PALESTINE

 

INTRODUCTION.

 

 

Le nom seul de Palestine fait naître en nous les sentiments les plus élevés et les plus divers. Il n'est aucun pays, quelque peu important qu'il soit par lui-même, auquel se rattachent d'aussi grands souvenirs. Dès notre première jeunesse, notre imagination, nourrie des traditions sacrées des Hébreux, aime à se transporter sur ces hauteurs où jadis dans chaque écho les âmes pieuses entendirent la voix de Dieu, où chaque pierre est un symbole de la révélation divine, chaque ruine un monument de la colère céleste. Le flambeau sacré qui éclairait le sanctuaire de Sion a répandu ses clartés sur les peuples de la terre ; Jérusalem fut la première chaire des apôtres, et c'est dans la religion de Moïse, dans celle de Jésus, que Mahomet vint chercher ses inspirations. Les sectateurs des trois religions se tournent vers ces ruines de deux mille ans avec des sentiments de vénération ; tous y cherchent des consolations, les uns par les souvenirs, les autres par l'espérance; le Turc qui écrase sous son joug les faibles restes des anciens dominateurs, le Bédouin qui établit sa tente dans les pleines désertes, jadis bénies du ciel, foulent avec un pieux respect les tombeaux des prophètes. Ceux-là même dont les croyances se sont effacées devant l'esprit sceptique du siècle aiment encore à chercher dans la Palestine des impressions poétiques; ils rendent une justice historique aux grands événements dont ce pays a été le théâtre et aiment à s'y arrêter comme à des souvenirs d'enfance. La description de ce pays, l'histoire abrégée de tout ce qui s'y est passé sont donc d'un intérêt palpitant pour nous tous; mais comme nous n'écrivons point dans un but poétique et religieux, comme nous n'avons en vue que l'instruction historique, nous devrons nous défendre autant que possible de toute impression qui nous serait personnelle, pour présenter au lecteur une peinture fidèle de ce pays mémorable, un résumé succinct de l'histoire de ses premiers habitants et une histoire plus développée du peuple hébreu, qui y a accompli la grande mission que la Providence lui avait confiée. Nous résumerons ensuite les événements, qui, depuis la dispersion des Juifs, se sont passés en Palestine, et nous suivrons aussi les débris de ce peuple parmi les nations au milieu desquelles ils ont conservé jusqu'à nos jours leur culte antique. Les matériaux que nous avons à notre disposition sont extrêmement nombreux ; mais au lieu de faciliter le travail, l'abondance des sources peut devenir pour l'écrivain un écueil dangereux. Nous devons puiser dans les écrits d'un grand nombre d'historiens et de voyageurs anciens ou modernes, dominés souvent par certaines préoccupations et qui ne voyaient pas toujours les choses sous leur vrai jour. Ce n'est que par le moyen d'une critique impartiale que nous pouvons arriver à la vérité; selon nous, la Bible elle-même, source principale de notre travail et où l'idée divine s'est incarnée dans la parole humaine, ne saurait, comme œuvre des hommes, échapper entièrement à la critique humaine. Simple historien, nous traiterons l'histoire des Hébreux, leurs institutions, leur religion et leurs monuments littéraires sous un point de vue purement rationnel. Notre rôle ne sera ni celui du théologien qui ne voit que le dogme, ni celui du sceptique philosophe, pour lequel le doute lui-même est un dogme moins étroit. Notre but sera de rechercher la vérité historique, l'enchaînement naturel des faits, sans nous préoccuper des conséquences qui peuvent en résulter, soit pour le théologien ou pour le philosophe. Selon nous, l'idée divine, déposée dans la Bible, les sentiments grands et généreux que respirent les paroles des prophètes, sont placés hors des atteintes de la critique, et l'examen des faits ne saurait jamais nuire au vrai sentiment religieux.

Quoique nous ayons particulièrement en vue les gens du monde, et que nous ne soyons pas appelé à faire un livre d'érudition, notre travail, par cela même que les sujets qu'il renferme ont été traités tant de fois, et sous tant de faces différentes, a nécessité des lectures très-variées et des recherches consciencieuses. Nous présenterons les résultats de tout ce qui a été dit avant nous, sans pourtant nous effacer nous-même. Nous espérons, au contraire, soumettre au lecteur un travail neuf, tant par le cadre que nous nous sommes tracé que par la manière dont nous tâcherons de le remplir. Tout en évitant le pédantisme de l'érudition, nous sommes jaloux de mériter l'approbation des érudits.