La grande oeuvre des rois avait été l’établissement de la suprématie de Rome dans le Latium, sous la forme d’une véritable hégémonie. Les révolutions ou les réformes de la constitution ne pouvaient pas ne pas amener aussi des changements sensibles dans les rapports existants. Le bon sens l’indique et la tradition le confirme. La confédération Romano-latine fut souvent ébranlée par le contrecoup de ces révolutions : témoin la légende de la bataille du lac Régille[1], toute chargée de brillantes et vives couleurs. Le dictateur ou consul, Allus Postumius (255 ou 258 ? [499 ou 498 ? av. J.-C.]) y aurait vaincu les Latins avec l’aide des Dioscures : après quoi aurait été renouvelé le pacte d’éternelle alliance, sous le deuxième consulat et par l’entremise de Spurius Cassius (261 [-493]). Mais ces récits, tout curieux qu’ils soient, ne nous font en aucune façon connaître, ce qu’il nous importerait le plus de savoir. Quelle place fut assignée à la jeune république dans la confédération renouvelée ? Les indications qui nous sont parvenues n’ont pas de date précise pour les rattacher à l’époque actuelle, il faut s’en référer à des vraisemblances purement accidentelles peut-être. Toute hégémonie, par la pente naturelle des choses, se transforme tôt ou tard en une domination véritable : ainsi en advint-il de celle de Rome dans le Latium. Bien que fondée, à l’origine, sur le principe de l’égalité parfaite des droits entre Rome et la fédération Latine, cette hégémonie ne comportait à vrai dire l’égalité nulle part, et moins que jamais dans les choses de la guerre, dans la distribution des parts de conquête : vouloir en pareil cas la mettre en pratique, c’eût été du même coup détruire le privilège de suprématie appartenant au peuple Romain. Le traité primitif d’alliance avait décidé que la paix ou la guerre, que les conventions avec l’étranger, qui sont du ressort et de l’essence de l’État, au premier chef, appartiendraient à la fois aux Romains et aux Latins. De plus, en cas de guerre fédérale, Rome et le Latium avaient le même contingent à fournir, soit, pour chacun, une armée de deux légions, ou 8.000 hommes[2]. L’une et l’autre nommaient alternativement le général en chef, lequel à son tour avait le choix de son état-major, ou des six tribuns militaires (tribuni militum) pour chacune des quatre divisions de l’armée. Après la victoire, le butin mobilier et les terres conquises se partageaient par moitié entre Rome et les fédérés. Décidait-on de bâtir une forteresse dans le pays vaincu, la garnison comme la population elle-même se composaient de Romains et de Latins envoyés en nombre égal ; et la nouvelle ville fédérale, incorporée à titré de cité Latine souveraine dans la grande confédération, avait aussitôt et sa place et sa voix dans l’assemblée fédérale. Ces règles, si elles avaient reçu leur exécution à la lettre, auraient promptement, je le répète, annihilé l’hégémonie romaine. Au temps des rois déjà, elles avaient dû subir des restrictions et des exceptions importantes : sous la république, elles furent nécessairement et formellement modifiées. Tout d’abord, la confédération perd le droit de traiter avec l’étranger de la paix ou de la guerre[3], et le droit à la nomination du général en chef pour chaque deuxième année. Rome désormais décide seule de la paix ou de la guerre, et seule elle nomme le chef de l’armée fédérale. Par suite, la désignation des officiers supérieurs, même dans les contingents latins, appartint au général romain : d’où surgit une autre innovation plus gravé encore dans ses conséquences. Les officiers, dans le contingent de Rome, étant sans exception choisis dans les rangs des Romains, ceux du contingent Latin y furent également pris, sinon tous, du moins presque tous[4]. D’un autre côté, il resta en usage de n’appeler jamais un contingent Latin fédéral plus nombreux que ne l’était l’armée sortie des murs de Rome : et il continua d’être interdit au général en chef romain de diviser ou d’éparpiller l’armée latine. Dans l’ordre de marche ou de bataille, chacune des bandes envoyées par les cités Latines formait une subdivision et gardait son chef local[5]. Tous les alliés durent avoir, comme parle passé, part égale au butin et au pays conquis ; néanmoins nous n’hésitons pas à croire que la cité dirigeante a de fort bonne heure été avantagée dans la distribution. S’agissait-il de bâtir une forteresse fédérale, de fonder une colonie dite latine, le plus grand nombre des colons, souvent même tous, étaient Romains : que si par le fait de leur émigration, ils cessaient d’avoir les droits de citoyens romains actifs, la cité fédérale nouvelle devenait, grâce à eux, un auxiliaire prépondérant et redoutable de la mère patrie, à laquelle ils restaient invinciblement attachés. En revanche, on ne toucha pas aux droits fort étendus dont les traités d’alliance assuraient l’exercice dans toutes les cités de la fédération aux citoyens venus des autres villes. Ces droits