LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE TROISIÈME. — LE SÉNAT.

DÉNOMINATIONS.

 

 

Comme la magistrature, comme l’assemblée du peuple, le conseil des anciens est, dans la constitution romaine, une institution primitive. Mais, s’il est vrai, pour l’État romain tout entier, que les institutions patriciennes et les institutions patricio-plébéiennes qui en sont issues se suivent chronologiquement les unes les autres en même temps qu’elles fonctionnent en un certain sens les unes à côté des autres, cette vérité s’appliqué principalement an sénat. La relation qui existé entre le sénat patricien et le sénat patricio-plébéien est essentiellement une relation d’union personnelle partielle. Les deux corps existent l’un auprès de l’autre avec des compétences distinctes, Mais les personnes qui appartiennent au sénat patricien font toujours en même temps partie du sénat patricio-plébéien. Il faut nécessairement, tenir compte de cette double nature de l’institution dans toute étude de son caractère, quoique l’activité pratique du sénat patricien rentre dans la période antérieure à l’histoire et que, malgré l’importance dont il est pour la genèse de l’institution, il ne joue pas un grand rôle dans son plein développement historique.

Le conseil de la cité est appela chez les Romains senatus, la personne qui en fait partie senator et le lieu affecté à ses réunions senaculum. Il n’y a pas d’expression simple pour désigner la qualité de celui qui en fait partie[1]. Senatus est, avec les mots qui en dérivent, la seule expression employée dans l’usage général et officiel pour le conseil de la cité[2], et elle se reproduit également dans les institutions latines[3]. Selon une étymologie transparente, que les Romains eux-mêmes n’ont point méconnue, le mot désigne une assemblée d’hommes âgés, comme les γέροντες et les δημογέροντες homériques et la γερουσία spartiate[4]. Mais, quelque peu de doute qu’il puisse y avoir sur la racine, la formation de nos expressions est philologiquement singulière. elle ne peut s’expliquer que par la supposition d’un verbe disparu senare, désignant le conseil donné par les senes et correspondant au comitiare des citoyens, en face duquel senator par exemple trouverait une analogie dans curator, senatus dans comitiatus, senaculum dans auguraculum[5].

La dénomination patres ne peut pas avoir été appliquée au sénat de la cité purement patricienne[6] ; car, ainsi qu’il a été démontré précédemment[7], elle désigne encore, dans les Douze Tables, les patriciens en général. Mais cette acception large du mot fut de bonne heure abandonnée dans la cité patricio-plébéienne, et le conseil patricien et le conseil patricio-plébéien qui fonctionnent l’un à côté de l’autre y sont distingués par les noms de patres pour le premier et de patres (et) conscripti pour le second. Des témoignages directs et dignes de foi nous attestent que la seconde expression est à deux termes et que c’est dans ce sens qu’en doit être entendue la première partie. En outre, il est incontestable que, dans les deux fonctions dans lesquelles nous rencontrons le sénat patricien, en matière d’interrègne[8] et de confirmation des lois[9], la langue technique ne lui donne pas d’autre nom que celui de paires. Enfin Cicéron distingue encore de cette façon le sénat patricien du temps des rois et le sénat patricio-plébéien de la République[10], tandis qu’il est vrai les écrivains postérieurs à partir de Salluste[11] et de Tite-Live, ne font plus la distinction et emploient patres d’une manière vague pour le sénat en général[12].

Le nom de senatus peut avoir été donné de tout temps à l’assemblée patricio-plébéienne elle-même ; car elle n’est pas autre chose qu’une extension du sénat patricien, mais le nom de senator n’était pas accordé, à l’époque ancienne, aux membres plébéiens de l’assemblée[13], C’est sans aucun doute à causé de cela que cette expression n’est jamais employée comme titre officiel[14] ; en effet, d’une part, elle ne s’appliquait pas aux membres plébéiens du sénat, et, d’autre part, il ne fallait pas, souligner la distinction de ces membres et des membres patriciens de l’assemblée. Même, chez les Grecs, συγκλητικός ne se rencontre comme titre officiel qu’à l’époque de la décadence de l’Empire, en Asie-Mineure. Dans le langage non officiel, le nom de senator est, aussi loin que nous puissions remonter dans le passé, donné aux membres plébéiens du sénat par suite de l’usurpation habituelle du titre le plus élevé faite par les membres des catégories hiérarchiquement inférieures[15].

