La prise de Rome par Alaric, en 410, avait laissé dans les esprits une impression profonde. Elle avait fait prendre conscience de la grandeur d'un péril trop longtemps ignoré. Le triomphe des barbares n'avait été si prompt, que parce qu'ils avaient trouvé partout des intelligences secrètes. L'armée, la magistrature, la cour, étaient peuplées d'Hérules, de Vandales, de Goths. L'empire d'Occident se sentait perdu, submergé par les flots d'une invasion d'autant plus redoutable qu'elle s'était faite, non par chocs violents, mais par une marche lente, insensible et assurée. La confiance des barbares s'exaltait. De fait, en 425, l'empire d'Occident n'avait plus guère qu'un demi-siècle à vivre. Cinquante et un ans plus tard, le dernier des césars allait remettre son pouvoir, sans secousse et sans bruit, au chef insignifiant d'une horde étrangère. Les chrétientés de l'Occident prirent part à l'angoisse universelle. C'est pour les rassurer que saint Augustin et Salvien écrivirent, en se plaçant à des points de vue différents, l'un son livre de la Cité de Dieu, l'autre son traité du Gouvernement divin. D'autre part, les controverses théologiques s'apaisèrent. Il n'en fut pas de même en Orient. La situation politique, quoique menacée, y était moins chancelante. La splendeur de Constantinople gagnait de ce que perdait en prestige la vieille Rome. Le mouvement intellectuel se concentra dans cette partie du monde civilisé. D'ardentes controverses y surgirent. Les pouvoirs civils s'en mêlèrent ; c'était une vieille habitude chez eux ; et cette intervention donna plus d'une fois aux événements un caractère tragique. I A la mort d'Honorius, en 423, un secrétaire d'Etat, du nom
de Jean, usurpa le titre d'empereur. Combattu par Théodose II, dit le Jeune,
il essaya de soulever les barbares en sa faveur, et périt misérablement en
425. Les troupes de Théodose le Jeune amenèrent alors en Italie un petit-fils
de Théodose le Grand, Valentinien III. Mais le jeune prince était un enfant
de six ans : sa mère Placidie gouverna l'Occident en son nom. Ce n'était pas
une femme, tutrice d'un jeune enfant, qui pouvait utilement faire face aux
grands dangers que courait l'empire. De la Gaule à la Pannonie, de la Germanie
romaine à l'Afrique, les barbares allaient et venaient. Autour de la régente,
les généraux intriguaient. L'un d'eux, Aèce, parvint à supplanter ses rivaux,
et força l'impératrice Placidie à l'investir du commandement général des
armées de l'Occident. Aèce parait avoir possédé toutes les qualités du
vaillant guerrier et de l'habile politique[1]. Si l'empire
romain eût pu être sauvé par les armes ou par les négociations diplomatiques,
Aèce l'eût sauvé. Il parvint du moins à reculer de quelque temps la chute de
cet empire, en opposant sans cesse une nation barbare à l'autre[2]. Deux groupes de
barbares se massaient aux frontières : les Francs, les Saxons et les Mamans,
au côté du Rhin, les Goths proprement dits, les Vandales, les Gépides, les
Hérules et les Burgondes, le long du Danube. Aèce, qui connaissait ces
peuples parce qu'il avait été leur otage et qu'il s'était lié d'amitié avec
plusieurs de leurs chefs, vainquit les Burgondes avec le secours des Francs,
essaya de rétablir l'autorité impériale en Espagne avec l'aide des Visigoths,
et favorisa la constitution d'un royaume germanique en lui imposant la
condition de reconnaître l'autorité des empereurs. Mais la tâche qu'il avait
entreprise était au-dessus des forces humaines. L'empire,
a dit Godefroid Kurth, s'évanouissait sous l'action
de cette force latente, mais irrésistible, qui faisait couler toute sa sève
dans les veines de l'Eglise. Aèce et Stilicon firent autant de mal par leur
ambition que de bien par leurs victoires. Quand il fallut défendre la société
contre les envahisseurs, ce furent des évêques et des prêtres qui se
chargèrent de cette mission[3]. C'est à eux qu'échut la tâche d'intervenir, dans la mesure
du possible, auprès des chefs barbares, ou encore d'implorer l'assistance des
commandants romains. Le danger, la commune misère, rapprochaient alors le
clergé des fidèles. Ceux-ci sentaient plus que jamais le besoin d'avoir pour
évêques des hommes de tête et de cœur. Ils les demandaient souvent aux
monastères, qui, depuis saint Martin, s'organisaient un peu partout. D'autres
fois — ce fut le cas du célèbre saint Germain d'Auxerre, de saint
Paulin de Nole, de Sidoine Apollinaire et de bien d'autres — le choix se portait sur d'anciens fonctionnaires, dont ils
avaient pu apprécier le mérite pendant leur administration séculière[4]. Mais intercéder auprès d'un roi barbare, sauver une cité du pillage, ce n'était pas tout. Le péril des invasions avait apporté dans les esprits une perturbation générale. Voyant l'empire menacé, païens et chrétiens se renvoyaient les uns aux autres le reproche d'avoir causé sa ruine. Rome est punie, disaient les païens, pour avoir renié ses anciens dieux. — Rome est châtiée, répliquaient les chrétiens, parce qu'elle est encore trop païenne. La masse était profondément troublée. Cette Rome, qu'on s'était habitué à regarder comme éternelle ; cette Rome, dont le culte s'était associé à celui des vieilles divinités nationales, et qui restait elle-même, aux yeux des plus sceptiques, comme une sorte de divinité ; cette Rome qui semblait la clef de voûte de l'ordre universel, était maintenant à la merci d'un coup de main. Le patriotisme, l'amour de la tradition et de l'ordre, les sentiments les plus nobles de l'âme humaine, étaient ébranlés à la fois. Le génie d'Augustin n'avait pas attendu l'heure du suprême péril pour se préoccuper de la gravité du problème. Dès 412, il occupa les loisirs de son laborieux ministère à la composition d'une œuvre qui devait lui demander quatorze ans de réflexions et de labeurs, et qu'il intitula : la Cité de Dieu. C'est l'ouvrage le plus important du grand évêque. Avec les Confessions, la Cité de Dieu occupe une place à part. Les Confessions sont la psychologie vécue d'une âme individuelle, la Cité de Dieu est la philosophie de l'histoire de l'humanité. En face du problème que pose la chute de l'empire romain, Augustin, par un élan de son génie, élargit le cadre et considère les destinées de l'ensemble de l'humanité par rapport à la religion chrétienne. Changeant le sens du vieux mot civitas, cité[5], dont le prestige fascine le citoyen de l'empire, il appelle cité de Dieu la société de tous les serviteurs de Dieu dans tous les temps et dans tous les pays, et cité terrestre ou du démon la société de tous les ennemis de la vraie religion ; la première, formée de tous ceux qui aiment Dieu jusqu'au mépris du monde ; la seconde, composée de tous ceux qui chérissent le monde jusqu'à mépriser Dieu. L'érudition d'Augustin a pu vieillir ; ses vues générales dominent l'histoire même des faits et des peuples qu'il n'a pas connus[6]. Douze ans plus tard, un prêtre de race gallo-romaine, un
disciple de saint Honorat, Salvien, reprenait, dans une œuvre moins
puissante, la même question de l'avenir du monde, et la résolvait nettement
en faveur des barbares. Vous pensez être meilleurs
que les barbares, écrivait-il en s'adressant aux Romains. Ils sont
hérétiques, dites-vous, et nous sommes orthodoxes. Je réponds que par la foi
nous sommes meilleurs ; mais par notre vie, je le dis avec larmes, nous
sommes pires. Les Goths sont perfides, mais pudiques ; les Alains voluptueux,
mais fidèles ; les Francs, menteurs, mais hospitaliers ; la cruauté des
Saxons fait horreur, mais on loue leur chasteté. Et nous nous étonnons que
Dieu ait livré nos provinces aux barbares, quand leur pudeur purifie la terre
encore toute souillée des débauches romaines ![7] En 417, Paul
Orose, disciple de saint Augustin, dans son Historia ad paganos, avait écrit ces par ales
prophétiques : Vous me dites que les barbares sont
les ennemis de l'Etat. Je répondrai que tout l'Orient pensait de même
d'Alexandre. Les Romains ne parurent pas meilleurs aux peuples dont ils
allèrent troubler le repos. Les Germains bouleversent maintenant toute la terre
; mais la postérité saluera peut-être un jour du titre de grands rois ceux en
