Les origines du schisme donatiste remontent à la persécution de Dioclétien. Peu de querelles sont nées d'un motif plus étroit : on n'y rencontre rien de ces grandes controverses dogmatiques qui avaient passionné l'Orient ; il n'en est point qui ait troublé l'Eglise d'une manière plus profonde, plus étendue et plus durable. Le schisme de Donat est l'exemple le plus frappant du grossissement que peut donner la passion à la plus futile des rancunes personnelles. Au fond, le schisme donatiste n'est que l'explosion d'un conflit, couvant depuis le temps de Tertullien, et éclatant, soixante-dix ans après sa mort, entre l'esprit d'intransigeance qui régnait dans les Eglises d'Afrique et l'esprit de sagesse et de modération que tâchait de maintenir partout l'Eglise de Rome. I Sur le sol africain, le christianisme avait toujours gardé quelque empreinte de la rudesse punique. Sur une terre de sable et de feu, vivait une population riche, ardente, également passionnée pour ses convictions et pour ses plaisirs. La foi même y prenait un aspect farouche et une fougue impétueuse. C'était la patrie de Tertullien. Les semences de sa doctrine étaient toujours prêtes à lever sur ce sol. Comme Tertullien, les chrétiens d'Afrique se montraient volontiers provocants jusqu'à la témérité à l'égard des magistrats romains, et sans pitié pour leurs frères timides dont la foi défaillait dans les supplices. Saint Cyprien, leur grand évêque, s'était cru obligé de leur donner l'exemple d'une retraite prudente pendant la persécution, et il avait ensuite écrit un livre entier, le traité De lapsis, pour leur apprendre à garder un juste tempérament entre la rigueur outrée et la miséricorde excessive[1]. Pendant la persécution de Dioclétien, un certain nombre de chrétiens s'étaient présentés, avec des allures de provocateurs, devant le proconsul romain, déclarant posséder les Ecritures sacrées que l'édit impérial ordonnait de livrer, et protestant qu'ils ne s'en dessaisiraient jamais. On disait bien que plusieurs d'entre eux, après ces bruyantes manifestations publiques, avaient secrètement livré les Ecritures en question, et cela seul expliquait qu'ils eussent été laissés en liberté par les magistrats[2]. Dans ce cas, la faute était double. L'évêque de Carthage, Mensurius, homme grave et digne, protesta contre ces attitudes. Il déclara refuser le titre de martyr à tous ceux qui, ayant mené une vie licencieuse, affronteraient témérairement les supplices avant de s'être moralement amendés[3]. Lui-même, pendant la persécution, avait réussi à sauver à la fois sa vie et les livres saints par une ruse ingénieuse. Retirant de sa basilique tous les livres de religion, il les avait remplacés par des ouvrages hérétiques. Les agents les prirent sans s'apercevoir de rien. Plus tard, des décurions éventèrent le stratagème, et dénoncèrent l'évêque au proconsul ; mais celui-ci refusa d'autoriser une seconde perquisition dans la demeure de Mensurius. Peut-être craignit-il de se couvrir de ridicule en avouant qu'il avait été si habilement joué. Ainsi fut sauvée la bibliothèque de l'Eglise de Carthage, et c'est à cette habile manœuvre que nous devons sans doute d'avoir conservé tant d'actes authentiques des martyrs africains[4]. Mais les exaltés, et ces exploiteurs du martyre, dont parle l'évêque de Carthage, qui, couverts de crimes et perdus de dettes, se faisaient mettre en prison pour gagner l'estime des chrétiens naïfs, se faire entretenir par eux, et recommencer à faire de nouvelles dupes[5], ne pardonnaient pas à Mensurius de les avoir démasqués. Ce furent eux qui dénoncèrent l'évêque à leurs coreligionnaires, l'accusant de faiblesse et de trahison. Un évêque de Numidie, Donat des Cases-Noires, qui avait eu à se plaindre, on ne sait à quelle occasion, de Mensurius, se fit l'écho de ces récriminations. L'évêque de Carthage, disait-il, avait sans doute livré les saints livres, puisqu'on ne le poursuivait pas. Sinon, il avait commis un mensonge flagrant. En toute hypothèse, il s'était rendu coupable de grave forfaiture. Ce Donat, évêque des Cases-Noires, qui devait être, avant son homonyme, Donat de Carthage, le grand chef et l'âme du donatisme, était, sous les apparences d'un ami de l'ordre dans l'Eglise, un brouillon malfaisant, d'une implacable rigueur pour les autres, d'une scandaleuse indulgence pour lui-même. Il fut convaincu d'avoir, contrairement à toutes les règles, imposé les mains, pour la pénitence, ou pour la réordination, à des évêques qui avaient failli pendant la persécution[6]. La mort de Mensurius suivit de près, en 311, cette campagne, où tous les ressentiments personnels et toutes les ambitions privées de ses adversaires s'étaient déchaînés contre lui. Sa disparition aurait dû marquer la fin de la querelle ; elle fut le point de départ du schisme. Deux prêtres de Carthage, Botrus et Célestius, briguèrent sa succession. On apprit bientôt qu'ils étaient poussés par le parti de Donat. Mais ils furent déçus. Le choix des électeurs se porta sur le diacre Cécilien, le plus intime conseiller de Mensurius, L'évêque Félix d'Aptonge et deux autres prélats voisins de Carthage lui conférèrent l'ordination épiscopale. Cette élection eut pour résultat l'entrée en scène d'une certaine dame, nommée Lucile, d'origine espagnole, fort riche, et, disait-on, fort dévote. Elle était au moins fort mêlée aux choses d'Eglise, et non exempte de bizarreries dans sa piété. Le diacre Cécilien avait eu l'occasion de lui faire une observation publique, à propos d'une prétendue relique de martyr[7], qu'elle avait coutume de baiser avant de recevoir la sainte communion. Lucile en avait éprouvé une humiliation amère, et, par là même, à l'égard de Cécilien, un vif ressentiment, que l'élection du diacre à la dignité épiscopale exaspéra. Lucile devint l'âme de la résistance au nouvel évêque. Ses largesses gagnèrent à sa cause un certain nombre d'évêques numides. Le primat de Numidie lui-même, Secundus, se laissa entraîner dans le parti. On reprochait à Cécilien d'avoir participé aux crimes de Mensurius, d'être un traditeur. Son ordination d'ailleurs, ajoutait-on, était nulle, comme faite par un prélat indigne, Félix d'Aptonge, traditeur lui-même. L'accusation n'avait aucun fondement canonique, ni en droit ni en fait. Aucune loi ecclésiastique ne déclarait invalides les sacrements conférés par un pécheur, et rien ne prouvait que Cécilien ou Félix eussent jamais livré aux persécuteurs les livres saints. Un certain Ingentius apporta bien une fausse pièce pour soutenir cette accusation, mais il fut contraint d'avouer son crime[8]. Le plus piquant dans cette affaire, c'est que Secundus et ses amis avaient été convaincus, en 305, au synode de Cirta[9], d'avoir eux-mêmes livré les saintes Ecritures, et que, dans ce même synode, ils avaient, malgré les protestations des citoyens les 'plus notables, sacré évêque de cette ville un certain Silvain, également convaincu d'avoir livré les saints livres[10]. Ils ne protestaient que plus bruyamment, au nom du courage et de la loyauté. Parfois cependant, à bout d'arguments prétendus juridiques, ils s'oubliaient en paroles brutales. Comme ils s'étaient réunis, au nombre de soixante-dix, à Carthage, et avaient cité Cécilien à leur barre, l'évêque, déclinant la juridiction de ce conciliabule, leur fit répondre simplement que, s'il avait été irrégulièrement ordonné, ils n'avaient qu'à réparer eux-mêmes ce vice de forme par une consécration nouvelle. Qu'il vienne, s'écria l'un d'eux, et au lieu de lui imposer les mains pour le consacrer, on lui cassera la tête pour pénitence[11]. Sans s'inquiéter de la légalité de leur procédé, les