Les membres plébéiens du sénat sont appelés, lorsqu’on veut les opposer aux patres patriciens, adlecti[16] ou conscripti[17]. La désignation des adjoints s’explique d’elle-même. Celle des inscrits[18] embrasse par elle-même tous les hommes qui participent aux assemblées du conseil et qui figurent sur sa liste, et par suite elle désigne fréquemment, dans la langue municipale, les membres du conseil en général[19] ; mais, à coté de patres, elle prend un sens plus étroit, selon l’habitude connue du langage romain d’employer en terminologie la qualification générale spécialement pour la classe hiérarchique inférieure[20]. Par conséquent, le sénat patricio-plébéien est convoqué par la formule : Qui patres, qui conscripti (estis)[21],  on s’adresse à lui et on le désigne par la formule abrégée : Patres, conscripti. — Le membre de ce corps en deux parties n’aurait pu être appelé que pater ou que conscriptus[22], et la diversité de désignation aurait fait ressortir avec une vigueur incommode la distinction des classes ; aussi n’emploie-t-on, à l’époque qui nous est connue, ni l’une ni l’autre de ces dénominations. Cette abstention, s’ajoutant à l’usage symétrique d’éviter le mot senator aussi bien dans les formules de convocation que comme titre officiel, a eu une conséquence singulière : les membres du conseil de la cité romaine n’ont reçu de titre officiel proprement dit que dans la hiérarchie établie par les empereurs Marc Aurèle et Verus, lors de la création du clarissimat ; jusqu’alors, la qualité de sénateur n’est en principe indiquée qu’indirectement, par la mention des magistratures et des sacerdoces sénatoriaux.

En grec, le sénat romain est appelé ή σύγκλητος en sous-entendant βουλή, qui ne s’ajoute pas dans la langue technique[23]. Cette désignation du conseil de la cité, pour ainsi dire inconnue dans la Grèce proprement dite et dans l’Orient grec, mais propre aux Hellènes occidentaux, a sans doute été empruntée immédiatement aux Campaniens par les Romains[24], comme celle du δημαρχος. Elle était par conséquent déjà fixée lorsque les Romains entrèrent en relations avec les Hellènes orientaux, et elle se trouve déjà dans les documents gréco-romains les plus anciens qui nous soient parvenus[25]. La substitution à δύγκλητος de γερουσία qui est la traduction du terme latin, se présente au IIIe siècle après J.-C.[26]

Le sénat est fréquemment appelé énonciativement par les Grecs βουλή[27] ou γερουσία[28] ; mais il n’est jamais nommé ainsi dans la langue officielle gréco-romaine. Une des causes de cette particularité a pu être que, le sénat romain a dû de très bonne heure trouver opportun de se distinguer même par le nom des sénats helléniques.

La dénomination du conseil de la cité par le nombre primitif de ses membres, centum viri, se rencontre exclusivement et encore peu fréquemment dans les institutions municipales. La dénomination concomitante decurio, c’est-à-dire chef de dizaine[29], peut venir de ce que, dans les fondations de colonies anciennes, le chiffre normal des colons était de mille et celui dès conseillers de cents et par suite elle peut avoir désigné ; dès le principe, le membre du conseil d’une telle cité dépendante et non pas celui du conseil de Rome. En tout cas, le mot est employé de cette façon par l’usage, pour faire opposition au sénateur de la ville de Rome.

La désignation ordo, l’ordre et par suite le rang, peut être appliquée, comme à toute autre catégorie de citoyens, à celle qui est la plus élevée et la plus importante, à celle des sénateurs. Mais il faut toujours pour cela une détermination du mot[30]. L’emploi qui en est fait, sous le Principat, au sens absolu, pour désigner le conseil de la cité, se restreint à la sphère municipale, et depuis lors ordo, sans autre qualificatif, est avec senatus dans la même opposition que decurio avec senator.

Nous remarquons, dans là partie de la Compétence du sénat, que le sénat peut bien être appelé un consilium au sens général, mais que ce mot n’est employé ni exclusivement ni techniquement pour lui, et qu’au contraire le consilium et le sénat sont plutôt en opposition dans le langage technique.

