HISTOIRE GÉNÉRALE DE L'ÉGLISE

 

PREMIÈRE PARTIE. — LA RENAISSANCE CATHOLIQUE

CHAPITRE PREMIER. — LE GOUVERNEMENT DES PAPES PENDANT LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XVIIe SIÈCLE (1600-1655).

 

 

I

Le XVIe siècle s'était clos par des cérémonies grandioses. Le jubilé de 1600 avait amené à Rome plus de trois millions de pèlerins. Au déclin de ce siècle, où l'on avait vu tant d'outrages prodigués au Pontife romain et où les guerres de religion avaient si profondément bouleversé les peuples de l'Europe, les catholiques du monde entier avaient senti le besoin de se grouper plus étroitement autour du Père commun des fidèles et de lui manifester publiquement leurs hommages de fidèle soumission[1].

La grandeur de ce spectacle n'avait point empêché le Pape CLÉMENT VIII d'envisager d'un œil clairvoyant la réalité de la situation. L'hérésie protestante semblait définitivement implantée dans les pays du nord : elle régnait en souveraine en Allemagne, du Rhin à la Vistule, du Mein à la Mer du Nord et à la Baltique ; insolemment triomphante en Angleterre, elle y multipliait les lois les plus draconiennes contre les catholiques ; elle était prépondérante dans la Scandinavie et dans les Pays-Bas ; des treize cantons de la Suisse, elle en avait gagné plus de six à sa cause. Les nations restées catholiques ne formaient plus, d'autre part, cette unité. puissante, hiérarchiquement organisée autour du Pape et de l'empereur, que le Moyen Age avait connue : l'Espagne, politiquement établie au nord et au sud de l'Italie, y excitait de plus en plus les susceptibilités des états indépendants : la république de Venise, le grand duché de Toscane, le duché de Savoie, aspiraient à une situation autonome ; les états secondaires de l'Italie s'orientaient de divers côtés, suivant les circonstances du moment ; la Hongrie, jadis boulevard de l'Europe chrétienne, était ruinée par les sectes hérétiques, troublée par les incursions incessantes des Turcs. Deux nations seulement, la France et l'Autriche, paraissaient capables de prendre en main la cause de l'Eglise. La France était profondément divisée, il est vrai, désorganisée dans ses institutions, ruinée par des dissensions et des guerres, dont l'Edit de Nantes, trop favorable aux protestants, semblait devoir perpétuer les causes ; mais l'Europe avait appris à connaître son roi vaillant, généreux, habile politique autant que soldat intrépide, et l'on pouvait avoir confiance que les privilèges accordés par lui à ses anciens coreligionnaires ne seraient que provisoires, que le zèle du nouveau converti se manifesterait de plus en plus en faveur de l'Eglise catholique. L'empereur d'Autriche était ce Rodolphe II, que ses prétentions intellectuelles distrayaient si souvent de la politique et dont le caractère impulsif, tour à tour indolent et agité, semblait peu fait pour une action énergique et persévérante[2] : mais il appartenait à cette puissante maison des Habsbourg, dont les deux branches, l'espagnole et l'autrichienne, s'étaient appliquées à raffermir entre elles, pal des unions répétées, une sorte de pacte de famille. Rodolphe était le titulaire de cette haute fonction impériale, dont l'intérêt le plus essentiel le poussait à se faire le champion de l'Eglise romaine. Si, dit un historien philosophe, l'Allemagne proprement dite est, de tous les pays de langue teutonique, celui où l'ancienne religion s'est le mieux défendue, il ne faut pas en chercher la cause ailleurs que dans la constitution du Saint Empire Romain. L'empereur ne pouvait conserver sa suzeraineté sur l'Italie, la Lorraine et les Pays-Bas, sa primauté entre les princes chrétiens, en même temps qu'il se poserait comme le chef d'une Eglise allemande, schismatique et hérétique. Par la nature des institutions politiques et nonobstant toutes les tendances de race ; le parti protestant en Allemagne ne pouvait être alors qu'un parti d'opposition[3]. Les protestants d'Allemagne étaient, du reste, plus divisés que partout ailleurs ; les théologiens luthériens et calvinistes se détestaient entre eux presque autant qu'ils abhorraient les catholiques.

Les espérances de l'Eglise s'étaient portées jusque-là du côté de l'Allemagne et de la maison de Habsbourg ; mais on pouvait se demander, au début du XVIIe siècle, si l'orientation de la politique pontificale n'allait pas changer. La sympathie marquée par Clément VIII à Henri IV après sa conversion n'était-elle pas le signe précurseur d'une alliance avec la France, rivale redoutée de l'Autriche et de l'Espagne ? On le craignit au delà des Pyrénées. De là une sourde opposition des Espagnols, qui fut une première cause d'inquiétude pour les catholiques. D'autres causes d'inquiétude agitaient le monde chrétien. La faveur croissante accordée par Clément VIII à son neveu, le cardinal Pierre Aldobrandini, avait ému la cour pontificale et la noblesse romaine ; la vivacité de la querelle qui s'était élevée entre les thomistes de l'Ordre de Saint-Dominique et les molinistes de la Compagnie de Jésus, compliquait les difficultés de la situation politique de préoccupations d'un ordre plus intime. Deux projets de censure du livre de Molina, rédigés en 1598 et 1600, agitaient l'opinion. Une condamnation du molinisme n'allait-elle pas faire déchoir du rang prépondérant qu'elle occupait dans l'Église la vaillante Compagnie de Jésus ?[4]

Au lendemain des grandes fêtes jubilaires de 1600, plus d'un nuage obscurcissait donc encore l'horizon de l'Eglise[5]. Mais la situation du Saint-Siège était, somme toute, solidement établie. Les décrets du Concile de Trente et les mesures prises par les Papes réformateurs de la fin du XVIe siècle avaient porté leurs fruits. La Papauté n'était plus ce pouvoir faible, discuté, mettant les chefs de l'Eglise dans la nécessité de s'appuyer sur leurs proches ou sur des factions, dont les influences opposées se succédaient alternativement, après s'être vivement combattues. Clément VIII avait été l'élu de tous et continuait la politique du Pape défunt. C'était un résultat d'une importance considérable, et qui allait se prolonger sous les pontificats suivants. La Papauté n'était pas seule à bénéficier de cette transformation. Les convoitises et les ambitions individuelles étaient obligées désormais de se réprimer, et l'entourage du Pape devait forcément s'harmoniser avec les nouvelles conditions du gouvernement de l'Eglise. Le népotisme, cette plaie des âges précédents, avait subi une transformation notable sous l'action de Paul IV et de Pie V : de féodal, il était devenu simplement nobiliaire et financier ; et les circonstances nouvelles, défavorables à cette institution, devaient en amener bientôt la disparition complète[6].

 

II

Le pontife laborieux, austère et profondément pieux qui occupait la chaire de Saint-Pierre au commencement du siècle, avait tout ce qu'il fallait pour en maintenir la suprême autorité aux yeux des princes et des peuples. Clément VIII[7], qui s'honorait d'être l'ami de Philippe de Néri et qui &agenouillait chaque jour aux pieds du cardinal Baronius pour lui faire sa confession, n'avait point la puissance d'intelligence et de volonté de Sixte-Quint, dont il se glorifiait d'avoir été le disciple ; mais il avait à cœur de poursuivre la politique du grand Pape. Ses vues étaient grandes et élevées. Son pontificat n'est pas sans quelque analogie avec celui de Boniface VIII, qui, au début du XIVe siècle, alors que les Légistes de Philippe le Bel sapaient l'édifice social du Moyen Age, prit en main la défense des institutions de la Chrétienté. En 1600, au moment même où le plus grand des écrivains espagnols burinait, avec je ne sais quelle ironie sympathique, la caricature du chevalier[8], l'esprit chevaleresque des temps passés hantait la cour de Clément VIII.

Le généreux Pontife fit de cet esprit la principale inspiration de sa politique. L'empire ottoman, toujours en guerre avec la Hongrie, sans cesse troublé par des révoltes en Asie, miné par la corruption du sérail, semblait s'affaiblir de plus en plus. Rallier autour du Chef de l'Eglise les nations chrétiennes pour une nouvelle croisade, fut le projet de Clément VIII. Le roi de France, à qui était destinée la conduite de l'expédition, fit défaut[9] ; mais, par contre, il accepta volontiers l'arbitrage de la Papauté dans la conclusion de la paix de Vervins qui, en 1598, mettait une trêve, sinon une fin, à la lutte séculaire de la France contre l'Espagne. Trois ans plus tard, Clément VIII intervenait une seconde fois pour réconcilier le roi de France et le duc de Savoie par le traité de Lyon[10]. Par ces actes le Pape continuait les traditions du vieux droit pontifical dans les conflits internationaux. Henri IV, reconnaissant, soutenait en prince chrétien les droits du Saint-Siège et l'aidait à triompher de César d'Este dans la revendication du duché de Ferrare, réclamé par Clément VIII comme fief apostolique.

Ces services allaient-ils suffire à déterminer une orientation de la politique pontificale du côté de la France ? C'était abandonner par là-même l'Autriche et l'Espagne. Le projet valait qu'on y réfléchit. Le colosse espagnol, qui, sous Philippe II, avait exercé une pression si lourde sur l'Europe, fort de la puissance de l'or, dont il détenait les sources, et du prestige de la croix, qu'il essayait d'accaparer à- son profit, semblait alors, d'une marelle lente et sûre, devoir briser toutes les indépendances nationales et refaire, avec les débris de la chrétienté soumise au Pape, une chrétienté nouvelle dominée par les Habsbourg. Le grand empire qui enserrait Rome et la France par ses royaumes, ses fiefs, ses présides, ses alliés, ne serait-il pas le dernier boulevard de l'Eglise contre l'hérésie ? Chevaleresque, mais timide, Clément VIII hésitait à prendre un parti.

Un habile diplomate, également dévoué à la France et à l'Eglise, Arnaud d'Ossat, le tira de ses incertitudes et lui montra prudemment la voie à suivre. Il n'est point vrai, malgré ce qu'en affirme Sully en ses Mémoires, qu'Henri IV eût conçu alors le grand dessein de réorganiser l'Europe en une vaste république Chrétienne, où les trois religions, catholique, luthérienne et calviniste, auraient formé une puissante fédération contre le Moscovite barbare et le Turc infidèle ; la politique du roi béarnais était trop pratique pour se livrer à ces rêves- aventureux[11] ; mais elle n'en méritait que plus d'attention. Très Saint Père, écrivait d'Ossat, le Pape et la cour de Rome peuvent faire beaucoup de bien au roi (de France)... et le roi d'Espagne, avec toute sa puissance et employant toutes ses forces tant par terre que par mer, ne vous peut pas tant nuire comme fait cette cour en son séant... Le roi (de France) doit tenir pour certain que comme ses affaires iront en France, ainsi iront-elles à Rome.

Celui qui écrivait ces lignes, qui voyait si bien ce qu'il y avait de factice dans le grand déploiement des forces matérielles de l'Espagne et ce qu'il y avait de réserve féconde dans les ressources de son pays, était l'humble fils d'un compagnon maréchal-ferrant, né en 1535, au pied des Pyrénées, de souche gasconne ou béarnaise. L'Eglise en avait fait un cardinal et le roi de France un ambassadeur[12]. Ses idées sages et modérées prévalurent auprès de Clément VIII, et, sans faire rompre le Saint-Siège avec l'Autriche et l'Espagne, le rapprochèrent autant que possible de la France.

Le Souverain Pontife espéra un moment que l'Angleterre lui donnerait les mêmes consolations. A l'avènement de Jacques Ier, en 1603, il adressa au nouveau roi de sincères salutations et envoya à la reine, qu'il savait être secrètement catholique, une lettre des plus confiantes. Mais la fameuse Conspiration des poudres allait bientôt servir de prétexte à la plus odieuse persécution et ruiner les espérances du Pape[13].

Dans l'administration de ses Etats et dans le gouvernement spirituel de l'Eglise, l'activité de Clément VIII put s'exercer plus librement et d'une manière plus efficace. Peu de Pontifes s'entourèrent de cardinaux aussi éminents. A côté de d'Ossat, dont la vertu égalait le talent, Clément fit entrer dans le Sacré Collège l'illustre du Perron, que la lecture des Pères avait converti de l'hérésie calviniste à la foi catholique et dont l'éloquence persuasive avait ramené tant de protestants à l'Eglise ; le savant Tolet, dont les ouvrages devaient réunir dans un même sentiment d'admiration Bossuet et Richard Simon ; Bellarmin, le Maître de la controverse ; Baronius, le Maitre de l'histoire ecclésiastique[14]. Aidé par les conseils de ces grands hommes, Clément VIII réalisa des réformes importantes : il fit une nouvelle répartition des impôts dans les Etats de l'Eglise, plaça les revenus des communes sous une inspection spéciale, et soumit les barons à une justice sévère. Attentif à la stricte observation des règles canoniques et liturgiques, il publia de nouvelles éditions de l'Index[15], du Pontifical[16], du Cérémonial des Évêques[17], du bréviaire[18] et du missel[19]. Par une bulle du 25 novembre 1592, il institua l'adoration des Quarante Heures[20]. Il défendit de réciter, dans les offices liturgiques, toutes autres litanies que celles des saints et, de Notre-Dame de Lorette[21], édicta contre les duellistes les peines les plus sévères[22]. Sa sollicitude se porta particulièrement sur les fidèles du rite grec ; en 1595, il accueillit avec bonté les délégués de l'Eglise ruthène, qui venaient traiter de leur union avec Rome ; il leur demanda leur adhésion aux décrets du concile de Florence et concéda au métropolitain le droit de consacrer les évêques pour les sièges qui viendraient à vaquer, mais tout nouveau métropolitain élu devrait demander la confirmation de son élection à Rome[23] ; une bulle régla d'une manière générale les règles liturgiques qu'observaient les Grecs établis en Italie[24].

Pour la plupart de ses réformes, Clément VIII ne jugea pas à propos de faire délibérer les congrégations cardinalices que Sixte-Quint avait savamment organisées autour du Chef de l'Eglise. Il s'était rendu compte des lenteurs qu'un pareil procédé risquait d'entraîner, et son entourage ne lui sut pas mauvais gré de cette pratique ; mais à mesure que le Pape avançait en âge, on s'aperçut qu'un de ses neveux, le cardinal Pierre Aldobrandini, prenait, dans l'administration de l'Eglise, une place de plus en plus prépondérante. L'habileté exceptionnelle du cardinal neveu dans les affaires expliquait le rôle que le Pape lui laissait prendre. Mais la noblesse romaine s'émut. La famille Farnèse, qu'une rivalité ancienne opposait à celle des Aldobrandini, devint le centre d'un mouvement d'opposition qui dégénéra en mouvement de révolte. Cavalieri et nobili affluaient au palais Farnèse. Il fallait, disait-on, délivrer le Pape et l'Eglise de la captivité dans laquelle les tenait le cardinal Aldobrandini. On gagna plusieurs membres du Sacré Collège. Les Aldobrandini étaient connus comme ayant un penchant pour la France ; les Farnèse se rallièrent bruyamment aux Espagnols ; quelques bandes de troupes espagnoles, appelées par eux, se montrèrent même sur la frontière napolitaine, et l'on se demanda si les tristes luttes de factions, qui avaient ensanglanté Rome aux XIVe et XVe siècles, n'allaient pas se renouveler tout à coup. C'eût été la ruine de la politique pacificatrice inaugurée par Clément VIII, qui avait réussi jusque-là à témoigner sa sympathie à la France sans rompre avec les Habsbourg. La sagesse du cardinal Farnèse et l'habileté du cardinal Aldobrandini réussirent à empêcher un éclat. Tandis qu'Aldobrandini, exploitant la haine de l'Espagnol, qui se réveillait si vite en Italie à chaque ingérence abusive de l'étranger, ralliait les États de la péninsule en une ligue redoutable sous la protection de la France[25], le cardinal Farnèse se retirait dignement dans ses domaines de Castro, où son adversaire le laissait se consoler de son échec par les ovations enthousiastes de ses amis[26].

Ces incidents assombrirent les derniers jours de Clément VIII. La mort du cardinal d'Ossat, survenue sur ces entrefaites, en 1604, lui porta un coup très douloureux. Il en tomba malade, dit-on. Au commencement de 1605, la recrudescence de la longue querelle théologique, un moment assoupie, qui divisait les dominicains et les jésuites, augmenta ses préoccupations. On le suppliait de se prononcer pour ou contre les molinistes[27]. La fièvre intermittente, dont le Pape était atteint, s'aggrava tout à coup. Il mourut le 3 mars 1605, à l'âge de 69 ans[28].

 

III

Les soixante-deux membres du Sacré Collège entrèrent en conclave le 1er mars 1605. Parmi tant d'illustres cardinaux, à qui allait-on confier les clefs de Pierre ? Les regards se portèrent sur Baronius et sur Bellarmin. Baronius avait presque achevé ses monumentales Annales ecclésiastiques, et, non moins que sa vaste érudition, les admirables vertus qui lui ont valu le titre de Vénérable, semblaient le désigner au choix de ses collègues[29] ; mais l'Espagne reprochait à l'impartial annaliste de s'être prononcé contre les prétentions espagnoles en Sicile et d'avoir incliné vers la France l'esprit de Clément VIII[30]. Bref, la cour de Madrid s'opposait formellement à son élection. Toutes les controverses de l'époque avaient été pour Bellarmin l'occasion de manifester la profondeur de sa science et l'activité de son zèle ; mais son attitude dans l'affaire des congrégations de Auxiliis, son intervention auprès de Clément VIII pour empêcher une condamnation du molinisme, lui avaient aliéné les esprits de plusieurs de ses collègues[31]. L'illustre jésuite obtint néanmoins dix voix au premier scrutin. Le savant oratorien en avait vingt ; le second tour lui en donna trente-sept[32]. Les deux grands hommes étaient également au-dessus de toute ambition personnelle. S'il suffisait de lever de terre un fétu pour être Pape, disait Bellarmin, je ne me baisserais pas pour le prendre[33] ; Baronius, à qui il ne manquait que trois voix pour rendre son élection canonique, détourna ses amis de voter pour lui ; et, dans un désir unanime d'assurer la paix à l'Eglise, toutes les voix du conclave se portèrent sur le cardinal Alexandre de Médicis, qui prit le nom de LÉON XI. C'était un vieillard de soixante-dix ans, libéral, magnifique et affable, qui unissait à toutes les grandes qualités de sa race celles d'une austérité connue de tous et d'une parfaite droiture[34]. La famille de Médicis, qui, en moins d'un siècle, avait donné des impératrices à l'Allemagne, deux reines à la France, des femmes à tous les plus grands princes de l'Europe et quatre Souverains Pontifes à l'Eglise romaine, semblait devoir réunir les sympathies de toutes les nations. En France, on exulta. Le roy de France, dit une chronique, fit faire des feux de joie à Paris, les cloches sonnèrent, les églises retentirent de cantiques, et les canons de l'Arsenal tirèrent, publiant par ces bouches de feu la part que ce grand Prince prenait à la dignité de ce grand Pape[35].

