LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE TROISIÈME. — LE PEUPLE ET LE SÉNAT.

LE SÉNAT.

RATIFICATION ET DÉLIBÉRATION PRÉALABLE DES RÉSOLUTIONS POPULAIRES.

 

 

La patrum auctoritas[1] est la ratification de la résolution prise par le peuple sur la proposition du magistrat[2], par le sénat tout entier tant qu’il a été patricien[3] et plus tard par les membres patriciens du sénat[4]. Auctoritas a gardé son sens primitif dans cette ancienne formule comme dans la tutoris auctoritas du droit civil[5] : la volonté du peuple, qui est aussi exposée aux erreurs et aux méprises que celle de l’enfant impubère, a besoin d’être augmentée et ratifiée par le conseil des anciens. — On ne peut naturellement comprendre parmi les résolutions du peuple qui ont besoin de cette ratification ni les actes dans lesquels le peuple ne remplit qu’un rôle d’assistance sans rien résoudre ni ceux qui ne font que renforcer une obligation préexistante. La résolution de la plèbe, qui a bien été plus tard mise sur le même rang que celle du peuple, mais qui n’a jamais été considérée comme en étant une, n’est par suite pas non plus soumise à cette ratification[6]. En revanche, cette ratification est nécessaire pour toute véritable résolution du peuple, sans distinction de forme ni d’objet. Elle est rapportée expressément aux lois[7] et aux élections[8], et il n’y a aucun motif d’y soustraire les jugements du peuple, lorsque ce ne sont pas des jugements de la plèbe[9]. La ratification est expressément requise pour les curies, dans la mesure où elles ont le droit de résolution[10], et pour les centuries[11] ; et il existe aussi des témoignages en faveur de la ratification des résolutions prises par les tribus patricio-plébéiennes[12].

Le nécessaire a déjà été dit sur la procédure suivie dans l’acte de ratification. Le sénat donne son auctoritas dans les mêmes formes où il donne un consultum[13], et, la première étant théoriquement plus énergique que le second et ayant même eu probablement à l’époque la plus ancienne une plus grande importance politique, il est probable que la procédure se sera d’abord développée et établie pour l’auctoritas. Le magistrat qui prend une résolution d’accord avec le peuple, doit en principe être le même qui la présente ensuite à la ratification du sénat : au terme ferre ad populum, correspond le terme referre ad senatum, qui, comme nous l’avons déjà remarqué, s’applique dans sa notion fondamentale à l’auctoritas et n’a été transporté que par généralisation dans le domaine du terme consulere. La situation du magistrat qui préside n’est pas tout à fait la même par rapport à l’auctoritas que pour le consultum : elle est plus subordonnée. Le consultum reste toujours un décret de lui, et c’est lui qui le fait. L’auctoritas ne peut non plus avoir lieu qu’avec le concours de sa volonté ; mais il ne ratifie pas lui-même et sa participation n’est pas autre ici que dans la lex, où il n’apparaît pas davantage comme un véritable coauteur. La forme adoptée tendait à faire les sénateurs motiver leurs propositions de résolution ; le vote lui-même portait exclusivement sur la ratification ou le rejet, et chacun pouvait voter à sa guise pour n’importe quel motif. Riais, d’après sa conformation même, l’institution avait indubitablement pour but non pas de mettre des barrières à la volonté légalement libre du peuple, mais d’empêcher la violation des, règles constitutionnelles et des obligations de droit des gens. Toute infraction de ce genre pouvant et devant cure considérée comme un attentat aux institutions divines, comme l’abandon de la protection divine assurée au peuple, l’institution s’est probablement mue d’abord principalement dans le domaine des idées et des formes religieuses, et la conservation de la pureté des auspices peut avoir été la pensée créatrice de la patrum auctoritas comme de l’interrègne. L’usage pratique fait de l’institution est, dans la mesure où nous pouvons le reconnaître, d’accord avec cette idée : lorsque la ratification rencontre des difficultés, ce sont toujours des questions de droit qui sont tout au moins invoquées comme motif[14], et cette tutelle apparaît comme étant essentiellement une nomophylakie.