farouches Numides proclamèrent la déposition de Cécilien et élurent à sa place un lecteur, familier et commensal de Lucile, Majorin. Lucile avait promis à chacun des électeurs une forte somme d'argent, qui leur fut remise aussitôt[12]. Ceci se passait à la fin de l'année 312[13]. Le conciliabule adressa une circulaire à toutes les Eglises d'Afrique, racontant à sa façon les événements. Carthage étant en quelque sorte le siège patriarcal de l'Afrique[14], toutes les provinces africaines furent impliquées dans le conflit. Dans presque toutes les villes, il se forma deux partis ; dans beaucoup de cités, il y eut deux évêques, un cécilianiste et un majorinien. Le parti dissident conservait pourtant le nom de donatiste, l'influence de Donat restant, malgré tout, plus grande que celle de Majorin. En dehors de l'Afrique, Cécilien était considéré partout comme l'évêque légitime[15]. II Sur ces entrefaites, intervint l'édit de Milan. Constantin commençait à prendre quelques dispositions relatives à la libre administration temporelle de l'Eglise. Un de ses premiers actes fut de se mettre en rapport avec Cécilien. Il lui écrivit, pour lui faire parvenir une forte somme d'argent destinée à ses prêtres, et ajouta qu'il avait appris que quelques têtes inquiètes cherchaient à troubler l'Eglise, mais qu'il avait chargé les magistrats de rétablir l'ordre, et que Cécilien n'avait qu'à s'adresser à eux pour faire punir les agitateurs[16]. Dans une autre lettre, adressée au proconsul d'Afrique Anulinus, il exempta de toutes les charges publiques les ecclésiastiques de l'Eglise catholique de Carthage à la tête de laquelle se trouve Cécilien[17]. Le sens droit de l'empereur lui avait-il dicté cette ferme attitude ? Lui fut-elle inspirée par le sage prélat qui était alors son conseiller ? Tout ce que nous savons, c'est que le grand évêque de Cordoue, Osius, était, dès cette époque, à la cour de Constantin[18]. Osius de Cordoue, dont la haute personnalité devait représenter pendant plus d'un demi-siècle l'Eglise d'Espagne et exercer une influence souvent décisive sur la politique religieuse de Constantin, était né en Espagne, probablement à Cordoue, vers 256. Il avait été élevé, en 295, au siège épiscopal de Cordoue, qu'il devait occuper pendant soixante ans. La fermeté de sa foi et la pureté de ses mœurs lui avaient acquis de bonne heure la confiance universelle de ses compatriotes. On admirait, dit Sozomène, sa sagesse et ses lumières en toutes choses[19]. Le feu de la persécution trempa son caractère. Victime de la tyrannie de Maximien Hercule, il avait affronté la torture avec un courage inébranlable et pouvait montrer plus tard sur son corps, à ses collègues réunis à Nicée, les cicatrices de ses blessures. Dès son avènement au trône, Constantin, désireux de s'entourer d'hommes prudents et avisés, l'appela à sa cour et lui témoigna la plus grande estime. Tout nous porte donc à supposer qu'Osius eut une part décisive, quoique discrète, dans la politique de l'empereur à l'égard de la secte donatiste. Mais les adversaires de Cécilien s'agitaient de leur côté[20]. Au mois d'avril 313, le proconsul d'Afrique fut abordé dans la rue par un groupe de partisans de Majorin, auxquels s'était jointe une foule excitée. Ils lui remirent deux lettres. Le titre de la première, que saint Augustin nous a conservée, suffisait pour en faire connaître la teneur : Griefs de l'Eglise catholique contre Cécilien[21]. La seconde priait l'empereur, vu la division des évêques d'Afrique, d'envoyer de la Gaule des juges pour décider entre les donatistes et Cécilien. Cette dernière lettre, que nous a transmise saint Optat de Milève, était signée par Lucien, Dignus, Nasutius, Capito, Fidentius et autres évêques du parti de Majorin[22]. Constantin s'empressa de désigner trois évêques des Gaules pour juger le différend : Materne, évêque de Cologne, Rétice, évêque d'Autun, et Marin, évêque d'Arles. Il leur communiqua toutes les pièces transmises par Anulinus et les pria de se rendre à Rome, où Cécilien allait être mandé, avec dix évêques de son parti et dix du parti contraire. Le pontife romain était alors MILTIADE ou Melchiade, que le Liber pontificalis nous
donne comme originaire d'Afrique. Il avait succédé en 310 à saint Eusèbe.
Saint Augustin le qualifie de pontife excellent[23]. Il avait
jusque-là lutté avec zèle pour garantir ses fidèles contre l'influence du
paganisme et avait l'œil ouvert sur les périls dont l'Eglise était menacée
par la secte donatiste. Constantin lui écrivit la lettre suivante : Plusieurs pièces m'ont été remises par le très illustre
Anulinus, proconsul d'Afrique, desquelles il résulte que Cécilien, évêque de
Carthage, est accusé sur plusieurs chefs par ses collègues d'Afrique. Il
m'est très pénible que, dans cette province, que la Providence divine a
spontanément confiée à mes soins pieux, et qui contient une grande multitude
d'hommes, le peuple soit ainsi engagé dans une division funeste et que les
évêques ne puissent s'accorder... Que votre
gravité donc, après avoir lu les pièces, décide de quelle manière il
conviendra de terminer, conformément à la justice, la controverse dont je
viens de parler ; car il ne vous échappera pas que je porte un tel respect à
la régulière et légitime Eglise catholique, que je ne voudrais voir subsister
entre vous ni schisme ni division[24]. Miltiade invita quinze évêques italiens à se joindre aux trois évêques des Gaules. Le concile s'ouvrit, le 2 octobre 313, sous la présidence du pape, au palais impérial de Latran. Ce superbe édifice, autrefois confisqué, dit-on, par Néron à la riche famille des Laterani, pour la punir d'avoir pris part à un complot contre la vie de l'empereur, avait été mis par l'impératrice Fausta, femme de Constantin, à la disposition du chef de l'Eglise catholique. Il devait depuis lors, jusqu'à sa destruction par un incendie en 1308, servir de résidence habituelle aux papes[25]. L'assemblée qui s'y ouvrit alors était le premier concile officiellement convoqué et personnellement présidé par un pape, à la demande du pouvoir civil, pour juger de questions intéressant l'Eglise universelle. La colline du Latran, où elle se tenait, sous les auspices d'un empereur romain, était à deux pas du mont Palatin, en regard du Capitole, au-dessus du Forum. Au milieu de ces splendides souvenirs de la Rome païenne, la Rome chrétienne était enfin admise à faire entendre officiellement sa voix solennelle. Les conférences durèrent trois jours. Elles furent empreintes d'un calme et d'une gravité qui contrastaient avec les scènes tumultueuses qui y avaient donné lieu. On commença par écarter tous les accusateurs de mauvaise réputation dûment constatée[26]. On déclara également non recevables tous témoignages qui ne tendraient qu'à relater des rixes, des voies de fait ou des émeutes populaires. Une enquête commencée au sujet du conciliabule de Carthage, où, l'année précédente, soixante-dix évêques avaient condamné Cécilien, fut bientôt interrompue, comme devant mener trop loin. Il s'agissait tout d'abord de trancher la question capitale : avait-on, oui ou non contre la conduite de Cécilien, évêque de Carthage, et contre la validité de son ordination, des griefs sérieux et juridiquement prouvés ? La netteté et la fermeté avec lesquelles les débats furent dirigés par Miltiade déconcertèrent Donat et ses partisans, qui avaient compté sur le tumulte des discussions, plutôt que sur la légitimité de leur cause, pour faire prévaloir leurs prétentions. Sommés de produire contre Cécilien des témoins dignes de foi ou des documents authentiques, ils se virent dans l'impossibilité d'en