I La ville de Nicée, aujourd'hui pauvre village du nom d'Isnik, était, au IVe siècle, après Nicomédie, la cité la plus importante de la Bithynie. Située sur l'un des affluents de la Propontide, au bord du lac Ascanius, en relation de commerce avec un grand nombre de pays, à la portée des évêques de l'Asie, de la Syrie, de la Palestine, de l'Egypte, de la Grèce et de la Thrace, qui pouvaient sans peine l'aborder en bateau, elle était en même temps d'un accès relativement facile pour l'épiscopat de l'Italie, de la Gaule, de l'Espagne, de la Germanie elle-même. C'était d'ailleurs sur les bords prédestinés de la Propontide et de l'Hellespont que commençaient à s'attacher les pensées de Constantin. Son imagination ne devait plus perdre de vue ces contrées si étrangement découpées en golfes et en lagunes de terre et où la nature semble avoir elle-même préparé les assises d'un grand pont pour unir l'Orient et l'Occident[1]. La lettre de convocation adressée aux évêques par
l'empereur était conçue en termes à la fois pressants et respectueux. Sans doute nul de vous n'ignore, disait-il, que rien ne me tient plus à cœur que la piété envers Dieu.
Il m'avait paru bon précédemment de convoquer une assemblée d'évêques dans la
vallée d'Ancyre en Galatie ; aujourd'hui, pour bien des raisons, il m'a
semblé utile de réunir un concile dans la ville de Nicée, en Bithynie.
L'accès en sera plus facile aux évêques d'Italie et d'Europe ; la salubrité
de son climat ne laisse rien à désirer ; et il me sera plus aisé à moi-même
d'y être présent et de prendre part à l'assemblée. Voilà pourquoi, frères
très chers, je vous mande ma volonté, qui est que vous vous rendiez sans
délai dans la susdite ville de Nicée. Chacun de vous se préoccupera d'éviter
tout retard, afin d'assister effectivement de sa personne aux délibérations.
Dieu vous garde, frères très chers[2]. Comme naguère, pour le concile d'Arles[3], les voitures publiques se mirent en mouvement. Grâce à l'admirable système de voirie par lequel l'empire romain avait fortement relié à sou centre tous les pays domptés par ses armes, chaque évêque, en suivant une de ces voies romaines pavées de larges dalles dont de nombreux restes nous attestent encore l'admirable solidité, put trouver, d'étape en étape, des chariots, des coches, des bêtes de selle et de somme, des serviteurs, et même des maisons de refuge, où des employés de la poste impériale se mirent à son service par l'ordre de l'empereur[4]. Tout l'épiscopat de l'empire, et même d'au delà des frontières romaines, s'était ébranlé. L'espoir de faire le bien, écrit Eusèbe, les facilités données par la paix dont on jouissait enfin, l'étrangeté de l'événement, le désir de voir face à face le grand empereur[5], avaient mis en marche, non seulement les évêques, mais des prêtres, des diacres, quelques laïques même, amenés paries évêques en qualité de conseils ou d'auxiliaires. Vers le milieu du mois de mai 325[6], les évêques se trouvèrent réunis à Nicée au nombre d'environ trois cents[7]. La première rencontre de ces
pieux personnages donna lieu à des scènes touchantes. Unis par une même foi
et par des épreuves communes, mais séparés par les mers et les montagnes, ils
ne connaissaient les uns des autres que leurs mérites et leurs souffrances...
On se montrait du doigt les plus illustres
serviteurs de Dieu. Au premier rang paraissaient les débris de la persécution
portant sur leurs corps les stigmates d'une confession glorieuse. Quand
Paphnuce, évêque de Thébaïde, entrait, traînant une jambe dont les muscles
avaient été coupés pendant qu'il travaillait aux mines et promenant sur les
assistants l'orbite éteint de son œil crevé ; quand Paul, évêque de
Néo-Césarée sur l'Euphrate, levait, pour bénir, une main mutilée par le feu,
c'était un attendrissement général et on se précipitait pour baiser les
traces de ces saintes blessures. Les solitaires, dont les austérités
singulières faisaient le récit favori du foyer dans toutes les familles
chrétiennes, n'attiraient pas moins l'attention. C'était Jacques de Nisibe,
reconnaissable à son vêtement de poil de chèvre et de chameau qui le faisait
ressembler à saint Jean-Baptiste. Il avait vécu des années sur les confins
déserts de la Mésopotamie et de la Perse, se nourrissant d'herbes crues et de
fruits sauvages. C'était aussi Spiridion, évêque de Chypre, dont la douceur
enfantine et les mœurs rustiques étaient proverbiales, et qui gardait encore
des moutons, même depuis qu'il était évêque ; mais il les gardait fort mal,
et quand les voleurs voulaient les lui dérober : Que ne prenez-vous, leur disait-il, la peine de me les demander ? A la tête des évêques d'Occident marchait la députation
de l'évêque de Rome, saint Sylvestre, à qui son grand âge n'avait pas permis
de se déplacer. Elle était composée de deux prêtres, Vite et Vincent, et
dirigée par l'ami de Constantin, la lumière de l'Espagne, Osius de Cordoue.
Enfin deux Barbares, un Perse, Jean, et un Goth, Théophile, complétaient
cette réunion du genre humain. C'était un mélange d'accents et même d'idiomes
divers qui faisait ressortir d'une manière plus touchante la communauté des
sentiments. On se rappelait le don des langues et la première Pentecôte.
Toutes les nations dispersées ce jour-là se réunissaient après trois siècles,
fières des épreuves qu'elles avaient souffertes pour le signe de la foi, et
des fils sans nombre qu'elles avaient enfantés à Jésus-Christ[8]. La première réunion des vénérables Pères eut lieu dans la principale église de Nicée[9], édifice aujourd'hui disparu, dont un platane solitaire marque seul l'emplacement aux abords du village d'Isnik[10]. Le concile devait, quelques jours plus tard, se transporter dans une grande salle du palais impérial de Nicée, mise à sa disposition par Constantin[11]. L'empereur, retenu à Nicomédie par les fêtes commémoratives qu'il y célébrait de sa victoire sur Licinius, n'avait pu se rendre à Nicée en même temps que les évêques ; ceux-ci ne voulurent pas entrer en délibération avant l'arrivée du souverain ; mais il était impossible que la rencontre de tant d'hommes, animés de sentiments divers, au sujet d'une question qui passionnait les esprits, ne produisît pas un échange immédiat d'opinions. Des laïques instruits, des philosophes païens eux-mêmes, curieux du grand débat intellectuel qu'ils prévoyaient devoir s'engager à Nicée, s'y étaient rendus à la suite du clergé. Un historien du concile, Gélase de Cyzique, raconte qu'Arius y avait entraîné des dialecticiens de profession, prêts à lui prêter main-forte[12]. Car l'hérésiarque était là, présomptueux et fier, comptant bien éblouir par sa science et déconcerter par sa sophistique tant d'hommes simples, plus habitués, pensait-il, à catéchiser le peuple et à soulager ses misères, qu'à discuter suivant les méthodes d'Aristote et de Platon[13]. Quant aux philosophes païens, s'ils furent vraiment invités par Arius à prendre en main sa cause, on comprend que plusieurs d'entre eux se soient prêtés de tout cœur à cette œuvre. Une hérésie chrétienne pouvait leur paraître une heureuse issue pour la vieille idolâtrie païenne, menacée de toutes parts. Dans la doctrine d'Arius, Jésus apparaissait, en somme, comme un demi-dieu. S'il était plus noble et plus pur que ceux de la vieille mythologie grecque, la superstition populaire pourrait, à côté ou au-dessous de lui, en placer d'autres, plus ou moins adaptés aux formes diverses de son idéal ; et l'équivoque séduirait beaucoup de chrétiens ignorants. Mais ces philosophes, Arius lui-même, comptaient sans la clairvoyance et la dialectique du jeune diacre[14], que l'évêque d'Alexandrie avait amené avec lui pour prendre part au concile. Dès le début, Athanase apparut à tous, dit Socrate, comme l'adversaire le plus vigoureux des ariens[15]. Ils comptaient aussi sans la foi éclairée des vénérables Pères du concile, dont la grande majorité devait refuser de soumettre à la critique de la seule raison les fondements d'un dogme qui relevait avant tout d'une révélation surnaturelle. Un curieux récit du temps, qui, par ses amplifications littéraires et par le caractère dramatique de son dénouement, a tout l'air d'une légende, mais qui, suivant les meilleurs critiques, repose sur des procès-verbaux officiels[16], met aux prises un philosophe avec les principaux évêques présents à Nicée. Après quelques escarmouches, l'un de ceux-ci lui dit : Ô mon très cher, nous vous avons déjà averti une fois pour toutes, quand il s'agit de mystères divins, de ne jamais demander de pourquoi ni de comment[17]. Le philosophe abjure alors ses erreurs et se convertit. Un autre récit, qui n'a peut-être pas plus de valeur proprement historique, symbolise mieux encore, et d'une manière plus touchante, le caractère de ces controverses, où la foi traditionnelle des âmes droites et humbles se trouvait en présence des arguties d'une science orgueilleuse. Un philosophe, raconte Rufin, n'avait pu être vaincu par les plus habiles d'entre les chrétiens. Comme un serpent, il échappait à toutes les preuves qu'on lui donnait de la fausseté de ses doctrines. Alors un vieillard, simple, ignorant et tout à fait inhabile dans l'art d'argumenter, mais qui avait confessé la foi aux jours de la persécution, se détacha d'un groupe, s'approcha du philosophe, et lui dit : Ecoute, au nom de Jésus-Christ. Puis, simplement, comme il l'eût fait en présence d'un