consistaient dans la faculté d’acquérir librement les biens meubles et immeubles ; de faire le commerce, de contracter mariage et de tester ; dans la faculté surtout d’aller et venir sans nul obstacle ni gène. Ainsi, l’individu citoyen de la ville alliée, n’avait pas seulement le droit de fonder un établissement dans une autre ville : il était de plus et aussitôt investi des droits de cité passive (municeps); c’est-à-dire, qu’à l’exception de l’éligibilité, il participait à tous les droits, à tous les devoirs privés et politiques de ses nouveaux concitoyens ; et que, dans les assemblées du peuple convoqué par tribus, il émettait son vote, vote restreint, il est vrai, à quelques égards[6]. Tels étaient à peu près, on le peut supposer, les rapports établis entre Rome et l’alliance Latine, dans les premiers temps qui suivirent la révolution républicaine. On ne saurait dire, d’ailleurs, avec certitude, quelles institutions remontent aux anciens temps, quelles autres ont été établies lors de la révision du pacte fédéral en 261 [493 av. J.-C.]. Mais une innovation certaine, et qui se rattache sûrement aux relations établies entre Latins et Romains, a été le remaniement total des institutions des cités alliées, d’après le modèle de la constitution consulaire de Rome. Sans nul doute, quand elle chassa son roi, chacune de ces villes agit de son chef et dans son indépendance locale ; mais, comme partout, soit dans Rome, soit dans les villes Latines, on voit celui-ci remplacé de même par des rois annuels ; comme les constitutions nouvelles inaugurent toutes le système de la pluralité des fonctionnaires exerçant ensemble le pouvoir suprême à titre de collègues[7], il faut bien reconnaître, dans ce fait capital, le résultat certain d’une incontestable communauté de rapports entre toutes les cités. Très probablement, c’est en voyant les Tarquins chassée de Rome que les villes Latines ont, pour la première fois, songé aussi à la réforme de leurs institutions et à l’établissement d’un régime semblable au gouvernement consulaire de Rome. Que, d’ailleurs, l’assimilation des institutions latines avec celles de la cité dirigeante ne se soit consommée que plus tard, c’est là un fait très possible, et qui même a pour lui toutes les vraisemblances. La noblesse Romaine, après avoir aboli la royauté chez elle, a dû naturellement poursuivre la même réforme dans les cités fédérales, et introduire le régime aristocratique dans tout le Latium, en dépit des résistances sérieuses qu’elle y rencontrait, et malgré des luttes qui mirent en question l’existence du pacte fédéral, à un moment où il fallait combattre tout à la fois et les Tarquins bannis de Rome, et les familles royales, et les factions royalistes puissantes alors dans le pays. La puissance Étrusque grandissait encore : les Véiens recouraient à des hostilités sans cesse renouvelées, et Porsena passait le Tibre : toutes circonstances qui commandaient aux Latins de persister quand même dans leur union, telle que l’alliance l’avait faite, et dans la reconnaissance de la suprématie des Romains. L’intérêt du salut public voulait qu’ils se laissassent imposer tantôt une réforme sollicitée déjà par tant de causes à l’intérieur des cités, et tantôt même l’aggravation des droits d’hégémonie concédés jadis à la cité de Rome. Ainsi unie et compacte à toujours, la nation Latine sut
non seulement défendre, mais encore élargir, sa position et sa puissance.
Nous avons raconté plus haut comment les Étrusques n’avaient pas longtemps
gardé leur suprématie au-delà du Tibre ; comment les limites existantes
au temps des rois avaient été bientôt rétablies : ce ne fut guère qu’un
long siècle après l’abolition de la royauté que Rome songea à s’étendre au
Nord. Les conquêtes des rois et de la république, au lendemain de sa
fondation, se dirigeaient vers l’est et le sud ; contre les Sabins,
d’entre le Tibre et l’Anio ; contre les Eques, placés à côté d’eux sur l’Anio
supérieur, et contre les Volsques
des rivages de la mer Tyrrhénienne. Rome a de bonne heure mis le pays Sabin
sous sa dépendance on en voit la preuve dans ce fait, que pendant les guerres
Samnites, ses armées traversent sans cesse A mesure que les succès des Romains, des Latins et des
Herniques devinrent plus décisifs en Étrurie et dans Déjà bon nombre de Latins avaient spontanément combattu dans les rangs des Volsques, durant leur lutte dernière et désespérée : mais voici que les villes Latines les plus illustres se soulèvent : Lanuvium (371 [-383]), Praneste (372-374, 400 [382-380, 354]), Tusculum (373), Tibur (394-400), et avec elles, plusieurs des places fortes établies par la
fédération Romano-latine dans le pays Volsque, Velitres, Cicéies. Rome se voit obligée de les
réduire par les armes. Les Tiburtins vont même jusqu’à faire cause commune