La ratification suit la résolution du peuple : la terminologie le reconnaît dans le nom de l’auctoritas elle-même comme dans les termes ferre et referre, et c’est partout indiqué, dans les relations que nous possédons, comme une vieille coutume. Les deux actes se sont souvent succédé immédiatement ; mais ce n’est pas forcé ; la dernière tentative de conciliation se place même, en matière de déclaration de guerre, entre le vote et sa ratification. L’ordre indiqué n’est non plus nécessaire ni théoriquement, ni pratiquement. L’opposition à la proposition peut être formulée dès qu’elle est déposée, celle contre l’élection dès la candidature, et elles peuvent empêcher le vote projeté au lieu d’atteindre le vote accompli. Cette procédure, qui permet d’éviter les conflits entre le peuple et le sénat, a d’abord été suivie dans des cas particuliers[15] ; puis elle a été prescrite une fois pour toutes, en 415, relativement aux rogations soumises aux centuries, par la loi Publilia[16] et, vers le milieu du Ve siècle, pour les élections elles-mêmes, par la loi Mænia[17]. Des prescriptions analogues doivent avoir été édictées pour les résolutions du peuple qui ne rentraient pas sous l’empire de ces deux lois et qui avaient besoin de ratification. Avec cette modification, la ratification du sénat patricien s’est maintenue jusqu’au temps du Principat, c’est-à-dire aussi longtemps que les résolutions populaires elles-mêmes[18]. Mais la ratification anticipée n’a absolument aucune importance pratique et la ratification postérieure n’en a elle-même qu’une très faible à l’époque historique. Non pas que l’anticipation ait dénaturé ce droit : ce n’est aucunement le cas, mais parce que ce droit, limité à la portion patricienne du sénat, était bien propre à protéger les droits réservés des patriciens, mais perdit son importance, dès qu’il n’y en eut plus effectivement de pareils et que le patriciat eut été remplacé par la noblesse patricio-plébéienne[19]. La défense de la constitution, en particulier sur le terrain religieux, demeura une puissante arme défensive pour l’aristocratie dominante d’alors ; mais ceux qui eurent à la manier furent, spécialement depuis la loi Ogulnia de 454, les grands collèges sacerdotaux désormais patricio-plébéiens, et il n’a, autant que nous sachions, jamais été fait depuis lors un usage effectif de la patrum auctoritas.

 

Nous avons déjà remarqué que l’habitude du sénat de délibérer à l’avance sur les lois se lie à son droit de-les ratifier et qu’elle en est issue dans une certaine mesure. Nous devons exposer ici ce qui peut être observé sur cette activité, peu formulée, mais importante, du sénat. Il n’y a pas besoin de répéter que, tandis que, pour la ratification, les membres patriciens sont toujours seuls entrés en ligne de compte, dans la délibération préalable, les plébéiens participent au vote et, s’ils possèdent le droit de parole, peuvent participer à la discussion.

Parmi les trois catégories de résolutions du peuple, les lois, les jugements et les élections de magistrats, les élections n’ont jamais fait l’objet d’une délibération préalable dans le sénat. Celles des magistrats ordinaires se fondent toujours et celles des magistrats extraordinaires se fondent généralement[20] sur une résolution du peuple différente de l’acte électoral ; en vertu du principe général, le sénat peut bien être interrogé sur les modalités de l’exécution ; mais ce serait aller contre les institutions romaines que de l’interroger sur l’exécution elle-même ; et on a communément agi en conséquence[21]. — Le jugement rendu par le peuple peut être considéré comme un acte extraordinaire, et il y a des témoignages qui attestent que le sénat a été interrogé avant des accusations capitales soumises aux centuries[22] ; cependant il est difficile que l’interrogation préliminaire du sénat se soit étendue à la procédure en prononciation de mulla suivie devant les tribus patricio-plébéiennes, et, même pour les procès capitaux, elle n’était indubitablement pas obligatoire. En présence de la connaissance misérable que nous avons de cette procédure populaire disparue de bonne heure, on ne peut rien dire de plus certain. — La loi, lorsqu’elle est une lex rogata et qu’elle n’a pas purement pour objet de renforcer ce qui existe, est toujours une modification des institutions existantes et c’est à elle, au sens large donné par les Romains à la lex, que se rapporte pour ainsi dire uniquement ce que nous savons de la délibération préalable des résolutions populaires dans le sénat.        

Les résolutions des curies sont exclues de la délibération préalable du sénat. La délibération préalable doit avoir appartenu pour elles, comme la ratification, au sénat patricien dans l’État le plus ancien fondé sur la gentilité. A l’époque où des plébéiens siègent au sénat, elle appartient au collège des pontifes[23], et pour qu’elle ne puisse avoir lieu au sénat, une raison suffit : c’est que le président de ces comices, le grand pontife, n’a pas le droit de réunir le sénat. Restent donc pour la délibération préalable du sénat les lois à soumettre aux centuries ou aux tribus patricio-plébéiennes.    