Cette joie universelle fut de courte durée. A son retour de la prise de possession de Saint-Jean de Latran, le Pape fut pris d'une fièvre qui l'obligea à s'aliter. Son grand âge, le sentiment des lourdes responsabilités de sa charge aggravèrent sa maladie. Il mourut le 29 avril 1605, après vingt-six jours à peine de pontificat. Sur son lit de mort, comme on l'entretenait d'intérêts temporels : Laissez-moi, dit-il, m'occuper uniquement des choses éternelles. Son élévation, due à l'abnégation de deux grands hommes, et sa mort admirable laissaient au monde chrétien de précieux exemples. Ce fut tout le fruit de son éphémère passage sur le siège de saint Pierre.

Au nouveau conclave, qui se réunit le 8 mai, l'influence de Baronius fut prépondérante. Il en profita pour diriger les voix de ses collègues sur le nom de Bellarmin, qui refusa à son tour toute candidature. Sa qualité de jésuite, au milieu des vives controverses qui divisaient alors les esprits, eût sans doute rendu son action difficile[36].

C'est alors que l'attention du cardinal Aldobrandini se porta sur le cardinal Camille Borghèse, dont les travaux ne pouvaient rivaliser d'éclat avec ceux des Baronius et des Bellarmin, mais dont la vie laborieuse et digne avait gagné l'estime de tous. Il était âgé de cinquante-cinq ans, niais paraissait à peine en avoir quarante. D'une taille élevée et majestueuse, tout, dans sa démarche et dans sa physionomie, prévenait en sa faveur. La vie

retirée et silencieuse qu'il avait menée jusque-là l'avait tenu en dehors de toutes les intrigues de parti. On vantait en lui la pureté irréprochable de sa vie, son amour des choses de la religion, et l'élévation de son esprit, qui semblait le destiner à concevoir et à réaliser de grandes choses[37]. Les Français et les Espagnols accueillirent sa candidature, présentée par le cardinal neveu de Clément VIII, avec autant de faveur que les Allemands et les Italiens. On avait tout lieu d'espérer qu'il continuerait la politique de l'avant-dernier Pape. Au soir du 16 ruai 1605, il fut élu à l'unanimité des suffrages, et prit le nom de PAUL V.

De la profession de jurisconsulte et d'avocat, qu'il avait exercée d'abord, Paul V avait conservé l'habitude de la précision juridique, un grand respect des lois civiles et canoniques, un goût très prononcé pour les réglementations fermes et précises.

Dès les premiers jours, il apparut que l'attention du nouveau Pape se porterait bien moins sur les protestants, qui attaquaient l'Eglise du dehors, que sur les mauvais chrétiens, qui la compromettaient au dedans. Camille Borghèse avait eu l'occasion, dans plusieurs mémoires juridiques, de montrer son zèle à défendre les droits de la Papauté et du clergé. Les circonstances de son élection ne firent qu'augmenter ce zèle. Elu sans intrigue par le vote unanime de ses collègues, il se plut, toute sa vie, à considérer son élévation au Pontificat comme un appel direct de la Providence. Il se disait l'élu de Dieu et non des hommes. J'ai été élevé à ce Siège, disait-il, non par les hommes, mais par l'Esprit divin, avec le devoir de conserver les immunités de l'Eglise, les privilèges de Dieu : dans ma conscience, je suis tenu de consacrer toutes mes forces à délivrer l'Eglise de l'usurpation et de la violence j'aime mieux exposer ma vie, que d'être obligé de rendre compte un jour de la négligence de mes devoirs, lorsque je serai appelé au tribunal de Dieu[38].

Cette conscience de Paul V dans l'application rigoureuse des lois se manifesta dès le début de son pontificat.

A Rome, comme partout ailleurs à cette époque, la législation punissait de la peine de mort le crime de lèse-majesté. Or, peu de temps après l'avènement de Paul V, la police pontificale découvrit qu'un certain Piccinardi, natif de Crémone, avait composé sur le Pape Clément VIII un violent pamphlet, dans lequel le Pontife défunt était comparé à l'empereur Tibère. L'écrit, non encore livré au public, circulait en cachette, comme un ferment de désordre et de rébellion. Paul V fut sans pitié pour cette criminelle insulte à l'autorité ; il fit un exemple : Piccinardi eut la tête tranchée sur le pont Saint-Ange.

On trembla, dans l'entourage du Pape et ailleurs. Les plus graves infractions à la discipline étaient devenues très fréquentes. Les sages prescriptions du concile de Trente sur la résidence étaient loin d'être observées dans le haut clergé et même parmi les membres du Sacré Collège ; et les sévères sanctions promulguées dans le chapitre Ier de la XXIIIe session contre les non résidents, quels que fussent leurs dignités et leurs privilèges, restaient comme une menace suspendue sur la tête des délinquants. Le concile avait déclaré tout clerc non résident coupable de péché mortel et passible de diverses peines, qui allaient jusqu'à la saisie des revenus au profit des pauvres et à la déposition[39]. Un jurisconsulte scrupuleux comme Paul V ne pouvait oublier ces textes formels, ni les laisser lettre morte. Leur application ne se fit pas attendre. Le 17 mai 1606, le cardinal du Perron écrit à Villeroy : Le Pape a fait entendre ces jours passez que sa volonté estait que tous ses cardinaux qui avaient des eveschez y allassent, ou bien les résignassent, ou y missent des coadjuteurs. Le Pape rappela également les prescriptions canoniques, qui interdisaient d'employer les revenus d'Eglise à ses usages personnels. Sur ces deux points, il ne voulut entendre aucune excuse. La plupart des cardinaux en faute retournèrent à leur résidence ; quelques-uns sollicitèrent un délai ; d'autres, pour ne pas quitter Rome, résignèrent leurs bénéfices.

Mais, dès cette année 1606, le vaillant Pontife avait été sollicité de porter son énergie dans trois grandes affaires extérieures : la lutte contre Venise, la persécution des catholiques en Angleterre et le conflit religieux qui allait faire naître en Allemagne la guerre de Trente ans.

 

IV

La riche et superbe Venise était souvent entrée en conflit avec les Papes, et presque toujours pour se faire le champion des droits de l'Etat contre l'Eglise. Frappée des foudres en 1483 par Sixte IV et en 1509 par Jules II, elle n'avait jamais permis la publication de la fameuse bulle In cœna Domini et n'avait pas craint, malgré les protestations de Clément VIII, de reconnaître pour roi de France Henri IV encore excommunié. Au début du XVIIe siècle, la fière République semblait vouloir se consoler de la décadence de son commerce[40] et du déclin de sa gloire artistique[41], par une attitude de plus en plus hautaine à l'égard de la Papauté. Le 10 janvier 1603, le sénat vénitien défendit de bâtir des églises, des couvents et des hôpitaux sans sa permission ; le 26 mars 1605, il interdit l'aliénation des biens possédés par les laïques en faveur des ecclésiastiques. Peu de temps après, le sénat fit arrêter deux ecclésiastiques, Scipion Sarrasin, évêque de Vicence, et Brandolino Valdemarino, abbé de Nervèze, et, contre les prescriptions formelles du droit canonique, attribua la connaissance de leur procès à la justice séculière[42]. Or, au chapitre XX de sa XXVe session, le concile de Trente avait solennellement rappelé aux empereurs, rois, républiques et chefs de tout ordre et de toute dignité, le respect dû aux libertés, immunités et juridictions propres au clergé[43]. Conseillé par Bellarmin et par Baronius[44], Paul V demanda à la République de Venise, avec menace de censure en cas de refus, la révocation des ordonnances et la remise des deux accusés au nonce apostolique. Le sénat ayant répondu qu'il ne tenait que de Dieu le pouvoir de faire des lois, le Pape assembla un consistoire, dans lequel quarante cardinaux, sur quarante et un, après avoir entendu l'exposé des faits par Baronius, déclarèrent qu'on ne pouvait user de ménagements dans cette affaire sans trahir les droits de l'Eglise[45].

La ligne de conduite du Pape était toute tracée. Le 17 avril 1606, Leonardo, doge de Venise, et tous les membres du sénat étaient déclarés excommuniés et la République mise en interdit, si dans le délai de vingt-quatre jours les réclamations du Pape n'avaient pas reçu satisfaction. Le doge répondit par l'injonction donnée à tous les prêtres, séculiers et réguliers, de continuer l'exercice du culte sous peine d'exil. Le clergé séculier, plus étroitement dépendant de l'autorité civile, se soumit en partie ; mais les capucins, les théatins et les jésuites refusèrent en masse d'obéir aux injonctions du sénat et furent expulsés.

L'affaire faillit prendre les proportions d'un conflit européen, en même temps que d'un schisme religieux. Le Pape ayant voulu, à l'exemple de Sixte IV et de Jules II, recourir aux armes temporelles et lever des troupes, le roi d'Angleterre, Jacques Ier, et les Hollandais menacèrent d'envoyer une flotte au secours de Venise ; les gallicans de France se déclarèrent pour la République ; la cause de Venise était à leurs yeux la cause de l'indépendance des Etats en face de la tyrannie pontificale.

A Venise même, cette cause trouva un champion redoutable dans la personne d'un religieux servite, Fra Paolo Sarpi, qui sut mettre au service de l'orgueilleuse République et des idées d'indépendance dont elle était le porte-drapeau, les ressources de son esprit prodigieusement fécond et actif. C'est à tort que Bayle, Bossuet et Voltaire, se fondant sur des faits peu authentiques rapportés par le P. Daniel et par Burnet, ont vu dans Sarpi un protestant et même un athée. Prédestinatien radical, presque à l'égal de Calvin, le fougueux religieux servite l'est sans contredit ; mais ses idées sur ce point de doctrine, comme ses attaques passionnées contre la curie romaine, ses ironies mordantes et -ses attaques injustes contre l'Eglise, s'expliquent suffisamment par son caractère aigri, taciturne, porté au fatalisme, et par cette indomptable fierté du patriotisme vénitien, que la décadence de la République n'avait fait qu'exaspérer chez la plupart de ses compatriotes et qui semblait avoir atteint chez lui le paroxysme de la susceptibilité. Né à Venise le 11 août 1552, la rare pénétration de son esprit et sa prodigieuse mémoire lui avaient valu les plus précoces succès. Accueilli avec faveur par Sixte-Quint, lié de bonne heure avec Bellarmin, en correspondance avec les plus grands savants de l'époque, Casaubon, Saumaise, Vossius, Bacon, Grotius, ami intime de Galilée, qui l'appelait son maître et son père, Fra Paolo Sarpi apparaît, au début du XVIIe siècle, comme un esprit encyclopédique et comme un puissant initiateur. S'il n'a pas découvert la circulation du sang trente ans avant Harvey, comme on l'a prétendu, il a certainement corrigé et dépassé François Viète en algèbre, précédé Gilbert dans l'étude de la déclinaison et des variations de l'aiguille aimantée, devancé Hunter au sujet des effets de l'air insufflé dans les poumons en cas de mort apparente, remarqué le premier les phénomènes de dilatation et de contraction de la choroïde dans l'œil de tous les animaux. Sa connaissance des langues anciennes et orientales n'était pas moins merveilleuse ; sa science théologique lui avait valu le titre de théologien du duc de Mantoue et une chaire de théologie dans cette ville. Tel était l'homme que le sénat de Venise nomma, en 1606, théologien canoniste de la république. Il était de la taille des plus grands agitateurs que l'Eglise ait rencontrés dans le cours des siècles. Son premier acte fut la publication, en 1606, d'un Traité de l'Interdit, où, dans un style clair, incisif et plein d'énergie, il s'appliquait à démontrer le mal fondé de l'intervention pontificale dans les affaires de son pays. Sa popularité fut dès Papauté. lors immense, et son crédit dans les affaires de l'Etat, presque sans mesure. On le vit négocier une alliance avec la jeune république de Hollande, multiplier les mémoires sur toutes les questions courantes de politique, de religion et d'administration ; et ces travaux ne l'empêchaient pas de rédiger sa fameuse Histoire du concile de Trente, avec tout le fiel de son âme irritée, et un parti pris de dénigrement qu'on ne peut contester, mais aussi avec un talent qui le plaça au premier rang des historiens de l'Italie, immédiatement après Machiavel. Son ami Dominis devait la publier à Londres en 1619, au grand scandale de l'Eglise ; mais en ce moment le conflit vénitien avait heureusement pris fin, grâce à l'intervention du roi de France Henri IV.

Cette intervention fut une des plus merveilleuses tactiques de la politique fine et souple du Béarnais. Le duc de Savoie faisait offrir sous main ses services aux Vénitiens ; les ducs d'Urbin et de Modène penchaient de leur côté ; le roi d'Espagne, pressentant que la plupart des Etats allaient se rallier à la cause de Venise comme à la cause commune des princes contre les empiètements de Rome, tergiversait péniblement, promettant au Pape son secours tout en exhortant les sénateurs vénitiens à défendre leurs droits ; Henri IV s'offrit alors comme médiateur dans cette affaire. Le Pape, qui se voyait en présence d'une situation presque inextricable, et les Vénitiens, qui ne pouvaient se méfier du roi de France, dont ils avaient si spontanément accueilli l'avènement, acceptèrent l'arbitrage. Au grand dépit de l'Espagne, qui fut écartée, le cardinal de Joyeuse, envoyé plénipotentiaire d'Henri IV, fit accepter un accommodement. Le sénat remit à l'autorité ecclésiastique les deux ecclésiastiques prisonniers et déclara retirer le manifeste qu'il avait publié contre les censures, mais refusa obstinément d'étendre le bénéfice de l'amnistie aux jésuites, qu'il croyait avoir été les instigateurs de la résistance ; et, le 30 avril 1607, le Pape leva l'excommunication et l'interdit prononcé contre Venise[46].

Les affaires d'Angleterre commandèrent à Paul V une attitude plus ferme. La question des rapports du temporel et du spirituel s'y posa en effet de telle sorte que toute équivoque devait en être écartée à tout prix.

Dès l'origine du schisme, le gouvernement anglais avait prétendu exiger des catholiques le serment de suprématie, par lequel on reconnaissait que la souveraine autorité, tant dans les choses spirituelles que dans les temporelles, appartient au roi seul[47]. Après la découverte de la Conspiration des poudres, le roi Jacques Ier, voulant condamner plus spécialement l'opinion des catholiques, qui regardaient son autorité temporelle comme subordonnée à celle du Pape, fit adopter par les deux chambres une nouvelle formule de serment.

Tous les catholiques ou suspects de catholicisme seraient obligés de déclarer, sur la demande des autorités locales, non plus seulement, comme beaucoup de catholiques l'avaient professé sous Elisabeth, que le roi ne peut être déposé par le Pape, mais de plus que toute doctrine contraire est impie et hérétique. Je reconnais devant Dieu, devaient-ils dire, le roi Jacques comme notre souverain maître... Je jure que j'abhorre de tout mon cœur, comme impie et hérétique, cette doctrine et proposition, que les princes excommuniés ou privés de leurs Etats par le Pape peuvent être déposés ou tués par leurs sujets ou par quelque autre personne que ce soit. Je crois aussi et suis persuadé en ma, conscience que ni le Pape ni aucune autre personne n'a le pouvoir de me relever de ce serment et d'aucune de ses parties. Je reconnais que ce serinent m'est légitimement demandé par une juste et pleine autorité... Nonobstant toute déclaration ou sentence d'excommunication ou de déposition, je garderai foi et allégeance à sa Majesté et à ses successeurs. C'est ce qu'on appela le serment d'allégeance (allégiance, fidélité). Or, il advint que les catholiques d'Angleterre, admirablement unis jusque-là se divisèrent à propos de la légitimité de ce nouveau serment. Les uns, y voyant la reproduction, en termes équivoques, du serment de suprématie, le condamnèrent ; d'autres, n'y découvrant que la promesse d'une obéissance purement civile et la condamnation d'une doctrine très contestable, soutinrent qu'on pouvait le prêter sans scrupule. Par un bref du 22 septembre 1606, Paul V condamna le serment d'allégeance comme contenant plusieurs choses contraires à la foi et au salut[48]. Cette condamnation consterna plusieurs fidèles, car les peines portées contre les réfractaires étaient terribles : prison perpétuelle et confiscation des propriétés. L'archiprêtre Blackwel, vieillard timoré, ne put s'imaginer que le bref du Pape était authentique ; en tout cas, pensa-t-il, il ne paraît avoir été rédigé que sur un faux exposé et ne contient certainement qu'un conseil : Blackwell refusa, pour ces motifs, de promulguer le document pontifical. Paul V, averti, renouvela sa condamnation par un second bref, du 22 septembre 1607[49]. Quand cette seconde lettre arriva en Angleterre, l'archiprêtre avait déjà obtempéré à l'ordre royal ; mais les fidèles se soumirent au bref du Pape et beaucoup souffrirent la persécution pour leur refus de prêter le serment condamné[50].

 

V

Au moment même où le roi d'Angleterre rallumait la persécution contre les catholiques, l'attention du Souvenir Pontife était vivement attirée du côté de l'Allemagne. Le 11 avril 1606, à Donauwœrth, ville impériale mixte, les catholiques ayant organisé une procession solennelle, les protestants s'étaient ameutés, avaient dispersé le cortège et pillé l'église[51]. Le fait était peu important en apparence ; mais il révélait aux yeux des politiques avisés un état de tension redoutable sur lequel il n'était plus possible de se faire illusion. La crise était à la fois politique et religieuse. Tandis, en effet, que l'idée de l'empire apparaissait à beaucoup d'esprits comme le seul moyen possible de sauvegarder l'hégémonie allemande, l'oligarchie des princes était un fait qui s'imposait de plus en plus. Les princes protestants, enrichis par les dépouilles des biens ecclésiastiques, tenaient plus que jamais à leur autonomie ; et les princes catholiques, dont plusieurs avaient reconquis par de vigoureux efforts l'unité religieuse dans leurs domaines, ne consentaient plus à s'effacer devant un Maitre ; les légistes plaidaient maintenant en leur faveur ; le livre de Sleidan, De statu religionis et reipublicœ, devenait leur manuel de droit politique. Des conflits d'ordre religieux aggravaient la situation. La clause du réservat ecclésiastique, stipulée à la paix d'Augsbourg, en vertu de laquelle tout bénéficiaire passant à la religion luthérienne devait abandonner ses biens[52], était constamment violée par les protestants[53]. L'irritation était surtout extrême chez les calvinistes. Déjà nombreux en Allemagne, ils subissaient tous les inconvénients des traités sans bénéficier d'aucun avantage ; car toutes les clauses favorables avaient été édictées en faveur des luthériens. La haine de l'empire s'unissait en eux à la haine de l'Eglise catholique[54]. L'agitation sourde qui se perpétua en grandissant, de 1550 à 1605, fut principalement leur œuvre.