enfant à catéchiser, il exposa au philosophe le symbole de la foi chrétienne : le dogme du Dieu créateur et maître de toutes choses, et celui du Verbe éternel de Dieu prenant pitié des erreurs des hommes, se faisant homme, et mourant pour eux, afin de les ramener à leur Dieu. Enfin, il ajouta : Philosophe, veux-tu croire ces choses ? Le philosophe, touché de la grâce, répondit : Je les crois. Le vieillard reprit : Lève-toi donc, et suis-moi auprès du Seigneur, pour recevoir le sceau de la foi chrétienne. Le philosophe se tourna vers ses disciples et vers ses auditeurs, les exhorta à embrasser la doctrine du Christ, et devint lui-même membre de la sainte Eglise[18]. II Sur ces entrefaites, Constantin arriva à Nicée. Le concile célébra aussitôt l'ouverture solennelle de ses délibérations. On était parvenu, selon les calculs les plus probables, à la date du 14 juin 325[19]. Eusèbe de Césarée, qui devait jouer un rôle important dans l'assemblée, décrit ainsi la cérémonie : Lorsque tous les évêques furent entrés dans le local destiné à leurs séances, et dont les côtés étaient occupés par un grand nombre de sièges, chacun se rendit à sa place et attendit en silence l'entrée de l'empereur. Bientôt arrivèrent les fonctionnaires de la cour. On remarqua que ceux-là seuls qui étaient chrétiens avaient été mis de service ce jour-là. Puis on annonça l'empereur. Tous se levèrent, et Constantin parut. Grand, beau, élancé, majestueux, il portait une robe de pourpre tout étincelante d'or et de pierres précieuses. En traversant la salle, il tint les yeux modestement baissés. Dans sa démarche noble, la dignité royale se tempérait si bien par la modestie chrétienne, qu'il apparut à tous comme un envoyé de Dieu. Parvenu au fond de la salle, devant le siège d'or qui lui avait été préparé, Constantin se retourna vers l'assemblée avec un léger salut, comme pour lui demander la permission de s'asseoir. Les évêques s'inclinèrent et ne s'assirent qu'après lui[20]. L'évêque qui se trouvait immédiatement à la droite de l'empereur, et qu'Eusèbe ne désigne pas autrement, peut-être parce que c'était lui-même[21], se leva alors pour complimenter le monarque. Constantin, d'un ton de voix très doux, prononça ensuite en latin les paroles suivantes, qu'un interprète traduisait à mesure : Je remercie Dieu, le roi suprême, qui, outre les innombrables bienfaits dont il m'a comblé, m'a accordé la grâce, la plus grande de toutes, de vous réunir tous ici, et d'être témoin du concert de vos sentiments... Les divisions intestines de l'Eglise me paraissent plus graves et plus dangereuses que les guerres et les autres conflits. Elles me font phis de peine que tout le reste... Pour que mes vœux soient comblés, il faut donc que vos cœurs soient unis, et que l'on voie régner parmi vous la paix dont votre consécration à Dieu vous fait un devoir d'être les apôtres. En agissant ainsi, vous vous rendrez agréables au Dieu suprême, et vous me ferez une grande grâce, à moi, votre frère dans le service de Dieu[22]. L'empereur, dit justement Héfélé, venait d'ouvrir le concile en quelque sorte comme président d'honneur. Il continua à y assister ; mais la direction des discussions théologiques proprement dites était naturellement l'affaire des chefs ecclésiastiques[23]. Eusèbe fait remarquer en effet qu'après son discours l'empereur donna la parole aux présidents du concile[24]. Il faut entendre par ces mots ceux qu'on appela plus tard patriarches ou primats et qui avaient déjà une autorité incontestée sur leurs collègues[25] ; mais il ne s'ensuit pas que le concile de Nicée ait eu plusieurs présidents proprement dits. Ce titre et ce rôle n'appartinrent qu'à l'évêque de Cordoue, Osius. L'étude des listes de signatures des Pères, où le nom d'Osius occupe toujours la première place, et plusieurs témoignages dignes de foi, ne permettent pas de mettre en doute ce fait historique[26]. Il n'est pas moins certain que cette présidence ait été exercée par Osius au nom du pape. L'évêque de Cordoue, dit formellement Gélase, vint à Nicée au nom de l'évêque de Rome avec les prêtres Vite et Vincent[27]. Eusèbe nous apprend en effet que le pape Sylvestre ne put, à cause de son âge, se déplacer. Vite et Vincent, simples prêtres, pouvaient bien parler en son nom, mais non point présider une réunion d'évêques. Osius était depuis au moins douze ans le confident de l'empereur ; la récente mission qu'il avait remplie à Alexandrie avait attiré sur sa personne l'attention de l'Orient et de l'Occident ; aucun évêque d'Europe n'était, depuis lors, plus au courant que lui de la controverse arienne. Tous ces motifs le désignaient au choix du pape. Sans ce choix, jamais l'assemblée, dans laquelle l'élément oriental était notablement prédominant[28], n'eût consenti à placer un simple évêque espagnol avant les grands patriarches d'Orient[29]. Dès la première séance, les partisans d'Arius, quoique formant la minorité de la réunion, parurent pleins de confiance. L'assemblée s'était nettement partagée en deux groupes extrêmes. Autour d'Alexandre d'Alexandrie, de Marcel d'Ancyre et du diacre Athanase, s'étaient rangés tous ceux qui voulaient suivre sans détours la voie de la tradition. Eusèbe de Nicomédie et Maris de Chalcédoine, étaient les inspirateurs de tous ceux qui prétendaient soumettre à l'examen les symboles de foi, si anciens qu'ils fussent[30]. Un parti modéré flottait entre les deux[31]. Il avait visiblement pour chef Eusèbe de Césarée. Mais les ariens comptaient sur l'inconsistance du caractère de ce dernier pour le gagner à leur cause ; ils escomptaient en outre les relations d'Eusèbe de Nicomédie dans les cercles influents de la cour, et les souvenirs de camaraderie de l'école lucianiste. Cette présomption devait les perdre. Au fond, que demandaient-ils, au moins pour le moment ? Que le système d'Arius fût considéré comme une opinion libre dans l'Eglise, ayant le droit de s'affirmer en face des doctrines que soutenaient Alexandre et Marcel d'Ancyre. Un premier acte de l'empereur sembla leur donner pleine satisfaction. Eusèbe raconte que Constantin avait été saisi, dès son arrivée, de diverses plaintes ou accusations, émanées des différents partis de l'assemblée, et incriminant plusieurs de ses membres. L'empereur fit aussitôt jeter au feu les mémoires qu'on lui avait présentés en s'écriant : Vous ne pouvez être jugés par les hommes. Dieu seul doit prononcer sur vos contestations[32]. Il semblait ainsi faire la part égale entre les ariens et leurs adversaires. Arius, quoique n'ayant pas le droit de siéger comme membre de l'assemblée, se tenait prêt à discuter devant elle. On ne tarda pas à l'y appeler. Il s'y rendit plein de confiance. Le bruit fait autour de son nom, les grands espoirs qu'avaient fait naître en lui les intrigues et les hautes influences de l'évêque de Nicomédie, cette convocation de tous les évêques de l'Eglise catholique pour discuter ses propres idées, le monde entier mis en mouvement à cause de lui, tout cela avait infatué le novateur de son rôle. Il perdit toute notion de prudence. En présence du concile, il alla jusqu'au bout de ses opinions. Il accentua les plus audacieuses affirmations de son poème de Thalie. Il soutint hautement que le Verbe n'était pas Dieu, qu'il n'avait pas toujours existé, qu'il était sorti du néant comme toute créature, que ce nom de Verbe qu'on lui donnait n'était lui-même qu'un nom reçu par grâce, que cette prétendue Sagesse était incapable de connaître le Père et ne connaissait pas même sa propre substance[33]. Quand il eut fini, il fut manifeste que sa cause était perdue[34]. De vénérables prélats se bouchaient les oreilles pour ne pas entendre de tels blasphèmes. Dans les rangs même du tiers parti, la plupart manifestèrent leur mécontentement. Les deux Eusèbe durent intervenir auprès de Constantin pour empêcher l'empereur de prendre aucune mesure contre la personne de l'hérésiarque. Personne, à partir de ce moment, n'osa plus soutenir dans l'assemblée le pur arianisme. Toute la tactique des amis d'Arius consista désormais à faire voter par le concile une formule qui laissât la porte ouverte aux spéculations sur la nature et l'origine du Verbe. Les deux Eusèbe s'y employèrent de tous leurs efforts. Par suite, toute l'application d'Athanase et de ses amis tendit à mettre le tiers parti en demeure de se prononcer nettement pour ou contre Arius, pour ou contre la doctrine traditionnelle. Toutes les luttes qui vont suivre s'expliquent par cette double tactique. III Quel fut le règlement intérieur du premier concile
œcuménique[35]
? Comment se fixèrent les ordres du jour ? Quels furent les modes de
discussion et de vote dans l'assemblée ? Quelle fut la part d'initiative
dévolue au président, aux légats du pape, aux métropolitains et aux simples
membres du concile ? Nous sommes réduits, sur tous ces points, à de très
vagues conjectures[36]. L'analogie qu'on peut supposer avoir existé entre le
concile de Nicée et les conciles postérieurs, a fait admettre qu'à Nicée les
membres du synode se divisèrent en commissions ou congrégations
particulières, chargées de préparer les matières des sessions générales[37]. Mais on ne trouve aucune trace de ce fait dans les
anciens documents ; le récit d'Eusèbe[38] et des autres historiens fait plutôt présumer qu'il n'y
eut pas de commissions de ce genre, mais seulement des sessions générales des
évêques[39].
