HISTOIRE GÉNÉRALE DE L'ÉGLISE

 

PREMIÈRE PARTIE. — La fin du paganisme

CHAPITRE III. — DU CONCILE DE NICÉE À LA MORT DE CONSTANTIN. - EUSÈBE DE NICOMÉDIE ET SAINT ATHANASE. (325-337).

 

 

L'autorité de l'Eglise universelle, se manifestant dans le plus imposant appareil dont le monde eût été le témoin jusqu'alors, avait anathématisé l'arianisme ; et les termes de la condamnation ne laissaient place à aucune échappatoire. De son côté, Constantin, maître souverain de l'Orient et de l'Occident, avait mis sans réserve au service de l'orthodoxie sa redoutable puissance impériale. Un homme pourtant ne désespérait pas de faire triompher la cause d'Arius. C'était l'astucieux Eusèbe de Nicomédie. Il connaissait Constantin : il savait que, chez le grand empereur, la hauteur des vues, la générosité du dévouement n'étaient pas toujours secondées par la persévérance à réaliser ses desseins ; que, peu versé dans l'étude des dogmes théologiques, et n'en comprenant pas toujours la portée, il se souciait plus d'assurer l'ordre dans la cité que de maintenir la pureté de la foi dans les âmes. Eusèbe connaissait aussi, en observateur sagace qu'il était, ce monde ecclésiastique, si étrangement mêlé, du IVe siècle. A côté des confesseurs qui portaient les cicatrices des blessures reçues pour la foi que d'ambitieux, toujours orientés vers la fortune de l'empereur ! Que d'esprits rêveurs, utopistes à doctrines indécises, imprégnés de sophistique alexandrine, d'idées origénistes et subordinatiennes[1] ! Faire pénétrer dans ce monde, sous le couvert de l'autorité impériale, une doctrine équivoque dans sa formule, semi-arienne dans son principe, ne lui parut pas une entreprise au-dessus de ses ressources de ruse et d'intrigue. Il fallait, pour réussir, gagner Constantin : les relations de l'évêque de Nicomédie avec la proche parenté de l'empereur lui seraient en cela une aide précieuse. Il fallait agir sur l'opinion : on trouverait, dans les débris des vieux schismes et des vieilles hérésies, des complices tout préparés. Il fallait surtout ruiner le crédit d'Athanase : c'est à cette dernière entreprise que l'évêque de Nicomédie allait consacrer ses plus grands efforts personnels.

 

I

Sa première intervention sembla le perdre à jamais. Deux ou trois mois après le concile, des partisans de Mélèce, atteints par les récentes décisions de l'assemblée, eurent recours à l'arbitrage de l'empereur pour la solution d'affaires que l'historien Eusèbe se contente d'indiquer en termes vagues[2]. Ces méléciens d'Egypte pouvaient être, au cours de la campagne qu'Eusèbe de Nicomédie et Théognis de Nicée se flattaient de mener en faveur d'Arius, d'un précieux secours. Eusèbe et Théognis, non seulement reçurent les plaideurs chez eux, mais ils les soutinrent ouvertement ; ils plaidèrent hautement leur cause. Tant d'audace les perdit. Constantin, irrité de ces manœuvres, et se souvenant à propos de l'attachement qu'Eusèbe avait jadis manifesté à l'égard de son rival Licinius, fit saisir les deux évêques et les exila en Gaule. Puis il écrivit à leurs deux Eglises pour leur demander de se choisir de nouveaux évêques. Sa lettre à l'Eglise de Nicomédie était terrible contre Eusèbe. Oubliant qu'il avait pardonné à l'évêque de Nicomédie son intimité avec Licinius, il mettait le peuple en garde contre cet Eusèbe qui avait, disait-il, participé aux actes de cruauté du tyran. Car, ajoutait-il, je sais de preuve certaine qu'il a été le favori de Licinius ; je sais même que, pendant la guerre que j'ai dû soutenir, il a envoyé des espions contre moi. Mais je laisse de côté les injures que cet homme m'a faites. Je n'ai qu'une crainte, c'est que sa doctrine ne vous entraine hors de la vérité[3].

Un revirement si complet aurait déconcerté tout autre qu'Eusèbe. Celui-ci, du fond de son exil, continua ses intrigues, et peut-être son éloignement ne servit-il qu'à mieux dissimuler son action personnelle dans une campagne dont il resta toujours le chef[4].

Le plan des eusébiens, tel que les documents historiques nous le révèlent, était d'une extrême habileté : ne jamais se poser comme les adversaires du concile de Nicée, que l'empereur défendait comme son œuvre propre, pas même comme les amis d'Arius ; mais se fondre dans un grand parti mêlé, fait de tous les mécontents qu'on pourrait grouper, où les ariens purs seraient en petit nombre, mais qu'ils dirigeraient en secret[5] ; ne point s'attaquer encore au diacre Athanase, dont la popularité était immense, mais seulement aux plus compromettants de ses amis. L'exil de l'évêque de Nicomédie, en laissant au premier rang, dans son parti, son parent de Césarée, docile instrument entre ses mains, mais très bien vu de l'empereur, favorisait encore ce plan d'habile dissimulation.

Dans le tiers parti du concile, tandis qu'Eusèbe de Nicomédie avait été un trait d'union avec les purs ariens, Eusèbe de Césarée avait plutôt représenté l'esprit de conciliation avec le groupe qui suivait les inspirations d'Athanase. Sa fidélité à l'empereur n'avait jamais fléchi. Dans les grandes solennités, c'est lui qu'on avait toujours vu prononcer, devant le souverain, ces grands discours d'apparat où la majesté impériale était exaltée jusqu'à l'hyperbole. Eusèbe de Césarée n'avait pas hésité à signer le symbole adopté par la majorité des Pères, mais en se défiant des interprétations sabelliennes qu'on pourrait donner au terme d'omoousios.

Or précisément un des plus ardents amis d'Athanase, un des plus vigoureux défenseurs de l'omoousios au concile de Nicée, Eustathe d'Antioche, passait pour pencher vers l'erreur sabellienne. Le soupçon paraît avoir été mal fondé[6]. Au fond, ce qu'on redoutait en lui, c'était son ardeur à combattre les erreurs ariennes dans les provinces de Cœlésyrie, de Mésopotamie et des deux Cilicies, où il avait été chargé de faire exécuter les décisions conciliaires[7]. Saint Jean Chrysostome rapporte qu'il envoyait des maîtres orthodoxes et de savants controversistes aux villes les plus menacées[8]. Il multipliait lui-même les réfutations de l'hérésie sous forme de traités, de sermons, de lettres ou de commentaires exégétiques. Saint Athanase nous apprend qu'il bannit de son clergé tous les membres suspects[9]. La plupart de ces clercs devaient être, dans la suite, faits évêques pour renforcer le parti arien[10]. Mais le moment n'était pas venu de se démasquer ainsi. S'appuyant sur quelques paroles énergiques, écrites on prononcées par Eustathe pour réfuter l'arianisme, Eusèbe de Césarée l'accusa de professer le sabellianisme, c'est-à-dire de confondre entre elles les trois Personnes de la Trinité[11]. Une correspondance très vive fut échangée entre les deux évêques. Aux accusations doctrinales vinrent se joindre des accusations politiques. On reprochait à Eustathe, au rapport de saint Athanase, d'avoir manqué à ses devoirs envers la mère de l'empereur[12]. Décidément le terrain de la lutte était bien choisi au point de vue de la campagne entreprise par l'évêque de Nicomédie. Elle fut poursuivie avec acharnement.

On était arrivé à l'an 328. Un acte de clémence de l'empereur venait de ramener de l'exil l'évêque de Nicomédie. Cette mesure paraît avoir été due aux instances de la princesse Constantia, sœur de Constantin, toujours dévouée à son ancien confident et conseiller. Elle profita sans doute des grandes fêtes célébrées, cette année-là même, en l'honneur de saint Lucien d'Antioche pour demander à l'empereur la grâce de celui qui se donnait comme un des plus fidèles disciples du glorieux martyr[13].

L'évêque de Nicomédie reprit possession de son siège ; mais il s'appliqua surtout à organiser la campagne menée contre Eustathe. Se rendant compte que la ruse est l'arme qu'il manie avec le plus de dextérité, il organise un guet-apens. Par une requête pleine de flatteries à l'adresse de Constantin, il sollicite de l'empereur l'autorisation de visiter les constructions grandioses que la piété impériale fait élever à Jérusalem. Il se rend d'abord à Antioche, accompagné de Théognis de Nicée, et visite Eustathe, qui lui fait le plus fraternel accueil. Mais, après s'être séparé de lui avec toutes les apparences de l'amitié, il parcourt la Palestine et la Syrie, rallie tous ses partisans, entre autres Eusèbe de Césarée, Patrophyle de Scythopolis, Ætius de Lydda, et les ramène à Antioche, déclarant que les graves accusations portées contre Eustathe demandent une solution prompte par un synode. Aux inculpations graves déjà portées contre le prélat s'est ajoutée une dénonciation nouvelle. Ce sont les mœurs privées de l'évêque d'Antioche qui sont maintenant en cause. Un synode, rapidement réuni, prononce la déposition du prélat dans sa ville même[14]. Théodoret, qui rapporte le fait, ajoute que, bientôt après, l'infâme créature qui avait osé calomnier Eustathe se rétracta au cours d'une grave maladie, et qu'il fut avéré qu'elle avait été soudoyée par les eusébiens[15]. Mais à ce moment les décisions du synode d'Antioche avaient déjà été mises à exécution. Constantin, à qui le prétendu insulteur de sa mère avait été conduit, l'avait déjà exilé à Trajanopolis, dans la Thrace, puis à Philippes, où il mourut peu après[16]. L'Eglise devait l'honorer comme un saint[17].

Un an plus tard, au courant de l'année 33o, un partisan déclaré d'Eusèbe de Nicomédie, Euphrone, était élu, non sans quelques agitations, à la place d'Eustathe, et installé sur le siège d'Antioche sous les yeux d'un représentant de l'empereur. Le plus actif des amis d'Athanase disparaissait du champ de bataille, et le siège important d'Antioche était désormais acquis au parti d'Eusèbe. Les intrigues de l'évêque de Nicomédie en Palestine étaient couronnées du succès le plus complet.