L'empereur Rodolphe ne se dissimula pas la gravité du péril, et se décida pour une répression énergique. Après avoir mis la ville de Donauwœrth au ban de l'empire, il chargea le duc Maximilien de Bavière d'exécuter la sentence. Maximilien, prince d'un génie mâle et pénétrant, excellent administrateur, guerrier infatigable, dont la tête était remplie des projets politiques les plus grandioses[55], était tout désigné pour prendre en main la direction des forces catholiques de l'Allemagne. A côté de lui, Les défenseurs l'archiduc Ferdinand, dont l'inébranlable fermeté d'âme était de fondée sur une foi profonde, le vieil évêque de Wurzbourg, qui avait fait la première tentative de contre-réforme, et le prince électoral de Mayence, dont l'influence était considérable dans tout l'empire, formaient l'état-major d'un groupement que les événements politiques et religieux avaient formé comme d'eux-mêmes et qui semblait tout prêt à prendre la défense de l'Eglise contre les entreprises des protestants.

L'Europe entière, — les documents diplomatiques de cette époque en font foi, — pressentait l'éclat d'un grand conflit[56]. La prise de Donauwœrth par Maximilien fut bientôt suivie de la formation à Alhausen, en 1608, de la Ligue évangélique, qui rallia les princes protestants sous la direction de l'électeur palatin Frédéric[57]. C'était un prince grave, un peu mélancolique et fier, mais plein de hautes pensées et possédant assez d'empire sur lui-même pour se mettre en garde contre les habitudes de vie relâchée qui régnaient alors parmi les seigneurs allemands[58]. Les princes catholiques répondirent par la formation, en 1609, de la Ligue de Wurzbourg, dont Maximilien de Bavière fut proclamé le chef[59]. La guerre était imminente. L'assassinat d'Henri IV, dont les ennemis de l'empereur escomptaient l'appui, les déconcerta ; mais un secours leur vint bientôt de la Bohême et ranima leur courage.

Le protestantisme, ayant trouvé en Bohême l'appui des Utraquistes[60], y avait fait de grands progrès. Il y avait obtenu de Maximilien II la liberté du culte, et de Rodolphe II, en 1606, des Lettres de Majesté, accordant à tous les seigneurs, chevaliers et villes qui avaient embrassé la Réforme, les mêmes droits qu'aux catholiques. Un rescrit impérial leur concédait expressément la faculté de construire des églises protestantes sur un sol catholique. Ces concessions n'aboutirent qu'à rendre les Tchèques plus fiers et plus présomptueux. L'état, politique de la Bohême favorisait d'ailleurs l'esprit d'anarchie ; une oligarchie féodale, aussi dure envers ses inférieurs qu'arrogante à l'égard du chef de l'empire, avait réduit les paysans au servage[61] : l'irritation était partout et la cohésion nulle part. En 1617 et 1618, les vassaux de l'archevêque de Prague, à Hrob (Klostergrab), et les habitants de la ville de Broumov (Braunau), ayant, malgré l'opposition de leurs seigneurs, construit des temples, l'empereur ordonna de les fermer, le privilège impérial ne s'appliquant qu'aux seigneurs et non à leurs vassaux. Les protestants tchèques protestèrent, invoquant les règles de leur vieux droit public national, qui considérait, disaient-ils, les biens ecclésiastiques comme domaines de la nation. La réponse de Rodolphe fut menaçante. Dès lors la mort des deux gouverneurs de la ville de Prague, Martinitz et Slavata, à qui on imputait la réponse de l'empereur, fut décidée. Le 23 mai 1618, des conjurés les ayant rencontrés dans le vieux château des Hratchany, qui dresse sa menaçante silhouette sur la rive gauche de la Moldau, les précipitèrent par les fenêtres, d'une hauteur de quatre-vingts pieds. C'est ce qu'on appela la Défénestration de Prague[62]. La guerre de Trente ans était déchaînée.

La disparition de l'empereur Mathias, prince faible et incapable, mort le 20 mars 1619, et l'avènement à l'empire de Ferdinand, duc de Styrie, qui prit le nom de Ferdinand Il, accentua le caractère religieux de cette guerre. Catholique fervent, Ferdinand avait promis, à dix-neuf ans, aux pieds de la Vierge de Lorette, d'être à jamais le champion du catholicisme contre l'hérésie[63] ; il avait déjà banni les hérétiques de son duché. Tandis que l'Union évangélique se déclarait contre le nouvel empereur, les forces catholiques se groupèrent peu à peu autour de Ferdinand. Philippe III lui envoya des subsides en hommes et en argent ; le roi de Pologne, Jean Sigismond, mit à sa disposition quelques milliers de cosaques. Le pape Paul V, sollicité d'intervenir, s'en tint à des promesses vagues[64].

On sait comment les révoltés bohémiens, divisés, mal servis par une armée de serfs, qui marchaient sans enthousiasme sous la conduite de leurs seigneurs, furent écrasés, le 8 novembre i620, à la bataille de la Montagne Blanche. Paul V eut le temps de remercier Dieu de ces premiers succès ; mais pendant la procession qui fut faite pour célébrer la victoire des catholiques, le Pontife t'ut pris d'une attaque d'apoplexie ; c'était le début de le maladie qui devait l'emporter peu de temps après.

 

VI

Les préoccupations de la politique internationale étaient loin d'avoir absorbé la pensée et l'activité de ce zélé Pontife. L'historien Bzovius, son contemporain, et le continuateur de Platina, qui écrivait peu de temps après sa mort, nous ont conservé le souvenir de ses importantes réformes.

Malgré les grands efforts de Sixte-Quint, la sécurité laissait encore beaucoup à désirer dans la ville de Rome et dans la campagne romaine. Cet état tenait aux conditions d'instabilité de la population, gravitant presque tout entière autour des grandes familles et suivant leur fortune. Une foule d'employés, de clients, et de gens sans aveu, condottières et bravi, allait et venait, constituant un péril permanent. Paul V s'appliqua à subvenir aux misères les plus urgentes et surtout à fixer au sol les familles. Il bâtit des greniers publics, dit le continuateur de Platina[65], accorda des privilèges particuliers aux laboureurs comme aux pères nourriciers de la terre, et pourvut à la sûreté des citoyens par une justice sévère qu'il fit des assassins et des voleurs publics, qui tremblaient et prenaient la fuite au seul nom de Paul, comme les oiseaux de nuit se cachent à la lumière du soleil. Paul V, voulant porter le remède à la racine du mal, s'appliqua surtout à favoriser l'instruction catéchistique des fidèles[66]. Pensant que l'exemple des ecclésiastiques serait la plus efficace des exhortations, il veilla à l'observation des règles publiées par le Concile de Trente sur la vie des clercs ; donna des instructions précises au clergé de Rome[67], et choisit les évêques parmi les religieux les plus réguliers[68]. En canonisant saint Charles Borromée, et en béatifiant saint Ignace de Loyola, saint François Xavier, saint Philippe de Néri et sainte Térèse, il proposa au culte et à l'imitation des fidèles les plus admirables exemples de sainteté[69].

Paul V ne négligea pas de favoriser la science et les arts. Il enrichit de nombreux volumes la bibliothèque vaticane, décréta que dans tous les ordres religieux seraient érigées des chaires de langue hébraïque, latine et grecque, et dans chaque université une chaire de langue arabe. Ce grand Pape, dit une notice contemporaine, a aplani des coteaux dans toute la ville, ouvert de larges points de vue partout où il y avait des sinuosités, et construit d'immenses places, rendues plus magnifiques par les nouveaux édifices qu'il a fait élever tout autour. Les chapelles qu'il a fait bâtir avaient l'air de basiliques, les basiliques étaient grandes comme des temples, et les temples ressemblaient à des montagnes de marbre[70]. Mais aucune des œuvres d'art exécutées sous son inspiration n'excita plus l'enthousiasme de ses contemporains que l'achèvement de la basilique de Saint-Pierre. Il déplaisait à Paul V, ami des splendeurs grandioses, que la basilique vaticane n'eût point la forme d'une croix latine et n'atteignît pas la longueur de la basilique primitive. Mais il fallait pour cela rompre l'harmonie voulue par Bramante et par Michel-Ange. L'architecte Charles Maderne accepta cette tâche redoutable. Les proportions de l'édifice furent démesurément agrandies. Une énorme façade, tenant à la fois d'un arc de triomphe et d'une muraille de palais, masqua l'élan superbe de la coupole, écrasa les charmants souvenirs du Moyen-Age, que les artistes primitifs avaient voulu sauvegarder, mais, somme toute, l'ensemble du temple donna l'impression d'une grandeur colossale et Paul V put écrire fièrement son nom, en lettres gigantesques, au frontispice du grand temple de la chrétienté ; l'œuvre où s'étaient concentrés la pensée et l'effort de la Renaissance était achevée[71].

La passion des splendeurs fut le faible de ce grand Pape. Malheureusement, il ne se borna pas à les prodiguer aux églises et aux monuments de la cité ; il en combla les demeures de ses neveux : les pierreries, les meubles précieux, les carrosses magnifiques, la riche vaisselle, s'accumulèrent dans les villas Borghèse et Rospigliosi, construites par son neveu, le fastueux Scipion[72] ; la famille des Borghèse devint, grâce aux faveurs du Pontife, la plus riche et la plus puissante des familles de Rome. La mort surprit Paul V le 28 janvier 1621. Il eut le temps de se recommander à Dieu et termina, dans les sentiments d'une piété fervente, un pontificat qui, malgré quelques taches, fut vraiment glorieux pour l'Eglise et pour la civilisation.

 

VII

Dans le conclave qui suivit la mort de Paul V, le choix du Sacré Collège, après s'être porté sur le cardinal Bellarmin, qui refusa une fois de plus la charge pontificale, et sur le cardinal Frédéric Borromée, qui déclina pareillement l'honneur de la tiare, se fixa sur le cardinal Alexandre Ludovisi, archevêque de Bologne, ancien nonce pontifical en Savoie, qui prit le nom de GRÉGOIRE XV (9 février 1621). C'était un vieillard maladif, de chétive apparence, le visage pâle, les yeux éteints ; mais il excellait dans l'étude de la jurisprudence ; sa nonciature en Suisse avait révélé sa prudence et son habileté ; initié aux affaires par le Pape défunt et lié d'amitié avec les Borghèse, il était préparé à continuer la politique extérieure de Paul V, qui consistait à favoriser le prosélytisme catholique de l'Autriche sans mécontenter la France ; très attaché aux ordres religieux et en particulier à la Compagnie de Jésus, qui l'avait élevé, on pouvait espérer qu'il mettrait à profit cette nouvelle force de régénération dans le gouvernement de l'Eglise. On savait, du reste, qu'il aurait à côté de lui un jeune homme de, vingt-cinq ans, son neveu, Ludovic Ludovisi, en qui ses ennemis mêmes s'accordaient à reconnaître un remarquable talent pour la direction des affaires. Celui-ci était un de ces esprits actifs et déliés, qui savent toujours trouver un expédient dans les difficultés les plus compliquées ; il possédait aussi ce courage tranquille qui fait marcher droit sur les obstacles, dès qu'on a prévu la probabilité de les surmonter. L'activité du neveu suppléerait, pensait-on, à la faiblesse de l'oncle, et la sagesse du vieillard corrigerait les imprudences du jeune homme.

Si tels furent les calculs des membres du conclave lorsqu'ils abandonnèrent la candidature d'un Bellarmin et d'un Frédéric Borromée, pour élire le vieil archevêque de Bologne, l'événement les justifia pleinement. La première préoccupation du nouveau Pape fut de profiter de la situation qui venait d'être faite à l'Eglise par la victoire des catholiques à la Montagne-Blanche. Nous devons appliquer toutes nos pensées, dit une de ses premières instructions, à tirer autant d'avantages qu'il sera possible de cet heureux changement et de la victoire qui nous est acquise. L'occasion de réaliser ce projet ne tarda pas à s'offrir à lui. Ferdinand II avait promis de conférer au duc Maximilien de Bavière Le Palatinat en cas de succès de la campagne qu'ils avaient entreprise. Or, la réalisation de cette promesse avait, au point de vue catholique, une importance capitale. La situation de l'Allemagne était telle que les voix catholiques et les voix protestantes se contrebalançaient dans le conseil des princes électeurs. Que le Palatinat échût au duc de Bavière, et la majorité était acquise aux catholiques. Mais les difficultés étaient de décider le roi d'Espagne à accomplir sa promesse, de prévenir les oppositions des grinces de l'Europe, d'amener l'empereur à garantir de son autorité suprême cette importante translation. De longues négociations, dans lesquelles la cour romaine fut admirablement servie par un habile capucin, Frère Hyacinthe, aboutirent enfin, le 25 février 1623, à faire déférer l'électorat du Palatinat au duc Maximilien de Bavière, mais à titre purement personnel, les droits des héritiers naturels du Palatinat se trouvant réservés pour l'avenir. Le vieux Pape, en apprenant cette nouvelle, exulta de joie : La fille de Sion, écrivit-il[73], peut maintenant secouer de sa tête les cendres de deuil et revêtir ses habits de fête.

Mais il importait, en même temps que l'on consolidait sur la tête de l'empereur le titre de défenseur de l'Eglise, de ne pas abandonner les relations de bonne entente avec la France. Le roi Louis XIII avait adressé au Pape une demande pour obtenir que le siège épiscopal de Paris fût érigé en métropole. Ce diocèse de Paris qui, depuis son premier évêque saint Denis, lisait-on, avait été gouverné par cent sept évêques, dont neuf avaient reçu la pourpre et dont sept étaient vénérés comme des saints, ce vénérable chapitre, qui avait vu six de ses membres monter sur le trône de saint Pierre[74], ne méritaient-ils pas les honneurs attachés au titre archiépiscopal ? Grégoire XV fit droit à cette requête, et attribua à la métropole de Paris les évêchés d'Orléans, de Meaux et de Chartres[75]. Le 5 septembre de la même année, il donnait un nouveau gage de bienveillance à la cour de France en élevant à la dignité cardinalice l'aumônier de la reine Marie de Médicis, Armand de Richelieu, jeune prélat de 36 ans à peine, qui devait bientôt devenir le maître des affaires de la France et à peu près l'arbitre de celles de l'Europe.

Des événements plus importants resserrèrent l'union qui rapprochait la Papauté du royaume de France. Le sultan Osman II venait de périr tragiquement le 20 mai 1622, assassiné par ses janissaires aux Sept-Tours, et le règne de Moustafa Ier s'annonçait comme un temps d'effroyable anarchie[76]. Grégoire, qui avait commencé des négociations avec Osman à l'effet d'en obtenir la protection des missions catholiques en Barbarie, craignit de voir sombrer dans la révolution ottomane le résultat de tous ses efforts. Or, les relations diplomatiques entre la Porte et la France étaient alors très satisfaisantes. Depuis François Ier, les rois de France, pour soulager peut-être leur conscience de cette entente avec l'Islam qu'on leur avait souvent reprochée du côté de Rome, avaient, suivant l'heureuse expression d'un historien[77], employé à la protection du christianisme l'alliance qui semblait la renier. Depuis 1533, par des conventions que l'orgueil ottoman se plut à appeler des capitulations de la France, mais par lesquelles c'était l'Islam lui-même qui capitulait, l'influence française s'était solidement établie en Orient. Le Pape n'hésita pas à y avoir recours. Rappelant au fils d'Henri IV que, naguère, dans les régences de Barbarie, notamment à Alger, des protégés du roi de France n'avaient dû leur salut qu'à l'intervention de religieux envoyés par Paul V, il demandait à Louis XIII de rendre au Saint-Siège bienfait pour bienfait. Les troubles qui ensanglantèrent le règne du sultan Mourad IV (1623-1640) ne permirent pas à l'intervention du roi de France de produire tous les résultats désirables, mais le rapprochement établi entre la France et le Saint-Siège était acquis.

Servir la cause de l'Eglise en s'opposant à l'hégémonie de la maison d'Autriche : tel était l'objectif de la politique française[78]. Identifier les intérêts catholiques avec ses propres intérêts : telle semblait être l'ambition de la maison des Habsbourg. Les deux prétentions rivales se heurtèrent en Italie, dans la vallée du Milanais. En 1621, les catholiques de la Valteline, conquis par les L'affaire de la Grisons protestants et persécutés dans l'exercice de leur foi, s'étaient soulevés avec violence contre leurs oppresseurs, leur rendant massacre pour massacre, sang pour sang[79]. Mais la Valteline, affranchie des Grisons, retombait sous la domination espagnole. C'était le rétablissement de la terrible ligne stratégique qui permettait aux Habsbourg de faire communiquer leurs possessions d'Autriche avec les possessions espagnoles de l'Italie. La France avait lieu de tout craindre. Le traité de Madrid, signé par Philippe III et Bassompierre le 15 avril 1621, qui restitua la Valteline aux Grisons, en exigeant de ceux-ci des conditions et des garanties difficiles à tenir, ne résolvait pas la difficulté : Il apparut alors que Grégoire XV pouvait seul résoudre le conflit par un arbitrage. Le Pape, considérant que la paix du monde dépendait de son intervention, accepta la proposition qui lui fut faite. Tout était mûr pour un arrangement définitif, ayant pour base l'indépendance de la Valteline, lorsque la mort de Grégoire XV arrêta les pourparlers[80].

 

VIII

Les négociations diplomatiques ne forment pas l'œuvre la plus importante du court et fécond pontificat de Grégoire XV. Sa constitution du 15 novembre 1621 sur l'élection du Pape, celle du 22 juin 1622 sur la Propagande et les diverses mesures qu'il prit pour raviver la piété des âmes chrétiennes, firent de son règne une des étapes les plus importantes de la vie de l'Eglise.

On sait comment les longs efforts des Papes pour affranchir l'Eglise romaine de la domination impériale avait abouti, au milieu du XIe siècle, au règlement de Nicolas H, réservant l'initiative de l'élection du Pape aux sept évêques cardinaux et le vote proprement dit aux clercs-cardinaux, mais maintenant encore la nécessité du consentement du clergé et du peuple et même de l'approbation de l'empereur à qui le Saint-Siège aurait concédé personnellement ce droit. A la fin du XIIe siècle, le IIIe concile de Latran avait fait un pas de plus, en supprimant l'intervention du clergé, du peuple et de l'empereur, et en déclarant requises et suffisantes, pour l'élection papale, les deux tiers des voix des cardinaux. Les fâcheuses tentatives de compromis qu'on avait voulu imposer aux Papes des XIVe, XVe et XVIe siècle, avaient montré la nécessité d'une législation électorale plus stricte encore et plus précise. Grégoire XV, à qui ses habitudes de juriste rendaient ces questions familières, pensa que le n'ornent était venu de promulguer cette législation.

