement à la fin de son règne (728 avant l'ère chrétienne), les Philistins se relevèrent ; ils se répandirent dans la plaine de Schefélah et dans tout le midi de la Judée, et y firent la conquête de plusieurs villes (ib. 28, 18). Le prophète Isaïe alors les avertit de ne pas se réjouir trop tôt, et il leur prédit qu'ils seraient humiliés par une puissance arrivée du Nord : Ne te réjouis pas tout entière, ô Philistée, de ce que le bâton de celui qui te frappait est maintenant brisé ; car de la racine du serpent sortira un basilic, dont le fruit sera un dragon volant. Et les aînés des pauvres[34] iront au pâturage et les indigents se reposeront avec sécurité ; tandis que je ferai périr ta racine par la faim, et qu'on tuera ton reste. Gémis, ô porte ! crie, ô ville ! tu défailles, ô Philistée, tout entière ! Oui, du nord vient une fumée, de ses niasses pas un seul ne reste en arrière. Mais que répondent les messagers des nations (étrangères)[35] ? Que Jehova a fondé Sion, et que les malheureux de son peuple y trouvent un refuge. (Isaïe, ch. 14, v. 29-32.) Le roi Ézéchias obtint de grands avantages sur les Philistins, et les poursuivit jusqu'à Gaza (2 Rois, 18, 8), et bientôt arriva la fumée du nord annoncée par le prophète : Sargôn, roi d'Assyrie, ayant envoyé une armée contre l'Égypte, sous le commandement de son général Tharthân, celui-ci occupa, vers l'an 716 avant J. C., la forteresse philistéenne d'Asdôd, qui était, en quelque sorte, la clef de l'Égypte (ib. 20, 1). Sargôn, roi d'Assyrie, qui n'est mentionné que dans ce seul passage d'Isaïe, fut très-probablement le prédécesseur de Sennachérib, qui fut si malheureux dans son expédition contre la Judée. Les Assyriens, malgré leur défaite devant Jérusalem, se seraient-ils maintenus dans la forteresse d'Asdôd C'est ce que nous ne saurions affirmer. Nous savons seulement par Hérodote, que Psammétique, roi d'Égypte, mit le siège devant cette ville[36], mais on ne nous dit pas qui l'occupait alors[37]. Ce ne fut qu'au bout de vingt-neuf ans qu'elle tomba au pouvoir des Égyptiens. Ce fut aussi pendant le règne de Psammétique que les Scythes envahirent la Philistée et pillèrent le temple de Vénus Urania à Ascalôn (Hérod., II, 105). A l'approche des victorieux Chaldéens, les prophètes de la Judée prédisent l'entière ruine de la Philistée[38]. Dans la lutte qui s'établit entre les conquérants asiatiques et l'Égypte, le pays des Philistins était constamment en butte aux attaques des deux adversaires. Un Pharaon d'Égypte, probablement Nécho, fit alors la conquête de Gaza (Jérém. 47, 1). Encore du fond de l'exil le prophète Ézéchiel menace les restes des Philistins de la vengeance du ciel (25, 15-17). Mais il paraît que les Chaldéens leur laissèrent encore une ombre d'existence politique, car, après l'exil de Babylone, le prophète Zacharie (9, 5) annonce que bientôt il n'y aura plus de roi à Gaza, ni d'habitants à Ascalôn, que des bâtards (des étrangers) habiteront à Asdôd, et que l'orgueil des Philistins sera humilié. Depuis lors il n'est plus question de ce peuple, dont les derniers débris furent sans doute engloutis par la vaste monarchie des Perses. — La dénomination de pays des Philistins se conserva encore pendant plusieurs siècles ; nous la trouvons encore dans le Ier livre des Maccabées (3, 24). |
[1] C'est-à-dire Astharôth aux deux cornes : c'est la ville d'Astharôth dans la Pérée ; on l'appelait ainsi par
allusion aux cornes de taureau, emblème de la déesse Astarté qu'on y adorait.
