LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE TROISIÈME. — LE PEUPLE ET LE SÉNAT.

LE SÉNAT.

LÉGISLATION.

 

 

Les actes officiels ordinaires et extraordinaires sont, les premiers normalement, les seconds sous certaines conditions, prévus par les lois de l’État. La magistrature et le sénat n’ont d’autre pouvoir que celui d’appliquer les lois. Tout acte des magistrats qui ne s’appuie pas sur une loi constitue une contravention aux institutions légales, et il reste tel, même quand le sénat y a concouru : en principe, il faut toujours pour lui le consentement du peuple, c’est-à-dire une loi nouvelle.

Ce principe rigoureux a, dans son application pratique, reçu des modifications importantes, qui se rattachent essentiellement à ce que la loi peut, au point de vue romain, ou bien poser une règle générale s’étendant à tous les cas semblables ou bien viser exclusivement un cas isolé. En principe, les deux catégories de lois sont égales. Le règlement d’une hypothèse particulière par dérogation aux règles générales existantes n’est pas quelque chose d’extérieur à la législation ; c’en est une partie intégrante. Les cas les plus anciens et les plus importants de résolution du peuple, l’adrogation, le testament, la déclaration de guerre rentrent dans cette catégorie. Mais le magistrat peut se trouver dans le cas de s’écarter d’une prescription générale, même sans loi spéciale, et cet acte théoriquement contraire à la loi peut-être validé comme nécessaire ou licite d’après la situation de fait. Si cela a lieu, il est toujours regardé comme une anomalie et ne fait jamais règle lui-même. C’est là le fondement du principe déjà étudié, selon lequel il ne faut pas toujours interroger le peuple pour une dispense d’une loi, niais il faut toujours l’interroger pour l’établissement d’une loi nouvelle. Nous allons ici d’abord répondre à la question de savoir à ‘quelles conditions la magistrature peut omettre exceptionnellement d’appliquer une loi et quel rôle joue alors le sénat ; puis nous finirons en expliquant jusqu’à quel point le sénat peut poser des règles législatives générales.

La dérogation à la loi étant un empiètement que le magistrat ne peut se permettre qu’en cas de force majeure et étant en toute circonstance un acte extraordinaire, ce magistrat doit, d’après les principes généraux, s’appuyer, pour y procéder, sur l’autorité du sénat, si la situation le permet. L’origine de cette pratique se rattache sans doute aux cas pressants, où l’on ne pouvait avoir à temps la coopération du peuple, tandis que l’on pouvait avoir celle du sénat qui était toujours en permanence. Par exemple, si l’ennemi était entré dans le pays, il fallait probablement néanmoins que la déclaration de guerre fût soumise au peuple. Le dictateur nommé avait besoin de la permission du peuple pour monter à cheval[1]. Le peuple seul pouvait accorder l’impunité au complice d’un crime disposé à le dénoncer. Le sénat, qui délibérait préalablement sur les projets de lois, ne faisait que son devoir en autorisant le magistrat à les mettre à exécution avant le vote et à demander ensuite au peuple sa ratification et son absolution. Sans discussion possible, ces actes appartiennent à ceux pour lesquels la consultation du sénat déchargeait la responsabilité du magistrat dès l’époque la plus ancienne et dans lesquels à l’inverse la non consultation du sénat engageait sa responsabilité, où par conséquent le sénatus-consulte a été le plus tôt quelque chose de plus qu’un avis.