Sa bulle du 15 novembre 1621[81], qui est encore en vigueur dans ses dispositions générales, distingue nettement trois modes d'élection du Pape : l'élection par inspiration, adoration ou acclamation ; l'élection par compromis, et l'élection par scrutin et accession.

L'élection par acclamation a lieu lorsque les cardinaux, comme sous le coup d'une inspiration surnaturelle, nomment le Pape spontanément. Ainsi fut nommé, à la fin du me siècle, saint Grégoire VII. Grégoire XV sanctionne ce mode, mais en l'astreignant à des conditions rigoureuses. Ainsi toute convention antérieure rendrait l'élection nulle, et l'acclamation doit être faite à l'unanimité absolue des voix ; une seule opposition la mettrait à néant. L'élection par compromis a lieu lorsque les cardinaux, pour mettre fin à des difficultés insurmontables, conviennent de s'en rapporter à la décision de l'un ou de plusieurs d'entre eux. Déjà plusieurs Papes, Clément IV, Grégoire X, Clément V et Jean XXII, avaient été élus par compromis. Grégoire XV règle que, pour que le compromis soit valable, tous les cardinaux doivent y avoir consenti : le veto d'un seul annulerait l'élection. La nomination par scrutin et par accession est la plus ordinaire. Les deux tiers des voix, plus une, des membres présents sont exigés pour la validité. L'électeur doit écrire sur son bulletin son propre nom et celui du cardinal à qui il donne son vote ; avant de le déposer dans le calice destiné à le recevoir, il doit jurer qu'il n'a nommé que celui qui lui a paru le meilleur. Le cardinal qui n'observera pas ces lois sera excommunié. L'accession a lieu lorsque, le premier tour n'ayant donné à aucun candidat les deux tiers des voix, on procède à un second, par lequel les électeurs peuvent se rallier à un des candidats pour lequel ils n'auraient pas voté d'abord et compléter ainsi le nombre nécessaire des suffrages. Les règles particulières de l'accession diffèrent peu de celles du premier scrutin ou scrutin proprement dit. Une constitution du 22 mars 1622 détermina d'une manière plus précise les détails du cérémonial à observer[82].

Le grand développement des missions étrangères demandait une organisation et une centralisation de leurs œuvres. Le Pape Grégoire XIII avait déjà ordonné qu'une congrégation de cardinaux fût chargée de la direction générale des missions d'Orient. Mais cette institution n'était ni assez solidement établie, ni pourvue d'assez de ressources pour suffire à sa tâche. Les âmes apostoliques en gémissaient. Un religieux capucin, Jérôme de Narni, se fit interprète de leurs sentiments. Son éloquence enflammée, son accent plein de conviction, ne lui gagnèrent par seulement la popularité parmi la foule, ils lui valurent la sympathie du cardinal Ludovisi, neveu du Pape, et du cardinal Bellarmin. Grégoire XV, éclairé et soutenu par les avis de ces trois ecclésiastiques[83], se décida à élargir et à consolider l'institution de Grégoire XIII. Sa constitution du 22 juin 1622[84] établit une congrégation dite De propaganda fide, composée de dix-huit cardinaux et de plusieurs prélats, qu'il chargea de diriger les missions catholiques de toutes les parties du monde. Elle devrait se réunir au moins une fois par mois en présence du Pape[85]. Grégoire XV lui assigna les premiers fonds nécessaires ; le cardinal Ludovisi lui vint en aide par ses propres ressources et la charité chrétienne, émue par la prédication de Jérôme, se montra généreuse pour la nouvelle institution, qui, bientôt encouragée et développée par Urbain VIII, ne cessa dès lors de prospérer.

Par un ensemble d'actes et de mesures diverses, le saint Pontife s'appliqua à ranimer la piété dans les âmes. Son propre exemple fut une édification. Ce vieillard débile, que des douleurs hépatiques torturaient horriblement, sans pouvoir le distraire des devoirs de sa charge et de ses exercices de piété, fut pour son entourage un modèle de patience chrétienne. Les approbations et les encouragements qu'il donna à plusieurs congrégations religieuses, telles que celle des Clercs réguliers des écoles pies, fondées par saint Joseph Calasanz, celle des Pieux missionnaires, institués par Charles Caraffa, et la congrégation bénédictine de Saint-Maur, étendirent au loin les effets de son zèle. Mais sa foi profonde lui faisait rechercher avant tout l'aide des saints du Paradis. Elevé par les Pères de la Compagnie de Jésus, ce fut pour lui la plus douce des joies, que de placer sur les autels saint Ignace de Loyola et saint François Xavier, ces deux grands saints, disait la bulle, que Dieu suscita, au moment où de nouveaux mondes, peuplés d'infidèles, venaient d'être découverts, et où l'hérésie ravageait l'ancien monde, pour travailler à la conversion des hérétiques et des païens[86]. Il canonisa aussi saint Isidore le Laboureur, saint Philippe de Néri et Sainte Térèse ; et le culte de ces saints, qui doivent être comptés parmi les plus grands de l'Eglise, ne fut pas sans exercer une très efficace influence sur le renouveau de zèle apostolique qui marqua le commencement du XVIIe siècle. L'extension à l'Eglise universelle de la fête de saint Bruno, glorieux patron de la vie contemplative[87], sembla couronner ses efforts pour donner à l'Eglise de nouveaux patrons. Mais le pieux Pontife ne s'en tint pas là C'est à Grégoire XV que le monde chrétien doit les remarquables développements que prirent à cette époque les dévotions à sainte Anne, à saint Joseph et à la Sainte Vierge. Il pensait sans doute qu'après les troubles douloureux qui avaient déchiré l'Eglise, rien ne pouvait être plus bienfaisant à la grande famille chrétienne que de porter ses regards vers ces calmes et graves figures, qui avaient veillé sur le berceau du christianisme. Sainte Anne était- vénérée dans plusieurs églises particulières ; Grégoire voulut qu'elle le fût désormais dans le mondé entier[88]. La piété des fidèles avait beaucoup propagé, en Espagne, aux Pays-Bas et en Hongrie, le culte de saint Joseph, qu'on invoquait sous le titre de Conservatio pacis[89] ; Grégoire fixa sa fête au 19 mars pour l'Eglise universelle. Un grand élan de dévotion portait en même temps les fidèles à affirmer plus que jamais l'Immaculée Conception de la Sainte Vierge. Les bruyantes discussions des théologiens sur ce point étaient de plus en plus dominées par les acclamations de la piété populaire. Chaque fois qu'un prédicateur, entraîné par des sentiments contraires à l'opinion commune, s'oubliait jusqu'à combattre ou railler en chaire la doctrine de l'Immaculée Conception, l'auditoire se soulevait. L'indignation alla parfois si loin, que le fait, porté à Rome, provoqua l'intervention et la censure du Souverain Pontife[90]. Grégoire XV, renouvelant et amplifiant un décret de Paul V, déclara dans un décret du 24 mai 1622, non seulement prohiber les négations et discussions publiques de la croyance commune, mais encore interdire qu'on la mît en question dans les réunions privées[91]. N'était-ce point, dit un historien[92], la reconnaissance réelle, sinon expresse, du mystère, proclamée deux cent trente ans avant la définition ?

L'hiver de l'année 1623 avait augmenté les fatigues du pieux Pontife. La maladie ne le quitta plus. Le 7 juillet, ne pouvant célébrer le saint sacrifice, il fit dire deux messes en sa présence, et reçut l'extrême-onction. Le lendemain, ne se faisant pas d'illusion sur l'imminence du danger, il dit à ses cardinaux : Je men vais avec une consolation : il ne vous sera pas difficile de choisir parmi vous quelqu'un de plus digne et de plus capable que moi ; il aura à corriger quelques erreurs dans l'administration de la République chrétienne.

 

IX

Le nouvel élu fut le cardinal Maffeo Barberini, qui prit le nom d'URBAIN VIII.

Descendant d'une des plus antiques et des plus célèbres familles de Florence, il avait été élevé, comme Grégoire XV, par les jésuites, s'était de bonne heure distingué comme littérateur et comme poète par la publication de plusieurs œuvres littéraires très estimées[93], et avait gravi, sous Clément VIII, Paul V et Grégoire XV, tous les degrés de la curie romaine. On connaissait son zèle pour la répression des abus, et nul ne s'étonna de le voir, dès le début de son pontificat, porter hardiment la main à l'œuvre de la réforme. Il réprima avec énergie le culte de vénération que les citoyens patriotes de Venise rendaient à la mémoire de Fra Paolo Sarpi, régla les conditions de stabilité des religieux dans leurs ordres respectifs[94], et publia un décret réglant les visites canoniques à faire dans toutes les églises, tous les monastères, chapelles de la ville de Rome, pour y corriger les abus que le temps et la faiblesse humaine y avaient laissé introduire, car, disait-il, s'il est urgent de guérir les plaies de la République chrétienne partout où elles se trouvent, c'est aux maux de la ville de Rome qu'il faut songer avant tout.[95]. Il approuva l'ordre de la Visitation, canonisa saint Louis de Gonzague, béatifia François de Borgia, Gaëtan de Thiène, Félix de Cantalice et André Avellin.

Mais bientôt on remarqua, entre lui et ses prédécesseurs, des différences frappantes. Tandis qu'on trouvait ordinairement Clément VIII occupé à lire les livres de saint Bernard, Paul V et Grégoire XV, plongés dans l'étude des canonistes et des jurisconsultes, on surprenait au contraire, sur la table de travail d'Urbain VIII, des études de fortification. Ce n'était point le seul contraste. Dans le conflit qui mettait aux prises l'Europe entière, on avait vu Clément VIII, Paul V et Grégoire XV se tourner complaisamment vers le roi d'Espagne et vers l'empereur ; Urbain VIII, qui, sous Clément VIII et sous Paul V, pendant deux nonciatures dont il avait été chargé à la cour de France, avait, dit-on, gagné la faveur d'Henri IV, semblait pencher plutôt vers le roi très chrétien. Enfin, chez Clément VIII, Paul V et Grégoire X V, les préoccupations de la réforme spirituelle et de la lutte contre le protestantisme primaient tout ; Urbain VIII, arrivant au pouvoir au milieu de la guerre de Trente ans, alors que les questions religieuses se mêlaient si intimement à des questions politiques d'un intérêt suprême, crut que le Saint-Siège devait prendre avant tout position en cette mêlée des peuples, ou tout au moins se prémunir contre le péril d'un choc redoutable. On le vit donc, en même temps qu'il publiait des bulles pour approuver des ordres religieux et canoniser des saints, munir de forteresses les frontières de ses Etats. Mes prédécesseurs ont assez construit de monuments de marbre, disait-il ; je vais, moi, élever des monuments de fer. Une manufacture d'armes fut établie à Tivoli ; les terrains attenant à la bibliothèque du Vatican furent destinés à la construction d'un arsenal ; à Rome, le château Saint-Ange fut fortifié, pourvu de munitions de guerre et de bouche, comme si l'ennemi était aux portes de la ville ; sur les frontières du pays de Bologne, un fort nouveau s'éleva, qu'on appela le Fort Urbain ; de grands travaux furent entrepris à Civita-Vecchia, port libre des Etats pontificaux.

L'affaire de la Valteline mit Urbain VIII dans la nécessité de prendre une orientation politique. Il oscilla d'abord. La prétention des Espagnols, de faire de la Valteline une voie stratégique de communication avec les Autrichiens, l'effrayait ; mais sa foi s'attristait de voir les Valtelins catholiques sous la domination des Grisons protestants. Ce dernier sentiment l'emporta. Quand la cour de France lui demanda de faire évacuer les forts que les milices pontificales occupaient dans le pays depuis Grégoire XV, il refusa ; le marquis de Bagni, commandant des troupes du Saint-Siège, ne céda qu'à la force, au moment où le marquis de Cœuvres envahit la Valteline, en janvier 1625, au nom de Louis XIII[96]. Urbain VIII n'était point cependant rallié pour cela à la politique de l'Autriche. En cette même année 1625, le cardinal Borgia se plaignait, au nom du roi d'Espagne, de la dureté du Pape, de qui on ne pouvait, disait-il, obtenir aucune concession dans l'affaire de la Valteline[97]. Les longues négociations que le Pontife dut engager, à la suite de ces événements, avec la cour de Paris, paraissaient avoir contribué à fixer enfin son attitude.

Dans ces pourparlers, Urbain VIII venait de se trouver en face du cardinal de Richelieu.

Trois grands ministres semblaient alors tenir dans leurs mains les destinées de l'Europe : Buckingham en Angleterre, Olivarès en Espagne et Richelieu en France. L'éclatante incapacité du premier[98] et la disgrâce prématurée du second devaient bientôt laisser la place libre au ministre de Louis VIII. Or, s'il est vrai qu'à cette heure la force expansive de l'élément religieux était en voie de rétrogradation et que le monde était de plus en plus livré à la domination de considérations purement politiques[99], personne ne représentait mieux cette tendance nouvelle que le cardinal de Richelieu. Nul ne peut méconnaître l'importance des services rendus par ce grand homme d'Etat : c'est en partie à son intelligente et énergique protection que la France doit le mouvement de renaissance religieuse et de renouveau littéraire qui marque la première moitié du XVIIe siècle ; quoi qu'en aient dit ses ennemis, sa vie privée fut sans reproche et sa foi catholique fut sincère[100] ; son programme de gouvernement, tel qu'il l'exposa au roi en prenant le pouvoir : ruiner le parti huguenot, rabaisser l'orgueil des grands et relever le nom de la France dans les nations, peut être approuvé sans réserve. Si le désir de combattre la Maison de Habsbourg domina trop exclusivement sa politique étrangère, c'est qu'il jugeait, sans doute, avec le Père Joseph, son confident, que la France, étant seule capable de mener à bien la croisade contre les infidèles et les hérétiques, on travaillait pour la cause même du catholicisme en cherchant à ruiner la très catholique Maison d'Autriche[101]. Mais, de fait, le plan du cardinal devait le conduire à des procédés de gouvernement que la morale réprouve, à des combinaisons politiques dont le parti protestant devait sortir puissamment fortifié. Richelieu aimait à dire que l'avenir est plus considérable que le présent ; or, c'est à des préoccupations de grandeur et de prospérité présentes que sa politique a précisément sacrifié l'avenir. Il est permis de penser que l'exécution du plan que lui proposait la cardinal de Bérulle : maintenir la Maison d'Autriche dans ses limites par une ligue des Etats catholiques et se méfier des protestants au dehors comme au dedans, eût assuré à la fois la grandeur de la France et le triomphe de la catholicité[102].

Les protestations d'orthodoxie de la part de Richelieu, qui manifestait alors ouvertement son opposition aux doctrines de Richer, eurent-elles pour effet de lever les derniers scrupules du Pape ? Quoi qu'il en soit, à partir de 1625, on voit Urbain VIII s'engager progressivement dans la politique du cardinal. En 1625, il favorise le mariage d'Henriette de France, sœur de Louis XIII, avec le roi d'Angleterre, Charles Ier, déterminant ainsi la rupture d'un projet d'union de ce prince avec une infante d'Espagne. Il se réjouit de voir à Mantoue, par le mariage de la jeune princesse avec ; le duc de Nevers, un prince indépendant de la maison d'Autriche. Redoutant l'extension en Italie de l'influence austro-espagnole, il pousse la France à la guerre : Que le roi fasse entrer une armée en campagne, écrit-il, sans attendre la prise de la Rochelle : le siège de ce boulevard des huguenots n'est pas plus agréable à Dieu qu'une intervention dans l'affaire de Mantoue[103]. Il était impossible, semble-t-il, de se rallier plus nettement, dans la circonstance, à la politique de Richelieu. Telle fut l'attitude d'Urbain VIII dans tout le cours de la Guerre de Trente ans. Les chefs de l'armée catholique s'en plaignirent amèrement. Un dernier acte du Pontife les exaspéra. Le 5 mars 1621, sous Grégoire XV, l'empereur Ferdinand II avait publié un Edit de restitution, en vertu duquel les protestants devaient restituer tous les biens ecclésiastiques enlevés-par eux aux catholiques depuis la Paix de religion de 1555 ; le pape Urbain VIII refusa de se prêter à l'exécution de l'édit. Cette mesure, qui atteignait le tiers des possessions protestantes, lui paraissait imprudente et susceptible d'amener des représailles terribles[104]. L'irritation des catholiques alliés fut à son comble. Le général Wallenstein parla d'entreprendre une expédition contre Rome. De leur côté, les protestants firent appel à l'ambitieux roi de Suède, Gustave-Adolphe. On sait comment le terrible monarque, ayant débarqué l'année suivante (1630) en Poméranie avec 40.000 hommes de guerre, rallia autour de lui tous les princes protestants, vit tout plier devant sa puissance, et, prenant sous sa protection particulière les ministres protestants, encourageant partout le culte de la confession d'Augsbourg., fit marcher la prédication luthérienne à la suite de ses troupes victorieuses. Rien n'autorise à croire qu'Urbain VIII ait favorisé de quelque manière les entreprises du roi protestant ; niais la malignité de ses ennemis le supposa[105]. L'empereur se plaignit hautement. Les membres de la cour, romaine, les habitants de Rome murmuraient. Le roi de Suède a plus de zèle pour son luthéranisme, disaient-ils, que notre Saint Père pour l'Eglise catholique, qui peut seule nous sauver. Le cardinal Borgia se présenta devant le Pape pour lui faire entendre une protestation solennelle. Urbain VIII se contenta de répondre que la guerre faite aux Habsbourg n'était pas une guerre de religion[106].

Après la mort de Gustave-Adolphe, l'armée suédoise, aidée par les Français, continua la guerre pendant seize ans encore. Les nations belligérantes étaient également, épuisées. La disparition précoce du roi de Suède avait mis à néant ses vastes projets ; l'empereur Ferdinand laissa tomber son Edit de restitution. On aspirait à la paix. On vit alors le Pape chercher à dégager la cause de la Papauté des intérêts temporels débattus entre les diverses puissances et s'opposer à tout ce qui pouvait être conclu contre l'Edit de restitution[107] ; les jésuites le secondèrent dans cette œuvre[108] ; mais la Papauté avait perdu beaucoup de. son influence : L'empereur, froissé de n'avoir pas été soutenu par Urbain VIII, s'était déclaré champion de l'Eglise malgré le Pape. D'autre, part, les bons rapports avec la France s'étaient altérés. Richelieu ayant persisté, malgré le Pape, à confier au cardinal Lavalette le commandement d'une armée dirigée contre l'Autriche, le Pape avait refusé au ministre de Louis XIII la confirmation de son titre d'abbé de Cîteaux et avait rappelé à Rome son nonce Mazarin. De son côté, la République de Venise, blessée de ce que, dans un document, le Saint-Siège ne l'avait pas traitée à l'égal des rois, lui gardait rancune[109]. La situation n'était pas moins tendue du côté du Portugal, dont Urbain VIII avait refusé de reconnaître le nouveau roi, de la maison de Bragance, de peur d'indigner contre lui la maison d'Espagne. Enfin, les faveurs excessives accordées par le Pape à ses neveux lui avaient aliéné beaucoup de sympathies à Rome. L'insolence et l'avidité de quelques membres de sa famille expliquaient en partie ce revirement. Ce que les Barbares n'ont pas fait, disait-on, les Barberini l'accomplissent, Quod non fecerunt Barbari, faciunt Barberini. La bulle que le Pape publia le 6 mars 1641, pour renouveler contre Jansénius les condamnations déjà portées par Saint Pie V et par Grégoire XIII contre Baius, souleva contre lui les colères d'une secte déjà puissante[110]. Le caractère du Pape, naturellement personnel et dominateur[111], s'aigrissait au spectacle de la décadence de son autorité. De fait, c'est à partir de lui que la Papauté commence à abandonner, semble-t-il, la direction extérieure du monde[112].

