Pour l’historien soucieux de reconnaître et de décrire les
fondements politiques de la cité dont il étudie les annales, rien n’est plus
important, rien aussi n’est plus difficile, que la constatation des rapports
de protection et de dépendance établis de personne à personne
ou de ville à ville. Pour simples et uniformes qu’en soient en général les
conditions naturelles et morales, leur expression dans le droit civil
varie singulièrement, et néanmoins c’est à cette expression qu’il faut que
l’antiquaire s’attaque. Dans la dissertation qui va suivre, nous essayerons
de jeter la lumière sur les institutions antiques de l’hospitalité, de
l’amitié, du protectorat et de la fidélité chez le
peuple romain, et pour cela nous demanderons au lecteur de nous donner son attention
et sa patience. Nous essayerons le rapprochement dans leur sens le plus
intime et juridique d’une foule de traditions et de documents publics et
privés. Que l’on appelle donc à son secours la connaissance exacte de la vie
juridique chez les Romains. Pour l’intelligence de toute leur primitive
histoire, je ne sais point d’autre clef que la jurisprudence. Mais,
objectera-t-on, les sources du droit sont rares et incomplètes !
Espérons qu’avec les efforts des érudits et le temps il s’ouvrira une autre
mine non moins riche : je veux parler de la connaissance comparée de l’état
social originaire des nations d’une même famille. Jusqu’ici l’étude du grand
problème de l’antiquité indo-germanique [indo-européenne] n’est qu’à peine
ébauchée. Ce problème soulevé d’hier est encore à l’horizon de la
science ; mais déjà la science comparée des langues, qui a ouvert la
marche, a fait de tels progrès qu’elle ne rencontre plus de contradicteurs.
La mythologie comparée a aussi commencé son œuvre, mais la politique comparée
en est encore à son berceau. Ce n’est rien que les quelques similitudes
relatées par Grimm, dans la préface de ses Antiquités du droit[1]. La science aura
mission de ramener à l’unité, en constatant leur nature et leur progrès,
toutes ces institutions politiques et sociales, que l’on peut dire
primitives, et qui se rencontrent à la fois à Rome, dans Les rapports de protection et de dépendance entre personnes physiques ou juridiques[2] s’établissent ou dans la cité, ou entre plusieurs cités ou membres de cités différentes. Dans la cité, le droit et le devoir corrélatif de protection sont fondés sur l’âge et le sexe : l’affinité du sang les détermine et les ordonne. Hors de la cité, la protection se fonde sur un contrat et se règle suivant ses clauses. En d’autres termes, au premier cas, la protection et la dépendance sont naturelles, nécessaires, immuables ; au second cas, elles ne sont que l’exception, l’accident ; elles sont sujettes à changement. Les institutions du premier genre, le droit de la paternité, du mariage, de la tutelle, ne peuvent entrer dans le cadre de notre étude, qui ne traite que des rapports internationaux. Quant à ces derniers rapports, ils sont de deux sortes : synallagmatiques, quand le droit et le devoir peuvent appartenir à la fois à l’une ou à l’autre des parties ; unilatéraux, quand une seule partie donne la protection et qu’une seule la reçoit, celle-ci restant juridiquement incapable de la donner à son tour. Parmi les rapports synallagmatiques viennent se placer les droits d’hospitalité et d’amitié : le patronat et la clientèle appartiennent aux rapports unilatéraux. — Qu’il s’agisse d’individus ou de communautés, la nature des rapports ne change pas : il est de l’essence du droit romain que les cités et les individus soient traités de même ; le droit de la cité n’est autre que le droit individuel transporté à la cité. — Nous allons examiner ces rapports sous leur triple aspect ; selon qu’ils s’établissent de ville à ville, de citoyen d’une ville à citoyen d’une autre, enfin, de cité à citoyen d’une autre ville. Parlons d’abord du patronat synallagmatique : nous
traiterons ensuite du patronat unilatéral ou de la clientèle. § 1. — L’hospitalitéL’hospitalité est la forme simple et primitive de la protection. Si haut qu’on remonte dans les âges, avant même la séparation des peuples, on la rencontre d’une façon certaine ; le fait est prouvé par l’identité du mot et de sa notion dans les langues latine, grecque et slave. Le latin hostis (dans son sens originaire), le gothique gasts, le slave gosti, désignent, tous les trois, l’étranger protégé par l’hospitalité ; ils sont en même temps les synonymes du grec ξένος[3]. Le mot hostis a aussi un air de famille avec le mot hospes, du moins dans sa première syllabe[4] ; il répondait dans son acception originaire à l’idée d’un accueil sur le pied d’égalité (hostire — œquare ?). L’hospitalité a ensuite engendré l’amitié (amicitia[5]). Juridiquement, qu’elle soit contractée entre individus ou entre cités, l’hospitalité est toujours la même : souvent elle réunit l’être collectif et les individus, et le droit établi entre deux villes l’est par suite entre chacun de leurs concitoyens[6]. D’ailleurs autant de contrats, autant de variétés. Recevoir purement et simplement un étranger n’est point s’engager à rien de plus, sauf peut-être pour quelques jours[7] : que s’il revient une seconde fois, on n’est pas tenu de le recevoir. Il en est de même des envoyés d’une ville avec qui Rome est en guerre ou n’a pas d’alliance : protégés par le droit des gens, ils s’en retournent comme ils sont venus. Le contrat d’hospitium, au contraire, crée un lien de droit permanent, le plus souvent avec réciprocité effective. Il n’est pas seulement viager : dans toute l’antiquité, on le considère comme durable et profitant aux enfants et descendants (liberi posterique) ; il s’établit entre personnes respectivement étrangères les unes aux autres, et par là il se distingue de l’amitié ordinaire ou des simples relations de fait. Au contrat viennent souvent s’ajouter des clauses importantes. Entre les cités notamment, on stipule sur la paix et la guerre ; ou conclut une trêve (indutiœ), par exemple, ou une alliance armée ; dans celle-là, l’amitié est avec terme final ; dans celle-ci, elle s’élève jusqu’à la promesse d’une défensive et aussi d’une offensive commune. Nous ne nous occuperons ici que de l’élément nécessaire de ces contrats, de ce qui en fait le fond international, du droit d’hospitalité proprement dit, dégagé de tous ses accessoires éventuels, si importants qu’ils puissent être. L’hospitium et l’amicitia ne sont pas de mise entre habitants de la même cité. Le mot originaire, hostis, le dit assez : ils sont faits pour l’étranger. L’antiquité gréco-romaine ignore la fraternité élective germanique, que consacre le mélange du sang des nouveaux frères[8] : chez elle, nulle affinité ne se crée en dehors de la parenté, si ce n’est par l’adoption, fiction de la parenté, du sang : dans le mariage aussi, la femme est tenue pour la fille de l’époux. On rencontre de même en Italie, et cela dès les âges les plus reculés, des fraternités d’armes. Les affiliés appartenant à la même division, combattent ensemble, et se sont engagés sous serment à ne point vider le camp, à ne sortir du rang que pour aller chercher leurs armes, pour en venir aux mains avec l’ennemi ou pour sauver un ami. Mais un tel engagement n’entraîne point de conséquences légales : dès le temps des guerres d’Hannibal il n’a plus rien que de professionnel[9]. — Logiquement et pratiquement l’affiliation de certains membres de la même communauté civile à quelque chose de contraire à l’essence même de la cité, et celle-ci, tout en reconnaissant la légitimité des liens naturels et nécessaires du sang, par exemple, veut les ignorer et même les nie, dès qu’ils ont l’arbitraire pour principe, et qu’ils entreprendraient sur le droit civil. — On trouve déjà ces tendances dans la société indo-européenne ; mais tandis que les Germains, dans leurs affiliations, ne tiennent plus compte de la communauté en générale, les Romains, au contraire, les subordonnent toutes à la cité, au point de les y absorber. Nous n’avons pas besoin de le faire remarquer :
l’hospitalité et l’amitié ne sont praticables qu’entre cités indépendantes
quand, dans les siècles postérieurs, des liens plus étroits seront autorisés
avec Rome, on tiendra toujours pour impossible et contraire au bon sens un
contrat d’amitié entre Rome et une colonie ou un municipe
quelconque. — Même raison de décider de cité à individu : le Romain n’a pas
d’hospitalité à demander à la ville de Rome, le Gaditan à la ville de Gadès.