qui nous ne savons encore voir que des ennemis[8]. II En fait, les évêques et les moines ne se contentaient pas de défendre les cités du monde romain contre le pillage des envahisseurs ; ils organisaient les Eglises déjà fondées chez les barbares, et en fondaient de nouvelles. L'établissement de la primatie ecclésiastique d'Arles, et la conquête de l'Irlande au christianisme datent de l'époque où saint Augustin, Paul. Orose et Salvien écrivaient les pages que nous venons de citer. Un décret d'Honorius, daté du 23 mai 418, avait fixé dans la ville d'Arles le lieu de réunion des sept provinces de la Gaule. Dans le désarroi produit par le va-et-vient des barbares, Arles, située à portée de l'Espagne et de l'Italie, semblait le centre désigné, pour l'avenir, de l'influence romaine au delà des Alpes. Cette haute situation politique de la grande ville provençale favorisait déjà sa suprématie religieuse. En 426, l'élection à l'évêché d'Arles du saint fondateur de Lérins, Honorat, vint encore rehausser son prestige. L'épiscopat d'Honorat ne dura que deux ans. Mais il laissait à côté de lui un autre lui-même, le moine Hilaire, formé comme lui dans l'île sainte, et dont le grand renom de sainteté s'imposait au clergé des Gaules. Hilaire profita de cet ascendant pour renforcer autour de lui la discipline ecclésiastique. Non content de donner au clergé de son diocèse les leçons et les modèles des plus austères vertus et du zèle le plus éclairé, il réunit à Riez, à Orange et à Vaison des conciles provinciaux, auxquels assistèrent les évêques de la Viennoise, de la Narbonnaise Seconde et des Alpes maritimes. On le vit même, soucieux d'arracher l'élection des évêques à des intrigues humaines, intervenir en dehors des limites de sa juridiction canonique, pour faire respecter par l'épiscopat les saintes règles de l'Eglise[9]. Sans doute, il s'agissait là de provinces encore au pouvoir des Romains ; car les Visigoths ne dépassaient pas encore les Cévennes et les Corbières ; les Francs, la Somme ; et les Burgondes étaient cantonnés dans les montagnes voisines du lac Léman[10] ; mais quand, après la mort d'Aèce, les barbares franchirent ces limites, ce fut une sauvegarde pour les Eglises chrétiennes des Gaules que d'avoir été fortement organisées sous la direction des évêques d'Arles. La vie chrétienne était si intense dans les Eglises des Gaules, qu'elle rayonnait dans les pays celtiques. En 429, saint Loup de Troyes et saint Germain d'Auxerre allaient pacifier la Grande-Bretagne, troublée par l'hérésie de Pélage ; et, vers la même époque, un Gallo-Romain, Patrice, formé à la vie religieuse dans les monastères de la Gaule, portait la foi chrétienne en Irlande[11]. Patrice, né dans la Bretagne centrale, en une localité où l'on s'accorde à reconnaître Deventry, à l'ouest de Northampton, d'un certain Potitus, qui était membre de la curie municipale, avait été enlevé, à l'âge de seize ans, par des pirates de race celtique, puis vendu comme esclave en Irlande, où, pendant six ans, il connut toutes les souffrances et toutes les horreurs de la servitude. Ayant réussi à s'échapper, il se retira en Gaule. Mais constamment, dans ses rêves, il voyait les enfants des païens irlandais, dont il avait connu le joug, étendre vers lui leurs petits bras en lui demandant le baptême. Il lui semblait entendre leurs voix plaintives lui disant : Viens vers nous, viens nous sauver[12]. Après avoir complété sa formation ecclésiastique[13] dans les monastères de Marmoutier et de Lérins, il fut ordonné prêtre et évêque, et, sur sa demande réitérée, envoyé en cette qualité en Irlande par le pape Célestin. Son apostolat fut long et pénible. On lui assigne généralement une durée de trente-trois ans. L'histoire et la légende se sont tellement mêlées dans les récits de son apostolat, qu'il est difficile d'en faire le départ exact. Ce qui est incontestable, c'est le merveilleux succès final de sa mission. Au déclin de sa vie, Patrice put se réjouir de voir les Irlandais devenus un peuple chrétien, alors qu'avant lui ils ne connaissaient d'autres dieux que les idoles[14]. Les monastères de la Gaule ne se bornaient pas à préparer
des évêques réformateurs comme Honorat et Hilaire d'Arles, des missionnaires
comme Loup de Troyes et Patrice ; ils devenaient des foyers de science, des
écoles de théologie. La plus célèbre de ces écoles fut celle de Lérins. Les
années qui s'écoulèrent, de l'avènement de Valentinien III à l'avènement de
saint Léon le Grand, virent paraître plusieurs ouvrages de Fauste de Riez,
d'Hilaire d'Arles et de Salvien de Marseille, tous trois formés à l'école de
Lérins. Fauste, né breton comme Pélage, était venu de bonne heure dans le
midi de la Gaule. Accepté comme moine au monastère de Lérins en 430, il en
devint l'abbé en 433, et ne le quitta qu'en 452 pour prendre le gouvernement
de l'Eglise de Riez en Provence. C'est à partir de cette dernière date qu'il
devait se signaler comme le plus ardent défenseur du semi-pélagianisme. Ses
premiers ouvrages, composés à Lérins, se bornaient à combattre l'arianisme et
le macédonianisme. En un style qui ne manquait ni de force ni de vie, mais
non exempt d'enflure et d'obscurité, Fauste se révélait comme un esprit
ingénieux et hardi, de la race de ceux qui deviennent facilement des maîtres.
Dans une œuvre de ton plus modeste, la Vie de saint Honorat, publiée en 430,
un autre fils de Lérins, Hilaire d'Arles, se manifestait plutôt comme un
docteur de vie ascétique. Indépendamment de ces ouvrages, beaucoup de
sermons, prononcés par les moines de Lérins et recueillis par les tachygraphes, étaient répandus parmi les fidèles et
lus avec avidité[15]. Mais le succès
de toutes ces œuvres fut dépassé par celui qu'obtint, en 434, un opuscule
sorti du même monastère et publié sous le titre de Commonitorium. L'auteur se dissimulait sous le
pseudonyme de Peregrinus. Sous les apparences d'un modeste
aide-mémoire, ayant pour objet de mettre à la portée du lecteur la doctrine
des saints Pères et les notes caractéristiques de la vraie doctrine
catholique, c'était, au fond, en termes clairs et mesurés, un manifeste
d'Ecole. La doctrine fondamentale de l'ouvrage se trouvait dans deux formules
que les siècles futurs devaient répéter et que le concile du Vatican devait
même insérer en partie dans la première de ses Constitutions dogmatiques[16] : 1° La doctrine catholique consiste à s'attacher avant tout à
ce qui a été cru partout et toujours par l'Eglise[17] ; mais 2° ce
dépôt immuable de la foi n'est pas un dépôt immobile et inerte ; il est fait pour croître et progresser, dans l'intelligence, la
science et la sagesse de chacun des fidèles et de toute l'Eglise, tout en se
maintenant dans l'identité d'un même dogme, d'un même sens et d'une même pensée[18]. Cet exposé d'une doctrine, irréprochable en elle-même, et dont l'avenir devait éprouver la fécondité, semblait dirigé contre une théorie particulière de la grâce, jugée nouvelle et dangereuse. L'auteur y parlait de certains hérétiques osant enseigner l'existence dans leur Eglise, d'une grâce de Dieu... telle que, sans nul effort, sans demander, chercher, ni frapper, tous les leurs en étaient favorisés [19]. L'allusion à la grâce prévenante, enseignée par Augustin, était manifeste. On y vit une attaque contre l'illustre docteur africain. L'écrit était l'œuvre d'un prêtre du nom de Vincent, que l'Eglise devait honorer sous le nom de saint Vincent de Lérins[20]. Mais, pour comprendre l'émotion qu'il éveilla, il est nécessaire de reprendre au point où nous l'avions laissée l'histoire de la controverse pélagienne. Il n'est pas douteux que, dans sa polémique contre Pélage, Célestius et Julien d'Eclane, Augustin eût employé des formules trop absolues, qui émurent bon nombre de catholiques. La grâce qui produisait l'agir et le vouloir semblait détruire la liberté. Le scandale était d'autant plus grand qu'â ces formules absolues sur la puissance de la grâce, Augustin ajoutait des théories d'une apparence non moins choquante sur la prédestination et sur le péché originel. Aux pélagiens, qui glorifiaient l'homme d'être l'auteur de son propre salut, Augustin répondait en montrant ce salut comme le fruit d'une prédestination divine[21]. Aux pélagiens, qui niaient le péché originel, Augustin montrait la nature humaine corrompue jusque dans sa source[22]. Sans doute, ces expressions d'Augustin ne devaient pas être prises dans toute leur rigueur. Ce qui suffirait à le prouver, c'est la pratique du saint docteur, c'est la doctrine qu'il développait dans les sermons qu'il faisait à son peuple, là où il ne se trouvait plus en face d'un adversaire à réfuter[23]. Il démentit d'ailleurs, toutes les fois qu'il fut utile de le faire, une interprétation trop stricte de ses paroles dans le sens de la négation de la liberté. C'est ainsi que, vers 427, les moines d'un couvent d'Hadrumète s'étant choqués de sa lettre à Sixte, il écrivit pour eux deux traités et diverses lettres qui ramenèrent le calme dans leurs esprits[24]. Mais ce fut précisément dans ces deux traités que les moines de Lérins et l'abbé de Saint-Victor de Marseille, Jean Cassien, crûrent découvrir encore des expressions exagérées. Ils protestèrent. Un laïque, Prosper d'Aquitaine, et un moine, Hilaire, informèrent de ces protestations l'évêque d'Hippone, qui répondit, en 428, par les deux livres De prædestinatione sanctorum et De dono perseverantiæ. La controverse continua jusqu'à la mort d'Augustin. Elle devait se prolonger pendant un siècle. Tant de travaux, tant de luttes épuisaient la santé du
grand évêque, qui venait d'atteindre, le 13 novembre 428, sa soixante-quatorzième
année. Quatre mois plus tard, une terrible nouvelle lui parvint à Hippone.