avec les bandes Gauloises qui envahissent encore une fois le territoire de A la crise que nous venons de raconter, se rattache immédiatement la conclusion définitive de la ligue Latine, soit qu’elle ait suivi, soit, ce qui parait plus probable, qu’elle ait précédé et amené même le soulèvement des Latins contre Rome. Elle se place, en tous cas, vers l’an 370[12]. Jusque-là, toute cité fondée par Rome ou par les Latins, était souveraine sur son territoire, et entrait dans la ligue arec sa place dans les fêtes latines et son vote dans l’assemblée fédérale ; mais aujourd’hui toute cité incorporée à une autre perd à la fois son indépendance politique et se voit exclue de la ligue. D’un autre côté, le nombre des villes fédérales y ayant voix demeure fixé à trente, ni plus ni moins, suivant l’usage antique ; quant à celles admises plus tard, elles ne votent pas, soit parce qu’elles sont trop peu considérables, soit parce qu’à raison de quelque faute commise, elles ont été repoussées au second rang. Voici d’ailleurs les noms de ces villes fédérales vers l’an 370 [-381]. Parmi les anciens lieux Latins, laissant de côté ceux disparus ou ceux dont la position est restée inconnue, on comptait, comme ayant leur autonomie et leur voix dans la diète, Nomentum , entre le Tibre et l’Agio ; Tibur, Gables, Scaptia, Labicum[13], Pedum et Prægeste, entre l’Anio et le mont Albain ; Corbio, Tusculum, Bovilles, Aricie, Corioles et Lanuvium, dans la région de cette même montagne ; et enfin Laurentum et Lavinium, dans la plaine voisin de la côte. Il y faut ajouter les colonies fondées par Rome et par la ligue : Ardée, dans l’ancien pays des Rutules, et, dans celui des Volsques, Velitres ; Satricum, Cora, Norba, Setia et Circéies. Sept autres localités, dont les noms sont mal connus, avaient part aussi aux fêtes latines et aux votes fédéraux. Au résumé, 47 villes en tout, dont 30 avec voix délibératives composèrent définitivement la ligue : quant aux cités Latines postérieurement fondées, Sutrium, Nepete, Calés, Terracine, elles n’y furent jamais admises ; et de même, Tusculum, Satricum, et toutes celles qui perdirent leur autonomie par la suite, continuèrent d’être portées sur la liste[14]. L’étendue de la ligue ayant été ainsi fixée, le Latium reçut enfin l’exacte détermination de ses frontières. Avant, la fédération restait ouverte à des adjonctions nouvelles, et le territoire Latin s’accroissait de tout le territoire des villes fédérales annexées ; mais un jour vint où les colonies Latines, plus jeunes, ne furent plus admises aux fêtes du mont Albain, et se trouvèrent géographiquement placées en dehors du pays Latin : Ardée et Circéies avaient été faites Latines ; Sutrium et Terracine ne le deviennent point. Ce n’est pas tout : en même temps qu’elles se voyaient exclues de la ligue, par cela seul que leur admission au Droit Latin était postérieure à 370, elles restaient isolées les unes par rapport aux autres, dans tout ce qui tient aux choses du Droit privé. Chacune d’elles avait le commerce et le mariage (commercium et connubium) avec Rome, dans les avoir avec les autres cités Latines. Tel citoyen de Sutrium, par exemple, pouvait acquérir et posséder en pleine propriété un champ sur le territoire de Rome, qui ne l’aurait pas pu faire à Præneste : tel pouvait procréer des enfants légitimes en s’alliant à une femme Romaine, qui ne l’aurait pu, se mariant à une Tiburtine[15]. Autrefois, les villes fédérales avaient leur entière liberté d’action à l’intérieur de la ligue. Les cinq villes palœo-latines d’Aricie, Tusculum, de Tibur, de Lanuvium et de Laurente, par exemple, réunies aux trois cités, néo-latines d’Ardée, de Suessa-Pometia et de Cora, avaient pu sans obstacle se grouper autour de l’autel de Diane Aricine. Désormais, et ce n’est point là l’effet du hasard, nous ne rencontrerons plus d’associations particulières au sein de la fédération. Il y aurait eu là un danger pour l’hégémonie de Rome. — C’est alors aussi que des réformes profondes viennent modifier les constitutions intérieures des cités : celles-ci se modèlent toutes et en tout sur les institutions de la ville capitale. Les représentants principaux de la magistrature latine sont, en effet, les deux préteurs ; puis, plus tard, et à côté d’eux, les deux édiles, qui ont la police et la juridiction des marchés et des rues. Or, comme il est certain que ces officiers sont créés partout à la fois, dans les villes de la ligue, à l’instigation du pouvoir dirigeant, et qu’ils ne remontent certainement pas avant l’année 387 [367 av. J.-C.], époque de la création des édiles curules de Rome, il y a tout lieu de penser que des deux côtés ces magistratures sont contemporaines. L’organisation judiciaire n’était enfin, dans les villes fédérales, qu’un anneau de la longue chaîne du protectorat savamment conduit de Rome ; et les réformes introduites dans les cités tendaient toutes à mettre la police dans les mains de l’aristocratie. Véies tombée, la région Pontine conquise, Rome se crut
assez forte pour resserrer encore davantage les liens de son hégémonie :
elle voulut réduire toutes les cités à un état complet de dépendance ;