 

II

Il n'en était pas de même en Egypte. Le saint évêque d'Alexandrie, Alexandre, était mort le 17 avril 328, après avoir exprimé le désir d'avoir pour successeur le diacre Athanase. Les fidèles avaient acclamé ce choix, les évêques orthodoxes de la province l'avaient ratifié[18], et le sacre du nouvel évêque avait eu lieu le 7 juin, au milieu des ovations de tout un peuple, qui répétait : Athanase ! Athanase ! C'est un bon chrétien ! C'est un ascète ! C'est un véritable évêque ![19]

Athanase avait trente-trois ans à peine. Outre les qualités du pasteur accompli, Dieu lui avait donné un esprit clair, un œil bien ouvert sur la tradition chrétienne, sur les événements, sur les hommes ; et, avec cela, un caractère hautement indomptable, tempéré par une parfaite bonne grâce, mais incapable de faiblir devant qui ou quoi que ce soit. L'orthodoxie de Nicée avait trouvé son défenseur. Déjà menacée à cette heure, elle devait traverser des crises redoutables. On put croire à certains moments qu'elle n'avait plus d'autre soutien qu'Athanase. C'était assez. Athanase eut contre lui l'empire et sa police, les conciles, l'épiscopat : la partie était encore égale tant qu'un tel homme restait debout[20].

Le premier mandement pascal que le nouveau patriarche écrivit pour son peuple signalait le danger menaçant, faisait allusion aux menées des hérétiques. Mais l'objet principal de ses premières instructions pastorales fut l'édification de son peuple par la pratique de la foi et des préceptes de la religion. Ecoutez, s'écriait le zélé pasteur, écoutez la trompette sacerdotale qui vous appelle. Vierges, elle vous rappelle l'abstinence que vous avez jurée ; époux, la sainteté du lit conjugal ; chrétiens, vous tous, le combat contre la chair et le sang dont parle saint Paul[21].

Un des premiers soins d'Athanase fut de visiter cette partie choisie de son diocèse où des groupes de solitaires faisaient fleurir le plus pur esprit de l'Evangile. L'avant-propos syriaque de ses Lettres pascales nous le montre parcourant successivement la Thébaïde, la Pentapole, l'oasis d'Ammon et les régions inférieures[22], faisant comme une revue de ses troupes d'élite à la veille des grandes batailles qu'il allait livrer contre l'arianisme. Des évêques et des foules nombreuses l'accompagnaient. Comme il se dirigeait vers le Saïd, saint Pacôme vint au-devant de lui avec ses religieux, chantant des psaumes[23]. Entre le saint patriarche et le grand législateur de la vie cénobitique, des liens s'établirent, que des communes luttes contre l'hérésie devaient raffermir. La pratique des plus austères vertus de la vie religieuse préparait ces moines à devenir les champions les plus intrépides de l'orthodoxie. Désormais Pacôme s'associera à toutes les joies et à toutes les épreuves du saint patriarche, l'appelant le Père de la foi orthodoxe[24], l'homme christophore ou qui porte Dieu[25]. A la fin de sa vie, parmi les paroles d'adieu qu'il adressera à ses frères bien-aimés, on l'entendra répéter : J'ai connu en ce monde trois choses qui ont contenté Dieu et fleuri en lui ; premièrement, le saint Père Athanase, qui a combattu pour la foi orthodoxe jusqu'à la mort ; deuxièmement, le grand Antoine, qui nous a laissé le modèle de la vie religieuse, et troisièmement cette chère communauté, qui marche à la suite de ces deux pères, sous les ordres de Dieu[26].

Quand, au retour de ce voyage, plein de consolations célestes, le patriarche revint à Alexandrie reprendre possession de son siège épiscopal, l'orage y avait déjà éclaté. Les partisans qu'Arius avait laissés dans la capitale de l'Egypte, s'étaient agités, contestant la validité de l'élection d'Athanase, soutenant qu'elle avait été faite sous la pression d'un mouvement populaire concerté. Eusèbe, de son côté, avait agi auprès de l'empereur, qui avait, par une lettre impérative, dont Athanase nous a conservé un fragment, donné l'ordre au patriarche de recevoir en sa communion tous ceux qui se présenteraient à lui, sous peine d'être exilé lui-même de sa ville épiscopale[27].

Prompt à la riposte, Athanase rédige aussitôt, à l'adresse de Constantin, un mémoire justificatif. Mais le mémoire est à peine écrit, que le parti mélécien, mis en mouvement par Eusèbe, entre en campagne. C'est une série d'accusations les plus mensongères, les plus perfides, qui se succèdent, et sous lesquelles on prétend accabler l'homme de Dieu : il a empiété sur les pouvoirs impériaux, en imposant à ses fidèles une contribution au profit de son église ; il s'est rendu coupable de haute trahison, en fournissant de l'argent à un rebelle ; une démarche faite par un délégué de l'archevêque, Macaire, pour ramener au devoir un faux prêtre, Ischiras, qui usurpait les fonctions sacerdotales, devient une scène violente, pendant laquelle Macaire aurait renversé l'autel, brisé le calice et brûlé les Livres sacrés. Cette fois-ci, ce n'est point par un écrit, c'est en personne qu'Athanase veut se justifier. Il se rend à Nicomédie, n'a point de peine à dissiper, par quelques explications nettes et franches, toutes les calomnies imaginées contre lui, et regagne Alexandrie, porteur d'une lettre où Constantin l'appelle un homme de Dieu. Mais ses ennemis n'ont pas désarmé. En homme habile à manier les foules, Eusèbe de Nicomédie, qui tient le fil de toutes ces intrigues, sait bien que l'accusation la plus capable de frapper l'imagination populaire et de soulever l'opinion contre un homme, n'est pas l'accusation la plus vraisemblable, mais la plus dramatique et la plus étrange. Non seulement l'affaire d'Ischiras est reprise, enrichie de nouveaux détails ; mais les méléciens accusent hautement Athanase d'avoir fait assassiner un des leurs, Arsène, évêque d'Hypsélé. Une main coupée est promenée par la ville, comme pièce à conviction. Une enquête judiciaire est ouverte. L'apparition du prétendu mort y met fin. Arsène, payé par les ennemis d'Athanase, s'était caché dans un monastère. Athanase a su découvrir ses traces, et le malheureux vient humblement solliciter son pardon de l'évêque d'Alexandrie. Constantin écrit de nouveau au patriarche une lettre bienveillante, et le chef des méléciens, Jean Arcaph, vient en tremblant se jeter lui-même aux pieds d'Athanase.

 

III

Cette soumission n'était qu'une manœuvre hypocrite. Au moment où le chef des méléciens faisait amende honorable devant .le patriarche d'Alexandrie, ses ennemis conjurés ourdissaient contre lui un vaste complot.

Il s'agissait à la fois de perdre Athanase, de réhabiliter Arius et de compromettre, dans cette double entreprise, l'empereur et l'épiscopat.

On connaissait l'attachement irréductible de Constantin aux formules votées à Nicée. Il ne souffrait pas qu'on les mît en question. Mais on savait aussi combien il était facile de le tromper sur le sens et la valeur de ces formules dogmatiques.

L'ex-impératrice Constantia, veuve de Licinius, toujours dévouée à la cause d'Eusèbe, avait en mourant, vers 333, recommandé à son frère Constantin un prêtre de sa confiance, Eutocius[28]. Ce prêtre, admis aussitôt à la cour de l'empereur, fut un instrument docile entre les mains de l'évêque de Nicomédie. Il persuada à l'empereur qu'Arius n'était pas si opposé qu'on voulait bien le dire aux décisions du grand concile. Constantin se laissa convaincre. D'autre part, Athanase avait eu beau triompher de toutes les accusations formées contre lui ; cet homme, qui suscitait à chaque instant des intrigues autour de lui, était, coupable ou non, une cause de trouble. Dans de pareilles circonstances, les gouvernements plus soucieux de maintenir l'ordre extérieur que de sauvegarder la justice, s'en prennent aussi volontiers à la victime qu'aux bourreaux. Il est probable aussi crue l'empereur, clans ses récents entretiens avec l'intrépide prélat, avait remarqué en lui cette fermeté de caractère dont les potentats redoutent instinctivement les approches. En tout cas, l'agent secret d'Arius et d'Eusèbe, le prêtre Eutocius, entretenait ces sentiments dans l'âme du souverain. Vers 334, Arius, ayant obtenu une audience de l'empereur, lui présenta une profession de foi, habilement rédigée en termes vagues, qui, du premier coup, apparut acceptable à Constantin. Il décida aussitôt qu'Arius serait réintégré dans ses fonctions, et pria le patriarche Athanase de le recevoir en sa communion. Le refus net de celui-ci et le mécontentement que ce refus produisit chez l'empereur, furent habilement notés par le parti eusébien, qui se hâta de les exploiter à son profit.

Le moment approchait où Constantin, parvenu à la trentième année de son règne, avait résolu de la célébrer par une grande solennité religieuse. Comment mieux rehausser cette fête, comment en mieux assurer les résultats que par une de ces assemblées conciliaires qui déjà dans Arles, dans Ancyre, et surtout à Nicée, avaient assuré en même temps la paix de l'Eglise et la gloire de l'empereur ? On n'eut pas besoin d'insister longtemps auprès de Constantin. La ville de Tyr fut désignée par lui comme lieu de rendez-vous. La lettre impériale de convocation était significative : l'œuvre du concile devait être une œuvre de pacification, et qui voudrait s'y soustraire y serait contraint au besoin par la force publique[29]. Dans cette dernière phrase, chacun vit une allusion à l'attitude d'Athanase[30]. Comme pour montrer que la menace impériale n'était pas un vain mot, le prêtre Macaire, familier de l'évêque d'Alexandrie, fut amené chargé de chaînes. Un grand dignitaire de la cour, le comte Denys, fut délégué par Constantin pour désigner les évêques qui devaient se rendre au concile, pour y tenir la place de l'empereur et, en cette qualité, pour y veiller au bon ordre[31]. Du pape Sylvestre, il ne fut pas question cette fois-ci.

