L’HISTOIRE ROMAINE À ROME

 

Appendices

La question de droit entre César et le Sénat romain.

 

 

Nous donnons ici non pas la traduction entière, mais un extrait aussi fidèle que possible du Mémoire publié par M. Mommsen dans les Comptes-rendus de la Société historique de Breslau, en 1857. Nous avions cité souvent ce travail célèbre dans nos notes, et nous déférons à l’invitation de beaucoup de nos lecteurs, en le joignant en Appendice au présent volume. Mais, qu’on ne se fasse point illusion : pour ceux qui voudront en contrôler plus à fond toutes les données, toutes les conclusions, il est absolument nécessaire de recourir à l’original, aux développements détaillés dans lesquels est entré l’auteur, et à l’appareil de notes érudites et de citations dé textes placées en preuve au bas de chacune des pages.

 

I — Ce que c’est que la Province, sous la République

1. — Le sens du mot Province (provincia) chez les Romains n’a pas été, ce semble, suffisamment éclairci. Et pourtant, il y a là un détail dont il faut tenir compte dans l’étude des derniers jours de la République. Aussi, pour aider à l’intelligence des questions qui font l’objet de ce travail, nous nous attacherons d’abord à fixer la notion même de ce mot provincia.

Chacun le sait, le commandement suprême à Rome, l’imperium, n’est point, au début, circonscrit dans la ligne d’une compétence définie. Tant que le Roi est seul à la tête de l’État, seul aussi il est maître et seigneur nécessaire dans les choses de la guerre et de la justice ; et lorsque deux ou plusieurs magistrats, collègues entre eux, succèdent à ses pouvoirs, rien n’est changé dans leurs attributions souveraines. Chacun des consuls, chacun des tribuns consulaires a égale qualité pour procéder à tous les actes de justice ou de guerre du ressort de l’imperium. Mais, comme en même temps, les Romains ne voulaient point d’une administration à proprement parler collective, au sens actuel[1], ils crurent sortir d’embarras en transférant, dans les cas exceptionnels, l’administration toute entière à un seul, l’autre collègue se suspendant, de lui-même et momentanément, dans ses pouvoirs. Ainsi arrivait-il, par exemple, quand les consuls étaient tous les deux en face de la même armée ennemie. De là, à diviser le commandement par jours alternes, il n’y avait qu’un pas[2]. Mais ce moyen terme d’une abdication temporaire n’eût été qu’impéritie et danger : on en vint promptement et forcément au fait du partage habituel des affaires entre collègues. Comment ? Suivant quelles règles ? D’abord, le bon plaisir des magistrats en décida ; puis bientôt l’autorité grandissante du Sénat s’imposa aux consuls, soit qu’il y eût répartition expresse des affaires durant l’année de charge, soit qu’on fît parler le sort... De là, pour exprimer la compétence annuelle ainsi déterminée, le mot vincia ou provincia[3].

Le mot provincia, synonyme de commandement, ne s’applique qu’à l’imperium du magistrat suprême : il ne désigne que la compétence impératoriale, ce qu’il serait facile de démontrer par des exemples tirés du langage usuel. Les consuls et les préteurs ont bien d’autres affaires à régler que n’en comprennent les provinces. consulaires et prétoriennes ; et la présidence si importante du Sénat, pour ne citer qu’elle, ne rentre pas dans la province. Pourquoi ? Parce que la présidence du Sénat ne se rattache en rien à l’imperium, et qu’il suffit pour l’avoir, d’être promu à la dignité consulaire[4] : la province au contraire n’a trait qu’à la puissance militaire et judiciaire, aux actes qui découlent essentiellement de l’imperium[5]. Aussi jamais ne verrez-vous donner le nom de province aux attributions réparties entre les autres magistrats. Les édiles se distribuent les actes de leur fonction, absolument comme font les consuls et préteurs : leur compétence est réglée par le sort ou la convention[6] ; jamais on ne l’appellera la province de l’édile. Mais, dit-on, les questeurs ont eu aussi leur province officielle[7]. L’exception n’est qu’apparente : le questeur n’étant autre que l’auxiliaire du consul ou du préteur, la province qui lui échoit n’est point à lui, à vrai dire ; elle dépend du commandement du magistrat suprême dont il est le subordonné. C’est en ce sens qu’il faut entendre l’expression parfois rencontrée de Province prétorienne ou consulaire du questeur...[8]

2. — La division des attributions consulaires s’est donc pratiquée dès le début même du consulat. En droit positif, les lois liciniennes (387 [367 av. J.-C.]) l’ont pour la première fois prescrite et régularisée. Ces lois, on le sait, des trois magistrats suprêmes annuels, en ont mis deux (les consuls) à la tête de l’armée, réservant l’autre (le préteur) pour l’administration de la justice. Et c’est à l’heure même où cesse l’indivisibilité théorique de l’imperium, que celui-ci reçoit son expression complète et sa formule nécessaire. Que si les deux consuls ne se mêlaient point, dans la réalité, de l’administration de la justice dans Rome ; que si leur imperium, sous ce rapport, n’existait plus qu’en principe et à l’état latent, du moins se maintenait-il encore avec son nom et son appareil extérieur[9]. Le tiers magistrat était plus spécialement préposé à la justice dans la capitale, et par suite ne pouvait s’absenter durant plus de dix jours : mais lui aussi, il possédait la plénitude de l’imperium, et le commandement militaire lui appartenait même plus complètement, si l’on peut dire, que là juridiction civile n’appartenait au consul : pour le préteur enfin, l’exercice. du généralat n’était que suspendu, et il suffisait d’un sénatus-consulte pour le remettre en action[10] ......

La doctrine nouvelle de la compétence spéciale entraîna le partage effectif de l’Imperium. En 511 [243 av. J.-C.], la présidence des juridictions civiles se divise : il y a désormais un préteur urbain, et un préteur forain (peregrinus) : puis, l’extension de la domination romaine sur l’île de Sicile, en 527 [-227], et bientôt après sur les autres régions conquises au-delà des mers, achève la révolution commencée. Il n’était plus possible à l’administration centrale de pourvoir aux exigences de la justice et de l’état militaire clans ces contrées lointaines. Il fallut abandonner le système des attributions, concentrées dans la personne du consul, pour les choses de l’administration pure, et pour le commandement à l’armée, et dans la personne des préteurs ou de leurs subalternes, pour ce qui regarde la justice. Dans chaque territoire transmaritime, il fallut établir un consul auxiliaire, tout à la fois chef militaire, grand juge, et administrateur dans sa circonscription, comme l’avait été le consul des anciens temps, inférieur à celui-ci par le rang et le titre, mais l’égal du préteur. A dater de ce jour, et jusqu’au siècle de Sylla, l’imperium se divisa légalement en une foule d’attributions spéciales et permanentes, sans compter les missions extraordinaires, fort nombreuses aussi. Tels étaient : 1° la juridiction dans la cité ; 2° celle dite foraine ; 3° et les commandements successivement créés à demeure, de 327 à 562 [-227/-192], en Sicile, en Sardaigne, dans les deux Espagnes, en Macédoine, en Asie, en Afrique, dans la Narbonnaise et en Cilicie : 4° il y faut ajouter enfin le commandement militaire du continent italique auquel se rattachèrent les régions cisalpine et illyrienne. — Restaient certains autres offices de la magistrature suprême, non compris théoriquement dans la notion de la compétence impératoriale, comme la présidence du Sénat, par exemple, ou auxquels dans la pratique elle n’avait jamais été étendue, comme la présidence des élections et des comices centuriaux ......

Dans le détail, la division des affaires entre les consuls et les préteurs de l’année, se fit sous les yeux et sous l’autorité chaque jour accrue du Sénat ...... Si le cumul des juridictions spéciales se pouvait pratiquer encore et se pratiquait fréquemment, jamais en revanche on n’eut permis celui de la justice et du commandement militaire[11]. Pareillement il y eût eu danger à cumuler les deux commandements militaires ...... Enfin il n’était point permis de laisser les juridictions spéciales non pourvues, tandis qu’au contraire le commandement militaire pouvait rester vacant sur le continent italique, en cas d’empêchement des magistrats. Quant aux affaires et aux actes ne ressortissant pas des provinciæ, il n’était pas besoin pour leur gestion qu’un des magistrats fût exprès retenu à Rome : en cas d’urgence, le préteur urbain y procédait, ou encore l’un des consuls revenait pour quelques jours en ville, et y mettait la main.