Dans la période antérieure à Sulla, le sénat n’a, selon toute apparence, prétendu à aucun autre pouvoir qu’à celui de prononcer des exceptions isolées à la loi dans des circonstances pressantes et sous réserve de la ratification du peuple, tandis que, dans les cas qui n’étaient pas urgents, le peuple était consulté sur la dispense. Les exemples pou nombreux de dispenses prononcées par sénatus-consulte antérieurement à Sulla, en particulier ceux qui se rapportent à la dispense du délai de 21 jours exigé pour l’annonce des comices et à la promesse d’impunité faite au coupable qui dénoncerait ses complices, peuvent tous facilement être ramenés à l’idée d’urgence. Le droit d’exempter de certaines règles générales, par exemple de celles qui limitent les honneurs funèbres[2], peut, pour la même raison, avoir appartenu de tout temps au sénat. Au contraire, dans la période postérieure à Sulla et sous le Principat le sénat délie de certaines lois sans égard à l’urgence et sans réserve de ratification[3]. Assurément il n’y a à ce sujet aucune indication expresse. Mais la conduite soit du sénat, soit de l’opposition, notamment en ce qui concerne le Fonctionnement des comices, dans la période postérieure à Sulla, n’est compréhensible qu’à condition que le sénat ait eu alors, avec un fondement juridique, un large pouvoir de dispense dont on ne rencontre aucun vestige a l’époque antérieure et qui est en contradiction déterminée avec les institutions primitives. Lors de la réaction contre les institutions de Sulla, une attaque fut dirigée contre ce pouvoir important dont il avait été fait l’abus le plus choquant ; mais la proposition tribunicienne d’enlever au sénat le droit de délier des lois, ou plutôt de ne le lui laisser que dans ses anciennes limites, aboutit comme résultat à la confirmation du principe de ce droit par le peuple, en même temps qu’à la suppression ou du moins à l’interdiction de l’exercice abusif qui en serait fait à la légère. Les choses en sont restées là, ou plutôt les pouvoirs du sénat ont encore été étendus lors de la réorganisation d’Auguste. Nous n’avons assurément pas non plus de tradition positive pour le sénat du Principat ; mais, si, d’une part, il est certain qu’on ne lui reconnaissait pas alors un pouvoir législatif général, ce ne peut pas, d’un autre côté, être par un cas fortuit, que, comme le prouvent les exemples que nous citerons plus loin, le sénat prend la place des comices depuis Auguste, en matière de législation relative à des cas isolés, dans des applications multiples qui ne sont pour la plupart ni urgentes ni conditionnelles. Le privilegium sénatorial apparaît là clairement comme étant, aussi bien que la loi comitiale, une véritable expression de la souveraineté du peuple, supérieure à la puissance pseudo-législative de l’empereur. On ne peut déterminer d’une façon générale en quelle forme le droit d’exemption accordé au sénat pour certaines catégories de cas par Sulla a été légalisé par Auguste ; pour différents d’entre eux, nous avons la preuve que ce droit a été confirmé ou introduit par la législation spéciale récente. En tant que la dispense des lois équivaut en principe à la loi, on peut attribuer le pouvoir législatif au sénat postérieur à Sulla, et, dès l’issue de la République, les résolutions du sénat sont placées, parmi les sources du droit, à côté des résolutions du peuple[4].

Nous ne pouvons omettre de préciser le droit du sénat de rendre des lois relatives à des cas particuliers, il nous faut rassembler les applications de ce droit qui sont parvenues à notre connaissance. Mais cependant une tentative de ce genre ne peut fournir que des résultats insuffisants. Les règles posées à ce sujet par le droit public ne sont pas arrivées jusqu’à nous[5] ; nous ne pouvons que les déduire, d’une manière imparfaite et incertaine, des faits isolés. La distinction des actes officiels auxquels le magistrat est autorisé à titre extraordinaire et pour lesquels il lui faut le concours du sénat et de ceux auxquels il n’a pas le droit de procéder et sur lesquels il lui faut interroger les comices[6] est aussi facile à poser a priori que difficile à appliquer, et il est probable que, chez les Romains eux-mêmes, elle n’a point été parfaitement arrêtée et a encore moins été la même de tout temps[7]. En outre le pouvoir législatif général du sénat, qui s’est progressivement développé sous le Principat, a plus tard absorbé ce pouvoir législatif spécial plus ancien. Néanmoins le relevé des diverses catégories de cas qui rentrent plus ou moins sûrement dans ce domaine donnera une certaine idée de l’étendue et du fonctionnement de ce droit dans les derniers temps de la République et spécialement sous l’Empire. Divers pouvoirs du sénat postérieur à Sulla, qui, s’ils ne rentrent pas dans cette sphère, sont de même nature, mais que nous avons déjà étudiés précédemment : abandon à des particuliers de terres de l’État, constructions, concessions des honneurs sénatoriaux et triomphaux, nomination de magistrats extraordinaires, n’ont pas été cités ici de nouveau.