Dès les premières années de son pontificat. en 1627, Urbain VIII avait tenu à affirmer le vieux droit public du Moyen Age en donnant à la bulle In cœna Domini sa dernière forme[113]. Il insista pour que chaque année, au milieu des cérémonies du Jeudi-Saint, les fidèles entendissent lire l'énumération des excommunications portées par ses prédécesseurs, Pie V, Jules II, Paul III, Grégoire XIII et Paul V, contre les hérétiques, contre les falsificateurs des Lettres apostoliques, les violateurs des immunités ecclésiastiques, les fournisseurs de munitions de guerre aux infidèles et même contre les princes qui imposeraient à leurs sujets des tributs inusités sans autorisation du Siège Apostolique. Mais la promulgation de ces censures ne produisait plus sur les princes et sur les peuples l'impression de crainte religieuse qui les avaient rendues si efficaces au Moyen Age. Deux faits, où l'autorité du Saint-Siège se trouva imprudemment engagée, contribuèrent à diminuer encore son influence dans le domaine de la science et dans celui de là politique : ce furent la condamnation de Galilée et l'expédition de Castro.

 

X

Nous avons vu comment, au XVe siècle, le savant cardinal Nicolas de Cuse avait, en se plaçant à un point de vue strictement philosophique, attaqué le vieux système de Ptolémée, qui faisait de la terre le centre immobile de l'univers[114]. En 1573, parut à Nuremberg un ouvrage dédié au Pape Paul II et intitulé De revolutionibus orbium cœlestium. L'auteur, le chanoine Nicolas Copernic, se fondant sur l'observation scientifique, y expliquait le mouvement apparent des étoiles, la précession des équinoxes et la plupart des phénomènes qui avaient déterminé le système si compliqué de Ptolémée, par l'hypothèse de la rotation de la terre sur elle-même et d'un mouvement convenable de son axe. La théorie de Copernic, qui contredisait à la fois les données traditionnelles de la science et les explications courantes de la Bible, ne trouva pas plus grâce auprès des protestants qu'auprès des catholiques. Luther disait : Ce fou de Copernic veut bouleverser toute l'astronomie ; mais l'Ecriture dit que Josué arrêta le soleil et non la terre. Rome cependant n'avait pas condamné la théorie nouvelle[115]. Sur ces entrefaites, en 1613, parut un ouvrage italien, intitulé Istoria e dimostrazioni intorno alle macchie solari, où le système de Copernic était ouvertement et ardemment défendu. Son auteur, le Pisan Galileo Galilei, déjà connu par plusieurs travaux scientifiques, comptait des amis dans l'entourage du pape Paul V, qui l'avait lui-même en haute estime ; et, le futur Urbain VIII, le cardinal Maffeo Barberini, lui écrivait, le 5 juin 1612 ; Je lirai avec grand plaisir votre dissertation, tant pour admirer les fruits de votre rare intelligence que pour me confirmer dans mon opinion qui concorde avec la vôtre. L'opposition fut surtout vive parmi les aristotéliciens, pour qui les dires du Stagyrite constituaient le dernier mot immuable de la science, et chez certains exégètes, qui s'obstinaient, malgré l'avertissement de Baronius[116], à chercher dans la Bible un enseignement scientifique. Aristote n'enseignait-il pas que la terre est le centre immobile du monde ? Et la même théorie ne reposait-elle pas sur le témoignage du livre de Josué ?

L'orage éclata à Florence, en 1614, dans l'église Santa Maria Novella, le quatrième dimanche de l'Avent. Le Père Thomas Caccini, des Frères Prêcheurs, prenant pour texte les versets 11 et 13 du dixième chapitre de Josué combinée avec le verset 11 du premier chapitre des Actes des Apôtres, fulmina contre l'orgueil des astronomes et des mathématiciens, né craignit pas de nommer Galilée, et, sans respect pour le texte sacré qu'il commentait, s'écria : Viri galilæi, quid statis adspicientes in cœlum ? Hommes de Galilée, qu'avez-vous à regarder dans le ciel ?

Le célèbre astronome de Pise nous est représenté par tous les historiens contemporains comme un homme passionné, véhément, ne craignant pas de contrecarrer avec vivacité les opinions courantes. Dans ses lettres, il n'hésitait pas à parler des funérailles, ou plutôt du jugement dernier de la philosophie[117]. La Sainte Ecriture ne peut ni mentir ni se tromper, écrivait-il à la date du 21 décembre 1613 ; mais ceux qui l'expliquent peuvent se tromper de bien des manières... Dans les questions de sciences naturelles, l'Écriture Sainte devrait occuper la dernière place... Au surplus, une opinion qui ne concerne pas le salut de l'âme peut-elle être hérétique ? Peut-on dire que le Saint-Esprit ait voulu nous enseigner quelque chose qui ne concerne pas le salut de l'âme ?[118] Le vieux Jean-Baptiste Ciampoli, secrétaire du cardinal Maffeo Barberini lui recommandait d'être prudent, de ne pas dépasser les limites de la physique et des mathématiques, parce que les théologiens prétendent que c'est à eux seuls qu'il appartient d'éclairer les Ecritures[119]. Galilée, de plus en plus audacieux, s'écriait Que Dieu, qui nous a dotés de sens, de parole et d'intelligence, ait voulu, rejetant leur usage, nous donner par un autre moyen les connaissances que nous pouvons acquérir avec leur aide, c'est ce qu'il ne me paraît pas nécessaire de croire[120]. L'imprudent astronome, habilement attiré par ses adversaires sur le terrain de la théologie, tombait dans leur piège. Dès lors, comme on l'a justement remarqué, la question du mouvement de la terre n'était plus qu'accessoire. Il s'agissait avant tout de savoir si on laisserait un laïque sans mission poser des limites à l'exégèse scripturaire. C'est en abusant de l'interprétation individuelle de l'Ecriture Sainte que les protestants avaient nié les sacrements et la transsubstantiation. Il n'y avait pas cinquante ans que Calvin était mort, dix ans que Théodore de Bèze avait cessé d'écrire. Le danger semblait imminent. On marchait, dit M. Henri de l'Épinois, à la lueur de l'incendie qui avait embrasé l'Europe. Le Pape redoutait d'engager l'Eglise dans une voie dont il n'apercevait pas le terme[121]. Le devoir qui s'imposait au Pape d'intervenir paraissait d'autant plus grand, que Galilée avouait lui-même ne pas apporter d'argument irréfragable en faveur de son système[122]. Une théorie douteuse ne pouvait autoriser aucun changement. Dans le doute, écrivait sagement Bellarmin, on ne doit pas abandonner l'interprétation de l'Ecriture donnée par les Pères[123]. Qui ne voit, disait Lorini, le danger que courrait l'Eglise, si on laissait le premier venu expliquer l'Ecriture à sa façon, contrairement au sentiment des Pères et de saint Thomas, et fouler aux pieds la philosophie d'Aristote, qui est un si utile auxiliaire de la théologie scolastique ?[124]

Le 19 février 1616, les théologiens consulteurs du Saint-Office eurent à se prononcer sur les deux propositions suivantes : 1° Le soleil est le centre du monde, et par conséquent immobile de mouvement local ; 2° La terre n'est pas le centre du monde, ni immobile, mais elle se meut sur elle-même tout entière par un mouvement diurne. La première proposition fut déclarée, par les théologiens consulteurs, insensée et absurde en philosophie et formellement hérétique en tant qu'elle contredit expressément de nombreux passages de l'Ecriture Sainte ; la seconde fut déclarée mériter au point de vue philosophique la même censure, et, au point de vue théologique, être au moins erronée dans la foi[125]. En conséquence de cette déclaration, le vendredi 26 février, le commissaire général du Saint-Office intima à Galilée, au nom du Souverain Pontife et de la Congrégation du Saint-Office, l'ordre d'abandonner son opinion, la défense de la soutenir en aucune manière, sous peine de se voir intenter un procès devant le tribunal de l'Inquisition. Galilée, ajoute le procès-verbal, acquiesça à l'ordre qui lui était donné et promit d'obéir[126]. C'était là évidemment une mesure purement disciplinaire. Le 5 mars suivant, la Congrégation de l'Index, sans faire mention du nom de Galilée, à cause sans doute de sa soumission, condamna la théorie copernicienne comme fausse et tout à fait contraire à la divine Ecriture, divinæ Scripturiæ omnino adversans. S'agissait-il à d'une simple note théologique, analogue à celle d'erronée, téméraire, fausse, etc., que l'Eglise a coutume d'employer lorsqu'elle veut mettre les fidèles en garde contre une doctrine sans la qualifier d'hérétique ? Ou bien faut-il voir dans cette formule l'équivalent d'une qualification d'hérésie ?[127] C'est ce qui est discuté. En tout cas, la forme même de l'acte de condamnation, simple décret d'une congrégation romaine, et ne réunissant aucunement les conditions d'une définition de foi faite par le Pape ex cathedra, ne saurait engager l'infaillibilité de l'Eglise[128].

Les choses en seraient restées là et l'on aurait tranquillement, comme le voulait Bellarmin, attendu une démonstration scientifique du mouvement de la terre, pour interpréter l'Ecriture autrement qu'on n'avait fait jusque-là[129], si Galilée lui-même n'eût bientôt compromis la paix par ses paroles inconsidérées et par ses imprudentes démarches.

L'élévation du cardinal Barberini, ce sage ami de Galilée, au Souverain Pontificat, sous le nom d'Urbain VIII, en 1623, aurait pu assurer le progrès pacifique de la science en donnant au savant la sécurité elle ne fit malheureusement qu'exalter ses prétentions. Dès le 9 octobre 1623, il écrivit au prince Cesi : Je ne pouvais espérer de conjectures plus merveilleuses... Je roule dans ma pensée des projets de grande importance[130]. Il voyait sans doute, dans son imagination, le Pape humiliant ses ennemis et couronnant son œuvre triomphante. Le résultat de cette sorte d'ivresse fut la publication à Florence, en 1632, d'une satire mordante contre ses adversaires, qu'il intitula Le dialogue. Accueilli par les uns avec un enthousiasme qui tenait du délire, l'ouvrage déchaîna les colères de tous ceux qu'il blâmait, qu'il raillait, qu'il cherchait à ridiculiser. C'était violer avec insolence l'engagement solennel pris en 1616 devant le Pape. Urbain VIII ne pouvait laisser cette infraction impunie. Sommé de comparaître devant le tribunal de l'Inquisition, Galilée y fut convaincu d'avoir contrevenu à la défense de l'Index du 5 mars 1616 et d'avoir enseigné comme vérité absolue la théorie copernicienne. En conséquence, par jugement du 21 juin 1633, il fut condamné à la prison pour un temps que le Pape déterminerait à sa discrétion. Aussitôt après la condamnation, le Saint-Père lui assigna comme prison le palais de l'ambassadeur de Toscane[131], puis, quinze jours après, lui permit de se rendre à Sienne, dans la splendide demeure de son ami Piccolomini, et enfin l'autorisa à se retirer dans sa propre villa d'Arcetri, près de Florence ; la seule condition imposée était de n'y recevoir aucune personne suspecte et de ne plus parler du mouvement de la terre. L'illustre savant s'y livra à de nombreux travaux scientifiques, y composa ses Dialogues sur les nouvelles sciences, publiés à Leyde en 1638, et y mourut, le 8 janvier 1642, en paix avec l'Eglise, après avoir reçu sur son lit de mort la bénédiction du Pape.

Telle est, dégagée des éléments romanesques que la malveillance envers l'Eglise y a souvent ajoutés[132], l'histoire de la condamnation de Galilée. L'examen impartial des faits justifie pleinement le jugement porté, à la fin du XVIIIe siècle, par le judicieux historien de la littérature italienne Tiraboschi[133] : Si Galilée n'avait pas soutenu son opinion avec tant de feu, et si diverses autres circonstances n'avaient pas concouru à le rendre suspect et odieux aux tribunaux romains, il n'aurait été sujet à aucun ennui pour avoir défendu son système. Voir dans le Décret de l'Index de 1616 et dans le jugement du Saint-Office de 1633 le parti pris d'arrêter les progrès de la science, est une manifeste injustice. Mais, tout explicable qu'elle soit, l'erreur commise par des tribunaux romains parlant au nom du Saint-Siège, n'en fut pas moins très regrettable. Une impression fâcheuse en résulta, à mesure que la -vérité dà système copernicien apparut plus évidente, et ce ne fut pas sans quelque apparence de vérité que les adversaires de l'Eglise reprochèrent à Rome d'avoir combattu la science[134].

 

XI

La condamnation de Galilée avait été un malheur ; la guerre de Castro fut une faute.

Parmi les grandes familles que les divers régimes avaient élevées à de hautes situations dans la péninsule, se trouvait la famille Farnèse, que des rivalités d'intérêt et d'ambition avaient mise en opposition avec la famille Barberini[135]. Dans leur domaine de Castro, érigé en duché par l'un d'eux, le pape Paul III, les Farnèse exerçaient, au détriment de toute équité, une sorte de tyrannie féodale. Urbain VIII, cédant aux instances de ses parents, les Barberini, s'empara de Castro, le 13 octobre 1641, puis, au mois de janvier 1642, lança l'excommunication contre le duc. Une pareille rigueur souleva les princes italiens, depuis longtemps jaloux des agrandissements de l'Etat pontifical. La Toscane, Modène et Venise accoururent au secours du duc Farnèse, qui fit irruption dans l'Etat romain avec 3.000 cavaliers. Urbain n'obtint la paix que par la médiation du roi de France et moyennant l'abandon du duché de Castro à la famille Farnèse (31 mai 1644). Cette triste guerre, où l'on vit un Pape céder aux sollicitations ambitieuses de ses parents, fut une tache dans le pontificat d'Urbain VIII[136].

Malgré tout cependant, l'influence morale et spirituelle du Saint-Siège n'avait cessé de s'exercer d'une manière efficace sur les fidèles du monde entier. En canonisant le 25 mai 1625, sainte Elisabeth de Portugal, l'illustre princesse qui, après la mort du roi Denis, son mari, avait mené la vie d'une pauvre religieuse franciscaine, et en plaçant sur les autels, le 22 avril 1629, saint André Corsini, le noble Florentin, qui avait renoncé au plus brillant avenir pour revêtir l'habit des Carmes, Urbain VIII rappelait au monde l'idéal des plus sublimes vertus chrétiennes. Par les encouragements multipliés qu'il accordait aux ordres religieux, par l'approbation qu'il donnait, le 12 janvier 1632, à la congrégation de la Mission, et par la fondation à Rome du collège de la Propagande, le zélé Pontife facilitait la réalisation de cet idéal aux fidèles. Attentif à favoriser partout la propagation de l'Evangile, il accueillait avec la même bienveillance un ambassadeur du roi du Congo et les envoyés du patriarche de Constantinople Parténios, avec lesquels il pouvait s'entretenir sans interprète dans la langue d'Homère. Urbain VIII pensait d'ailleurs que les encouragements donnés au zèle ne deviennent vraiment efficaces que s'ils sont accompagnés de la répression sévère des Il abolit la abus. Une pieuse personne de Barcelone, Isabelle Rosella, avait fondé, à l'instar de saint Ignace de Loyola, la congrégation religieuse des jésuitesses, soumise aux quatre vœux solennels. Cet institut, qui ne fut pas approuvé par le pape Paul III, était mal vu des jésuites eux-mêmes. Le pape Urbain VIII le supprima en 1638[137].

Il fut peut-être moins bien inspiré dans la réalisation d'une autre réforme, où son goût de lettré prit autant de part que son âme de prêtre. Malgré les cinq révisions successives que les Papes avaient fait subir au bréviaire depuis le commencement du XVIe siècle, les plaintes des érudits, des humanistes et des liturgistes ne cessaient pas. Les érudits trouvaient que le texte des homélies des Pères insérées au bréviaire n'était pas toujours conforme aux meilleures sources ; les humanistes reprochaient aux hymnes de pécher contre les lois de la prosodie et de la métrique ; les liturgistes réclamaient dans les psaumes des divisions mieux adaptées aux nécessités de la psalmodie. Urbain VIII institua deux commissions chargées de reviser le bréviaire, et, par sa bulle Divinam psalmodiam, approuva une édition nouvelle, dans laquelle les textes patristiques étaient donnés d'après leur collation avec les meilleurs manuscrits, les vers latins des hymnes remis sur leurs pieds d'après les principes de la prosodie classique, et les versets des psaumes divisés par un astérisque pour y marquer la place de la médiante. C'est le bréviaire que nous avons aujourd'hui. Quelques critiques ont prétendu que les corrections des hymnes ont déformé, plutôt qu'amélioré, l'œuvre de l'antiquité chrétienne[138], et qu'Urbain VIII a trop imité les Barberini, ses parents, lesquels faisaient aux statues antiques des membres qui les défiguraient plus que les mutilations de leur marbre[139]. Aussi cette correction n'agréa-t-elle pas, d'une manière générale, au peuple chrétien. Aucun des ordres religieux qui avaient conservé leurs anciens rites ne l'adopta ; à Rome même, dans la basilique de Saint-Pierre, on la rejeta, et les meilleurs canonistes, tout en maintenant l'obligation de s'y conformer dans la récitation de l'office, laissèrent entrevoir que l'Eglise, par l'organe de son Chef, pourrait revenir un jour sur la décision d'Urbain VII[140].

La conclusion du traité de paix avec les Farnèse fut la dernière consolation d'Urbain VIII. Au moment où il se promettait de profiler de l'apaisement des esprits en Italie, pour y poursuivre avec plus d'ardeur l'œuvre de la réforme, il se sentit pris de la maladie qui devait l'emporter. Il demanda aussitôt les secours de la religion. Une relation manuscrite de la mort d'Urbain VIII rapporte qu'il manifesta alors le regret d'avoir trop favorisé ses neveux[141]. Quelques-uns ont dit que les murmures du peuple, qui maudissait les Barberini, et les échecs des principales entreprises de la politique pontificale hâtèrent la mort d'Urbain VIII[142]. Il mourut le 7 juillet 1644, à l'âge de soixante-dix-sept ans.