3. — Les commandements permanents transmaritimes furent un jour portés à quatre, et les préteurs annuels à six, en conséquence de l’organisation des provinces espagnoles (en 557 [-197]). La division des attributions devient alors chose tout à fait normale. Aux six prêteurs échoient les compétences spéciales auxquelles il a fallu nécessairement pourvoir, c’est-à-dire les deux juridictions (urbaine et foraine), et les quatre gouvernements d’au-delà des mers. Quant aux consuls, ils demeurent attachés aux commandements de terre ferme ou à l’administration de la capitale. Par ce moyen on en a un toujours sous la -main pour les cas extraordinaires ; et quelques exceptions qu’il soit fait à cette distribution des rôles, la règle subsiste en pleine vigueur jusqu’à la mort de Caton. — Mais voici qu’au VIIe siècle la confusion s’introduit dans le système : les proconsulats transmaritimes ont été portés de quatre à neuf ; et cependant on a continué chaque année à n’instituer que l’ancien et même nombre de, magistrats. Veut-on la preuve manifeste de leur insuffisance ? Voyez la constitution que se donnèrent les insurgés italiques pendant la guerre sociale : cette constitution, jetée d’ailleurs dans le moule de celle de Rome, créait douze préteurs annuels, au lieu des six préteurs romains. — Or l’insuffisance des magistrats engendrait une confusion grandement nuisible aux intérêts mêmes de l’aristocratie dominante, et qui laissait prise aux intrigues des partis et au jeu des coteries. Sylla, en réorganisant l’administration, voulut apporter le remède au mal, comme je l’ai établi ailleurs, il introduisit dans les magistratures la séparation systématique entre les. départements civil italique, et militaire extra-italique. A dater de lui, les charges d’ailleurs ayant deux ans de durée, le département italique appartint à la première année, celle du consulat et de la préture ; l’autre devint l’apanage de la seconde année, celle du proconsulat et de la propréture. De là désormais un ordre double des compétences. Dans la première année, les deux consuls président le Sénat et dirigent l’administration, pendant que les huit préteurs se consacrent aux diverses branches de la justice. Dans celle qui suit, les mêmes dix magistrats, devenus proconsuls et propréteurs, sont chargés des divers commandements, auxquels vient s’ajouter encore celui de terre ferme, par le fait de l’organisation de la Gaule cisalpine en un district militaire spécial. Si bien que le nombre des commandements s’élève actuellement à dix. A dater de ce jour le mot provinces (provinciæ) demeure justement attaché aux gouvernements du second ordre ou de la seconde année ; les attributions des magistrats de la première année, à l’exception de celles des deux préteurs urbain et forain, ne constituant plus, à vrai dire, un département, une province ......

La province est en réalité l’apanage des dix offices proconsulaires et pro prétoriaux. Et c’est en ce sens que Cicéron définit les provinces sous le nom de domaines (prædia) du peuple Romain[12], et qu’il désigne la Sicile comme la plus ancienne province de l’État[13].

Les choses restèrent ainsi : et sous l’empire même il ne fut plus innové. Toutefois l’armée étant devenue permanente, les gouvernements proconsulaires et pro prétoriaux furent aussi donnés à poste fixe. Ils ne sont plus comme avant l’objet d’une attribution déterminée par un sénatus-consulte spécial. Les gouvernements d’Asie et d’Afrique sont désormais remis à des proconsuls, les autres gouvernements à des propréteurs. De plus la plupart des provinces ayant cessé de dépendre du Sénat, par extension de la loi Gabinia votée en faveur de Pompée, et leur administration ressortissant pour le fond du droit de l’imperium extraordinaire du César, elles restent en fait placées dans la main de ses lieutenants.

II — L’année de charge et l’année de commandement[14]

4. — On sait que l’année romaine dans l’ancien temps commençait au ter mars. C’est en 601 [163 av. J.-C.], que les magistrats suprêmes de la cité ont pour la première fois reporté leur entrée en charge au 1er janvier, arrêtant ainsi le début de l’année à la date aujourd’hui usitée depuis plus de 2000 ans[15]. De là, deux innovations, dont la plus notable, à première vue, le report au 1er janvier de l’entrée en charge, fixée au 15 mars, 80 ans avant, n’était cependant pas la plus grave. L’autre modification a une toute autre portée, en ce que désormais on abandonné le principe de la séparation de l’année civile et de l’année de magistrature. Jusqu’en 600 [-154], l’année officielle des hauts magistrats, consuls, préteurs, édiles curules, et plus tard aussi des édiles plébéiens, allait du 15 mars au 14 mars, celle des tribuns du peuple courait du 10 décembre au 9 décembre[16], sans toucher d’ailleurs à l’année civile, du 1er mars à la fin de février. Mais à partir de 601 [153 av. J.-C.], la nouvelle année officielle des magistrats curules, du 1er janvier à la fin de décembre, va constituer aussi l’année civile usuelle. Nous voyons, par des indications précises[17], qu’il en est ainsi dès le VIIe siècle de Rome ; et dès lors, on ne peut placer ce changement à une date postérieure, par exemple à celle de la réforme du calendrier par César.

5. — Mais est-il vrai que l’ancienne année officielle ait été complètement abolie par le nouvel usage ? Le renouvellement du feu et des lauriers, dans le temple de Vesta[18], l’enlèvement des boucliers sacrés appendus aux murailles de l’ancien palais des rois, la première danse des armes des Saliens[19], toutes ces solennités du 1er mars et d’autres réminiscences religieuses se référant à l’ancien nouvel an du mois de mars, n’impliquent en aucune façon son maintien à un titre quelconque. — On a soutenu aussi que le 1er mars est resté le terme usuel, le point de départ des baux à loyer et à ferme annuels, mais on l’a soutenu sans preuves[20]. — Ce qui est certain, c’est que jusque sous les empereurs, l’année militaire commençait encore au 1er mars : j’en ai ailleurs fourni la preuve, tirée de l’inscription d’un bronze aujourd’hui conservé au musée Britannique[21]. On y lit que 16 soldats des cohortes des vigiles de Rome, le premier entré au service le 31 mai 199 (de l’ère chrétienne), le dernier le 13 février 200, (milites facti) élèvent un autel au génie protecteur de leur centurie, reconnaissants qu’ils sont d’avoir été portés le 1er mars 203 sur la liste des ayants-part aux distributions publiques de blé (frumento publico incisi), c’est-à-dire, inscrits au rôle des citoyens romains. Nous trouvons d’ailleurs l’explication du fait dans un sénatus-consulte, cité par Ulpien[22], aux termes duquel le soldat du droit latin reçoit la cité après trois ans de service dans les vigiles. Or les trois ans des 16 soldats ci-dessus prenant fin au 1er mars 203, on voit par là que sans se préoccuper de ce que l’année de l’entrée au service n’est pas complète, on la fait en tout état courir du 1er mars 200. — Donc l’année militaire va du 1er mars à la fin de février, et notre opinion se confirme encore par ce fait, que lorsqu’il est fait mention d’un groupe de soldats entrés au service ensemble ou plutôt dans la même année militaire, leur temps se place à cheval sur deux années consulaires[23].

... Naturellement, le jour effectif de l’incorporation du soldat et celui de son congé ne tombaient pas obligatoirement au 1er mars. Le magistrat, qui levait la troupe, fixait le jour de l’entrée, et quant au licenciement (missio), le soldat ou mieux le vétéran n’avait point sa liberté ipso jure, il n’y acquérait qu’un titre. Son serment ne lui permettait de quitter les aigles qu’avec l’autorisation du général[24]. — Quoi qu’il en soit, et tout compte fait, c’est au 1er mars que se place le terme ordinaire initial et final du service militaire. Quand, dans les temps anciens, l’armée n’était formée que de la levée des citoyens, tous les ans renvoyés dans leurs foyers, les soldats n’étaient appelés qu’à l’ouverture de la belle saison,.... et il ne faut pas douter qu’en mettant leur nouvel an au ter mars, les Romains n’avaient fait qu’adopter l’époque habituelle de la campagne militaire. Le congé, alors, concordait avec la fin de l’expédition. Mais une fois venue l’ère des armées permanentes, les congés se délivrèrent du 4 au 7 janvier à Rome[25], et si l’on tient compte de l’éloignement des camps et des cantonnements, on constate que le soldat n’était guère libéré qu’en mars, un peu avant et un peu après le premier jour de ce même mois.

6. — La plus petite unité de temps dans l’ancien service militaire était le semestre, allant du 1er mars à la fin d’août, et du 1er septembre à la fin de février, ainsi qu’on le sait maintenant par l’échéance des termes du paiement de la solde (stipendium semestre)[26] : dans l’organisation nouvelle, l’unité est l’année (stip. annuum), du 1er mars à la fin de février. Dans les inscriptions votives ou tumulaires, tandis qu’on trouve l’âge toujours exactement relaté, années, mois et jours, le temps de service n’est mentionné le plus souvent que par les années de solde (stipendia, æra) ... Quand le soldat ne servait que par intervalles, on ne pouvait compter chaque passage dans la légion, si court qu’il fût, comme année de service : mais celui-ci étant devenu permanent et de durée, on admit, pour l’année d’entrée et de sortie, la série même la plus courte des jours militants ... Dans la théorie et dans la pratique la règle militaire se comportait comme la règle du droit public et civil, et ne comptait pas de momento ad momentum. Elle tenait compte de l’unité entière, par cela seul que la fraction était acquise... De même que l’enfant né une heure avant minuit, et décédé une heure avant la minuit suivante, a vécu deux jours (dies cœptus pro completo) ; de même que dans la computation juridique, les 365 jours de l’année sont tenus pour révolus, le premier et le dernier jour n’auraient-ils été qu’à peine entamés : de même, et par analogie, le milicien appelé le 1er février, ou le 1er août, et congédié le 1er avril ou le 1er octobre suivants, a servi ses deux semestres, et son temps de 20 ans de service est complet, non à la fin, mais au commencement de la vingtième année ; il ne lui reste qu’à attendre la mission du chef. — Tout cela dit bien entendu, sauf les exceptions, que ce n’est point ici le lieu d’énumérer[27]...