Le caractère de l'assemblée était ainsi marqué dès le début. Tous les ennemis d'Athanase s'y étaient donné rendez-vous[32]. Aucune question dogmatique n'y fut mise à l'ordre du jour, mais tous les griefs soulevés contre Athanase furent repris. Les eusébiens se posèrent en juges, et les méléciens en accusateurs. Le patriarche d'Alexandrie eut le courage de plaider sa cause devant de pareils adversaires. Sur la plus grave des imputations portées contre lui, celle de l'assassinat d'Arsène, qu'on eut l'audace de maintenir, il obtint un facile triomphe. Arsène était vivant et visible dans son évêché d'Hypsélé[33]. Sur plusieurs points l'accusé demanda une enquête. Des commissaires enquêteurs furent aussitôt choisis, mais dans un conventicule particulier et non pas en réunion générale. L'enquête ne fut pas contradictoire. Elle se fit sous la direction du préfet d'Egypte. Aucun membre du clergé soumis à Athanase ne put y assister. Le saint évêque n'était plus en présence que d'une faction dont le parti pris se manifestait trop évidemment. Il quitta l'assemblée, qui s'empressa, aussitôt après son départ, de prononcer contre lui une sentence de déposition[34].

En vain Athanase se rendit-il à Constantinople, où Constantin avait dès lors fixé sa résidence impériale ; les eusébiens l'y rejoignirent. Eusèbe de Césarée profita d'une fête pour prononcer devant l'empereur un de ces discours d'apparat où il excellait à flatter la vanité du souverain[35]. Puis on imagina contre Athanase une nouvelle accusation, la plus invraisemblable assurément, mais la plus capable de faire impression sur l'amour-propre de Constantin. Le patriarche d'Alexandrie avait distribué de larges aumônes. On l'accusa d'avoir accaparé les grains et tenté d'affamer Constantinople, la grande ville, si glorieusement fondée par Constantin, la capitale dont il était si justement fier ! L'empereur n'attendit pas même que l'accusé présentât sa défense. Pour mettre fin à toute discussion, il fit saisir Athanase et donna ordre de le conduire au fond des Gaules, dans la ville de Trèves, où il fut interné[36].

 

IV

Aurait-on enfin la paix ? Non, car en même temps qu'il exilait Athanase, Constantin rappelait Arius et ses partisans. Ceux-ci, loin de s'apaiser, profitèrent de leur triomphe pour reprendre la lutte avec une activité redoublée.

Au premier rang des évêques qui, au concile de Tyr, avaient refusé de s'associer à la campagne menée contre Athanase, se trouvait l'évêque d'Ancyre, Marcel, qui déjà, au concile de Nicée, s'était fait remarquer parmi les plus ardents adversaires d'Arius. Le procès dogmatique qu'on n'avait osé instituer contre Athanase, dont on redoutait la science impeccable et la logique serrée, on résolut de l'entreprendre contre son ami Marcel. Celui-ci, avec plus de zèle que de précision théologique, avait défendu la consubstantialité du Verbe dans un livre où les eusébiens crurent découvrir le sabellianisme, compliqué de l'adoptianisme. A en croire Eusèbe de Césarée, qui consacra deux ouvrages à la réfutation de Marcel[37], l'évêque d'Ancyre concevait Dieu comme une Monade indivisible, mais susceptible d'une sorte de déploiement et de reploiement sur elle-même. Le déploiement de la Divinité se serait produit de trois manières et comme en trois moments distincts. La Pensée de Dieu ou son Verbe se serait dilatée et réalisée extérieurement par la production du monde : ce fut la création. Une seconde irradiation, plus profonde, du Verbe divin aurait pénétré la nature humaine elle-même : ce fut l'Incarnation. Un troisième développement du Verbe aurait produit l'Esprit, qui, avant l'insufflation du Christ sur les Apôtres, était contenu dans le Verbe et dans le Père, mais qui devint en ce moment, suivant les expressions de Théodoret, une extension de l'extension. Ainsi la Monade s'était-elle dilatée en Trinité. Mais à la fin des choses, Verbe et Esprit rentreraient dans le sein du Père, comme ils y étaient dans le principe et sans avoir jamais constitué de véritables personnes[38]. Il est douteux que la doctrine de Marcel d'Ancyre ait eu des affirmations aussi nettes ; nous ne la connaissons guère que par Eusèbe de Césarée, qui était plus orateur que théologien, et qui avait tout intérêt à en solliciter les termes dans le sens de l'hérésie sabellienne. Mais, ainsi que les écrits d'Eustathe d'Antioche, ceux de Marcel d'Ancyre fournissaient l'occasion aux eusébiens de se poser en défenseurs de la tradition contre des erreurs novatrices. Un synode tenu à Constantinople en 336 aboutit à la condamnation de Marcel d'Ancyre et à la proscription de ses œuvres. Le caractère superficiel de la procédure introduite à cet effet et les protestations de Marcel contre l'interprétation donnée à sa doctrine devaient dans la suite soulever de longues querelles entre l'Orient et l'Occident ; mais la décision conciliaire n'en était pas moins un nouveau succès pour les amis d'Arius.

Ils songèrent à couronner cette série de triomphes par une réintégration solennelle de leur chef dans la communion catholique. L'hérésiarque s'était d'abord présenté à Alexandrie, peut-être dans le secret espoir de prendre la place laissée vacante par l'exil d'Athanase ; mais les manifestations hostiles de la population, profondément attachée à son évêque exilé, l'avaient obligé à se retirer. Il se rendit alors à Constantinople auprès de l'empereur, lui affirmant par serment qu'il tenait la pure foi catholique. Si ta foi est véritablement orthodoxe, lui dit Constantin, tu as eu raison de prêter serment ; si elle est impie, que Dieu te juge pour ton serment. L'empereur convoqua ensuite l'évêque de Constantinople, Alexandre, et lui demanda de recevoir, dès le lendemain, Arius dans sa communion.

Le lendemain était un dimanche. Les eusébiens préparaient une manifestation grandiose : ils menaçaient d'exécuter leur dessein par la force si le clergé leur opposait la moindre résistance. Le saint évêque eut alors recours à Dieu. Prosterné contre terre, dans son église, on l'entendit murmurer : Seigneur, retirez à vous votre serviteur, ou bien empêchez l'hérétique de souiller votre église[39]. Or, le soir de ce même jour, Arius traversait la ville, escorté d'une suite nombreuse, quand, près du forum de Constantin, un besoin subit le contraignit de chercher un endroit écarté. Bientôt on l'y trouva mort dans des circonstances qui ont permis aux anciens historiens de lui appliquer les paroles de la Sainte Ecriture relatives au traître Judas : Diffusa sunt vissera ejus[40].

Saint Athanase nous rapporte que ce tragique événement ouvrit les yeux à plusieurs ariens et que l'empereur Constantin en fut lui-même impressionné[41]. Le bannissement du chef des méléciens, Jean Arcaph, qui semait partout le désordre, fut peut-être un effet de cette impression. Mais l'empereur ne revint pas sur sa politique, qui semblait consister à tenir l'équilibre entre les deux partis. Une touchante intervention du patriarche de la vie monastique, saint Antoine, auprès de l'empereur, pour demander le rappel d'Athanase, n'obtint aucun résultat. La mort de l'évêque Alexandre, survenue à la fin d'août 336, pendant une absence de l'empereur, amena l'élection d'un évêque pieux et savant, du nom de Paul, au siège de Constantinople ; mais lorsque Constantin revint, Eusèbe de Nicomédie réussit à le prévenir contre le nouvel élu, qui fut exilé dans le Pont vers la fin de l'année et remplacé par un ami des ariens.

Ainsi la faction eusébienne, après avoir mis hors de combat les trois grands champions de la foi de Nicée, Eustathe, Athanase et Marcel, réussissait à placer un des siens sur le siège épiscopal de la nouvelle capitale ; mais le symbole de Nicée restait debout ; Constantin n'avait jamais cessé de le défendre ; Arius n'avait pu prétendre à sa réhabilitation qu'en y souscrivant extérieurement, et la Providence venait d'arrêter, sur le seuil du sanctuaire, l'audacieux hérésiarque, par un de ces coups où la foi la plus tiède voit instinctivement la main de Dieu.

Constantin avait atteint la soixante-quatrième aimée de son âge et la trente-deuxième de son règne. Dans cette âme puissante, le découragement se faisait voir. Il avait consacré son génie à la poursuite de deux grandes œuvres : l'unité de l'empire et la paix religieuse. L'une et l'autre lui semblaient gravement compromises. Un an plus tôt, au moment de la célébration des fêtes de sa trentième année de règne, désespérant de prévenir la lutte de ses héritiers, il avait partagé son empire en trois royaumes différents. Constantin, l'aîné, avait obtenu toutes les provinces situées au delà des Alpes : la Gaule, la Bretagne et l'Espagne ; Constant, le dernier, avait eu à gouverner, avec l'aide du César Dalmace, le centre de l'empire : l'Italie, l'Afrique et l'Illyricum ; et le plus affectionné des trois, Constance, secondé par le César Annibalien, avait eu en partage tout l'Orient, Au point de vue religieux, les derniers actes de l'empereur avaient également paru consacrer l'existence de deux partis irréductibles. Le grand règne inauguré par la victoire du Pont Milvius et par l'Edit de Milan finissait mélancoliquement dans la crainte de l'anarchie politique et religieuse.

La pensée de la mort suivait partout Constantin. A l'occasion des fêtes de sa trentième année d'empire, il avait fait construire son tombeau dans l'église des Saints-Apôtres[42]. Eusèbe nous rapporte qu'il célébra les fêtes de Pâques de l'année 337 avec une particulière dévotion : il passa la nuit entière dans l'église des Saints-Apôtres, tout près de son tombeau. Sa santé était déjà fort ébranlée. Sentant approcher la mort et le jugement de Dieu, il se souvenait sans doute alors des crimes qui avaient souillé son règne : les meurtres de son beau-frère Licinius, de son fils Crispus, de sa femme Fausta[43], que le sacrement du baptême n'avait point encore effacés. Peut-être se reprochait-il aussi le retard qu'il avait mis à recevoir le sacrement qui l'eût fait chrétien[44]. Peu de jours après, son indisposition ayant pris un caractère plus grave, les médecins furent d'avis qu'il se rendît dans la ville d'Hélénopolis en Bithynie, pour y prendre quelques bains naturels d'eaux chaudes. Il y arriva trop affaibli pour tenter la cure conseillée, et se borna à se rendre à l'église récemment bâtie. Là, il se prosterna, confessa à haute voix ses péchés, et demanda à recevoir, suivant la règle posée par le concile d'Elvire, l'imposition des mains[45], c'est-à-dire le rite qui le rendrait catéchumène[46]. L'empereur se fit ensuite transporter dans son palais d'Aschiron, situé dans un des faubourgs de Nicomédie, et y convoqua un certain nombre d'évêques pour assister à la cérémonie de son baptême. Saint Jérôme dit que le rite baptismal fut accompli par Eusèbe de Nicomédie ; cette assertion paraît fondée, l'empereur se trouvant dans le diocèse d'Eusèbe. Constantin reçut le sacrement avec les marques d'une piété très vive[47]. A partir de ce moment, il ne voulut plus revêtir la pourpre, et il se prépara à la mort. Le 22 mai 337, il parut devant Celui dont il n'avait pas toujours suivi les préceptes, mais dont il avait aimé la loi, honoré les ministres et défendu la sainte Eglise, lui donnant la liberté et le respect auxquels elle a droit.