 

XII

Rien ne serait plus injuste que de mettre à la charge des Papes de cette époque les insuccès de leur politique extérieure. Ces résultats tenaient à des causes plus générales. Depuis deux siècles les pouvoirs civils n'avaient cessé de se développer dans le sens d'une autonomie plus jalouse de ses prétendus droits. Le traité de Westphalie devait être la consécration officielle de ces prétentions. Les Papes les plus zélés et les plus sages se heurtèrent à ce nouvel état d'esprit. C'est le spectacle que nous donne le pontificat du successeur d'Urbain VIII, qui fut INNOCENT X.

Le vieillard de soixante-douze ans qui fut élu Pape le 15 septembre 1644 n'avait qu'une idée : continuer l'œuvre de restauration catholique à laquelle ses deux prédécesseurs l'avaient initié[143]. A l'austérité un peu altière d'Urbain VIII, on le vit opposer un abord facile et une humeur gaie. Dans les diverses-fonctions qu'il avait remplies, il s'était toujours montré actif et loyal, aussi bien que doux et avenant. Innocent X conserva ces qualités dans son pontificat : Voyez, disaient les bonnes gens de Rome, comme notre Pape, malgré le fardeau de l'âge et des dignités, est resté aussi libre et frais qu'auparavant ; il parle avec plaisir à tous et laisse chacun s'expliquer[144]. Maintenir l'ordre et la tranquillité dans la ville de Rome par des règlements bien appropriés et par une police bien organisée, fut le premier de ses soins[145]. Pendant la famine qui affligea la ville en 1649, à la suite des inondations du Tibre, on le vit se dépenser sans mesure, faire venir du blé de Sicile et de Pologne, organiser les secours, visiter les boulangers, ouvrir même son palais du Latran à tous les besogneux, pour des distributions de vivres. L'année suivante, la célébration du jubilé lui fut une occasion nouvelle d'accentuer son contact avec le peuple. On le voyait prier avec la foule dans toutes les cérémonies. Entraînés par son exemple, les nobles romains prêtèrent leurs villas et leurs maisons aux étrangers, et toutes les classes de la société semblèrent ne plus former qu'un seul corps et qu'une seule âme, comme aux premiers jours du christianisme[146]. Sous l'influence du Pontife les prédicateurs populaires se multiplièrent. Le Pape encourageait leur parole apostolique, familière, ardente et libre. Il se plaisait à assister aux sermons des orateurs qui, tels que les Pères jésuites Segneri et Abrizzi, flagellaient le plus vigoureusement les mœurs de l'époque. Innocent X, convaincu qu'il n'était pas de plus efficaces instruments de régénération religieuse que des congrégations ferventes et bien réglées, confirma l'institut des Nobles veuves de Dôle, établi pour propager le culte de l'Immaculée Conception de la Sainte Vierge et celui de la Doctrine chrétienne, fondé par César de Bus ; mais, il rompit l'acte d'union que ce dernier institut avait imprudemment contracté avec les religieux somasques[147], et abolit deux congrégations qui s'étaient écartées de leur règle primitive : celle de Saint Basile des Arméniens et celle du Bon Jésus de Ravenne. Son attention était en même temps éveillée sur les agissements des jansénistes : le 31 mai 1653, par la bulle Cum occasione, il condamna les cinq fameuses propositions de Jansénius, et, à la date du 23 avril 1654, il dénonça la bulle apocryphe par laquelle, au dire des jansénistes, Paul V aurait condamné Molina.

A l'exemple de ses prédécesseurs, Innocent X se préoccupa beaucoup d'embellir la ville de nome. On raconte que lorsqu'il traversait la place Saint-Pierre, il ne pouvait détourner ses, regards de la fontaine de Paul V : c'est qu'il voulait rivaliser de somptuosité avec ce Pape. Michel-Ange et Bramante n'étaient plus là mais le Bernin, leur ambitieux disciple, était à l'apogée de sa renommée. Parmi son œuvre inégale, où le démesuré rein-plaçait souvent la vraie grandeur, où le ridicule côtoyait parfois le grandiose, on admirait le somptueux et lourd baldaquin de Saint-Pierre, la superbe villa Barberini et les deux disgracieux clochers du Panthéon que la malice populaire avait surnommés les oreilles d'âne du Bernin. Après quelques hésitations, Innocent confia au Bernin l'exécution de ses grands projets. Certes, l'audacieux artiste devait faire œuvre détestable à l'intérieur de Saint-Pierre. En prodiguant le bronze autour de la chaire, en multipliant ses statues tourmentées dans les niches qu'il creusa dans les piliers, et en jetant à profusion ses placages multicolores de marbres le long de la nef immense, le Bernin fit perdre à l'œuvre de Bramante et de Michel-Ange quelque chose de sa majestueuse grandeur. Mais son œuvre extérieure fut vraiment belle. Lorsqu'il eut fait apporter sur la place de Saint-Pierre, considérablement agrandie, le grand obélisque du temple de Caracalla, et que, dans ce vaste espace, où l'on sentait circuler tant d'air et tant de lumière, l'artiste eut fait espérer d'établir une double colonnade, étendant à droite et à gauche ses deux immenses bras de pierre, comme pour embrasser le monde[148], Innocent put se dire que son rêve était enfin réalisé : il avait embelli l'œuvre de Paul V !

Cette grandeur un peu fastueuse qu'il aimait dans les arts, Innocent X la portait aussi dans son gouvernement. Sa politique extérieure, où la cause de l'Eglise l'inspira de la manière la plus heureuse, fut empreinte d'un caractère de magnanimité ; mais dans sa politique intérieure, où des intérêts de famille l'influencèrent trop souvent, c'est le faste qui malheureusement l'en'. porta.

Au moment où le descendant des Pamphili montait sur le trône de saint Pierre, les longs efforts du Pape Urbain VIII aboutissaient aux premières négociations de paix entre les puissances dont les luttes acharnées, depuis près de trente ans, couvraient de ruines l'Europe entière[149]. En 1644, les premiers plénipotentiaires de la France, de la Suède, de l'Autriche, de tous les Etats chrétiens du continent, de tous les princes d'Allemagne et des villes impériales, s'acheminaient vers les villes de Munster et d'Osnabrück, choisies d'un commun accord, pour y discuter les conditions de la paix. Trois puissances, la France, la Suède et l'Empire, serviraient d'intermédiaires à toutes les autres[150]. Elles devaient s'arroger les pouvoirs les plus complets qu'eût jamais exercés un congrès de nations, ne s'interdisant ni de remanier la carte de l'Europe, ni de refondre le droit international, ni de régler d'autorité les questions les plus délicates touchant les rapports de la Religion avec les Etats.

En dehors des clauses d'ordre purement politique, qui devaient assurer la prépondérance à la France de Louis XIV[151] et transformer de fond en comble la constitution de l'Allemagne[152], les plénipotentiaires de Munster et d'Osnabrück, dans leur désir sincère et louable d'établir une paix durable entre les diverses cor-fessions religieuses et les diverses nations, firent malheureusement triompher trois principes, que nul d'entre eux ne formula en termes exprès, mais qu'il appartient à l'histoire de dégager et de mettre en relief, parce qu'ils résument des idées vaguement répandues depuis deux siècles et devaient inspirer toute la politique moderne : le principe de l'équilibre européen, le principe de l'égalité des cultes et celui de la suprématie du pouvoir civil.

L'établissement d'un ordre international fondé sur le principe de l'équilibré européen était le triomphe de la politique de Richelieu, que Mazarin avait décidément bien comprise et bien continuée[153]. Il était certes important, au moment où les nations modernes venaient de se constituer dans leur autonomie, d'empêcher la prépondérance dominatrice et facilement oppressive de l'une d'entre elles. Urbain VIII lui-même s'était préoccupé de ce danger. Mais l'idée qui triomphait aux traités de Westphalie avait une portée plus vaste et remontait plus haut. Dans l'étude du mouvement intellectuel de la Renaissance, nous avons trouvé, tout près d'Erasme, de Luther et de Calvin, Ximenès, Granvelle et Wolsey, tout près de Michel-Ange Machiavel. Sous l'influence de ces derniers personnages, la politique extérieure avait changé, tout comme l'art et la philosophie. Une extension soudaine donnée aux combinaisons de la diplomatie ; une régularité jusqu'alors inconnue dans le service des cabinets et des ambassades ; l'établissement des armées permanentes ; le terme de puissance employé dès lors pour désigner tout à la fois, dans l'ordre des rapports internationaux, les nations en qui les forces résident et les princes qui disposent de ces forces ; l'idée d'une balance politique des puissances se neutralisant elles-mêmes par un simple jeu de forces opposées, substituée à un système politique fondé sur le droit[154] : telles avaient été les étapes d'une évolution dont Machiavel et ses disciples avaient été les théoriciens ; et, s'il n'est pas juste de faire de Richelieu un pur adepte du machiavélisme, il est impossible de ne pas reconnaître dans l'esprit du grand ministre franchis quelque empreinte des idées émises par le politique florentin[155].

Les traités de Munster et d'Osnabrück sanctionnèrent officiellement ces idées. Quand les diplomates, de l'Europe, après cinq ans de négociations, aboutirent à la rédaction des clauses qui reçurent le nom de traité de Westphalie, le Saint-Empire, défenseur né du droit international, n'exista plus[156]. L'Allemagne, dit M. Lavisse[157], fut officiellement ouverte à l'étranger : le roi de Suède entra dans la diète ; le roi de France devint membre de la ligue du Rhin ; la souveraineté des princes et des villes de l'empire fut reconnue ; l'autorité impériale fut réduite à rien ; et les hautes puissances contractantes, déclarées garantes de la paix de Westphalie[158], eurent le droit de maintenir cette anarchie. La France, notamment, qui se fit la part du lion dans ce démembrement de l'empire, et qui, état catholique et monarchique, se fit l'alliée d'hérétiques, d'infidèles, de révoltés flamands, hongrois, napolitains, pratiqua la première avec éclat cette politique d'égoïsme national[159]. En somme, cette Paix, basée non sur le droit, mais sur un simple équilibre de forcés, dont était absente toute idée de justice, ne pouvait être, suivant l'expression de Frédéric de Schlégel[160], qu'une paix de surface, qu'un intérim, que la préface d'une autre paix générale, que notre siècle attend encore.

Le principe de l'égalité des cultes chrétiens et, par suite, de l'admissibilité des protestants à tous les droits politiques, était posé par l'article V, § 1er, du traité d'Osnabrück, déclarant qu'il y aurait une égalité exacte et réciproque entre tous les Electeurs, Princes et Etats de l'une et l'autre Religion[161] ; D'autres articles spécifiaient qu'il y aurait, soit dans les assemblées des députés de l'empire[162], soit dans la chambre impériale[163], un nombre égal de catholiques et de protestants. Pour couper court aux difficultés qui s'élevaient à propos de la possession des biens ecclésiastiques, comme à propos de l'exercice du culte, il fut décidé que toutes choses seraient ramenées en l'état où elles se trouvaient à la date du 1er janvier 1624[164] ; de telle sorte, dit Rohrbacher, qu'on accorda, ou plutôt que les princes s'accordèrent à eux-mêmes indulgence plénière pour tous leurs vols jusqu'en 1624, qui fut déclarée année normale, après laquelle ils déclarèrent ne plus vouloir voler[165]. Au moins auraient-ils dû en référer au Pape et aux évêques, sans l'autorisation de qui toute translation de biens ecclésiastiques était nulle et de nul effet. On alla plus loin encore : les articles X, XI, XII, XIII, XIV et XV du traité d'Osnabrück accordèrent à certains princes protestants, à titre de compensation, de satisfaction ou de récompense, un grand nombre de biens monastiques et ecclésiastiques. C'est dans ce traité et à ce propos que l'on rencontre pour la première fois le mot de sécularisation.

Le principe essentiellement protestant de la suprématie du pouvoir civil[166] était nettement proclamé dans l'art. V, § 12[167]. Attendu, disait le traité, qu'il appartient aux Etats d'avoir, avec le droit de territoire et de supériorité, le droit de réformer la religion... aucun Etat, immédiat ne sera troublé dans le droit qui lui appartient sur les affaires de la Religion. C'était se mettre en opposition formelle avec le Concile de Trente, réservant à la seule autorité ecclésiastique, notamment aux conciles canoniquement tenus, le droit de réformer les mœurs ou de se prononcer sur les formules dogmatiques[168].

La protestation du Pape ne pouvait manquer de se faire entendre. Par sa bulle Zelus domus meæ, du 26 novembre 1648, Innocent X déclara nuls, vains, invalides, iniques, réprouvés, sans force et sans effets... tous les articles du traité portant préjudices à la Religion catholique, au culte divin, au Siège apostolique romain, ainsi qu'aux églises inférieures[169]. De fait, dit un savant canoniste allemand, si le traité de Westphalie peut être considéré comme un effort sincère et méritoire en tant qu'il a eu pour but d'établir une paix durable entre les diverses confessions religieuses et entre les diverses nations, il constituait, au point de vue du droit civil de l'époque, comme au point de vue du droit canonique, une évidente injustice. Ni les Etats n'avaient de droit d'attribuer à des princes temporels des fondations établies au profit de corporations et pour des fins d'ordre spirituel ; ni ils ne pouvaient disposer des biens d'Eglise sans le consentement des autorités canoniquement reconnues de l'Eglise, les évêques et le Pape ; encore moins pouvaient-ils prendre sur eux d'abolir les évêchés et des chapitres, dont la juridiction spirituelle ressortissait directement au Saint-Siège[170].

Parmi les hommes d'Etat de cette époque, qui, suivant l'expression d'Innocent X, cherchaient plutôt leurs intérêts que ceux de Dieu[171], nul ne paraît s'être trop ému d'une protestation que le Pape avait faite pour libérer sa conscience afin de n'être pas accusé de négligence au jour où il paraîtrait devant le tribunal de Dieu[172]. L'autorité du Pontife était d'autant moins redoutable à leurs yeux, que des difficultés sans nombre entravaient à Rome la liberté de son gouvernement. Une fois de plus, la Papauté venait de tomber sous le joug du népotisme. La belle-sœur d'Innocent X, Donna Olympia Maidalchina de Viterbe, femme intrigante et énergique, paraît devoir porter la responsabilité des faveurs excessives que le Pape distribua aux membres de sa famille. La faction des Barberini, neveux du Pape précédent, s'agita. Parmi les parents même d'Innocent X, la jalousie sema des divisions et des luttes. Le parti espagnol, qui comptait plusieurs adeptes dans Rome, se réveilla, menaçant. Des seigneurs amis de Mazarin arborèrent aux fenêtres de leurs palais, en guise de protestation, les armes de France. Des mesures prises par le Pape et attribuées à l'influence de Donna Olympia, ne tirent qu'augmenter l'irritation de la noblesse. L'âge et les soucis altérèrent profondément la constitution robuste du Pontife. Alors, son impérieuse belle-sœur ne le quitta plus ; elle lui imposa, en quelque sorte, ses services. A la fin de décembre 1654, le malheureux Innocent X, se sentant plus faible qu'à l'ordinaire, voulut recevoir les derniers sacrements et réunit auprès de lui ses neveux et nièces : Vous voyez, murmura-t-il, où vont aboutir les grandeurs du souverain Pontificat !

Le 7 janvier 1655, assisté du Père Jean-Paul Oliva, général de la Compagnie de Jésus, il rendit son âme à Dieu. Un chroniqueur rapporte que son corps resta trois jours abandonné dans une chambre du palais, où les ouvriers avaient l'habitude de déposer leurs outils[173]. Donna Olympia, sur qui la curie s'était reposée pour prendre les dispositions nécessaires, ne s'était occupée ni de commander une bière ni de pourvoir à tout autre soin. Pallavicini, en rappelant le fait, ajoute : Grand enseignement pour les Pontifes ! Il leur apprend ce qu'ils peuvent attendre des parents pour lesquels ils ont compromis leur conscience et leur honneur ![174]

Ce n'était pas seulement la mort d'un Pape ; c'était la fin d'un régime. En fait, écrit M. Brugère[175], on ne reconnaîtra plus désormais la voix de la Papauté dans l'ordre temporel. Elle devra se renfermer dans l'ordre spirituel, et n'en sortira guère qu'aux jours des extrêmes périls, pour sauver cette ingrate Europe, qu'elle avait jadis civilisée et organisée.

 

 

 



[1] Le jour qui donna le commencement au XVIIe siècle, dit un Annaliste de cette époque, donna pareillement aux Chrestiens une nouvelle vie par le Grand Jubilé, qui fut ouvert avec l'année. Jamais Rome ne se crut plus glorieuse qu'en ces douze mois qu'elle vit dans l'enceinte de ses murailles presque toute l'Europe soumise aux pieds de son Pasteur, le Souverain de l'Eglise, pour recevoir de sa bouche les instructions de salut, et de ses mains, quoy que gouteuses, les thrésors de la terre et du ciel. On y vit un grand nombre de Huguenots, qui firent le voyage par curiosité et non par dévotion, sans appréhender les rigueurs de l'Inquisition, qui cessent l'an du Jubilé ; et lorsqu'ils virent ce Vieillard vénérable, qui visitait tous les jours les églises, se prosternait aux 'pieds des apôtres et des martyrs, recevait les pèlerins, servait les pauvres à table, entendait leur confession, ils ne crurent plus que le Pape fût l'Antéchrist... Il y en eut jusqu'à trente-six qui abjurèrent leurs erreurs devant le Pape et firent profession de foy catholique en l'Eglise de Saint-Louys, avec Armand, ministre de Genève, qui les avait conduits. Les vies, mœurs et actions des Papes de Rome, composées par B. PLATINA, traduites par le Sieur COULON, Paris, 1651, t. II, p. 194-196. On voit, par ce récit, que l'année 1600 était censée commencer le XVIIe siècle et non finir le XVIe. Voir des détails plus circonstanciés dans Annali d'Italia, t. X, p. 567-568.

[2] Rodolphe semble s'être rendu compte, dès le début, qu'il n'était pas à la hauteur de sa tâche. Le roi nous a déclaré en toute simplicité, écrivit le nonce Delfino à l'époque de la diète élective de Ratisbonne, qu'il était incapable de porter le lourd fardeau du gouvernement. THEINER, Annales Ecclesiastici, t. II, p. 463. Le nouvel empereur parlait six langues, était très versé dans les sciences mathématiques et se plaisait à rassembler autour de lui les chefs-d'œuvre de l'art ; mais son caractère était faible, indécis et chagrin. Cf. JANSSEN, L'Allemagne et la réforme, t. IV, p. 500.

[3] M. COURNOT, Considérations sur la marche des idées et des événements dans les temps modernes, t. I, p. 203-204.