7. — A Rome, entre le régime de la guerre et celui des procédures judiciaires, il y a affinité ; mieux que cela, identité. Ils sont dominés par un seul et même principe politique, celui de l’imperium. Les mêmes règles de droit, les mêmes formes président à la guerre contre Gabies et au procès d’Aulus Agerius contre Mimerius Negidius : les mêmes pouvoirs opèrent dans la personne du préteur, au dehors quand il commande et fait droit contre l’ennemi, au dedans quand il juge ...... Mettons donc en relief la vraie nature de l’imperium, et prouvons l’identité des deux années militaire et judiciaire. On sait bien ce qu’est l’annus litium[28]. Mais quel était son point de départ ? Ici, les sources se taisent. Dans les Manuels de l’école, on fait partir du même jour et l’année judiciaire et l’année civile. Loin que le fait soit démontré, il est impossible. Comme il y a plusieurs préteurs, le partage de leurs compétences, ainsi que pour les consuls antérieurement à la loi de G. Gracchus, s’effectua toujours après leur entrée en charge[29]. Si l’année judiciaire eût commencé le 1er janvier, les plaids n’eussent pu aussitôt s’ouvrir (lites inchoare), chose pourtant nécessaire : il eût fallu attendre la répartition des juridictions. La chose eût été vite faite dans les temps anciens, alors que le magistrat s’en réglait soit à l’amiable avec ses collègues, soit par la voix du sort. Mais vint le jour où le Sénat se saisit de cette attribution si féconde pour son pouvoir. Le partage des provinces subit des longueurs. Maintenant, si l’on ouvre l’année judiciaire au 1er mars, plus de difficulté : on a les mois de janvier et février pour le règlement des juridictions[30]. Ajoutons ceci que hors de Rome, il n’y a d’autre magistrat que l’officier général, d’autre justice que la justice militaire : or, ici, forcément l’une et l’autre années concordaient. Combien d’inconvénients dans, la doctrine et dans la pratique, si l’annus litium n’eût point été le même et dans la ville, et hors de ses murs ? — On démontrerait pareillement qu’après le 1er septembre, les procès ne s’ouvraient plus, parce que, d’un côté, le même juge les devait vider devant qui ils avaient commencé, parce que de l’autre, les jurés perdaient leurs pouvoirs, quand le juge qui les avait nommés se retirait[31]. Or le 1er novembre tombe juste 6 mois après 1er mars, et par là, ramène à l’année ouverte ce dernier jour.

Ainsi donc, la réforme légale de 601 [153 av. J.-C.] (supra n° 4) fut des plus importantes. L’année de charge des magistrats curules, ou ce qui est même chose, l’année civile commence désormais le ter janvier : mais l’imperium resté fixé à l’ancienne date initiale du 1er mars, et comme il n’était point permis de prendre la loi curiate (de imperio) avant cette époque[32], c’est elle encore qui continuera d’être le point de départ de l’année militaire et de l’année judiciaire. D’où cette conséquence en fait que la magistrature ouverte le 1er janvier durera 14 mois, conséquence dont ne s’étonneront pas ceux qui savent que les magistratures ne se suivaient plus immédiatement, mais qu’un intervalle de deux ans séparait l’édilité de la préture, la préture du consulat......

9. — Revenons à la question de la durée des gouvernements provinciaux, sujet principal de toute cette étude ; et distinguons d’abord entre le temps de la résidence, et la durée et l’échéance de l’imperium. L’ancienne constitution n’avait rien réglé quant au temps de résidence. Juridiquement, le chef suprême de la province la pouvait quitter quand il voulait, sauf à se faire suppléer par un lieutenant (legatus pro. magistratu) : il n’était pas davantage obligé de quitter la place à l’expiration de son temps de charge, si son successeur tardait à venir. Plus tard, quand vint l’agonie de la République, la loi Pompéia (702 [52 av. J.-C.]), et les sénatus-consultes à la suite, firent un devoir aux proconsuls et propréteurs de séjourner un an dans leur province, à compter du jour où ils y étaient arrivés, puis de la remettre à leur successeur, ou à son défaut, à un lieutenant[33], et de s’en revenir à Rome   

Quant à l’imperium, il en est tout autrement, on le peut prévoir par ce qui a été ci-dessus exposé. Le magistrat de la province est soldat comme le dernier de ses soldats (commilitones), et son année d’imperium, ainsi que l’année du service militaire, court du 1er mars de l’année de charge jusqu’à la fin de février suivant. Ici viennent se rattacher quelques autres règles de droit public. Et d’abord, notons que l’échéance finale de la magistrature suprême n’en arrête pas de plein droit l’exercice : comme par un souvenir immortel de la perpétuité qui est de l’essence même de son office, cette date ne vaut qu’à titre d’invitation solennelle à résigner le pouvoir. Ajoutons que la loi n’était absolue qu’au regard des charges civiles. Les consuls sortaient à l’expiration de leur année officielle, qu’il y eût ou n’y eût pas d’autres consuls désignés ; auquel dernier cas, s’ouvrait un interrègne. Dans l’imperium militaire, il n’en allait point ainsi ; et même à son échéance, le magistrat était tenu de se continuer en fonctions, jusqu’à l’arrivée de son successeur[34]... En d’autres termes, le général, pas plus que le soldat, ne peut se donner son congé, pas plus que le père ne peut se défaire de la puissance paternelle (potestas), sauf à la transmettre à un successeur : pas plus que le fils ne peut rejeter sa qualité (filius familias) ou se soustraire à l’hérédité nécessaire (necessarios heres : suus heres). — Nous touchons ici au principe même de la prorogation de l’imperium. On conçoit cette différence entre les magistratures civiles et l’imperium. Légalement, on ne peut pas plus étendre l’un que les autres : mais la nécessité a innové, en tant que le général a le devoir d’attendre qui le remplace...... L’année du chef de province, comme l’année du service militaire, ne se calcule donc point selon sa limite légale : elle se calcule par la durée effective du commandement. De là l’explication de bien des faits, autrement contradictoires, inexplicables[35].

10. — L’imperium civil dans Rome, l’imperium militaire hors du pomœrium se sont mutuellement exclus, durant toute la république, depuis Tarquin le Superbe jusqu’au 3e consulat de Pompée[36]. Aussi le magistrat, quand il va prendre le commandement, sort-il de Rome revêtu du paludamentum (paludatus exit) ; et c’est de ce jour que l’imperium militaire commence pour lui. Après la réforme de 601 [153 av. J.-C.], nous l’avons vu, il n’entre pas en commandement avant le 1er mars, mais le plus tôt possible après cette date. Durant les 10 derniers mois de l’année, il régit l’Imperium en qualité de consul ou préteur : puis, durant les deux mois qui suivent (janvier et février), en qualité de proconsul ou propréteur... Mais vient Sylla, qui en dispose autrement[37]. — Inutile de récapituler les exemples qui prouvent la règle actuelle, selon laquelle préteur et consul, en tant que préteur et consul, n’ont point l’imperium : je rappellerai seulement le serment de Pompée, quand, consul en 684 [-70], il jure : se in nullam provinciam ex eo magistratu iturum ; ou bien, le reproche que César adresse aux consuls et au Sénat au début de la guerre civile[38]. Non qu’on ne puisse citer des exceptions : on en rencontre en assez grand nombre. Mais les circonstances les expliquent[39] : alors le Sénat intervenait et donnait les dispenses ...... Le consul qui en tant que consul, aurait pris de lui-même le commandement militaire au dehors, aurait violé la constitution. — Comment Sylla formula-t-il son innovation ? Vraisemblablement il ne fut point défendu au magistrat de Rome de s’absenter pendant son année officielle ; il y eût eu à ce rigorisme trop d’inconvénients : seulement il lui fut interdit de sortir en revêtant le paludamentum ......

La conséquence pratique de ces mesures fut la séparation complète de l’imperium civil et de l’imperium militaire ; la conversion de ce dernier, jadis fondé sur l’élection populaire, en une sorte de prorogation de pouvoirs, sans auspices ; et enfin, la continuation de la fonction active non plus seulement jusqu’à la fin du 14e mois, mais pendant deux ans au moins. Mieux ordonné qu’avant sans doute, l’office du magistrat n’est plus troublé, paralysé par les devoirs du capitaine, et vice versa : en même temps, magistrat et capitaine sont ramenés sous la main toute puissante du Sénat. Un changement peu considérable dans la Constitution fait toucher à un grand résultat. L’oligarchie triomphe !... Malheureusement le triomphe n’est que d’un jour : déjà le, glaive est prêt qui coupera et détruira -tout ce réseau de savantes formalités.

11. — Reste une dernière et double question. Quelle était la position du chef de province, consul ou proconsul, préteur ou propréteur, dans le temps intermédiaire entre l’acquisition légale de l’imperium militaire, et l’entrée de fait dans le commandement ? Qu’advenait-il de cet imperium, dans lequel il se continuait après l’échéance de ses pouvoirs ?

En ce qui touche le temps intermédiaire, on sait qu’en tout temps, du jour où il a passé la frontière constitutionnelle de l’imperium, le magistrat peut prendre le titre et les insignes du général en chef, et sans nul doute aussi en remplir les fonctions. La province qui lui a été attribuée ne le lie qu’en fait, non en droit, on l’a établi plus haut ; et si en route, il lève des troupes[40], s’il juge un cas criminel, s’il livre une bataille, il peut avoir agi à tort, il n’a point agi illégalement[41]. Sa fonction provinciale ne commence point à la limite de sa province, elle commence le jour, où il a pris les insignes et quitté Rome.

Que le commandement expirât autrefois avec la remise de service, à l’arrivée du successeur, inutile d’en fournir la preuve ; et celui-là seul obtenait le triomphe, qui revenait victorieux à la tète de l’armée, n’ayant pas, conséquemment de successeur[42]. Il n’en fut plus de même, à dater de l’érection des provinces permanentes. Le triomphe ne pouvait se refuser au général qui ayant pris le commandement en temps de guerre, avait remis à son successeur une province pacifiée. Or pour triompher, il fallait que le commandement se continuât jusqu’à l’arrivée du chef. et des soldats sous les murs de Rome[43] : il fut donc laissé au premier une sorte d’imperium ; et comme d’autre part, ce n’était qu’après son arrivée dans la ville que le triomphe était donné ou refusé, il s’ensuivait aussi qu’il dépendait de lui de mettre fin. à ce reste de pouvoirs qui s’attachait encore à sa personne. La main de Sylla vint encore régulariser cette situation : il fit passer dans le droit ce qui n’était que dans la pratique. Désormais le proconsul et le propréteur gardent le commandement suprême jusqu’à leur retour.... Sans doute il n’est plus question ici d’un commandement effectif : il n’y a plus qu’un nudum imperium, si l’on peut dire. Le magistrat porte encore les insignes, mais il n’exerce plus la juridiction que pour la forme : seulement il peut être remis en activité par un sénatus-consulte[44], de même qu’en droit civil, la nue-propriété reprend sa pleine énergie par la consolidation.