Ensuite vient le plébiscite. Avant que la plèbe eût été reconnue comme une seconde expression du peuple, le conseil de la cité ne pouvait pas plus délibérer sur les résolutions qu’elle devait prendre que sarcelles destinées à être soumises à n’importe quelle association ou corporation. Notre tradition regarde, il est vrai, la plèbe comme étant, depuis qu’elle existe, en ce sens un État, et elle le reconnaît spécialement en admettant comme allant de soi la possibilité d’une délibération    préalable des plébiscites, dans le sénat[24]. De même que le sénat invite le consul à soumettre au peuple un projet de loi, il peut le prier de faire les tribuns déposer un plébiscite, et c’est la forme que la délibération préalable des plébiscites dans le sénat a en général conservée même postérieurement[25]. Nous avons antérieurement expliqué que la force légale des plébiscites dépendit pendant longtemps de cette délibération préliminaire[26] ; mais cette obligation disparut à la suite de la loi Hortensia rendue vers 465-468[27], et, sauf dans la courte période du gouvernement de Sulla, qui va de 666 à 683, durant laquelle la validité des plébiscites fut de nouveau, comme avant la loi Hortensia, subordonnée à l’autorisation préalable du sénat[28], la résolution du concilium plebis n’eut désormais plus besoin d’être approuvée d’avance par le sénat. Lorsqu’il était indifférent que la résolution fût prise dans une forme ou une autre, la demande de la proposer était adressée en première ligne aux consuls et aux préteurs et éventuellement aux tribuns.

La délibération préalable du sénat a donc toujours été et est toujours restée en usage pour les propositions de loi qui étaient soumises aux centuries, aux tribus patricio-plébéiennes et, de la façon indiquée, à la plèbe. La concession du droit de cité ou même de droit de suffrage aux cités de non citoyens ou de demi-citoyens fait cependant exception sous un certain rapport : en pareil cas, l’initiative du sénat ne semble pas correcte, quoique l’on puisse pourtant établir qu’il l’a plusieurs fois exercée pour des propositions de ce genre[29]. Ailleurs la délibération préalable du projet de loi par le sénat n’est pas elle-même légalement requise ; il existe des exemples soit de l’époque ancienne, soit de l’époque moderne, qui attestent que le magistrat pouvait soumettre un projet de loi aux comices sans mandat de la curie[30]. Mais l’acte de se servir de l’initiative législative autrement qu’après avoir pris l’avis du sénat et d’accord avec lui, fait l’objet de blâmes nombreux[31]. La constance pratique de la délibération préalable se révèle surtout clairement pour l’application du pouvoir législatif dont l’apparition est la plus précoce et la plus énergique, pour la déclaration de guerre. La résolution du sénat précédant celle des comices est signalée dès les temps les plus reculés dans les annales qui nous ont été conservées[32] et une déclaration de guerre faite sans sénatus-consulte préalable y apparaît positivement comme quelque chose d’inouï. Il ne peut en être autrement. Selon la constitution de la procédure de vote romain qui laisse à l’auteur isolé de la proposition la fixation des termes du projet de loi et qui ne fournit aucune garantie contre les sottises et les actes précipités, la délibération préalable du projet dans le sénat est un fait indispensable.

Comme la déposition du projet, sa mise à l’écart par l’intercession tribunicienne est légalement indépendante du sénat et elle a assez souvent eu lieu contre sa volonté. Mais, de même que le sénat invite fréquemment les magistrats à faire usage de leur initiative législative, il n’est pas rare qu’il les invite à user de leur droit d’intercession ou, à l’inverse, les détourne d’en user.

 

 

 



[1] La mention des patres dans cette formule est constante. Cicéron les nomme toujours (De re p. 2, 13, 25. c. 32, 56 ; Brut. 14, 55 ; Pro Planc. 3, 8) ; Tite-Live le fait dans onze passages (1, 17, 10. c. 22, 1. c. 32, 1. c. 47, 10. c. 49, 3. 3, 59, 5. 4, 3, 10. 6, 41, 10. c. 42, 14. 1, 16, 7. 8, 12, 5. De même, De vir. ill. 33), et une seule fois il dit, évidemment pour varier, 6, 42, 10, patricii se auctores futuros negabant. Les textes de Tite-Live ne sont pas très probants en ce sens qu’il entend, dans beaucoup d’autres, par patres le sénat tout entier ; il reste cependant toujours d’une certaine importance qu’il ne mette jamais ce dernier en rapport avec l’ancienne ratification des lois. Chez Salluste, dans le discours de Macer, 15 : Libera ab auctoribus patriciis suffragia, c’est le démagogue qui parle, parce que l’idée de noblesse n’est attachée qu’au mot patricius. Il n’y a que Gaius, 1, 3, à indiquer les patriciens au lieu des patres.