[2] Voyez Genèse, 14, 5,
texte hébreu ; les Septante remplacent ces mots par έθνη
ίσχυρά άμα
αύτοΐς, et la version syriaque traduit
dans le même sens. La Vulgate porte Zuzim
cum eis. Selon les rabbins, les Zouzim
sont les Zamzummîm.
[3] Voyez notre Topographie.
[4] Gesénius dit, dans son Dictionnaire,
que selon deux passages du livre des Juges (1, 16 ; 4, 11), les Kénites
descendirent de Hobab, beau-frère de Moïse. Comment alors ce peuple est-il
mentionné du temps d'Abraham ? Jahn, frappé, sans doute, de cette difficulté,
dit qu'il faut distinguer les Kénites de la Genèse, peuple inconnu, des Kénites
mentionnés dans le livre des Juges (Bibl. Archæologie, t. I, Ire
partie, p. 194, et t. II, Ire part., p. 87). M. Bohlen, dans son commentaire
sur la Genèse (p. 182), aime mieux citer ce passage comme un de ceux qui
prouvent que Moise n'a pas écrit le Pentateuque. Mais quels qu'en
fussent les auteurs, ils devaient connaître l'histoire de leur pays aussi bien
que nos critiques modernes, et avoir assez de bon sens, pour ne pas faire
remonter les Kénites jusqu'a Abraham et pour ne pas faire prononcer à Bileam,
contemporain de Hobab, un oracle sur les Kénites. Le fait est que Jahn, Gesénius
et autres, se sont trompés sur le sens des deux passages des Juges, dont
il ne résulte nullement que les Kénites descendirent de Hobab, mais seulement
que Hobab appartenait au peuple des Kénites. Dans le premier passage (I, 19) on
lit : les fils du Kénite, beau-frère de Moïse ;
dans le second passage (4, 11) il est dit que Héber le
Kénite s'était séparé (du peuple) de Caïn, des
fils de Hobab, beau-frère de Moise. Ici le texte, en nous disant que
Héber était du peuple kénite, nous fait connaitre aussi à quelle famille de ce
peuple il appartenait, savoir à la famille de Hohab. La construction des mots
est parfaitement analogue à celle qu'on trouve Nombres, 1, 32 : filiis Joseph, filiis Ephraim. — Dans le livre
des Nombres (10, 29) Hobab est appelé Midianite, parce qu'il s'était
établi parmi ce peuple.
[5] Il me semble résulter d'un
passage de la Genèse (13, 12) qu'ils n'étaient pas Cananéens ; car on y
distingue la terre de Canaan des villes situées dans les environs de Sodom.
[6] Josèphe en fait autant de
chefs de bande, qui avaient chacun un grand nombre de troupes sous leur
commandement. Voyez Guerre des Juifs, V, 9, § 4, édit. de Havercamp, t.
II, p. 348.
[7] Par exemple Josué, 5, 1
et 12.
[8] Voyez à ce sujet Ritter, Erdkunde,
t. II, p. 163 (Ière édition). L'argument que Ritter tire de quelques villes
homonymes que l'on trouve sur le golfe Persique et dans la Phénicie, telles que
Tyrus, Aradus,
ne prouverait rien à lui seul ; car ces villes du golfe Persique pouvaient être
des colonies phéniciennes. Mais les historiens des
Perses que cite Hérodote nous indiquent plus naturellement le golfe Persique. Cette opinion s'accorde aussi
avec les traditions bibliques sur les migrations des peuples, qui se font de
l'Asie centrale vers l'ouest.
[9] Ce fait se trouve aussi confirmé
par Justin, l. 18, ch. 3 : Tyriorum gens condita
Phænicibus fuit, qui terræ motu vexati, relicto patriæ solo, Assyrium stagnum
primo, mox mari proximum littus incoluerunt. L'assyrium stagnum est, sans doute, le lac Asphaltite, ou celui de Génésareth.
[10] Le texte de la Genèse
(12, 6) porte le Cananéen (était) alors dans le pays. Le mot alors peut s'expliquer ad libitum par déjà ou par encore.