Le rôle de l'empereur, qui assistait à toutes les séances, semble avoir été
uniquement d'empêcher les conflits de s'aigrir, et d'imposer à tous, par
l'ascendant de son autorité, l'esprit de concorde. L'empereur,
dit Eusèbe, écoutait tout avec une grande patience.
Il suivait avec attention la discussion des problèmes. Il reprenait les
assertions émises en les corrigeant ou en les adoucissant, de manière à
empêcher les dissertations de dégénérer en conflits. Il témoignait de la
bienveillance à tous. Son affabilité gagnait les cœurs. Ceux qu'il ne pouvait
pas convaincre, il les faisait rougir par la force de ses paroles. Quand
quelqu'un parlait judicieusement, il lui donnait des éloges. Il prêchait à
tous la concorde. Il arriva à ses fins et il mit tous les esprits d'accord
sur le point en litige[40]. L'historiographe
de Constantin exagère peut-être un peu le rôle de son héros, mais il n'en
dénature certainement pas le caractère : tout ce que nous savons jusqu'ici de
Constantin, nous le montre comme désireux de rétablir avant tout l'ordre et
la paix. Trois questions principales, d'importance inégale, devaient faire I objet des discussions conciliaires : la controverse arienne, le schisme de Mélèce et la question pascale. Rufin nous apprend que, pour ce qui concernait spécialement la controverse arienne, on ne voulut pas décider à la légère une affaire aussi grave. On tint des sessions quotidiennes. On y discuta sérieusement les opinions d'Arius, qui fut souvent appelé au sein de l'assemblée. On considéra attentivement les raisons qu'il fallait lui opposer. Il ajoute, d'ailleurs, que les Pères furent vite unanimement fixés sur le système impie d'Arius, et que les confesseurs surtout se prononcèrent énergiquement contre cette hérésie[41]. En réalité, les premières explications d'Arius avaient déjà fait la conviction dans l'esprit de tous ; mais on doit admirer la sagesse de la vénérable assemblée, ne voulant se prononcer qu'après un examen attentif et méthodique. Le spectacle d'une telle attitude dut faire une impression profonde sur les esprits graves de ce temps. Depuis plus de trois siècles, dit le duc de Broglie, pas une assemblée libre ne s'était réunie sur un point de l'empire, pas une voix sortie de la conscience ne s'était fait entendre dans ce silence d'un pouvoir absolu, troublé seulement par les panégyriques fastidieux des rhéteurs ou par les gémissements des victimes. Pour la première fois, de mémoire de tant de générations, on voyait des gens de bien, pleins du sentiment de leur dignité personnelle, forts de leur respectueuse indépendance, accourus auprès du maître du monde, délibérer sous ses yeux sans contrainte. Un débat sincère faisait trêve à ces hypocrites comédies de légalité et de force qui se jouaient sans relâche sur la scène agitée de l'empire. Un accent de vérité réveillait la conscience dans un si long oubli de sa liberté et de ses droits[42]. Dans les sessions officielles du concile, il ne parait pas qu'en dehors de l'empereur aucun laïque ait été admis à prendre la parole. Sozomène, en parlant des divers orateurs, ne cite que des évêques[43]. Il est avéré cependant que des ecclésiastiques spécialement accrédités auprès des évêques, tels que le diacre Athanase d'Alexandrie et le prêtre Alexandre de Constantinople, prirent part aux discussions. A la tête des défenseurs de la foi traditionnelle se distinguait, au dire de saint Athanase[44], l'évêque d'Ancyre, Marcel. Il avait déjà pris part, avec beaucoup d'activité, en 314, au concile tenu dans sa ville épiscopale[45]. Esprit bien intentionné, mais d'une orthodoxie plus ardente que sûre, Marcel d'Ancyre devait plus tard, dans le dessein de mieux combattre l'arianisme, se rejeter vers un système bien proche du sabellianisme, et, pour éviter de trop distinguer le Fils du Père, paraître confondre entre elles les deux personnes divines. Il est bien probable que, poussé par ses habiles contradicteurs, il commit, dès le début, quelques-unes de ces imprudences de langage que le parti eusébien exploita plus tard contre les tenants de l'orthodoxie. Malgré tout, Athanase devait rester toujours indulgent pour ce vaillant compagnon de ses premières luttes[46]. Bien plus précis dans ses formules, bien plus profond dans ses pensées, apparut le jeune diacre d'Alexandrie. Quand, au témoignage de saint Grégoire de Nazianze[47], les ariens voyaient le redoutable champion, petit de taille, presque frêle, mais 'e port assuré et le front haut, se lever pour prendre la parole, on croyait voir passer dans leurs rangs comme un frisson de haine ; quant à la majorité de l'assemblée, elle regardait alors d'un regard fier celui qui allait se faire l'éloquent interprète de sa pensée. Nul ne savait plus heureusement qu'Athanase saisir le nœud d'une difficulté, ou, mieux encore, exposer, dans la vérité attaquée, le point central d'où tout dépend, et y faire jaillir ces flots de lumière qui éclairent la foi en même temps qu'ils démasquent l'hérésie. Arius dans son système, s'était placé au point de vue de la transcendance divine ; Athanase ramenait tout au mystère de la Rédemption. Le fondement de la foi chrétienne, disait-il, n'est autre que le mystère du Verbe incarné pour racheter les hommes et pour les rendre enfants de Dieu. Mais comment pourrait-il les diviniser s'il n'était Dieu lui-même ? Comment pourrait-il leur communiquer une filiation divine, même adoptive, s'il n'était Fils de Dieu par nature ? Puis, attaquant de front la doctrine hérétique : Si le Verbe est créé, disait-il, comment Dieu, qui l'a créé, ne pouvait-il pas créer le monde ? Si le monde a été créé par le Verbe, pourquoi n'aurait-il pas été créé par Dieu ? Pendant toute sa vie, Athanase enrichira ces points de vue d'aperçus nouveaux, mais ils resteront l'inspiration fondamentale de toute sa polémique et de toute sa théologie[48]. IV Depuis les premières imprudences d'Arius, l'habile évêque de Nicomédie se gardait bien de défendre les formules ariennes. Chef obéi du tiers parti, comptant sur ses hautes relations, sur la faveur de la cour, sur le désir plusieurs fois manifesté par Constantin de mettre fin le plus promptement possible à ces querelles religieuses, il ne visait qu'à écarter de la condamnation prévue toute formule catégorique, qu'à sauver la pensée d'Arius en adoucissant son expression. Etant données les habitudes intellectuelles d'un grand nombre des Pères assemblés, plus accoutumés à catéchiser les simples qu'à argumenter dans les écoles, le péril était grand. Il fallut toute la sagacité et toute la fermeté d'Athanase pour le conjurer. Un premier symbole de foi présenté par l'évêque de Nicomédie fut aussitôt rejeté par les évêques[49]. Autant que nous pouvons le conjecturer, ce symbole, tout en omettant les formules les plus compromettantes d'Arius, contenait des expressions inadmissibles ; on y aurait dit que le Verbe était l'œuvre du Père (ποίημα, κτισμα), qu'il n'était pas immuable de nature (τρεπτής φύσεως)[50]. Un second symbole, vague et ne tranchant rien, fut proposé par Eusèbe de Césarée. Le Verbe y était dit Dieu de Dieu, lumière de lumière, vie de vie, Fils unique, premier-né de toute créature, engendré du Père avant tous les siècles, par qui tout a été fait. Une pareille formule n'eût rien décidé. Constantin, au dire d'Eusèbe, s'en serait contenté, à la condition d'y introduire le mot όμοούσιος, consubstantiel. Mais la majorité se montra plus exigeante. L'évêque de Nicomédie, fertile en ressources, imagina alors un troisième subterfuge. Il suggéra l'idée de composer le symbole à peu près uniquement d'expressions tirées de l'Ecriture sainte. Il espérait que ces expressions seraient assez générales pour permettre une interprétation favorable aux idées ariennes. La majorité orthodoxe était sur le point de se laisser prendre à ce nouveau piège, quand la ruse d'Eusèbe fut heureusement déjouée. La vivacité pittoresque avec laquelle saint Athanase raconte l'incident a fait supposer aux historiens qu'il y joua le principal rôle[51]. Pour bien marquer que le Verbe n'était pas issu du néant,