Une armée de 80.000 Vandales, sous la conduite de leur roi Genséric, venait
d'envahir l'Afrique, et s'avançait, saccageant avec méthode les provinces
africaines. Les prêtres et les évêques étaient saisis comme otages, emmenés à
la suite des troupes, employés à porter des fardeaux comme des esclaves. Le
comte d'Afrique, Boniface, en qui Augustin avait mis sa confiance, loin de le
défendre, le trahit honteusement, et passa aux barbares. Il devait plus tard
se réconcilier avec l'empire. Mais la situation devenait de plus en plus
critique. Le cercle d'investissement se rétrécissait. A la fin de mai 430,
Hippone fut bloquée à la fois du côté de la terre et du côté de la mer. Le
vieil évêque, dans ses sermons, dans ses entretiens avec ses fidèles,
stimulait leur courage. Au troisième mois du siège, accablé de fatigue, il
dut s'aliter. Jusqu'à cette dernière maladie,
écrit son disciple Possidius, il n'avait pas cessé
de prêcher au peuple. Dix jours avant sa délivrance corporelle, il nous pria,
tous présents, que personne n'entrât dans sa chambre, sinon à l'heure de la
visite des médecins ou lorsqu'on lui apportait les aliments. Il fut fait
selon son désir, et il employait tout son temps à la prière. Il conserva
jusqu'à la fin l'usage de tous ses sens, et ce fut en notre présence, sous
nos yeux, et tandis que nos prières se mêlaient aux siennes, qu'il s'endormit
avec ses pères[25]. Le 28 août 430,
Augustin, âgé de soixante-seize ans, quitta ce monde ; mais, après quatorze siècles,
il n'est peut-être pas, dans l'Eglise catholique, une pensée plus vivante que
la sienne. Dans toutes les familles religieuses qui se réclament de son
inspiration, dans toutes les doctrines théologiques et philosophiques qui se
rattachent à lui, dans tous les horizons intellectuels que son génie a
ouverts, dans les honneurs que lui donne cette Eglise catholique qu'il aima
tant, dans toutes les âmes qui lui doivent leur retour à Dieu ou
l'affermissement de leur foi, dans toutes celles à qui les pages émues de ses
Confessions arrachent encore des larmes, la grande âme d'Augustin vit encore. III Les invasions barbares en Occident avaient souvent troublé les controverses théologiques ; la tranquillité relative, dont jouit l'Orient sous Théodose II leur permit de se développer plus librement. L'Eglise n'eut pas toujours à se féliciter de leur vivacité ; mais elle put, du moins, réunir, pour les juger et pour en faire jaillir la lumière de ses définitions dogmatiques, un concile général d'environ deux cents évêques. Tandis que les Latins discutaient sur les rapports de l'humain et du divin dans l'homme, les Grecs argumentaient sur les rapports de l'humain et du divin dans le Christ. Ni l'une ni l'autre de ces deux questions ne pouvait être qualifiée de question oiseuse. Connaître Dieu et se connaître, Noverim Te, noverim me : n'était-ce point là tout le programme que s'était proposé le génie d'Augustin ? Dans ses deux premiers conciles généraux, l'Eglise avait anathématisé les deux opinions extrêmes qui s'étaient manifestées dès le début du christianisme au sujet du Sauveur. A Nicée, contre les ariens, qui niaient ou voilaient son absolue divinité, elle l'avait proclamé consubstantiel au Père, absolument Dieu : à Constantinople, contre les apollinaristes, qui mutilaient son humanité, elle l'avait déclaré parfaitement homme. Mais si désormais nul ne pouvait plus se dire catholique sans reconnaître et adorer dans le Christ un Homme-Dieu, avec toutes les conséquences que cet ineffable titre comporte, une autre question restait à résoudre, dont l'apparente subtilité cachait un sens profond : où placer l'unité du Dieu-Homme ? Le Christ était-il un homme, que ses mérites avaient élevé jusqu'à Dieu ? Etait-il un Dieu, qui s'était abaissé jusqu'à l'homme ? Deux grandes Ecoles, nous l'avons déjà vu, se disputaient les esprits en Orient. L'Ecole d'Alexandrie, toujours fidèle à ses origines platoniciennes, aimait, dans ses conceptions, à partir de l'idée de Dieu ; l'Ecole d'Antioche, plus dépendante de la méthode aristotélicienne, s'attachait plutôt à tout considérer du point de vue de l'homme. L'une et l'autre avaient donné à l'Eglise de saints docteurs. Athanase avait été la gloire d'Alexandrie ; et Chrysostome, celle d'Antioche. Malheureusement, la diversité des tendances, explicable, légitime et qui pouvait être féconde, s'était compliquée, dans les derniers temps, d'une antipathie violente entre les deux villes. Alexandrie s'était trouvée blessée du décret de 381, qui avait dépossédé le siège d'Athanase de sa primatie pour la transporter à Constantinople ; et Constantinople se souvenait avec amertume des traitements infligés à Chrysostome par l'évêque d'Alexandrie Théophile. Ces circonstances devaient contribuer à aigrir toute discussion qui mettrait en présence les deux Ecoles rivales. Le représentant le plus en vue de l'Ecole d'Alexandrie au commencement du Ve siècle, était un neveu du trop célèbre Théophile. Il s'appelait Cyrille. On manque de données historiques sur sa jeunesse. On a conjecturé qu'il était allé se former à l'ascétisme dans les monastères de la Thébaïde[26]. Les écoles d'Alexandrie, dont il était originaire, lui fournirent sans doute les éléments de sa vaste science théologique. C'était, aux yeux de tous, un homme de haute culture ecclésiastique et d'une vie irréprochable[27] ; mais, trop mêlé à la vie et aux agissements de son oncle, il ne put s'empêcher d'en partager quelques préjugés, d'en imiter quelques procédés de gouvernement. En 403, il prit part avec lui au conciliabule du Chêne, qui déposa Chrysostome[28]. Appelé, en 412, à succéder à Théophile dans le gouvernement de l'Eglise d'Alexandrie, il montra à l'égard des novatiens et des juifs une rigueur qui n'était peut-être pas exempte de passion[29]. Mais Son caractère, quand Socrate le montre dur et brutal dans son conflit avec le gouverneur Oreste, et insinue même qu'il inspira le meurtre de la savante Hypatie, l'amie du gouverneur, ce témoignage, empreint d'une évidente partialité, ne peut faire foi pour l'histoire. Les écrivains les moins bienveillants pour le patriarche d'Alexandrie ne peuvent s'empêcher de le reconnaître[30]. Ce qui est mieux attesté, c'est la loyauté avec laquelle, ayant reconnu l'erreur de son premier jugement sur Chrysostome, il se réconcilia avec lui. Il consentit même, assure-t-on, à mettre le nom du patriarche de Constantinople dans les diptyques de l'Eglise d'Alexandrie[31]. Comme tous les Alexandrins, et à l'exemple d'Origène, Cyrille Sa doctrine. honorait la Vierge Marie du titre de Mère de Dieu, théotocos ; car il tenait de son maître Athanase que le Christ n'est pas un homme en qui le Verbe viendrait descendre, mais le Verbe lui-même prenant naissance en une chair qui lui est propre[32] ; et encore, que l'humanité du Christ, si complète qu'elle soit, n'existe point à part, ne s'appartient pas, mais appartient au Verbe qui l'a faite sienne[33] ; et que du Dieu complet et de l'homme complet, résulte un seul Etre — Cyrille disait indifféremment une seule Personne, une seule hypostase, une seule nature —[34], qui est l'être même de Dieu. D'un point de vue tout différent, les docteurs d'Antioche considéraient d'abord dans le Christ son humanité, pour s'élever ensuite à sa divinité. On doit retenir parmi eux les noms de Diodore de Tarse, de Théodore de Mopsueste et de Nestorius. Diodore eut la gloire de restaurer, à la fin du IVe siècle, l'Ecole fondée par saint Lucien. Jaloux de maintenir, contre les apollinaristes, l'intégrité des deux natures en Jésus-Christ, il distingua énergiquement dans le Sauveur le Fils de Dieu du Fils de David, et alla jusqu'à dire que le Verbe n'est pas le fils de Marie[35]. Saint Cyrille n'eut donc pas tort de poursuivre en lui un précurseur de Nestorius. Quoiqu'il n'ait jamais été anathématisé, on trouve dans les fragments qui nous restent de ses écrits des formules qui seront condamnées plus tard dans le patriarche de Constantinople[36]. Théodore de Mopsueste fut le théoricien de l'Ecole. Beaucoup mieux que son élève Nestorius, il parait avoir pris conscience de toute la portée de sa doctrine. Nous l'avons vu soutenir les pélagiens, en qui il découvrait des tendances solidaires des siennes. Comme Diodore, l'évêque de Mopsueste avait surtout en vue la réfutation de l'apollinarisme. Mais il se préoccupait plus que lui de conserver dans son langage les formules traditionnelles, quoiqu'il poussât plus loin, en réalité, les conséquences logiques de ses principes. Théodore ne négligeait pas une occasion d'affirmer que les deux natures, divine et humaine, du Christ, constituent une personne unique[37], qu'il n'y a, par conséquent, en Jésus qu'un seul Fils, qu'un seul Seigneur. Cependant, dans l'intention de sauvegarder l'intégrité et l'inconfusion des deux natures dans l'union, il parlait de ces natures comme de deux personnes en soi[38]. Pour lui, c'est Jésus qui a lutté contre la tentation, qui, aidé de la divinité, s'est avancé vers la perfection. C'est l'homme seul qui est le Jésus de l'histoire. L'unité de volonté et d'action entre les deux natures du Christ est une unité purement morale ; la volonté humaine se conformait à celle du Verbe et son action se subordonnait à la sienne[39]. La conséquence pratique de ce système était de condamner comme des erreurs apollinaristes toutes les formules qui attribuent à l'homme concret, en Jésus-Christ, les qualités et les actes de la divinité. Ainsi, c'est une folie, disait-il, de prétendre que Dieu est né d'une vierge[40]. Théodore ne paraît pas s'être aperçu une autre conséquence, plus grave encore, car elle ruinait toute économie de la Rédemption et l'argument capital que saint Athanase avait mis à la base