 

V

Somme toute, le règne de Constantin avait été exceptionnellement bienfaisant pour l'Eglise. Il ne l'avait pas seulement affranchie des persécutions, il avait fait entrer l'esprit chrétien dans les lois. Il avait permis à l'apostolat chrétien de se propager librement jusqu'aux dernières limites de l'empire, aux lettres chrétiennes de fleurir sans entraves, au culte chrétien de s'épanouir dans toute la magnificence de ses rites et de ses temples.

Quelques légistes ont fait dater de Constantin la décadence du droit romain, parce que la législation du grand empereur en troubla la savante logique. Certes le vieux droit de Rome, tel que l'avaient fait les lois, les plébiscites, les édits des magistrats, les réponses des prudents, les sénatus-consultes et les constitutions des empereurs, peut être regardé, à certain point de vue, comme le résultat du plus grand effort que la raison humaine ait tenté avant l'apparition du christianisme. Le génie de quelques grands jurisconsultes, tels qu'Ulpien et Gaius, en avaient fait un monument d'une architecture admirable. Mais, si l'on tient avant tout à cette architecture, dont le fondement resta toujours la loi de fer des Douze Tables, il faut en faire remonter la décadence bien plus loin. Elle date alors de cette jurisprudence équitable des préteurs qui, par mille artifices, interprétèrent les vieilles formules dans un esprit de clémence, humanisèrent peu à peu l'organisation de la famille et de la propriété, élargirent le droit de juger suivant les circonstances, et non suivant la lettre stricte de leur propre teneur, les conventions humaines. C'est ce mouvement d'équité, complémentaire de la stricte justice, que l'esprit du christianisme, progressivement codifié par les empereurs chrétiens et surtout par Constantin, vint confirmer et compléter, et l'on peut dire qu'en assouplissant ainsi le droit romain, il le sauva. Mais, ainsi que le remarque un historien, le christianisme ne pouvait sauver le droit romain qu'en le modifiant, pour l'approprier aux conditions nouvelles du monde. Le préteur avait encore laissé beaucoup à faire à l'Evangile. Il ne suffit pas de l'équité, il faut encore la miséricorde pour que la justice ne pèse pas d'un fardeau trop lourd sur la faiblesse humaine[48].

En élargissant le droit d'interprétation des jurisconsultes[49], en amplifiant les effets juridiques de la coutume[50], Constantin brisait les lignes architecturales du vieux droit, mais il l'humanisait. En relevant la dignité de la femme, du fils de famille et de l'esclave[51], il battait en brèche ses plus antiques fondements, mais il le christianisait. Ainsi, comme dit Schlegel, la jurisprudence scientifique du droit romain, dirigée vers une observance sévère des formules, se cramponnant à la lettre morte de la loi, devenait douce, pleine d'amour, historiquement déterminée, aussi indulgente que possible et n'oubliant jamais la faiblesse de notre nature[52].

Cette évolution bienfaisante du droit romain fut merveilleusement favorisée par une coutume qui prit sous Constantin un grand développement. Les chrétiens, obéissant à un conseil de l'apôtre saint Paul, avaient toujours évité, autant que cela leur était possible, de faire juger leurs différends devant les tribunaux païens. Les évêques, siégeant déjà au tribunal de la pénitence, disposant de peines canoniques, furent les magistrats tout indiqués à qui les fidèles vinrent demander une juridiction arbitrale et officieuse sur toutes les causes civiles qui s'élevaient entre eux. Constantin laissa volontiers cette juridiction s'affermir et se développer à côté de celle du magistrat civil, entouré de ses jurisconsultes[53]. S'il fallait en croire une Constitution insérée au Code Théodosien, Constantin ne se serait pas contenté de laisser les parties libres de recourir au tribunal ecclésiastique, comme le dit Sozomène[54], il aurait imposé la juridiction de l'évêque à la partie récalcitrante du moment que l'autre partie la réclamait. Mais l'authenticité de cette Constitution a été révoquée en doute et une pareille décision n'est guère vraisemblable.

C'est surtout à Constantinople qu'une pareille organisation judiciaire put se développer. La nouvelle capitale fut une ville toute chrétienne. Il paraît même que le principal motif de sa fondation, en 329, fut le désir qu'avait Constantin de séparer plus librement son administration du vieux culte païen, si profondément enraciné dans les institutions et les mœurs de Rome. Le soin de la défense du territoire sur un point stratégique admirablement servi par une grande rade et par un excellent port, également à la portée de l'Europe et de l'Asie, ne fut peut-être qu'une raison secondaire. Quoi qu'il en soit, les conséquences politiques et religieuses de la fondation de Constantinople devaient être incalculables. Si, d'une part, le transfert de la capitale en Orient eut pour effet de mieux détacher l'administration impériale du paganisme et de laisser le pape occuper plus librement et plus ostensiblement la première place dans la ville de Rome, il en sortit une autre conséquence. Le lieu de résidence de l'empereur attirait forcément les regards de tout l'empire. L'évêque de ce lieu, vivant auprès du souverain, ayant avec lui les rapports les plus fréquents et les plus intimes, n'aurait-il point par là même une situation privilégiée ? Les chrétiens de tout l'empire, surtout ceux des régions qui entourent la capitale, ne le regarderaient-ils pas comme un intermédiaire auprès du maître ? Si cet évêque s'y prêtait un peu, ne chercherait-il pas à étendre son pouvoir sur une grande partie de l'Eglise ? En un mot, en créant une capitale autre que Rome, Constantin ne favorisait-il pas, sans le vouloir, la formation d'un second centre religieux ?[55] L'avenir devait justifier de pareilles craintes.

 

VI

En même temps qu'elle pénétrait de son esprit les lois et les mœurs, l'Eglise étendait ses frontières. Sous le règne de Constantin, l'Ethiopie, l'Ibérie, l'Arménie, la Perse, le pays des Sarmates et celui des Goths, reçurent les missionnaires de l'Evangile.

Les traditions qui attribuent l'introduction du christianisme dans l'Ethiopie ou Abyssinie, soit à l'eunuque de la reine Candace, soit aux apôtres saint Barthélemy et saint Matthieu, dit un savant orientaliste, ont été reconnues fausses depuis longtemps[56]. L'évangélisation de ce pays eut lieu, sous Constantin, dans les circonstances suivantes : Un philosophe de Tyr, Méropius, revenant d'un voyage aux Indes, et étant accompagné de deux de ses parents, les jeunes frères Frumentius et Ædesius, descendit sur la côte de l'Abyssinie du Nord. Les barbares qui habitaient ces lieux massacrèrent l'équipage et n'épargnèrent que Frumentius et Ædesius. Les deux frères furent amenés au roi, qui nomma le premier son trésorier et le second son échanson. A la mort du roi, la reine pria les deux frères de ne pas quitter le pays avant que son fils, héritier du trône, encore enfant, eût atteint l'âge mûr. Ils y consentirent, et Frumentius profita de sa position pour assurer le libre exercice de la religion chrétienne aux marchands grecs qui fréquentaient le pays. Il les poussa même à bâtir des oratoires. Selon Socrate il aurait dès lors gagné au christianisme quelques indigènes. Quand le prince eut grandi, Frumentius, désormais libre de quitter le pays, se rendit à Alexandrie, où il informa saint Athanase des progrès que la foi chrétienne avait faits en Abyssinie, lui demandant en même temps d'y envoyer un évêque. Saint Athanase ne trouva pas de meilleur sujet que Frumentius lui-même. Il le consacra évêque. Frumentius, retourné en Abyssinie, y aurait alors converti, au dire de Rufin, un nombre infini de barbares[57]. Un précieux document, que saint Athanase nous a conservé[58], confirme le récit de Rufin[59]. La jeune chrétienté d'Abyssinie devait être, malgré les efforts de Constance et les prédications d'un missionnaire arien, Théophile de Dibus, totalement préservée de l'arianisme. Dans le Tigré, l'horreur de cette hérésie est même restée proverbiale jusqu'à présent : le mot d'arianisme ou le nom exécré d'Arius servent encore d'imprécation en présence d'une proposition révoltante[60].

L'introduction du christianisme dans l'Ibérie ou Géorgie, entre l'Arménie et le Caucase, n'est pas moins dramatique. D'après une antique tradition, qui nous est rapportée par Rufin, Socrate, Sozomène et Théodoret[61], l'Ibérie aurait reçu, sous le règne de Constantin, l'annonce de l'Evangile par une captive dont le nom n'est point parvenu jusqu'à nous. Les Ibériens l'avaient emmenée prisonnière dans une de leurs incursions. Son admirable modestie, l'austérité de sa vie, son assiduité à la prière excitèrent l'admiration de ces barbares. Ils la questionnèrent. La prisonnière répondit qu'elle servait le Christ, son Dieu. Ce nom leur était tout aussi étranger que tout le reste. Incapables de s'élever à une conception plus haute de la religion, les barbares se demandèrent seulement si ce culte du Christ ne pourrait pas leur être utile en quelque chose. Or, c'était la coutume du pays que, lorsqu'une mère avait son enfant malade, elle le portât de maison en maison, pour voir si quelqu'un connaissait un remède à la maladie. Une femme apporta son enfant mourant à la captive. J'ignore les remèdes humains, lui répondit l'humble chrétienne ; mais le Christ que j'adore peut, s'il le veut, guérir les infirmes et ressusciter les morts. Elle posa l'enfant sur le cilice qui lui servait de couche, pria Dieu pour lui, et le rendit guéri à sa mère. Le bruit de ce miracle se répand aussitôt. La reine du pays, gravement malade, ne craint pas de se faire porter dans l'humble cabane de l'étrangère, et recouvre aussitôt la santé. Peu de temps après, le roi lui-même, perdu à la chasse, au milieu d'un épais brouillard, ne retrouve sa route qu'après avoir invoqué le Christ. A la suite de ces grâces célestes, le roi, la reine, embrassent la foi chrétienne, et envoient une ambassade à Constantin pour lui demander des maîtres chrétiens. L'Ibérie est évangélisée par des missionnaires, et la foi se répand de là dans les pays voisins, notamment en Albanie.