Ni l’idée ni le nom de collégialité ne trouvent d’application à l’institution du sénat. Deux sénateurs ne sont pas des conlegæ. Le sénat lui-même n’est pas un conlegium. La collégialité, dans sa portée primitive, est l’occupation double ou multiple d’une magistrature ou d’un sacerdoce organisé unitairement, remontant jusqu’à l’époque royale pour le pontificat et l’augurat, olé les pontifes de chacune des trois cités primitives représentent après leur confusion la Rome trinitaire[31], et introduite pour la magistrature avec la République dans sa double royauté qui est le consulat. Il est de l’essence du conlegium que chaque collègue puisse accomplir intégralement à lui seul toutes les fonctions du sacerdoce ou de la magistrature. Enfin l’influence de la majorité est essentiellement exclue dans les collèges de deux membres et n’entre en jeu qu’accidentellement et à une phase récente dans ceux qui sont plus nombreux. Or les sénateurs ne sont ni des magistrats ni des prêtres ; à l’inverse du conlegium, ils ne peuvent jamais fonctionner que collective Ment, et la décision à la majorité appartient à l’essence de l’institution du sénat. Même dans le système de l’interrègne qui aurait fourni une occasion pour cela, les interrois empruntés aux dix décuries du sénat[32] ne semblent pas pouvoir être regardés comme un collège avec alternance des faisceaux. — Le sénat n’a non plus, ainsi que nous expliquerons dans la théorie de ses attributions, jamais eu de droits corporatifs.

 

 

 



[1] On dit bien dans ce sens decurionatus, mais non senatus, et on ne dit pas senatoriatus ; on emploie au lieu de cela locus senatorius (Cicéron, Verr. l. 2, 50, 124 ; Pro Cluentio, 41, 132) ou toute autre périphrase.

[2] Les titres romains emploient toujours ce mot pour désigner le conseil de la cité. Senatum consoluerunt, de sernatuos sententiad, portent le sénatus-consulte des bacchanales et de même tous les actes postérieurs. Les patres ou les patres conscripti ne figurent jamais dans les titres. Les deux expressions ne peuvent être employées pour le sénat qu’à des conditions spéciales, et il n’y a, dans cette façon de s’exprimer, aucune expression équivalente à senator et senaculum.

[3] Dans le Latium et les colonies latines et en général dans l’Italie proprement dite, le sénat municipal est appelé tout à fait habituellement, et d’autant plus fréquemment qu’on remonte plus haut dans le passé, senatus ; cette expression est aussi passée, probablement par voie d’emprunt, dans les langues osque et falisque. Au contraire, en Gaule cisalpine (à l’exception de la vieille ville latine d’Aquileia) et dans les provinces, senatus est presque sans exemple en dehors de l’emploi général et pour ainsi dire proleptique du mot, fait pour les cités barbares attendant encore leur organisation, étudié VI, 2, Les sujets non autonomes. Les preuves sont réunies dans les tables du C. I. L.

[4] Le latin sen — correspond au sanscrit sanas, au grec ancien ένος = vieux (Curtius, Griech. Etym. 5e éd. p. 311). Festus, p. 339. Ovide, Fastes, 5, 63. Justin, 43, 3, 2. Quintilien, Inst. 1, 6, 33. Florus, 1, 1, 15. Eutrope, 1, 2. Servius, Ad Æn. 1, 426. 5, 758. 8, 105. Isidore, Orig. 9, 4, 8. Plutarque, An seni, 10. Dans l’étymologie des noms de mois Maius et Junius déjà proposée par Fulvius Nobillor (dans Macrobe, Sat. 1, 12, 16), il pouvait s’agir des seniores et des juniores, et la conception des majores comme les sénateurs peut être une erreur du compilateur. — Il y a aussi des étymologies tirées de sentire (scolies de Virgile, Ad Æn. 1, 426) et a sinendo, parce que les sénateurs agendi facultatem dabant (scolies de Virgile, Ad Æn. 5, 758 ; Isidore, Orig. 9, 4, 8).

[5] Senator et senaculum impliquent, de même que toutes les formations munies de ce suffixe, une racine verbale vocale comme base pour la désignation soit de la personne qui agit, soit du lieu de l’action. Senatus correspond à consulatus, tribunatus, decurionatus et pourrait avoir désigné primitivement la position de sénateur (note 1), puis avoir été transporté par métonymie à l’assemblée elle-même.

[6] Les développements confus présentés dans Willems, Le Sénat de la République romaine, 2 vol. 1878, 1883, sur la définition des patres (1, 7 et ss.) ont été ici laissés de côté. Des propositions comme celles que le conubium n’appartient qu’au pater familias et que le filius familias ne peut pas être sénateur, qu’à l’origine tous les patres familias auraient constitué le sénat, parce que les sénateurs s’appellent patres, excluent toute discussion.