[2] Denys confond, dans son exposition, l’ancienne patrum auctoritas, qui suit la résolution du peuple, et les lois postérieures provoquées par le sénat : il le reconnaît lui-même, 2, 14 : le peuple, dit-il, ne pouvait, à l’origine, prendre aucune résolution si le sénat ne voulait la ratifier et maintenant au contraire c’est la résolution du sénat qui a besoin de la ratification du peuple. Dans son récit, il mélange les deux, ainsi qu’il est démontré en détail Rœm. Forsch. 1, 235. En général, il fait erronément de la patrum auctoritas un προβούλευμα et il appelle dans ce sens, 10, 4, les plébiscites νόμους άπροβουλεύτους. Lorsque la résolution du sénat suit celle du peuple et que par conséquent il s’agit sûrement de la patrum auctoritas, il nomme tantôt la βουλή (2, 14. 4, 12) tantôt les πατρίκιοι (2, 60. 6, 90), et il pouvait d’autant mieux échanger les deux expressions qu’à ses yeux le sénat de la République est encore le sénat purement patricien. — L’opinion soutenue par Willems, 2, 33 et ss., selon laquelle la patrum auctoritas de l’époque ancienne et l’action du sénat qui provoque le vote de la loi à l’époque moderne seraient un seul et même acte, qui aurait seulement d’abord précédé et ensuite suivi la résolution du peuple, et dans laquelle il conçoit les patres de la première formule comme étant le sénat patricio-plébéien, est, parmi toutes les hypothèses proposées, celle qui est le plus inadmissible. Elle oublie que, lorsqu’il est question de la ratification dans les temps historiques (cf. note 3), on ne nomme jamais le sénat et toujours les patres ; elle n’oublie pas, mais elle écarte de la façon la moins heureuse le passage de Tite-Live, 6, 42,14, selon lequel le sénat invite les patres, par conséquent lui-même dans le système de Willems, à donner leur auctoritas ; elle oublie que Tite-Live et Cicéron attestent de la façon la plus positive l’annulation dû droit de ratification, tandis que, selon Willems, il serait en pleine vigueur et aurait même été renforcé (car le droit d’empêcher la déposition d’une loi est supérieur à celui de casser une loi déjà votée) ; elle oublie que Tite-Live parle du maintien formel de ce droit vi adempta alors que la déposition de la loi après autorisation du sénat est tout autre chose qu’une forme vide ; elle oublie que la disposition de la loi Publilia prescrivant d’examiner le projet de loi avant le vote diffère essentiellement de l’autorisation de déposer une loi ; elle oublie enfin qu’aucun philologue ni aucun historien ne croit plus aujourd’hui à la fausseté du Pro domo de Cicéron. Car l’auteur reconnaît que ce discours, qui est entre tous les discours de Cicéron éminemment approprié au publie auquel il s’adresse et qui est, au point de vue du droit publie, le plus pénétrant et le plus important de tous, contredit directement son opinion. Il n’invoque comme preuve que les textes de Tite-Live cités note 7, dans lesquels le sénatus-consulte qui amène la déposition d’un projet de loi est appelé patrum auctoritas et non senatus consultum. Si Willems avait là suffisamment observé la terminologie, qu’à la vérité il n’observe jamais, il se serait convaincu qu’une pareille résolution s’appelle toujours, dans un langage correct, senatus consultum ou senatus sententia. Les titres et la langue technique, voire même en général l’époque de la République ne connaissent point le dépôt de la loi ex auctoritate patrum et se servent exclusivement des formules de senatus sententia et ex senatus consulto. Dans Tite-Live cette tournure se rencontre fréquemment et sans distinction pour la ratification et pour la provocation de la loi par le sénat, mais également pour tout autre acte provoqué par le sénat. Cela ne prouve qu’une chose, qui n’a pas besoin de preuve : c’est que, dans le langage da Tite-Live, auctoritas et consultum se confondent comme senatus et patres, et on ne peut construire sur cette tournure des hypothèses plus étendues qu’en ignorant complètement le langage clairement attesté du temps de la. République. Il n’est pas nécessaire d’accumuler d’autres objections ni de s’engager dans le labyrinthe des erreurs provoquées par cette première erreur radicale.