Vers la fin du règne de Constantin, les chrétientés d'Ibérie et d'Albanie se réunirent à l'Eglise d'Arménie. Cette union fut l'œuvre de l'évêque Verthanès, dont le frère, Aristakès, avait pris part au concile de Nicée en qualité de chef de l'Eglise arménienne[62].

Les débuts du christianisme en Arménie, écrit Mgr Petit, sont bien obscurs. A s'en rapporter aux historiens nationaux, plusieurs apôtres y seraient venus prêcher l'Evangile, quelques-uns même y auraient trouvé la mort, comme les saints Barthélemy et Thaddée. Si légendaires qu'elles soient, ces traditions ont pourtant quelque signification historique ; elles prouvent que la foi chrétienne avait passé de bonne heure de Syrie en Arménie. Toutefois, c'est de saint Grégoire l'Illuminateur (Lousarovitch) que date, sinon la naissance, du moins la pleine efflorescence du christianisme en Arménie pendant la seconde partie du IIIe siècle[63]. Issu de la race royale des Arsacides et soustrait, dès son enfance, au massacre de sa famille, Grégoire, réfugié sur les terres de l'empire romain durant l'occupation de sa patrie par les Perses, y avait été instruit dans la foi chrétienne. Revenu en Arménie vers 261, il y avait baptisé une partie de la nation et le roi lui-même. La haute dignité de catholicos[64], ou archevêque du pays, qui lui fut confiée, se perpétua dans sa famille. Le catholicos Aristakès, qui assista au concile de Nicée, et le catholicos Verthanès, qui opéra plus tard le rattachement des Eglises d'Ibérie et d'Albanie à celle d'Arménie, étaient ses fils. Ce fut l'apogée de l'Eglise d'Arménie aux temps antiques. Sans ajouter foi aux magnifiques tableaux que nous ont laissés les historiens nationaux de cette chrétienté naissante[65], on doit reconnaître qu'elle fut très florissante au temps de Constantin. Mais, vers 337, l'union cessa de régner entre le chef de l'Eglise et le chef de l'Etat. Iousik, fils et successeur de Verthanès, paya même de sa vie son opposition au roi Tiran. Plus tard, l'Eglise arménienne eut à se défendre contre l'oppression de l'idolâtrie persane. Ce fut le début des terribles épreuves au milieu desquelles l'Arménie boulevard de la chrétienté, mérita le surnom, qu'un historien lui a donné, de Pologne de l'Orient[66].

C'est aux habitants de l'Arménie, en même temps qu'à ceux d'Edesse, que Sozomène attribue la fondation de communautés chrétiennes en Perse[67]. On peut croire cependant que la pénétration du christianisme en Perse date de bien plus loin. Les Actes des apôtres mentionnent parmi les témoins oculaires du prodige de la Pentecôte des Parthes, des Mèdes, des Elamites et des habitants de la Mésopotamie[68]. Ce texte atteste pour le moins que, vers l'an 80, les Eglises du monde gréco-romain connaissaient l'existence de chrétiens dans les lointaines contrées de l'Orient... Mais tout porte à penser qu'avant l'avènement de la dynastie sassanide, l'empire perse ne contenait pas de communautés chrétiennes organisées[69]. Ce n'est guère que vers 250 qu'on put compter sur les bords du Tigre de vraies Eglises. Les habitants des provinces romaines déportés par Sapor Ier collaborèrent à leur tour à l'évangélisation de la Perse[70]. Mais ce grand empire, dont le chef aimait à se déclarer le César de l'Asie[71] et n'aspirait à rien de moins qu'à chasser les Romains de tout l'Orient, était le foyer d'une religion puissamment organisée. Les Mages en étaient les ministres, et le dualisme en était le dogme principal. Sa morale, claire, pratique, mêlait habilement les considérations terrestres et utilitaires à la pensée d'une récompense future[72]. Par toutes ces raisons, la religion persane menaçait le christianisme d'une rivalité redoutable. Les rois de Perse, quoique fermement attachés au culte national, ne semblèrent pas d'abord poussés à persécuter les adeptes des autres cultes[73]. Mais pour les chrétiens orientaux, si prompts à laisser corrompre leur foi par les rêves les plus étranges, la contagion des doctrines persanes pouvait être plus dangereuse qu'une persécution ouverte. Constantin, qui se considéra toujours comme chargé par Dieu de maintenir la pureté de la foi chrétienne, aussi bien que de veiller à la sécurité de l'empire, ne pouvait fermer l'œil sur ce danger. Eusèbe nous a conservé de lui une lettre écrite au roi Sapor, dans laquelle, après avoir félicité et remercié le souverain des Perses de la liberté accordée aux chrétiens, il lui demandait de laisser de plus en plus se propager le culte du Christ Vous rendrez ainsi, lui disait-il, un service immense et à moi et à vous-même... Car, mon frère, croyez-le, celui-là ne se trompe pas, qui reconnaît notre Dieu pour père. Beaucoup de ceux qui ont possédé l'empire avant nous poussés par une erreur insensée, ont essayé de nier sa puissance ; mais une fin vengeresse est venue sur tous, afin que le genre humain rappelle à ceux qui voudraient les imiter, l'exemple de leurs infortunes[74].

Ce rôle de protecteur des chrétiens, même au delà des frontières de son empire, que l'empereur Constantin prenait si hardiment auprès du roi des Perses, il l'exerçait auprès des Goths et des Sarmates.

Comme les Ibériens, et d'une manière à peu près identique, les Goths avaient été touchés par la propagande évangélique dès le temps où ils habitaient dans le voisinage de la mer Noire. On peut même dire que leurs origines chrétiennes se rattachent aux terribles invasions dont ils affligèrent l'empire vers le milieu du IIIe siècle. De leurs expéditions en Asie Mineure, ils ramenèrent, entre autres captifs, plusieurs chrétiens, qui leur enseignèrent avec succès la doctrine du Christ[75]. Des clercs se trouvaient parmi eux ; ils organisèrent les premiers groupes des convertis. Les Eglises du Bosphore et de Cherson ne purent manquer d'offrir des points d'appui à la propagande. Au concile de Nicée il y avait un évêque de Gothie appelé Théophile[76]. Constantin profita de sa victoire sur les Goths et du traité d'alliance qu'il conclut avec eux, pour propager au milieu d'eux le christianisme[77]. Aux Sarmates, chassés de leur pays par les esclavons, il offrit des terres dans ses provinces, et les répartit, au nombre de trois cent mille, en Italie, en Scythie et en Macédoine.

La farouche intransigeance des temps antiques envers les Barbares avait disparu. Des écrivains païens, tels que Zosime, ont reproché à Constantin cette attitude nouvelle, qu'ils ont attribuée à un sentiment de lâcheté Ils ont étendu le même reproche à tous les chrétiens en général. Ils leur ont imputé la ruine définitive de l'empire. Mais le temps a prouvé que les hommes de la Germanie pouvaient recevoir l'influence des lois romaines. Si Rome, même après sa chute, a encore su imposer ses mœurs aux descendants des Francs et des Hérules, pourquoi l'empire encore debout, dans la plénitude de son prestige et de ses forces, n'y aurait pu réussir ?... Le mal vint de plus loin (que la politique pacifique de Constantin à l'égard des peuples barbares) ; il eut sa source à une profondeur où il n'est guère donné aux lois humaines d'atteindre. C'était par ses plaies intérieures et par la décomposition de toutes ses forces vitales que l'empire devait périr[78]. C'est précisément la politique de Constantin, c'est la propagand6 chrétienne largement pratiquée, qui auraient pu permettre à la vieille nation romaine de retremper à temps dans les inspirations d'une foi nouvelle sa vigueur épuisée. Mais, Constantin mort, ses successeurs devaient malheureusement demander aux doctrines dissolvantes d'une hérésie fuyante et d'un paganisme déchu cette force régénératrice, que la Providence leur avait réservée dans le catholicisme romain.

 

VII

Entravé par la politique, l'esprit chrétien pouvait du moins s'exprimer par la parole. On n'enchaîne pas la parole de Dieu[79], avait dit l'apôtre saint Paul. Le IVe siècle, a écrit Villemain, est l'âge d'or de la littérature chrétienne. C'est alors qu'elle produit ces sublimes et brillants génies qui n'ont eu de rivaux que parmi les orateurs sacrés du XVIIe siècle. Mais nos orateurs sacrés du XVIIe siècle sont soutenus par tous les génies qui les entourent ; ils réfléchissent, dans leur langage, cet éclat de magnificence qu'ils reprochent à la cour. Dans le IVe siècle, la sublimité de l'éloquence chrétienne semble croître et s'animer en proportion du dépérissement de tout le reste. C'est au milieu de l'abaissement des esprits et des courages qu'un Athanase, un Chrysostome, font entendre la plus pure morale et la plus haute éloquence. Leur génie seul est debout, dans la décadence de l'empire. Ils ont l'air de fondateurs, au milieu des ruines[80].

Nous connaissons déjà saint Athanase comme théologien et comme polémiste. Il est regrettable que ses contemporains ne nous aient pas conservé quelques-uns de ces discours qu'il prononça à Nicée, quelques-unes de ces allocutions qui sortirent de son cœur alors qu'il défendait ses fidèles contre les pièges de l'hérésie, ou quand, chassé de son siège, il faisait ses adieux à sa chère Eglise. On y chercherait par quels ressorts le primat d'Egypte agissait sur ces races mélangées, sur cette population multiforme qui remplissait Alexandrie[81]. Nous aurons d'ailleurs l'occasion de retrouver dans le cours de cette histoire la nerveuse et claire éloquence du patriarche alexandrin.

