Sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence
Je crois que la secte d’Épicure, qui s’introduisit à Rome
sur la fin de Outre que la religion est toujours le meilleur garant que
l’on puisse avoir des moeurs des hommes, il y avait ceci de particulier chez
les Romains, qu’ils mêlaient quelque sentiment religieux à l’amour qu’ils
avaient pour leur patrie : cette ville fondée sous les meilleurs auspices, ce
Romulus, leur roi et leur dieu, ce Capitole, éternel comme Cependant, quelle que fût la corruption de Rome, tous les malheurs ne s’y étaient pas introduits : car la force de son institution avait été telle qu’elle avait conservé une valeur héroïque et toute son application à la guerre au milieu des richesses, de la mollesse et de la volupté ; ce qui n’est, je crois, arrivé à aucune nation du monde. Les citoyens romains regardaient le commerce[7] et les arts comme des occupations d’esclaves[8] : ils ne les exerçaient point. S’il y eut quelques exceptions, ce ne fut que de la part de quelques affranchis qui continuaient leur première industrie. Mais, en général, ils ne connaissaient que l’art de la guerre, qui était la seule voie pour aller aux magistratures et aux honneurs[9]. Ainsi les vertus guerrières restèrent après qu’on eut perdu toutes les autres. |
[1] Cynéas en ayant discouru à la table de Pyrrhus, Fabricius souhaita que les ennemis de Rome pussent tous prendre les principes d’une pareille secte. (Plutarque, Vie de Pyrrhus), [M].
[2] Si vous prêtez aux Grecs un talent, avec dix promesses, dix cautions, autant de témoins, il est impossible qu’ils gardent leur foi ; mais, parmi les Romains, soit qu’on doive rendre compte des deniers publics ou de ceux des particuliers, on est fidèle, à cause du serment que l’on fait. On a donc sagement établi la crainte des enfers ; et c’est sans raison qu’on la combat aujourd’hui ; (Polybe, livre VI), [M].
[3] Livre IV, lettre XVIII.
[4] La loi curiate donnait la puissance militaire, et le sénatus-consulte réglait les troupes, l’argent, les officiers, que devait avoir le gouverneur : or, les consuls, pour que tout cela fût fait à leur fantaisie, voulait fabriquer une fausse loi et un faux sénatus-consulte, [M].
[5] La maison que Cornélie avait achetée soixante-quinze mille drachmes, Lucullus l’acheta peu de temps après, deux millions cinq cent mille. (Plutarque, Vie de Marius), [M].
[6] Ut merito dicatur
genitos esse, qui nec ipsi habere possent res familiares, nec alios pati.
(fragment de l’Histoire de Salluste,
tiré du livre de
[7] Romulus ne permit que deux sortes d’exercices aux gens libres, l’agriculture et la guerre. Les marchands, les ouvriers, ceux qui tenaient une maison à louage, les cabaretiers, n’étaient pas du nombre des citoyens. (Denys d’Halicarnasse, livre II ; idem, livre IX.), [M].
[8] Cicéron en donne les raisons dans ses offices, livre III, [M].
[9] Il fallait avoir servi dix années, entre l’âge de seize ans et celui de quarante-sept. Voyez Polybe, livre VI, [M].