présenter un seul. Par coutre, Donat fut convaincu d'avoir, alors même que Cécilien n'était encore que diacre, semé des divisions dans Carthage, baptisé des fidèles déjà baptisés et réordonné des évêques coupables de tradition. Le troisième jour, la cause parut suffisamment entendue. Cécilien fut déclaré innocent, et Donat condamné d'après ses propres aveux. Dans un désir de pacification, le concile ne prononça pas de jugement sur les autres évêques du parti donatiste. Il déclara, au contraire, que, s'ils voulaient rester dans l'unité de l'Eglise, ils pourraient conserver leurs sièges ; que, dans toutes les villes où se trouvaient un évêque cécilianiste et un évêque donatiste, le plus ancien par l'ordination resterait à la tête de l'Eglise, tandis que le plus jeune serait préposé au gouvernement d'un autre diocèse. Cette décision fut proclamée par le président du concile, l'évêque de Rome, et communiquée à l'empereur[27]. III Ce jugement, où la justice se tempérait de tant d'indulgence, ne satisfit point des hommes qui poursuivaient, non point le triomphe du droit, mais celui d'un parti. L'affaire, disaient-ils, avait été mal jugée. Il ne s'agissait point de savoir si Cécilien était un homme honorable, mais si son ordination avait été faite par un évêque indigne. Félix d'Aptonge était-il, oui ou non, coupable d'avoir livré aux magistrats les livres saints ? Par un procédé que nous verrons souvent renouvelé par les sectes hérétiques et schismatiques dans l'histoire de l'Eglise, ces rigides observateurs de la discipline ecclésiastique en appelèrent au pouvoir civil de la décision conciliaire qu'ils avaient eux-mêmes réclamée. Ils s'adressèrent une fois de plus à l'empereur, lui demandant de trancher la question par lui-même. L'empereur se laissa ébranler par ces plaintes, et plus encore par les renseignements que ses fonctionnaires lui transmettaient sur la situation de l'Afrique. La division y était plus grande que jamais. Aucun des évêques, des prêtres donatistes n'avait consenti à reculer devant son compétiteur. Les gens de Majorin, comme naguère ceux de Mélèce, appelaient leur Eglise l'Eglise des martyrs, qu'ils opposaient à l'Eglise des traditeurs. Les compétitions religieuses dégénéraient parfois en rixes sanglantes. Du sanctuaire, la lutte passait dans la rue. Il parut à Constantin que l'ordre public était intéressé à une solution prompte. De quoi s'agissait-il, après tout ? D'une question de fait, et non de dogme. Les magistrats impériaux, pensa-t-il, avaient compétence pour instrumenter. Il ordonna au proconsul Ælianus, successeur d'Anulinus, de faire une enquête sur le cas de Félix d'Aptonge. Ce fut assurément, dit le
duc de Broglie, un spectacle fort singulier et très
significatif pour tout le monde, que cet examen d'un évêque par un magistrat
pour un fait tout religieux, que l'Eglise seule pouvait apprécier, et qui, la
veille encore, était non seulement permis, mais commandé par la loi civile.
Il s'agissait de savoir si, pendant la persécution, l'évêque Félix avait eu
le tort d'obéir à l'édit impérial, et de se rendre aux menaces des
magistrats. La soumission lui était imputée à crime devant le tribunal même
où naguère on l'exigeait par violence. Rien ne pouvait mieux attester la
victoire complète de l'Eglise sur l'impuissance déclarée de 1'Etat.
L'autorité civile se chargeait de déclarer elle-même qu'on avait bien fait de
lui tenir tête, et les faisceaux ne se dressaient que pour s'incliner devant
la croix. Pour que rien ne manquât à ce piquant et profond contraste, des
officiers de la force publique furent cités et témoignèrent à l'honneur de
Félix qu'il avait eu le courage de leur résister. Alphée, édile d'Aptonge,
attesta sous serment que, quand il s'était présenté, dix ans avant, à
l'église des chrétiens, Félix était absent, et qu'on ne lui avait livré que
des lettres insignifiantes[28]. Son contradicteur, le donatiste Ingentius, n'échappa à
la torture que parce que sa qualité de décurion le préservait de tout
supplice infamant[29]. Félix, traité à son tour comme Cécilien, fut déchargé
solennellement du crime d'avoir brûlé les livres divins, instrumenta
deifica. La sentence était datée du 15 février 314[30]. Condamnés par les deux autorités suprêmes qu'ils avaient invoquées, il semble que les donatistes auraient dû se soumettre, ou du moins que l'empereur n'avait plus qu'à poursuivre par la force l'exécution de la sentence portée par sa propre autorité. Constantin recula devant une pareille ingérence de sa part dans une question d'ordre essentiellement religieux. Il décida que la controverse serait définitivement résolue dans une grande assemblée de la catholicité, et il convoqua les évêques de son empire, pour le ter août 314, dans la ville d'Arles. Arles, vieille cité gauloise, rivale de Marseille par son
commerce, embellie par Marius et par Auguste, ravagée par Chrocus en 260,
mais magnifiquement restaurée par Constantin, méritait déjà le nom de Rome
des Gaules. Desservie par la voie Aurélienne, qui la mettait en communication
avec Milan et Rome, par la voie Domitienne, qui se dirigeait vers l'Espagne,
et par le Rhône, qui lui amenait les hommes et les produits de la Germanie,
elle était bien, suivant l'expression d'un empereur romain, la cité que la mer Méditerranée et le Rhône semblaient
s'être choisie pour en faire le rendez-vous des nations qui habitent sur les
côtes et sur les rives qu'elles baignent[31]. Constantin, qui
l'aimait entre toutes les villes, et qui, pendant son séjour en Gaule en
avait fait le siège de sa résidence impériale[32], fut bien
inspiré en la choisissant pour y convoquer en concile tous les évêques de
l'empire romain. Il ne put se rendre lui-même à l'assemblée. Au moment où le concile se réunit, au mois d'août 314[33], Constantin était en Thrace à la tête de son armée. Mais il avait tout disposé d'avance dans les moindres détails. Voulant cette fois que le concile fût très nombreux, il avait fait venir les prélats de tous les points de son empire, les défrayant de tout sur la route. Ce fut là ce qu'on appela le bienfait des voitures publiques, qui devait tenir une grande place dans les conciles de ce siècle et devenir un puissant et parfois dangereux moyen d'action de l'autorité laïque sur l'Eglise. Il avait réglé lui-même la suite de chaque évêque, qui devait se composer de deux prêtres et de trois hommes de service[34]. Les évêques schismatiques avaient, comme les autres, part à ces largesses. Grâce à ces facilités, les évêques accoururent, en effet, des villes les plus éloignées, depuis Lérida et Capoue jusqu'à Trèves et Cologne[35]. La plus grande partie de l'Eglise occidentale fut donc
représentée à Arles. Nous pouvons considérer
l'assemblée d'Arles, dit Héfélé, comme un
concile général de l'Occident ou du patriarcat romain ; il ne peut cependant
passer pour un concile œcuménique, par ce seul motif que les autres
patriarcats n'y prirent point part, n'y furent pas invités, et que notamment
l'Orient, comme le dit saint Augustin, ignora complètement la controverse
