L’HISTOIRE ROMAINE À ROME

 

Appendices

Praticiens et plébéiens.

 

 

1. Admission au patriciat

Nul n'ignore quelle a été, en général, l'importance des familles praticiennes, à Rome. A mon sens, pourtant, la question n'a point été suffisamment étudiée, pour les Ve, VIe et VIIe siècles surtout. Souvent on a accepté comme vérités de graves erreurs, faute d'avoir examiné d'assez près, et suivant les temps, la condition du patriciat et les attributions légales qui y ont été attachées.

Depuis la fondation du gouvernement, républicain jusqu'à sa chute, c'est-à-dire de l'an 245 à l'an 709 [509-45 av. J.-C.], le patriciat, qui, sous les rois, avait admis les minores gentes dans ses rangs, demeure fermé désormais à toute intrusion. Mais sous César et sous les Empereurs, comme il avait fait sous les Rois, il s'ouvrira de temps à autres à certaines familles nobles nouvelles. On a eu beau contredire ces assertions ; elles sont aujourd'hui démontrées.

N'a-t-on pas voulu, sur la foi de Tacite[1], attribuer à Brutus et aux premiers consuls l'appel au patriciat des minores gentes ? La tradition, fort mal interprétée par Tacite, est formellement démentie par Tite-Live. A supposer que les minores gentes aient été appelées à compléter le sénat, seulement à l'époque de la fondation de la République, ce que je conteste, encore est-il certain qu'elles appartenaient au patriciat depuis longtemps. — Citera-t-on la légende de la gens Claudia[2] ? Au lieu d'être contemporaine des guerres avec les Sabins, son immigration remonte bien plus haut, jusque sous Romulus, au dire de Suétone[3]. — La gens Domitia n'est devenue patricienne qu'au temps d'Auguste, puisque, avant Auguste et jusqu'à lui, les listes consulaires donnent toujours un collègue patricien à tout consul du nom de Domitius.

Le principe de l'exclusion absolue a donc été la loi du patriciat sous la République, et les exemples allégués du contraire sont eux-mêmes démentis.

Mais il est arrivé assez souvent que les patriciens se recrutassent par la voie indirecte de l'adoption. La théorie du droit est ici d'accord avec les faits. On tenait, pour juridique[4] que l'adoptant faisait sien l'adopté, soit que celui-ci lui fut donné à titre de fils par son propre père, soit qu'étant maître de sa personne, il se remît lui-même, par l'adrogation, en la puissance d'un chef de famille. L'affranchi, l'esclave pouvaient être adoptés ; à plus forte raison, était-il licite à un patricien d'ouvrir sa maison à un fils adoptif pris dans la plèbe. Cicéron fait directement allusion à ce droit incontestable, quand il dit quasi in patriciam familiam venerit, amittit nomem obscurius[5]. Nous pouvons citer plusieurs exemples : Lucius Manlius Acidinus Fulvianus fut consul patricien pour 575 [179 av. J.-C.]. Fils d'un Fulvius, il était plébéien avant d'être adopté. Il eut pour collègue plébéien dans le consulat son propre frère germain. Mamercus Æmitius Lepidus Livianus, de la maison plébéienne des Livius, est consul patricien pour 677 [77 av. J.-C.]. — On en peut dire autant de P. Cornelius Lentulus Marcellinus, de la famille des Claudius Marcellus, et des deux meurtriers de César, Q. Cœpio Brutus, et A. Postumius Albinus Brutus, tous deux de la    famille des Junius Brutus.

Pareillement, l'adoption d'un patricien par un plébéien était légale. Témoin, pour ne citer qu'un fait entre plusieurs, T. Manlius Torquatus, consul patricien en 589, qui donne son fils en adoption à D. Junius Silenus[6]. J'accorde d'ailleurs qu'avant la fusion complète des ordres, une telle adoption, comme celle de l'affranchi par un ingénu, de l'esclave par un homme libre, eut été une tache. Enfin l'adrogation, et même aussi probablement l'adoption proprement dite, étaient soumises à une enquête préalable devant le collège des pontifes : quœ ratio generum ac dignitatis, quœ sacrorum, quœri a pontificibus solet[7]. Il y avait là une barrière de fait qui pouvait empêcher les mésalliances. Aussi avant la loi Ogulnia (454 [300 av. J.-C.]), qui fit entrer quatre plébéiens dans le collège des pontifes, ne trouvera il-on guère à citer d'adoption plébéienne faite dans le patriciat. Après cette loi et le régime nouveau, qu'elle consacre, les choses changent. Déjà moins rares au VIe siècle, ces mésalliances deviennent communes après la mort de Sylla.