de toute son argumentation contre l'arianisme : si le Jésus historique n'était pas la Personne même du Verbe de Dieu, comment expliquer la valeur infinie du sacrifice de la croix et la déification de l'homme par l'immolation et la résurrection d'un Dieu ? Nestorius ne devait rien ajouter à ce système. Théodore de Mopsueste, a-t-on dit avec raison, c'est le vrai Nestorius[41]. Il ne fut pas cependant attaqué de son vivant. Personne ne paraît s'être aperçu des vices profonds de sa doctrine. Un de ses élèves, en la professant avec éclat, allait appeler sur elle l'attention des amis de la tradition catholique, en particulier de Cyrille d'Alexandrie. IV L'année même de la mort de Théodore, le 4 avril 428, le patriarche Sisinnius de Constantinople étant décédé, et des rivalités tapageuses menaçant de se produire pour sa succession, l'influence impériale s'exerça pour faire élire un candidat choisi en dehors de la ville[42]. Le nouvel élu, Nestorius[43], abbé d'un monastère d'Antioche, avait la réputation d'un prêtre austère, d'un orateur éloquent. Par la tendance de son esprit, ce n'était pas un métaphysicien, mais plutôt un exégète exercé[44], rompu à l'interprétation littérale des Ecritures, telle qu'on la pratiquait à Antioche, par suite principalement préoccupé des actions humaines accomplies par Jésus-Christ, et prêt à ne considérer en lui la divinité que comme le terme moral consommé par sa mort. Nestorius était de plus habitué à peser les textes, regardant aux formules, et un peu méticuleux sur les mots, comme on l'était à Antioche[45]. Enfin le nouveau patriarche de Constantinople se posait comme un farouche défenseur de l'orthodoxie contre toutes les hérésies ou doctrines suspectes. Cinq jours après sa consécration, il faisait fermer par la police une chapelle que les ariens avaient conservée dans un vieux quartier de la ville. Peu de temps après, des communautés macédoniennes et quarto-décimanes étaient dissoutes. Les novatiens n'échappèrent à ses rigueurs que grâce aux puissants appuis qu'ils avaient à la cour. Nestorius dirigea dès lors tous ses efforts contre l'hérésie que son maître Théodore l'avait appris à détester : l'apollinarisme. La lutte fut engagée, vers la fin de 428, non par le patriarche en personne, mais par un prêtre d'Antioche, nommé Anastase, qu'il avait amené avec lui, et qui avait reçu, comme lui, les leçons de l'évêque de Mopsueste. Prêchant devant le peuple, Anastase s'éleva contre le titre de Mère de Dieu, théotocos, donné à la Vierge Marie, comme impliquant une absurdité. Cette appellation était d'un usage courant. Des protestations se produisirent. Nestorius prit fait et cause pour Anastase dans une série de discours, où il s'efforçait de justifier, par la théorie théologique de son maître Théodore, le discours de son prêtre Anastase. On doit le reconnaître, dès ces premières déclarations, Nestorius se montre moins radical que Théodore, plus préoccupé que lui de conserver les formules traditionnelles sur l'unité de personne dans le Christ ; et, à ce point de vue, on peut dire qu'il fut moins violemment nestorien que son maître[46]. Cette préoccupation, il la gardera jusqu'à la fin ; mais, en revanche, il soutiendra ses idées avec une obstination indomptable[47]. La manifestation faite à propos du mot théotocos avait divisé la population de Constantinople. Les gens du monde et de la cour tenaient pour le patriarche ; mais le peuple, les moines et une partie du clergé séculier se déclarèrent contre lui. Des discussions bruyantes s'ensuivirent. Le patriarche d'Alexandrie fut averti du péril par des
moines, qui lui apprirent que les idées de Nestorius avaient pénétré jusque
dans leurs solitudes. Cyrille se contenta de leur écrire une longue lettre
pour les mettre en garde contre les nouvelles doctrines[48]. Faut-il appeler Marie théotocos ? leur
disait-il. Sans aucun doute, puisqu'elle a enfanté
le Dieu Verbe fait homme. Ce terme est traditionnel. Tous les Pères
orthodoxes d'Orient et d'Occident l'ont accepté[49]. À partir de ce
moment, le mot théotocos va se
rencontrer dans tous les ouvrages de Cyrille. Il sera pour lui le critère de
la vraie foi christologique, comme le mot omoousios
avait été pour Athanase celui de la vraie foi trinitaire. Malgré le silence gardé sur son nom, Nestorius se montra froissé de cette lettre. Cyrille lui écrivit directement, en termes bienveillants et pacifiques. Les fidèles, lui disait-il, l'évêque de Rome lui-même, Célestin, sont fort scandalisés... Consentez, je vous prie, à donner à Marie le titre de théotocos. Ce n'est pas une appellation nouvelle[50]. Nestorius répondit par une lettre dédaigneuse, et continua ses prédications et sa propagande. Il fit plus, il soudoya des gens tarés qui répandirent contre le patriarche d'Alexandrie toutes sortes de calomnies. Cyrille s'en plaignit dans une seconde lettre, qui est un exposé doctrinal complet et précis de la question. Il y expliquait ce que signifient les mots : le Verbe s'est fait chair ; comment le Verbe éternel est né dans le temps ; comment il est vrai de dire que Dieu est né, est mort, est ressuscité, et finalement que Marie est Mère de Dieu[51]. Nestorius répondit sur un ton aigre, et discuta les arguments qu'on lui opposait. Le patriarche de Constantinople ne se borna pas à cette polémique épistolaire. Des clercs d'Alexandrie, destitués par leur évêque pour certains méfaits, et réfugiés à Constantinople, se plaignaient fort de lui, tant à l'évêque qu'aux magistrats. Nestorius affecta de s'intéresser à eux[52]. Où voulait-il en venir ? Prétendrait-il, en vertu de la suprématie de Constantinople, citer devant son tribunal son collègue d'Alexandrie ? Tout était à craindre de l'audace d'un tel homme. Qu'il ne se figure pas que je me laisserai juger par lui, écrivit Cyrille. Je déclinerai sa compétence. Et les rôles seront renversés. Je saurai bien le forcer à se défendre lui-même[53]. Une seule autorité était compétente pour juger la cause de Nestorius : c'était l'évêque de Rome, chef de l'Eglise universelle. Cyrille s'en souvint. Il écrivit au pape Célestin, lui rappelant la tradition d'après laquelle les graves questions doivent toujours être soumises au pontife de Rome[54]. La réponse de Célestin, délibérée dans un concile romain, au mois d'août 430, fut telle qu'on pouvait la prévoir. La doctrine de Nestorius fut déclarée inacceptable, et le patriarche de Constantinople fut sommé, sous peine d'excommunication, de se rétracter dans l'espace de dix jours après réception de la sentence[55]. Pour mettre fin aux agissements de Nestorius et de, ses partisans, Cyrille s'était adressé, en même temps, à l'empereur Théodose II[56], aux impératrices Pulchérie et Eudoxie et aux deux princesses Arcadie et Martine[57]. Mais cette seconde intervention n'eut pas le même succès. Nestorius avait eu soin, dès le début de la controverse, de s'assurer l'appui de la cour. L'empereur Théodose répondit à Cyrille par une lettre pleine de menaces, l'accusant de troubler la paix dE l'empire[58]. V Jusque-là, aux yeux des esprits de bonne foi, la cause du patriarche d'Alexandrie avait eu toutes les marques de la vérité et de la modération ; celle du patriarche de Constantinople, tous les signes de la révolte et de l'erreur. Dans un conflit, avec l'empereur, Cyrille eût eu derrière lui l'ensemble de l'Eglise. Une malheureuse imprudence de sa part — imprudence, il faut le reconnaître, difficile à éviter — changea tout à coup la situation, retourna subitement contre lui un bon nombre d'évêques et de fidèles. Nous voulons parler de la publication du fameux document connu dans l'histoire sous le nom d'Anathématismes de saint Cyrille. Le pape Célestin, en condamnant Nestorius, avait chargé Cyrille de l'exécution de la sentence. Celui-ci, après avoir réuni un concile à Alexandrie, publia une longue lettre synodale, exposé magistral de la doctrine catholique sur le mystère de l'Incarnation, et la fit suivre de douze formules d'anathème, ou anathématismes, que Nestorius devait souscrire pour échapper à l'excommunication[59]. Ces formules dénotaient assurément dans leur auteur un théologien exercé, et, s'opposant à d'autres formules reprochées à Nestorius, elles étaient combinées de manière à ne lui laisser aucune échappatoire. Mais elles offraient deux inconvénients. D'abord elles entraient dans un luxe de détails et de précisions que le pape n'avait point demandés. Ensuite et surtout elles présentaient le dogme dans la conception et le langage propres à Cyrille, conception et langage qui, on le verra, n'étaient pas sans défauts, et que Nestorius notamment ne pouvait accepter. Ainsi, le deuxième anathématisme affirmait que l'union de la divinité et de l'humanité en Jésus-Christ était selon l'hypostase[60]. Or le mot hypostase n'avait pas encore, en matière christologique, de signification ferme. Pour Nestorius, il désignait la substance concrète ; Cyrille le confondait, tantôt avec le mot prosopon (aspect, personne), tantôt avec le mot physis (nature, substance, être concret). Mais surtout l'expression enosis physikè (union physique, union naturelle), contenue dans l'anathématisme III, était des plus regrettables. On doit traduire cette expression par union physique, par opposition à union morale ; c'est le sens que Cyrille avait en vue, comme lui-même l'expliqua plus tard ; mais il était inévitable que des adversaires prévenus la comprissent en ce sens que la divinité et l'humanité ne formaient plus en Jésus-Christ qu'une seule nature après l'union. C'était alors l'apollinarisme, dire l'erreur même qu'ils avaient voulu combatte e et dont la crainte les avait jetés dans l'excès opposé. Comment espérer les y faire souscrire[61] ? Aussi ne le voulurent-ils pas.