[7] VI, I, Le peuple des gentes ou le patriciat. Si, dans le langage non technique, le mot est encore employé dans le sens le plus ancien pour le patriciat (ainsi dans Cicéron, Brut. 14, 54. Ad fam. 9, 21, 3) cela a été produit, plus encore que par l’usage ancien, par le fait que le cercle large et le cercle étroit du sénat comme le sénat et le patricial eux-mêmes se confondaient dans un sens et un langage peu précis.

[8] Ce sont toujours et techniquement les patres qui sont signalés comme titulaires des auspices pendant la vacance de la magistrature suprême (v. tome I, la théorie des Auspices, sur les auspicia patrum) et aussi au sujet des actes relatifs à la nomination de l’interroi (v. tome II, la théorie de l’Interrègne, sur les qualités de patricien et de sénateur de l’interroi) ; ce n’est jamais le senatus ni les patres conscripti.

[9] Voir les témoignages pour la patrum auctoritas dans la partie de la Ratification des lois. L’opposition est ici d’autant plus claire que l’on rencontre aussi la senatus auctoritas, mais dans un sens tout différent.

[10] Dans son langage ordinaire, il observe communément la distinction (patres pour le sénat royal, De re p. 2, 8, 14. c. 10, 20. c. 12, 23 ; patres conscripti pour le sénat de la république très souvent). Mais les débuts de l’acception plus large s’aperçoivent déjà chez lui. Dans sa constitution archaïque, il emploie, par un phénomène singulier, au même endroit (De leg. 3, 4, 10) patres à la fois pour le sénat patricien et pour le sénat complet, et il emploie également patres pour désigner le dernier dans ses vers (De div., 1, 12, 20. 21, deux fois), il désigne aussi par ce mot les têtes de l’aristocratie sans relation précise avec les patriciens ni avec le sénat (De re p. 1, 32, 48. 49. 3, 25, 37. De har. resp. 19, 40).

[11] Salluste emploie patres ou par opposition à la plèbe, par conséquent pour désigner les patriciens (ainsi, éd. Dietsch, Cat. 33, 3 ; Jug. 30, 1. 88, 1 ; Hist. 1, 9, 10. 3, 61, 1. 4, 30), ou pour le sénat, non seulement pour celui de l’époque royale (Cat. 6, 6), mais aussi pour le sénat patricio-plébéien (éd. Dietsch, Cat. 31, 7 ; Hist. 1, 54. 2, 96, 6. 3, 61, 16. Inc. 28. 92.)

[12] C’est ce qu’a fort bien expliqué Christensen (Hermes, 9, 201 et ss.). Patres conscripti est, à l’époque récente, usité presque exclusivement dans le langage oratoire. Salluste ne l’emploie que là. Suétone l’emploie parfois (Cæs. 78. Aug. 5. Tib. 54. 65) en dehors de ce langage, Tacite le fait seulement par une corrélation visible avec lui, Hist. 2, 52 : Ordo Mutinensis... appellabat... patres conscriptos intempestino honore.

[13] Les membres du sénat ayant seulement le droit de suffrage, dont nous traiterons au sujet du règlement des travaux du sénat, avaient le rang de chevaliers et n’étaient donc pas senatores, selon Aulu-Gelle, 3, 18, 5 : M. Varro in salira Menippea quæ Ίπποκύων inscripta est, equites quosdam dicit pedarios appellatos, qui fait par là allusion en première ligne aux membres adjoints plébéiens de l’ordre équestre (notes 16 et 17). Les chevaliers sont mentionnés ici comme pour tous les compléments du sénat, non pas que le cheval équestre ait été une condition légale d’admission au sénat, mais parce qu’en fait le premier ordre n’était pas facilement complété à l’aide d’autres personnes que de membres de l’ordre immédiatement voisin.

[14] Il est très singulier, surtout en rapprochant de ce fait l’usage municipal de decurio, que le senator populi Romani soit banni des inscriptions et qu’avant la création du clarissimat on n’y trouve pas non plus d’expression équivalente. Il n’est pas moins surprenant qu’il n’y ait pas d’abréviation légale du mot senator, d’autant plus que, jusqu’à Sulla, il n’a pas manqué de sénateurs qui ne pouvaient exprimer leur rang par une voie indirecte. A partir de Sulla, la désignation indirecte suffit toujours, et elle a été préférée postérieurement sans doute parce qu’elle indiquait en même temps la classe hiérarchique de, la personne.