Que s’il parait en avoir été autrement dans les derniers temps de En la forme, l’hospitalité obéit aux règles du contrat consensuel : elle procède du consentement concurremment prêté par les deux parties, soit en termes exprès, soit implicitement et à raison des actes d’exécution. Jamais on n’a contesté que pour l’hospitium publicum comme pour tout autre contrat public, il ait fallu plus que le pacte simple (pactum, pactio), étant admis d’abord que les contractants avaient la capacité civile et suffisante. J’en dirai autant de l’hospitalité privée de cité à individu[10], ou entre individus, des deux côtés. Ainsi le veut peut-être la tradition des peuples indo-germaniques : les contrats internationaux, à l’encontre de ceux civils proprement dits, toujours astreints à la formalité, sont de pur fait : le fait accompli les consomme (Cf. la confarréation et le mariage civil, la mancipation et la tradition, la fiducie et le gage (fiducia, pignus), le nexum et le prêt (mutuum)). Mais rien n’empêchait d’ordinaire de fortifier les actes internationaux par les solennités de la forme, du moins quand il s’agissait de contrats publics. Pourtant il n’en était point ainsi en matière d’hospitalité. Que si dans le fœdus ou alliance armée, on avait recours aux sacrifices pieux, au serment, cela tenait précisément à la confraternité des armes, qui était la suite de l’alliance, et qui se jurait d’ordinaire. Mais l’hospitalité et l’amitié ne sont pas des contrats sacrés ; elles n’exigent point le serment par elles-mêmes[11]. Ce à quoi visent les Romains, c’est à préciser le moment où le pacte d’hospitalité est parfait ; de là dans l’hospitalité publique, et probablement aussi dans celle privée, si les formes solennelles du fœdus ne sont pas employées, la sponsio par demande et par réponse[12]. Une autre formalité assure d’ailleurs la preuve de notre
pacte spécial, je veux parler de l’échange des symboles ou des
écritures. L’Iliade (6, 168 et suiv.) nous montre Prœtus envoyant Bellérophon
à son hôte de Lycie, et remettant au premier ses tablettes fermées, en signe
du pacte existant. Dans le Carthaginois, de Plaute, l’hôte apporte son
symbole : il le montre, et l’on constate qu’il concorde avec le symbole gardé
dans la maison de celui chez qui il se présente[13]. Nous possédons
encore quelques emblèmes de ce genre, figurant deux mains entrelacées[14]. Quant aux
contrats d’hospitalité publique, ils étaient gravés en double sur des tables
de bronze, chacune des parties ayant son original. L’exemplaire appartenant à
Rome était déposé dans le temple de Résumons-nous. Bien que le pacte d’amitié fut parfait par
le seul consentement des parties, il était d’usage entre particuliers
d’échanger les signes de l’hospitalité : que s’il était conclu de cité à cité
ou de cité à particulier, il était dressé un titre (à savoir, une table de bronze en double
exemplaire), fixé à la muraille du dépôt public de la ville ou de la
maison y dénommée. Chez les Romains, le signe portatif du droit d’hospitium est la tessera[18], ou encore le sumbolus ou sumbolum.
Remarquez ici l’influence des mœurs grecques. Chez les Grecs, et en cela ils
différaient des Romains primitifs, tous les contrats, même ceux purement
verbaux, se constatèrent par écrit ; aussi est-ce bien à eux,
certainement, qu’il faut attribuer l’usage des tables d’airain pour les contrats
internationaux d’hospitalité ! Chez les Latins, au contraire, les plus
anciens pactes, celui de Rome avec Gabies, par exemple, n’étaient transcrits
que sur des peaux préparées. Sumbolum,
tessera sont des mots grecs. — Faut-il
de là conclure que l’hospitium
est un contrat emprunté à L’hospitium et l’amicitia prennent fin quand l’un des contractants a fait dûment connaître qu’il se retire[19], comme en toute matière de pacte consensuel : soit qu’il y ait déclaration expresse, soit qu’il y ait de simples actes, le refus d’exécuter l’une des clauses du contrat équivaut à le dénoncer[20]. D’autres fois, la rupture de la tessera indique la renonciation au pacte, de même que sa remise a constaté le consentement parfait[21]. Quels étaient les droits compris dans l’hospitium ? Dans les relations privées il est assez difficile de le déterminer, les usages s’étant perdus dans la nuit des temps. Quant à l’hospitium publicum, il donnait des droits non seulement au titulaire, mais à ses représentants, ville ou simple individu. C’est au questeur à y pourvoir[22] ; il leur est assigné un logement gratuit et entièrement libre[23], quand ils ne sont pas reçus dans un édifice public (villa publica) situé au champ de Mars. Il leur est fourni tout le mobilier et la vaisselle nécessaires pour les bains et la cuisine[24] ; enfin ils reçoivent le munus, non à titre de don pur et simple, mais plutôt à titre de véritable prestation, et qui consiste toujours en vases, ustensiles ou bijoux d’or et d’argent, d’une valeur variable suivant l’importance des donataires, mais ne descendant jamais au dessous de 2.000 as lourds (140 thaler = 525 fr.)[25]. En Grèce, de même, l’hôte reçoit le toit et le logis, le lit, la table, le tapis, le luminaire, le bois, le vinaigre et l’huile[26]. On ne pourvoit pas directement à sa table ; du moins il semble que si dans les plus anciens temps la table a été défrayée, plus tard la cité exerçant l’hospitalité y a suppléé par le munus en or et en argent[27]. On remet à l’hôte la table couverte de son tapis, avec le pain et le vin, la sportula (paniers aux provisions), et une certaine somme : à lui, d’acheter le nécessaire. Il était de l’économie romaine d’apporter là une certaine attention, et de faire en sorte que les hôtes et amis ne se multipliassent pas jusqu’à l’abus. Plus tard pourtant, outre le munus, il y eut de vrais dons en vêtements, chevaux harnachés, armes, et frais de retour enfin[28], absolument comme chez les Germains, selon Tacite. En cas de maladie ou de décès, l’hôte reçoit des soins ou est inhumé avec les honneurs dus à son rang[29]. Chez les particuliers, l’hôte participe aux cérémonies du culte de la famille, mais il est soumis à la discipline de la maison ; au dehors il obéit aux lois locales. L’hôte et l’ami de la cité peut même sacrifier au Capitole[30], il assiste aux jeux, placé dans une tribune élevée sur le comitium, à côté de celle des sénateurs (Græcostasis) : toujours l’influence grecque se manifeste jusque dans les dénominations des édifices spéciaux[31]. Chez leurs amis, à leur tour, les Romains recevaient les mêmes honneurs : témoins, leur admission dans, le sanctuaire de Delphes, le lot choisi dans le butin fait à Véies, offert aux Massaliotes et exposé dans leur trésor, etc. (Diod., 14, 93) Mais le plus important des droits de l’hospitalité et de l’amitié, c’est la protection effective et l’assistance juridique auxquelles il peut être fait appel, en cas de besoin. L’hôte (actif) doit à son hôte (passif) de le préserver de tout dommage et de l’aider à arriver au but et à l’objet de son voyage : tout ici d’ailleurs dépend des circonstances. On ne peut presque rien pour l’hôte public lorsqu’il y a guerre entre les deux cités ; encore moins pour l’hôte privé, appartenant à une ville qui n’a pas un traité avec Rome : tout au plus empêchera-t-on