De saint Antoine, le Père du désert, le monde ne connaît guère que la vie austère et les luttes contre les démons ; saint Athanase nous a conservé de lui plusieurs discours, d'une sobre et savoureuse éloquence, qui peuvent nous faire comprendre l'ascendant de ce solitaire sur ceux qui venaient le visiter[82]. Mes enfants, disait le saint anachorète à ses pieux visiteurs, vous me dites comme à votre père ce que vous avez dans l'âme ; laissez-moi, comme votre ancien, vous dire ce que l'expérience de la vie m'a appris. La vie de l'homme est très courte, comparée aux siècles à venir ; la plus longue n'est rien devant l'éternité. Nous travaillons sur la terre, et nous héritons dans le ciel. Un homme qui donnerait une drachme d'airain pour cent drachmes d'or, donnerait peu et gagnerait beaucoup. Ainsi ferait celui qui, maître de toute la terre, y renoncerait afin de gagner le paradis. Mes fils, que personne de vous ne se laisse envahir par la cupidité. A quoi bon acquérir ce qu'on ne peut emporter avec soi ? Pourquoi ne pas nous donner plutôt à ce qui nous suivrait toujours : la prudence, la justice, la force, la douceur d'âme, la charité envers les pauvres et l'amour du Christ ?

Athanase parlait en grec, Antoine en copte. C'est en latin que s'exprimèrent toute une pléiade de poètes, saluant, à Rome, en Italie, en Gaule, en Espagne, comme l'aurore d'une ère nouvelle. La date de l'édit de Milan marque la naissance de la poésie chrétienne en Occident. Le Gaulois Cyprien, le premier de tous peut-être, chante, en vers encore inexpérimentés, la divine épopée de l'Ancien Testament[83]. Un anonyme, peut-être compatriote de Cyprien[84], compose, peu de temps après, deux poèmes bibliques, d'une allure plus libre, d'une langue plus pure et d'un intérêt plus attachant : le premier sur la ruine de Sodome, le second sur le salut de Ninive[85]. Une romaine plus lettrée, Proba, ira plus loin, et racontera, non seulement l'histoire d'Israël, mais la vie du Sauveur, depuis sa naissance jusqu'à son ascension, dans la langue de Virgile, empruntant au grand poète tantôt des membres de vers, tantôt des vers entiers[86].

Le plus original de ces poètes est le prêtre espagnol Juvencus. Son Histoire évangélique, harmonie des quatre évangiles, où il s'applique à serrer de près les écrivains sacrés sans rien perdre de l'aisance et de la spontanéité de son langage, parut en 330. Le poème témoigne d'une remarquable culture. J'ai voulu, dit le poète, décorer des ornements d'une poésie terrestre la majesté de la loi divine. C'est le Christ qui m'a fait ces loisirs, en donnant la paix à notre siècle[87]. Le prologue du poème, où l'imagination du poète se donne un libre cours, mérite d'être cité. Rien d'immortel n'existe dans le monde, ni la terre, ni les royaumes des hommes, ni Rome couverte d'or... Mais moi je chante les actions immortelles du Christ ; je fais connaître au monde le don pur de toute imposture que Dieu a fait à tous les peuples. Quand un immense incendie menacerait le monde, je ne craindrais rien pour mes chants. Au-dessus de la nuée enflammée, mon Juge resplendissant de gloire, le Christ, splendeur du Père souverain, viendrait alors, je l'espère, m'arracher aux flammes vengeresses. Esprit de Dieu, viens animer mes vers ; eau pure du Jourdain, viens féconder mon esprit et mes chants ; car sans votre aide, je ne pourrais rien dire qui soit digue du Christ[88].

 

VIII

C'est encore une poésie que la série des fêtes liturgiques qui se déroulent désormais dans de magnifiques églises, surgies de toutes parts. Eusèbe nous a dépeint l'enthousiasme qui transportait les âmes au moment où tant d'édifices religieux recevaient leur consécration. Une allégresse sainte transportait les âmes, une joie divine éclatait sur nos visages. De toutes parts, on relevait de leurs ruines les édifices chrétiens, que la fureur des tyrans avait naguère renversés. C'était une véritable résurrection de nos pieux monuments, dont le faîte couronné de gloire apparaissait au-dessus des cités et dont l'ornementation dépassait en splendeur ce qu'on avait vu jusque-là. Les solennités de leur consécration réunissaient tour à tour dans chaque ville les évêques, le clergé et les fidèles[89].

L'idée de donner une solennité particulière à la prise de possession de ces édifices sacrés était trop naturelle pour ne pas rencontrer de bonne heure une expression. Dès le lendemain de la persécution de Dioclétien, il est question de dédicaces d'églises, accomplies avec une certaine pompe. Eusèbe décrit celle de l'église de Tyr, qui fut célébrée en 314. Il n'y avait encore aucun rite spécial. Les évêques voisins étaient convoqués ; il se produisait un grand concours, qui rehaussait la première célébration des saints mystères. Des discours d'apparat étaient prononcés... Mais ni le sacramentaire léonien, ni celui du pape Hadrien ne contiennent de formules pour la dédicace des églises[90]. Les coutumes traditionnelles ne se fixeront dans un rite officiel qu'au VIe siècle.

Dans l'érection de nouveaux temples chrétiens, l'Orient et l'Occident rivalisèrent de zèle. Mais il était un endroit sacré où la pensée des fidèles se portait avant tout : c'était la terre de Palestine, où le Verbe était venu s'incarner et mourir sur une croix. Au commencement du IVe siècle, les lieux saints semblaient condamnés à disparaître. Le Golgotha, monticule rocheux, et le Saint-Sépulcre se touchaient presque ; ou avait comblé la petite dépression qui les séparait. Sur la vaste esplanade qui les avait engloutis dans ses flancs, un temple s'élevait en l'honneur de Vénus. A Bethléem, la grotte de la Nativité avait subi une profanation semblable. Le culte d'Adonis y installait ses turpitudes. Tel était l'état de choses en 325. Ce fut, semble-t-il, le concile de Nicée qui prit l'initiative des démarches entreprises pour la restauration des lieux saints ; car, dès la clôture, de la célèbre assemblée, Constantin songeait, nous dit-on, qu'il était de son devoir de glorifier aux yeux du monde le bienheureux Sépulcre du Sauveur. Les instructions de l'empereur arrivèrent sans tarder à Jérusalem[91]. Constantin ordonnait notamment de faire des fouilles minutieuses sur l'emplacement présumé du tombeau du Christ. Les travaux commencèrent en 326.

Peu de temps après, le bruit se répandit que l'impératrice se rendait en pèlerinage aux lieux saints. Partie de Rome vers la fin de 326, Hélène traversa les provinces orientales de l'empire au milieu des ovations populaires. Arrivée en Palestine, son premier soin fut d'y vénérer tous les vestiges du Sauveur. Elle voulut ensuite en consacrer le souvenir par des monuments. Eusèbe de Césarée nous parle surtout de deux basiliques d'une beauté merveilleuse et dignes d'une éternelle mémoire qu'elle fit élever, l'une à Bethléem, sur la grotte de la Nativité, l'autre presque au sommet du mont des Oliviers, en l'honneur de l'Ascension, au-dessus de la grotte où le Seigneur instruisait ses apôtres.

Une ancienne tradition, dont Eusèbe ne dit mot, mais dont Rufin, Socrate, Sozomène, saint Ambroise et saint Jean Chrysostome se font les échos, ajoute qu'Hélène fit aussi déblayer le lieu présumé du Calvaire, et qu'on ne tarda pas à découvrir le rocher du Golgotha, le saint Sépulcre, et, dans une citerne, trois croix. On supposa se trouver en présence de celle du Sauveur et de celle des deux larrons. Un miracle, la guérison subite d'une dame de qualité gravement malade, par le seul attouchement de l'une des croix, indiqua manifestement quelle était la croix sur laquelle Jésus-Christ était mort[92].

La découverte de la croix du Sauveur à Jérusalem vers l'an 327 est un fait attesté par un trop grand nombre de témoignages concordants, pour qu'on puisse sérieusement songer à le mettre en doute. Avant le IVe siècle, le monde chrétien semble désespérer de trouver jamais le bois sacré que le Christ a teint de son sang. Ô bienheureuse Croix, dit un auteur de cette époque, la terre ne te possédera pas, mais un jour viendra où tu embrasseras du regard l'immensité du ciel[93]. Mais dès le milieu du IVe siècle, vingt ans après le voyage de sainte Hélène en Palestine, saint Cyrille de Jérusalem, prêchant sur les lieux mêmes de la découverte, parle de la diffusion, dès lors universelle, des reliques de la vraie Croix[94] ; une inscription de 369, trouvée aux environs de Sétif, en Mauritanie, mentionne, dans une énumération de reliques, un fragment du bois de la Croix[95]. Depuis lors, les témoignages se multiplient[96].

La question ne se complique qu'au sujet des circonstances qui accompagnèrent la découverte de la Croix du Sauveur. La première difficulté vient des divergences que l'on rencontre entre les relations de saint Ambroise et de saint Chrysostome, et le récit postérieur de Rufin, reproduit par Socrate et Sozomène. Saint Ambroise et saint Chrysostome nous racontent que sainte Hélène reconnut la croix du salut à sa position même, entre les deux autres croix, et surtout à l'inscription Jésus de Nazareth, roi des Juifs qu'elle portait encore[97]. Rufin suppose qu'aucun indice extérieur ne permettait de reconnaître la croix du Sauveur et que le miracle seul la désigna.

On a même contesté que la vraie Croix ait été découverte par sainte Hélène, parce qu'Eusèbe de Césarée, contemporain et voisin des événements qu'il rapporte, ne dit rien de la découverte de la sainte Croix dans le récit très détaillé qu'il nous donne du voyage de l'impératrice en Palestine. Cet historien reproduit cependant une lettre de Constantin à Macaire, évêque de Jérusalem, où il est parlé du mémorial de la sainte Passion du Sauveur, enfoui sous terre durant de si longues années, et, plus loin, du lieu qui, dès le début, fut consacré par le jugement même de Dieu, et qui est devenu dans la suite encore beaucoup plus saint, lui qui a rendu à la lumière le témoignage de la Passion du Sauveur[98]. L'événement se serait-il produit avant l'arrivée de l'impératrice en Palestine ? C'est la conclusion que plusieurs historiens catholiques ont cru pouvoir admettre[99]. Elle n'atteint aucunement la substance et l'historicité du fait.