1. Dans la période postérieure à Sulla, le sénat accorde, par rapport à la procédure suivie devant les comices, outre l’exemption du trinum nundinum, qui se rencontre déjà auparavant, des dispenses des prescriptions relatives à l’auspication[8] et de la défense de la loi Pupia de rassembler le sénat un jour comitial. Il n’a pas dispensé, à l’époque ancienne, des conditions de capacité requises pour la magistrature[9], mais il en a dispensé pour la première fois Pompée en 683[10], et il l’a fait sous le Principat dans la plus large mesure[11], sans même partager ce droit avec l’Empereur[12]. Le sénat s’est aussi dispensé lui-même de la prescription de la loi Gabinia qui lui enjoignait de consacrer les séances de février à la réception des ambassadeurs.

2. Nous n’avons ici à nous occuper du triomphe qu’au point de vue du privilegium qui peut être nécessaire pour lui, par exemple pour l’occupation de l’imperium dans la ville après son expiration ; car le triomphe régulier, qui à la vérité disparaît à l’époque récente, rentre dans la compétence du magistrat et le sénat ne peut l’empocher directement[13]. La dispense nécessaire pour le triomphe extraordinaire dépend sans doute en fait du, sénat sous la République[14], mais en droit le peuple parait avoir toujours été consulté sur elle, même dans la période postérieure à Sulla[15]. Sous le Principat, au contraire, c’est toujours le sénat qui accorde le triomphe et les ornements triomphaux, même à l’empereur. L’extension théorique donnée par Auguste au pouvoir législatif du sénat se manifeste là avec une clarté singulière.

3. La proposition d’exempter personnellement des citoyens romains du service militaire a été portée devant les comices en 569[16] ; il n’y a aucune preuve certaine que le sénat se soit arrogé le pouvoir d’accorder cette dispense dans la période antérieure à Sulla[17]. Il l’a au contraire exercé dans les derniers temps de la République[18]. Sous le Principat, il n’est pas question de pareils privilèges personnels. — Les prescriptions extensives ou restrictives adressées parfois par le sénat aux magistrats qui font les enrôlements doivent être considérées comme des modalités administratives admissibles dans le domaine des règles générales posées par la loi pour le service. — L’immunité des prestations personnelles publiques d’ordre extramilitaire, doit, dans la mesure où elle se présente pour les citoyens romains, avoir été soumise aux mêmes règles[19].

4. Relativement à l’impôt civique et aux autres impositions ou charges équivalentes peu nombreuses imposées aux citoyens romains, à l’impôt sur les affranchissements et aux avantages assurés à l’Ærarium par la loi Voconia sur les hérédités de 585[20], nous ne trouvons mentionnée aucune exemption personnelle au temps de la République. Au contraire, la dispense des incapacités de succéder portées au profit du trésor par la législation analogue d’Auguste contre les personnes non mariées ou sans enfants, a été, dans les premiers temps du Principat, sollicitée en règle générale du sénat, même par l’empereur. C’est seulement plus tard qu’elle a aussi été demandée à ce dernier[21].

5. La restriction du droit d’association parait avoir été considérée, à l’époque ancienne, comme une question d’administration et par suite avoir été laissée à la discrétion de la magistrature assistée du sénat. Mais à la fin de la République, ce droit a été contesté à l’administration. Après que la liberté d’association eut été supprimée en principe par des lois d’abord du dictateur César, puis d’Auguste, le pouvoir d’autoriser exceptionnellement certains collèges fut confié au sénat. Ainsi que nous l’avons expliqué précédemment[22], le sénat du Principat n’a guère usé de ce droit dans la capitale ; mais il l’a fait dans une mesure assez étendue en Italie, et à titre isolé dans les provinces sénatoriales.