Nestorius répondit aux anathématismes de Cyrille par douze
contre-anathématismes, dans lesquels il maintenait sa doctrine et condamnait
celle de son rival, où il prétendait toujours voir l'apollinarisme. Jean
d'Antioche, et les antiochiens mêmes qui avaient d'abord conseillé à
Nestorius la soumission, se trouvèrent retournés. André de Samosate, au nom
des évêques d'Orient[62], Théodoret, en son nom personnel, attaquèrent l'écrit de Cyrille
et notamment l'anathématisme III, qui leur paraissait enseigner en
Jésus-Christ l'unité de nature. Cyrille répondit à ces critiques, et, sur l'enosis
physikè en particulier, expliqua que le mot physikè ne signifiait
autre chose, dans sa pensée, que vraie et réelle[63]. Il sentit toutefois le besoin de se justifier encore et
publia plus tard une troisième Explication des douze chapitres[64], toujours pour repousser le reproche d'apollinarisme qui
lui était fait[65]. Mais en somme, au début de 431, rien n'était conclu. Nestorius ne s'était pas soumis ; les évêques orientaux, s'ils n'approuvaient pas ses excès doctrinaux, soutenaient du moins sa personne. L'empereur le soutenait aussi. Il ne restait plus que la voie d'un concile général. Nestorius l'avait demandé au pape, les moines de Constantinople l'avaient demandé à l'empereur[66] ; Cyrille l'avait réclamé à son tour[67]. Théodose II et son collègue Valentinien III le convoquèrent pour le jour de la Pentecôte, 7 juin 431, à Ephèse[68]. Le pape y délégua les deux évêques Arcadius et Projectus, pour représenter le concile romain, et, pour le représenter lui-même, le prêtre Philippe. Il voulut que Nestorius, bien que déjà condamné, y assistât[69]. Dieu, disait le pape dans sa lettre, ne veut pas la mort du pécheur, mais sa conversion, et il engageait Cyrille à tout faire pour rétablir la paix dans l'Eglise et gagner Nestorius à la vérité[70]. VI Le jour fixé pour l'ouverture du concile était le 7 juin 431. Nestorius s'y rendit l'un des premiers, fier et menaçant, comme un général se rend sur un champ de bataille. Il était accompagné de seize évêques et suivi, dit Socrate, d'une foule nombreuse de laïques de toute condition, qui lui faisaient escorte[71]. Peu après, arriva Cyrille, avec cinquante évêques. En attendant la venue des retardataires, le patriarche d'Alexandrie, pour se conformer aux conseils du pape, essaya, par l'intermédiaire de Théodote d'Ancyre et d'Acace de Métylène, qui étaient liés d'amitié avec Nestorius, de le gagner doucement à la vérité. Ces efforts se heurtèrent à l'obstination de l'hérésiarque. On s'est étonné des propos contradictoires que les historiens mettent dans la bouche de Nestorius. Un savant historien semble en avoir donné l'explication la plus vraisemblable, en nous montrant en lui une sorte de hâbleur, passant d'une extrémité à l'autre, de l'orthodoxie à l'hérésie, presque sans s'en apercevoir[72]. C'était, nous disent les contemporains, un bel homme, au teint roux, avec de grands yeux et une voix sonore et forte[73]. Plein de lui-même, il se croyait irrésistible. Cyrille me fuit, disait-il, parce qu'il a peur que je le convertisse. Acace et Théodote espéraient le gagner quand ils lui entendaient dire : Après tout, je veux bien dire que Marie est mère de Dieu, si on consent à ne pas interpréter ces mots dans un sens apollinariste. Mais, amené à se prononcer sur le fond de la question : Jamais, déclarait-il à Théodote, je ne reconnaîtrai pour Dieu un enfant qui a deux mois et puis trois mois. Avec Acace il ne fut pas moins brutalement ironique : Si vous persistez à dire que le Verbe de Dieu est la même Personne que le Christ, vous serez obligés d'avouer, puisque la Trinité est indivisible, que le Père et le Saint-Esprit se sont incarnés. Et quelqu'un de sa suite, lui faisant écho et renchérissant encore, ajoutait : On a tort de traiter les Juifs de déicides. Ce n'est pas un Dieu qu'ils ont mis à mort, c'est un homme[74]. Cependant Jean d'Antioche et ses suffragants n'arrivaient pas, alléguant successivement diverses raisons qui semblaient des prétextes. Finalement, deux envoyés du patriarche de Syrie vinrent déclarer en son nom qu'il ne fallait pas différer à cause de lui l'ouverture du concile. On en conclut que Jean voulait éviter d'être présent à la condamnation de son ami Nestorius. Alors Cyrille, pressé par ses amis, et étendant au concile qui allait se tenir la délégation qu'il avait reçue du pape pour l'exécution de la sentence prononcée contre Nestorius[75], déclara, le 22 juin, le concile ouvert et en prit la présidence[76]. Nestorius, personnellement invité à prendre part aux délibérations, répondit, une première fois, qu'il réfléchirait ; une seconde fois, qu'il paraîtrait lorsque tous les évêques seraient assemblés. La troisième fois, les gens armés qui gardaient sa demeure maltraitèrent les envoyés du concile[77]. Le patriarche se sentait soutenu par l'empereur, et comptait sans doute sur une intervention de l'autorité impériale pour empêcher la tenue de l'assemblée. En effet, au moment où le protonotaire proclamait l'objet de la réunion, le comte Candidien, capitaine de la garde du corps de l'empereur et délégué pour le représenter à Ephèse, entra dans l'église Sainte-Marie[78], où se tenait l'assemblée, suivi d'une troupe de soldats, et intima aux évêques l'ordre de se disperser. Ce fut l'occasion d'une scène tumultueuse, qui se termina par la sortie du délégué impérial. Un certain nombre d'évêques, attachés à la fortune de Nestorius, sortirent alors. Cyrille, passant outre à cette singulière injonction, fit lire la lettre impériale de convocation, prit acte contre Nestorius de son refus de comparaître, et mit aussitôt à l'ordre du jour l'examen de la question dogmatique soulevée par le patriarche de Constantinople. Cent soixante évêques, ou, plus exactement, cent cinquante-neuf prélats et un diacre représentant l'évêque de Cartilage, assistaient à cette première séance[79]. Les légats du pape n'avaient pas encore eu le temps d'arriver. L'instruction de l'affaire fut conduite avec méthode et précision. On lut d'abord le symbole de Nicée[80]. Puis on donna lecture, d'une part, de la seconde lettre de Cyrille à Nestorius, que tous les Pères reconnurent conforme au symbole, et, d'autre part, de la réponse de Nestorius à Cyrille, que tous déclarèrent opposée à la foi de Nicée[81]. La conséquence de ces votes unanimes fut le décret suivant, également souscrit par l'unanimité des Pères : Que tous ceux qui n'anathématisent pas Nestorius soient anathèmes, car il est anathématisé par la vraie foi et par le saint concile[82]. Il est à remarquer que lecture fut faite, dans cette première séance, de plusieurs autres documents, notamment de la lettre de Cyrille qui se terminait par les fameux anathématismes ; mais les actes ne disent nulle part que ces anathématismes aient reçu une approbation spéciale du concile, comme c'est le cas de la seconde lettre de Cyrille à Nestorius[83]. Sur la proposition de Flavien, pour bien montrer combien on tenait à rester fidèle à la tradition des Pères, on lut encore une série de passages patristiques touchant l'union des deux natures en Jésus-Christ. Pierre d'Alexandrie, Athanase, les papes Jules Ier et Félix Ier, Théophile d'Alexandrie, Cyprien, Ambroise, Basile et d'autres encore vinrent successivement déposer contre l'hérésie de Nestorius[84]. En contradiction de ces témoignages, on donna lecture de vingt passages de Nestorius, où se trouvaient exprimées les erreurs qu'on lui reprochait. Il ne restait plus qu'à prononcer la sentence de déposition. Les Pères la formulèrent dans les termes suivants : Forcés par les canons et par les lettres de notre très saint Père et collègue, Célestin, évêque de Rome, nous avons dû, avec larmes, en venir à cette triste sentence : Le Seigneur Jésus-Christ, que l'impie Nestorius a blasphémé, décide, par ce saint concile, que Nestorius est privé de la dignité épiscopale et de la communion sacerdotale[85]. Ce jugement fut signé par cent quatre-vingt-dix-huit évêques présents, à qui plusieurs vinrent s'adjoindre ensuite. La séance, commencée le matin,
s'était prolongée jusqu'à la nuit, mais, durant tout le jour, le peuple
entier de la ville d'Ephèse attendit la décision du concile. Lorsqu'elle fut
connue, un immense cri de joie s'éleva ; on loua le concile, et on accompagna
les évêques, avec des flambeaux et des cassolettes d'encens, jusqu'à leurs
maisons, en particulier Cyrille. La ville fut illuminée sur plusieurs points,
comme aux jours de fête. C'est ce que Cyrille annonce avec grande joie, dans
l'une des trois courtes lettres qu'il écrivit alors aux Alexandrins et aux
moines d'Égypte[86]. En recevant, dès le lendemain, la notification de la sentence qui le condamnait, Nestorius se laissa aller à une vive irritation. Il écrivit aux empereurs pour se plaindre. Le comte Candidien, non moins irrité, en fit autant, protestant contre les décisions d'un concile qui avait délibéré malgré ses défenses formelles. Le mécontentement de l'un et de l'autre était d'autant plus grand, qu'ils se trouvaient impuissants en présence d'une population qui se pressait dans les églises pour y entendre Cyrille et ses amis y expliquer les décisions du concile. Nestorius se sentait blessé des termes employés à son égard : le concile l'avait qualifié d'impie, et Cyrille, en lui communiquant le décret qui le déposait de sa charge, l'avait appelé Judas. Il oubliait les longs ménagements qu'on avait eus envers sa personne, et ses propres et incessantes provocations. L'arrivée à Ephèse, sur ces entrefaites, de Jean
d'Antioche et de ses suffragants, vint ranimer ses espérances. Le comte
Candidien s'empressa de leur raconter à sa façon la tenue du concile en dépit
des ordres de l'empereur. Quelques évêques dévoués à Nestorius, et qui
n'avaient pas voulu prendre part à la séance du 22, se réunirent aux
nouveaux- arrivants. Ils formèrent ainsi un groupe de quarante-trois prélats.