[15] Le sénatus-consulte relatif aux bacchanales porte déjà : Dum ne minus senatoribus C adesent.

[16] Festus, Ép. p. 7 : Allecti dicebantur apud Romanos, qui propter inopiam ex equestri ordine in senatorum sunt numero adsumpti : nam patres dicuntur qui sunt patricii generis, conscripti qui in senatu, sunt scriptis adnotati. Il faut ajouter foi au témoignage de Festus selon lequel c’était là la dénomination technique des plébéiens agrégés au sénat. Au reste adlegere est employé énonciativement pour tous les accroissements plus ou moins exceptionnels du sénat, en particulier lorsque le chiffre normal antérieur est modifié ou dépassé (Suétone, Cæs. 80. Aug. 2 ; Macrobe, Sat. 2, 3, 11).

[17] Conscripti apparaît principalement dans les relations de la première réception des plébéiens dans le sénat, aussi bien dans celles qui la rattachent au roi Servius, comme fait Zonaras, 7, 9 et la scolie de Virgile, Æn. 1, 426, que dans les relations meilleures qui la lient à l’établissement de la République. Festus, p. 251. Le même, Ép. p. 7 et p. 41. Tite-Live, 2, 1, 10. Plutarque, Q. R. 58 (de même Rom. 13), qui se trompe en ce qu’il substitue à pater et conscriptus les deux termes pater et pater conscriptus. — Selon le scoliaste très peu digne de foi du discours de Cicéron, Pro Scauro, p. 374, les sénateurs patriciens majorum et minorum gentium correspondent aux patres et aux conscripti et sont les uns et les autres opposés aux plébéiens. De même, mais seulement d’une manière encore plus erronée, Johannes Lydus (De mag. 1, 16) considère les patres comme les sénateurs primitifs de Romulus et les conscripti comme ceux qui leur furent ajoutés après l’enlèvement des Sabines. — La version suivie dans Denys (4, 3) et Tacite, selon laquelle les sénateurs plébéiens choisis par les premiers consuls furent faits patriciens minorum gentium, ce pourquoi le premier considère encore en l’an 263 les trois cents sénateurs comme étant tous patriciens (7, 55), se révéla comme récente par la conception défectueuse du patricial comme une condition individuelle et a sans doute été suscitée par l’amphibologie du mot patres.

[18] Outre l’emploi connu du mot en matière militaire, on comparera Tite-Live, 37, 46, 10.

[19] On trouve ainsi placere conscriptis dans des décrets des sénats municipaux de Pise (Orelli, 643 = C. I. L. XI, 1421), de Capua (C. I. L. X, 3903), de Cales (C. I. L. X, 4643) ; autres exemples, C. I. L. IX, p. 788. X, p. 1156. Senior, decurio, conscriptus sont fréquemment réunis, comme synonymes, dans la loi Julia municipale et dans les statuts de Salpensa et de Malaca, quoique l’on trouve parfois placé incorrectement après le dernier mot que au lieu de ve. Les nombreuses inscriptions ne combinent jamais ces expressions, quelque fréquemment qu’elles les emploient alternativement.

[20] Cette façon de parler est absolument technique. Est proletarius celui qui n’entre en ligne de compte que pour sa proles, quoique cette dernière ne fasse pas non plus défaut à l’adsiduus ; est capite census celui qui n’est recensé que pour son caput, quoique tout citoyen ait un caput ; est municeps le non citoyen qui ne participe qu’au munus, quoique chaque citoyen munus capit ; est ærarius celui qui paie seulement des impôts, quoique l’individu soumis au service en paie aussi ; est pedarius le sénateur qui participe seulement à la discessio, bien que les sénateurs qui ont le droit de proposition, contribuent avec eux à y former la majorité ; le sénatus-consulte per discessionem est celui dans lequel il n’y a pas de prise d’avis, bien qu’après la prise des avis on vote également en se séparant. Populus est pareillement employé de cette façon par opposition aux classes supérieures, bien que ces dernières fassent partie du peuple. Les plébéiens sont inscrits dans la liste du sénat comme les patriciens ; mais ils n’y sont qu’inscrits, ils ne sont pas en même temps patres, et c’est pour cela que la dénomination générale est employée comme dénomination spéciale pour la catégorie inférieure. Willems, 2, 39, a avec raison élevé une contradiction contre l’opinion courante qui considéra les conscripti comme les membres adjoints ; mais il méconnaît des habitudes de langage évidentes, et il  écarte gratuitement la formule de convocation parfaitement avérée pour considérer les patres conscripti comme les pères assemblés. Cette tentative de faire la leçon aux témoins que nous devons prendre pour maîtres et de les convaincre d’une erreur philologique a soulevé des protestations nombreuses et justifiées, contre lesquelles Willems a, dans un appendice, I, 658-653, maintenu  son système en lui donnant encore plus d’étendue.