[4] La lassitude et le malaise, produits par ces longues et ardentes discussions, apparaissent dans les relations des chroniques contemporaines. Quelques docteurs s'échauffent davantage à soutenir dans leurs chaires leurs opinions touchant la grâce par des disputes ambitieuses, qu'à conserver ou établir les âmes des fidèles dans la possession de cette grâce par une condescendance chrestienne. Cette question fut agitée avec beaucoup de chaleur en présence du Pape, mais non décidée, sans autre fruit de la vie. Loire que le désavantage des deux partis, l'un bandé en apparence contre Pélagius et l'autre contre Calvin, et peut-être tous deux armés contre l'Esprit de Jésus-Christ, qui est un esprit d'union et d'unité. CIACONIUS, Vie de Clément VIII, dans la Continuation de PLATINA, Vie des Papes, t. II, p. 198-199.

[5] On pourrait croire, à voir l'importance donnée de nos jours au supplice de Giordano Bruno, que cet événement, arrivé le 15 février 1600, avait profondément ému l'opinion des contemporains. En réalité, l'exécution de Bruno excita peu de sympathie pour la victime et on ne s'aperçoit pas que l'autorité du Pape et de l'Eglise en aient souffert. Ce n'est qu'au XIXe siècle que des érudits ont plus ou moins exalté la valeur scientifique des ouvrages de Giordano Bruno. Un de ses plus ardents admirateurs, M. Harold Hoffding, lui fait gloire d'avoir conçu le plus grand système philosophique qu'ait édifié la Renaissance (HAROLD HOFFDING, Hist. de la phil. moderne, trad. BORDIER, Paris, 1906, t. I, p. 115) ; mais Bayle le taxait d'absurde et déclarait ses doctrines mille fois plus obscures que tout ce que les sectateurs de Thomas d'Aquin et de Jean Scot ont dit de plus incompréhensible, BAYLE, Dict. hist. et crit., au mot Brunus. Giordano Bruno, né en 1548 à Nola, près de Naples, entra en 1563, à l'âge de quinze ans, au noviciat des dominicains. On raconte que, dénoncé comme hérétique en 1576, il précipita son accusateur dans le Tibre. Ce qui est certain, c'est qu'il s'enfuit alors de son couvent et mena une vie errante en Italie, en France, en Allemagne et en Angleterre. Successivement chassé de Paris, de Londres et de Strasbourg, excommunié par les calvinistes de Genève et par les luthériens de Helmstadt, il fut condamné par l'Inquisition romaine, comme hérétique obstiné, à la dégradation et brûlé vif, le 17 février 1600. Voir PREVITI, Giordano Bruno e suoi tempi, Prato, 1887 ; H. DE L'EPINOIS, Jordano Bruno, dans la Rev. des qu. hist., t. XLII, 1887, p. 180-191 ; Dict. Apologétique, au mot Bruno.

[6] Le népotisme ne disparaîtra complètement que sous Innocent XII, à la fin du XVIIe siècle. On rencontrera encore, pendant quelque temps, les deux neveux favoris, l'un dans le Sacré Collège et l'autre dans l'administration civile ; d'après l'usage le cardinal neveu est inéligible, mais il a une grande influence dans l'élection du successeur. Cf. RANKE, Hist. de la Papauté, l. IV, ch. VI.

[7] Hippolyte Aldobrandini, proclamé Pape le 20 janvier 1592 sous le nom de Clément VIII, était né en 1536 à Fano, dans les Etats de l'Eglise, d'une illustre famille florentine. Sixte Quint l'avait fait cardinal en 1585 et l'avait envoyé comme légat de Pologne en 1586. Cf. Dict. de théol. de VACANT-MANGENOT, au mot Clément VIII.

[8] Le roman de Cervantès, Don Quichotte, dont l'influence devait être considérable sur le mouvement des idées, parut en 1605.

[9] Quarante-deux lettres d'Henri IV, découvertes dans les Archives du prince Doris, permettent de suivre la politique du roi de France dans cette affaire. Après de vagues promesses, il se déroba à l'invitation de Clément VIII. Henri IV pensait qu'une alliance avec le sultan servirait davantage les intérêts du commerce français et des missions catholiques en Orient.

[10] MURATORI, Annali d'Italia, t. XI, p. 1-3.

[11] Les historiens ont longtemps discuté sur le Grand dessein d'Henri IV. Jusqu'en ces derniers temps on ne mettait pas en doute la réalité de ce grand projet, longuement exposé par Sully dans ses Mémoires ou Œconomies royales, passim, à partir de 1593 jusqu'en 1609. Voir PETITOT, Collection de Mémoires relatifs à l'hist. de France, t. II-VII. Il faudrait, disait M. Wolowski, dans un rapport lu dans la séance publique des cinq Académies le 14 août 1860, il faudrait accuser Sully de la plus audacieuse des falsifications, pour rejeter ces témoignages, ces paroles, ces documents, qui tous conduisent au même résultat. Mais tandis que M. Poirson, dans son Histoire du règne de Henri IV, 2e édit., t. IV, p. 16, ne voyait dans le Grand Dessein qu'un moyen de rapprocher et de réunir en faisceau les principautés réformées, pour les opposer au parti catholique, M. Mercier de Lacombe, dans son étude sur Henri IV et sa politique, p. 409, y découvrait l'intention d'arriver à une politique absolument et exclusivement catholique. On ne considère plus aujourd'hui ce projet que comme un roman imaginé de toutes pièces par Sully disgracié et vieillissant. Tandis qu'il assistait, oisif et inutile, au succès de la politique dirigée par Richelieu contre la maison d'Autriche, il dut se dire et il finit par croire qu'Henri IV, s'il avait vécu, aurait aussi bien fait, sinon mieux ; et il mit tous ses soins ; et nul scrupule, à le persuader à la postérité. H. MARIÉJOL, dans l'Hist. de France de Lavisse, t. VI, 2e partie, p. 125. De fait, on n'a pas trouvé trace d'un projet pareil dans les archives des puissances catholiques on protestantes ; plusieurs chiffres donnés par Sully ont été reconnus inexacts ; des lettres entières ont été fabriquées de toutes pièces ; dans d'autres, des phrases relatives au Grand Dessein ont été habilement intercalées. Cf. Ch. PFISTER, Les Economies royales de Sully et le Grand Dessein de Henri IV.

[12] Ce que nous appelons la carrière diplomatique n'existait pas à cette époque, au moins en France ; tout au plus y avait-il quelque chose d'approchant dans la république de Venise et dans le service du roi d'Espagne. Un grand seigneur se rendait à une cour pour un objet défini, avec une mission individuelle et temporaire, il attachait à sa suite des gentilshommes pour l'apparat, des serviteurs intimes, des clercs le plus souvent, pour la rédaction des écritures. A côté de ces ambassades, des agents bénévoles s'entremettaient. A Rome, où venaient aboutir et s'enchevêtrer toutes les négociations de la chrétienté, les agents officieux étaient légion... Pour la France, en particulier, ce fut une tradition constante d'entretenir à Rome des prélats romains restés bons et actifs Français... Pendant vingt-cinq ans cette tradition n'eut pas de gardien plus heureux et plus adroit que l'abbé d'Ossat. E.-M. DE VOGÜÉ, Le cardinal d'Ossat, dans la Revue des Deux-Mondes du 1er mai 1895, p. 211. Cf. A. DEGERT, Le cardinal d'Ossat, sa vie et ses négociations, Paris, 1894. On sait le cas fait du cardinal d'Ossat par Fénelon dans sa Lettre à l'Académie, et l'estime en laquelle le tient La Bruyère, qui, dans son chapitre des Jugements, n'hésite pas à placer le négociateur d'Henri IV entre Ximénès et Richelieu.

[13] Fu creduto da molti, et anche da Papa Clemente VIII, che la religione cattolica avesse a montar sul Trono con questo Re. Si trovarono ben ingannati. MURATORI, Annali, XI, 10.

[14] CIACONIUS, Vitæ et res gestæ Poncificum et cardinalium, 4 vol. in-f°, Rome, 1677, t. IV, col. 277, et s.

[15] COCQUELINES, Bullarium, t. V, 2a pars, p. 52.

[16] COCQUELINES, Bullarium, t. V, 2a pars, p. 92.

[17] COCQUELINES, Bullarium, t. V, 2a pars, p. 301.

[18] COCQUELINES, Bullarium, t. V, 2a pars, p. 422.

[19] COCQUELINES, Bullarium, t. V, 3a pars p. 54.

[20] COCQUELINES, Bullarium, t. V, 1a pars, p. 411.

[21] COCQUELINES, Bullarium, t. V, 3a pars, p. 129.

[22] COCQUELINES, Bullarium, t. IV, 1a pars, p. 386.

[23] COCQUELINES, Bullarium, t. IV, 2a pars, p. 87. La même année, le patriarche copte d'Alexandrie fit une démarche semblable.

[24] COCQUELINES, Bullarium, t. IV, 2a pars, p. 72.

[25] Lettre de du Perron à Henri IV, 25 janvier 1605.

[26] MURATORI, Annali, XI, 15.

[27] Clément VIII penchait manifestement vers l'opinion thomiste. Cependant, s'il faut en croire un de ses confidents intimes, le cardinal Monopolio, son idée ne fut jamais de condamner Molina, mais de définir certaines doctrines de saint Augustin également admises par les deux partis. Il mourut sans avoir rien décidé. Cf. J. DE LA SERVIÈRE, dans le Dict. de théologie de VACANT-MANGENOT, au mot Clément VIII.

[28] MURATORI, Annali d'Italia, t. XI, p. 16.

[29] Cf. G. CALENZIO, La vita egli scritti del card. C. Baronio, 1 vol. in 8°, Roma, 1909.

[30] Baronius, confesseur de Clément VIII, avait usé de son influence pour faciliter la réconciliation d'Henri IV avec l'Eglise. Des relations sympathiques entre le Pape et le roi de France avaient été la conséquence de cet événement, et les Espagnols en faisaient un reproche à Baronius.

[31] Voir dans SERRY, Hist. cong. de Auxiliis, liv. II, cap. XXVI, la lettre confidentielle écrite par Bellarmin pour dissuader de toutes ses forces le Pape Clément VIII de trancher la question si complexe des effets de la grâce. Plusieurs cardinaux, entre autres le cardinal Passionei, l'accusèrent à cette occasion de soutenir ses vues personnelles et les intérêts de son Ordre. Mais, lors du procès de sa canonisation, le promoteur de la foi déclara n'avoir rien à lui reprocher de ce fait. Cf. X. LE BACHELET, dans le Dict. de théologie de VACANT-MANGENOT, t. II, col. 567.

[32] PLATINA-COULON, t. II, p. 203.

[33] X. LE BACHELET, Dict. de théologie de VACANT-MANGENOT, t. II, col. 563.

[34] D'AVRIGNY, Mémoires chronologiques, année 1605.

[35] PLATINA-COULON, t. II, p. 203.

[36] Plus tard en 1614, alors qu'il pouvait croire l'ère des disputes définitivement close par le décret du 1er décembre 1611, imposant silence aux thomistes et aux molinistes, Bellarmin écrivait : Je fais vœu, si je suis élu Souverain Pontife, de n'élever aucun de mes parents on de mes proches. Cf. X. LE BACHELET, Dict. de théol., II, 563.

[37] MURATORI, Annali, ann. 1605, t. XI, p. 14.

[38] RANKE, II, 419.

[39] Concilii Tridentini canones et decreta, sess. XXIII, De reformatione, cap. I.

[40] Cette décadence avait été rendue presque irrémédiable par l'incendie de son arsenal en 1569 et par le malheureux traité qu'elle avait été obligée de conclure en 1573 avec les Turcs.

[41] Le dernier de ses grands peintres, Le Tintoret, était mort en 1594 ; Alexandre Varotari et les deux frères da Ponte continuaient sans éclat les traditions artistiques du Titien, de Paul Véronèse et du Tintoret.

[42] MURATORI, Annali, ann. 1605, t. XI, p. 14.

[43] Conc. Trid., sess. XXV, cap. XX.

[44] MURATORI, Annali, t. XI, p. 20.

[45] D'AVRIGNY, Mémoires chronologiques et dogmatiques, ann. 1605, éd. de 1781, t. I, p. 24-25.

[46] Sur la lutte de Paul V contre la République de Venise, voir MURATORI, Annali, 1606, 1607, t. XI, p. 19 et s. — PLATINA-COULON, t. II, p. 209-210. — D'AVRIGNY, Mémoires, t. I, ann. 1605, p. 24-28.

[47] Voir la formule entière dans SUAREZ, Defensio fidei, lib. VI, proœmium et BELLARMIN, Responsio Apologiam, præambul. Cf. LINGARD, Hist. d'Angleterre, t. VII, p. 403, 481, 483, 582.

[48] Reconnaître devant Dieu le roi Jacques comme un souverain maitre, sans distinction du temporel et du spirituel, condamner comme impie et hérétique une opinion théologique libre, et déclarer de plus que le serment était exigé, par une juste et pleine autorité ; de telles déclarations étaient sans contredit contraires à la foi et au salut.

[49] C'est la date donnée par DUPUIS, dans son Histoire ecclésiastique du XVIIe siècle. D'AVRIGNY, donne la date du 23 août, Mémoires, t. I, p. 29.

[50] Sur la portée des deux brefs de Paul V, voir GOSSELIN, Pouvoir du Pape au Moyen Age, éd. de 1846, p. 588-599, 738-751.

[51] JANSSEN-PASTOR, t. V, p. 294-299.

[52] CHARVÉRIAT, Hist. de la Guerre de trente ans, t. I, p. 10-12.

[53] Cf. ALZOG, Hist. universelle de l'Eglise, trad. GOSCHLER, t. III, p. 267.

[54] JANSSEN-PASTOR, L'Allemagne et la Réforme, trad. PARIS, t. V, p. 525-552.

[55] RANKE, III, 76. Cf. CHARVÉRIAT, Hist. de la Guerre de Trente ans, t. I, p. 30-31.

[56] Voir notamment Advis sur les causes des mouvements de l'Europe, envoyé aux rois et princes pour la conservation de leurs royaumes et principautés, présenté au roy très chrétien par le comte de Furstemberg, ambassadeur de l'empereur ; inséré dans le Mercure François, t. IX, p. 342.

[57] JANSSEN-PASTOR, V, 297-303. — CHARVÉRIAT, I, 42-44.

[58] RANKE, III, 71.

[59] CHARVÉRIAT, I, 44-45.

[60] C'était une scission du parti des Hussites.

[61] Sur la situation politique et sociale de la Bohême à cette époque, voir une étude spéciale de CHARVÉRIAT, t. I, Appendice, p. 553-556.

[62] CHARVÉRIAT, I, 92-100.

[63] HURTER, Geschichte Kaiser Ferdinands II und semer Eltern, Schaffouse, 1850, t. II, p. 229 ; t. III, p. 436.

[64] CHARVÉRIAT, I, 110. — GINDELY, Geschichte des bœmischen Aufstandes, t. I, p. 357.

[65] PLATINA-COULON, t. II, p. 207.

[66] BZOVIUS, Paulus Quintus, 1 vol. in-8°, Romæ, 1626, cap. XXIV, p. 81.

[67] BZOVIUS, Paulus Quintus, ch. XXII, p. 29.

[68] BZOVIUS, Paulus Quintus, c. XXI.

[69] Sur son zèle pour les missions étrangères voir BZOVIUS, Paulus Quintus, c. XXV et XXIX, PLATINA-COULON, II, 208. Nous en parlerons plus loin.

[70] Vita Pauli V compendiose scripta, Manuscrit de la bibliothèque Barberini, cité par RANKE, III, 242.

[71] EUGÈNE PÉRATÉ, Le Vatican, les Papes et la civilisation, Paris, 1895, éd. illustrée, p. 616.

[72] RANKE, III, 200-201, d'après les documents d'archives, cités en notes.

[73] Cité par RANKE, III, 92. Un des premiers actes de l'empereur fut d'ordonner aux protestants, par un édit du 26 mars 1627, d'embrasser le catholicisme ou d'émigrer dans un délai de quatre semaines. Ces mesures, dit l'historien de la guerre de Trente ans, sont en désaccord avec les principes politiques suivis de notre temps, mais elles étaient conformes aux principes politiques admis partout au XVIIe siècle. Si l'on considère que le dogme religieux était, pour l'immense majorité des hommes, le seul principe de la morale et du droit, et qu'un seul changement dans le dogme produisait un changement dans la vie civile et politique, il parait très difficile de refuser aux gouvernements d'alors tout droit de contrainte en cette matière. CHARVÉRIAT, 502.

[74] Boniface VIII déclare, dans une bulle du 18 décembre 1296, avoir reçu la dignité de chanoine de l'Eglise de Paris. Le nécrologe de Paris mentionne, comme ayant appartenu au chapitre parisien, cinq autres Papes : Grégoire IX (Obit au 22 août), Adrien V (3 août), Innocent VI (8 sept.), Grégoire XI (27 mars) et Clément VII (17 septembre).

Les vives oppositions faites par le chapitre de Sens, de qui dépendait jusque là le diocèse de Paris, retardèrent la vérification de la bulle d'érection par le parlement jusqu'au 8 août 1623.

[75] COCQUELINES, Bull., t. V, 5a pars, p. 67.

[76] A. RAMBAUD, dans l'Hist. Générale, t. V, p. 850-851.

[77] ETIENNE LAMY, La France du Levant, p. 57.

[78] Laisser se développer la puissance de la maison d'Autriche, c'était, suivant Richelieu, mettre des fers à la chrétienté, faire du Pape un chapelain des Habsbourg. Cf. RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 282 et s., 391 et s.

[79] CANTU, Les Hérétiques d'Italie, t. IV, Disc. IV. — ROHAN, Mémoires, t. II, p. 17, 66, 129 et s., 183.

[80] RANKE, III, 118-121. — PLATINA-COULON, II, 215.

[81] COCQUELINES, Bull., t. V, 4a pars. p. 400-403.

[82] COCQUELINES, Bull., t. V, 5a pars, p. 5-17.

[83] F. HIEROTHEI, Epitome historica rerum franciscanorum, p. 362.

[84] COCQUELINES, Bull., t. V, 5a pars, p. 26-28.

[85] COCQUELINES, Bull., t. V, 5a pars, p. 26.

[86] COCQUELINES, Bull., t. V, 5a pars, p. 131, 137.

[87] COCQUELINES, Bull., t. V, 5a pars, p. 93.

[88] COCQUELINES, Bull., t. V, 5a pars, p. 25.

[89] BOLLANDISTES, mars, t. III, p. 9.

[90] DUBOSC DE PESQUIDOUX, L'Immaculée Conception, Histoire d'un dogme, t. I, p. 435.

[91] COCQUELINES, t. V, 4a pars, p. 45-46.

[92] DUBOSC DE PESQUIDOUX, L'Immaculée Conception, Histoire d'un dogme, t. I, p. 437.