III — Le procès entre César et le Sénat

12. — Les recherches qui précèdent sur l’échéance légale des hautes magistratures ne semblent pas, au premier abord, être de plus de conséquence que toute autre question relative au droit public ou privé des Romains... Qu’on se garde, pourtant, de s’en tenir à cette conclusion. La question de droit qui nous occupe a été comme un point solsticial dans l’histoire du monde : le procès alors débattu a entraîné la chute de la République romaine. De même que la cause, en soi indifférente, de la mort des grands hommes, excite l’intérêt ému et curieux de la postérité, de même à notre étude, si le succès la couronne, devra s’attacher un autre mérite que celui de la lumière faite sur un problème quelconque de l’histoire. A elle en effet il appartiendra de dire enfin à quel jour prenait fin le proconsulat de César dans les deux Gaules.    

13. — Ce jour, l’opinion commune le place à la fin de décembre 705 [49 av. J.-C.], et il n’est pas en effet de date historique mieux établie. C’est sur elle que César se fondait pour rester proconsul jusqu’à son entrée en charge dans son second consulat : or c’était pour 706 [-48], qu’il comptait bien être désigné consul. Sylla avait naguère aboli les prohibitions absolues de l’an 603 [-151], contre les réélections consulaires ; mais en même temps, il avait remis en vigueur la loi de 412 [-342], qui exigeait l’intervalle de 10 ans entre chaque réélection. Or César, consul en 695 [-59], ne pouvait pas rentrer dans le consulat avant l’an 706 [-48], laissant en dehors (comme il convient évidemment[45]) les deux années d’investiture des deux consulats. dont il s’agit. De dispense légale (dispensatio) il ne peut être ici question : nulle part on n’en trouve trace, ce qui tranche tout déjà, dans un débat qui nous est connu jusque dans les moindres détails. Bien plus, César lui-même prend soin de dire qu’il ne l’a ni obtenue, ni même demandée ; qu’il a au contraire attendu l’époque légale de son investiture, se contentant des droits qui appartenaient à tout citoyen[46] : c’en serait assez déjà pour la preuve ; d’autres circonstances viennent la corroborer. En 704 [-50] nous voyons César parcourir les cités romaines de sa province, pour s’assurer leurs votes[47] ; or l’on sait par une foule d’exemples que les tournées de candidature (canvassing) avaient lieu dans l’année antérieure à l’élection, et conséquemment dans l’avant-dernière année avant l’entrée en charge. Cœlius n’écrit-il pas, dès août 703 [-51], que sur cette affaire si vivement débattue dans le Sénat du rappel de César, on n’en finira jamais, et que très probablement on tournera deux ans durant dans le même cercle de motions et d’intercessions sans issue[48] ? Certes le mot de Cœlius n’a de sens, qu’autant que l’état de droit demeurera ce qu’il est au moment où il parle et qu’autant que César restera proconsul jusqu’à la fin de 705 [-49] pour entrer en charge consulaire le 1er janvier 706 [-48]. Si César eût été obligé d’aller à Rome de sa personne avant son élection, abandonnant ainsi, et pour tout le temps intermédiaire son commandement proconsulaire, incompatible avec le séjour dans la ville, il aurait, ainsi qu’il le dit ; perdu l’imperium pendant tout un semestre[49], ce qui suppose bien qu’il serait sorti du proconsulat au dernier jour de décembre 705 [-49], l’élection consulaire se faisant en juillet. En face de témoignages si positifs, acceptés de tous et incontestables, on souffre vraiment à voir un auteur estimable[50] essayer une démonstration impossible, et soutenir que César a brigué le consulat. Pour l’année 705 [-49] et non pour 706 [-48], et qu’il a échoué. Pour quiconque étudie l’histoire de cette époque, accessible à tous, comme le sont nos journaux quotidiens, pour qui sait la colère des Césariens, lors de l’échec du lieutenant de César, Servius Galba, aux élections pour 705[51] [-49], leurs plaintes quand ils voient élire les hommes hostiles à leur parti, il sera fort difficile, je suppose, d’admettre que César ait aussi été candidat pour cette même année ou qu’il ait eu seulement la pensée de se porter ; ou que quand il parle des prochains comices à l’occasion du privilège qu’il revendique, il faille entendre par ces mêmes mots les comices de l’année passée[52] ......

14. — Selon une autre opinion, qui a trouvé ses défenseurs dans Peter[53] et dans Hoffmann[54], César arrivait à fin de charge le 1er mars 705 [49 av. J.-C.]. Je le concède, cela est certain. La loi Vatinia, votée sous le consulat de César, en 695 [-59], lui avait conféré la province Cisalpine pour les cinq années suivantes : puis, en exécution des articles convenus à Lucques, et sur la motion de Pompée et Crassus il avait été prorogé pour cinq autres années dans cette même province et dans celle de la Transalpine, qu’il ne tenait jusque-là que d’un sénatus-consulte[55]. Mais dès avant ce second plébiscite, dès la fin de mai 698 [-56], le Sénat avait délibéré, conformément à la loi de G. Gracchus, sur les provinces à décerner aux magistrats à élire dans les prochains comices, c’est-à-dire aux consuls qui. seraient en charge en 699 [-55], et aux gouverneurs provinciaux pour l’an 700 [-54] ; et entre autres propositions hostiles à César, déjà, l’on avait fait celle d’attribuer la Cisalpine à l’un des futurs proconsuls à partir du 1er mars 700. Ce fut alors que Cicéron faisant amende honorable pour ses accès d’éphémère indépendance, et devenu l’avocat soumis des triumvirs, de César surtout, répondit que si la motion n’allait pas à l’encontre de la loi Vatinia, elle n’en était pas moins inconstitutionnelle, la collation des provinces se rattachant immédiatement et nécessairement au consulat ou à la préture : autant revenait à dire qu’aux termes de la Vatinia l’échéance, tombait au 1er mars 700 [-54], qu’elle tombait au 1er mars 705 [-49], aux termes du plébiscite Pompéien-Licinien[56]. Ce n’est pas tout, Hirtius[57] au cours de son récit des événements de l’an 703 [-51], fait la remarque qu’à la connaissance de tous les Gaulois le proconsulat de César, n’avait plus qu’un été devant lui : d’où la conséquence qu’il devait prendre fin avant la campagne de 705 [-49]. Cicéron, dans une lettre confidentielle à Atticus, tonne contre la tyrannie qui menace, et écrivant ce qu’il aurait dû dire devant le Sénat, reproche à César sa prétention à la candidature consulaire après l’échéance de sa sortie de charge[58]. Enfin Suétone déclare qu’un plébiscite lui a permis la candidature, quoique absent, et après l’échéance de son impertum[59]. L’élection dont il s’agit tombait au 1er juillet 705 [-49], rien de plus exact, si l’imperium de César prenait fin le 1er mars précédent ; mais rien de plus inexact si l’échéance ne venait qu’à la fin de décembre. Que n’a-t-on pas tenté pour concilier ces divergences inconciliables ? Les deux dates sont également attestées. Et l’on pardonnera facilement à qui n’aura pas su résoudre le problème.

15. — Pour nous, nous croyons en avoir d’avance donné la clef. La Vatinia confère à César l’imperium pour les cinq années qui la suivent, mais dont l’échéance ne tombe ni au jour correspondant au vote de cette même loi, comme le veut Peter, ni à un jour arbitrairement déterminé, comme le veut Hoffmann : puisqu’il s’agit ici d’une loi de imperio, ces années sont des années impériales ordinaires, et qui commencent au 1er mars, selon l’antique tradition. La loi Vatinia a-t-elle été votée avant ou après le 1er mars 695 [59 av. J.-C.] ? On ne le sait pas, et cela est indifférent. Les cinq années couraient du 1er mars 695 au dernier février 700 [-54]. Le plébiscite dérogeant en ce point à la loi Cornelia, qui astreignait le consul à rester dans Rome, César sans doute était parti déjà pour l’armée.... Mais il n’entra en charge de proconsul qu’au 1er janvier 696 [-58], et de fait même il ne prit le commandement suprême qu’en avril. Il faut donc, pour calculer la durée légale de son gouvernement provincial, prendre pour point de départ cette date du 1er janvier 696 : dès lors, sortant de charge le dernier jour de février 700, César aurait accompli légalement ses cinq années, puisque l’année commencée, dans la tradition constitutionnelle, devait être réputée pour entière ...... Ajoutez les cinq autres années de la prorogation, et l’on arrive au terme du 1er mars 705 [-49], mais, en fait, le proconsulat ne prenait point fin à cette date. César se trouvait alors dans la position commune à tout proconsul ou propréteur entré le 1er janvier dans sa charge annuelle allant jusqu’au 1er mars. Le Sénat pouvait bien disposer de la province, mais il ne la pouvait décerner ni à un consul ni à un préteur de 704 [-50], sans donner ouverture ou reproche formel d’inconstitutionnalité soulevé par Cicéron, en 698 [-58], en pareille circonstance : le magistrat nommé au lieu d’entrer en charge dans l’onzième mois de l’année impériale, ne l’aurait fait qu’après. Tout au plus le Sénat aurait-il pu prendre les gouverneurs des Gaules parmi les magistrats de l’an 705 [-49] ; mais ceux-ci à leur tour, en tenant compte du délai du voyage, ne pouvaient plus entrer dans leur charge provinciale avant le 1er janvier 706 [-48]. Et le langage de Tite-Live se comprend fort bien, quand employant une expression, sinon rigoureuse et juridique, du moins suffisamment exacte, selon l’histoire, il décide que César, malgré l’échéance légale de l’imperium provincial au 1er mars 705 [-49], était en droit, grâce à la loi votée pour lui, de se continuer dans les gouvernements des deux Gaules jusqu’à son entrée en charge consulaire[60].        