donatiste[36]. Nous n'avons aucun document sur la tenue même de l'assemblée. Les vingt-deux canons du concile et l'épître synodale adressée au pape pour lui rendre compte du résultat des délibérations, sont les seules pièces sur lesquelles nous pouvons édifier des conjectures. Marin, évêque d'Ailes, parait avoir eu la présidence ; du moins son nom se trouve le premier dans la lettre du synode. Il semble aussi que l'attitude des évêques donatistes au milieu de l'assemblée ait produit sur la majorité des prélats la plus fâcheuse impression. Ils durent y paraître avec des allures et des paroles de forcenés[37]. Ils furent éconduits ou condamnés à cause de leur impudence[38]. La question de principe fut ensuite réglée par le décret suivant : Quiconque aura livré les saintes Ecritures ou les vases sacrés ou les noms de ses frères, doit être écarté du clergé, à condition toutefois que les faits soient établis par des documents officiels[39] et non par de simples rumeurs. Si quelqu'un d'eux a fait des ordinations et qu'il n'y ait rien à reprocher à ceux qu'il a ordonnés, l'ordination ainsi conférée ne peut nuire à celui qui l'a reçue. Comme il y a des gens qui, contre la règle ecclésiastique, prétendent être admis à accuser en s'autorisant de témoins subornés, il ne faut pas les admettre, à moins, comme il a été dit, qu'ils n'allèguent des documents officiels[40]. Rien n'était plus sage. Il fallait en finir avec les accusations dont, un peu partout, le clergé était menacé par les mécontents, punir les coupables avérés, assurer la paix aux innocents, et passer condamnation sur les cas douteux[41]. Mais rien n'eut raison de l'obstination des donatistes. En vain le pape envoya-t-il en Afrique deux évêques, Eunomius et Olympius, pour y signifier à tous que le parti de Cécilien, pour lequel s'était prononcé le concile, devait seul être considéré comme catholique. Les deux évêques entrèrent en communion avec le clergé de Cécilien à Carthage, mais les donatistes s'efforcèrent d'entraver leur mission par tous les moyens. L'empereur intervint à son tour. Il manda les chefs des deux partis. Majorin venait de mourir[42], et il avait été aussitôt remplacé par un prêtre portant, comme le premier instigateur du schisme, le nom de Donat. Ce nouveau chef du donatisme est connu sous le nom de Donat de Carthage ou de Donat le Grand. C'était un homme d'une réelle valeur, de mœurs intègres et d'une tenue digne d'un meilleur rôle. Il avait l'esprit cultivé ; il était érudit et parlait avec éloquence ; il s'imposa à tout son parti par son habileté, son action incessante et son infatigable énergie. Malheureusement il était infatué de lui-même et d'un orgueil démesuré[43]. Il devait être le véritable organisateur du schisme et lancer l'Eglise d'Afrique, pour plus de trois siècles, dans la pire des aventures. Un débat contradictoire entre les deux évêques eut lieu en présence de l'empereur. Constantin se prononça pour Cécilien et communiqua sa sentence au vicaire d'Afrique, Eumelius. A la réception de cette sentence, mais surtout, paraît-il, sous l'influence des deux évêques envoyés par le pape, Eunomius et Olympius, qui, abreuvés d'injures, poursuivaient en Afrique leur mission pacificatrice, un certain nombre de prélats donatistes se soumirent. Saint Augustin a noté avec soin l'argument principal qui détermina leur conversion, et qu'il devait développer lui-même avec éloquence. Ils se dirent que ceux-là seuls devaient être catholiques qui se trouvaient en accord avec l'Eglise répandue dans le monde entier ; or, c'était le cas du seul parti de Cécilien[44]. Mais la masse resta dominée par Donat. L'empereur donna ordre de s'emparer par la force des églises occupées par les donatistes. Le sang fut versé[45]. L'Eglise des martyrs se donna de plus en plus ce titre. Elle le fit valoir auprès des populations d'Afrique, toujours prêtes à s'exalter. Le schisme se propagea d'un bout à l'autre de l'Afrique romaine... En Numidie, presque tout le monde était donatiste. Les catholiques y eurent la vie fort dure. On leur faisait sentir l'inanité de la protection officielle. Avec eux, on ne voulait avoir aucun rapport, non seulement au point de vue religieux, mais même dans la vie ordinaire. Quoi de commun, disait-on, entre les fils des martyrs et les sectateurs des traîtres[46]. L'empereur eut recours alors aux mesures de douceur, recommanda la patience à ses magistrats, l'oubli des injures aux évêques[47]. Mais les donatistes profitèrent de la tolérance dont ils jouirent, pour s'agiter bruyamment, s'emparer des églises des catholiques, et terroriser les populations. Il allait falloir trois siècles pour éteindre le foyer du schisme africain[48]. IV Le péril pressant du donatisme n'avait pas détourné les Pères du concile d'Arles d'autres questions importantes, qui troublaient encore les fidèles et pouvaient y provoquer des divisions regrettables. Ils ne voulurent pas se séparer sans avoir résolu la controverse pascale, la question du baptême des hérétiques, et sans avoir porté certaines prescriptions disciplinaires. Pour ce qui concerne la question pascale, le concile demande que la fête de Pâques soit célébrée dans le même temps et au même jour dans le monde entier. La pensée des Pères est évidemment de faire prédominer partout le comput romain[49]. Le concile de Nicée sera obligé de revenir sur ce point pour y apporter de nouvelles précisions. Sur le baptême conféré par les hérétiques, le concile déclare qu'il doit être considéré comme valide, pourvu qu'il ait été administré au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit[50], la validité des sacrements ne pouvant dépendre du degré de foi ou de vertu du ministre qui les confère. Les deuxième et vingt-unième canons concernent les clercs qui abandonnaient l'Eglise où ils avaient été ordonnés. L'inconsistance de plusieurs ecclésiastiques à cet égard avait amené un certain désordre dans l'Eglise. Les persécutions avaient été les premières occasions de cet abus ; les honneurs qu'on avait coutume de rendre aux clercs étrangers en furent une autre occasion, moins avouable que la première. Les Pères d'Arles décident que les ecclésiastiques infidèles à leur première Eglise seront dépouillés d'une dignité qu'ils n'ont reçue que pour elle ; ils portent contre eux la peine de la déposition[51]. Le troisième canon, à cause des variantes des manuscrits,
a donné lieu à des interprétations différentes. Qui
arma projiciunt in pace (in bello ?),
placuit abstineri eos a communicatione. Le concile porte-t-il
l'excommunication contre ceux qui jettent les armes
durant le combat, ou contre ceux qui, en temps
de paix, se servent d'armes meurtrières, par exemple dans des combats
de gladiateurs ? Dom Cellier et Héfélé ont proposé une autre explication, qui
serre de moins près la construction grammaticale, mais que les circonstances
politiques suggèrent plus naturellement. Le sens serait celui-ci : On a pu
naguère, en temps de persécution, excuser les chrétiens qui se dérobaient,
par scrupule religieux, au service des armes ; mais maintenant que l'Eglise
jouit de la paix, se soustraire au service militaire est un crime digne de