comme le prétendaient les ariens, les Pères s'étaient montrés disposés à
accueillir l'expression : Le Verbe est de Dieu, έκ
τοΰ Θεοΰ. Mais on remarqua bientôt
que les eusébiens chuchotaient entre eux. Tout
n'est-il pas de Dieu, disaient-ils, nous et toutes les autres créatures ? Saint
Paul n'a-t-il pas dit : Tout est de Dieu[52]. Dieu de qui est tout ?[53] Les Pères, pour
mieux préciser leurs pensées, avaient ajouté : Le
Verbe est la vertu de Dieu, l'éternelle image du Père, parfaitement semblable
au Père, immuable et vrai Dieu. Or, on s'aperçut qu'à la lecture de ce
passage, les eusébiens se faisaient encore des signes d'intelligence. On les surprit
se disant entre eux : Toutes ces expressions
conviennent bien au Fils de Dieu, puisque suivant la Bible elles s'appliquent
à l'homme. L'homme n'est-il pas appelé l'image de Dieu, la splendeur et la
vertu de Dieu ?[54] Les sauterelles elles-mêmes, murmurait en ricanant
quelque plaisant sacrilège, sont bien appelées par
le prophète Joël une vertu de Dieu[55]. Plus gravement,
d'autres se montraient les passages suivants de saint Paul : Rien ne nous séparera de l'amour du Christ[56] ; nous sommes toujours vivants[57] ; et ajoutaient :
Ne suit il pas que les qualifications d'immuable
et même d'éternel peuvent s'appliquer à une créature ? Pour couper court à ces interprétations abusives, les
Pères déclarèrent que le Verbe était de l'essence
même de Dieu, έκ τής
ούσιάς τοΰ
θεοΰ. Mais n'abuserait-on pas encore de cette
expression ? Athanase, paraît-il, s'en serait contenté[58]. Mais un Père,
qu'on pense avoir été Osius, proposa un terme qui réunit bientôt les
suffrages de la majorité. C'était celui d'omoousios
ou consubstantiel. Ce mot avait l'avantage d'avoir été positivement condamné
par l'évêque de Nicomédie. Si vous reconnaissez le
Fils de Dieu incréé, s'était écrié un jour le chef du tiers parti, autant vaut le proclamer tout de suite consubstantiel au
Père[59].
Comment le parti eusébien oserait-il maintenant interpréter le mot omoousios à sa façon ? Ce terme d'ailleurs,
pris en lui-même, paraissait admirablement choisi. Composé de deux mots, dont
l'un signifiait même et l'autre substance, il avait l'avantage d'impliquer à
lui seul deux idées philosophiques très subtiles : identité des substances
et, en même temps, pluralité de personnes : consubstantiel ne pouvait, en
effet, s'appliquer à deux êtres qu'à la condition qu'ils fussent distincts
l'un de l'autre, car, dira plus tard saint
Basile, une chose n'est jamais consubstantielle à
elle-même, mais toujours à une autre[60]. L'expression,
enfin, n'était pas nouvelle. Eusèbe de Césarée déclare que plusieurs évêques, écrivains savants et illustres, s'en
étaient déjà servi[61]. Paul de
Samosate avait même essayé de l'accréditer comme expression de sa doctrine,
mais il l'avait expliquée de telle sorte que le troisième concile d'Antioche en
avait réprouvé l'emploi[62]. En disant que le Fils est omoousios ou
consubstantiel au Père, dit saint Athanase, les
évêques réunis à Nicée signifiaient que le Fils n'est pas à l'égard du Père
seulement chose semblable, mais identique, que l'immutabilité du Fils est
tout autre que celle qui nous est attribuée, que la génération du Fils par le
Père est autre que celle des hommes, que le Verbe est toujours dans le Père
et le Père dans le Verbe[63]. En d'autres
termes, la divinité absolue du Fils, l'unité absolue de Dieu, et la
distinction absolue des deux personnes dans une nature identique, étaient
solennellement affirmées. L'hérésie d'Arius avait séduit certaines âmes par
le désir apparent de rendre plus explicable à la fois l'unité de Dieu et la
personne du Christ. Elle n'avait fait que battre en brèche les deux mystères,
ne sauvegardant le dogme de l'unité divine que par une grossière équivoque,
ne simplifiant l'idée du Christ qu'en le découronnant de sa divinité. Un seul
mot, bien compris et bien approfondi, celui d'omoousios
ou consubstantiel, appliqué au Verbe et à Dieu le Père, rétablissait dans sa
pureté la foi traditionnelle. Jésus-Christ Verbe de Dieu, consubstantiel à
son Père, restait l'ineffable objet de l'adoration des hommes ; Jésus-Christ,
vrai homme mort sur la croix, restait l'ami, le frère, portant sur lui toutes
nos misères. La consubstantialité était toujours un grand mystère, mais un
mystère qui éclairait tous les autres, un mystère qui parlait au cœur et qui
était capable de soulever l'humanité reconnaissante jusqu'à Dieu. Sur ce seul terme de consubstantiel, de longues luttes allaient se livrer dans le monde. On s'en est parfois étonné. La grandeur de ces luttes s'explique quand on réfléchit à l'incalculable portée de ce simple mot. A l'exception de cinq évêques, Eusèbe de Nicomédie, Théognis de Nicée, Maris de Chalcédoine, Théonas de Marmarique et Second de Ptolémaïs, qui restèrent réfractaires jusqu'au bout, se moquant ouvertement du nouveau terme proposé[64], tous les membres du concile acceptèrent l'emploi du mot omoousios pour exprimer la relation fondamentale du Fils au Père. Osius et Athanase rédigèrent alors le célèbre symbole de Nicée[65], qui, lu en séance générale par le diacre Hermogène, secrétaire de l'assemblée et futur évêque de Césarée[66], fut acclamé par la presque unanimité des Pères. En voici le texte, d'après les éditions les plus critiques[67] : Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, créateur des choses visibles et invisibles, et en un Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, seul engendré du Père, c'est-à-dire de la substance du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non créé, de la même substance que le Père (όμοούσιον τώ πατρι) par qui tout a été créé dans le ciel et sur la terre ; qui est descendu du ciel pour nous et pour notre salut, s'est incarné, s'est fait homme, a souffert, est ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux, et il viendra juger les vivants et les morts. Et au Saint-Esprit. Le symbole se terminait par l'anathème suivant : Ceux qui disent : Il y a un temps où il n'était pas, et il n'était pas avant d'avoir été engendré, il est sorti du néant, ou qui soutiennent qu'il est d'une autre hypostase ou d'une autre substance que le Père, ou que le Fils de Dieu est créé, qu'il n'est pas immuable, qu'il est soumis au changement, l'Eglise catholique les anathématise[68]. Tous les évêques, sauf deux, Théonas de Marmarique et
Second de Ptolémaïs, finirent par signer le symbole. Mais un écrivain arien,
Philostorge, rapporte un nouveau subterfuge d'Eusèbe de Nicomédie, de
Théognis de Nicée et de Maris de Chalcédoine, lorsqu'on présenta à leur
signature le symbole voté par leurs collègues. S'étant aperçus qu'en ajoutant
seulement une lettre au mot omoousios
ou consubstantiel, on en modifiait le sens, ils insérèrent au milieu du mot
un iota imperceptible. L'expression omoousios,
de même substance, devenait omoiousios, de
substance semblable[69]. Ils évitèrent
par là l'anathème et l'exil, qui frappèrent les deux récalcitrants ; mais ils
n'échappèrent pas au mépris de leurs deux amis, qui leur reprochèrent
vivement leur lâcheté. On raconte que l'évêque de Ptolémaïs, s'adressant à
l'évêque de Nicomédie, l'apostropha en ces termes : Eusèbe,
tu as souscrit afin de n'être pas banni, mais l'année ne se passera pas que tu
ne partages notre infortune[70]. Quoi qu'il en
soit de l'anecdote, jamais les orthodoxes ne considérèrent les signatures des
trois évêques comme sincères. Cet acte, s'il ne fit pas le remords de leur