qu’il soit malmené ou dépouillé. L’hospitalité en pareil cas a promptement dégénéré, et il semble qu’il n’y ait plus guère eu d’hospitium privé que pour l’individu jouissant aussi de l’hospitium publicum. — Au contraire ce dernier assure à la cité amie, et à chacun de ses membres, l’accueil, la protection et l’exercice des droits civils. Le postliminium, par exemple, s’établit non pas seulement quand le citoyen un instant dépouillé de sa liberté et de ses biens par le fait de la guerre est rentré dans l’État romain, mais même aussi dès qu’il entre sur le territoire d’une ville amie de Rome[32]. Les lois de son pays suivent l’hôte muni de son contrat ou du contrat de sa ville (peregrinus qui suis legibus utitur)[33]. Non qu’il ait l’égalité de droits en face du citoyen romain : mais tout dépendait du pacte. Il obtenait justice devant les tribunaux dans la mesure à lui concédée (δίxαι άπό συμβολων, comme auraient dit les Grecs). Il achetait, vendait, commerçait. Le premier traité de Rome avec Carthage accorde sur ce point la réciprocité aux Romains, en Afrique et en Sardaigne. De là l’éclosion et le progrès des règles du droit international positif (jus gentium). A côté des spécialités du droit civil exclusif, sont admis la stipulation simple, la tradition, le contrat consensuel, et dans la procédure, l’instance devant les Récupérateurs. Plus tard, le plein commerce (commercium)[34] est accordé aux Romains, en Sicile, par Carthage ; aux Latins, par Rome. Parfois, comme à Asclépiade de Clazomène, il est permis, en cas de procès, d’être jugé selon la loi de son pays, à moins qu’il n’aime mieux la loi romaine[35]. Mais le connubium a été donné pour la première fois qu’au temps de la réforme légale des décemvirs. Faisons remarquer d’ailleurs que l’hospitium engendrait un simple devoir de piété (pietas), une obligation purement naturelle, ne conférant point l’action en justice. Nous reviendrons sur ce point en traitant de la clientèle. Enfin l’hôte ne pouvait-il aller à l’étranger pour les
besoins d’une affaire, il en chargeait un ami sur les lieux[36]. Souvent même le
contrat stipulait formellement un tel mandat entre les cités. De là
l’institution de Ainsi se comportait chez les Romains le droit
d’hospitalité et d’amitié, et le protectorat réciproque qui en découlait.
Institution purement internationale, comme tout ce qui tient aux rapports
internationaux, l’hospitium et
l’amicitia ne servent point de
fondement à une action, et cependant ils ont un caractère
essentiellement, nécessairement juridique. Dans ces constitutions antiques,
où le droit et l’État ne sont point, comme chez nous, fondus et amalgamés
d’un seul jet, pour ainsi dire ; où l’État n’est encore que la cité dans
sa forme incomplète, il est fait une différence grande entre les sentiments
purement moraux, et les devoirs juridiques, même quand ceux-ci ne vont pas
jusqu’à engendrer la demande en justice réglée. § 2. – La clientèle à RomeÉtudions maintenant les relations du protectorat unilatéral, où l’une des parties donne et l’autre reçoit, sans réciprocité. Les Romains, pour exprimer ce rapport, ont l’expression générique, in fade esse[38], et aussi les mots de patronat et clientèle (patronatus, clientela) ; mais on évite d’ordinaire de se servir de ces derniers quand le protecteur est une cité[39]. Remarquez aussi que parmi les protégés, ceux sur qui le patronat est le mieux défini et s’est le plus longtemps maintenu, les affranchis, ne sont point dans la langue usuelle désignés par le terme de clients ; il semble que, comme pour le fœdus, la plus haute expression de l’amicitia, on les ait voulu distinguer par un nom spécial (libertini), quoiqu’ils fussent plus que tous autres enveloppés, je le répète, dans la clientèle. La notion de la clientèle se rattache par beaucoup de points à celle du droit d’hospitium il y a là deux institutions juridiques étroitement apparentées et corrélatives, quoique très distinctes. Elles ont cela de commun qu’elles ne se placent pas au dedans de la cité, et qu’elles exigent en droit ou en fait le concours de cités on d’individus libres. Il fut un temps où, de même que l’agnation et la gentilité étaient purement patriciennes, l’hospitium romain n’avait lieu qu’autant que le citoyen donnant l’hospitalité appartenait au patricial, et la clientèle ne comportait ainsi qu’un patron appartenant à l’ordre noble. Le mot patronus n’indique pas une sorte de protection analogue à celle du père envers ses enfants, comme on l’a voulu dire : il est identique avec pater, patricius, dans le sens ancien et politique du mot ; il désigne l’homme capable de la puissance paternelle, c’est-à-dire le citoyen parfait : en l’appliquant au protecteur du client, on indiquait assez par là que le parfait citoyen seul pouvait avoir la clientèle[40]. Par contre, l’hôte (passif) et le client sont nécessairement ou non citoyens ou villes étrangères au droit de cité romaine. D’un autre côté, l’hospitalité et la clientèle diffèrent, en ce que la première repose sur la base de l’égalité et de l’indépendance réciproques, tandis que dans la seconde, il y a inégalité absolue : le patron domine, le client sert en quelque sorte ; d’où parfois la clientèle prend la dénomination de potestas[41]. L’hôte a sa patrie là où il exerce ses droits civiques : le client n’est le citoyen d’aucune cité. L’hôte, nous l’avons dit, est l’étranger vivant selon la loi de sa patrie [qui suis legibus usitur] : il en est autrement du client ; d’où les juristes tiennent que pour qu’il y ait lieu à la clientèle par applicatio[42], il faut que le postulant n’appartienne à aucune cité en amitié et hospitalité avec Rome, ou qu’il ait rompu tout lien avec sa patrie[43]. La clientèle implique un état inférieur voisin de la privation de la liberté ; par suite, l’hôte, citoyen d’une ville amie, n’avait pas à prendre de patron. Malgré la différence si tranchée que nous venons d’établir
entre l’hospitium et la
clientèle, il est certain qu’avec le temps il s’est fait un certain mélange
des deux institutions ; qu’il s’est établi des rapports de patronat
entre les citoyens romains et les villes étrangères : mais tout cela est
facile à expliquer. Tandis que les cités restant sur le pied d’égalité
contractent avec Rome le jus hospitii,
celles devenues sujettes entrent dans la clientèle de certains citoyens de la
métropole : celles au contraire qui sont purement et simplement
incorporées à Rome, n’ont besoin ni de l’hospitalité ni du patronat. Mais ces