l'excommunication. Les canons 4 et 5 séparent également de l'Eglise ceux qui font profession de divertir le peuple par des spectacles. Les canons 6 et 7 rappellent des prescriptions du concile d'Elvire facilitant l'initiation au catéchuménat pour les malades, et posant les conditions auxquelles les magistrats en fonctions pouvaient participer aux sacrements. D'autres canons renouvellent et complètent les décisions du même concile à propos du mariage et de l'usure. Le quinzième canon prohibe l'incroyable abus commis par certains diacres, qui s'étaient arrogé le droit, pendant les persécutions, de célébrer le saint sacrifice là où il n'y avait ni évêque ni prêtre. Les derniers canons ont trait à divers conflits de juridiction qui peuvent s'élever entre ecclésiastiques. Les Pères du concile d'Arles se servirent de la formule : Placuit ergo, præsente Spiritu Sancto et angelis ejus. Il nous a paru bon, en présence du Saint-Esprit et de ses anges. Ils prièrent le pape, comme ayant une autorité plus étendue que la leur, de publier leurs décrets. Ils lui écrivirent, avant de clore leurs sessions, la lettre suivante : Plût au ciel, ô Père très cher, que vous eussiez assisté à ce grand spectacle ! Vous eussiez fait, en quelque sorte, qu'une sentence plus sévère fût portée contre les criminels. Si vous eussiez jugé de concert avec nous, toute notre assemblée eût été transportée d'une grande joie. Mais puisque vous ne pouviez quitter cette ville, domicile préféré des apôtres, et où leur sang atteste sans relâche la gloire de Dieu, nous vous dirons que nous n'avons pas cru seulement devoir traiter les points pour lesquels nous étions appelés ; mais, comme nous venions de provinces diverses, nous avons cru devoir nous consulter sur beaucoup de choses différentes qu'il nous couve nait de faire observer. Il nous a donc semblé bon, en présence de l'Esprit-Saint et de ses anges, de régler diverses choses qui touchent à la paix présente ; et il nous a paru convenable que ce fût vous, dont l'autorité est plus étendue, qui fissiez connaître nos décisions[52]. V Le siège de Rome était alors occupé par SYLVESTRE Ier. La notice consacrée à ce pape
par le Liber pontificalis se distingue des précédentes par une
longueur inusitée. Les documents abondent sur les faits de sa vie privée et
de sa vie publique. Les grands événements auxquels Sylvestre fut mêlé,
l'action personnelle qu'il paraît avoir exercée sur l'empereur Constantin,
les rapides et brillants développements que prit l'Eglise entière sous son
pontificat, ont attiré sur sa personne l'attention des historiens, des
hagiographes et des apologistes. Malheureusement ceux-ci ont trop souvent
accepté sans discernement des récits légendaires, qu'il est très difficile
aujourd'hui de distinguer de la véritable histoire. L'imagination
populaire, écrit le cardinal Hergenröther, inventa
de multiples relations entre le premier empereur chrétien et le pontife qui
gouvernait l'Eglise de son temps[53]. On se plut à
rapporter à son pontificat bien des faits postérieurs, dont on ne pouvait
fixer la date exacte ; on les dramatisa et on les embellit. Une telle
littérature ne s'épanouit qu'autour dcs grands hommes ; mais le détail de
leur vie en est souvent obscurci. Laissant donc à des études plus spéciales
l'examen critique des récits plus ou moins légendaires faits sur le
pontificat de Sylvestre Ier[54], contentons-nous
ici de transcrire le début de la notice officielle rédigée au VIe siècle sur
ce pape : Sylvestre, romain d'origine, eut pour père
Rufin. Il siégea vingt et un ans dix mois et douze jours, depuis les calendes
de février du consulat de Volusianus et Anianus (314), jusqu'aux
calendes de janvier du consulat de Constantin et Albinus (335)[55]. Grande fut la joie du pontife en recevant communication des actes du concile d'Arles. Les grandes questions susceptibles de troubler la paix de l'Occident étaient enfin éclaircies et tranchées. Presque en même temps, les évêques orientaux tenaient, de leur côté, un concile dans la ville d'Ancyre, aujourd'hui Angora. Si l'Orient avait été préservé du schisme donatiste, la question des lapsi et la question pénitentielle y avaient beaucoup agité les esprits. Là, d'ailleurs, comme en Occident, il devenait urgent de régler plusieurs points douteux de discipline. Le concile se réunit en 314[56], aux environs de la Pentecôte, dans la capitale de la Galatie. Dans les listes qui nous sont données des évêques qui prirent part à cette assemblée, se trouvent les noms de Vitalis d'Antioche, Basile d'Amasie, Eustathe de Nicomédie, Léontius de Césarée en Cappadoce, Marcel d'Ancyre, depuis si fameux dans la controverse arienne. Plusieurs d'entre eux assistèrent, onze ans après, au premier concile œcuménique de Nicée. Ils appartenaient, dit Héfélé, à des provinces si diverses de l'Asie Mineure et de la Syrie, qu'on peut appeler le concile d'Ancyre, dans le même sens que celui d'Arles, un concile plénier, c'est-à-dire un concile général des Eglises de l'Asie Mineure et de la Syrie. De ce que Vitalis d'Antioche est le premier nommé, et de ce qu'Antioche était le siège le plus considérable de ceux qui étaient représentés à Ancyre, on en conclut ordinairement que Vitalis présida l'assemblée[57]. Des vingt-cinq canons authentiques du concile d'Ancyre, neuf se rapportent aux lapsi, c'est-à-dire aux chrétiens tombés pendant la persécution[58] ; dix ont trait à la pénitence encourue pour certains péchés graves[59] ; six ont pour objet différents points de discipline et de juridiction ecclésiastique[60]. Les neuf premiers canons ont une grande importance pour l'histoire ecclésiastique. Ils fournissent des renseignements très précis sur l'existence et la réglementation de la pénitence canonique à l'époque des persécutions. Nous y voyons apparaître les diverses classes de pénitents : les kéïmazomenoï, qui accomplissaient leur pénitence en dehors de l'enceinte de l'église, exposés, comme leur nom l'indique, à toutes les intempéries de l'air[61] ; les audientes ou auditeurs ; les substrati ou prosternés, et enfin les consistentes, qui participaient à la prière commune, mais non pas encore à l'offrande ni à la sainte communion, ces deux derniers rites étant le terme et le couronnement de la pénitence canonique. Les coupables, suivant qu'ils appartenaient à l'épiscopat, au bas clergé ou à la foule des fidèles, étaient soumis à un traitement différent. On remarque aussi que la discipline établie par le concile n'était pas tellement stricte, qu'elle ne pût être mitigée par chaque évêque, juge de la ferveur des pénitents de son Eglise[62]. On doit noter enfin que, par une mitigation de la discipline observée jusque-là par les Eglises, la communion devait être accordée désormais à tout pénitent qui se trouverait en danger de mort[63]. Les dix derniers canons visent certains crimes énormes qui, lorsqu'ils se produisaient parmi les chrétiens, avaient d'abord porté les chefs des Eglises à exclure pour toujours les coupables de la communion ecclésiastique : péchés contre nature, viols, meurtres, usurpations violentes de pouvoirs ecclésiastiques et pratiques de magie. Les pères d'Ancyre, dans un esprit de justice distributive et de charité évangélique, déclarent tous ces crimes rémissibles, mais y attachent des pénitences proportionnées. Les canons 10 à 15, relatifs à la discipline intérieure de l'Eglise, règlent diverses questions concernant la continence des clercs[64], aux droits acquis par les fiançailles, à l'irrégularité encourue par l'oblation de sacrifices aux idoles, aux pouvoirs des chorévèques[65] et aux pratiques d'un faux ascétisme. VI Tandis qu'en Orient, comme en Occident, l'Eglise, dans un esprit de prudence et de fermeté, s'appliquait à guérir les plaies que la persécution lui avait faites, le paganisme vaincu tentait un dernier effort pour reconquérir son ancienne influence, et, dans ses convulsions désespérées, versait encore le sang chrétien. Un des épisodes les plus touchants de cette crise fut le martyre, à Typasa, de la jeune chrétienne Salsa. Pendant que les sanctuaires
païens se fermaient ou tombaient en ruines, il arrivait, dit l'historien des
persécutions, que la dévotion des partisans de l'idolâtrie se concentrait sur
quelque religion plus vivace, sur quelque superstition locale, où le
paganisme trouvait sa dernière citadelle. En beaucoup de villes, le culte de
Mithra hérita de tous les autres cultes ; mais dans la petite ville
mauritanienne de Typasa, entre Iconium (Alger) et Césarée (Cherchell), théâtre des faits que nous allons raconter, le
sanctuaire demeuré seul debout était la chapelle de Python, où se pratiquait
le culte du Serpent, cher de tous temps aux populations de l'Afrique.