vie, doit faire au moins la honte de leur mémoire. Quant à l'empereur, à peine eut-il reçu communication du symbole, qu'il en manifesta une grande joie. Une telle pièce, disait-il, si parfaitement rédigée, qui met enfin un terme à toute dispute et à tout désaccord, n'est pas l'œuvre des hommes ; c'est une œuvre de l'Esprit-Saint[71]. Non seulement il exila aussitôt Arius, les deux évêques qui avaient refusé leur signature, et tous les prêtres qui leur étaient attachés[72], mais il ordonne de livrer au feu les livres d'Arius et de ses amis, et menaça même, paraît-il, de la peine de mort ceux qui les cacheraient[73]. Après de telles sanctions, Constantin jugea sans doute que la controverse arienne était abolie à jamais. Elle n'était qu'à ses préludes. Au moment même où s'exécutaient ces mesures terribles, l'intrigant Eusèbe de Nicomédie méditait de nouveaux plans pour ressusciter le conflit et faire réhabiliter Arius. V Parmi les soutiens de l'hérésiarque, s'étaient rencontrés, nous l'avons vu, quelques disciples de Mélèce ; et le désir de mettre fin au schisme mélécien avait été un des objets de la convocation du concile, en même temps que celui d'éteindre la querelle soulevée à propos du Verbe de Dieu. Mélèce était cet évêque de Lycopolis en Egypte, qui, vers l'an 304 ou 305[74], pendant l'absence de l'évêque Pierre d'Alexandrie et tandis que quatre autres évêques égyptiens étaient incarcérés pour la foi, s'ingéra, de sa propre autorité, et malgré les protestations des pasteurs légitimes, dans le gouvernement de leurs diocèses, y faisant des ordinations, au mépris des règlements ecclésiastiques les plus formels[75]. Saint Athanase et Socrate parlent aussi de l'accusation portée contre Mélèce, d'avoir sacrifié aux idoles pendant la persécution. Saint Athanase, et Socrate, qui l'a probablement copié en ceci, semblent être sur ce point, les simples échos d'un bruit probablement calomnieux[76]. Mais ce qui est incontestable, c'est que l'évêque de Lycopolis, non content de violer ouvertement les règles les plus précises du droit canonique le plus certain, avait méprisé les observations des quatre évêques incarcérés, n'avait voulu entrer en relations ni avec eux ni avec l'évêque Pierre, et après le martyre de celui-ci, s'était rendu à Alexandrie, où il s'était lié avec Arius, avait excommunié les visiteurs épiscopaux établis par l'évêque martyr et en avait ordonné deux autres. Il était ainsi devenu le centre d'un groupe de mécontents, qui n'avait cessé de grandir et qu'il avait organisé en véritable Eglise hiérarchisée. Au moment où se réunit le concile de Nicée, les méléciens comptaient en Egypte vingt-neuf évêques. Ils avaient à Alexandrie quatre prêtres et trois diacres[77]. Par le nombre de ses adhérents, par son organisation, par le caractère obstiné de son chef et par ses relations étroites avec les ariens, le schisme mélécien apparaissait comme un péril sérieux. Le concile s'en occupa avec d'autant plus d'empressement, que Constantin, toujours ombrageux à l'égard des puissances de désordre, suppliait les Pères d'assurer avant tout la paix de l'Eglise. Mais si les préoccupations de l'empereur se portaient surtout sur l'ordre extérieur de l'Eglise, les évêques du concile mettaient avant toutes choses les intérêts sacrés de la foi. Comme les méléciens ne niaient aucun dogme, le concile se montra à leur égard d'une extrême condescendance. Pour bien manifester son désir de conciliation et d'apaisement, l'assemblée, après avoir signalé les torts graves de Mélèce, décida que le clergé mélécien serait maintenu en fonctions, mais fondu avec le clergé soumis à l'évêque d'Alexandrie ; il passerait toujours après les clercs ordonnés par les évêques légitimes, c'est-à-dire par les évêques en communion avec l'évêque d'Alexandrie. A la mort d'un de ces derniers, sa place pourrait être donnée à un clerc mélécien, mais moyennant une élection régulière et l'approbation de l'évêque d'Alexandrie ; car, disait le 6e canon du concile, on doit conserver l'ancien ordre de choses établi en Egypte, c'est-à-dire que l'évêque d'Alexandrie doit continuer à exercer son autorité sur les autres évêques. Pour ce qui concernait plus spécialement Mélèce, le promoteur du schisme, dont on connaissait l'incorrigible habitude de s'ingérer partout inconsidérément en y mettant le désordre, on lui conserva son titre d'évêque, et on lui permit de rester dans la ville dont il portait le titre épiscopal, mais privé de toute autorité épiscopale, sans aucun pouvoir d'y faire des ordinations ou d'y choisir des clercs, sans aucune faculté de se rendre dans les environs ou dans une autre ville pour le même objet[78]. Conformément aux prescriptions du concile, Mélèce vécut dans sa ville de Lycopolis ; mais, aussitôt après la mort de l'évêque Alexandre, Eusèbe de Nicomédie s'empressa de conclure avec Mélèce une sorte de ligue qui devait être dans la suite un puissant ferment de discorde dans l'Eglise. Le parti mélécien apportait au parti arien l'appoint d'hommes rompus depuis longtemps à la lutte et à l'intrigue. Les plus acharnés ennemis d'Athanase, l'évêque Callinique de Péluse, qui, au concile de Sardique, se posera comme son adversaire déclaré, l'anachorète Paphnuce[79] et le prétendu prêtre Ischyras, qui se feront ses accusateurs, et l'évêque Arsénius, qui prétendra avoir eu une main coupée par lui, appartenaient déjà à ce terrible parti mélécien. VI La controverse pascale, dont nous avons vu l'origine et les principales phases[80], n'avait aucune relation avec la question arienne. Mais la grave divergence qui divisait entre elles les Eglises, qui se produisait parfois dans la même contrée, dans la même ville, était l'occasion de disputes sans cesse renaissantes, troublait profondément les communautés chrétiennes, et les rendait parfois même l'objet des moqueries des païens[81]. La décision du concile d'Arles, prescrivant, dans son premier canon, que l'on célébrât désormais la Pâque en même temps, le même jour par toute la terre, avait été manifestement rédigée pour faire prédominer partout la coutume romaine. Mais la formule vague dont les Pères s'étaient servis à dessein pour ne pas froisser par trop de précision les Eglises divergentes, avait été lettre morte pour la plupart de ces dernières. La décision précise d'un concile œcuménique devenait nécessaire. Les évêques de Nicée ne décidèrent point, comme on l'a dit souvent, que la fête de Pâques se célébrerait désormais le dimanche qui suit la pleine lune après l'équinoxe du printemps. C'est bien la règle qui a prévalu peu à peu dans toute l'Eglise, mais le concile n'eut pas cette précision, il décréta seulement qu'il lui avait paru bon, laissant de côté toute recherche et toute discussion, que les frères d'Orient fissent comme ceux de Rome et d'Alexandrie, afin que tous, d'une seule voix et le même jour, célébrassent unanimement la sainte fête de Pâques[82]. Constantin adressa encore à cette occasion à tous ceux qui n'avaient pas assisté au concile une longue lettre, où il disait avec son emphase habituelle : Nous pouvons maintenant transmettre à nos descendants le mode légitime de célébration de la Pâque, que nous avons observé depuis le premier jour de la passion du Christ jusqu'à présent... Le Sauveur ne nous a laissé qu'un jour de fête de notre rédemption, comme il n'a voulu qu'une seule Eglise catholique[83]. La décision de Nicée ne fit pas absolument disparaître toute divergence dans la célébration de la Pâque. Saint Epiphane nous apprend que de son temps, c'est-à-dire vers l'an 400, il existait encore beaucoup de quartodécimans, c'est-à-dire de chrétiens qui célébraient la Pâque, à la mode juive, le 14 nisan, quel que fût le jour de la semaine[84]. Il ajoute même qu'une secte de ces quartodécimans, appelés audiens, du nom de leur chef Audius[85], esprit original et ascète austère, joignaient aux pratiques d'un ascétisme digne d'éloges des croyances étranges : ainsi ils avaient de Dieu une idée anthropomorphique, professant que la ressemblance de l'homme avec Dieu était dans son corps aussi bien que dans son âme[86]. La secte était née en Mésopotamie. Les lois des empereurs Théodose II et Valentinien III prouvent que les audiens existaient encore au Ve siècle. Théodoret décrit la façon bizarre dont ils remettaient les péchés. On les perd tout à fait de vue au VIe siècle. VII En condamnant l'arianisme, en essayant de mettre fin au
schisme de Mélèce et en précisant la règle relative à la célébration de la
fête de Pâques, les Pères de Nicée avaient essayé de parer aux trois grands
périls qui menaçaient l'Eglise au commencement du IVe siècle. Ils voulurent
remédier à d'autres abus et rédigèrent à cet effet un certain nombre de canons