dernières, dans les temps postérieurs de Comme l’hospitalité dérive d’un contrat entre égaux, la clientèle, dans le droit privé, dérive de la déclaration manifeste du maître qu’il cessera dorénavant de faire usage de son pouvoir. Dans l’ancien droit, on se le rappelle, l’affranchissement ne liait pas le maître : la forme manquait à un tel acte [livre I]. longtemps cette déclaration même solennelle n’a pu créer la liberté. De même, et par voie de conséquence, l’affranchissement ne confère pas la cité, c’est-à-dire le patriciat : il n’est qu’un fait, non un droit. Le maître n’ayant pris qu’un engagement moral, l’affranchi dépend de la foi du maître. De plus, comme il s’agit ici de liberté, comme la liberté tient au droit public, comme elle ne se perd ou ne s’acquiert que selon les formes instituées par ce droit, la déclaration d’affranchissement n’a d’effet qu’en ce qu’elle fait de l’esclave une chose sans maître, non un homme libre : l’acte est non existant au regard de la cité, et l’affranchissant reprendra plus tard, s’il le veut, son esclave. Que maintenant, et après cet acte, la confirmation puisse émaner des comices avec concession de la liberté et de la cité, rien de plus vrai ; mais dans ce cas fort rare, on voit que la condition nouvelle faite à l’ex-esclave dérive non de la volonté du maître, mais de la décision du peuple. Bientôt cependant le fait se transforma en droit : la tendance était naturelle. Alors vinrent les délimitations légales du patronat en faveur du client ; alors la cité intervint pour obliger le patron à tenir sa parole. Sous ce rapport, les progrès du droit de patronat sont aussi l’histoire de sa ruine. La nature des relations entre patron et affranchi s’était donc établie avant que la loi les vint régler : elles n’ont jamais perdu leur caractère originaire, et on n’en a bien l’intelligence qu’en remontant à ce premier état de la puissance du père de famille sur l’affranchi, puissance qui est allée tous les jours diminuant, et dans les faits et dans la théorie. — L’une des formes remarquables de l’état d’affranchi, est celle qui se produit par le passage volontaire d’un étranger sous le patronat d’un citoyen romain (applicatio)[45], ou par le passage d’une cité cliente de Rome sous le patronat de tel ou tel citoyen ; de celui, par exemple, dans les mains duquel elle a fait sa soumission, et avec qui elle a conclu et réglé les conditions de son assujettissement. Dans l’un et l’autre cas, il y a là les deux éléments nécessaires de l’affranchissement : l’assujettissement d’abord, puis la tolérance de la liberté. Le patronat est héréditaire comme l’hospitalité ; appartenant au père de famille, il se transmet à sa descendance. Point de trace d’ailleurs d’un acte écrit qui règle ici la situation de la clientèle ; la décision du chef de maison est souveraine. La dédition (deditio) fait naître toujours la clientèle publique. Entraînant la dissolution de la cité déditice, l’esclavage même pourrait en sortir : d’ordinaire l’assujetti garde la liberté ; mais il n’a plus de patrie quand sa cité cesse d’être, et il est à vrai dire l’affranchi de Rome (dedititius) ; quand celle-ci, au contraire, continue d’exister sous la protection de Rome (civitates liberœ), il jouit alors des droits d’hospitium accordés au citoyen d’une ville avant son contrat d’amitié[46]. Le patronat finit ou par la rechute en esclavage, ou par l’égalité des droits. — Dans la clientèle publique, la réduction en esclavage peut avoir lieu toujours[47] ; l’égalité, comme en matière de précaire, peut être révoquée à volonté, sans qu’il y ait lésion de droit. À l’origine, il a dû en être de même pour les clientèles privées : mais ce droit du patron a été restreint l’un des premiers. A quelle date remontent ces restrictions, on ne saurait le dire. Ce qu’il y a de sûr, c’est que quand l’affranchissement avait été, directement ou non, confirmé par les pouvoirs compétents, approuvé par loi curiate ou autrement, après Vindication en forme ou à l’occasion du cens, le client et ses enfants, sans être tenus pour légalement et absolument libres, n’en jouissaient pas moins à toujours d’une indépendance qu’il n’était plus au pouvoir du maître de révoquer autrement qu’en théorie. Puis, avec les progrès apportés par le temps, ces règles bienfaisantes se sont étendues aux affranchissements verbaux, auxquels la cité restait étrangère. Rétablissement de l’esclavage de droit à côté de la liberté de fait maintenue : tel fût, jusqu’à la fin dit siècle de Cicéron, l’état juridique licite. La loi Junia, un peu antérieure à Auguste ou contemporaine d’Auguste, innova encore : toutefois les Latins Juniens, sans avoir à subir la servitude, n’ont pas encore la liberté complète [M. Mommsen parle ici de la loi Julia Norbana]. L’abandon du contrat d’hospitalité, qui renfermait une alliance armée (fœdus), met aussi fin à la clientèle publique : comme les parties rentrent alors dans l’égalité respective de leurs droits, tout patronat devient par suite impossible. Par la même raison, quand le client acquiert la cité, la clientèle privée tombe nécessairement ; le client devient l’égal du patron. Nous rencontrons l’application de cette règle dans l’un des rares exemples que les documents historiques nous ont conservés sur le droit qui fait l’objet de cette étude. Marius ayant un jour un procès, le sénateur C. Herennius fut appelé en témoignage par la partie adverse. Il affectait de ne pas vouloir déposer contre son client, cherchant par là à humilier l’homme nouveau ! Mais Marius de se récrier : il a été édile, et par là, la clientèle a cessé ! Chose, non de tout point exacte, ajoute Plutarque, à qui nous devons ce récit (Marius, 5), car il ne faut pas moins que la nomination à une charge curule pour produire cet effet, et Marius n’avait encore été qu’édile plébéien. En somme le plébéien, revêtu d’une magistrature patricienne, sans être pour cela rangé dans les patriciens, vote au Sénat absolument comme eux. — Preuve nouvelle de l’identité primitive de la clientèle et de la plébité, et de l’incompatibilité de la clientèle passive avec le patricial[48]. De même que dans l’hospitalité et la clientèle il y a un fait et un caractère communs, la protection ou le patronat exercés, de même elles se ressemblent dans leurs conséquences : seulement les développements et les progrès de la clientèle sont dus bien plutôt aux applications qu’aux manumissions proprement dites, et tandis que l’hospitalité s’exerce surtout envers le voyageur de passage, le patronat a davantage en vue l’étranger exilé ou transfuge. Mais nous retrouvons dans l’une et l’autre institution le devoir de bon accueil, les soins, l’admission au droit et à la religion de l’hôte ou du patron, et les relations officieuses enfin commandées parce que les Romains appellent la piété, sauf toutefois certaines divergences essentielles. L’office et les soins du patronat notamment, ne sont pas les mêmes dans la clientèle, permanente de sa nature, et dans l’hospitalité, dont les exigences ne sont guère qu’éphémères les soins du patron envers le client se changent en sollicitude ; il l’assiste tous les jours, lui assure les moyens de se faire sa carrière ; il l’établit. J’imagine que dans les temps les plus reculés il lui assignait même des terres, et je n’ai pas hésité à rattacher le domaine précaire à l’institution de la clientèle, puisque alors le client n’est lui-même libre que précairement[49] : de même la cité distribuait des terres aux fugitifs qui venaient demander sa protection[50]. Plus tard, comme le morcellement des domaines eût été contraire au système des Latifundia, le maître ne donna plus à l’esclave affranchi qu’une somme d’argent, ou encore lui abandonna tout ou partie du capital à lui confié pour le faire valoir. La cité fit de même[51]. — L’office du patronat s’étendait jusqu’au delà de la mort, absolument comme le devoir pieux de l’hospitalité ; témoin les nombreux tombeaux