2. Partage des dignités

Ceci dit, voyons comment les dignités et les fonctions, se sont partagées entre les deux ordres. C'est par là surtout que l'on se peut rendre un compte exact de leur vraie condition respective, et avoir la mesure de leur influence politique.

1° — Le Roi des Sacrifices est toujours patricien (rex sacrorum ou sacrificulus[8]).

2° — Il en est de, même des trois flamines majeurs de Jupiter, de Mars et de Quirinus. Les flamines mineurs, au contraire, sont plébéiens, à l'exclusion de l'ordre noble. Festus le dit formellement : (Ep. I, p. 54) Majores flamines appellabantum patricii generis, minores plebeii.

3° — En ce qui touche les Saliens, les Arvales et les Vestales, certaines distinctions sont à faire :

a) Les Saliens, ceux du Palatin, comme ceux de la Colline, étaient tous patriciens. Cicéron l'atteste[9], et nous en avons la preuve par les noms de ceux parvenus jusqu’à nous. On compte parmi eux des Appius Claudius, des Lucius Furius Bibaculus, des P. Cornelius Scipio Africanus, des M. Æmilius Scaurus, etc., etc.

b) On supposé qu'il en fut de même pour les frères Arvales ; mais cette supposition ne s'appuie sur aucune preuve directe, et Cicéron[10] les omet quand il énumère les privilèges réservés au patriciat ; enfin, l'on sait qu'ils ont été réorganisés au temps d'Auguste, et que les Empereurs, qui affichaient une haute sollicitude pour les intérêts de l'agriculture, leur ont donné alors une importance plus grande que par le passé. L'affirmation à leur égard serait peut-être téméraire.

c) Toutes les vestales, dit-on, furent prises dans le patriciat jusqu'au temps de la loi Papia ; ainsi l'aurait voulu la règle. Mais cette fois encore on parle sans certitude. Dès les plus anciens temps, au contraire, on trouve mêlés parmi les listes des vestales des noms qui semblent appartenir aux deux ordres. Selon le droit, d'ailleurs, l'admission des plébéiennes ne fut peut-être pas illicite. La vestale était fille de la cité ; elle était dans la puissance du roi, et, plus tard, dans celle du pontifex maximus : or ceux-ci, ne pouvaient-ils pas aller la prendre (captio) là où ils le voulaient ? Ici, comme en matière d'adoption, l'état civil de l'élue est indifférent, dès que l'élisant acquiert régulièrement sur elle le droit de propriétaire et veut la faire sienne. J'ajoute qu'à n'en point douter, les moeurs, pendant longtemps, n'avaient pas permis la caption d'une affranchie ou d'une fille d'affranchi, etc.   Sous Auguste, au contraire, nous la voyons expressément consacrée. [Loi Papia Poppœa]

4° — Collèges des Pontifes, des Augures et des Gardes des Oracles [Decemviri sacris faciundis].

De ces trois grands collèges sacerdotaux, les deux premiers sont restés fermés aux plébéiens, jusqu'à la loi Ogulnia (454 [300 av. J.-C.]); et le troisième, jusqu'aux lois Liciniœ-Sextiœ seulement (387 [367 av. J.-C.]). Mais, à dater de ces lois, il leur est réservé un certain nombre de places, les autres demeurant librement ouvertes aux deux ordres. Pourquoi ces dernières ne demeurèrent-elles pas l'apanage exclusif des patriciens ? on se l'explique aisément. Il en fut ici comme du Consulat, à dater de 388 [366 av. J.-C.], et de la Censure, à dater de 415 [339 av. J-C.].