16. — Nous avons exposé dans son principe et dans son étendue le droit de César à ses gouvernements des Gaules. Nous allons suivre le débat, jusqu’au point où tous les arguments épuisés, les glaives sortiront du fourreau.

Tant que le proconsulat de César avait sa base dans la loi Pompeia Licinia, l’attaquer était impossible : le Sénat demeurait dans son impuissance ; Pompée était lié, lui, le promoteur de la loi ; et enfin le droit était trop clair, pour qu’on pût songer à envoyer un successeur au redoutable proconsul[61].

Dès l’origine, ses ennemis n’arrêtèrent leurs visées que sur les dix derniers mois de son temps de charge : et, chose qui démontre les intelligences nouées dans Rome par les Gaulois, ceux-ci croyaient ne plus l’avoir devant eux, après l’été de 704 [50 av. J.-C.]. Qu’en l’absence d’un plébiscite exceptionnel, il appartint au Sénat de décerner les provinces, de désigner et rappeler les gouverneurs, c’était là une de ces règles du droit constitutionnel, sur laquelle tous étaient d’accord, juristes politiques et hommes d’état : mais à dater du 1er mars 705 [-49], César n’était plus qu’un proconsul ordinaire ; il devenait le subordonné du Sénat[62], et au lieu de ne tenir l’imperium que de la force de son propre droit, il n’était plus qu’un administrateur de l’office en attendant l’arrivée de son successeur. Là était le point faible, et c’est là que se porta l’ennemi. Le premier et le plus rude coup fut dirigé contre le principe même de la continuité de son imperium consulaire et proconsulaire. Les Catoniens prirent les devants : Pompée les suivit, d’autant que nommé consul sauts collègue pour 702 [-52], à la suite des désordres miloniens, il croyait avoir la haute main sur toutes choses, et n’avoir plus besoin de César. Par décret du Sénat de l’an 701 [-53], décret que le peuple confirme en 702 [-52], sur la motion de Pompée, il est statué qu’à l’avenir les provinces ne seront plus immédiatement données aux consuls et préteurs sortants, qu’elles ne leur appartiendront qu’après cinq années écoulées, et que l’imperium, dans lequel ils n’avaient eu avant qu’à se continuer en leur qualité de proconsuls et de propréteurs, leur sera renouvelé par plébiscites spéciaux[63]. Mais quand expirèrent les cinq ans, lorsque arriva le tour des magistrats sortis en 702 [-52], Pompée n’était plus, et l’édifice de l’oligarchie avait croulé. Auguste reprendra un jour le sénatus-consulte[64], sans d’ailleurs le faire mieux exécuter. — Comment furent réglées les provinces dans l’interim qui suivit sa promulgation ? On ne le saura jamais bien : les désignations sénatoriales furent confuses et contradictoires à l’égal d’ailleurs de tout le travail de la coalition pompéienne aristocratique[65]. Mais le point principal reste certain. Si César avait pour successeur un magistrat sortant de charge, sa succession ne pouvait s’ouvrir avant le 1er janvier 706 [-48], puisqu’au 1er janvier 705 [-49] la vacance provinciale n’était point encore ouverte. Que si au contraire, il était remplacé par un magistrat sorti depuis cinq années, qu’importe que celui-ci eût passé dans la vie privée cinq ans pleins ou non (deux mois en moins ou deux mois en plus), et que le plébiscite de renouvellement de l’imperium fût voté le 1er janvier ou le 1er mars ? Assurément, si ce n’était point là l’unique objet de l’organisation nouvelle[66], c’était du moins son unique et essentiel objet politique. César se sentit profondément blessé : on le voit à l’amertume de son langage, lorsque, sans nommer jamais la loi qui l’atteint, il insiste sur ses conséquences[67]. La rupture de l’alliance entre les deux dominateurs de Rome s’accusait pour la première fois. Mais à ce moment les flammes de la guerre de l’indépendance couvraient la Gaule : Vercingétorix marchait à la tête de l’insurrection. César pouvait-il faire autre chose que de la diplomatie ? Il avait les mains liées : provisoirement, il se contente de négocier, et de manœuvrer dans Rome. A réclamer simplement le retrait de la loi pompéienne, il ne fallait point espérer de succès. Mais quand nous voyons le consul de 704 [-50], L. Paullus, manifester la velléité de succéder immédiatement à la préture de Cicéron, revenu de Cilicie, au commencement d’août[68], ne reconnaissons-nous point là aussitôt la main du rival de Pompée, d’autant que ce Paullus est l’un de ses instruments payés. Entrer dans sa province aussitôt son consulat (ex consulatu) selon l’ancien mode, c’eût été par le fait violer la loi de 702 [-52], et l’annuler. La marche rapide des événements empêcha seule Paullus de mener à fin un projet fort bien conçu. En attendant, César semble avoir demandé à Pompée deux choses, une dispense légale de présence personnelle à Rome avant l’élection consulaire..., et le cumul du consulat avec le proconsulat, pour l’an 706[69] [-48], cumul dont Pompée jouissait précisément alors (702 [-52]). Pour la seconde de ces demandes, injustifiable en droit, et que la politique eût seule autorisée, il intervint un refus absolu : quant à la première, elle avait cela de plausible, qu’aux conférences de Lucques, il avait été entendu ou prévu sans doute[70] que César garderait sa province jusqu’au commencement de son second consulat ; et Pompée, en permettant aux tribuns de porter devant les comices une loi d’exécution des articles convenus, semblait y avoir d’avance acquiescé. Mais on sait ce que c’est qu’un acquiescement donné par Pompée... Au lendemain de la rogation faite dans l’intérêt de César, il fait rendre une loi qui réglemente à nouveau toutes les candidatures : cette loi exige de plus fort la présence personnelle des candidats à leur inscription sur les listes : d’exception pour César, il n’est pas dit un mot ; et quand celui-ci se plaint, Pompée fait insérer après coup la clause exceptionnelle dans la loi déjà promulguée. Aux yeux de tout juriste le privilège antérieur de César était aboli par la loi postérieure, et la clause insérée était nulle. En sorte que César ne pouvait plus, absent, être compté comme candidat. Pompée d’ailleurs, qu’il en fût ce qu’on voudra, Pompée, suarum legum auctor idem ac subversor[71], selon le mot de Tacite, se flattait d’avoir retiré d’une main ce qu’il avait donné de l’autre. Peu importait à César son assiduité ou son absence en tant que candidat, ce qu’il voulait c’était garder la province gauloise pendant sa candidature.... Mais si ses adversaires réussissaient à lui envoyer un successeur au 1er mars 705 [-49], ou seulement avant le 1er janvier 706 [-48], tout en laissant subsister la rogation tribunicienne, ils arrivaient assurément à leurs fins : ils concédaient à César sa désignation consulaire ; et en même temps ils mettaient une coupure entre son proconsulat et sa magistrature nouvelle. Ne fût-ce que pour un instant, ils n’avaient plus devant eux qu’un simple citoyen, hors de charge. Vraiment Pompée était bien le fils de ce P. Strabon, faux joueur au milieu des partis, celui qu’au jour de ses funérailles la foule arracha de dessus sa bière et traîna par les rues : il était de cette triste école, superficielle en toutes choses, qui n’a de profondeur que dans la duplicité, pour qui tout l’art de l’homme d’État n’est qu’artifice et chicane, et qui met la haute politique à faire métier d’escamoteur !

17. — Ainsi la rupture était imminente. Mais pour donner à comprendre le récit qui va suivre j’ai à revenir sur la procédure sénatoriale en matière de répartition des provinces consulaires, et prétoriennes. Pour les premières, on le sait de source certaine ; le Sénat décrétait dans l’année avant l’entrée en charge des consuls, et avant leur désignation du mois de juillet ; pour les prétoriennes, avant le ter mars de l’année de charge des préteurs : en d’autres termes, la répartition avait lieu, pour les premières, dix-huit mois au plus tard, pour les secondes, dix mois au plus tard avant l’entrée en fonctions des magistrats provinciaux. Sans que ce fût une nécessité, il était d’usage d’ailleurs, de procéder en une seule. fois, si bien que chaque année, en janvier ou février, le Sénat[72] décrétait d’ensemble la répartition de toutes les provinces ...... Suivant le cours ordinaire des choses, par exemple, et faisant abstraction de la loi Pompéia, c’est en janvier ou février 703 [51 av. J.-C.], qu’il eût dû distribuer les provinces consulaires pour 705 [-49], et les prétoriennes pour 704 [-50] : d’où cette conséquence, que le magistrat remplacé par un propréteur sortait de charge un an avant celui que remplaçait un proconsul[73]. Le gouverneur lésé par le sénatus-consulte avait bien un moyen constitutionnel de recours, l’intercession tribunicienne, qui transformait le vote du Sénat en une simple autorisation (senatus auctoritas) sans valeur légale, ou qui, tout au moins, en la dirigeant contre la loi curiate (lex curiata de imperio) ou le plébiscite proposé pour son renouvellement, mettait en question la prise même de l’imperium. A la vérité la loi curiate n’étant plus qu’une pure formalité, l’intercession en ce cas n’était guère efficace[74] ; et quant à intercéder contre le sénatus-consulte, la loi ne le permettait pas, dès qu’il s’agissait des provinces consulaires[75]. Enfin si elle était recevable au regard des provinces prétoriennes, le Sénat l’arrêtait, soit par des protestations énergiques, soit par les moyens d’exception usuels en cas pareil, et que nous n’avons point à exposer ici[76].