[93] Les poésies latines d'Urbain VIII ont été imprimées à Paris, au Louvre, en 1642, en un vol. in-folio, sous ce titre : Malfei Barberini Poemata. Ses poésies italiennes ont paru à Rome, en un vol. in-12, en 1640. Les unes et les autres ont généralement pour objet la religion.

[94] COCQUELINES, V, 5a pars, p. 248-259.

[95] COCQUELINES, t. V, 5a pars. p 198-199.

[96] H. MARIÉJOL, dans l'Hist. de France de LAVISSE, t. VI, IIe partie, p. 238.

[97] RANKE, III, 153.

[98] Cf. AUGUSTIN FILON, dans l'Hist. Générale, t. V, p. 602.

[99] RANKE, III, 177.

[100] H. MARIÉJOL, dans l'Hist. de France de LAVISSE, t. VI, IIe partie, p, 368-369.

[101] H. MARIÉJOL, dans l'Hist. de France de LAVISSE, t. VI, IIe partie, p. 236.

[102] Cf. HOUSSAYE, Le cardinal de Bérulle, t. III, p. 485.

[103] SIRI, Memorie, t. VI, p. 478, cité par RANKE, II, 153.

[104] L'événement donna raison à ces craintes. Voir les témoignages apportés par CHARVÉRIAT, I, 461. Un historien allemand a même prétendu que l'édit de restitution avait été rendu à l'instigation de Richelieu, qui se proposait par là de troubler l'Allemagne. — KOCH, Geschichte des deutschen Reichs..., t. I, p. 16.

[105] Pour la réfutation de cette calomnie, voir Hist. pol. Bl., t. XCIV, p. 471 ; Hist. Jahrb., t. XVI, p. 366 et s. — On reprochait cependant au Pape d'avoir dit : Dieu lui-même a suscité le roi de Suède pour nous protéger contre les violences de l'Autriche et de l'Espagne. CHARVÉRIAT, II, 151.

[106] AL. CONTARINI, Relatione di Roma, 1635.

[107] Une bulle d'Urbain VIII rappela aux princes et aux évêques le devoir strict qu'ils avaient de défendre les droits de l'Eglise. COCQUELINES, VI, 2e pars, p. 289-295.

[108] Lettre du cardinal Barberini au nonce Baglione, 17 mars 1635, citée, par RANKE, III, 172.

[109] Le Pape, ayant accordé aux cardinaux le titre d'Eminence, avait ordonné que cette appellation leur serait désormais donnée par tous, sauf par les rois. Venise n'était pas exceptée.

[110] Voir plus loin.

[111] RANKE, III, 151-152.

[112] BRUGÈRE, Tableau de l'Histoire et de la littérature de l'Eglise, p. 837.

[113] Par la bulle Pastoralis Romani Pontificis vigilantia, du 1er avril 1627. La Bulle appelée In cœna Domini, parce qu'elle devait être lue chaque année au Jeudi-Saint, commençait en réalité par le mot Consueverunt sous la forme que lui avaient donné les prédécesseurs d'Urbain VIII. Elle débuta désormais par les mots Pastoralis romani Pontificis. Cette publication annuelle cessa sous Clément XIV.

[114] Jam nobis manifestatum est terram istam in veritate moveri, licet hoc non appareat, cum non apprehendimus motum nisi per quamdam comparationem. NICOLAS CUSA, Opera, in-f°, Bâle, 1565, p. 41.

[115] J. CZINSKI, Copernik et ses travaux, Paris, 1847.

[116] La Sainte Ecriture, disait le cardinal Baronius, a pour but de nous apprendre comment on va au ciel, et non pas comment va le ciel.

[117] Lettre de Galilée au prince Cesi, datée du 12 mai 1612.

[118] GALILEO GALILEI, Le Opere, t. II, p. 6. M. J. Bertrand donne un échantillon de la vivacité de style de Galilée en citant les épithètes suivantes, qu'il écrivit en marge du traité du péripatéticien ROCCO : O elefante, pezzo di bue, animaliccio, ignorantissimo, castrone meschino, cappo grosso, animale, arcibue, bue, etc. — J. BERTRAND, Les Fondateurs de l'astronomie moderne, p. 246.

[119] Lettre du 28 février 1615.

[120] Le Opere, t. II, p. 26 et s.

[121] PIERRE AUBANEL, Galilée et l'Eglise, Avignon, 1910, p. 70-71.

[122] Au moment de se rendre à Rome pour répondre à la citation du Saint-Office, Galilée écrivait à son ami Diodati : Supposez que plus tard la cohésion et l'ensemble des faits viennent attester le mouvement de la terre. La presque unanimité des savants déclarait la nouvelle théorie inadmissible. Voir AUBANEL, op. cit., p. 20, 37-38.

[123] Lettre du 12 avril 1615 au Père Foscarini, publiée par BERTI, Copernico e le vicende del sistema copernicano, Roma, 1873.

[124] VON GEBLER, Die Acten, p. 12 et s., Ms. du Procès, fol. 342.

[125] VON GEBLER, Die Acten, p. 47, Ms. du Procès, fol. 376.

[126] VON GEBLER, Die Acten, p. 49, Ms. du Procès, fol. 378-379.

[127] Le Dr FUNCK, Zur Galilei Frage, p. 460 et s., et M. VACANDARD, Etudes de critique et d'histoire, p. 340 et s., soutiennent que par le décret de 1616, la doctrine copernicienne, prise dans son ensemble a été stigmatisée comme hérétique ; mais le P. GRISAR, Galileistudien, p. 213-251, pense que la qualification d'hérétique ne se trouvant que dans les décisions des théologiens consulteurs, et non pas dans le décret de la Congrégation, la note d'hérésie n'a pas été encourue par le système de Copernic. On ne voit pas d'ailleurs qu'à partir, de ce moment les partisans de cette théorie aient jamais été tenus comme hérétiques.

[128] On a quelquefois fait valoir, pour justifier l'Eglise dans cette affaire, 1° que le décret de la congrégation n'a pas été signé, par le Pape ; 2° que le système de Galilée n'a pas été condamné en lui-même, mais seulement en tant que s'appuyant sur l'Ecriture Sainte ; 3° que la Congrégation permettait de le soutenir à titre d'hypothèse ; 4° qu'au fond la décision du Saint-Office, condamnant la théorie de l'immobilité du soleil, est vraie au point de vue scientifique, la science moderne ayant montré que le soleil a un mouvement propre de translation vers un certain point de l'espace. Tous ces arguments doivent être abandonnés, car 1° le Pape ne signe jamais les décrets des Congrégations, mais les Congrégations agissent toujours par son ordre, et, si l'approbation pontificale n'est pas énoncée dans les décrets de 1616 et de 1633, c'est que l'usage de la mentionner expressément ne s'est introduit que vers le milieu du XVIIe siècle ; 2° il suffit de lire le texte des décrets, pour voir que le système de Copernic, y est condamné purement et simplement ; 3° à l'époque de Galilée, on donnait au mot hypothèse une signification purement abstraite, comme en mathématiques, quand on suppose, par exemple, deux droites prolongées à l'infini. Ce n'était qu'un mode d'exposition des phénomènes célestes, considéré sans rapports avec la réalité. Cf. JAUGEY, Le procès de Galilée et la théologie, p. 13 ; 4° la lecture des pièces du procès montre que les congrégations romaines, en condamnant la proposition suivante : le soleil est dépourvu de mouvement local, ont entendu simplement affirmer que le soleil n'est pas le centre du monde, que c'est lui qui se meut autour de la terre et non la terre autour du soleil. Cf. AUBANEL, op. cit., p. 187.

[129] Le P. Grassi écrivait à Guiducci, à propos des idées de Galilée : Quand il se trouvera une démonstration de ce mouvement, il conviendra d'interpréter l'Ecriture autrement qu'on ne l'a fait ; c'est l'opinion du cardinal Bellarmin. Le Opere, t. IX, p. 65. Les cardinaux Conti, Borromeo, Francisco del Monte et Maffeo Barberini étaient connus comme favorables aux idées de Galilée. En septembre 1612, un dominicain avait soutenu la théorie copernicienne dans des conférences publiques. Le Opere VIII, 229. Le secrétaire des Brefs de Grégoire XV, Aguechi, prédisait à Galilée que le monde serait un jour unanime à approuver son système. Le Opere, VIII, 274. Le 8 mars 1614, le P. Thomas Campanella écrivait à Galilée dans le même sens. Le Opere, VIII, 305. De tout cela on a conclu que le système de Galilée n'a pas été proprement condamné en lui-même, mais en tant seulement que son auteur y faisait mal à propos intervenir l'Écriture Sainte. De deux choses l'une, en effet, pouvait-on dire : ou bien l'Ecriture doit être interprétée dans un sens scientifique, comme plusieurs le pensent, et alors il est claire que la théorie de Galilée lui est opposée ; ou bien l'Ecriture doit être, ainsi que le juge Bellarmin, considérée comme étrangère à la science, et dans ce cas Galilée a le tort de la mêler à son système. On sait qu'aujourd'hui la règle d'exégèse qui divisait alors les esprits est parfaitement éclaircie. Les textes sur lesquels on discutait doivent être pris dans un sens populaire, l'auteur inspiré n'ayant pas eu pour but de faire œuvre scientifique. Voir l'Encyclique Providentissimus de Léon XIII et les diverses Réponses de la Commission Biblique.

[130] Le Opere, t VI, p. 289.

[131] C'était la villa Médicis, bâtie sur le Pincio et devenue depuis 1801 le siège de l'Académie des Beaux Arts. Les dépendances de la villa Médicis étaient alors plus considérables qu'aujourd'hui et comprenaient des bois et des vignes d'une grande étendue.

[132] Le récit des malheurs de Galilée, exagéré comme une pieuse légende, dit M. Joseph Bertrand, membre de l'Institut, a affermi, en le vengeant, le triomphe des vérités pour lesquelles il a souffert... Il faut tout dire : cette grande leçon n'a pas coûté de bien profondes tristesses, et la longue vie de Galilée, prise dans son ensemble, est une des plus douces et des plus enviables que raconte l'histoire de la science. J. BERTRAND, Les Fondateurs de l'Astronomie moderne, p. 179. Galilée n'a été ni enfermé dans les prisons de l'Inquisition, ni soumis à la torture, comme on l'affirme quelquefois. Un seul document fait une allusion lointaine et vague à la torture, et il est reconnu apocryphe par l'unanimité des historiens ; il est l'œuvre d'un mystificateur, dont Tiraboschi a été la victime. Cf. BERTRAND, op. cit., p. 254-256. Quant à l'anecdote qui montre Galilée relevant fièrement la tête en face de ses juges et s'écriant en frappant du pied : E pur si muove ! Et pourtant elle se meut ! c'est la plus invraisemblable des légendes. Elle a été racontée pour la première fois en 1761 par l'abbé IRAILH dans son livre Les Querelles Littéraires. Il est avéré que Galilée a abjuré sa doctrine avec une docilité parfaite devant ses juges. Cf. VACANDARD, Etudes de critique et d'histoire, p. 335-336.

[133] TIRABOSCHI, Storia della litteratura italiana, t. VIII, p. 346.

[134] Les décisions des congrégations ne furent du reste, jamais considérées par les contemporains comme irréformables, et l'Eglise devait les rétracter plus tard. Cf. VACANDARD, Etudes de critique, p. 374-375. La Providence, dit le P. Grisar, en permettant qu'une hypothèse destinée à renverser l'enseignement fut arrêtée dans sa marche, voulut peut-être ménager les faibles, que la transformation trop rapide de cette hypothèse en vérité scientifique aurait scandalisés. — GRISAR, Galileistudien, p. 123, 344, 354-356.

L'édition nationale des œuvres de Galilée, commencée en 1890 a été terminée, avec le tome vingtième, en 1909. GALILEO, GALILEI Opere, Firenze, 20 vol. in-8°. L'immense Correspondance de Galilée comprend plus de 4.000 lettres.

Sur Galilée, voir Léon GARZEND, l'Inquisition et l'Hérésie, à propos de Galilée, un vol. in-8, Paris, 1913 ; et MAOICCHI, Galileo e la sua condamna, un vol. in-16, Milan, 1919.

[135] MURATORI, Annali, ann. 1641, t. XI, p. 142-143.

[136] MURATORI, Annali, ann. 1644, t. XI, p. 153-154. Cf. THEINER, Codex diplomaticus, Roma, 1861-1862, t. III, p. 453-454. Cinq ans plus tard, en 1649, un aventurier devenu premier ministre du duc de Farnèse, ayant fait assassiner l'évêque de Castro, le Pape Innocent X s'empara de nouveau de Castro, qu'il fit raser, et Farnèse, pour obtenir la paix, dût céder ses deux Etats de Castro et de Ronciglione. — H. DE L'EPINOIS, Le gouvernement des Papes, p. 466. Cf. MURATORI, XI, 186.

[137] Sur les jésuitesses, leur constitution, leur histoire et leur suppression, voir HÉLYOT, Hist. des ordres monastiques, t. VII, p. 491-493, et RICHARD SIMON, Bibl. crit., t. I, p. 298. C'est à tort que Richard Simon prétend que le bullaire romain ne contient pas l'acte de suppression des jésuitesses. Le bref de suppression se trouve à sa date, année 1638, Bull., t. IV, p. 115.

[138] Chanoine ULYSSE CHEVALIER, Université catholique, t. VIII, 1891, p. 122 et s.

[139] Mgr. BATTIFOL, Histoire du bréviaire romain, p. 263.

[140] ULYSSE CHEVALIER, loc. cit. On sait que le Pape Pie X a nommé une commission chargée de réviser le bréviaire.

[141] L'historien Novaes déclare avoir lu cette relation manuscrite. — NOVAES, Elementi della noria de Sommi Pontefici, t. IX, p. 277.

[142] MURATORI, Annali, t. XI, p. 199.

[143] Le nouveau Pape, issu de la noble famille des Pamphili avait été auditeur de rote et nonce à la Cour de Naples sous Grégoire XV. Urbain VIII l'éleva à la dignité de patriarche d'Antioche et l'accrédita comme nonce auprès de Philippe IV.

[144] CONTARINI, Relazione, 1648, cité par RANKE, III, 221.

[145] CONTARINI, Relazione, 1648, cité par RANKE, III, 221.

[146] Multitudinis autem credentium erat cor unum et anima una. Act. Apost., IV, 32.

[147] En 1616, le P. Viger, troisième supérieur général des clercs de la Doctrine chrétienne, avait voulu, dans la pensée de mieux affermir sa congrégation, lui donner la forme d'un ordre religieux et y introduire les vœux solennels. Il s'était uni à cet effet avec l'ordre des Somasques. Mais l'union n'avait pas produit les bons effets désirés, et le P. Viger lui-même avait fini par demander au Saint-Siège la rupture du contrat passé avec les Pères Somasques. Le décret d'Innocent X rendant les clercs de la Doctrine chrétienne au clergé séculier est du 30 juillet 1647. Voir sur cette question : HÉLYOT, Hist. des ordres mon., t. IV, ch. XXXIV, p. 239-244.

[148] Ce projet fut réalisé par le Bernin sous Alexandre VII.

[149] E. DENIS, Hist. générale, t. V, p. 579.

[150] E. LAVISSE, Hist. de France, t. VII, Ire partie, p. 15.

[151] Sur la clause un peu confuse qui contenait la cession de l'Alsace à la France, voir LAVISSE, Hist. de France, t. VII, Ire partie, p. 16-20.

[152] E. DENIS, Hist. générale, t. V, p. 582. — E. LAVISSE, Hist. de France, t. VII, Ire partie, p. 16-21.

[153] LAVISSE, Hist. de France, t. VII, Ire partie, p. 24.

[154] M. COURNOT, Considérations sur la marche des idées dans les temps modernes, t. II, chap. VI, De l'avènement de la politique moderne et de l'idée de l'équilibre politique.

[155] Sur les rapports et les divergences qui existent entre les principes de Machiavel et ceux de Richelieu, voir l'important ouvrage de PAUL JANET, Histoire de la science politique dans ses rapports avec la morale, 2e éd., Paris, 1872, t. II, p. 101-103. Il y a des traces de machiavélisme dans ce que Richelieu dit de la justice d'Etat, qui doit se conduire par d'autres voies que la justice ordinaire (Testament politique, IIe part., c. V) ; mais il faut reconnaître qu'aucun écrivain politique n'a condamné d'une manière plus forte et plus éclatante le principe de l'infidélité aux engagements (Ibid., IIe part., c. VI).

[156] E. DENIS, dans l'Hist. Générale de Lavisse et Rambaud, V, p. 581.

[157] E. LAVISSE, Vue générale de l'hist. pol. de l'Europe, p. 130-131.

[158] Que tous ceux qui ont part à cette transaction soient obligés de défendre et protéger toutes et chacune les lois ou conditions de cette paix contre qui que ce suit, sans distinction de Religion. LÉONARD, Recueil des traités de paix faits par les rois de France, Paris, 1603, t. III. Traité d'Osnabrück, art. XVII, p. 59.

[159] E. LAVISSE, Hist. de France, t. VII, Ire part., p. 23.

[160] FRÉDÉRIC DE SCHLÉGEL, Philosophie de l'histoire, trad. LECHAT, Paris, 1836, t. II, p. 293.

[161] LÉONARD, loc. cit., t. III, Traité d'Osnabrück, p. 12. Cf. p. 14-15.

[162] Traité d'Osnabrück, art. 5, § 18. — LÉONARD, op. cit., p. 28.

[163] Traité d'Osnabrück, art. 5, § 20. — LÉONARD, op. cit., p. 28.

[164] Osnabrück, art. 5, § 3-9. — LÉONARD, p. 16-19.

[165] Osnabrück, art. 5, § 3-9. — LÉONARD, p. 16-19.

[166] Que la doctrine de la suprématie du pouvoir civil dans les affaires de religion soit une doctrine essentiellement protestante, c'est ce que Döllinger prouve amplement dans l'Eglise et les Eglises, trad. Bayle, p. 38-45.

[167] LÉONARD, loc. cit., p. 22-23.

[168] Conc. Trid Sess. XXIV, cap. II, De reform. Cl. Conc. Const. Sess. XXXIX.

[169] Voir la Bulle dans LÉONARD, op. cit., p. 62-65,

[170] WALTER, Manuel de droit canonique, 8e éd., p. 221. Cf. ALZOG, Hist. Univ. de l'Eglise, trad. GOSCHLER, t. III, p. 276.

[171] Bulle Zelus domus meæ, § 1.

[172] Bulle Zelus domus meæ, § 1.

[173] HYACINTHE GIGLI, Diario.

[174] PALLAVICINI, Vie manuscrite d'Alexandre VII. Citée par NOVAES, Vitæ Pontificum, t. X, p. 56.

[175] BRUGÈRE, Tableau de l'hist. et de la litt. de l'Eglise, p. 838.