[3] A ce point de vue, les majores natu et ensuite le senatus figurent à bon droit dans le schéma de la patrum auctoritas formulé à propos de la déclaration dé guerre et les commentateurs des mots de Virgile, En. 9, 190 : Populusque patresque pouvaient remarquer avec raison : Transfert in Trojanos Romanam consuetudinem... prias enim jubebat aliquid populus, postea confirmabat senatus. Ailleurs le sénat n’est jamais nommé pour la confirmation des résolutions du peuple (sauf dans quelques passages de Denys, note 2). Si, ce qui n’est aucunement certain, il s’agit dans Tite-Live, 8, 6, 9 : Consensit et senatus bellum, de l’auctoritas patrum, il n’y a lui-même certainement point pensé.

[4] Nous avons expliqué VI, 1, Le peuple des gentes ou le patriciat, que le mot patres, qui a primitivement désigné les patriciens en général, s’applique, dans le langage technique postérieur, à l’ensemble des sénateurs patriciens. Si, comme on ne peut le contester raisonnablement, les patriciens ont autrefois constitué le peuple à eux seuls, l’absurdité qu’il y aurait à reporter la patrum auctoritas à tous les patriciens n’en ressort que plus clairement.

[5] V. tome I, les préliminaires de la théorie du Conseil des magistrats. Le droit augural distingue aussi, comme le rappelle Willems, 2, 34, le fulgur auctoritatis confirmatoire et le fulqur consiliarium prémonitoire. Cæcina, dans Sénèque, Nat. q. 2, 39. Servius, Ad En. 8, 554. Auctoritas désigne, d’une manière analogue, dans la langue des XII tables, l’augmentation et le renforcement de la preuve de la propriété dus par le vendeur à l’acheteur et à leur défaut la responsabilité de l’éviction. La désignation du témoignage par ce terme aux acceptions multiples se rattache au même sens fondamental.

[6] Si Denys fait ratifier par les patres la loi qui constitue le tribunat du peuple (6, 90), cette loi n’est pas pour lui un plébiscite (v. tome II, le chapitre du Tribunat, sur le défaut de potestas legitima des tribuns). La théorie, qui rattachait la constitution de la plèbe à une lex (v. le même chapitre, sur leur potestas sacro sancta) ne pouvait se passer pour elle de la patrum auctoritas, et Tite-Live (1, 17) mentionne aussi cette dernière à ce propos.

[7] Tite-Live, 1, 17. Applications à la déclaration de guerre aux lois Valeria Horatia de 305 sur la validité des plébiscites, l’inviolabilité des tribuns et le droit de provocation (Tite-Live, 3, 59, 5 rapproché de c. 55) ; à une loi d’impôt de 397, Tite-Live, 7, 16.

[8] Cicéron, Pro Planc. 3, 8. Tite-Live, 1, 17 et beaucoup d’autres textes concernant les élections de rois. Tite-Live, 6, 42, 14, sur l’an 387, pour les élections du premier préteur, des premiers édiles curules et du premier consul plébéien. Élection consulaire vers l’an 450 : Cicéron, Brut. 14, 55.

[9] Le fait que Tite-Live (1, 17) ne nomme pas les jugements rendus par le peuple n’est pas un argument en sens contraire puisqu’à son époque ils n’existent plus. Willems, 2, 63, nie sans aucune preuve que la patrum auctoritas s’y applique ; car il reconnaît lui-même que les mots de Tite-Live, 4, 7, 1 : Judicium populi ab senatu rescindi non posse n’ont rien à voir avec la juridiction populaire.

[10] Cicéron, De domo, 14, 37. 38. Tite-Live, 6, 41, 10, dans une diatribe imitée de celle de Cicéron. Cicéron, De re p. 2, 13, 25. Nous manquons de témoignages spéciaux pour la ratification des résolutions des curies ; Tacite, Ann. 12, 41, ne se rapporte pas à cela, comme le croit Willems, 2, 775, mais au sénatus-consulte introductif de l’adoption de Néron, c. 25.

[11] Cicéron, De domo, 14, 37. 38. Tite-Live, 6, 41, 10. Des applications sont fournies par les lois Valeriæ Horatiæ citées note 7 et les élections de consuls et de préteurs, Cicéron, Brut., 14, 55.