18. — La guerre diplomatique commença en 703 [51 av. J.-C.] à l’occasion de la répartition des provinces, des provinces consulaires pour 705 [-49], et de celles prétoriennes pour 704 [-50] : on ne délibéra d’abord que sur les premières[77]. Ici, comme toujours, les Catoniens allaient de l’avant, entraînant Pompée, bon gré, malgré à leur suite. Le consul M. Marcellus proposa de donner les deux gouvernements des Gaules aux consulaires appelés à remplacer les consuls de 704 [-50] aux termes de la loi de Pompée et du sénatus-consulte rendu pour son exécution : par là, manifestement, ils entraient en charge proconsulaire, non le 1er janvier, mais le 1er mars. On observait ainsi la loi Pompeia-Licinia, et comme les nouveaux magistrats ne passaient pas du consulat (ex consule) au proconsulat, on n’avait point à craindre les objections faites en 698 [-56], contre une motion toute semblable. En droit, il eût fallu que la question fût vidée avant le 1er mars 703 [-51] ; et le débat aurait dû s’ouvrir aussitôt l’entrée en charge de Marcellus. Mais soit crainte chez les sénateurs, aimant mieux reculer qu’avancer, soit indécision chez Pompée, la délibération fut reportée au dernier jour de septembre. Dans le parti de César on soutenait que la motion était prématurée, et Pompée avouait que le Sénat n’avait point qualité pour voter avant le 1er mars 704 [-50], sur les provinces des deux Gaules[78]. La motion était prématurée ; pourquoi ? Distribuer les provinces consulaires pour 705 [-49] n’avait rien que de régulier. On n’avait que faire ici de ce vieil argument que l’imperium du proconsul futur aurait dit partir du 1er janvier, et qu’on le faisait partir du 1er mars, alors qu’il ne s’agissait que de l’entrée en charge, et non de la collation du titre ; alors que d’ailleurs l’empêchement existait au 1er mars 704 [-50], tout aussi bien qu’à la fin de septembre 703 [-51]. Il semble, en effet, que la loi Pompéia-Licinia elle-même, selon ce qu’indique Hirtius[79], avait nettement interdit, au Sénat la collation des gouvernements des deux Gaules avant le commencement de la dixième et dernière année de l’imperium de César, à savoir le 1er mars 704 [-50]. En conséquence, l’affaire fut renvoyée à l’époque où la prohibition cessait. La décision, qui ne fut prise qu’après s’être bien convaincu que Pompée voulait forcer César à se démettre de sa fonction avant le dernier jour de décembre, et non pas seulement avant le dernier jour de février suivant (705 [-49]), cette décision en somme nuisait au proconsul[80]. Loin qu’on donnât d’autres provinces aux consulaires appelés pour 705, on remettait purement et simplement à quelques mois plus tard à statuer sur leurs commandements, et cela avec visée expresse des commandements des Gaules. Que si en cela faisant on violait la loi Sempronia, c’est ce à quoi l’on prit peu garde, dès que suivant le nouveau mode, on substituait, dans l’élection, des consulaires aux consuls à désigner pour les provinces. Les Césariens, en face d’un sénatus-consulte contre lequel l’intercession n’était point recevable comme ayant trait aux gouvernements consulaires, ne purent rien faire que protester. Vint le 1er mars 704 [-50]. A cette date ou bientôt après, la discussion ajournée l’année précédente reparut à l’ordre du jour du Sénat, en même temps qu’arrivait celle sur les provinces prétoriennes, pour la même année 705 [-49]. Le procès de César, en tant que procès, était perdu. Il pouvait reprocher à ses adversaires, dans le litige pendant, de s’être faits législateurs plutôt que juges et d’avoir miné la loi sous ses pieds : les moyens juridiques de défense, bons pour l’assemblée partiale du forum lui faisaient maintenant défaut. Mais jusqu’où irait-on dans l’attaque ? La coalition ici ne s’entendait pas. Laissant de côté la minime fraction des purs Césariens dans le Sénat, tous du moins étaient d’avis que si César persistait à briguer le consulat pour 706 [-48], il fallait ne pas lui laisser son commandement au-delà du 13 novembre 705 [-49] au plus tard. C’était le placer dans l’alternative, ou de rester proconsul jusqu’à la fin de 705, renonçant du même coup à sa candidature consulaire, ou d’être reçu candidat aux comices (quoique absent en sa qualité de proconsul), mais avec l’obligation de déposer son commandement une fois consul désigné, ou tout au moins deux mois avant son entrée en charge[81]. Mais le gros des timides, Cicéron et consorts, qui auraient mieux aimé ne pas agir, et n’agissaient que le moins possible, trouvèrent que c’était aller assez loin, et firent valoir, non sans motif, que la loi avait autorisé César à se présenter en personne, qu’on ne lui avait retiré ce privilège qu’à l’aide d’indignes subterfuges, et que si la loi avait un sens, elle avait voulu autoriser non pas seulement l’absence du candidat pendant les comices, mais aussi son absence, l’imperium lui demeurant[82]. Aux Catoniens, il eût fallu davantage : ils exigeaient que César quittât l’imperium avant les comices. Alors que devenait son privilège de candidature personnelle ? Quant à Pompée, comme d’ordinaire, on ne savait quelle était son opinion, soit qu’il ne voulût pas la dire, soit plutôt qu’il ne la sût pas bien lui-même. Il inclinait visiblement vers celle de Caton ; mais son langage demeurait ambigu. César avait la partie difficile : seulement il savait jusqu’où il voulait aller, et bien secondé dans Rome par ses hardis et habiles affidés, Vibius Pansa, Curion, M. Antonius, il mena le jeu en maître qui bat des écoliers.

Dans ces conjonctures le débat se rouvrit : il n’aboutit à rien de sérieux. On aurait pu désigner les successeurs du proconsul, on n’en fit rien. On aurait voulu empêcher une intercession incommode : dès l’année précédente même, et dans la séance de septembre 703 [51 av. J.-C.], en prévision du cas, on avait avisé aux mesures à prendre à l’encontre de ses auteurs[83]. L’intercession vint, mais l’été de 704 [-50] se passa sans résultat, et le parti des tièdes l’emporta par le nombre[84]. César met à profit le défaut d’entente. de ses adversaires et la pusillanimité de la majorité. En même temps qu’il se refuse aux exigences des Catoniens et qu’il repousse l’alternative que la majorité lui ouvre, il offre sa démission immédiate, à la condition que Pompée se démettra avec lui...

Le Sénat aussitôt de les inviter tous les deux à cet acte désintéressé, Pompée refuse brutalement : c’est alors qu’au lieu d’un bon sénatus-consulte, sur lequel ils avaient compté pour le nommer le général du parti constitutionnel, les Catoniens se voient réduits, sur des rumeurs notoirement fausses, à lui envoyer une maigre députation de la minorité, et à lui conférer son nouveau titre le plus irrégulièrement, le plus maladroitement du monde. C’était là ouvrir la porte à la guerre. Avant de tirer l’épée, César s’adresse encore une fois au Sénat. Nous n’avons point son ultimatum authentique.... il affirme dans ses commentaires être allé jusqu’à l’extrême limite des concessions[85]... Mais nous savons par les historiens du temps de l’empire, qu’il aurait renouvelé son offre de démission conditionnelle, Pompée se démettant aussi... Il offrit même l’abandon de l’imperium dans la Transalpine, le licenciement de huit de ses dix légions, ne se réservant que la Cisalpine et l’Illyrie avec une légion, ou la Cisalpine seule avec deux légions ; enfin il consentait à quitter même ce mince commandement au lendemain des comices après la designatio, et d’attendre, redevenu simple citoyen, le jour de la prise de charge[86]. C’était aller plus loin que n’avaient exigé naguère ses adversaires, quand ils réclamaient purement sa démission pour le 13 novembre 705 [49 av. J.-C.]. L’histoire du monde eût été autre, peut-être, si cette proposition avait trouvé accueil, mais elle venait trop tard aux yeux de Pompée et des Catoniens. La République tombait de son poids dans l’abîme. A peine si les dépêches de César purent être lues dans la curie[87] ; il n’y eût ni discussion ni votes. Le Sénat se laisse arracher la nomination de deux nouveaux proconsuls des Gaules, et ordonne à César de se démettre de l’imperium, et de licencier son armée pour tel jour, fixé évidemment avant celui des comices consulaires[88]. — Le débat est clos, la guerre commence[89].

 

 

 



[1] Quand ils portent une rogation devant les centuries, les consuls agissent ensemble : mais, à l’armée, n’eussent-ils qu’une volonté, jamais ils n’exercent ensemble le commandement, jamais non plus, ils ne disent ensemble la sentence en justice.

[2] Becker-Marquardt (Handbuch [Manuel des antiquités rom.], 2, 2, 199). Parfois aussi un collègue se départait de son imperium, pendant tout le temps d’une campagne (Tite-Live, 3, 70. — Becker, loc. cit.).

[3] Vinciam dicebant continentem (Festus, v° vinciam). A quels contresens n’a pas donné lieu l’interprétation de cette phrase ? Dans ce passage, et dans un autre qui s’y rapporte (Festus, v° provinciœ : provinciœ appellabantur quod populus romanos eas provicit, id est ante vicit), surnage une vieille interprétation traditionnelle, suivant laquelle vincia s’appliquerait au commandement en terre ferme (d’Italie), provincia au commandement transmaritime. Distinction fausse et dans la langue et dans le fond !