et en faire, à vrai dire, autant de villes assujetties. En ce même temps (406
[-348]), les
Carthaginois, dans un traité de commerce avec Au sud, derrière les Volsques domptés, les Romains n’avaient plus trouvé d’ennemi qui fut redoutable ; et leurs légions s’étaient portées sans obstacle jusque sur le Liris[16]. En 397 [357 av. J.-C.], ils avaient livré un combat heureux aux Privernates[17] : ils avaient battu les Aurunces en 409 [-345], et pris Sora sur le haut du fleuve. Ils touchaient maintenant à la frontière des Samnites : et le traité d’amitié et d’alliance conclu naguère (400 [-354]) entre les deux peuples les plus braves et les plus puissants de l’Italie n’était qu’un sûr avant-coureur de la tempête. La domination de l’Italie était en jeu, et la guerre se déchaînait, menaçante précisément, à l’heure où les Latins se débattaient dans cette crise intestine, dont nous avons retracé le tableau. Longtemps avant l’expulsion des Tarquins, la nation des
Samnites avait occupé les chaînes montueuses qui s’élèvent entre les plaines
d’Apulie et celles de Campanie, et les commandent. Mais elle n’avait pu les
envahir, contenue qu’elle était d’un côté par les Dauniens, dont la ville d’Arpi
[l’ancienne Argyripa] florissait
alors, et était puissante ; et de l’autre, par les Grecs et les
Étrusques. Mais l’empire Étrusque s’étant écroulé à la fin du IIIe siècle de
Rome, et les colonies Grecques s’acheminant vers une rapide décadence, durant
le cours du IVe, le champ s’ouvre pour les Samnites, et vers l’ouest et vers
le sud. Leurs bandes aussitôt se mettent en campagne et descendent jusqu’aux
mers de l’Italie méridionale. Tout d’abord, on les voit inonder les terres du
golfe, auquel les Campaniens ont attaché leur nom depuis les premières années
du IVe siècle : ils y écrasent les Étrusques, et y resserrent les Grecs, enlevant
Capoue aux premiers (330 [-424]), et Cymé aux seconds (334 [-420]). A la même époque, et peut-être un
peu plus tôt, les Lucaniens se montrent dans la grande Grèce : au
commencement du IVe siècle, ils ont bataillé contre les habitants de Terina et de Thurii[18], et, bien avant
364 [-390],
ils se sont logés et fortifiés dans la cité grecque de Laos[19]. Leur armée
compte 30.000 hommes de pied et 4.000 cavaliers. A la fin de ce même IVe
siècle, on entend pour la première fois parler de la ligue séparée des Bruttiens[20] : ceux-ci,
suivant une autre route que les autres races Sabelliques, s’étaient détachés
des Lucaniens, non pas à titre de colonie, mais à titre de belligérants, et
s’étaient mêlés à beaucoup d’éléments étrangers. Les Grecs tentèrent de
résister à l’assaut des hordes barbares : la ligue Achéenne se
reconstitua (361 [-393]) ;
et il fut ordonné qu’à la première attaque des Lucaniens contre une ville
faisant partie de la ligue, tous les contingents devaient accourir : la
peine de mort était édictée contre le chef d’armée qui n’amènerait pas ses
troupes. Mais la coalition des villes grecques resta inefficace, Denys l’Ancien, de Syracuse, ayant
fait cause commune avec les Italiques contre ses compatriotes. Pendant que
l’un arrache l’empire des mers aux Ilottes de Luttant aussi tous les jours contre les Lucaniens, qui la
mettaient en péril, elle avait dû se retourner vers sa métropole au delà de
l’Adriatique, et lui demander des alliances et des soldats. Au résumé, à
l’heure où Rome conquérait Véies et la région Pontine, les bandes Samnites
occupaient déjà toute l’Italie méridionale, à l’exception de quelques
colonies Grecques isolées et des rivages Apulio
Messapiens. Une description côtière qui nous vient des Grecs (418 [336 av. J.-C]),
place les Samnites propres avec
leurs cinq langues dans tout le
pays allant d’une mer à l’autre : à côté d’eux et au nord, sur la mer
Tyrrhénienne, elle mentionne les Campaniens, au sud les Lucaniens ;
rangeant parmi ceux-ci, comme on l’a fait souvent, les Bruttiens, auxquels
elle assigne toute la côte Tyrrhénienne, depuis Pœstum jusqu’à Thurii,
sur la mer Ionienne. Et de fait, quand l’on compare les conquêtes alors
accomplies par les deux grandes nations Italiques, les Latins et les Samnites,
avant qu’elles n’en viennent à la lutte terrible qui s’approche, l’essor
victorieux de ces derniers semble infiniment plus grand, plus brillant que
celui des Romains. Mais quelle différence dans la nature et le caractère des
conquêtes ? Appuyée sur un centre puissant, la cité de Rome, le Latium
s’étend lentement et de tous les côtés : si le périmètre de ses frontières
est relativement médiocre encore, il convient de remarquer que partout il
prend pied solidement, et qu’il assure sa domination, tantôt par la fondation
de places fortifiées à la romaine, et assujetties au droit fédéral, tantôt en
faisant Romain tout le territoire conquis. Il en est autrement chez les
Samnites. Là, point de politique obéissant à une direction une et
puissante : partant point de conquêtes systématiquement poursuivies.