[12] C’est dans des comices de cette espèce que fut votée la loi d’impôt consulaire de 391 et que se font les élections des édiles curules, Tite-Live, 6, 42, 14. C’est sans raison que Willems, 2, 86 et ss., limite la ratification aux lois et veut exclure des omnia ejus anni comitia de Tite-Live, loc. cit., ceux des édiles ; en objectant dans ce sens que les magistrats plébéiens sont cependant bien exclus, il a oublié que l’assemblée électorale plébéienne s’appelle concilium. Si Cicéron, note précédente, ne parle pas d’eux, c’est uniquement parce qu’il n’y a pas d’expression brève et précise pour désigner les résolutions des tribus patricio-plébéiennes à l’exclusion des plébiscites.

[13] Peut-être à la vérité s’est-on contenté plus tard, pour l’acte devenu purement formel, de l’interrogation des sénateurs. Mais, tant que l’institution a été vivante, le vote ne peut ni avoir été remplacé par l’interrogation, ni avoir fait défaut.

[14] Il ne se rencontre dans nos annales aucun exemple de refus de la ratification. Des scrupules sont exprimés ou indiqués au sujet des lois Valeriæ Horatiæ sur la force de loi des plébiscites et l’inviolabilité des tribuns ; lors de l’élection du premier consul plébéien, du premier préteur et des premiers édiles curules ; au sujet d’une loi consulaire présentée an camp dans des comices tributes. Dans le dernier cas en particulier, il s’agit clairement d’une question de droit, où l’avantage du trésor prévaut sur les scrupules constitutionnels ; mais, dans les deux autres, la condition juridique de la plèbe et des plébéiens est aussi évidemment en question. Au contraire on ne peut rattacher à ceci l’élection du grand curion (v. tome III, la théorie du Grand Pontificat, sur les comices de dix-sept tribus).

[15] Les deux cas que nous connaissons se rapportent tous deux à des élections. Dans l’un, le sénat invite, en 337, les patres à ratifier d’avance toutes les élections de l’année, y compris celle d’un consul plébéien. Le second cas est raconté par Cicéron, Brut. 14, 55 (cf. Viri. ill. 33) : (M’. Curius) tribunus plebis interrege Appio Cæco... comitia contra leges habente cum de plebe consulem non accipiebat, patres ante auctores fieri (coegit), quod fuit permagnum nondum lege Mænia lata. L’anecdote, qui d’ailleurs n’a pas l’air très digue de foi (Rœm. Forsch. 1, 311 ; cf. tome II, la théorie du Consulat, sur le patriciat comme condition d’éligibilité), n’est pas susceptible d’an classement chronologique plus précis que celui tiré de ce qu’elle est nécessairement antérieure au consulat de Curius en 464 ; mais la ratification y est clairement donnée d’avance pour le cas d’élection.

[16] Tite-Live, 8, 12, 13 : (Q. Publilius Philo dictator) tulit... ut legum ; quæ comitiis centuriatis ferrentur, ante initum suffragium patres auctores fierent.

[17] La loi Mænia, probablement un plébiscite, ne nous est connue que par Cicéron, Brut. 14, 55. La date en est indéterminée ; mais, comme Tite-Live peut difficilement l’avoir omise, elle se place sûrement dans la période de la seconde décade, entre 462 et 535, et elle n’est probablement guère postérieure à la lutte électorale de quelques années avant 464, racontée par Cicéron. L’affirmation hardie de Willems, 2, 70 et ss., selon laquelle Cicéron s’est trompé et l’événement qu’il attribue au M’. Curius, consul en 461, aurait eu lieu en l’an 416, temps auquel nous ne connaissons aucun Curius, ne trouvera pas d’adhérents. Il n’y a pas à s’arrêter à ce que la clôture de la liste des candidats quelque temps avant le vote ne s’est introduite que dans les derniers temps de la République ; car la professio préalable était depuis longtemps usitée, et la loi peut avoir contenu une clause suivant laquelle, si le vote portait sur une personne qui n’avait pas antérieurement fait sa déclaration, la ratification devrait en être demandée.

[18] Cicéron, De domo, 14, 37. 38. Tite-Live 1, 17.

[19] Ce que dit Cicéron, De re p. 2, 32, 36 : Quod erat ad obtinendam potentiam nobilium vel maximum, vehementer id retinebatur, populi comitia ne essent rata, nisi ea patrum approbavisset auctoritas, ne peut être admis qu’en substituant le patriciat à la nobilitas.

[20] C’est seulement lorsque par exception la loi et l’élection sont réunies que le sénat est préalablement consulté ; il participe ainsi à la concession de la puissance tribunicienne à l’empereur (cf. tome V, la théorie de la Puissance tribunicienne du prince, sur son transfert par une loi).