[4] C’est la conséquence nécessaire des règles exposées plus loin. S’il est vrai que les consuls, entrés en charge le 1er janvier, ne prenaient le commandement que le 1er mars, ils avaient certainement à convoquer le Sénat, avant l’investiture de l’imperium. Avons-nous besoin de rappeler ici l’origine du Sénat, qui ne fut d’abord que le conseil des amis et des fidèles du Roi ?

[5] Becker, 2, 4, 332 et s.

[6] Becker-Marquardt, 2, 2, 312.

[7] Lex repetund. V. 67. Quibus ei (quœstori) œrarium provincia obvenerit ; V. 78 : [quod œrarium], vet urbana provincia obvenerit.

[8] Cicéron, in Verr., 2, 1, 13 : quœstor ex Senatusconsulto provinciam, sortitus es : obtigit tibi consularis, ut cum consule Cn. Carbone esses, eamque provinciam obtineres.

[9] La juridiction nominale, qui préside aux manumissions, aux émancipations, et aux adoptions, est restée, comme on sait, dans la main du consul (Ulpien, 1, 7 : Digest, 1, 7, 3 ; 1, 10).

[10] Ainsi en 539 et 545 [215-209 av. J.-C.], les préteurs de la ville se virent portés à un commandement militaire (Liv., 23, 33 ; 27, 1) : ailleurs et plus d’une fois, à l’expiration de sa charge, tel préteur urbain fut envoyé au loin comme propréteur militaire (Liv., 26, 28 ; cf. 25, 41 ; 32. 1).

[11] Quand le préteur urbain, par une exception fort rare, était, durant son année de charge, investi d’un commandement, il y avait naturellement justitium (suspension de la justice) dans Rome.

[12] Cicéron, in Verr., 2, 2, 3. — ad Famil., 9, 7. Nonnulli dubitant an (Cæsar) per Sardiniam veniat : illud adhuc prœdium suum non inspexit, nec ullum habet deterius, sed lamen non contemnit.

[13] Cicéron, in Verr., 2, 2, 1. (Sicilia) prima omnium id quod ornamentum imperii est, provincia est appellata. — Façon de parler qui a pu commencer avant Sylla, mais complètement usuelle à dater de lui.

[14] [Pour l’intelligence de tout ce qui suit, nous invitons le lecteur à se reporter au chap. X du livre IV, ou il est traité de la constitution de Sylla.]

[15] [Sous le coup des nécessités de la guerre en Espagne, et de l’envoi immédiat de l’armée consulaire de Q. Fulvius Nobilior.]

[16] Préteurs et consuls entraient en charge le même jour, tout le monde le sait. Il en est de même des édiles curules (Cicéron, in Verr., act., 1, 12). — Pour les tribuns du peuple, v. Becker, 2, 2, 263. — D’où ressort encore la corrélation des offices suprêmes de la République, des magistratures, en un mot qui dit tout (Becker, 2, 2, 25 n. 42). Ces magistratures, aux termes de la loi Ovinia, donnaient droit au siège et au vote dans le Sénat (IV, Addit. p. XVIII, n° XX). Plus tard, quand l’édile plébéien est entré dans le Sénat (lex repetund. 16. Cf. Tite-Live, 23, 33), son investiture a eu lieu aussi le 1er janvier, conséquence forcée de l’assimilation des deux édilités — ... Quant à la censure, charge non curule, il est douteux qu’elle ait eu son jour fixe d’entrée en charge (Becker, 2, 2, 194). — Celle de la questure (5 décembre, dans les derniers temps), avait été réglée, sans doute, par la réforme de 601 [153 av. J.-C.].

[17] C’est pour cela que Decimus Brutus, consul en 616 [138 av. J.-C.], dut rejeter de février à décembre la fête des morts de la fin de l’année (Cicéron, de leg., 2, 21. Plutarque, quæst. rom., 34). — Atta, le poète comique (676 [-78]) dit que le nouvel an du 1er mars est tombé en désuétude (Ribbeck, com, poet., p. 139) : enfin Verrius donne cette indication précise : quia eo die magistratus ineunt, quod cœpit urb. cond. ann. DCI.

[18] Ovide, Fastes, 3, 441. — Preller, Mythol. (mythol. rom.). Le dieu Mars, p. 319.

[19] Ancilia moventur. Becker-Marquardt, 4, 372. — V. aussi, Lydus, de mens., 3, 15.

[20] Brissonius, de formulis, 6, 70. — Quant aux passages du Digest, 7, 1, 58 ; 24, 3, 7, 2, souvent cités, ils n’ont visiblement aucune force démonstrative ; nous savons d’ailleurs que le terme ordinaire des locations censoriales tombait au 15 mars (Rudorff, sur la loi agraire Thoria, p. 65, 66. Cf. p. 54) ; et que celui des baux à loyer tombait au 1er juillet (Suétone, Tibère, 35 ; cf. Orelli, 4, 324 : Brisson., de form., 6, 66). Chez les auteurs du VIe siècle même, le 1er mars n’est point indiqué comme terme spécial (V. Caton, de re rust., 149). Enfin n’oublions pas non plus qu’alors la pratique du mois intercalaire rendait le comput annuel tout à fait impropre à la fixation des échéances dans l’économie privée (Cf. Caton, de re rust, 150) : aussi ne le voit-on que fort rarement mentionné chez les écrivains antérieurs à l’époque de César.

[21] Kellermann, vigil., n° 12. — Orelli-Henzen, 6752. — Voir Mommsen, Bullett. Bell’ Instit., 1845, p. 105.

[22] Fragm., 3, 5 : Ex Senatus consulta concessum est ei (Latino) ut si triennio inter Vigiles militaverit, jus Quiritium consequatur.

[23] Orelli-Henzen, Inscr. 6863. — Rénier, Inscr. de l’Algérie, 19, 45, 46.

[24] Veteranis qui militaverunt in legione... honestam missionern et civitatem dedit. Ainsi s’expriment les lettres civiques données par Galba (Cardinali, diplom., 11, 111). — Cf. Becker-Marquardt, 3, 266. — Appien, b. c., 5, 129. — Servius, ad Æneid., 7, 614.

[25] Orelli-Henzen, Inscr., 941, 6862, 6863. — Becker-Marq., 3, 2. 431.

[26] La solde du soldat romain, on l’a vu, date du siége de Véies (348 [406 av. J.-C.]). Tite-Live, 4, 59. Marquardt, 3, 2, 74.

[27] V. la dissertation qui suit, dans l’étude originale de M. Mommsen, sur l’année de recrutement, laquelle semble n’avoir pas compté (pp. 19, 20 et s.). Le recrutement du tiro avait lieu le 19 mars, à la fête des Liberalia, où l’adolescent prenait la robe virile et entrait dans la légion (Cicéron, pro Cœl., 5).

[28] Keller, litis contestatio, §§ 135 et s. — Juvénal, 16, 42.

Expectandus erit qui lites inchoet annus

Totius populi...

— V. aussi Servius, ad Æneid., 2, 102, au mot uno ordine. Uno reatu, et est de antiqua tractum scientia, quia in ordinem dicebantur causœ propter multitudinem vel tumultum festinantium, cum erat annus litium.

[29] Becker, 2, 2, 120.

[30] Cicéron, ad Att., 1, 14. — Ad Q, fr., 2, 3. — Hoffmann, de orig. belli civ. cœsariani, p. 136.

[31] Cf. Ulpien, Digest, 2, 1, 13, 1. — Gaius, 4, 105... Imperia contineri judicia dicuntur... etc. — Sauf au cas auquel fait allusion Callistratus (Dig., 5, 1, 49, 1), et où le successeur, a renommé les mêmes. Mais alors c’est toujours un autre procès qui commence.

[32] Sauf les exceptions indiquées par M. Mommsen, p. 24, n. 41.

[33] Cicéron, ad fam., 2, 7. 15, 9. 15, 14. — ad Att., 5, 14. 5, 15. — Marquardt, 3, 1, 287. — Cf. Cicéron, 6, 4. 6, 5. 6, 6. — Philipp., 1, 8. La loi ne fut pas toujours observée.

[34] Meminisse oportebit, c’est Ulpien qui parle (Dig. 1, 16, 10. — Cf. 1, 17) usque ad adventum successoris omnia debere proconsulem agere, cum sit unus proconsulatus. [Le proconsulat est un, et continue, même quand la personne du proconsul change]

[35] M. Mommsen cite ici l’exemple de Servilius qui se continua 5 ans selon Cicéron (Verr., 3, 90), 3 ans selon Orose (5, 23) et Eutrope (6, 3) : celui de Pison (Cicéron, in Pison, 35, 40).

[36] Sauf l’exception en faveur du triomphateur durant le jour de son triomphe.

[37] Sylla innove, non parce qu’il autorise le magistrat à entrer dans sa province, en qualité de propréteur, mais parce qu’il lui interdit d’y entrer préteur.

[38] Consules, quod ante id tempus accidit nunquam, ex urbe proficiscuntur. B. c., 1, 6.

[39] V. la dissertation originale, pp. 30 et 31.

[40] Cicéron, pro Mur., 20.

[41] Cf. Digest, 1, 16, 5. — Mais il m’avait pas le triomphe, ayant vaincu hors de sa province (in aliena provincia, Tite-Live, 10, 37. 28, 9. 3, 10).

[42] Liv., 26, 31.

[43] Liv., 39, 29.

[44] Cicéron, ad fam., 1, 9. Se lege Cornelia imperium habiturum quoad in urbem introisset.

[45] V. le résumé du dispositif de la loi. Cicéron, de leg., 3, 3. - Eumdem magistratum ni interfuerint decem anni, ne quis capito. — Appien, b. c., 1, 100. La pratique était conforme. — V. p. 55, n. 1.