Déjà Ibn-Ezra, célèbre rabbin espagnol du 12e siècle, a remarqué qu'il vaut
mieux adopter le sens de déjà, et supposer
que les Cananéens avaient enlevé la Palestine à d'autres habitants plus
anciens, et il fait entendre en même temps que, si on traduisait encore, on pourrait inférer de là que Moise n'est
pas l'auteur de la Genèse. Les paroles obscures dont Ibn-Ezra a enveloppé sa
pensée ont été longuement commentées par Spinoza (Tract. theologico-polit.,
cap. 8), et les critiques modernes se sont emparés de ce passage de la Genèse
pour prouver que Moïse n'est pas l'auteur de ce livre. Mais le sens de encore
ne nous étant nullement démontré, nous n'hésitons pas à nous ranger du côte des
partisans du déjà ; les philologues et les historiens jugeront si c'est là
abuser du langage et de l'histoire (comme le prétend M. Bohlen, Die Genesis,
p. 162.)
[11] Strabon, l. 16, c. 2, § 18.
Voyez aussi saint Jérôme, Quest. in Genes., X, 17.
[12] Voyez Rosenmüller, Archæologie,
t. II, Ière partie, p. 9.
[13] Le mot hébreu Pherizi ou Pherazi
désigne, selon son étymologie, un habitant de la campagne ou des villes
ouvertes.
[14] Voyez Deutéronome, 7, 1
; Josué, 3, 10. Dans d'autres passages on se contente d'en nommer une
partie seulement.
[15] Voyez I Rois, 10, 29 ; II
Chroniques, 1, 17 ; II Rois, 7, 6. Aux rois des Héthites, mentionnés
dans le dernier passage, Josèphe substitue le roi
des Îles. Antiquités, IX, 4, 5.
[16] Voyez sur les limites et les
villes de ces royaumes notre Topographie de la Pérée.
[17] Trois siècles après, les
Ammonites tirent encore valoir leurs droits sur ce pays. Voyez Juges,
11, 13.
[18] Voyez Reland, p. 800, 803, et
notre Topographie.
[19] Les villes royales mentionnées
dans ce catalogue sont : 1° Jéricho. 2° Aï, à l'est de Beth-el. 3° Jérusalem, ou Jebus. 4° Hebrôn. 5° Yarmouth,
dans la plaine appelée Schefélah. 6° Lachis,
dans la même plaine. 7° Eglón,
probablement entre Lachis et Hebrôn. 8° Gazer,
selon Eusèbe à 4 milles romains au nord d'Emmaüs (Nicopolis). 9° Debir, appelée aussi Kiryath-Sanna ou Kiryath
Sepher, dans les montagnes de Juda. 10° Gader,
peut-être la même que Guedera dans la plaine (Jos. 15, 36). 11° Horma ou Sephath,
à l'extrémité méridionale ou S. E. du pays de Canaan, près de la montagne de
Séir. 12° Arad, à l'ouest de Horma, près
du désert de Kades. 13° Libnah, dans la
plaine Schephéla. 14° Adullâm, dans la
même plaine. 15° Mackédah, ibid. 16° Beth-el. 17° Thappouâh,
position incertaine, mais dans la Samarie. 18° Hépher,
idem. 19° Aphék, incertaine. 20° Sarôn dans la plaine de Saron (selon d'autres, le
nom de la ville était Lassarôn). 21° Madôn, nord, incertaine. 22° Hasor, au-dessus du lac Samochonitis. 23°
Simrôn-Merôn, nord, incertaine. 24° Achsaph (Galilée). 25° et 26° Thaanach et Meghiddo,
dans la plaine de Meghiddo. 27° Kédes,
en Galilée. 28° Yokneâm, près du Carmel.
29° Dôr, au midi du Carmel. 30° Goïm, incertaine. 31° Thirsa,
plus tard capitale des rois d'Israël.
On
trouve des détails sur plusieurs de ces villes dans notre Topographie.
[20] Le mot Mélech vient d'une racine qui a le sens de posséder, régner
; Nâsi, participe passif du mot hébreu
qui veut dire élevé, élu.