L'antique narrateur a laissé le tableau des réjouissances dont elle était
l'occasion. Il peint, en homme qui peut-être les a encore vus, les murs
délabrés des temples rajeunis par des guirlandes de laurier, le sanctuaire de
l'impure idole paré de tapisseries, les cassolettes d'encens fumant sur les
autels, le chœur de chant et de danse, bientôt l'enthousiasme des dévots
s'exaltant jusqu'à la frénésie. C'est au milieu de cette orgie qu'une pure et
gracieuse enfant de quatorze ans, Salsa, qui professait le christianisme,
depuis longtemps florissant à Typasa, fut conduite de force par ses parents,
païens fanatiques. Elle dut assister, frémissante, au sacrifice et au repas
sacrilège qui le suivait. Mais, pendant que ceux qui l'avaient amenée
faisaient la sieste, avec tous les autres, à la suite de ce repas, Salsa
voulut venger sur le dieu son humiliation et ses angoisses. Se levant sans bruit,
elle parvint à se glisser dans la chapelle, arracha la tête dorée du Serpent,
et la lança dans les flots qui battaient le pied de la colline. Enhardie par
ce premier succès, Salsa rentra dans le sanctuaire, saisit dans ses faibles
bras le corps du dragon, et le précipita du haut de la falaise. Mais le bruit
que fit le monstre d'airain en rebondissant contre les rochers dénonça le
fait aux païens. La foule se rassembla, poussant des cris de fureur. Des
forcenés saisirent l'intrépide enfant, et, sans être émus de sa jeunesse ni
touchés de sa grâce, la jetèrent assommée dans la mer où elle avait voulu
noyer leur dieu. Trois jours après, un navire provençal, entrant dans le port
de Typasa, recueillit en rade le corps de la martyre. Les chrétiens, aidés des
matelots, l'enterrèrent sur le rivage, près du port. Sur sa tombe s'éleva
bientôt une spacieuse basilique, dont les restes ont été retrouvés de nos
jours[66]. Des faits de ce genre préludaient à la crise de persécution qui allait éclater en Orient sous le gouvernement de Licinius. Le collègue de Constantin dans le gouvernement de l'empire n'avait signé l'édit de Milan que par politique et par entraînement. L'influence croissante de Constantin ne tarda pas à exciter sa jalousie. Bientôt son unique but sembla être de détruire sourdement l'œuvre commune en s'appuyant sur le parti païen. Il commença par écarter les chrétiens de son palais, puis de son armée. Il réduisit le nombre des assemblées chrétiennes et leur imposa des réglementations gênantes. Eusèbe compare ce tortueux adversaire de l'Eglise à un serpent qui, n'osant attaquer de front, s'enroule autour des membres de sa victime, afin de l'envelopper de ses replis et de l'étouffer peu à peu[67]. Plusieurs chrétiens, plusieurs prêtres et évêques, coupables d'avoir violé ces règlements, furent maltraités, exilés, massacrés. La Chronique de saint Jérôme cite, parmi les martyrs de cette persécution, Basile, évêque d'Amasie, dans le Pont, qui avait été un des principaux membres du concile d'Ancyre. On compte aussi plusieurs soldats martyrs. Les plus illustres furent ces quarante héros de Sébaste, que les Pères de l'Eglise ont célébrés à l'envi[68]. Ils avaient refusé de prendre part à un sacrifice idolâtrique. Le préfet les condamna à mort. Le supplice choisi fut horrible : pendant une nuit d'hiver, on parqua les martyrs, dépouillés de tout vêtement, sur un étang glacé, que balayait le vent du nord, et qu'éclairait seulement la lueur tentatrice d'un bâtiment voisin, où chauffait l'eau tiède des baignoires. Un seul d'entre eux, vaincu par la souffrance, abandonna ses compagnons et se traîna jusqu'au bain ; mais à peine ses membres gelés eurent-ils senti la chaleur, qu'il expira. Quelques instants de persévérance lui auraient mérité la palme du martyre. Alors se produisit un incident, qui n'est pas sans analogue dans l'histoire des persécutions. L'appariteur chargé de garder les thermes avait observé de loin le courage des autres condamnés, et vu de près la défaillance du malheureux apostat ; il apercevait, dans la neige, ces trente-neuf corps gelés, à demi morts déjà, sur lesquels planaient les récompenses éternelles, et, dans le bain, ce seul cadavre déshonoré. Une soudaine émulation le saisit. Jetant ses vêtements et criant : Je suis chrétien ! il courut prendre la place laissée vide par le renégat. Le jour levant le trouva près des martyrs. On l'emporta avec eux au bûcher où leurs corps devaient être consumés. Un seul des condamnés avait été oublié par les licteurs, qui, lui voyant un reste de vie, espéraient encore son abjuration ; mais sa mère, présente à cette scène, le prit dans ses bras et le déposa dans la charrette près de ses compagnons : cette femme héroïque craignait que la palme lui échappât, ou qu'il souffrit un martyre solitaire, loin des braves dont il avait partagé le combat[69]. La nouvelle de pareils événements retentissait douloureusement en Occident. Pour parler comme Eusèbe, la partie de l'empire qui se trouvait encore plongée dans les ténèbres tournait les yeux vers celle qui jouissait largement de la lumière. Constantin adressa à Licinius des observations qui furent mal reçues. Il choisit alors un prétexte pour lui déclarer la guerre. La bataille de Chrysopolis, le 18 septembre 323, et, l'année suivante, la mort de Licinius, à laquelle Constantin ne fut probablement pas étranger[70], mirent fin à la tyrannie du despote. Constantin, désormais seul maitre de l'empire, put faire prévaloir partout sans obstacle sa politique libératrice. |
[1] A. DE BROGLIE, op. cit., t. I, p.