6. Nous avons déjà dit que, sous le Principat, le sénat a exercé le droit d’autoriser les marchés d’une manière analogue à celui d’autoriser les associations. — Le sénat ne peut, selon les institutions républicaines pures, concéder de statut communal d’aucune espèce ; cependant le sénatus-consulte est cité, dans une loi du temps de César, parmi les sources d’institutions municipales, et le sénat a aussi concédé le droit latin d’après Gaius[23]. — Le droit de cité n’a jamais été accordé[24] ou retiré[25] par le sénat qu’en vertu de quelque délégation.

7. Le sénat délie, sous le Principat, des lois restrictives, qui régissent les fêtes et jeux municipaux[26].

8. Le droit d’établir des jours de fêtes régulières et de modifier en conséquence le calendrier officiel est exercé depuis Auguste par le sénat.

9. Le sénat confère le patriciat au plébéien arrivé à la dignité impériale[27].

10. Nous avons précédemment démontré[28] que c’est en principe au sénat qu’appartient le droit de gracier les criminels, quelques multiples que soient les empiètements faits par le prince dans ce domaine.

11. Auguste fit prononcer par un sénatus-consulte contre Agrippa Postumus une proscription sans jugement, analogue à celles prononcées sous la République par des lois, par exemple contre Cicéron[29].

12. La capacité d’acquérir par testament, qui fait défaut aux personnes morales en général et en particulier aux dieux, a été accordée, sous le Principat, à différents temples de l’empire par le sénat[30].

13. Le sénat s’est, dans la période postérieure à Sulla, de nouveau arrogé le droit de conclure les traités.

Jusqu’au temps de l’Empire, le sénat n’a pas prétendu au droit de poser des règles législatives d’une portée générale. S’il a, dès avant Sulla, réglementé le droit de prêter ou d’emprunter des Latins[31] et des ambassadeurs présents à Rome, cela se rattache certainement à l’autorité directrice qu’il possède en matière d’affaires internationales. Les décisions rendues par lui, dans la période postérieure à Sulla, sur le taux de l’intérêt[32], sur la détermination des actes de brigue interdits et sur la procédure à suivre contre eux[33] ont une portée plus étendue. Mais, s’il dépend dans une large mesure du préteur d’accueillir ou d’écarter les actions civiles[34], le sénat qui a le droit de donner des instructions au préteur, ne peut naturellement être enfermé dans des limites plus étroites. En outre, l’ancien droit du sénat d’ériger provisoirement en lois les projets de lois en cas d’urgence peut être appliqué à ces décisions, et en effet on les voit fréquemment être suivies d’un vote des comices[35]. Le fait que les lois sur le luxe du vie siècle ont été soumises au peuple, sauf lorsqu’elles concernaient exclusivement les sénateurs, indique clairement la limite de compétence. Même l’assemblée sénatoriale a plutôt exercé que possédé le pouvoir législatif ; il est encore signalé, sous Antonin le Pieux, comme lui ayant été précédemment contesté[36], c’est-à-dire sans aucun doute comme existant en fait sans avoir de fondement légal. Le principe directeur du nouveau régime, le transfert de la souveraineté politique du peuple à l’assemblée qui le représente[37], ne se manifeste pas aussi positivement en matière législative qu’en matière judiciaire ou électorale ; mais, en fait, il n’y a pas moins prévalu. Dans les commencements du Principat, tant que les comices législatifs ont encore fonctionné, les deux formes sont employées l’une à côté de l’autre pour l’établissement de règles générales[38]. Depuis qu’à partir de la seconde moitié du règne de Tibère, les comices ne furent plus appelés qu’exceptionnellement à sanctionner les lois, l’organe législatif secondaire, le sénat, resta seul en activité[39]. Désormais la forme organique de confection de la loi fut le sénatus-consulte[40] et les créations législatives du droit romain le plus récent ont pris cette forme. La constitution impériale a sans doute la même force que la loi, mais l’empereur n’a pas le pouvoir de dépouiller le sénatus-consulte de son autorité générale, en dehors du procédé légal qui lui est fourni par l’intercession, ni d’attribuer une autorité générale à ses constitutions. Les sénatus-consultes adoptés sur la proposition de l’empereur sont les lois propres de l’époque et c’est encore à eux que se rattache la législation du temps de Dioclétien et des temps postérieurs[41].