élevés par les maîtres pour leur maison ou pour leurs affranchis et esclaves. Comme de juste la clientèle, avec ses devoirs moraux, n’engendra jamais l’obligation juridique ou civile, sauf une exception pourtant. Le patron peut recevoir du client certains dons en témoignage de déférence et de respect ; mais il lui serait défendu de s’enrichir par là aux dépens de ceux qu’il doit assister et pourvoir. A une époque où la loi chercha à s’étendre jusque sur le domaine des anciennes bonnes mœurs, la loi Cincia fut rendue, qui limita les dons du cliente[52]. Comme l’hôte, le client a l’entrée de la maison du patron : exilé souvent, et sans patrie, il en use même bien plus largement. Il est à vrai dire de la maison ; il est compté parmi les serviteurs (cliens veut dire qui écoute, qui obéit). Le maître va-t-il au dehors, il a ses amis et clients à sa suite ; comme ses esclaves, il les arme pour les besoins de ses affaires ou de ses querelles privées. Numerari inter domesticos, dit Festus, parlant des affranchis (v° Patronus[53]). Tous, les uns comme les autres, esclaves, clients et simples affranchis, ils portent le nom de la famille[54]. Pendant toute l’ère républicaine, ces derniers ont été justiciable du tribunal du père de famille. Dans les temps antérieurs à César, on voit le patron prononcer même la peine capitale[55] ; mais en l’an 4 de l’ère chrétienne, la loi Ælia santia vient lui enlever son droit de vie et de mort, et ne lui permet plus que de prononcer l’expulsion hors de Rome (Tacite, Ann., 13, 26.). S’il ne lui est pas loisible de prendre le pécule du client, comme il est en droit de le faire au regard de l’esclave, encore l’oblige-t-il à des prestations considérables dans les cas exceptionnels, pour l’établissement de la fille de famille, pour une rançon à parer, etc.[56] Tombe-t-il dans la pauvreté, les affranchis doivent venir à son secours : le juge même les y contraindrait au besoin. D’ailleurs, comme sous l’ancien régime, il n’y a pas obligation civile dans le pacte de clientèle : le patron est dans l’usage, au moment où il affranchit, de se faire promettre les prestations sous serment[57]. Seul et unique cas peut-être où le droit civil postérieur a voulu fortifier par serment l’obligation, originairement morale. Tout cela ne démontre-t-il pas jusqu’à l’évidence la condition primitive du client ? Il fut d’abord sans droits en face du patron, comme l’était l’esclave affranchi de fait seulement, au temps de Cicéron. Aussi la loi ne le protége-t-elle que contre la violence et l’abus : jamais elle ne le veut soustraire à la puissance régulièrement exercée du maître de la maison, à la justice domestique, au devoir de prestation en cas de nécessité. Ce que la tradition nous révèle à l’égard de l’affranchi, l’état de droit nous le fait a priori connaître en ce qui touche le client en général. La clientèle est en quelque sorte dans les biens du patron : si l’on peut avoir beaucoup d’amis, on ne peut avoir qu’un maître : le patronat n’est autre que le pouvoir du maître : il est un, il est exclusif et ne comporte pas la concurrence[58]. Dans le culte, même communauté établie entre le patron et le client, entre l’hôte actif et l’hôte passif. Il a pu se faire, sans que je puisse l’affirmer, que les cités clientes aient été, avec les fédérées, admises aux sacrifices capitolins, à titre précaire, tout au moins. Quant aux sacrifices privés et domestiques, où figurent les esclaves, les clients y assistent ; ils assistent aux solennités religieuses des quartiers, des curies, des fornacales ; et c’est même sur cette participation aux fêtes communes des gentes que se fonde indubitablement le droit pour le client, droit refusé à l’étranger et à l’esclave, de prendre le nom de famille. Pour s’appeler Marcius, il faut compter dans la gens Marcia, et assister en commun à tous les actes religieux qui l’intéressent. De là encore l’antique cri du prœco (héraut) ordonnant aux hôtes, aux esclaves, aux femmes, aux vierges de se tenir à l’écart ! [59] A l’encontre des tiers, quels étaient les droits des clients ? — Toujours ceux dérivant de la protection qui leur est promise : ces droits diffèrent toutefois, selon que la clientèle est publique ou privée. Cités ou individus, il importe peu qu’il y ait eu abdication, volontaire de la liberté ou pacte international : les clients publics sont capables, de droit, dans la cité patronne, mais l’étendue de ce droit varie selon les conditions de la dédition ou du contrat. Il en est là comme en matière d’hospitium. Les clients privés se réclament, plus encore que les hôtes privés, de l’assistance et des soins du maître : là raison en est dans ce fait que l’hospitalité privée a disparu de bonne heure, et dans cet autre surtout, que le client est sans patrie et abandonné. Le chef de famille à Rome, commence la journée par recevoir ses domestiques assis sur son trône (solium), dans la grande salle de la maison ; il cause avec eux de leurs affaires et leur donne ses conseils[60] ; il leur doit de plus, au dehors et jusqu’en justice, son assistance : il plaide au besoin leurs procès. C’est là un devoir d’honneur[61]. De là aussi les mots patronus, cliens (avocat, client), appliqués à la partie et à son défenseur devant les tribunaux ! — A vrai dire, le patron n’est point alors le procureur, le représentant (procurator) de celui qu’il assiste, il n’est que son conseil ; le client est toujours le demandeur ou le défendeur vrai[62] : mais au début, je pense qu’il en a été tout autrement [et par bien des raisons juridiques ou autres dont on fait grâce au lecteur]. Il n’en est pas moins certain que l’assistance du patron était chose nécessaire devant la justice. Le client ne pouvait agir comme l’hôte, car il n’avait pas l’hospitium ; il ne pouvait agir selon le droit civil, car il n’était pas citoyen ; et n’étant pas considéré comme libre légalement ; il semble au premier abord qu’il ne pouvait même pas être partie dans un procès. Par suite, c’est le patron qui agit, sous l’ancienne loi, en son nom personnel et pour son propre compte ; sous la loi postérieure, à côté du client et dans son intérêt. Il fait pour lui dans les procès civils ce que les patriciens ont fait dans l’origine pour les plébéiens, ce que le père de famille fera plus tard pour les siens[63]. Puis, plus tard encore, la condition de l’affranchi ou du client allant s’améliorant, l’assistance elle-même deviendra superflue. De même qu’au temps de Cicéron on donnera la latinité aux affranchis de fait : de même, alors qu’il n’est point absolument libre encore, le client est de bonne heure tenu pour justiciable direct à côté de son patron. Continuons de rechercher dans les rapports de piété reconnus par la loi les conséquences communes des droits de clientèle et d’hospitalité. Le patron ne peut porter ni appuyer une plainte ou une demande en justice contre le client, le client le peut encore moins contre lui[64]. Mandat judiciaire, témoignage, arbitrage contre leurs intérêts réciproques leur sont également interdits. Il en est de même au criminel, depuis l’avènement de la procédure accusatoriale[65]. Chez le patron, la piété passe même avant la parenté souvent ; il peut témoigner pour le client