256-257.
[2] S. OPTAT, De schism, donatist.,
I, 14.
[3] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Histoire des conciles,
t. I, p. 265.
[4] P. ALLARD, Hist. des persécutions,
t. IV, p. 208.
[5] Saint AUGUSTIN, Brevic. coll. cum donat., III, 25.
[6] DUCHESNE, Hist. anc. de l'Eglise,
t. II, p. 111-112.
[7] Saint OPTAT, op. cit., l. I, ch. XVIII. Cécilien, encore diacre,
avait interdit le culte des reliques de martyrs non reconnus par l'Eglise. Le
texte qui nous donne ce renseignement est le plus ancien de ceux sur lesquels
on puisse fonder l'existence d'une vindicatio
martyrum, analogue à nos procès de canonisation.
[8] Dom LECLERCQ, l'Afrique chrétienne,
I, 326 ; DUCHESNE, II, 118.
[9] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, I, 209.
[10] Saint OPTAT, De schism. donat., l.
I, ch. XIV.
[11] Saint OPTAT, De schism. donat., l.
I, ch. XIV. Exeat huc, quasi imponatur illi menus
in episcopatu, et quassetur illi caput de pænitentia.
[12] Quatre cents folles. La follis
de Constantin valait environ 0 fr. 65 centimes. Mgr Duchesne estime à 60.000
francs la somme totale distribuée par Lucile. DUCHESNE, II, 108. Voir dans HÉFÉLÉ-LECLERCQ, I, 270, un calcul un peu différent.
[13] C'est la date fixée par M. AUDOLLENT, Carthage romaine, 1
vol. 1901, p. 512. Dom LECLERCQ propose la fin de 312, HÉFÉLÉ-LECLERCQ, I, 270.
[14] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, I, 270.
[15] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, I, 270.
[16] EUSÈBE, H. E., l. X, ch. VI.
[17] EUSÈBE, H. E., l. X, ch. VII.
[18] La première lettre adressée,
au commencement de 313, à Cécilien par Constantin mentionne le nom d'Osius. NICÉPHORE, H. E., l. VII, dans MANSI, Conc. ampliss. collectio,
t. II, p. 68.
[19] SOZOMÈNE, H. E., l. I, ch. XVI ; THÉODORET, l. I, ch. VI.
[20] Libellus Ecclesiæ catholicæ criminum Cœciliani. S. AUGUSTIN, Ep. LXXXVIII, P. L., t. XXXIII, col.
302.
[21] Libellus Ecclesiæ catholicæ criminum Cœciliani. S. AUGUSTIN, Ep. LXXXVIII, P. L., t. XXXIII, col.
302.
[22] OPTAT DE MILÈVE, De schism. dont., l.
I, c. XXII, P. L., t. XI, col. 928. La mention des actes produits dans
les enquêtes et contre-enquêtes qui commencent avec cette lettre des donatistes
et vont durer et s'entrecroiser pendant près d'un demi-siècle, se trouve dans
le Mémoire de Mgr DUCHESNE, le Dossier du donatisme, Mélanges de l'Ecole de
Rome, t. X, 1890, p. 631-640.
[23] S. AUGUSTIN, Ep. 162.
[24] EUSÈBE, H. E., l. X, ch. V.
La lettre de Constantin est adressée, en même tempe qu'à Miltiade, à un certain
Marc, qui n'est pas connu. On a conjecturé qu'il s'agissait d'un prêtre
remplissant à Rome quelque fonction importante auprès du Pape. A. DE BROGLIE, op. cit., I, 267, note
1.
[25] Voir Ph. LAUER, Le palais de Latran,
étude historique et archéologique, Paris, Leroux, 1911.
[26] OPTAT DE MILÈVE, op. cit.
[27] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, I, 273. Cf. saint AUGUSTIN, Ep. XLIII, 16.
[28] Gesta purgationis Cæciliani
et Felicis, insérés dans les œuvres d'OPTAT DE MILÈVE.
[29] Saint AUGUSTIN, Ep. LXVIII, n. 4.
[30] A. DE BROGLIE, l'Eglise et l'empire
romain au IVe siècle, t. I, p. 278-279. Cf. saint AUGUSTIN, Contra Crescentium, 78
; Contra donatistos post collationem, 23.
[31] Paroles de l'empereur Honorius
dans son édit du 23 mai 418, fixant à Arles le lieu de réunion des sept
provinces des Gaules. Sur Arles au IVe siècle, voir A. VÉRAN, Arles antique, dans le
Congrès archéologique de France, 1876-1877, t. XLIII, p. 267-297. Cf.
Dom LECLERCQ,
au mot Arles, dans le Dict. d'arch. chrétienne.
[32] Une tradition provençale veut
que l'apparition du labarum à Constantin ait eu lieu à Arles. La ville d'Arles eut, en conséquence, pendant longtemps,
pour armoiries, un labarum avec cette inscription Arelas civitas. Elle
fit même battre une monnaie qui représentait la même chose. BOUCHÉ, Essai sur l'histoire de
Provence, 2 vol. in-4°, Marseille, 1785, t. I, p. 157. Voir la critique de
cette tradition dans DESROCHES, le Labarum, p.
313-317.
[33] Voir DUCHESNE, la Date du concile d'Arles,
dans Mélanges d'arch. et d'hist., 1890, t. X, p. 640-644.
[34] EUSÈBE, H. E., l. X, ch. V.
[35] A. DE BROGLIE, op. cit., I, 283-284.
Voici, d'après Mgr Duchesne, les Eglises qui furent représentées au concile
d'Arles, soit par leurs évêques, soit par d'autres clercs : Italie :
Rome, Porto, Centumcellæ, Ostie, Capoue, Arpi, Syracuse, Cagliari, Milan,
Aquilée ; — Dalmatie : un évêque dont le nom s'est perdu ; — Gaule :
Arles, Vienne, Marseille, Vaison, Orange, Apt, Nice, Bordeaux, Gabales, Eauze,
Lyon, Autun, Rouen, Reims, Trèves, Cologne ; — Bretagne : Londres, York,
Lincoln, peut-être une quatrième Eglise ; — Espagne : Emerita,
Tarragone, Saragosse, Basti, Ursona, et une autre Eglise de Bétique ; — Afrique
: Carthage, Césarée de Mauritanie, Utina, Utique, Thuburbo, Beneventum (?),
Pocofeltis (?), Legisvolumini (?), Vera (?).
[36] S. AUGUSTIN, Contra Cresconium, l.
IV, ch. XIV.
[37] Effrenatæ
mentis homines pertulimus, dit la lettre synodale. MANSI, Concil., t. III col.
469.
[38] Aut
damnati sunt aut repulsi. MANSI, Concil., t. III col.
469.
[39] Actis
publicis.
[40] Concile d'Arles, canon 13, HÉFÉLÉ-LECLERCQ, I, 289.
[41] DUCHESNE, op. cit., II, 114.
[42] Ceci se passait vers 316, Majorin était mort vers 315.
[43] G. BAREILLE, au mot Donat dans le Dict.
de théol. de VACANT-MANGENOT, d'après un portrait pris sur
le vif par saint OPTAT DE MILÈVE, De schism. donat.,
III, 3.
[44] Cet argument, lu par hasard
dans une citation de saint Augustin, devait, quinze siècles plus tard,
déterminer la conversion de Newman de l'anglicanisme au catholicisme. La Revue de Dublin me fut mise entre les mains par un ami.