disciplinaires, sur lesquels les savants ont longtemps discuté. L'opinion
populaire, en effet, était si pénétrée du sentiment de la grande œuvre
accomplie par le grand concile, comme on
appela aussitôt l'assemblée de Nicée, qu'elle faisait remonter jusqu'à lui
toutes les réformes un peu importantes réalisées dans la suite. Le savant Héfélé
donne une autre raison de la confusion qui a longtemps régné à ce sujet. On sait, dit-il, que de
très bonne heure, les canons des divers conciles furent réunis en un Corpus,
dans lequel les canons de Nicée eurent toujours la première place à cause de
leur importance. Or il arriva que, soit accidentellement, soit à dessein, les
copistes négligèrent de transcrire les noms des conciles pour les canons qui
suivaient ceux de Nicée. A Rome, par exemple, se trouvait un exemplaire
contenant sous un même titre les canons de Nicée et ceux de Sardique. Lorsque
ces exemplaires se répandirent dans l'Orient, toujours moins réfléchi, moins
observateur que l'Occident, il arriva ce que l'on a déjà pu prévoir : faute
d'esprit critique et de moyen de contrôle, on attribua au concile de Nicée
tous les canons qui, dans les manuscrits, étaient inscrits sans titre[87]. On n'admet aujourd'hui comme authentiques que vingt canons, dont le texte original, inséré dans la grande collection de Mansi[88], se trouve reproduit, traduit et savamment commenté dans l'Histoire des conciles de Héfélé[89]. Quelques-uns de ces canons ont simplement pour but de préciser d'anciennes règles, mal comprises ou mal observées. Ainsi les canons 1, 2, 9 et 10 écartent des ordres sacrés les mutilés volontaires, les néophytes et les pénitents ; le canon 17 défend de pratiquer l'usure ; le canon 3 interdit absolument à tous les membres du clergé d'avoir avec eux une sœur agapète, à moins que ce ne soit une mère, une sœur, une tante, ou enfin les seules personnes qui échappent à tout soupçon[90]. Une seconde catégorie de canons règlent des situations spéciales créées par les crises récentes que les persécutions et les hérésies avaient fait subir à l'Eglise. Les canons n à di fixent les conditions de pénitence à laquelle devront se soumettre les faillis et les relaps de la dernière persécution de Licinius ; les articles 8 et 19 s'occupent des épreuves à imposer aux novatiens et aux partisans de Paul de Samosate qui désireraient rentrer dans le sein de l'Eglise. Enfin cinq articles relatifs aux pouvoirs des prêtres, des simples évêques et des métropolitains ou primats forment comme un petit code de hiérarchie catholique en cinq articles, qui n'est pas l'œuvre la moins importante du concile[91]. Nous savons que la coutume avait, dès le début du christianisme, attaché à certaines Eglises une prééminence particulière[92]. Les Eglises d'Antioche et d'Alexandrie étaient de ce nombre. Le concile consacra formellement leur autorité. Le 4e canon décide que l'évêque doit être institué par tous les évêques de sa province et que la confirmation de ce qui s'est fait appartient de droit au métropolitain. Le 6e canon apporte de nouvelles précisions : Que les anciennes lois soient observées, notamment celles qui concernent l'Egypte, la Libye et la Pentapole, de manière que l'évêque d'Alexandrie ait puissance sur toutes ces provinces, puisque c'est une loi établie par les évêques de Rome que les prééminences soient observées dans l'Eglise[93]. Ainsi, dit un savant commentateur de ce texte, l'Eglise de Rome confirmait la juridiction des Eglises d'Alexandrie et d'Antioche, et, en garantissant les primaties particulières, affirmait sa primatie universelle[94]. Le concile ajoute une phrase qui parait être une sorte d'amendement au fie canon, voté par les Pères alors que le texte de celui-ci était déjà arrêté : On doit de même conserver aux Eglises d'Antioche et des autres provinces leurs anciens droits. Le 7e canon résout une difficulté particulière qui se présentait à propos des successeurs des évêques de Jérusalem. Ceux-ci, depuis la destruction de la Cité sainte et la reconstruction d'une nouvelle ville sur ses ruines par l'empereur Hadrien, portaient le titre d'évêques d'Ælia Capitolina et cédaient le pas devant l'évêque de Césarée. Le concile déclare que l'évêque d'Ælia Capitolina prendra la préséance d'honneur qui lui appartient, en vertu de l'ancienne tradition, sans préjudice cependant de la dignité qui revient à la métropole. Les 15e et 16e canons, qui défendent aux clercs de passer d'un lieu à un autre pour échapper à leur juridiction naturelle, et qui rappellent aux diacres la distance qui les sépare des prêtres, complètent cette réglementation hiérarchique. L'empereur ne pouvait contenir sa joie à la vue de tant de travaux utiles au bon ordre et à la paix. Il n'attendit pas la fin des séances pour réunir autour de lui, en une grande fête, pour célébrer sa vingtième année d'empire, tous les évêques présents à l'assemblée. Il leur offrit un banquet dont la magnificence surpassait toute imagination. Sur le passage des prélats, la garde impériale présentait les armes. Eusèbe raconte qu'en voyant l'éclat des sabres nus, tendus vers eux, non plus pour les menacer, mais pour leur faire honneur, les évêques se disaient : Est-ce un rêve ?[95] Constantin, de son côté, se voyant entouré de tant de prélats, accourus de toutes les régions de son empire, fier de ce grand concile, qu'il considérait comme son œuvre, et surtout enivré des éloges dont Eusèbe le combla à cette occasion dans un éloquent panégyrique, était dans le ravissement. Il allait de l'un à l'autre évêque, baisant les plaies des confesseurs[96], complimentant celui-ci et celui-là, et répétant : Moi aussi, je suis évêque. Vous, vous êtes évêques pour les choses qui se font au dedans de l'Eglise ; mais moi, Dieu m'a institué comme un évêque pour les choses du dehors[97]. Constantin devait, dans la suite, se laisser trop entraîner par cet éblouissement d'amour-propre. Toute sa vie, il défendra énergiquement la foi de Nicée, mais souvent en ayant l'air de défendre sa chose à lui, autant et plus que la chose de Dieu. Il prendra trop à la lettre son rôle d'évêque du dehors, et parfois même tentera, tant les limites en ces matières peuvent être illusoires, de s'immiscer, au détriment de l'Eglise, dans les choses du dedans. |
[1] A. DE BROGLIE, II, 16.
[2] F. MARTIN, Anal. sacra, t. IV, p.
224 ; HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t.
I, p. 403-404.
[3] Hist. générale de l'Eglise,
I.
[4] EUSÈBE, Vie de Constantin, l.
III, ch. VI, IX ; P. G., t. XX, col. 1060, 1064. — Sur le service de la
poste impériale à cette époque, voir L. MAURY, les Postes romaines,
un vol. in-18, Paris, 1890.
[5] EUSÈBE, H. E., l. III, ch. VI.
[6] Vraisemblablement le 20 mai.
Voir la discussion critique de cette date dans HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t.
I, p. 416-419.
[7] Saint Athanase parle à
plusieurs reprises d'environ trois cents évêques. Dans sa lettre ad Afros,
ch. II ; P. G., t. XXVI, col. 1031, il dit formellement trois cent
dix-huit. Le nombre des évêques dut varier, du jour de l'ouverture du concile
au jour de sa clôture. Socrate, Théodoret, Rufin, Gélase de Cyzique acceptent
le chiffre de 318, que saint Ambroise (De fide ad Gratianum, P. L.,
t. XVI, col. 552) et plusieurs écrivains après lui, se sont plu à comparer aux
trois cent dix-huit serviteurs d'Abraham.
[8] A. DE BROGLIE, op. cit., t. II, p.
17-21,
[9] Voir sur cette question la
discussion critique de Dom Leclercq, HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t.
I, p. 403, 409, note.
[10] STANLEY, History of eastern Church, p. 121.
[11] Le palais impérial de Nicée
n'était qu'une résidence de passage, mais il était assez vaste pour abriter les
Pères du concile. Cf. HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t.
I, p. 408-409, note.
[12] GÉLASE DE CYZIQUE, Hist. du concile de Nicée,
l. II, ch. III, dans MANSI, Coll. ampliss. concil.,
t. II, col. 826. L'œuvre de Gélase, écrite au Ve siècle, au début du règne de
Zénon, a été assez discutée par certains critiques. (P. LEJAY, Ancienne philologie
chrétienne, dans la Revue d'hist. et de litt. rel., 1906, p. 280.