contre un cognat. Mais les devoirs de la tutelle l’emportent au contraire sur la clientèle[66] ; et l’hôte est de même préféré au client. Apud majores, dit Majurius Sabinus, ita observatum est : primum tutelœ… deinde hospiti, deinde clienti, tum cognato, postea adfini : œqua causa feminæ viris potiores habitœ (A. Gell., 5, 13.). Principes mâles et sains, sur lesquels repose la notion du droit à Rome, aussi bien que la grandeur de la cité. C’est encore de la piété que dérive une autre institution particulière à la clientèle, je veux parler de l’hérédité du client dévolue au patron, comme conséquence de la protection qu’il a donnée au premier durant sa vie. L’hospitium ne confère aucun droit pareil : l’hôte, citoyen d’une cité libre, a ses héritiers dans sa patrie et conformément à la loi du lieu. Le client, au contraire, qui n’a pas de patrie meurt aussi sans héritier. Mais la loi romaine qui ne voulait pas qu’on mourût intestat suppléa d’abord à la lacune, même à son égard. Puis bientôt elle considéra les enfants de l’appliqué et de l’affranchi comme de légitimes successeurs, à l’instar des agnats et gentils chez les patriciens. Que s’il mourait sans enfants, le patron n’était point saisi directement des biens, comme autrefois : ce n’était plus un pécule qu’il reprenait à titre de maître ; mais comme il était plus proche du défunt que les autres tiers, les biens de la succession, lui advenaient par occupation privilégiée. A défaut du patron, ses descendants, agnats et gentils héritaient. Enfin, la violation des droits de clientèle privée entraînent une peine ; il n’en était point ainsi, on l’a vu, en matière d’hospitalité. Là, le contrat rompu, tout était dit. Dans la clientèle, le patron ayant droit de justice et pouvoir d’exécution sur le client, il n’avait nul besoin de la protection de la loi contre son subordonné : mais celui-ci, en revanche, pouvait être la victime des excès de son maître. La rupture de la clientèle ne lui aurait pas porté secours : il était sans patrie, non libre, encore une fois ! Or, voici de quel tour ingénieux on usa. Le patron qui fait fraudé à son client est SACER[67] : (maudit et voué aux dieux infernaux) disent les XII Tables. — C’est là un crime public contre la cité ; alors que la même infraction entre citoyens ne serait passible que de la poursuite civile. C’est en effet le rapport existant entre l’agent du délit et la partie lésée, et non la nature du délit, qui appelle à Rome l’intervention du pouvoir public : aussi la nature de la peine, l’exécration (sacer), ne comportait-elle rien moins que la peine capitale dans l’ancien droit. Mais comme il s’agissait là d’un vœu pieux et non d’une règle fixe et pratique, il dépendait toujours du justicier, muni à cette époque du plus complet arbitraire, de réduire la faute à de moindres proportions. Arrivés au bout de cette longue et pénible étude, nous espérons que le lecteur se rendra un compte exact de l’hospitalité et de la clientèle. Elles renferment l’expression des rapports internationaux de cité ou citoyen à cité étrangère ou individu appartenant à celle-ci, soit dans le droit romain perfectionné, soit même dans le droit primitif. Nous avons fait voir et décrit leurs origines, leur nature à la fois commune et diverse, et aussi leurs effets dans les mœurs et dans la loi. Nous y avons trouvé la preuve de la condition primitive de la plèbe, alors tout entière cliente[68]. Mais à cela la grandeur du peuple romain n’est nullement diminuée. N’y a-t-il pas plus de gloire à conquérir la liberté qu’à l’avoir toute faite ? — La plèbe ou l’ancienne clientèle étant passée au droit de cité, elle s’est séparée à son tour des affranchis et des patronnés, et c’est dans ce dernier sens que nous trouvons la distinction établie à l’époque des luttes entre les ordres. A côté des clients se plaça aussi une classe d’hôtes fort importants, je veux parler des Latins, ayant aux termes de leur pacte d’alliance et de leur hospitium, l’égalité du commerce et le droit de promouvoir leur procès, suivant, la loi civile de Rome. Quand ils sont établis immobilièrement ou seulement domiciliés à Rome, ils y sont tenus pour municipes ou ίσοτελεΐς (contribuables à égalité d’impôts) ; ils défrayent les corvées, ils servent dans la milice, ils ont même le voté restreint. Sous ce rapport, ils se distinguent des autres étrangers autant qu’ils se rapprochent des clients ordinaires, qui, sans être citoyens, vivent selon le droit civil, qui appelés par la réforme servienne au service militaire, à côté des patriciens, ont ainsi vu, s’ouvrir pour eux les curies, les centuries, et plus tard, les tribus. Ces mêmes Latins, comme les clients, sont exclus du connubium avec les patriciens et des fonctions publiques ; mais ils différent d’eux en ce que les clients seuls subissent le patronat, ne pouvant introduire un procès sans l’assistance du patron, et ayant en lui leur chef, leur héritier présomptif. Ainsi l’émancipation plébéienne poursuit un double but. Au regard des clients, elle tend à secouer le fardeau du patronat au temps de Cicéron même elle a complètement réussi à les dégager, sauf la dépendance adoucie qui pèse encore sur la classe des affranchis ; et au regard des Isotèles, Métœques ou clients venus de l’étranger, elle vise à leur conférer en masse les droits civils qui leur manquent encore, le connubium, le droit de vote, et l’admission aux emplois et aux honneurs publics. |
[1] [Imitées par Michelet dans ses Origines du droit français, Paris, 1837.]
[2] L’esclave dans la rigueur du droit romain n’étant qu’une chose, et non une personne, il ne peut être ici question de faire rentrer l’esclavage dans le système des rapports personnels de protection.
[3] G. Curtius, que j’ai consulté, a démontré cette synonymie. [Sans vouloir entrer ici dans la discussion philologique dont M. Mommsen rend compte (notes 1, 2, 3, auxquelles nous renvoyons), rappelons la racine sanscrite ghas, manger ; rappelons le mot kymrique gwestwr’m, qui a aussi le sens d’étranger. Il y a donc là une notion commune et ancienne, exprimée par le même vocable, quelles que soient d’ailleurs l’origine et les transformations successives de ses éléments.]
[4] La parenté du mot hos pe(t)-s avec hostis parait de même vraisemblable. Le premier, un dérivé sans doute, ayant été davantage appliqué à l’étranger admis à l’hospitalité, le mot hostis a plus spécialement servi à désigner l’étranger ennemi (cf. hospitium : hostis, petens).
[5] L’amicitia chez les Romains semble se rattacher davantage à un contrat public de la cité ; pourtant il existe des exceptions (Gori, Inscript., 2, 306). — Il se peut d’ailleurs que dans le droit public postérieur de Rome, l’amicitia n’ait pas compris aussi l’hospilium, quoiqu’on ne puisse tirer cette conclusion des sources ordinairement citées (v., par exemple, Pomponius, ff. 5, 2, de captivis et postliminio, Dig.). Toutefois, on ne peut établir entre les deux droits une différence tranchée, et assurément la formule in amicos populi rom. referri (V. le sénatus-consulte voté en faveur du clazomédien Asclépiade, en 676 [78 av. J.-C.] : Haubold, Monum., p. 90-97 ; et Corp. insc. lat., de Mommsen, p. 203), comportait aussi l’hospitilium publicum.