Tandis que la soumission de Véies et de la région Pontine deviennent pour
Rome un réel accroissement de force, le Samnium s’affaiblit plutôt quand il
se rend maître des villes de Campanie, et quand s’organisent les ligues
Lucaniennes et Bruttiennes. Chaque bande sortie du pays, pour chercher de
nouvelles terres, marche seule et s’établit à l’aventure. Ces bandes se
répandent sur un territoire démesurément étendu, qu’elles ne songent pas le
moins du monde à s’approprier tout entier ; elles laissent subsister,
affaiblies, il est vrai, ou dépendantes, les villes Grecques, Tarente, Thurii,
Crotone, Métaponte, Héraclée, Rhégium, Néapolis
: les Grecs demeurent tolérés même dans le plat pays et dans les petites
cités ; et Cymé, par exemple, Posidonie [Pœstum], Laos, Hipponion[21], selon ce que
nous enseignent la relation descriptive citée plus haut et les monnaies
locales, restent décidément Grecques sous la domination Sabellique. De là des
populations mixtes, telles que les Bruttiens, parlant deux langues[22] et chez qui se
combinent les éléments samnites et grecs, et quelques débris des races
autochtones. De semblables mélanges, mais à un degré moindre, s’étaient aussi
opérés en Lucanie et en Campanie. Les Samnites propres ne surent pas non plus
résister au charme dangereux de la civilisation grecque : dans Quant au Samnium propre, il ne fut point entamé. Mais
toutes ces nouveautés, si belles, si naturelles qu’elles paraissent à
certains égards, n’en avaient pas moins pour effet de dissoudre les liens de
l’unité nationale, déjà trop peu resserrés à l’origine. L’hellénisme fit une
brèche profonde dans l’organisme de la race Samnite. Les Philhellènes délicats
de La querelle des Samnites de la plaine contre ceux de la
montagne, fut la vraie cause lui fit passer le Liris aux Romains. Les Sidicins de Teanum et les Campaniens
de Capoue, les appelèrent à leur
secours (411 [343 av.
J.-C.]) en se voyant chaque jour envahis par leurs compatriotes, dont
les essaims ravageaient toute la contrée, et voulaient s’y fixer à demeure.
Rome refusa l’alliance sollicitée : alors les ambassadeurs Campaniens
lui offrirent la soumission de leur pays. Une telle proposition était
irrésistible. Les députés Romains allèrent donc trouver les Samnites, leur
dénoncèrent l’acquisition que La victoire des Romains entraîne après elle la dissolution de la ligue Latine. Cessant d’être une confédération politique indépendante, elle se transforme en une simple association religieuse. Les antiques chartes des fédérés, leur contingent de guerre avec maximum qui ne peut être dépassé leur part proportionnelle au butin, rien de tout cela ne fait plus loi ; et quand ils obtiennent d’être traités comme au temps jadis, ce n’est plus qu’à titre de bon office. À la place de l’unique pacte fédéral entre Rome d’une part et la ligue Latine de l’autre, il est conclu de nombreux pactes éternels entre Rome et les diverses cités anciennement fédérées. Déjà les Romains avaient essayé du système de l’isolement à l’égard des villes fondées après 370 [-384] : aujourd’hui ils l’étendent et l’appliquent à la nation Latine tout entière, laissant d’ailleurs à chaque cité, et ses anciens droits locaux, et son autonomie. Tibur et Prœneste sont plus maltraitées : Rome leur prend une portion de leur territoire, et elle fait peser plus lourdement encore les lois de la guerre sur d’autres localités Latines ou Volsques. Antium, la place la plus importante des Volsques, très forte à la fois du côté de la terre et du côté de la mer, reçoit dans ses murs des colons romains : ses habitants se voient contraints d’abandonner des terres aux nouveaux citoyens qui leur arrivent, et de subir pour eux mêmes la loi civile de Rome (416 [338 av. J.