 

L’abrogation d’une loi étant elle-même une loi, les pouvoirs qu’a le sénat sous ce rapport ne comportent pas d’étude spéciale. — Le point de savoir si les formes prescrites ont été ou non observées dans la confection de la loi est, dans le plus ancien système, tranché en dernier ressort par le sénat patricien. Depuis que ce dernier n’exerce plus pratiquement ses fonctions, la question de savoir si un acte est une loi ou n’en est pas une, ne peut, en théorie, être tranchée que par celui qui se trouve appelé à agir d’après l’acte ; elle est tranchée, en pratique, au moins depuis le VIIe siècle, parle sénat qui prétend la décider en dernier ressort[42].

 

 

 



[1] V. tome III, la théorie de la Dictature, sur le caractère de général du dictateur.

[2] V. tome IV, la théorie de l’Édilité, sur la surveillance des rues, des places et des lieux publics, n° 10.

[3] Suivant Asconius, la clause de ratification commença par ne pas être observée et finit par être omise. Il est probable que le dernier fait a été la conséquence non pas d’un abus, mais de la revendication par le sénat du droit de dispenser de l’observation des lois.

[4] La lex Julia municipalis, lignes 50 et ss., prescrit aux édiles de maintenir la propreté des rues ita utei legibus pl(ebeive) sc(itis) s(enatus) [ve] c(onsultis) oportet oportebit et elle défend, lignes 71 et ss., l’appropriation privée de l’usage du sol public nisi quibus uteique leg(ibus) pl(ebei)ve s(citis) s(enatus)ve c(onsultis) concessum permissumve est. Suivant le fragment législatif d’Ateste, (Bruns, Fontes, 5e éd. p. 100) ligne 10, les magistrats municipaux tiennent leur puissance lege fœdere pl(ebei)ve sc(ito) s(enatus)ve c(onsulto) institutove. Cicéron, Top. 5, 43, Verr. 3, 78, 181.

[5] Le droit du sénat de dispenser d’une loi est toujours limité à des catégories déterminées ; le principe que même la loi générale ancienne prévaut contre le sénatus-consulte spécial nouveau est toujours resté en vigueur. Après que la loi Gabinia a dépouillé d’action, en 687, les prêts faits à Rome à, des ambassadeurs étrangers, le sénat décide, en 698, qu’une somme avancée à l’encontre de cette loi l’a été valablement ; mais ceux qui ont provoqa3 cette résolution scandaleuse reconnaissent eux-mêmes qu’elle ne les avance à rien (Cicéron, Ad Att. 5, 21, 12) et on cherche alors un détour.

[6] Les érections de statues, et en général les honneurs et les dégradations officiels, qui ne sont pas prononcés par les comices, n’ont certainement jamais été considérés parles Romains comme des lois faites pour des cas isolés, mais comme des actes rentrant dans la compétence des magistrats et du sénat.

[7] On peut encore reconnaître çà et là des variations à ce point de vue, ainsi pour la trêve excédant le terme de l’année militaire, pour la prorogation, pour la conclusion de la paix et les traités d’alliance. L’interrogation du peuple semble suggérée par les principes pour la création de dieux nouveaux de la cité ; elle n’y a peut être été omise que parce qu’on n’aimait pas à livrer des questions religieuses au hasard des comices.

[8] V. tome I, la théorie des Auspices, sur les auspices célestes in fine et sur l’obnuntiation des magistrats.