A la nouvelle que Jérusalem sortait de ses ruines, couronnée par la vraie croix de Jésus-Christ, un cri de joie s'échappa de toutes les familles chrétiennes. Dieu venait de consacrer, par un dernier miracle, le triomphe déjà merveilleux de son Eglise. Quel spectacle, que cet instrument du supplice divin sortant tout d'un coup des entrailles de la terre, et devenant comme un signe de domination et de victoire ? On croyait assister au jour de la résurrection dernière, et voir le fils de l'Homme, porté sur des nues et prêt à couronner ses serviteurs[100]. Mais la croix n'est pas seulement un signe de triomphe ; elle est aussi le mémorial de l'épreuve et de l'immolation. Les chrétiens qui auraient pu l'oublier allaient bientôt s'en convaincre, au lendemain même de la mort de Constantin.

 

 

 



[1] C'est-à-dire subordonnant au Père le Fils et le Saint-Esprit. Voir Hist. générale de l'Eglise, t. I.

[2] EUSÈBE, V. de C., l. III, ch. XXIII ; P. G., t. XX, col. 1084.

[3] THÉODORET, H. E., l. I, ch. XX ; P. G., t. LXXXIII, col. 965-969.

[4] DUCHESNE, Hist. anc. de l'Eglise, t. II, p. 165.

[5] TIXERONT, Hist. des dogmes, II, 37-38.

[6] Je ne vois pas que ce qui nous reste des œuvres d'Eustathe prête quelque fondement à cette accusation. La pleine divinité du Verbe y est puissamment affirmée, mais la distinction d'avec le Père est également mise en lumière. F. CAVALLERA, le Schisme d'Antioche, Paris, 1905, p. 38, en note. Sur la théologie d'Eustathe, voir une note substantielle dans DUPIN, Auteurs ecclésiastiques, IVe siècle, t. I, p. 132133.

[7] GÉLASE, Hist. du concile de Nicée, l. II, ch. XXVII ; P. G., t. LXXXV, col. 1344.

[8] S. JEAN CHRYSOSTOME, Panégyrique d'Eustathe, n. 3 ; P. G., t. L, col. 602.

[9] S. ATHANASE, Hist. des ariens, IV ; P. G., t. XXV, col. 697.

[10] S. ATHANASE, Hist. des ariens, IV. Parmi ces évêques on peut citer Léonce et Etienne d'Antioche, Georges de Laodicée, Théodore de Tripoli, Eudoxe de Germanicie et Eustathe de Sébaste.

[11] SOCRATE, H. E., l. I, ch. XXIII.

[12] S. ATHANASE, Hist. des ariens, IV, P. G., t. XXV, col. 697 : En ceci, dit Mgr Duchesne, il pourrait y avoir un fond de vérité. Hélène visita l'Orient au temps d'Eustathe. On savait qu'elle était très dévote à saint Lucien le célèbre prêtre d'Antioche. Elle lui fit élever une somptueuse basilique. Lucien avait laissé à Antioche des souvenirs litigieux ; les ariens l'honoraient extrêmement ; leurs adversaires témoignaient moins d'enthousiasme. Il est possible qu'à ce propos Eustathe ait laissé échapper quelque parole imprudente. (DUCHESNE, Hist. anc. de l'Eglise, II, 162-163.)

[13] P. BATIFFOL, Etudes d'hagiographie arienne. La passion de saint Lucien d'Antioche, dans le Compte rendu du congrès scientifique international des catholiques, 1891, IIe section, p. 181-184.

[14] Mgr Duchesne, après avoir résumé ces faits, ajoute : Tout cela est fort suspect et sent la légende. (Hist. anc. de l'Eglise, II, 162.) Mais tel n'est point l'avis de F. Cavallera, qui, après un examen très attentif des documents, en maintient l'historicité. (F. CAVALLERA, le Schisme d'Antioche, p. 56-61.)

[15] THÉODORET, H. E., l. I, ch. XXI ; P. G., t. LXXXII, col. 969.

[16] S. ATHANASE, Hist. des ariens, IV ; P. G., t. XXV, col. 697.

[17] Acta Sanctorum, t. IV de juillet, p. 136.

[18] Tous les évêques n'éprouvaient pas le même enthousiasme que le peuple. Plusieurs craignaient, en choisissant Athanase, de se donner un maître. Voir BARDY, Saint Athanase, p. 50-51.

[19] SOZOMÉNE, H. E., l. II, ch. XVII ; P. G., t. LXVII, col. 976 et s. ; S. ATHANASE, Apologie contre les ariens, n. 6 ; P. G., t. XXV, col. 260. On sait que, d'après la tradition et les canons, quand une Eglise était devenue veuve de son pasteur, les évêques voisins se réunissaient pour lui choisir un successeur, en prenant les suffrages du clergé et du peuple. Voir Hist. générale de l'Eglise, t. I.

[20] DUCHESNE, Hist. anc. de l'Eglise, II, 168.

[21] Le soin de déterminer chaque année la fête de Pâques semblait, depuis le IIIe siècle, un privilège attaché au siège métropolitain de l'Egypte. Aussitôt après la fête de l'Epiphanie, le patriarche d'Alexandrie envoyait à ses suffragants et dans tous les monastères de l'Egypte une lettre officielle, pour annoncer aux fidèles l'ouverture et la fin du jeûne quadragésimal. C'étaient, sous forme de circulaires, et avant le dispositif, de véritables homélies, où se reflétaient les questions et les agitations religieuses du temps. On n'en saurait donner une idée plus exacte qu'en les comparant aux mandements de carême de nos évêques... Le texte primitif des lettres pascales de saint Athanase, est, à quelques fragments près, totalement perdu. Mais en 1847, un couvent du désert de Nitrie, celui de Sainte-Marie, livrait au Musée britannique un recueil syriaque de ces lettres, et, l'année suivante, W. Cureton les donnait au public. Le manuscrit, si mutilé qu'il soit, contient encore quinze lettres entières. (BARDENHEWER, les Pères de l'Eglise, t. II, p. 45.) La traduction latine des Lettres pascales de saint Athanase a été insérée dans la Patrologie grecque de Migne, t. XXVI, col. 1351-1450. C'est en se fondant sur l'avant-propos de ces lettres qu'on est parvenu à donner plusieurs dates importantes de la vie de saint Athanase.

[22] P. G., t. XXVI, col. 1352.

[23] Histoire de saint Pakhôme et de ses communautés, documents coptes et arabes inédits, publiés et traduits par A. AMELINEAU, dans la Revue du Musée Guimet, t. XVII, 1889, p. 384-385.

[24] Histoire de saint Pakhôme..., p. 268.

[25] Histoire de saint Pakhôme..., p. 642.

[26] Histoire de saint Pakhôme..., p. 678.

[27] S. ATHANASE, Apologie contre les ariens, n. 59 ; P. G., t. XXV, col. 557.

[28] GÉLASE DE CYZIQUE, l. III, ch. XII. Cf. RUFIN, H. E., l. I, ch. II.

[29] EUSÈBE, Vie de Constantin, l. IV, ch. XLII ; P. G., t. XX, col. 1192.

[30] L'année précédente, en 334, on avait tenté en vain de faire comparaître Athanase devant un synode tenu à Césarée.

[31] EUSÈBE, Vie de Constantin, l. IV, ch. XLII ; P. G., t. XX, col. 1192.

[32] Athanase, pour déjouer les plans de ses ennemis, avait eu soin de se faire accompagner d'une cinquantaine d'évêques égyptiens ; mais l'entrée de l'assemblée leur fut interdite, sous le prétexte qu'ils n'avaient pas été convoqués.

[33] D'après RUFIN (H. E., X, 18), Athanase aurait confondu ses adversaires en faisant apparaître Arsène au milieu de l'assemblée.

[34] On regarde généralement comme douteux ce que RUFIN (H. E., I, 17) dit touchant une accusation d'incontinence et sa piquante réfutation. Il n'en est question ni dans le récit de saint Athanase ni dans les actes du synode qui nous ont été conservés. (MANSI, t. II, col. 1123 et s.)

[35] S. ATHANASE, Apologie, 9 ; P. G., t. XXV, col. 265.

[36] S. ATHANASE, Apologie, 87 ; P. G., t. XXV, col. 406.

[37] Les deux livres Contre Marcel et la Théologie de l'Église.

[38] Sur la doctrine de Marcel d'Ancyre, voir TIXERONT, Hist. des dogmes, t. II, p. 38-41. Il est difficile de se prononcer sur la doctrine de cet évêque, d'ailleurs vénérable par sa vie. Défendu par le concile de Sardique, par le pape Jules Ier et par saint Athanase, au moins jusqu'en 344, il paraît compromis par les idées de son disciple Photin. Saint Basile, saint Hilaire, saint Jean Chrysostome et Sulpice-Sévère ont suspecté ses idées. Tillemont et surtout Petau l'ont déclaré hérétique. Noël Alexandre, Montfaucon et Mœhler ont défendu son orthodoxie. Sur l'influence et le rôle de Marcel d'Ancyre dans le conflit arien, voir une longue note de Dom Leclercq, dans HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t. II, p.841-844.

[39] S. ATHANASE, Lettre à Sérapion sur la mort d'Arius ; P. G., t. XXV, col. 688.

[40] Actes, I, 18. Tel est le récit fait par saint Athanase d'après la relation du prêtre Macaire, qui était présent à Constantinople au moment de l'événement. Saint ATHANASE, Lettre aux évêques d'Egypte et Lettre à Sérapion ; P. G., t. XXV, col. 580-581, 685-69. Rufin, Socrate, Sozomène et Théodoret racontent le même fait, avec quelques divergences de détails.

[41] S. ATHANASE, Sur la mort d'Arius, 4 ; Hist. des ariens, 51 ; P. G., t. XXV, col. 690, 754.

[42] EUSÈBE, Vie de Constantin, l. IV, ch. LVIII ; P. G., t. XX, col. 1209.

[43] Sur ces meurtres, voir A. DE BROGLIE, l'Eglise et l'empire romain..., t. II, p. 97-133.

[44] Un pareil retard à recevoir le baptême était alors moins rare et moins surprenant qu'il ne le serait de nos jours. Eusèbe (V. de C., l. IV, ch. LVII) dit que l'empereur donnait pour raison de ces délais qu'il voulait recevoir le baptême dans le Jourdain. Ce fut au moins son prétexte. Saint Augustin, saint Ambroise, saint Martin, ne furent baptisés qu'à un âge relativement tardif.