-C.]). Quelques années plus tard (425 [-329]), les colons s’établissent aussi à Terracine, la seconde cité maritime du même peuple : là encore, les anciens habitants sont ou expulsés, ou incorporés à la cité Romaine qui y est créée. Lanuvium, Aricie, Nomentum, Pedum, perdent à leur tour leur indépendance, et sont aussi faites romaines. Les murs de Vélitres sont abattus ; son sénat, expulsé en masse, est interné en Étrurie, et la ville, devenue sujette, est reconstituée sur le pied des institutions données à Cœré (jus cœretitum). Une part du territoire, des terres des sénateurs, par exemple, est distribuée aux citoyens romains : toutes ces assignations nouvelles, toutes ces incorporations à la cité de Rome des villes assujetties, amènent la création, en 422 [-332], de deux nouvelles tribus de citoyens. Le peuple, à Rome, comprit bien l’importance de toutes ces conquêtes : une colonne fut érigée dans le Forum en l’honneur de Gaïus Mœnius, le consul victorieux de l’an 416 [-338] ; et l’on y orna la tribune aux harangues, avec les éperons ou rostres de celles des galères d’Antium, qui avaient été reconnues hors de service. Le sud du pays Volsque et Il va de soi que les Samnites voyaient d’un oeil inquiet les progrès de leur ennemis, mais s’ils essayèrent de lui susciter des embarras, ils n’osèrent pas, quand peut-être il en était temps encore, ouvrir avec elle la lutte opiniâtre que réclamaient les circonstances, et tenter de l’arrêter dans sa course conquérante. On les voit bien, après la paix conclue, s’emparer de Teanum, et y mettre une garnison nombreuse : et de même qu’autrefois cette ville a sollicité contre eux le secours de Capoue et de Rome, elle va devenir leur poste avancé du côté de l’ouest. Sur le Liris supérieur, on les voit aussi s’étendre, conquérir ou ravager le pays ; mais ils négligèrent d’y fonder un établissement solide. Un jour ils détruisent la ville Volsque de Frégelles ; mais ils donnent par là même à Rome un prétexte pour y envoyer une colonie, comme nous l’avons dit tout à l’heure. Ils jettent l’effroi dans Fabrateria (Falvattera) et Luca (situation inconnue) ; et ces deux villes, Volsques aussi, suivent l’exemple de Capoue en se donnant aux Romains. En résumé, la ligue Samnite laisse Rome accomplir et
consolider ses conquêtes en Campanie, avant de se résoudre à une opposition
sérieuse. Son inaction pourtant s’explique. Les Samnites à cette époque
étaient en luttes quotidiennes avec les Hellènes de |
[1] Auj. le Laghetto, sur
[2] Déjà on trouve dans Tite-Live (I, - 52, 8, 8, 14), et dans Denys d’Halicarnasse (8, 15), la mention de cette égalité de l’une et de l’autre armée ; mais c’est Polybe (VI, 26), qui a surtout précisé le fait.
[3] Denys d’Halicarnasse, 8, 15, rapporte que dans les traités postérieurs relatifs à l’alliance Romano-latine, il était expressément interdit aux cités Latines de mobiliser leurs contingents d’elles-mêmes, et de les mettre toutes seules en campagne.
[4] Les officiers supérieurs du contingent Latin sont les 12 préfets des alliés (prœfecti sociorum) préposés, six d’un côté, six de l’autre, au commandement des deux ailes (alœ) des milices fédérales Latines ; de même que les 12 tribuns militaires conduisent, au même nombre de six pour chaque légion, le contingent Romain. Polybe dit formellement (6, 25, 5) que le consul eut autrefois la nomination des uns comme des autres. Tout simple soldat pouvant devenir officier, d’après les anciennes règles, il s’ensuivit que le général en chef eut le droit de mettre un Romain à la tète d’une légion Latine, aussi bien qu’un Latin à la tête d’une légion Romaine, et que naturellement les tribuns militaires étant toujours pris parmi les Romains, les préfets des alliés furent aussi pris parmi eux le plus souvent.
[5] Il s’agit ici des préfets des turmes et des cohortes (prœfecti turmarum, cohortium) (Polybe, 6, 21, 5. — Tite-Live, 25, 14. — Salluste, Jug., 69, etc.). Il est naturel de penser que, comme les consuls Romains avaient le commandement des milices romaines, les magistrats suprêmes des villes alliées étaient aussi le plus souvent mis à la tète du contingent de celles-ci (Tite-Live, 23, 19. — Orelli, Inscript., 7022) : et même le nom ordinaire de ces magistrats (prœtores) fait assez voir qu’ils annulaient les attributions militaires avec leurs fonctions civiles. [V. à ce sujet, W. Smith, Diction. of antiquities, v. exercitus.]