[21] La formule de convocation se voit clairement dans Festus et dans Tite-Live.

[22] Pater au singulier ne se rencontre ni pour le patricien, ni pour le senator patricien. Conscriptus n’est pas employé comme titre officiel pour le membre isolé du conseil ; du moins il n’a pas été trouvé jusqu’à présent sur les inscriptions. Mais la lex Julia municipalis emploie plusieurs fois au singulier conscriptus à côté de decurio, et, dans Horace, Ars poet. 314, le conscripti officium est l’office du membre du conseil, Pater conscriptus dans Cicéron, Phil. 18, 13, 28, est naturellement une plaisanterie.

[23] Hérodien, 1, 2, 2 et ailleurs, dit ή σύγκλητος βουλή.

[24] On trouve dans des documents néapolitains δόγματι συνκλήτου (C. I. Gr. 5799) tandis que, dans d’autres, les membres du conseil s’appellent οί έν προσκλήτω (C. I. L. 8, 1489 ; C. I. Gr. 5838). Des deux décrets honorifiques rendus au début de l’époque romaine en faveur du syracusain Demetrius par les gens d’Akragas et de Mélita, le premier porte (C. I. Gr. 5491) : Έδοξε τά άλία (au peuple) καθά καί τά συνκλήτω (où il est question en outre au début d’un coprésident, semble-t-il, τάς βουλάς), le second (C. I. Gr. 5752) : Έδοξε τή συγκλήτω καί τώ δήμω Μελιταίων. — Hors de Campanie et de Sicile, le mot ne se rencontre jamais dans ce sens. Il est seulement employé parfois, ainsi que le montrent les dictionnaires, pour l’assemblée extraordinaire du peuple.

[25] Ainsi dans la proclamation de Flamininus de 553 (Polybe, 18, 46) et dans la lettre aux Teiens de 561 (C. I. Gr. 3045).

[26] Polybe, (10, 19, 4 autrement 36, 4 (3) oppose la γερουσία de Carthage à la σύγκλητος romaine. Dans Plutarque, An seni, 10, il est dit : Ή δέ 'Ρωμαίων σύγκλητος άχρι νύν γερουσία καλεΐται. Hérodien ne contient pas non plus γερουσία. Au contraire dans Dion, σύγκλητος, est rare (77, 3 ; cf. 78, 16), γερουσία est constant avec βουλή et συνέδριον.

[27] L’expression incorrecte de l’inscription d’Hérode Atticus, C. I. Gr. 6185, a été provoquée par ce fait que l’on dit fréquemment βουλή pour le sénat romain, mais que l’on ne dit guère βουλή δόγμα pour le sénatus-consulte.

[28] Ainsi déjà Polype, 1, 11, 1. 3, 9, 4, c. 20 ; 3, 6, 15, 7. 33, 1, 4 et les écrivains postérieurs fréquemment. Hérodien emploie constamment συνέδριον pour curia (1, 14, 8 ; 2, 3, 2. c. 12, 4, 7, 7, 5. c. 10, 2. c., 11, 3).

[29] Pomponius, Digeste, 50, 16, 239, 5.

[30] Sénatus-consulte dans Cœlius, Ad fam. 8, 8. 7. Cicéron, Pro Cluent. 37, 105, Pro Cæl. 2, 5 et souvent ailleurs. Amplissimus ordo (dans Cicéron, loc. cit. pour un conseil communal) est fréquemment dit, sous le Principat, du sénat (Pline et Trajan. 3 a. b. 4. 95 ; Suétone, Gaius, 49. Oth. 8. Vesp. 2 ; mais, c. 9, amplissimi ordines du sénat et des chevaliers) la même qualification est aussi à cette époque, fréquemment donnée aux consuls (cf. tome III, la partie du Consulat, sur le rang des consuls).

[31] V. tome I, la théorie de la Collégialité, sur la collégialité dans la cité de trente curies.

[32] V. tome II, la partie de l’Interrègne, sur le tirage au sort.