Sur l'heure même, Jean d'Antioche, encore couvert de la poussière du voyage[87], les réunit dans
sa maison. Une délégation du concile, qui venait leur notifier les décisions
de l'assemblée, fut brutalement repoussée par les soldats qui leur faisaient
escorte[88].
Puis, sans plus attendre, sans citation, sans
discussion, ils tinrent concile dans le logis du patriarche Jean, et
prononcèrent la déposition du patriarche d'Alexandrie, Cyrille, et de
l'évêque d'Ephèse, Memnon, ainsi que l'excommunication de tous leurs
adhérents[89]. Cyrille et Memnon ne tinrent aucun compte de ces défenses. Memnon ferma même ses églises aux prélats dissidents. Pressé par les rapports de Candidien, l'empereur, par un rescrit impérial du 29 juin, déclara réprouver tout ce qui avait été fait par le concile présidé par Cyrille. Mais au début du mois de juillet, les légats du pape arrivaient, et, mis au courant de tout, souscrivaient, au nom du souverain pontife, à ce qui avait été décidé contre Nestorius et son hérésie. Fort de cette approbation, le concile, qui, depuis le 20 juillet, se tenait tantôt dans la maison épiscopale de Memnon, tantôt dans l'église Sainte-Marie, convoqua Jean d'Antioche et ses partisans, les orientaux, comme on les appelait, et, sur leur refus de comparaître, les déclara excommuniés avec privation de toute juridiction. Deux rapports, écrits, l'un au pape, l'autre à l'empereur, notifièrent cette décision[90]. Le concile tint encore deux séances, la VIe et la VIIe ; mais, jugeant la question nestorienne tranchée, il ne s'occupa plus que de régler certaines affaires particulières. Une des décisions de la Vie session doit arrêter notre attention, à cause des controverses dont elle devait être plus tard l'occasion. Un prêtre de Philadelphie, Charisius, raconta que des nestoriens, abusant de l'ignorance de certains convertis, leur faisaient signer, au lieu du pur symbole de Nicée, un symbole où se mêlaient les erreurs nestoriennes. A la suite de cette communication, Le concile ordonna, sous la menace de l'excommunication et de la déposition, le rejet de tout symbole différent de celui de Nicée, et en particulier de celui qu'avait présenté Charisius. Il paraît bien évident, quand on lit cette décision dans son contexte, que les Pères d'Ephèse n'eurent aucunement la pensée d'interdire à leurs successeurs de porter de nouvelles définitions opposées à des erreurs nouvelles, ou d'accepter des professions de foi plus développées que celle de Nicée. Aussi verrons-nous le concile de Chalcédoine, en 45z, ne point faire difficulté de mettre en circulation le symbole de Constantinople, et l'Eglise, plus tard, insérer dans le symbole de Nicée-Constantinople, le mot Filioque. Mais, à diverses époques, des hérétiques ou des schismatiques, les monophysites d'abord, les Grecs schismatiques ensuite, s'appuieront sur le décret d'Ephèse pour rejeter les décisions nouvelles de l'Eglise[91]. Au moment où le concile d'Ephèse se tenait, le pélagianisme était à sa fin. Le pape Zozime lui avait donné comme le coup de grâce par sa célèbre Tractoria. Cependant, comme plusieurs évêques compromis dans l'hérésie pélagienne, entre autres Julien, Florus et Orontius, avaient paru à Constantinople après l'avènement de Nestorius, et comme le patriarche leur avait fait un accueil bienveillant, tranchant avec ses habitudes générales à l'égard des hérétiques, les Pères d'Ephèse jugèrent à propos de condamner positivement l'hérésie de Pélage et de Célestius dans deux de leurs canons, le Ier et le IVe. On doit aussi remarquer l'énergie avec laquelle les Pères du concile firent profession de leur respect et de leur obéissance à l'égard du pontife romain. En approuvant la condamnation de Nestorius, le prêtre Philippe, légat du Saint-Siège, proclama comme une chose qui n'était douteuse pour personne, comme un fait connu de tous les siècles, la primauté de l'apôtre Pierre et de ses successeurs sur l'Eglise universelle. Il déclara que l'évêque de Rome était le prince, le chef, la tête de toutes les Eglises, que Pierre vivait en lui et lui communiquait ses pouvoirs. De telles paroles, dans les circonstances où elles furent prononcées, n'avaient pas, sans doute, une valeur de définition dogmatique, mais on y trouve la substance des définitions solennelles que, quatorze siècles plus tard, prononcera le concile du Vatican, lequel, dans ses déclarations, insérera, en les faisant siennes, les propres paroles du prêtre Philippe au concile d'Ephèse[92]. VII L'œuvre dogmatique du concile était achevée, mais tant que l'empereur soutiendrait les dissidents, tant que la déposition de Nestorius ne serait pas un fait accompli, tant que le patriarche d'Antioche refuserait de se réconcilier avec celui d'Alexandrie, tant que, derrière ces deux prélats, des malentendus et des passions agiteraient encore les foules, la paix ne serait point faite. Ce ne fut pas œuvre facile de vaincre successivement ces quatre obstacles. L'empereur Théodose avait grand intérêt, pour le bien de l'empire, à rétablir la paix. Il s'imagina qu'il pourrait l'obtenir par la force. Il envoya, à cet effet, dans la ville d'Ephèse, un nouveau représentant, le comte Jean, homme rigide, dont l'apparition, — lui-même nous l'apprend, — jeta la frayeur dans la cité. Jean crut avoir raison de tous en sévissant contre les chefs : il fit emprisonner à la fois Cyrille, Memnon et Nestorius ; mais les orthodoxes ne se laissèrent pas décourager par les rigueurs employées contre leur patriarche. Ceux mêmes, dit Tillemont, qui n'avaient jamais vu saint Cyrille jusqu'à ce concile, étaient près de se bannir avec lui si on le bannissait et d'exposer leur vie pour la sienne[93]. L'empereur essaya alors d'établir une entente en appelant auprès de lui une députation des deux partis. Que Cyrille ait, dans cette circonstance, chargé sa députation de porter en son nom des présents à la cour, suivant les usages orientaux[94], rien n'est plus vraisemblable ; mais prétendre, sur la foi de Théodoret, dont la partialité est connue[95], qu'il fit répandre l'or à pleines mains sur toutes les avenues du palais[96], et attribuer à ces largesses le changement d'attitude de Théodose dans ses rapports avec Nestorius, paraît une pure calomnie. Le savant Tillemont et l'éminent historien des conciles, Héfélé, adoptent une explication bien plus conforme au caractère du patriarche d'Alexandrie et à celui de l'empereur, à savoir que les orthodoxes parvinrent à faire voir à ce dernier de quel côté était le bon droit[97]. La déposition de Nestorius fut confirmée par l'autorité impériale, sa succession sur le siège de Constantinople fut donnée à un orthodoxe doux et modéré, Maximien, et Cyrille, remis en liberté, put, à la fin d'octobre 431, reprendre son poste à Alexandrie. Huit mois plus tard, le 27 juillet 432, le pape Célestin mourait après un pontificat de près de neuf ans. Son successeur SIXTE, troisième du nom, était romain de naissance. Un de ses premiers soins fut de dédier à la Vierge Marie Mère de Dieu et de décorer magnifiquement la basilique connue jusque-là sous le nom de basilique libérienne, et depuis vénérée sous le vocable de Sainte-Marie-Majeure. Cette vénérable église est encore, dans son ensemble et malgré beaucoup de retouches, ce qu'elle était au Ve siècle... La conception générale de la décoration, comme aussi le texte de l'inscription dédicatoire, montrent qu'elle fut destinée à perpétuer le souvenir du triomphe remporté au concile d'Ephèse par le dogme de la maternité divine de Marie[98]. En même temps, le nouveau pontife manifestait le désir que Jean d'Antioche et ses partisans fussent reçus à la communion, pourvu qu'ils souscrivissent aux condamnations portées par le concile d'Ephèse[99]. Théodose, se conformant au même esprit de conciliation, écrivit dans le même sens aux dissidents[100]. La majorité de l'épiscopat voulait la paix. Le grand obstacle était dans les fameux anathématismes du patriarche d'Alexandrie. Cyrille consentait à les expliquer, et il le faisait dans un sens excluant toute idée apollinariste ; mais les Orientaux en exigeaient le retrait. On finit par s'entendre. Les anathématismes ne furent pas désavoués, car Cyrille craignait que Nestorius ne profitât de ce désaveu pour paraître triompher et ressusciter la querelle ; mais il consentit à souscrire une profession de foi qui reproduisait, à peu de chose près, une déclaration que les Orientaux avaient autrefois fait remettre à l'empereur[101]. Dans cette formule, où l'on s'était efforcé de comprendre les points précis que les deux théologies d'Antioche et d'Alexandrie avaient en commun, en faisant le sacrifice de leurs terminologies particulières, Jean d'Antioche et Cyrille d'Alexandrie confessaient qu'il y a dans le Christ union de deux natures en un seul Seigneur, en un seul Fils, et que la sainte Vierge est Mère de Dieu, puisque le Verbe s'est fait homme[102]. L'expression unité physique ou de nature, enosis physikè, qui avait tant scandalisé dans les anathématismes, était écartée, mais le mot théolocos était consacré. Les combattants, — les plus calmes du moins, — finissaient par reconnaître que, sous des formules différentes, ils avaient cherché à exprimer les mêmes choses[103], et que les longues querelles des dernières années n'étaient que le résultat d'un grand malentendu, exploité par l'esprit factieux et turbulent de Nestorius. La paix était conclue entre les deux patriarches d'Alexandrie et d'Antioche, mais les passions, les antipathies, les préjugés suscités ou avivés dans les luttes récentes persistaient parmi le clergé et les fidèles des deux Eglises. Du côté de Cyrille, des gens mal informés, comme Isidore de Péluse, de vrais monophysites, comme Acace de Métylène, accusaient leur chef d'avoir trahi la cause de l'orthodoxie. Du côté de Jean d'Antioche, des esprits obstinés, comme Théodoret, reprochaient à leur patriarche d'abandonner lâchement Nestorius pour s'allier à un hérétique. Les explications données par les deux patriarches, une intervention énergique de Théodose II, et surtout l'éloignement de Nestorius, d'abord interné dans un couvent, puis exilé à Pétra, en Arabie, et enfin à l'Oasis d'Egypte, amenèrent peu à peu l'apaisement. Dans sa dernière retraite, Nestorius écrivit, pour justifier sa conduite, ce fameux Livre d'Héraclide[104], dont la découverte, au début du XXe siècle, devait, suivant quelques-uns, soumettre à la révision le procès de Nestorius et l'en faire sortir réhabilité, bref amener l'histoire à déclarer que Nestorius n'avait pas été nestorien[105]. Mais un examen plus attentif du document portait bientôt les savants sinon à mettre en question l'absolue authenticité du livre[106], du moins à douter qu'on pût attribuer à Nestorius lui-même le traité dans l'état où il nous est parvenu[107], à reconnaître que le document tel qu'il est enseigne une doctrine hérétique[108], et même à déclarer, avec Adolphe Harnack, qu'on devrait renoncer à employer le Livre d'Héraclide dans l'histoire du dogme, faute de garanties absolues[109]. |
[1] GRÉGOIRE DE TOURS, Hist. Franc., l. II,
ch. VIII.