Cf. BATIFFOL,
La littérature grecque, 1897, p. 224). Mais un savant historien, LŒSCHCKE, dans son étude, Das
Syntagme des Gelasius Cysicus, in-8°, Bonn, 1906, a prouvé que Gélase a eu
de précieux et nombreux documents en main, Cf. HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t.
I, p. 393-394, note.
[13] Les hérétiques devaient
affecter de se moquer de l'ignorance générale des membres du concile de Nicée.
Socrate dit qu'un de ces méchants détracteurs, Sabin d'Héraclée, ne rougit pas
cependant de copier un de ces Pères, Eusèbe, l'auteur de l'Histoire
ecclésiastique ; SOCRATE, Hist. ecclés., l. I, ch. VIII ; P. G., t.
LXVII, col. 65.
[14] GÉLASE DE CYZIQUE (MANSI, II, 808) et, après lui, HÉFÉLÉ (Hist. des conciles, t.
I, p. 415), lui donnent le titre d'archidiacre. Sur ce titre, voir la
dissertation de Dom LECLERCQ dans le Dict. d'arch. chrét.,
t. I, col. 2733 et s.
[15] SOCRATE, Hist. ecclés., l. I, ch. VIII ; P. G., t. LXVII, col.
60.
[16] LŒSCHCKE, op. cit.
[17] GÉLASE, dans MANSI, II, col. 829-875.
[18] RUFIN, Hist. ecclés., l. I, ch. III ; P. L., t. XXI, col. 469. Sozomène et Gélase ont répété
le récit de Rufin.
[19] Voir la discussion de cette
date dans HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t.
I, p. 416-419.
[20] EUSÈBE, Vie de Constantin, l.
III, ch. XII ; P. G., t. XX, col. 1068.
[21] TILLEMONT, Mémoires, édit. de
1732, t. VI, p. 356. Cette opinion, admise par le duc de Broglie et par Mgr
Duchesne, 'a été combattue par de bons arguments dans une étude de F. Cavallera,
selon qui le discours d'ouverture du concile aurait été prononcé par saint
Eustache d'Antioche. Voir F. CAVALLERA, le Schisme d'Antioche,
Paris, 1905, p. 34-35.
[22] EUSÈBE, loc. cit.
[23] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t.
I, p. 425.
[24] EUSÈBE, Vie de Constantin, l.
III, ch. XIII ; P. G., t. XX, col. 1069.
[25] Hist. générale de l'Eglise,
t. I.
[26] Voir les preuves dans HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t.
I, p. 55-57, 425.
[27] GÉLASE DE CYZIQUE, op. cit. , I. I, ch. V
; MANSI,
t. II, col. 8o5.
[28] La plupart des membres du
concile étaient grecs. Parmi les latins, on ne comptait, avec les deux légats
du pape, Vite et Vincent, qu'Osius de Cordoue, Cécilien de Carthage, Marc de
Calabre, Domnus de Stridon en Pannonie et Nicaise de Die (et non pas de Dijon,
comme écrit Héfélé). Voir Dom G. MORIN, D'où était évêque
Nicasius, l'unique représentant des Gaules au concile de Nicée, dans la Revue
bénédictine de 1899, t. XVI, p. 72-75, et P. LEJAY, dans la Revue d'hist. et
de litt. rel. de 1900, t. V, p 454.
[29] L'opinion soutenue par SCHROCKH (Kirchengeschichte, p.
336) et par Victor DURUY (Hist. des Romains, t.
VII, p. 181, note 1), d'après laquelle Osius aurait présidé le concile au nom
de Constantin, n'est pas défendable. Constantin n'a jamais eu l'attitude d'un
président de concile, même par représentation. Si, plus tard, dans une lettre à
l'empereur Basile, le pape Etienne V parle au souverain oriental du concile présidé par l'empereur Constantin, ces
expressions doivent s'entendre de la présidence d'honneur dont nous avons
parlé.
[30] SOZOMÈNE, Hist. ecclés., l. I,
ch. XVII.
[31] D'après les calculs des
historiens, il devait compter de douze à quinze évêques. HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t.
I, p. 431. Les évêques nettement favorables à la doctrine d'Arius pouvaient
être au nombre de dix-sept.
[32] EUSÈBE, Vie de Constantin, l.
III, ch. XIII ; P. G., t. XX, col. 1069.
[33] Saint ATHANASE, Ier
Discours contre les ariens, n. 5, 5 ; P. G., t. XX VI, col. 21.
Tous ces blasphèmes sont mis par saint Athanase dans la bouche même d'Arius
parlant devant le concile. Cf. SOCRATE, I, 9 ; P. G., t. LXVII,
col. 77 ; SOZOMÈNE, P. G., t. LXVII, col. 913.
[34] THÉODORET, Hist. ecclés., l. I, ch. XIX, P. G., t. LXXXII, col.
964.
[35] Nous avons vu (Hist.
générale de l'Église, t. I) que l'assemblée tenue à Jérusalem en l'année 42
doit être tenue pour un vrai concile. Mais il ne pouvait être question de
règlement pour cette première réunion des apôtres et de leurs principaux
auxiliaires.
[36] L'étude de Mgr BATIFFOL, le Règlement des premiers
conciles africains et le règlement du sénat, paru dans le Bull. d'anc.
litt. et d'arch. chrétiennes du 16 janvier 1913, donne cependant des
indications précieuses. Les séances étaient publiques, chaque question était
mise à l'ordre du jour par une relatio
du président ; il ne parait pas y avoir eu de vote proprement dit, mais, comme
au sénat romain, les membres du concile se rangeaient d'un côté ou de l'autre,
selon qu'ils étaient partisans ou adversaires de la résolution proposée.
[37] MŒHLER, Athanasius, t. I, p. 229.
[38] EUSÈBE, Vie de Constantin, l.
III, ch. XIII ; P. G., t. XX, col. 1069.
[39] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t.
I, p. 429.
[40] EUSÈBE, op. cit., l. III, ch. XIII ; P. G., t. XX, col. 1069.
[41] RUFIN, Hist. ecclés., l. I, ch. II ; P. L., t. XXI, col. 469.
[42] A. DE BROGLIE, l'Église et l'empire
romain au IVe siècle, t. II, p. 15.
[43] SOZOMÈNE, Hist. ecclés., l. I,
ch. XX ; P. G., t. LXVII, col. 920.
[44] S. ATHANASE, Apologie contre les ariens,
ch. XXIII, XXXII ; P. G., t. XXV, col. 285, 301.
[45] Hist. générale de l'Eglise,
t. I.
[46] S. EPIPHANE, Hæres., LXXII ; P. G., t. XLII, col. 381. Cf.
TH. ZAHN, Marcellus von Ancyra,
Gotha, 1867 ; TIXERONT, Hist. des dogmes, II, 38-43.
[47] S. GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Eloge d'Athanase, P.
G., t. XXV, col. 1081 et s.
[48] TIXERONT, II, 67-68 ; S. ATHANASE, Synodes, 51 ; Discours
contre les ariens, I, 16, 39 ; II, 24, 26, 40, 69. Cf. VOISIN, la Doctrine christologique
de saint Athanase, dans la Revue d'histoire ecclésiastique, t. I
(1900), p. 226-248.
[49] L'ordre de ce qui suit est
conjectural. Nous le donnons à peu près tel que les meilleurs historiens du
concile, le duc de Broglie, Héfélé, Tixeront, l'ont compris. Les procès-verbaux
du concile, s'il en a été dressé, ne se sont pas conservés. Le symbole, les
vingt canons et le décret synodal, sont les seules pièces officielles qui nous
restent. Mais les récits d'Eusèbe, de Socrate, de Sozomène, de Théodoret, de
Rufin et les données fournies par saint Athanase dans son Discours sur les
décrets de Nicée et sa Lettre aux évêques d'Afrique, permettent
d'établir, avec de grandes probabilités, les principaux jalons de l'histoire du
concile. Sur les sources de cette histoire, voir HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t.
I, p. 386-402.
[50] THÉODORET, Hist. ecclés., I, 7,
combiné avec saint AMBROISE, De fide, III, 7. Cf. HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t.
I, p. 432.
[51] S. ATHANASE, Sur les décrets de Nicée,
ch. XX ; P. G., t. XXV, col. 449 et s.
[52] II Corinthiens, V, 57,
58.
[53] II Corinthiens, VIII,
6.
[54] I Corinthiens, XI, 7,
[55] Joël, II, 23.
[56] Romains, VIII, 35.
[57] II Corinthiens, IV, 11.
[58] S. ATHANASE, Des synodes, LXI.
[59] S. AMBROISE, De fide, l. III, § 15.