[21] Voici comment s'exprime saint
Augustin, au commencement de son Exposition de l'Épitre aux Romains : Interroqati rustici nostri quid sint, punice respondentes
Chanani, corrupta scilicet voce, sicut in talibus solet, quid aliud respondent
quam Chananæi ? Saint Augustin, qui ne savait pas l'hébreu ou l'ancien
phénicien, se trompe en disant que le mot Chanani
est corrompu.
[22] Procope, De Bello vandalico,
l. II, cap. 20. L'inscription est rapportée par Procope en ces termes : Ήμεῖς ἐσμεν
οἱ φυγόντες ἀπὸ
προσώπου Ἰησοῦ
τοῦ λῃστοῦ υἱοῦ
Ναυῆ. Saint Augustin ne sait rien de cette
inscription, ce qui peut en faire suspecter l'authenticité. J'observerai
cependant qu'elle ne peut être forgée par Procope, car elle porte en effet le
cachet hébreu ou phénicien : l'expression ἀπὸ
προσώπου, de la face, pour dire
devant, n'est point grecque ; elle ne se trouve que dans la version grecque de
la Bible et dans le Nouveau Testament, et Procope, qui était païen, n'a pu s'en
servir qu'en se faisant traduire des mots phéniciens.
[23] Voyez Masoudi, cité par de
Guignes, dans les Notices et extraits des manuscrits, t. I, p. 14 et
suiv.
[24] Voyez la Géographie
d'Edrisi, traduite par M. Jaubert, t. I, p. 203.
[25] Saadia, rabbin du dixième
siècle, qui, dans sa version arabe, substitue ordinairement les noms
géographiques modernes aux noms anciens, rend Caphthor
par Damiette ; mais les interprétations
géographiques de ce rabbin ne méritent pas beaucoup d'attention. Voyez ma Notice
sur Rabbi Saadia Gaôn, p. 53. B. de Tudèle est du même avis que Saadia (Itinér.,
p. 125).
[26] Geographia sacra, p.
329.
[27] Bochart élude la difficulté en
traduisant אי par provincia.
[28] Voyez Bochart, l. c.,
p. 458. — C'est peut-être en confondant les Philistins avec les Juifs, qu'une
tradition, rapportée par Tacite, faisait venir ces derniers de l'île de Crète :
Judœos, Creta insula profugos, novissima Libyœ
insedisse memorant. Tacite, Hist., V, 2.
[29] La version chaldaïque de
Yonathan est en effet archers.
[30] La racine FLS, dans le sens de émigrer,
s'est conservée dans la langue éthiopienne ; de là les Juifs d'Abyssinie
portent encore maintenant le nom de Phalasiân
ou Falaschas, analogue à celui de
Philistins.
[31] Je crois que les mots באדע הבולדים
désignent les fils ou descendants de colons étrangers ; on peut comparer le mot
Mowalladin par lequel les Arabes
désignent ceux qui ne sont pas de pure origine arabe. Comme, pour l'époque
d'Éphraïm, on fait encore cette distinction dans le pays des Philistins, il
paraîtrait qu'il ne s'était pas passé alors un grand espace de temps depuis
l'arrivée de la colonie. — A la vérité, les livres des Chroniques sont
très-récents ; mais ils ont été rédigés en partie sur des documents fort
anciens.
[32] Voyez sur ces résidences et
sur quelques autres villes des Philistins, notre Topographie.
[33] Justini Histor., l.
XVIII, C. 3 : Post mullos deinde unnos a rege
Asculoniorum expugnati (Sidonii), navibus appulsi, Tyron urbem ante annum
Trajanæ cladis condiderant.
[34] C'est-à-dire : les plus pauvres ou les
plus humiliés.
[35] Les messagers étrangers,
envoyés pour connaître le sort de Juda.
[36] Voyez notre Topographie.
[37] Selon Gesénius, le siège du
roi d'Égypte fut dirigé contre les Assyriens. Il faudrait alors faire remonter
le commencement du règne de Psammétique bien plus haut qu'on ne le fait
communément, et c'est en effet ce que Gesénius a démontré avec beaucoup de
sagacité. Voyez son Commentaire sur Isaïe, t. I, p. 595-600 et p. 643.
[38] Voyez Jérémie, ch. 47 ; Sophonia, Ch. 2, v. 4-7.