[21] Contrairement à cette solution, Willems, 2, 92 et ss., admet, pour toutes les élections, une délibération préalable du sénat, qui serait même obligatoire pour celles des centuries. Les modalités des élections en perspective, notamment leurs dates, ont naturellement été souvent discutées dans le sénat. Mais la question de savoir si les comices réguliers devaient ou non être tenus n’a jamais pu lui être posée, et il n’a pas davantage eu le droit de rayer de la liste des candidats ceux qui briguaient le consulat ou la préture. Si cela avait été, il en serait souvent question et le simple silence des sources suffit à réfuter cette idée. Les arguments proposés par Willems consistent en ce que le sénat est plus fréquemment nommé relativement aux élections des magistrats supérieurs que relativement à celles des édiles et des questeurs, et que ce fait assez compréhensible ne peut, suivant Willems, s’expliquer que par l’idée que le sénat avait dans les premières et non dans les secondes un droit d’opposition ; en outre en ce que, dans différents cas, les magistrats qui participent aux élections des magistrats supérieurs comme présidents ou comme intercédants se conforment aux sénatus-consultes relatifs aux élections, quoique les récits eux-mêmes (par exemple, Tite-Live, 37, 2, 12 : In auctoritate patrum fuere tribuni) montrent clairement qu’ils le font, mais ne sont pas obligés de le faire.

[22] Dans les instructions du questeur qui intente un procès capital devant les centuries, on trouve les mots : Patres censeant exquæras et adesse jubeas (Varron, 6, 91). Polybe, 6, 16. Au contraire, Denys exclut la délibération préalable du sénat de la procédure de provocation dans un discours adressé aux sénateurs lors du procès de Coriolan (7, 41).

[23] Voir tome II, la théorie du Grand Pontificat, sur les actes législatifs du grand pontife et de curies.

[24] Tite-Live, I, 49, 6, sur l’an 338 : (Tribuni plebis) nullum plebi scitum nisi ex auctoritate senatus passuros se perferri ostenderunt. Le même, c. 51, 2, sur l’an 340 : Senatus consultum factum est, ut de quæstione... tribun primo quoque tempore ad plebem ferrent. 7, 15, 12, sur l’an 396 : De ambitu ab C. Pætelio tribuno plebis auctoribus patribus tum primum (à savoir de ambitu) ad populum latum est.

[25] Tite-Live 30, 27, 3 : Consules jussi cum tribunis plebis agere, ut, si iis videretur, populum rogarent. Pareillement c. 41, 4. 31, 50, 8. 39, 19, 4. 45, 35, 4 ; pareillement lorsqu’il y a agi tout court, 8, 23, 2. 26, 2, 5. c. 33, 11, ou lorsque même, sans mention des consuls, les tribuns sont prias de faire le dépôt. Cette procédure se fonde sur ce que les consuls et les préteurs occupent d’ordinaire la présidence du sénat ; si le dépôt d’un plébiscite était résolu sous la présidence d’un tribun, la formule de la résolution devait nécessairement s’adresser directement à lui.

[26] C’est aussi à cela qu’aboutit en résumé le récit de Denys, en soumettant au προβούλευμα le plébiscite térentilien (10, 26. 48. 50. 52. 1, 4) et celui sur l’élévation du chiffre des tribuns à dix (10, 30), quoiqu’ils rentrent parmi les plébiscites, parmi les νόμοι άπροβούλευτοι. L’erreur est plus dans l’expression que dans le fond. La délibération préalable du sénat sur les plébiscites est possible, la ratification des plébiscites par le sénat ne l’est pas.

[27] Willems, 2, 90 et ss., étend arbitrairement cette loi aux comices par tribus, afin d’éliminer pour eux, à l’époque postérieure, la patrum auctoritas sûrement attestée par Tite-Live, 7, 16.

[28] V. tome IV, la théorie du Tribunat du peuple, sur le rôle législatif des tribuns.

[29] VI, 1, La compétence de l’assemblée du peuple, la 1ère note du paragraphe 2. En sens contraire, Tite-Live, 8, 21, 10 : Ex auctoritate patrum latum ad populum est ut Privernatibus civitas daretur. Sisenna (dans Nonius, v. Jusso) : Tudertibus senati consulto et populi jussu dat civitatem.