[9] Le peuple, qui a le pouvoir de dispenser des conditions d’éligibilité, n’en a pas non plus le droit. Il n’existe pas un exemple certain d’une telle dispense accordée par un sénatus-consulte — les différents cas sont énumérés et étudiés, tome II, dans la théorie des Causes d’inéligibilité relatives, n° 7, lettre a, 1 — dans l’époque antérieure à Sulla. — Pour celle de Scipion Emilien, la loi contraire semble avoir été abrogée par une résolution du peuple immédiatement avant le vote et avoir été rétablie par une autre résolution populaire immédiatement après lui. Strabo essaya, en 666, de provoquer un pareil sénatus-consulte ; mais il n’arriva pas à ses fins.

[10] V. tome II, la théorie des Causes d’inéligibilité relatives, n° 7, lettre a, 1, et n° 8.

[11] V. pour les preuves, tome II, la théorie des Causes d’inéligibilité relatives, n° 8, sur les dispenses d’âge, tome IV, la théorie des Magistrats extraordinaires auxiliaires, sur ceux du Principat, et tome V, les théories de la Participation de l’empereur au pouvoir législatif, sur la grâce, et de la Nomination des magistrats, sur l’admission de candidats inéligibles. On ne trouve pas à cette époque de trace du concours des comices à ces dispenses ; car dans Mon. Ancyr. 3, 1, il est sans doute fait allusion par senatus à la dispense et par populus à l’élection. Pour Marcellus, Tibère, Nero Drusus, Nero, fils de Germanicus, et Nero, le futur empereur, l’exemption est expressément rattachée au sénat.

[12] C’est un point certain que l’empereur n’a pas pu attribuer de dispense des conditions d’éligibilité dans la première période du Principat. Depuis qu il a eu le droit d’adlection dans les quatre classes hiérarchiques, c’est-à-dire depuis Domitien, il n’a plus en besoin de ce pouvoir pour le cas le plus important, et lorsqu’on rencontre postérieurement des dispenses impériales de conditions d’éligibilité, elles peuvent avoir été accordées dans cette forme. Il est possible que cette dispense ait plus tard été prononcée directement par l’empereur ; des assertions comme celles de Dion, 54, 10. 58, 23. 39, 22. 60, 5, n’apprennent absolument rien sur sa forme.

[13] V. tome I, la théorie du Commandement militaire, sur les autorités auxquelles appartient la décision en matière de triomphe.

[14] Par exemple, dans Tite-Live, 24, 9. c. 38. 31, 20. c. 47 et ss. 33, 22 et ss. c. 27. 34, 10. 318. 36, 39, etc. L’est pourquoi la représentation du triomphe des consuls de 305 célébré en vertu d’un plébiscite contre la résolution du sénat comme une violation des droits du sénat (Tite-Live, 3, 63, 5 ; Denys, 11, 50) est contradictoire, mais est visiblement au transfert du gouvernement récent du sénat dans les temps primitifs. Le refus trouve en général son expression dans le rejet de la demande de fonds correspondante. Quoique la formalité du plébiscite ait encore subsisté, on regardait, au moins dans la période postérieure à Sulla, le sénat comme l’autorité qui autorisait légalement le triomphe ; ainsi, par exemple, d’après Cicéron, De imp. Pompeii, 21, 62, Pompée triomphe, en 653, ex senatus consulto et, d’après Sénèque, De benef. 5, 15, 4, les soldats ne peuvent entrer dans la ville ne triumphaturi quidem injussu senatus.

[15] Outre les exemples certains de l’an 543 et de l’an 587, cités, tome I, dans la théorie du Commandement militaire, au sujet du triomphe célébré après l’expiration du terme des fonctions, c’est aussi à cela que se rapporte Cicéron, Ad Att. 4, 18, 4 (16, 12) (cf. Ad. Q. fr. 3, 4, 6) de l’an 700. Cf. Suétone, chez Isidore, Oriq. 18, 2, 3. Zonaras, 7, 21, représente également le triomphe comme décidé d’abord par les soldats, à l’aide de la salutation du nom d’imperator, puis par le sénat et le peuple.