[2] Ch. MŒLLER, Hist. du moyen âge, un
vol. in-8°, Paris, 1898-5902, p. 65 et s.
[3] Godefroy KURTH, les Origines de la
civilisation moderne, t. I, p. 269-270.
[4] DUCHESNE, Hist. anc. de l'Eglise,
III, 585.
[5] HERTLING, Augustin, Mayence,
1902, p. 100.
[6] Sur la Cité de Dieu, M.
Heinrich Scholz a publié, en 1911, à Berlin, une étude dont plusieurs vues sont
contestables, mais qui met bien en relief et l'absolue probité historique de
saint Augustin et l'idée dominante de son grand ouvrage, qui est de construire un vaste tableau des conflits de la foi et de l'incroyance à
travers l'histoire de l'humanité. Cf. H. SCHOLZ, Glaube und Unglaube in der
Weltgeschichte, ein Kommentar zu Augustins De civitate Dei, Berlin, 1911.
M. Schilling a publié, presque en même temps, un répertoire méthodique de tous
les textes significatifs de saint Augustin sur la politique et la sociologie. Cf. Otto SCHILLING, Die Staats und Soziallehre des hl. Augustinus,
Fribourg-en-Brisgau, 1910. Voir
aussi le Saint Augustin de l'abbé Jules MARTIN dans la collection de la
Pensée et l'Action sociale du christianisme, un vol. in-12°, Paris, Tralin,
1912, et PORTALIÉ dans le Dict. de théol. de VACANT, t. I, col. 2290-2291.
[7] SALVIEN, De gubernatione Dei,
l. IV.
[8] Paul OROSE, Hist. ad pag., l. III. Cf. l. VII.
[9] DUCHESNE, Fastes épiscopaux de
l'ancienne Gaule, t. I, p. 110-113.
[10] DUCHESNE, Fastes épiscopaux de
l'ancienne Gaule, t. I, p. 110-113.
[11] Saint PROSPER, dans sa Chronique, CCCCIV, loue le pape Célestin de ce
qu'ayant conservé au catholicisme l'île romaine (la Grande-Bretagne), il a fait
chrétienne l'île barbare (l'Irlande). D'après lui, le même pape aurait sacré le
diacre Palladius pour en faire le premier évêque irlandais. Mais l'histoire de
Palladius est très obscure.
[12] Acta Sanctorum, mars,
t. II, p. 535.
[13] Patrice était déjà clerc au
moment où il fut enlevé par les pirates.
[14] DUCHESNE, Hist. anc. de l'Eglise,
III, 620. Cf. abbé RIGUET, Saint Patrice, un vol.
in-12°, Paris, 1911 (coll. Les Saints).
[15] La Vie de saint Honorat
n'était elle-même qu'un sermon de saint Hilaire prononcé au jour anniversaire
de la mort de saint Honorat.
[16] DENZINGER-BANNWART, n. 1800.
[17] Chapitre II (alias III).
[18] Chapitre XXVIII.
[19] Ch. XXVI (alias XXXVIII). Cf.
S. AUGUSTIN,
De dono perseverantiæ, 23, 64.
[20] D'après M. POIREL, De utroque Common. lirin...
dissertatio, Nancy, 1895, l'ouvrage serait de Marius Mercator ; mais cette
identification ne parait nullement établie, comme l'auteur lui-même l'avoue
dans sa Préface.
[21] Certum
esse numerum electorum, nec augendum, nec minuendum (De corrept.
et grat.) n. 39 ; Ipsum hominis meritum donum
est gratuitum ex gracia. (Serm. CLXIX.)
[22] Il appelle la race d'Adam massa luti, massa tota vitiata. Voir sur ce point
PETAU,
Dogm. theol., l. X, ch. I, n. 8, 9, et Dom ROTTMANNER, Der Augustinismus, p.
8.
[23] Dom ROTTMANNER, Der Augustinismus, p.
29.
[24] De gratia et libero
arbitrio, De correptione et gratia, et diverses lettres à Valentin.
[25] POSSIDIUS, Vita Augustini, XXXI.
[26] BARDENHEWER, t. II, p. 218.
[27] DUCHESNE, III, 298.
[28] P. G., t. LXXVII, col.
159.
[29] S. ISIDORE DE PÉLUSE, Lettres, I, 310, 323,
324, 370 ; P. G., t. LXXVIII, col. 361, 369, 392.
[30] Les
histoires racontées par Socrate, dit Mgr Duchesne, représentent les bruits accrédités à Constantinople, et
comportent ainsi une certaine dose d'exagération. (Hist. anc. de
l'Eglise, III, 301). Sur le meurtre d'Hypatie, voir l'étude de SCHÄFER, dans The catholic
University Bulletin, octobre 1902, t. VIII, p. 441 et s.
[31] NICÉPHORE CALLISTE, H. E., l. XIV, ch.
XXVIII ; P. G., t. CXLVI, col, 1152.
[32] S. CYRILLE, Epist., IV.
[33] C'est l'ϊδιοποίησις
de saint Athanase.
[34] Cf. TIXERONT, Hist. des dogmes, t.
III, p. 65, 69.
[35] P. G., t. CIII, col. 1560.
[36] TIXERONT, Hist. des dogmes, t.
III, p. 13.
[37] THÉODORE DE MOPSUESTE, De Incarnatione, VIII
; P. G., t. LXVI, col. 969-970 ; col. 983-984.
[38] TIXERONT, Hist. des dogmes, t.
III, p. 21.
[39] TIXERONT, Hist. des dogmes, t.
III, p. 21.
[40] THÉODORE DE MOPSUESTE, Contra Apollinarium.
[41] BARDENHEWER, t. II, p. 160. L'on s'accorde généralement, dit M. Tixeront, à voir en Théodore le vrai Nestorius, le théoricien de
l'hérésie à laquelle le patriarche de Constantinople a attaché son nom.
(Hist. des dogmes, t. III, p. 15.)
[42] SOCRATE, H. E., VII, 20 ; NESTORIUS, le Livre d'Héraclide,
trad. NAU, Paris, 1910, p. 377-379.
[43] F. NAU, Nestorius d'après les
sources orientales, Paris, 1911.
[44] C'est ce que parait avoir bien
mis en lumière le Dr JUNGLIS, Die Irrlehre des Nestorius,
Trèves, 1912.
[45] TIXERONT, Hist. des dogmes, t.
III, p. 23.
[46] TIXERONT, Hist. des dogmes, t.
III, p. 35.
[47] TIXERONT, Hist. des dogmes, t.
III, p. 22-44.
[48] Aux moines d'Egypte, P. G.,
t. LXXVII, col. 9 et s.
[49] Aux moines d'Egypte, P.
G., t. LXXVII, col. 16.
[50] P. G., t. LXXVII, col. 41.
[51] MAHÉ, au mot Cyrille
d'Alexandrie dans le Dict. de théol., t. III, col. 2479.
[52] DUCHESNE, III, 333.
[53] S. CYRILLE, Lettres, X.