Elle contenait un article traitant des donatistes et faisant une application à
l'anglicanisme. Je le lus, et n'y trouvai rien d'important... Mais mon ami, homme scrupuleusement religieux et aujourd'hui
encore protestant, me fit remarquer ces paroles frappantes d'un extrait de
saint Augustin : Securus judicat orbis terrarum. Il répéta ces paroles à
plusieurs reprises, et, quand il fut parti, elles continuèrent de résonner à
mes oreilles : Securus judicat orbis terrarum. C'étaient des paroles qui
allaient plus loin que la question des donatistes... Non que, pour un instant, la foule ne pût errer dans son
jugement ; non que, dans la tempête arienne, d'innombrables Eglises n'aient
ployé, à un moment donné, devant sa furie, mais parce que le jugement réfléchi,
auquel l'Eglise entière s'arrête et adhère enfin, est une prescription
infaillible, une sentence définitive contre celles de ses branches qui
protestent et s'éloignent d'elle. Qui peut rendre compte des impressions qu'il
reçoit ? Par une simple phrase, la parole de saint Augustin me frappait avec une
puissance que je n'avais jamais trouvée dans aucune autre. Elle était comme la Retourne
Whittington, turn again Whittington des carillons de Londres, ou, pour
prendre un exemple plus sérieux, comme le Tolle lege, Tolle lege
de l'enfant, qui convertit saint Augustin lui-même. Securus judicat orbis
terrarum. Par ces grandes paroles de l'ancien Père, la théorie de la Via
Media était absolument pulvérisée. NEWMAN, Hist. de mes op. relig.,
Paris, 1866, p. 181-183.
[45] Sur les violences exercées à
cette occasion par les troupes impériales, voir PALLU DE LESSERT, Fastes des prov.
africaines, t. II, p. 174-233, et DUCHESNE, II, 120.
[46] PALLU DE LESSERT, Fastes des prov.
africaines, t. II, p. 174-233, et DUCHESNE, II, 120.
[47] P. L., t. VIII, col. 491.
[48] Une histoire très complète du
donatisme a été publiée par M. MONCEAUX dans le IVe volume de son Histoire
littéraire de l'Afrique chrétienne. Le point de vue dogmatique y est
rapidement traité ; mais le point de vue social et politique y est étudié
largement. M. Monceaux est d'avis que le donatisme a été pour l'Afrique une
cause de faiblesse et de ruine. Il a porté le trouble partout, déchaîné la
guerre religieuse, encouragé la guerre sociale, accru la misère. Il a coupé
l'Afrique chrétienne en deux tronçons. Il a diminué la force d'expansion du
christianisme africain et aussi bien la force de résistance de la civilisation
romaine en Afrique. Si l'Afrique romaine s'est trouvée si faible en face des
Vandales, et peut-être l'Afrique byzantine en face des Arabes, la faute en est
au donatisme, ou, si l'on veut, à ce qu'il y avait de plus proprement africain
dans le christianisme d'Afrique. Cf. Bulletin de l'anc. litt., 1912, p.
225-229.
[49] Canon 1.
[50] Canon 8.
[51] On s'est demandé si le canon
défendait seulement de passer d'un diocèse à un autre, ou s'il interdisait
aussi de changer de paroisse. Le 77e canon du concile d'Elvire, qui montre dans
chaque paroisse un clergé inamovible, porterait à interpréter le canon d'Arles
dans ce dernier sens.
[52] Sur le concile d'Arles et le
sens précis de ses canons, voir HÉFÉLÉ-LECLERCQ, t. I, p. 275-298. Cf. DUGUET, Conférences
ecclésiastiques, 2 vol. in-4°, Cologne, 1742, t. I, p. 482-542, et t. II,
p. 1-63.
[53] HERGENRÖTHER-KIRSCH, Kirchengeschichte, t.
II. l. II, Ire partie, ch. VII, § 1.
[54] Voir notamment le P. DE SMEDT, Principes de la critique
historique, Paris, 1883, p. 137-159 ; Liber pontificalis, éd. DUCHESNE, p. CIX-CXX, 170-201.
[55] Liber pontificalis, I,
170. Le Liber pontificalis ajoute que Sylvestre durant
une persécution qui eut lieu sous le règne de Constantin fut obligé de chercher
un asile sur le mont Soracte. Ramené à Rome en triomphe, il baptisa l'empereur
Constantin, que Dieu guérit de la lèpre par la vertu du sacrement de
régénération. Ce dernier détail est un de ceux dont l'Eglise a officiellement
reconnu la non-historicité. Sous Léon XIII la légende du bréviaire romain a été
corrigée sur ce point. Il y est dit seulement que saint Sylvestre Constantinum a lepra infidelitatis sanavit. De
nombreux auteurs à la suite de PAPEBROCH, Acta Sanctorum, mai,
t. V, contestent même que Constantin ait été baptisé par le pape Sylvestre. Il
aurait été baptisé sur son lit de mort par Eusèbe de Nicomédie. Des témoignages
formels de saint Ambroise, de saint Jérôme, d'Eusèbe et du concile de Rimini
rendent cette dernière opinion historiquement certaine. Voir sur ce point la
note de Pagi dans les Annales de BARONIUS, édit. de 1734, t. V, p.
40-49.
[56] Voir dans Héfélé-Leclercq, les
arguments qui font adopter cette date, HÉFÉLÉ-LECLERCQ, I, 299-300.
[57] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, I, 301.
[58] Canons 1 à 9.
[59] Canons 16 à 25.
[60] Canons 10 à 15.
[61] Ils sont nommés au canon 17.
[62] Canons 1, 2, 21, 23.
[63] Canons 6, 22.
[64] Le canon 10, inséré dans le Corpus
juris canonici, est, avec le canon 33 du concile d'Elvire, dont nous avons
parlé plus haut, un jalon précieux pour l'histoire du célibat ecclésiastique.
On y voit que si l'Eglise laissait encore au clergé, en principe, la faculté
d'user d'un mariage précédemment contracté, elle favorisait le plus possible le
célibat, et, en fait, la plupart des clercs mariés, évêques, prêtres et
diacres, pratiquaient la continence.
[65] Sur les problèmes délicats
soulevés par le canon 13 relativement aux pouvoirs des chorévèques et des
simples prêtres, voir X. LE BACHELET, au mot Ancyre (concile d'),
dans le Dict. de théol., t. I, col. 1174-1176.
[66] Paul ALLARD, Hist. des persécutions,
t. V, p. 290-292. Cf. DUCHESNE, Sainte vierge et martyre,
lecture faite le 2 avril 1890 à la séance trimestrielle des cinq académies.
[67] EUSÈBE, Vie de Constantin, II,
1.
[68] Saint BASILE, Hom. XX ; saint GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Hom. sur les XL martyrs
; saint JEAN CHRYSOSTOME, dans PHOTIUS, Bibliot., 274 ; saint
EPHREM,
Orat. XXVI, XXVII, etc. La collation de ces diverses homélies avec les
Actes des martyrs (Acta Sanctorum, mars, t. I, p. 19) permet de
reconstituer avec exactitude l'histoire de leurs souffrances et de leur mort.
[69] P. ALLARD, Hist. des persécutions,
t. V, p. 309-310.
[70] Ce crime, si Constantin en a été vraiment l'instigateur, comme tout l'indique, est une des taches que l'histoire doit flétrir dans la vie de ce grand homme.