[16] Tite-Live, 39, 19, 4. La libéralité pécuniaire est là décrétée par le sénat ; mais il charge le consul de provoquer un plébiscite relatif à la vacatio.

[17] Relativement à l’exemption concédée à P. Vatinius en 586, Cicéron, (De d. n. 2, 2, 6, rapproché de 3, 5, 13 ; d’où Val. Max. 1, 8, 1) nomme seulement le sénat, mais il peut facilement avoir statué de la même façon qu’en 569. — L’exemption des publicani peur la durée de leur contrat n’est pas autre chose qu’une application, à la vérité subordonnée, une spécification de la règle générale selon laquelle les affaires importantes pour l’État prévalent sur le service militaire. — Pour les paucæ familiæ in Faliscorum agro quas vocantur Hirpi, qui perpetuo senatus consulto militiæ omnemque aliorum munerum vacationem habent (Pline, H. n. 7, 2, 19) à cause de leur participation au culte d’Apollon sur le Soracte, le sénat a nécessairement statué seul, en présence de l’incise ; mais le fait n’est pas daté et la décision peut avoir été prise dans la période postérieure à Sulla.

[18] Cicéron, Phil. 5, 19, 53.

[19] Cf. VI, 1, Droits et devoirs des citoyens, n° 5. Pline (note 17) nomme aussi à côté de la militia les alia munera. Le texte de la Vita Gordiani, c. 32, mérite au moins une mention.

[20] Les mots souvent discutés de Pline, Panég., 42 : Locupletabant et fiscum et ærarium non tam Voconiæ et Juliæ leges quam majestatis... crimen, si elles ne nous apprennent pas quelle était leur nature, nous apprennent tout au moins qu’il y avait des dispositions de ce genre dans la loi Voconia et qu’elles étaient encore appliquées, à côté de la loi Julia sur le mariage, au temps de Trajan.

[21] V. tome V, la théorie de la Participation de l’empereur au pouvoir législatif, sur l’exemption des suites de l’absence de mariage et de postérité.

[22] V. tome V, la même théorie, sur l’Autorisation des associations.

[23] Gaius, 1, 96 : (Latii jus) quibusdam peregrinis civitatibus datum est vel a populo Romano vel a senatu vel a Cæsare. Nous avons remarqué que la colonie de droit latin Carteia parait avoir été appelée à l’existence par un simple sénatus-consulte.

[24] Cicéron, Pro Balbo, 10, 25, explique que les étrangers peuvent devenir citoyens, si populus Romanus permiserit, ut ab senatu, ab imperatoribus nostris civitate donentur. On cherche en vain des témoignages, oit le sénat ne propose pas la concession du droit de cité opérée par les comices, mais où les comices autorisent au contraire le sénat à la faire. La concession d’abord du droit de cité limité et ensuite de l’égalité du droit de suffrage aux Italiotes peut avoir en lieu de cette façon. Mais la mise en vedette du sénat pour la dernière décision (Tite-Live, 80. 84 ; cf. Hermes, 22, 902) doit plutôt s’entendre politiquement du parti du sénat et la résolution des comices cure simplement omise comme essentiellement formelle.

[25] Le retrait du droit de cité est prononcé parle sénat après que les comices lui ont donné plein pouvoir à ce sujet. La soumission au sénat de la question de savoir si César a pu fonder la colonie de citoyens de Novum Comum en vertu de la loi Vatinia (Suétone, Cæs., 28) rentre dans le même ordre de faits que les déclarations du sénat sur la validité ou la nullité des lois.

[26] V. sur ce point, tome V, la théorie de la Participation de l’empereur au pouvoir législatif.

[27] V. tome V, la théorie des Censures impériales, n° 5, in fine.

[28] V. à ce sujet tome V, la théorie de la Participation de l’empereur au pouvoir législatif.

[29] V. tome V, la théorie de la Révocabilité et de la cassation des actes impériaux, sur la révocabilité des mesures de police.

[30] V. tome III, la théorie da Grand Pontificat, sur les biens des dieux.