Toute l'économie du système procède à l'avenir des règles posées par les lois liciniennes, qui, en ouvrant au peuple les magistratures, lui ont, en outre, et pour plus d'efficacité, attribué exclusivement un certain nombre de sièges dans chaque collège. Aussi voit-on (en 680 [74 av. J.-C.]) Jules César, patricien, succéder comme pontife à C. Aurelius Cotta, plébéien[11] ; et le patricien T. Claudius Néron, succéder (en 708 [46 ap. J-C.]) au plébéien Metellus Pius Scipion[12] : de telles alternances ne se comprendraient pas, si les places non réservées n'étaient pas restées accessibles aux deux ordres concurremment. Le résultat de ces combinaisons fut à la longue tout défavorable à l'ordre noble, et Cicéron ne manque pas d'en faire la remarque : tribunum plebi se (patricium) fieri non licere ; augustiorem siti esse petitionern consulatus ; in sacerdotium cum possit venire, quia patricio non sit is locus, non venire[13]. — Pendant les premiers temps qui suivirent les lois liciniennes, on voit les siéges se partager par égale moitié entre les deux ordres. Il y a cinq plébéiens sur les dix gardes des oracles qui ont succédé aux anciens duumvirs sacrés (duoviri sacris faciundis)[14] : les plébéiens ont même cinq places sur neuf parmi les Augures, à dater de la loi Ogulnia : enfin ils ont quatre places de pontifes sur huit[15]. Un tel partage, où on les voit occuper même la majorité des places dans les collèges en nombre impair, a une signification que nul ne peut méconnaître [suivent, dans notre auteur, les listes comprenant des noms nombreux, avec indication. des sources]…

5° — Les Épalons ou prêtres du banquet de Jupiter (triumviri epulones, d'abord ; septemviri, plus tard) formaient avec les précédents le quatrième grand collège sacerdotal. — Ils furent tous plébéiens, je pense, à l'origine ; ce qui s'explique par le jour consacré au banquet solennel (lectisternium) auquel ils avaient à pourvoir. C'était le 13 novembre, au milieu même des jeux plébéiens institués en 534 [220 av. J.-C.] qu'ils avaient à remplir leur office. — Mais sous l'empire, il y eut certainement partage.

Les trente curions, préposés aux cérémonies religieuses dans chacune des trente curies, pouvaient être pris indifféremment dans les deux ordres  il suffisait, en effet, qu'ils fussent citoyens. Mais jusqu'en 545 [209 av. J.-C.], le curion majeur (curio maximus) a été choisi dans le patriciat, bien qu'en réalité la loi n'eût pas exclu les plébéiens[16].

Disons d'ailleurs qu'en ce qui concerne les anciens siècles républicains, les documents nous font défaut presque toujours. Tribuns des célères [livre I, chap. V, note 49], Titiens, Féciaux, Luperques et Arvales, toutes ces confréries, dont l'origine se perd dans la nuit des temps, n'ont admis, que l'élément patricien, alors que les patriciens seuls avaient le droit plein de cité, mais quand l'égalité civile triompha, les plébéiens y entrèrent à leur tour. D'ailleurs elles avaient à ce moment beaucoup perdu de leur importance et de leur crédit.

Passons aux dignités et fonctions civiles.

6° — Le prince du Sénat (princeps senatus), nécessairement patricien au début, est toujours resté tel. Depuis M. Valerius Maximus, dictateur en 260 [494 av. J.-C.] (princeps in senatum semel lectus[17]), jusqu'à Lucius Valerius Flaccus (670 [84 av. J.-C.])[18], on connaît treize princes du sénat, lesquels tous appartenaient à l'ordre noble. Au VIe siècle, lorsque la vacance du principat s'ouvrait, le censeur patricien, venant immédiatement après le prince qui n’était plus, prenait spontanément sa place, ou se la faisait donner par son collègue.

7° — Consulat, decemvirat, tribunat militaire (cum consulari potestate). Avant les lois liciniennes de 387 [367 av. J.-C.], les Consuls étaient exclusivement patriciens. Suit une période d'années pendant lesquelles la question est débattue avec des succès divers. Puis de 442 à 581 [342-173 av. J.-C.], chaque ordre a son Consul ; enfin, à dater de 582 [172 av. J.-C.], on voit tantôt un plébéien et un patricien, tantôt deux plébéiens, occuper la fonction suprême. Jamais deux patriciens ne sont ensemble promus au Consulat avant le temps de César. — Après lui, le fait arrive souvent.

Quant aux fonctionnaires consulari potestate, decemvirs ou tribuns militaires, ils ont toujours pu être pris dans les deux ordres, quels qu'aient été d'ailleurs, les choix, faits le plus souvent au profit exclusif du patriciat.

8° — L'Interroi (Interrex) est, on le sait, toujours patricien, dans les premiers temps, comme au siècle de Cicéron.

9° — La Dictature et la Maîtrise de la cavalerie (magister equitum), peuvent être plébéiennes, la première à dater de 398 [-356], la seconde à dater de 386 [-354]. — Mais la règle ne veut pas que toutes les deux soient données ensemble à des magistrats appartenant au même ordre ; du moins les exceptions, s'il s'en rencontre, sont des plus rares.