[45] EUSÈBE, Vie de Constantin, l. IV, ch. LXI ; P. G., t. XX, col. 1213.

[46] Gentiles, si in infirmitate desideraverint sibi manus imponi, dit le canon 39 du concile d'Elvire, si fuerit eorum ex aliqua parte honesta vita, placuit eis manum imponi et fieri christianos.

[47] Le fait du baptême de Constantin sur son lit de mort est attesté par saint Ambroise, saint Jérôme, Eusèbe, et le concile de Rimini. Nul ne soutient plus aujourd'hui l'histoire du baptême de l'empereur par le pape saint Sylvestre, déjà contestée par PAPEBROCH, Acta Sanctorum, mai, t. V. Voir sur ce point le P. DE SMEDT, Principes de la critique historique, Paris, 1883, p. 137-159 ; Liber Pontificalis, édit. DUCHESNE, t. I, p. CIX-CXX, 170-201. On s'est demandé si la formule baptismale employée par le semi-arien Eusèbe pouvait être valide. Nous ignorons cette formule. Voir, sur cette question, la dissertation du Dict. d'arch. chrét. et de liturgie, t. I, col. 2818, relativement à la rebaptisation des ariens reçus dans l'Eglise.

[48] A. DE BROGLIE, l'Eglise et l'empire romain au IVe siècle, t. II, p. 275-276. Sur la christianisation du droit romain par les empereurs chrétiens, et en particulier par Constantin, voir une remarquable leçon d'OZANAM, dans la Civilisation au Ve siècle, 6e leçon, 4e édition, 1873, p. 247-282. Voir aussi A. DE BROGLIE, op cit., t. II, p. 269-274, 446-448 ; TROPLONG, Influence du christianisme sur le droit civil des Romains. Une étude parue dans l'Ami du clergé du 30 novembre 1913 résume les conclusions de ces travaux, ainsi que les ouvrages plus récents de trois savants professeurs italiens, Ferrini, Carussi, de l'Université de Rome, et Riccobono de l'Université de Palerme.

[49] L. 2, C., Code théodosien de resp. prud. (t. IV). Cette constitution a été retrouvée au XIXe siècle par Clossius.

[50] L. 2, C., Quæ ut longa consuetudo (8, 53). Voir M. de SAVIGNY, Traité de droit romain, trad. Guenoux, t. I, appendice 2.

[51] Voir Hist. générale de l'Eglise, t. I.

[52] Frédéric DE SCHLEGEL, Philosophie de l'histoire, trad. Lechat, 2 vol. in-8°, Paris, 1836, t. I, p. 377, 379.

[53] L'ancien usage de la procédure romaine, de confier la décision des questions de fait à des jurés (judices dati pedanei) put contribuer à rendre plus naturelle l'introduction d'une juridiction ecclésiastique en matière civile. Dans les habitudes romaines, l'intervention à un citoyen non magistrat pour terminer un débat n'était pas un fait inouï. Cf. E. DE MEYSENBUG, De Christianæ religionis vi et effectu in jus civile, Gœttingue, 1828.

[54] SOZOMÈNE, H. E., l. I, ch. IX.

[55] J. BOUSQUET, l'Unité de l'Eglise et le schisme grec, un vol. in-12°, Paris, 1913, p. 44.

[56] I. GUIDI, professeur à l'Université pontificale de Rome, au mot Abyssinie, dans le Dict. d'hist. et de géog. ecclés., t. I, col. 210. Les mêmes conclusions sont données par le R. P. COULBEAUX, prêtre de la Mission, ancien provicaire apostolique en Abyssinie, au mot Ethiopie dans le Dict. de théol. cathol., t. V, col, 922-923.

[57] RUFIN, H. E., l. I, ch. IX ; P. L., t. XXI, col. 487-490. Ce récit, que Rufin rapporte à Ædesius lui-même, est la source pour les historiens postérieurs, tels que Socrate, Sozomène et Théodoret. (P. G., t. LXVII, col. 125, 996 ; t. LXXXII, col. 969.) C'est probablement au début de son épiscopat que saint Athanase ordonna Frumentius. LE BACHELET, au mot Athanase, dans le Dict. de théol., t. I, col. 2145.

[58] C'est une lettre adressée en 355 par l'empereur Constance aux rois d'Aksum, Aïzanas et Sazanas, et relative à l'évêque Frumentius, ordonné par saint Athanase. Cette lettre se trouve insérée dans l'Apologie à Constance, P. G., t. XXV, col. 636.

[59] I. GUIDI, au mot Abyssinie, dans le Dict. d'hist. et de géog. ecclés., t. I, col. 210-211.

[60] E. COULBEAUX, au mot Ethiopie, dans le Dict. de théologie de VACANT-MANGENOT, t. V, col. 924.

[61] RUFIN, H. E., l. I, ch. X ; SOCRATE, H. E., l. I, ch. XX ; SOZOMÈNE, H. E., l. II, ch. XXIV ; THÉODORET, H. E., l. I, ch. XXIII. Cf. Moïse de KOHREN, Hist. Armen., éd. Whiston, Londres, 1736. Toutes ces relations dépendent de Rufin, qui prétend tenir son récit d'un ancien roi de l'Ibérie, Bacurius, qui, passé au service des Romains, y avait reçu le titre de maître de la milice, au temps de Théodose (RUFIN, H. E., l. I, ch. X ; P. L., t. XXI, col. 482.)

[62] O. CUNTZ, Patrum nicaenorum nomina, Leipzig, 1898. Cf. Mgr PETIT, arch. d'Athènes, au mot Arménie dans le Dict. de théol. cath., t. I, col. 1894.

[63] Mgr PETIT, au mot Arménie dans le Dict. de théol. cath., t. I, col. 1892-1893.

[64] Le nom de catholicos ne désigna d'abord que l'évêque principal du pays, métropolitain, archevêque ou exarque ; c'est seulement plus tard, à l'époque de la séparation, qu'on y attacha le sens de patriarche indépendant. Il est avéré que jusqu'à Narsès le Grand, Césarée continua d'exercer sa suprématie sur l'Eglise arménienne. Les chefs religieux de l'Ibérie et de l'Albanie portèrent eux-mêmes le titre de catholicos sans que cependant les Arméniens aient jamais songé à leur reconnaître une complète autonomie. (Cf. Mgr PETIT, au mot Arménie dans le Dict. de théol. cath., t. I, col. 1893.)

[65] H. GELZER, Zur armenischen Gotterlehre, 1896.

[66] Cf. Elisée VORTABIED, Soulèvement national de l'Arménie chrétienne du Ve siècle contre la loi de Zoroastre, traduction française, Paris, 1844.

[67] SOZOMÈNE, H. E., l. II, ch. VIII ; P. G., t. LXVII, col. 956.

[68] Actes, II, 9.

[69] J. LABOURT, le Christianisme dans l'empire perse, p. 16-17.

[70] J. LABOURT, le Christianisme dans l'empire perse, p. 19.

[71] SILVESTRE DE SACY, Mémoires sur diverses antiquités de la Perse. — Les monarchies persane et romaine, disait un ambassadeur de Narsès, sont les deux yeux de l'univers, qui serait imparfait et mutilé si on arrachait l'un des deux.

[72] A. CARNOY, dans Christus, p. 213.

[73] J. LABOURT, op. cit., p. 43.

[74] EUSÈBE, Vie de Constantin, l. IV, ch. VIII et IX. Cf. SOZOMÈNE, H. E., l. II, ch. XV. THÉODORET, H. E., l. I, ch. XXIV.

[75] PHILOSTORGE (II, V) et SOZOMÈNE (II, VI) sont d'accord là-dessus. C'est peut-être un de ces captifs que l'Eutychès cappadocien dont il est question dans une lettre de saint Basile (Ep. 165).

[76] DUCHESNE, Hist. anc. de l'Eglise, II, 568.

[77] SOCRATE, H. E., l. I, ch. VIII.

[78] A. DE BROGLIE, op. cit., t. II, p. 227-228.

[79] II Timothée, II, 9.

[80] VILLEMAIN, Tableau de l'éloquence chrétienne au IVe siècle, édit. de 1856, p. 79-80.

[81] VILLEMAIN, Tableau de l'éloquence chrétienne au IVe siècle, p. 103.

[82] Saint ATHANASE, Vie de saint Antoine, P. G., t. XXVI, col. 835-975.

[83] Dom PITRA, Spicilegium, t. I, p. 171-258.

[84] BARDENHEWER, les Pères de l'Eglise, t. II, p. 299.

[85] Ces poèmes se trouvent ordinairement parmi les œuvres apocryphes de Tertullien et de saint Cyprien. Voir l'édition de S. Cyprien par Hartel, IIIe partie, p. 289-301.

[86] P. L., t. XIX, col. 803-818.

[87] P. L., t. XIX, col. 344.

[88] Evangelica historia, proœmium, P. L., t. XIX, col. 57.

[89] EUSÈBE, H. E., l. X, ch. II-III ; P. G., t. XX, col. 845.

[90] DUCHESNE, les Origines du culte chrétien, 2e édition, p. 286, 289.

[91] A. M. ROUILLON, O. P., Sainte Hélène, p. 75,

[92] RUFIN, H. E., l. I, ch. VII.

[93] Or. sib., VI, 26, 27, 28.

[94] S. CYRILLE DE JÉRUSALEM, Catéchèses, IV, 10 ; X, 19 ; XIII, 4.

[95] Mélanges de l'Ecole de Rome, t. X, p. 441.

[96] Voir la plupart de ces témoignages, cités et critiqués, dans ROUILLON, Sainte Hélène, p. 141-148.

[97] Saint AMBROISE, De obitu Theodosii ; P. L., t. XVI, col. 1385 ; saint JEAN CHRYSOSTOME, Homélies sur saint Jean, LXXXV ; P. G., t. LIX, col. 461.

[98] EUSÈBE, Vie de Constantin, l. III, ch. XXX.

[99] Voir ROUILLON, Sainte Hélène, appendice : Sainte Hélène et l'invention de la Croix, p. 131-172. Cf. L. DE COMBES, la Vraie Croix perdue et retrouvée, Recherches historiques, un vol. in-8, Paris, 1903.

[100] A. DE BROGLIE, l'Eglise et l'empire romain au IVe siècle, t. II, p. 125.