[6] L’habitant immigré dans ces conditions n’était point porté, une fois pour toutes, dans une tribu déterminée ; mais lorsqu’il y avait lieu à un vote et qu’il y prenait part, le sort décidait de la tribu dans laquelle il exerçait son droit. Ce fait s’explique par la raison que, dans les comices Romains par tribus, il n’était donné qu’une seule voix aux Latins. Les Incolœ ne votaient pas dans les centuries, la condition préalable de tout droit de vote centuriate étant d’avoir une place assurée dans une tribu. Dans les curies au contraire, l’incola votait comme tous les plébéiens. [V. Smith, v. colonia, civitas, fœderatœ civitates]
[7] On sait que les cités latines avaient d’ordinaire deux préteurs (prœtores) à leur tête. Toutefois dans quelques-unes on trouve un magistrat unique, avec le titre de dictateur. Nous citerons comme étant dans ce cas, Albe (Orelli-Henzen, Inscript., 2293) ; Lanuvium (Cicéron, pro Mil., 10, 27, 17, 45. Asconius in Mil. p. 32. Orell. — Orelli, n° 3786, 5157, 6086) ; Compitum [non loin d’Anagni, auj. Savignano ?] (Orelli, 3324) ; Nomentum (Orelli, 208, 6138, 7032. — Cf., Henzen, Bullett., 1858, p. 169) ; et Aricie (Orelli, 1455) : mais il se peut que ce dernier document n’ait trait qu’à la consécration du temple d’Aricie, par un dictateur de l’alliance Latine. (Cato, Origin., l. II, fr. 21, Jordan.) Ajoutons-y la dictature également pratiquée à Cœré (Orelli, 5772). Tous ces dignitaires sont annuels comme les prêtres qu’ils instituent (Orelli, 208) : car aux préteurs et aux dictateurs des villes complètement dissoutes par la conquête romaine, comme aussi au dictateur d’Albe, il faut appliquer ce que dit Tite-Live, 9, 43 : Anagninis magistratibus prœter quam sacrorum curatione interdictum. Et quand Macer, avec les annalistes à sa suite, rapporte qu’Albe, à l’époque de sa chute, n’avait déjà plus de rois, mais seulement des dictateurs annuels (Denys d’Hal., 5, 74 ; Plutarque, Romulus, 27 ; Tite-Live, 1, 23), il est clair qu’il ne parle que par induction. Il raisonne, en se fondant sur l’existence de l’institution bien connue de la dictature sacerdotale albaise, annuelle, sans nul doute, comme l’était la dictature de Nomentum. Mais en fournissant cette indication, l’écrivain que nous citons ne cédait-il pas évidemment à ses tendances toutes démocratiques ? Sa conjecture est-elle vraie ou non ? nous ne saurions le dire. N’est-il pas possible qu’au temps de sa ruine, Albe ait encore été gouvernée par des chefs à vie, et que ce ne soit que plus tard que la suppression des rois à Rome ait aussi amené cette transformation de la dictature Albaine en une fonction annuelle ? — Les deux dictateurs de Fidènes font pourtant exception (Orelli, 112). Leur nom n’est qu’une application abusive et postérieure du mot dictator, lequel exclut toujours, même dans les villes non romaines, le partage de l’autorité entre deux ou plusieurs collègues. — Ces magistratures Latines, on le voit donc, et quant à leur nom, et quant au fond des chose, offrent des rapports frappants avec les institutions fondées à Rome après la révolution ; mais les ressemblances politiques ne suffisent point seules à expliquer toutes ces analogies si remarquables.
[8] Auj. le Biferno, qui traverse la province de Molise, et se jette dans l’Adriatique : — le Volturno, qui arrose Capoue.
[9] Cora, dont les ruines sont encore visibles, et Norba ou Norb sont dans le voisinage de Velletri. — Signia, auj. Segni.
[10] Auj. Torre Petrara ou Mesa suivant Mannert et Abeken. Ardea et Circei (San Felice) n’ont pas changé de nom.
[11] Satricum, auj. Pratica. — Setia, auj. Sezze.
[12] La seule liste qui
soit parvenue jusqu’à nous des 30 villes fédérales Latines nous a été fournie
par Denys d’Halicarnasse. Il y porté les Ardéates, les Aricins (Aricie), les
Bovillans, les Bubentans (position inconnue), les Corniens (Coca ; Coraniens
?), les Carventaniens (position inconnue), les Circéiens, les Coriolans, les
Corbintiens (Corbio ?), les Cabaniens (position inconnue), les Fortinéens
(id.), les Gabiniens, les Laurentins, les Lanuviens, les Laviniens, les
Labicans, les Nomentans, les Norbaniens, les Prœnestins, les Pédaniens (Pedum),
les Querquetulants (position inconnue), les Satricans (Satricum), les Scaptiens
(Scaptia), les Sétiniens (Setia), les Telléniens (position inconnue), les
Tiburtins, les Tusculans, les Tolérens (position inconnue), les Tricrius (id.),
les Veliterniens (Velitres). Les indications isolées que l’on rencontre chez
les divers auteurs concordent d’ailleurs avec cette liste. Tite-Live fait
mention d’Ardée (32, 1), de Laurentum (37, 3), de Lanuvium (41, 16), comme
faisant partie de
[13] Tite-Live dit formellement (4, 47), que Labicum a reçu une colonie en 336. Mais sans qu’il soit besoin d’objecter le silence significatif de Diodore (13, 7), il parait certain que cette ville n’a point été une colonie de citoyens [coloria civium Romanorum] ; d’abord, parce qu’elle, n’était pas située dans le voisinage de la côte, et ensuite, parce que longtemps après, elle jouissait encore de son indépendance politique. Elle n’a point été colonie latine [colonia latina] ; car il n’existe pas, et, selon la loi de ces sortes de fondations, il n’a pas pu exister un second exemple d’une colonie latine établie dans le pays Latin primitif. Très probablement, il s’est passé là ce qui s’est passé ailleurs, lors des assignations de terre à 2 jugères par lot ; la tradition a transformé en assignations coloniales ce qui n’était d’abord qu’un simple allotissement bourgeois.