10° — La censure est restée patricienne depuis l'an 314 jusqu'en 403 [443-351 av. J.-C.]. Dans cette dernière année, un plébéien fut nommé plus tard, les nominations sont en fait partagées avec des résultats divers.

11° — Ouverte aux plébéiens en 447 [-337], la Préture appartient aux deux ordres, à dater de cette époque. Plus on approche du VIe siècle, et plus les nominations plébéiennes sont fréquentes.

12° — Tribunat du peuple et Édiles plébéiens. — Leur nom dit assez qu'en tous temps leurs fonctions ont été dévolues à des hommes du deuxième ordre.

13° — L'édilité curule a d'abord alterné, année par année, entre les patriciens et les plébéiens: puis les candidatures s'y produisent indifféremment. —  Primo ut alternis annis ex plebe fierent, convenerat, dit Tite-Live (7, 1) ; postea promiscuum fuit. — En 541 [-213], l'alternance se pratiquait encore, à en juger par un passage de Polybe (40, 4). Jusqu'au jour où elle a cessé, les patriciens étaient nommés dans les années impaires, les plébéiens dans les années paires selon le comput Varronien[19].

14° — Questure. — Dès 345 [-409], les plébéiens ont conquis trois des quatre places de questeurs.

15° — Dans les siècles historiques, toutes les magistratures ou fonctions mineures semblent avoir été accessibles aux plébéiens. - Constatons cependant que les Decemviri litibus judicandis, qui ne font qu'un sans doute avec les Judices Decemviri de la loi Valeria-Horatia, de 305 [-449], semblent être restés patriciens jusque dans les derniers temps de la République.

3. Les familles patriciennes. — Leur nombre.

En dressant les listes des familles patriciennes, il faudrait distinguer celles qui existent encore après les lois liciniennes, de 387 [-367], d'avec celles qui ont disparu déjà, ou qui nous sont demeurées inconnues.

Parmi les anciennes, il en est qui se disent troyennes et albaines. — Elles rehaussent le plus souvent l'illustration de leur antiquité par des légendes et des fables, ourdies dans les temps postérieurs. Le plus sûr est de les circonscrire entre 245 et 705 [519-49 av. J.-C.], en notant leurs premiers et derniers consulats.

Il en est encore qui veulent descendre des Rois telles sont les Gentes des Tatius, des Pompilius, des Hostilius et des Marcius. Les Pomponius et les Calpurnius proviennent de Numa, à les en croire. Purs mensonges de l'orgueil, le plus souvent ; mais qui attestent pourtant jusqu'à un certain point l'ancienneté de l'arbre généalogique !

Une preuve plus certaine se déduit des noms de lieux, identiques à des noms de gentes. Parmi ceux-ci, beaucoup appartiennent aux plébéiens. Les noms de plusieurs tribus sont aussi ceux de plusieurs gentes, le plus souvent patriciennes.

Ici suivent les listes dressées par M. Mommsen : 1° de trente-cinq familles consulaires patriciennes dont on a conservé les noms avant 388 [-366], et qu'on ne retrouve plus au delà ; 2° de vingt-deux autres, avec leurs rameaux et leurs branches diverses, à dater de 387 [-367].

Parmi les premières, nous lisons entre autres les noms des Cassius, des Curiatius (Albains), des Geganius (Troïco-Albains), des Horatius, des Junius Brutus (Troyens), qu'il ne faut pas confondre avec d'autres plébéiens du même nom, des Lucretius, des Menenius, des Semponius, des Tarquinius, des Volumnius.

Dans les secondes, figurent les Æmilius (nom de tribu et nom troyen) avec leurs rameaux divers, Barbula, Lepidus, Paullus, Scaurus, etc. ; — les Claudius (nom de tribu), qui se divisent en Nero et Pulcher ; — les Clœlius (Troyens et Albains) ; — les Cornelius (nom de tribu), qui se divisent en Blasio, Cethegus, Dolabella, Lentulus, Rufinus, Scipio, etc. ; — les Fabius (nom de tribu), qui comptent, entre autres, des Labeo, des Pictor, etc. ; — les Furius, avec leurs embranchements ; - les Julius (Troïco-Albains), comptant des Cœsar, des Libo, des Mento ; — les Manlius, avec les Capitolinus, les Cincinnatus, etc. ; — les Papirius (nom de tribu) ; — les Postumius ; — les Quinctius ; — les Quinctilius (Albains) ; — les Sergius (nom de tribu, et Troyens) ; — les Servilius (Albains) ; — les Sulpicius ; — les Valerius ; — les Verginius, etc., etc. ; tous avec un plus ou moins grand nombre de rameaux généalogiques.