[60] S. BASILE, Lettres, LII ; P.
G., t. XXXII, col. 392 et s.
[61] P. G., t. XX, col.
1541.
[62] Hist. générale de l'Eglise,
t. I.
[63] S. ATHANASE, Sur les décrets de Nicée,
XX ; Lettre à Sérapion, III, 5-6 ; Sur les synodes, 39, 42,
48-54.
[64] SOCRATE, H. E., l. I, ch. VIII
; P. G., t. LXVII, col. 60 et s.
[65] Saint Athanase attribue à
l'évêque de Cordoue une grande influence sur la rédaction du symbole. Discours
aux moines sur l'histoire des ariens, ch. XLIX ; P. G., t. XXV, col.
741 et s. ; mais saint Hilaire, de son côté, déclare que saint Athanase en fut
l'auteur (Fragmenta, l. II, c. XXXIII ; P. L., t. X, col. 658).
[66] S. BASILE, Lettre CCXLIV, P.
G., t. XXVII, col. 924. Cf. TILLEMONT, Mémoires, édit. de
1782, t. VI, p. 280.
[67] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t.
I, p. 443-446.
[68] Le symbole et l'anathème nous
ont été conservés par Eusèbe, Socrate, Gélase de Cyzique et d'autres encore ; P.
G., t. XX, col. 1540 ; t. LXVII, col. 60 et s. ; MANSI, t. II, col. 916. Nous verrons
plus tard les additions successivement apportées à ce symbole et qui lui ont
donné la forme sous laquelle l'Eglise le fait aujourd'hui réciter dans la
cérémonie de la sainte Messe.
[69] PHILOSTORGE, Supplem., P. G., t. LXV, col. 624.
[70] PHILOSTORGE, Supplem., P. G., t. LXV, col. 624.
[71] SOCRATE, H. E., 1. I, ch. IX ; P. G., t. LXVII, col. 88.
[72] PHILOSTORGE, Supplém., P. G., t. LXV, col. 624.
[73] La lettre de Constantin
prescrivant cette mesure est d'une authenticité contestable. Cf. HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t.
I, p. 450.
[74] Voir la discussion de cette
date dans HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t.
I, p. 494-495.
[75] Ne pas confondre ce schisme
mélécien avec un autre schisme mélécien qui éclata à Antioche un demi-siècle
plus tard.
[76] Voir à l'appui de cette
opinion les documents présentés et discutés par Héfélé. (HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t.
I, p. 488-500.)
[77] S. ATHANASE, Apologie contre les ariens,
ch. LXXII ; P. G., t. XXV, col. 377.
[78] SOCRATE, H. E., 1. I, ch. IX ; THÉODORET, H. E., l. I, ch. VIII.
[79] Il ne faut pas le confondre
avec l'évêque du même nom, qui, au concile de Nicée, se fit le défenseur du
mariage des prêtres.
[80] Hist. générale de l'Eglise,
t. I.
[81] EUSÈBE, Vie de Constantin, l.
III, ch. V ; P. G., t. XX, col. 1057 ; S. EPIPHANE, Hérésies, LXX, n. 14, P.
G., t. XLII, col. 369.
[82] On n'a longtemps possédé, sur
cette question, qu'une lettre du concile à l'Eglise d'Alexandrie, reproduite
par SOCRATE,
H. E., l. I, ch. IX ; P. G., t. LXVII, col. 77 et s. Mais le
texte même du décret a été retrouvé dans un ouvrage connu sous le nom de Livre
des cinquante titres, dont on possède deux manuscrits ; l'un, provenant du
Mont-Athos, est aujourd'hui à la Bibliothèque nationale de Paris ; l'autre
appartient à la Bibliothèque du Vatican. Le cardinal Pitra a publié le
manuscrit de la Bibliothèque nationale dans son Spicilegium Solesmense,
t. IV, p. 541. On voit par là que la règle la plus traditionnelle sur cette
question purement disciplinaire de la date de Pâques, est que l'Eglise doit
célébrer cette fête avec unanimité, le même jour. Pourvu que ce soit Rome qui
indique cette date, même en modifiant l'usage établi quand il y a lieu, et que
les fidèles du monde entier s'y conforment avec unité, le désir du concile de
Nicée restera réalisé. C'est bien dans ce sens qu'est conçue et que doit être
comprise une importante lettre du cardinal Rampolla, secrétaire d'Etat de Léon
XIII, adressée au P. Tondini le 6 mai 1897 et insérée dans la Revue des
Questions actuelles, t. XXXV, p. 248-352.
[83] EUSÈBE, Vie de Constantin, l.
III, ch. XVIII-XX ; P. G., t. XX, col. 1073-1080.
[84] S. EPIPHANE, Hérésies, L, P. G.,
t. XL, col. 880.
[85] S. Ephrem l'appelle Udo, nom
qui en syriaque signifie chouette. S. EPHREM, Sermon XXIV, édit.
Assemani, in-fol., Rome, 1740, t. II, p. 493-494.
[86] S. EPIPHANE, Hérésies, LXX, P.
G., t. XLII, col. 339 et s. Cf. HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t.
479-488.
[87] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t.
I, p. 519.
[88] MANSI, Concil. ampliss. collectio.,
t. II, col. 668 et s.
[89] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des conciles, t.
I, p. 528-620.
[90] Socrate, Sozomène et Gélase
rapportent que les Pères de Nicée voulurent, comme ceux d'Elvire (can. 33),
porter une loi sur le célibat. Cette loi devait défendre à tous les évêques,
prêtres et diacres, qui étaient mariés avant leur ordination, de continuer à
vivre avec leurs femmes. Mais un homme très remarquable, Paphnuce, évêque de la
Haute-Egypte, fit remarquer qu'on ne devait pas imposer aux clercs un joug trop
rude, qu'une interdiction absolue pourrait mettre en péril la vertu de l'épouse
du clerc, laquelle serait tentée de chercher d'une manière coupable des
satisfactions auxquelles elle avait pu légitimement prétendre jusque-là. Le
discours de Paphnuce fit d'autant plus d'impression, dit-on, que celui qui le prononçait
avait toujours vécu dans la continence la plus austère. Des blessures reçues
pour la foi le rendaient vénérable à tous. Constantin, plein de respect pour
lui, avait baisé plusieurs fois la cicatrice de l'œil qu'il avait perdu pendant
la persécution de Maximin. Les Pères de Nicée, ayant pris en considération ces
graves paroles, auraient renoncé à leur projet, et se seraient contentés de la
formule vague de l'article 3, dont l'esprit était évidemment de recommander la
continence, mais sans nommer la femme du clerc, et en se contentant d'éloigner
de lui les femmes susceptibles de donner lieu à un mauvais soupçon. Le discours
mis dans la bouche de Paphnuce s'accorde très bien avec la pratique du célibat
dans l'Eglise grecque. L'Eglise latine avait nettement adopté déjà la pratique
proposée. On n'osa pas l'étendre encore à l'Eglise universelle. Mais l'esprit
de l'Eglise était bien clair ; et rien n'est plus significatif que cette
rédaction de l'article 3, si conforme à l'esprit de continence, de la part
d'une assemblée d'évêques pour la plupart orientaux. Thomassin a même prétendu,
en s'appuyant sur des textes de saint Epiphane, de saint Jérôme, d'Eusèbe et de
saint Jean Chrysostome, que l'article 3 avait été interprété pratiquement, même
en Orient, dans le sens de l'abandon par les clercs mariés de tout commerce
avec leurs femmes (Anc. et nouv. disc., p. I, l. II, ch. LX, n. 15 et
s.) ; cette interprétation est difficilement conciliable avec les textes des 5e
et 25e Canons apostoliques, du 4e canon du concile de Gangres et du 13e canon
du concile in Trullo.
[91] A. DE BROGLIE, l'Église et l'empire
romain au IVe siècle, t. II, 55.
[92] Hist. générale de l'Eglise,
t. I.
[93] Telle est la traduction
proposée par Dom Leclercq, en s'aidant des manuscrits syriaques et coptes,
rapprochés des textes grecs. Hist. des conciles, I, 554, note.
[94] Hist. des conciles, I,
554, note.
[95] EUSÈBE, Vie de Constantin, l.
III, ch. XV ; P. G., t. XX. col. 1072-1073.
[96] THÉODORET, H. E., l. I, ch. XI ; SOCRATE, H. E., l. I, ch. XI.
[97] EUSÈBE, Vie de Constantin, l. IV, ch. XXIV ; P. G., t. XX, col. 1172. Eusèbe place ce mot dans la bouche de Constantin au moment où il offrait un repas à des évêques, sans indiquer la date. On a conjecturé avec la plus grande vraisemblance que le propos fut tenu pendant ce grand festin de Nicée. C'est bien ce jour-là que le grand empereur a dû être tenté de se glorifier de ce titre d'évêque du dehors.