[6] Sic : le contrat entre deux familles (gentilitates) de la gens des Zoèles (l’une des vingt-quatre peuplades des Astures d’Espagne : Pline, Hist. nat., 3, 3, 28) hospitium vetustum antiquom renovaverunt eique omnes alis alium in fidem clientelamque suam suorumque liberorum posterorumque recepit. — La formule ordinaire en pareil cas est : hospilium publice privatimque facere (Tite-Live, 30, 33. — V. aussi : Décret de patronat, aux Mémoires de l’Académie française, 49, p. 50). Mais le plus souvent, au contrat public s’en ajoutait un autre, à titre privé, entre ceux des citoyens de l’une et de l’autre cité qui s’étaient plus particulièrement occupés de l’affaire (Tite-Live, l. c. ; Josèphe, Antiq., 13, 9, 2. — Corp insc. græc., 2485, II, 3, 4).
[7] Homère, Iliade, 6, 168. — L’hôte est hébergé pendant neuf jours avant qu’on le questionne sur son origine. — Dans le Nord, l’hospitalité dure trois jours (Grimm, Rechtsalterth., (Antiquités du droit), p. 400).
[8] Nec obstat Hérodote, 3, 11. — Plutarque, Poplicola, 4 (conjuration pour le retour des Tarquins). — Salluste, Catilina, 22). Ce ne sont là que des accidents, ou même, peut être, n’y a-t-il, chez ces derniers auteurs surtout, que couleurs et amplifications de rhétorique !
[9] Les Samnites avaient aussi leurs soldats liés par serment (milites sacrati : Tite-Live, 9, 39 et 40 ; 10, 37 et 38). Les officiers choisissaient les assermentés selon le nombre voulu des sections, puis ceux-ci, chacun dans leur section, choisissaient leurs commilitones. — Dans la conjuration (conjuratio), le serment est prêté en masse, et non homme par homme.
[10] V. le décret relatif à la cité de Guiza, en Afrique, en l’an 12 [742 av. J.-C.], le plus ancien document connu de ce genre : Senatus populusque… hospitium fecerunt quom L. Domitio… eumque et poster(o)s ejus sibi posterisque sueis patronum cooptaverunt, isque eos posterosque eorum in fidem clientelamque suam recepit (Marini, Arvali, p. 782).
[11] Le, serment, en pareil cas, chez les Grecs, n’appartient qu’aux époques postérieures ; mais, chez les Romains, il a pu être confessoirement ou supplétoirement déféré, à l’appui du contrat imparfait ou nié.
[12] Gaius, 3, 94. — Tite-Live, 9, 5, 41. — Cicéron, Pro Balbo, 12, 29. — Spondes ne ? — Spondeo.
[13] Deum hospitalem ac tesseram mecum fero (5, 1, 25) — Tesseram si vis conferre hospilalem, eccam attuli (5, 2, 87) — Est par probe, now habeo domi (5, 2, 89).
[14] Corp. insc. græc., 5496, 6778, etc. — Le mot symbolum est grec. — Pline, Hist. nat., 33, 1, 10. Grœci a digitis appellavere : apud nos prisci ungulum vocabant, postea et Grœc. et nostri symbolum. — C’est le signe, la marque, empreinte ou cachet.
[15] V. le contrat avec
Asclépiade : Πιναxα
χαλxοΰν φιλίας
έν τώ
Καπετωλίω
άναθεΐναι. — Ainsi furent
constituées ces fameuses archives de
[16] De nombreuses fouilles, et près de quarante tablettes gravées le démontrent (les unes datent du siècle des Gracques, les autres ne remontent pas au delà du IVe siècle de notre ère) : Apud penates domus hujus (Corp. insc. neapol. — Mommsen, 591. — Orelli, 784, 4133.)
[17] Murator., 564, 1.
[18] V. supra Plaute, loc. cit. du Pœnulus, et Cistellar., 2, 1, 17.
[19] Tite-Live, 25, 18, 38, 31, 42, 45. — Cicéron, in Verr., 2,.36, 89. — Dionys., Hal, 5, 34.
[20] Amicilium renuntiatam videri, cum…… nec satisfieri œquum censuissent. Tite-Live, 36, 3.
[21] Tesserane confririgere (Plaute, Cistellar , 2, 1, 27). [C’était le contraire chez nous :
…………
Une paille rompue
Rend
entre gens d’honneur une affaire conclue…
………………………………………………
(Molière, Dépit amoureux, acte IV, sc. 4.)]
[22] Aussi les envoyés étrangers s’adressent tout d’abord aux questeurs, les plus anciens et uniques aides des rois. Plus tard, les édiles eurent aussi à veiller à l’exercice de l’hospitalité publique.
[23] Locus, œdes liberœ : Tite-Live, 30, 21 ; 33, 24. —
Valère Maxime, 5,
[24] Laulia
[V. ce mot, Dict. de Rich] : dautia quœ lautia dicimus dantur legatis hospitii gratia
(Festus, Ep., p. 68). — En grec παροχη, (S.-Cie
d’Asclépiade, Corp. insc. lat.,
Mommsen, p.
[25] Munus, on le sait, indique la prestation par le
contribuable (cf. municeps, qui doit le
munus ; — immunis,
qui en est exempté ; — communis,
qui la paye en commun ; — mœnia, les corvées ; de là les murs de la
ville, auxquels tous coopèrent, etc., etc. — Quant aux 2.000 as, nous les
retrouvons fréquemment (Tite-Live, 42, 19 ; 43, 5-6, 8 ; 44, 14-15 ; 45, 42).
Ailleurs, il est donné 4.000, 5.000, 10.000 as :
[26] A Délos, il reçoit άλας xαι όξος xαί ξύλα, xαι στρώματα ; mêmes choses, à peu près, citez les Magnètes (Athénée, 4, 74).
[27] Un jour, le Sénat reçoit comme hôte un roi fugitif, et ordonne ut ei munera per quœstorem cotidie darentur (Val. Max., 5, 1, 1).
[28] Tite-Live, 30, 17 ; 43, 5 ; 35, 23 ; 30, 21 ; 42, 6 ; 43, 8. — Tacite, Germ., 21 : abeunti, si quid poposcerit.
[29] Plutarque, Quæst. rom., 43. — Val. Max., 5, 1, 1.
[30] S.-Cie d’Asclépiade, 1. 25... έν τώ Καπετωλίω ...... θυσίαν τε ποιήσαι ίξή. (V, aussi Corp. insc. grœc., 5880, 5881, et Tite-Live, 22, 37 ; 28, 39).
[31] Varro, de Ling. lat., 5, 155. — Justin, 43, 5, 10 : ob quod meritum … illis … locus spectaculorum in senatu datus.
[32] Paul., ff. 15, 19, 3. Dig., de captivis et postlimin. — [Sed et si in civitatem sociam amicam ve … venerit, statim postliminio, rediisse videtur ; quia ibi primum nomine publico tutus esse incipiat.]
[33] Dans l’ancien temps, on disait hostis. — Varr., loc. cit. — Cf. status condictus dies cum hoste : hostis était, comme on l’a vu supra, le synonyme d’étranger, peregrinus ; à l’ennemi, on appliquait alors la dénomination de perduellis.
[34] Comprenant certainement le droit d’acquérir la propriété immobilière, l’έγxτηοις des Grecs.