[54] S. CYRILLE, Lettres, II.
[55] P. L., t. L, col. 463.
[56] P. G., t. LXXVI, col. 1133-1200.
[57] P. G., t. LXXVI, col. 1201-1420.
[58] MANSI, IV, col. 1109 et s.
[59] MANSI, III, 2509-2511. HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles,
II, 268-278, donne le texte grec et la traduction française des anathématismes
; TIXERONT,
III, 41-42, en fait le résumé précis.
[60] Le sens du mot hypostase avait été fixé, comme on l'a vu plus
haut, dans la controverse arienne en matière trinitaire. Théodore de Mopsueste
et Nestorius identifiaient en christologie les mots hypostasis
(hypostase, personne) et le mot physis
(nature). L'un et l'autre mot signifiaient pour eux l'être concret, l'usie. Voir le Livre d'Héraclide, p. 42,
43, 136, 137, 148, 145.
[61] Sur les anathématismes de
saint Cyrille, voir la savante étude du R. P. Joseph MAHÉ, les Anathématismes de
saint Cyrille d'Alexandrie et les évêques orientaux du patriarcat d'Antioche,
dans la Revue d'hist. ecclés. de 1906 (t. VII), p. 505 et s.
[62] Rappelons qu'au Ve siècle le
mot Orient, dans les documents, désigne
spécialement le diocèse d'Orient, c'est-à-dire la région qui correspond à peu
près au patriarcat d'Antioche. L'étendue de ce patriarcat était d'ailleurs
immense, comprenant, outre la Syrie, des territoires comme l'Arabie et la
Perse. Cf. HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles,
II, 293.
[63] P. G., t. LXXVI, col.
332, 405.
[64] P. G., t. LXXVI, col. 293.
[65] Cf. M. JUGIE, la Terminologie
christologique de saint Cyrille d'Alexandrie, dans les Echos d'Orient,
t. XV, 1912, p. 12-27.
[66] MANSI, IV, 1101 et s., surtout 1108.
[67] EVAGRE, H. E., I, 7.
[68] MANSI, IV, 1292. Une
invitation spéciale avait été adressée par l'empereur à saint Augustin (MANSI, IV, 1208) ; mais celui-ci était
mort quand arriva l'envoyé impérial.
[69] TIXERONT, Hist. des dogmes, p.
42-44.
[70] MANSI, IV, 1292.
[71] SOCRATE, H. E., l. VII, ch. XXXIV ; P. G., t. LXVII, col. 813.
[72] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t.
II, p. 294.
[73] F. NAU, Nestorius d'après les
sources orientales, p. 12.
[74] SOCRATE, H. E., l. VII, ch.
XXXIV ; HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t.
II, p. 294.
[75] Nous croyons, avec M. Tixeront
(Hist. des dogmes, t. III, p. 46, note), que telle est l'explication
naturelle de l'initiative de Cyrille. Non seulement le pape Célestin l'avait
chargé de l'exécution de la sentence romaine, mais il venait de lui donner des
conseils sur la conduite à tenir avec Nestorius. Les actes du concile
désigneront Cyrille comme tenant la place de l'évêque
de Rome. (MANSI, IV, 1124.) D'ailleurs, le patriarche de Constantinople
étant l'accusé, et le patriarche d'Antioche se récusant, le patriarche
d'Alexandrie s'imposait pour la présidence. Les vagues accusations qu'on avait
portées contre lui, en dehors des règles ecclésiastiques, ne pouvaient être un
motif de récusation.
[76] MANSI, IV, col. 1131 et s.
[77] MANSI, IV, col. 1131 et s.
[78] Ou église Marie, suivant la
leçon des historiens les plus récents.
[79] En fait, l'assemblée fut
presque exclusivement orientale. L'Occident, ravagé par les invasions, et peu
troublé par les questions qui allaient faire l'objet des discussions au
concile, s'abstint d'une manière générale.
[80] Il s'agit du symbole de Nicée
strictement dit, et non du symbole de Nicée-Constantinople. Cf. le Livre
d'Héraclide, p. 125-163.
[81] La plupart des votes sont
motivés, comme on peut le voir dans MANSI, IV, 1139-1170.
[82] MANSI, IV, 1170 et s.
[83] L'Enchiridion de DENZINGER-BANNWART donne, à propos du concile
d'Ephèse, douze anathématismes de saint Cyrille, et le Ve concile œcuménique,
dans sa VIe session (MANSI, IX, 327-329), les présente
comme faisant partie des actes d'Ephèse, pars eorum
quæ Ephesi gesta sunt : cela signifie seulement qu'ils furent lus
comme documents auxquels on ne trouva rien à redire, mais non pas qu'ils
reçurent une approbation spéciale.
[84] Voir tous ces textes dans MANSI, IV, 1183-1195. On trouve la
traduction des plus importants dans HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles,
II, 305-309.
[85] MANSI, IV, 1211 ; le Livre
d'Héraclide, p. 235-236.
[86] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, II,
312 ; MANSI, IV, 1242 et s.
[87] MANSI, IV, 1334.
[88] Jean d'Antioche, renversant
plus tard les rôles dans son récit, déclara que cette délégation s'était
précipitée sur lui en tumulte (HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles,
II, 316).
[89] DUCHESNE, III, 354.
[90] MANSI, IV, 1361, 1364.
[91] On peut remarquer que le
concile d'Ephèse proscrit έτέραν
πίστιν, une confession de foi différente,
dissemblable, contraire, et άλλην
πίστιν, une confession autre. Le décret
est d'ailleurs disciplinaire et non proprement dogmatique.
[92] DENZINGER-BANNWART, n. 1823, 1824, 1825. Sur le
concile d'Ephèse, voir M. JUGIE, à l'article Ephèse
(concile d'), dans le Dict. de théol. de VACANT, t. VI, col. 137-163. Sur les
preuves d'œcuménicité de ce concile, voir ibid., col. 158-161. Cf. M. JUGIE, la Primauté romaine au
concile d'Ephèse dans les Echos d'Orient, t. XIV, 1911, p. 136-146.
[93] TILLEMONT, Mémoires, Paris, 1706,
t. XIV, p. 463.
[94] Le cardinal Rampolla, dans sa
vie de sainte Mélanie la Jeune, note que la sainte, admise à l'audience
d'Honorius, voulut, ainsi que le comportaient les
usages, ne pas se présenter les mains vides, et qu'elle apporta avec elle des
présents précieux en riches orfèvreries et en élégantes étoffes dignes d'une
reine, comme aussi des vêtements d'or et de soie pour les distribuer aux
courtisans. (Card. RAMPOLLA, Santa Melania Giuniore
Senatrice romana, Roma, 1905, p. 9.)
[95] Le violent pamphlet de
Théodoret contre les anathématismes de saint Cyrille (Réfutation des
anathématismes) a été condamné par le Ve concile œcuménique.
[96] Le document qui contient la
liste des présents offerts par saint Cyrille n'a été publié qu'en 1873 dans la Bibliotheca
Casinensis, t. I, Florileg., p. 46. Il a été reproduit dans l'Histoire
des conciles par HÉFÉLÉ, traduction Leclercq, t. II,
p. 1318- 1320, par F. NAU dans son édition du Livre
d'Héraclide, p. 368-369, et par Mgr BATIFFOL dans le Bulletin d'ancienne
littérature, 1911, p. 251, qui donne une transcription diplomatique du
document par Dom Wilmart. Il n'est pas inutile de noter, avec Mgr Batiffol, que
le bordereau des cadeaux offerts par saint Cyrille nous
vient des mains d'un de ses adversaires. (Bull. d'anc. litt.,
1911, p. 248.)
[97] TILLEMONT, Mémoires, t. XIV, p.
475 ; HÉFÉLÉ-LECLERCQ, t. II, p. 375-377. Héfélé
réfute les arguments apportés à l'appui de la prétendue corruption exercée par
saint Cyrille.
[98] DUCHESNE, Liber pontificalis, t.
I, p. 235. Sur les travaux faits à Sainte-Marie-Majeure par les ordres de Sixte
III, voir GRISAR, Hist. de Rome et des papes au moyen âge, t. I, p.
309-311, 382-388. Sur les restaurations faites à S.-Jean-de-Latran, voir ibid.,
p. 302-303.
[99] MANSI, V, 374-375.
[100] MANSI, V, 278, 281, 828.
[101] MANSI, V, 781-783. Cette déclaration
était probablement l'œuvre de Théodoret.
[102] MANSI, V, 781-783.
[103] R. P. Joseph MAHÉ, S. J., les Anathématismes
de saint Cyrille, dans la Revue d'hist. ecclés., t. VII (1906), p.
542.
[104] Pourquoi ce titre de Livre
d'Héraclide ? Parce que les écrits portant le nom de Nestorius étaient
condamnés au feu, et que l'auteur, dit le traducteur syrien, craignait que son propre nom, abhorré de beaucoup de gens,
les empêchât de le lire. (Le Livre d'Héraclide, trad. NAU, Paris, 1910, p. 3.)
[105] C'est l'opinion soutenue par
J.-F. BÉTHUNE-BAKER, dans son livre Nestorius
and his teaching, Cambridge, 1908.
[106] J. LEBON, dans la Revue d'hist.
ecclés., t. XII (1911), p. 514-517.
[107] J. LABOURT, dans le Bull. d'anc. lilt.
et d'arch. chrét., 1913, p. 145.
[108] R. P. Martin JUGIE, Nestorius et la
controverse nestorienne, Paris, 1919.
[109] A. HARNACK, 4e édition du t. II de la Dogmengeschichte, 1909. Cette opinion de Harnack paraît d'ailleurs trop radicale.