[30] Tite-Live, 45, 21, sur l’an 587. Val. Max. 9, 5, 1. César soumit, en 695, sa loi agraire au sénat, puis il la proposa et la fit passer contre sa volonté ; il proposa et fit voter d’autres lois sans consulter le sénat (Tite-Live, 103 ; Appien, B. c. 2, 10. 13 ; Dion, 38, 3, 4). On ne peut décider avec certitude si les lois indiquées lé ont été présentées aux centuries (avec lesquelles le préteur avait également le jus agendi : v. tome III, la théorie du Consulat, sur les comices) ou aux tribus ; il n’y a aucun témoignage positif relatif à une rogation présentée aux centuries contre la volonté du sénat, liais cela s’explique simplement par le fait que la forme de rogation est rarement indiquée et que, pour des motifs faciles à concevoir, l’opposition politique s’est rarement servie contre le sénat des comices prétoriens-consulaires par centuries. — Willems, 2, 101 et ss., admet la nécessité de la délibération préalable du sénat pour les lois proposées aux centuries comme pour les élections faites dans les centuries. Il ne fournit pas à ce sujet de témoignages. Si les Romains avaient posé comme règle que la déclaration de guerre a besoin de l’assentiment préliminaire du sénat quand elle est présentée aux centuries et n’en a pas besoin quand elle est présentée aux tribus, ils auraient commis une absurdité de premier ordre.

[31] Je cite seulement les mots qu’Appien met dans la bouche d’un sénateur au cours d’une allocution aux citoyens, B. c. 4, 92 : Τό δέ κύρος... έφ' ήμΐν άντιλαμβάνετε αύτοί, προβουλευούσης μέν τής βουλής, ΐνα μή σφάλητε, κρίνοντες δ' αύτοί καί ψηφιζόμενοι κατά φυλάς ή λόχους. Les textes innombrables où sont blâmées les lois flaminiennes, semproniennes, juliennes et autres votées contre la volonté du sénat ne prouvent à la vérité rien autre chose que le conflit des partis. Mais le plus ardent partisan des Gracques était obligé de reconnaître que la rogation présentée en dehors et à l’encontre de la volonté du sénat, ne pouvait se défendre que comme une mesure de force majeure.

[32] Le formulaire de déclaration de guerre dans Tite-Live, 1, 32, indique, après la décision des comices, la demande de réparation (rerum repetitio) faite par le fétial ; après l’expiration des 30 ou plutôt 33 jours laissés pour cela, son retour sans résultat, la ratification de la résolution des comices par les patres et enfin le jet du javelot, qui est le commencement propre de la guerre. Comme actes permanents qui précédent la résolution des comices, mais qui ne sont pas cités dans le formulaire parce qu’ils ne sont pas obligatoires, les relations des annales ajoutent la rerum repetitio par des fétiaux ou des légats, c’est-à-dire les négociations effectives avec la cité accusée d’avoir violé les traités, qui est sans aucun doute distincte de celle de pure forme qui précède le vote des comices (cf. tome IV, la théorie des Légats, sur leur droit de négociation), et la délibération préalable de la proposition de déclaration de guerre à soumettre aux comices. Le sénat est toujours nommé comme ayant donné mandat de faire la première rerum repetitio (Denys, 8, 64, sur l’an 264. 8, 91. 9, 60. 15, 5 ; Tite-Live, 3, 25, 6, sur l’an 296. 4, 30, 13. 6, 10, 6. 7, 6, 7.c. 32, 1. 8, 19, 3. c. 22, 8. 10, 12, 1. c. 45, 7. 30, 26, 2. 42, 25, 1. Val. Max. 2, 2, 5), et il l’est aussi constamment comme ayant prescrit de faire au peuple la proposition de déclaration de guerre (Tite-Live, 4, 58, 8, sur l’an 348. 6, 21, 3. c. 22, 4. 7, 19, 10. c. 32, 1. 8, 22, 8. c. 29, 6. 10, 12, 3. c. 45, 7. 21, 17, 4. 31, 5. 6. 36, 1. 42, 30 ; Denys, 9, 69. 15, 6), même si l’État allié a commencé la guerre en fait, la question est soumise an sénat, et il décide la guerre (Tite-Live, 6, 25, 5). Dans tous ces cas, la décision est matériellement attribuée au sénat ; mais il n’est jamais contesté qu’il ne fallût soumettre au peuple une pareille résolution, s’il n’est pas toujours fait mention de son interrogation. La déclaration de guerre faite par l’ennemi va naturellement aussi d’abord au sénat (Tite-Live, 2, 26, 4. 4, 7, 4, et beaucoup d’autres textes).