[35] Judicio certare, seine apud margistratus nostros Italicis judicibus, etc.
[36] Tite-Live, 4, 13 ; 9, 36.
[37] Dionys. Hal, .2, 11. — Tite-Live, 9, 20. — Cicéron, in Verr., 2, 49, 122. —Cicéron, Pro Sull., 21, 60. — Suétone, Tibère, 2. Drusus (?) Italiam per clientelas occupare temptavit.
[38] V.
[39] Mais le mot clientèle s’emploie sans difficulté pour désigner les relations de ce genre avec des peuples étrangers (César, Bell. gall., 1, 31 ; 4, 6 ; 5, 39 ; 6, 12). Si l’on évitait de s’en servir, comme il est dit au texte, ce n’est point qu’il ne fût le mot juste, mais c’est qu’il avait quelque chose de blessant (V. infra).
[40] Le mot matrona a le même sens ancien. C’est la femme patricienne, de famille de pleins citoyens, qui seule, juridiquement parlant, est ou peut être mère d’un citoyen.
[41] V.
[42] [L’application est à la clientèle ce que la recommandation était à la seigneurie féodale. C’est la clientèle volontairement constituée par l’individu ou la cité se choisissant un patron, et se mettant sous sa protection.] — Cicéron, de Offic., 1, 39, 177.
[43] Cui Romœ exulare jus esset (Cicéron, loc. cit.).
[44] V. la note 49 sur la formule du décret relatif à la cité africaine de Gurza.
[45] V. le passage cité de Cicéron, de Offic., 1, 39, 177, note 82.
[46] Cicéron, de Offic., 1, 11, 35 : Ut ii qui civitates aut nationes devictas bello in fidem recepissent, eorum patroni essent more majorum. — M. Mommsen cite ici de nombreux exemples : le patronat des Marcellus sur Syracuse et les villes de Sicile (Tite-Live, 26, 32. ; Cicéron, in Verr., 2, 49, 122. ; Plutarque, Marcell., 23) ; — celui de Paul-Émile sur les Espagnols, Ligures et Macédoniens (Plutarque, Æmil., 39) ; — de Caton l’Ancien sur les Espagnols (Cicéron, Divin. in Cœc., 20) ; des Fabius et des Domitius sur les peuples celtiques (Appien, Bell. civ., 2, 4 ; Cicéron, Divin. in Cœc., 20) ; de Pompée sur les rois de Mauritanie (César, Bell. civ., 2, 25), sur l’Espagne citérieure (Ibid., 2, 18) ; enfin, de Caton d’Utique sur Chypre (Cicéron, ad Famil., 15, 4, 15).
[47] Aussi, la liberté du client en cas pareil n’est-elle que précaire (precaria : Tite-Live, 39, 37) elle est subordonnée à la clause tant qu’il plaira au sénat et au peuple (Appien, Hisp., 44).
[48] V. livre II. — De même, le plébéien consulaire, après n’avoir longtemps porté que la tunique angusticlave, prit aussi un jour la tunique laticlave, comme les sénateurs patriciens.
[49] Festus, Ep., p. 247 : Patres senatores ideo appellati sunt quia agrorum partes attribuerant tenuioribus ac si liberis propriis.
[50] Tite-Live, 2, 16 ; 44, 16. - V. Lex agraria, de 643 [111 av. J.-C.], l. 75 et 76. — V. au Corp. insc. lat., de Mommsen, n° 200. — M. Egger en a donné ainsi le texte, d’après le travail de Hudorff, dans ses Latini sermonis relliquiœ, pp. 204 et suiv.
[51] Tite-Live, 2, 5 ; 4, 45 ; 22, 33.
[52] Dionys. Hal., 2, 10. —Aul. Gell., 20, 1. 40 : Neque pejus ullum facinus existimatum est quam si cui probaretur clientem divisui habuisse. — Tite-Live, 34, 4 : Quid legem Cinciam de donis et muneribus, uisi quia vectigalis jam et stipendiuria plebs esse senalui cœperat ? — Toujours les clients sont la plèbe, les patrons sont les patriciens, les sénateurs ! — [La loi Cincia, votée sur la mention du tribun Cincius Alimentus, en l’an 204 (550 av. J.-C.)]
[53] Tite-Live, 2, 16. — Dionys. Hal., 2, 46 ; 6, 40 ; 10, 14. — Ibid., 6, 47 : 7, 19 ; 9, 15 ; 10, 43.
[54] Tite-Live parle de M. Claudius, client d’Appius Claudius (3, 44).
[55] Val. Max., 6, 1, 14. — Suétone, César, 48.
[56] Dionys. Hal., 2, 10 ; 13, 5. — Plutarque, Rom., 13. — Tite-Live, 5, 32 ; 38, 60.
[57] Cicéron, ad Attic., 7, 2, 8 — 12, 44, Proœm. de liberali causa, au Digeste.
[58] Sauf au cas où le patronat appartient à une cité, à un être collectif : encore, dans ce cas, ainsi qu’on l’a vu, c’est d’ordinaire celui qui a reçu la dédition qui exerce exclusivement et héréditairement la clientèle.
[59] Festus, p. 82. Hostis, vinctus, mulier, virgo exesto !
[60] V. Horat., Epist., 2, 1, 103 et suiv.:
…………………………………
clienti promere jura :
………………………………
minori dicere, per quœ
Crescere res posset, minui damnosa libido.
— V. aussi Epist., 4, 5, 31. — Dionys. Hal., 2, 10, et Cicéron, de Orat., 3, 33, 133 : Ad quos in solio sedentes domi sic adibatur, non solum ut de jure civili ad eos, verum etiam de filia collocanda, de fundo emendo, de agro colendo, de omni denique aut officio aut negotio referretur.
[61] Dionys. Hal., 2, 10. — César, dans A. Gell., 5, 13.
[62] Gaius, 4, 82, et alias.
[63] Dans les causes criminelles, l’on sait que, selon le droit primitif de Rome, la procédure était inquisitoriale, et non par voie d’accusation pure (livre I). Nous n’avons pas à nous demander quel était le rôle du patron. Sans doute, quand le client est le lésé, le patron traduit le délinquant devant le tribunal populaire (Cicéron, Divin. in Cœc., 20, 67) ; mais dans les exemples connus, il agit comme juge, et non en vertu du patronat.
[64] V. un passage très précis de Dionys. Hal., 2, 10. — Testimonium adversus clientem nemo dicit : ainsi s’exprime Caton. — Masurius Sabinus, dans Aul. Gell., 5, 13. — Lex repetund. citée supra, l. 10 et 37 ; elle interdit le témoignage et le mandat judiciaire à celui qui est in fide avec l’accusé.
[65] Plutarque, Mar., 5. — Dig. de testibus, § 3, 4, et § 4. Paull., Sentent., 5, 15, 3. — Cod. de testibus, § 12.
[66] A. Gell., 5, 13 ; 20, 1, 40.
[67] Patronos sei clientei fraudem facsit, sacer esto (tab. XIII, 21) ; et Servius (Ad Æneid., 6, 609) d’ajouter : tantum est clientem quantum filium fallere. — V. Dionys. Hal., 2, 10, et Plutarque, Rom., 43.
[68] Cicéron, de Rep., 2, 9, 16 : Habuit plebem in clientelas principum descriptam. — Fest., v° patrocinia. — Dion. .Hal., 2, 9. — Plutarque, Rom., 13.