[46] B. civ., 1, 32. Se nullum extraordinarium honorem appetisse, sed expectato legitimo tempore consulatus eo fuisse contentum quod omnibus civibus pateret. — V. aussi Dion Cassius, 40, 51. — Pompée avait fait le contraire en se faisant nommer consul pour la 3e fois, avant les 10 ans écoulés. L’allusion, chez César, est transparente.

[47] B. gal., 8, 50.

[48] Cicéron, ad fam., 8, 5.

[49] B. civ., 1, 9. Semestre imperium.

[50] Hoffmann, de origine belli civ. cœsariani. Berlin, 1857.

[51] B. gal., 8, 50.

[52] B. civ., 1, 9. Cujus absentis rationem haberi proximis comitiis populos jussisset. — César ne répète-t-il pas ailleurs qu’il ne demandait que l’exécution de la loi commune sans anticiper sur l’époque décennale de sa seconde candidature consulaire ? Se nullum extraordinarium honorem appelasse, sed expectato legitimo tempore consulatus eo fuisse contentum quod omnibus civibus pateret. B. civ., 1, 32.

[53] Rom. Geschichte, II, p, 282.

[54] Hoffmann, l. c., p. 9.

[55] B. gal., 8, 53. — Appien, 2, 18. — Dion, 39, 33.

[56] Cicéron, de prov. cons., 15.

[57] B. gal., 8, 39.

[58] Cicéron, ad Atticus, 7, 7. Exercitum retinentis cum legis dies transierit, rationem haberi placet ! — Et 7, 9. Tenuisti provinciam per decem annos, non tibi a Senatu, sed a te ipso per vim et factionem datos. Præteriit tenapus... non legis sed libidinis tuœ ; fac tamen legis : ut succedator, decernitur : impedis et ais, habe mei rationem.

[59] Suétone, César, 26. Egit cum tribunis plebis... ad populum ferrent, ut absenti sibi, quandoque imperii tempus expleri cœpisset, petitio secundi consulatus daretur.

[60] Tite-Live, epit. 108 : cura is lege lata in tempus consulatus provincias obtinere debeat. [Pour tous les détails qui précédent et ceux qui suivent, v. liv. V, ch. V, Rupture entre César et Pompée.]

[61] Si Appien (2, 26) dit le contraire, c’est qu’il ne comprend pas la question.

[62] Tout le fort de l’accusation portée contre César se résume dans ces quelques mots de Cicéron : exercitum tu habeas diutius quam populos jussit invito senatu ? (ad Att., 7, 9. – Cf. Appien, 2, 25). Inexact sur le fait d’une demande formelle adressée au Sénat par César, il a raison au fond.

[63] B. civ., 1, 6. Les proconsuls et préteurs nommés en 705 [49 a. J.-C.] n’attendent pas, dit César, quod superioribus annis acciderat, ut de eorum imperio ad populum feratur, paludatique volis nuncupatis exeunt. — De même nous lisons cette disposition dans le S. C. sur les provinces consulaires de 705 : si quid de ea re ad populum plebemve lato opus esset, uli... ad populum plebemve ferrent (ad fam., 8, 8).

[64] Dion, 53, 17.

[65] M. Mommsen fournit ici quelques indications que nous ne reproduisons pas. Il rappelle que pour 703 [51 av. J.-C.], la répartition des provinces. proconsulaires est bien connue : Cicéron fut envoyé en Cilicie, et Bibulus en Syrie. — Il ne paraît pas que pour 704 [-50], les désignations aient été faites. Pour 705 [-49] (Syrie et Gaule Transalpine) elles ont eu lieu. — Quant aux provinces prétoriennes, on y pourvut par l’envoi soit de préteurs, soit de questeurs pro prœtore, 8 pour 703 [-51], 9 pour 704 [-50] (Cicéron, ad fam., 8, 8).

[66] Le S. C. ouvrait aussi un choix plus grand de magistrats (B. civ., 1, 85) : cf. Dion, 40, 50.

[67] B. civ., 1, 85. In se jura magistratuum commutari ne ex prætura et consulatu ut semper, sert per paucos probati et electi in provincias mittantur. Cf. ibid. 1, 6.

[68] Cicéron, ad Atticus, 6, 1 : quid iis fiet, si huc Paullus venerit ?Ad fam., 8, 10 : Paullus non humant de provincia loquitur : hujus cupiditati occursurus est Furnius noster, plures suspicari non possum. — Furnius, le seul tribun appartenant au parti anti-césarien, eût aussi été le seul à opposer son intercession à la prétention de Paullus.

[69] Cœlius y fait évidemment allusion. Quid si, inquit alius, et consul esse, et exercitum habere volet ? At ille (Pompée) etc. (ad fam., 8, 8 ; cf. 8, 9).

[70] C’était un sous-entendu plutôt. Et à n’avoir pas réglé le point en termes exprès, on s’était exposé au châtiment ordinaire de toute ambiguïté diplomatique.

[71] Annales, 3, 38.

[72] Une foule d’exemples l’attestent. Cicéron, de prov. cons., 7. — ad fam., 8, 5. 8, 9.

[73] Tel fut le cas de Pison, qui gouverna la Macédoine en 697 [-57]. Cicéron, (de prov. consul., 7) fait voir qu’en lui donnant un propréteur pour successeur, il devra sortir de charge plus tôt... C’est ce qui eut lieu. On envoya Ancharius préteur en Macédoine, et ce dernier entra en commandement un peu après le 1er janvier 699 [-55] (Cicéron, in Pis., 36).

[74] Cicéron, de leg agr., 2, 12. — ad fam., 1, 9.

[75] Cicéron, de prov. cons., 7. — Cette prohibition remontait sans doute à la loi Sempronia ...... Il me semble d’ailleurs que quand le gouvernement provincial avait été attribué par un plébiscite (et tel était là le cas pour César, jusqu’au 1er mars 705 [-49]), l’intercession rentrait dans le droit des tribuns contre toute atteinte portée par le Sénat au privilège du gouverneur provincial. — Du moins je m’explique ainsi les intercessions dont il est fait mention dans Cicéron, de prov. cons., 15. — et ad fam., 8, 5. 9, 2.

[76] Cicéron, ad Atticus, 7. 7. - Ad fam., 8, 8. 8, 13. — César, B. civ., 2.

[77] B. gal., 8, 53. — Suétone, César, 32. — Dion, 40, 59.

[78] Cicéron, ad fam., 8. 8. (Lettre de Cœlius) Se ante calendas Martias non posse sine injuria de provinciis Cœsaris decernere, post Kalendas Martias non dubitaturum.

[79] ...... Marcellus proximo anno contra legem Pompeii et Crassi retulerat ante tempus ad senatum de Cœsaris provinces. B. gal., 8. 53.

[80] Cœlius et Atticus en témoignent. — Cicéron, ad fam., 8, 8. 8, 9. - Ad Atticus, 5, 20.

[81] Quod ad rempublicam attinet, in unam causam omnis contentio conjecta est de provinciis, in qua adhuc est : incubuisse cum senatu Pompeius videtur ut C. idibus Nov. decedat (Cicéron, ad fam., 8, 49. Cœlius ad Cicéron).

[82] On retrouve clairement cette argumentation dans Cicéron, ad Atticus, 7, 7. Sed cum id (absentis rationem haberi) datum est, illud (exercitum retinentis rationem haberi) una datum est. — Cf. ad fam., 6, 6.

[83] Si quis huic S. C. intercessisset, senatui placere auctoritatem perscribi et de ea re ad senatum populumque referri. V. le S. C. relaté par Cœlius, ad fam., 8, 8.

[84] Selon Cœlius, le succès ou l’insuccès de l’affaire dépendait du sort de l’intercession : si omnibus rebus prement Curionem (son auteur en 704 [50 av. J.-C.]) Cœsar offendetur : intercessorem, si, quod videtur, reformidarint, Cœsar quoad valet manebit. Ad fam., 8, 11. — Et il ne se trompait pas. Il raconte ailleurs comment le Sénat, provoqué par Marcellus à agir contre le tribun du peuple, in alia omnia iit. Ad fam., 8, 13. Et Cicéron de confirmer le fait à Atticus : ex quo factum est ut Cæsari non succederetur. Ad Atticus, 7, 7. — Désormais César sera candidat, tout en gardant son armée et sa province (ut ratio esset ejus habenda, qui neque exercitum neque provincias traderet. Ad fam., 8. 13).

[85] B. civ., 15. expectabat suis lenissimis postulatis responsa.

[86] V. Suétone, César, 29. — Velleius, 2, 49. — Appien, B. civ., 2, 32.

[87] B. civ., 1, 5. ut ex literis ad senatum referretur, impetrari non potuit.

[88] B. civ., 1, 1 et 2. — Plutarque, César, 30. — Dion, 41, 3.

[89] [Cf. avec les conclusions de M. Mommsen, qui ont trouvé de nombreux partisans en Allemagne, celles adoptées par l’auteur de la Vie de César. L’empereur Napoléon (II, p. 472, n. 1, et pages suivantes) a suivi Zumpt (Nova studia, Berlin, 1859), lequel se rapproche aussi de l’opinion de M. Peter (Rœm. Gesch.). Au lecteur à juger entre ces divers systèmes, où au dire de Cicéron lui-même, le droit demeurait obscur (erat autem obscuritas quœdam. Pro Marcell., 10). M. Merivale, ch. XIII, se contente du récit des faits, sans traiter la question à fond. M. Duruy, dans son excellent résumé (Hist. r., II, ch. XXV, § 3) n’est pas plus explicite, quoique favorable à César. — Il importait assurément de rechercher si l’illégalité avait commencé du côté de ce dernier ou du côté de ses adversaires.]