Nous n'avons relevé que les plus notables parmi ces noms de gentes, qui ont si souvent retenti dans l'histoire.

Quel a été le nombre total des familles patriciennes ? Trois cents à l'origine, dit la tradition : on a plus tard, compté mille noms patriciens, selon Varron (de Prœnom. § 3). Mais tous ces chiffres sont évidemment arbitraires ; il serait d'ailleurs difficile de les nier ou de les rectifier. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'à la fondation de la république, il a fallu introduire 164 plébéiens dans le sénat (les conscripti) pour compléter les trois cents membres. — Denys d’Halicarnasse, d'après Varron, qui avait écrit un livre sur les familles Troyennes (de familiis Trojanis), dit que de son temps, il restait encore cinquante de ces familles environ (4, 85) (Nous disons familles sensu stricto, et non gentes ou races). - Au temps de César les tout anciennes familles étaient déjà rares ; et le dictateur, brisant des barrières surannées, dut ouvrir, le consulat aux nouvelles maisons.

Une dernière remarque est à faire.

Nous avons vu comment le patriciat ou la plébité (plebitas) obvenaient a l'adopté ; on pouvait aussi, sans adoption, sortir du patriciat et passer dans le peuple (transitio ad plebem[20]) : M. Mommsen cite plusieurs exemples. Le plus souvent l'ambition était la cause déterminante de ce changement d'État. En 695 [59 av. J.-C.], par exemple, P. Claudius présente aux tribuns une motion tendant à faire ouvrir aux patriciens l'accès du tribunat n'ayant pas réussi, il déclare aussitôt abdiquer sa noblesse, veut se faire plébéien devant le peuple assemblé, et se porte candidat au tribunat populaire[21]. La seule formalité de la transitio ad plebem consistait sans doute dans la déclaration faite devant les comices par curies, et connue sous le nom de detestatio sacrorum, calatis comitiis[22]. Cette formalité, Claudius ne l'avait pas régulièrement accomplie ; aussi Métellus soutint qu'il n'était pas devenu plébéien, par un vice de forme, et combattit sa candidature comme nulle de ce chef. — Enfin, bon nombre de plébéiens portaient des noms patriciens, par suite de la transitio ; mais d'autres fois, ils descendaient simplement d'affranchis ayant, comme de raison, pris le nom de leur ancien maître. — De cet état de choses découlaient d'importantes modifications dans le droit de succession, mais qui ne rentrent pas dans notre sujet.

 

 

 



[1] Annales, 44, 25, — Dionys. Halic. 5, 43. — V. Tite Live, 2, 4, qui réfute Tacite à l'avance.

[2] V. sur cette famille, l’étude intitulée die patricischen Claudier (les Claudius patriciens) dans les Rœm. Forschung. I, p. 288 et suiv.

[3] Suétone, Tiberius, 1.

[4] A. Gell. 5, 19.

[5] De legib. 8, 3, 6.

[6] Cicéron, de fin. 1, 7, 24. — Val. Max. 5, 8, 3.

[7] Cicéron, de Domo, 13, 34, 14, 36.

[8] Cicéron, de Domo, 14, 35. — Tite-Live, 6, 41, 9.

[9] de Domo, 14, 35.

[10] de Domo, 14, 37.

[11] Velleius, 2, 43.

[12] Suétone, Tiberius, 44.

[13] de Domo, 14, 37.

[14] Ils seront même portés à 15 (quindecimviri) vers les temps de Sylla.

[15] Tite-Live, 6, 37. — 42. — 10, 9.

[16] Tite-Live, 27, 8.

[17] Elog. XXIII.

[18] Liv., ep. 83.

[19] Niebuhr, Hist. R., 3, 49, note 72.

[20] Ainsi en fut-il pour les Octaviens (Suétone, Auguste, 2) : Ea gens a Tarquinio Prisco rege inter minores gentis adlecta in senatum, mox a Seruio Tullio in patricias traducta, procedente tempore ad plebem se contulit...Élevée par Tarquin l'Ancien au rang des familles romaines, celle-ci fut bientôt après classée parmi les patriciennes par Servius Tullius. Redevenue ensuite plébéienne...

[21] Dion Cassius : 37, 51. - 31, 12.

[22] V. Aul. Gell., 15, 27 — V. aussi Servius, ad Æneid. 2, 156.