[31] Il est question, en 561, évidemment dans le sénat, de ce que les lois sur l’usure en vigueur pour les citoyens romains pouvaient être tournées par un transfert aux Italiens qui n’y sont pas soumis et le préteur est invité à laisser, dans les prêts conclus depuis le 21 février dernier entre Romains et Italiens, le débiteur libre d’agir comme s’ils avaient été conclus entre citoyen (Tite-Live, 35, 7).

[32] Un sénatus-consulte de 103 interdit l’anatocisme, défend, comme dit Cicéron, Ad Att. 5, 21, 13, ut centesimæ perpetuo fenore ducerentur. Le fenus perpetuum est, comme le confirme le même, Ép. 6, 2, 7, la convention d’intérêts relative à un capital qui demeure le même ; le terme opposé est le fenus in sinqulos annos renovatum (le même, Ép. 6, 3, 5, rapproché de 1, 5), l’addition des intérêts au capital tous les ans ou même tous les mois.

[33] Nous connaissons de pareils sénatus-consultes réprimant l’ambitus excessif en 691 (Cicéron, Pro Mur. 32, 67 ; Drumann, 5, 445), 693 (Cicéron, Ad Att. 1, 16, 12. Ép. 18, 3 ; Drumann, 4, 483), 699 (Cicéron, Ad Q. fr. 2, 7 [9], 3 ; Drumann, 3, 279), 700 (Cicéron, Ad Q. fr. 2, 15 [16], 2 ; Drumann, 39 315). L’urgence est là évidente.

[34] V. tome III, la théorie de la Préture, sur l’édit.

[35] Ainsi le sénatus-consulte de 561 (note 31) provoque le plébiscite Sempronien ayant le même objet, les délibérations de sénat de 693 sur l’ambitus provoquent le plébiscite Aufidien ; celles de 695 provoquent la loi consulaire de Cicéron.

[36] Gaius, 1, 4 : Senatus consultum est quod senatus jubet atque constituit, idque legis vicena obtinet, quamvis fuerit quæsitum, où il fait opposition à la validité des constitutions impériales qui se fonde sur la loi d’investiture et qui n’a par suite jamais été contestée (v. tome V, la théorie des Constitutions impériales, sur leur validité légale). La lex est ici comme c’est habituel à l’époque récente le generale jussum.

[37] Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 9 : Deinde quia difficile plebs convenire cæpit, populus certe multo difficilius in tanta turba hominum, necessitas ipsa curam rei publicæ ad senatum deduxit. Justinien, Inst., 1, 2, 5, reproduit la définition de Gaius (note 36) en écartant la restriction dubitative et ajoute : Nam cum auctus est populos Romanus in eum modum, ut difficile sit in unum eum convocare legis sanciendæ causa, æquum visum est senatum vice populi consuli.

[38] Tibère signale un mal résultant des formalités de la confarréation : Medendum senatus decreto aut lege (Tacite, Ann. 4, 16). Cf. tome V, la théorie des Constitutions impériales, sur le droit de faire des constitutions législatives.

[39] Applications isolées dans Tacite, Ann. 12, 7. 60. 13, 5. Suétone, Vesp. 11, et de nombreux exemples chez les jurisconsultes.

[40] Gaius, 3, 4. Pomponius regarde comme valable en droit quidquid (senatus) constituisset (Digeste, 1, 2, 2, 9) et il cite parmi les sources du droit le senatus consultum, quad solum senatu constituente inducitur sine lege (Digeste, 1, 2, 2, 12) ; Ulpien (Digeste, 1, 3, 9) répondant également aux scrupules d’anciens jurisconsultes : Non ambigitur senatum jus facere posse. Dion, 52, 31, et il appelle un tel sénatus-consulte de rédaction générale (74, 2) ψήφισμα κοινόν. Vita Probi, c. 13.

[41] V. tome V, la fin de la théorie des Constitutions impériales.

[42] César soumit encore à la cognitio du sénat les lois proposées par lui dans son premier consulat (Suétone, Cæs. 23. Ner. 2).