[14] Les noms modernes
des villes qui viennent d’être citées, sont les suivants, selon la tradition
tantôt certaine et tantôt débattue entre les critiques : Nomentum, Mentana ; —
Tibur, Tivoli ; — Gabies, Lago di Castiglione ; — Scaptia (situation inconnue)
; — Labici,
[15] Ces restrictions à la communication de l’ancien droit latin plein [Jus latinitatis plenum] se rencontrent pour la première fois dans le pacte d’alliance renouvelé de 416 [338 av. J.-C] (Tite-Live, 8, 14). Les tendances particularistes et d’isolement, auxquelles elles se rattachent dans le fond, se manifestent déjà dans l’exclusion imposée aux colonies Latines, après 370 [-284]. En 416, elles se généralisent, et sont écrites dans le pacte fédéral. Il convenait de le faire remarquer ici.
[16] Garigliano auj.
[17] Privernum, Piperno Vecchio.
[18] Thurii ou Thurium, non loin de Sybaris. — Terina, sur le golfe de Sainte-Euphémie, au nord de Reggio (Calabre).
[19] Sur le golfe actuel de Policastro.
[20] Le nom de Bruttiens (ou mieux Brettiens) est le nom primitif : il est la plus ancienne appellation indigène des habitants des Calabres actuelles (Antioch., fr. 5, Muller). L’origine pélasgique qui leur est attribuée d’ordinaire n’est qu’une fable.
[21] Hipponion, ou Vibo, ou Vibona Valentia,
auj. Bivona, colonie Locrienne, sur
la côte ouest de
[22] Bruttates bilingues Ennius dixit, quod Brutii et Osce, et Grœce loqui soliti sint, Fest., p. 25.
[23] Nola, au S. E. de Capoue. — Nucérie, Nuceria Alfaterna, auj. Notera, non loin de Pompéi.
[24] Teanum des Sidicins, auj. Teano, au N. 0. de Capoue.
[25] Nous ne savons
rien de plus embrouillé dans les annales Romaines, que le récit de la première
guerre Samnite dans Tite-Live, dans Denys d’Halicarnasse, ou dans Appien ; du
moins si l’on accepte les textes tels que nous les possédons. Voici, selon eux,
ce qui se serait passé. Les deux consuls ayant marché en Campanie (411), le consul
Marcus Valerius Comics aurait d’abord remporté sur les Samnites une première et
sanglante victoire au pied du mont Gaurus [au sud-ouest de Capoue] : puis son
collègue Aulus Cornelius Cossus les aurait aussi défaits, après avoir failli
succomber dans un défilé, où il dut sacrifier toute une division commandée par
le tribun militaire Publius Decius. Un troisième et décisif combat aurait
ensuite été livré par les deux consuls à l’entrée des Fourches Caudines non
loin de Suessula [Sessola ou Maddalini] : les Samnites écrasés (40.000
boucliers auraient été ramassés sur le champ de bataille !) subirent la paix
imposée par le vainqueur. Rome aurait conservé la possession de Capoue qui
s’était donnée à elle, ne laissant que Teanum à ses adversaires (413). Les félicitations
lui vinrent de tous côtés, même de Carthage. Les Latins qui lui avaient refusé
le passage, et qui semblaient vouloir se lever en armes contre elle, se
tournèrent alors contre les Pœligniens. Durant ce temps les Romains avaient sur
les bras une conspiration militaire, éclatant au sein même de la garnison
qu’ils avaient laissée en Campanie (412) : il leur fallût s’emparer de
Privernum [Piperno, à l’E. d’Antium], et guerroyer contre les Antiates. Mais
voici que soudain la scène change, et que les partis se transforment. Les
Latins, mécontents de se voir refuser la cité romaine et la participation au
consulat, se liguent contre Rome, avec les Sidicins qui avaient en vain offert
leur soumission et ne pouvaient tout seuls repousser les Samnites, et avec les
Campaniens, déjà las de la domination romaine. Les Laurentius, dans le Latium,
et les chevaliers de Campanie, tiennent seuls encore pour eux. D’un autre côté,
Rome trouve maintenant secours et appui chez les Pœligniens et les Samnites.
L’armée Latine se jette sur le Samnium : l’armée Romano-Samnite marche vers le
lac Eucin [lac de Celano], et passant derrière le Latium s’avance en Campanie :
une bataille décisive se donne au pied du Vésuve ; elle est gagnée sur les
Latins et les Campaniens unis, par le consul Titus Manlius Imperiosus, qui,
pour rétablir la discipline ébranlée au sein de ses troupes, a du faire
exécuter son fils, rentré victorieux au camp dont il était sorti contre l’ordre
du général. Il a aussi fallu que l’autre consul, Publius Decius Mus, se dévouât
pour réconcilier les dieux : enfin la dernière réserve a donné. Un second
combat livré près de Tifanum, termine la guerre : le Latium et
[26] Minturnes, auj. Trajetto — Suessa Acunca, auj. Sessa — Sinuessa, non loin de Rocca di Mondragone.