LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE TROISIÈME. — LE PEUPLE ET LE SÉNAT.

LE DROIT MUNICIPAL ET SES RAPPORTS AVEC L’ÉTAT.

 

 

L’organisation municipale de l’État romain n’est pas une portion intégrante du droit public, et il n’y a pas à l’y expliquer[1]. Mais cependant nous ne pouvons omettre d’étudier la situation occupée par la cité municipale en face de l’État, de caractériser l’action que l’État exerce par l’intermédiaire des villes. Le développement du municipium dans le sein du populus, ou, ce qui n’est qu’une autre expression de la même idée, le développement de la ville en face de l’État, constitue l’essence de l’histoire de Rome, et l’organisation municipale a été la forme finale donnée à l’autonomie dépendante, la libération de cette institution de sa double imperfection : ta prédominance d’une ville sur beaucoup d’autres et la souveraineté contradictoire d’États clients. De même que la République fut conduite finalement, par une nécessité logique, à substituer à la ligue des villes italiques la Roma communis patria, le Principat finit par transformer toutes les cités provinciales, d’abord en villes en forme, puis en milles de citoyens. Les résultats de cette évolution, conservés dans les recueils juridiques, ont, spécialement par l’intermédiaire de ces recueils, exercé une influence puissante et souvent bienfaisante sur le développement de l’État et de la commune, qui est la, base de notre civilisation. Naturellement, puisque nous ne devons pas ici faire l’analyse de l’organisation municipale, notre exposition se bornera aux grandes lignes.

Nous devons d’abord étudier l’origine de la ville dans l’État et la relation qui existe entre le fait d’appartenir à l’État et celui d’appartenir à un lieu, en particulier la relation qui existe entre la tribu de l’État et le lieu auquel on appartient, puis en outre la terminologie employée pour exprimer l’idée de ville, qui est étroitement liée avec l’origine même de lu ville. Ensuite nous chercherons avec quelle étendue l’autonomie de l’État a été transportée à la ville, jusqu’à quelle mesure la ville possède un territoire propre, un droit propre, les pouvoirs souverains en matière militaire et judiciaire, a son indépendance financière, ses poids et mesures et ses monnaies propres, en un mot jusqu’à quel point la ville, issue de la cité autonome, a continué, après l’absorption de cette cité dans l’État, à participer à la souveraineté. Du reste, nous ne nous occuperons jamais de l’organisation municipale en elle-même, mais seulement de la position du municipe dans l’État et par rapport à l’État.

Le droit municipal est étranger à. la constitution la plus ancienne. Le populus de Rome étant lui-même une commune, il ne peut ni eu logique ni en fait contenir dans son sein d’autres communes. Les quartiers de la ville, les circonscriptions rurales (pagi) du territoire peuvent bien se constituer en communautés religieuses analogues à nos paroisses et, comme toutes les communautés, s’organiser plus ou moins sur le modèle de l’État[2]. Mais ils conservent en eux forcément le caractère de fractions de l’État, et, par un résultat pratique, ils n’ont aucune de ses attributions. Les circonscriptions électorales forment une communauté politique affectée à un but déterminé ; mais la nature et l’idée de fraction de l’État leur sont maintenues encore plus énergiquement s’il est possible qu’aux circonscriptions de la ville et des champs. L’extension des frontières ne change légalement rien à ce régime. Les États qui survivent dans les noms de terres et de personnes ne sont pas pour cela moins supprimés légalement[3]. Les besoins du commerce peuvent faire établir sur le territoire romain, en dehors de la ville, des marchés (fora), des lieux de réunion (conciliabula), ayant une population stable ; mais ces villages ne forment pas d’unité juridique, et le fait d’y appartenir est un pur fait, qui ne fait naître aucun statut personnel et qui subsiste ou disparaît avec la résidence elle-même.

C’est au cours du développement politique de Rome que l’unité intime absolue du peuple a été brisée, que des collectivités plus étroites, limitées comme lui par l’existence d’un statut personnel héréditaire, se sont développées, c’est-à-dire que la cité — par laquelle nous entendrons toujours ici la cité municipale — s’est développée en face de l’État. Quand et comment cela s’est-il fait ? La réponse à la question, en tant qu’il peut en être donné une, n’est point simple ; car la distinction de la cité et de l’État peut également être faite au point de vue du territoire et au point de vue des droits de souveraineté. Nous traiterons d’abord de la distinction relative au territoire, qui est de beaucoup plus ancienne que l’autre, qui est même, peut-on dire, aussi ancienne que Rome elle-même.

Le port de Rome, Ostie, est considéré par la tradition romaine comme une création du quatrième roi. Il est probablement aussi vieux que Rome, et il aura été appelé à l’existence, avec la ville et comme elle, par la navigation du Tibre. Il n’a jamais été indépendant ; mais il a toujours existé à côté de Rome, comme le Pirée à côté d’Athènes. C’est la première des colonies, maritimes et des colonies de citoyens, le modèle imité dans la fondation de celles venues plus tard. Ces colonies sont sans doute considérées comme des garnisons permanentes, ainsi que le prouve l’exemption du service militaire accordée, pour le service ordinaire, aux colons d’elles toutes, et, sans restriction aucune ; aux colons des deux plus anciennes, d’Ostie et d’ Antium. Mais pourtant, dès le principe, la colonie n’est pas uniquement une garnison. Une étendue de terrain délimitée, un territorium a nécessairement été attribué déjà au premier de ces établissements comme ensuite à tous les suivants. Par exception au système de partage des champs entre les gentes patriciennes, qui constituait le régime foncier de l’époque la plus ancienne, il fut attribué, ainsi ; que nous l’avons déjà expliqué plus haut, aux citoyens établis à résidence fixe dans ce port, d’une part, à tous une fraction du territoire, en possession commune, et, d’autre part, à chacun, comme verger, comme heredium, deux arpents de terrain en possession privée. Ces colonies étant, conformément à leur but, établies dans une forme militaire et comprenant par suite une ou plusieurs centuries de colons, les 200 jugera nécessaires pour les vergers d’une centurie se rencontrent désignés de ce nom comme mesure de superficie. Tandis qu’ailleurs la possession collective s’est, dès les temps préhistoriques, effacée devant la propriété privée, elle s’est maintenue relativement longtemps dans ces colonies, et ce système a encore été iris en pratique eu 125, lors de la fondation de Tarracina, la troisième colonie de citoyens. Le bût dans lequel étaient établies ces colonies et l’exemption du sers vice qui s’y liait impliquaient le domicile forcé, dont on trouve encore au moins des traces au temps de la guerre d’Hannibal, et qui est aussi facilement conciliable avec la possession collective du territoire qu’il est incompatible avec la propriété foncière individuelle du droit privé récent. — Le territoire accordé à la colonie de citoyens fournit donc le fondement de son existence distincte ; cette existence distincte est encore fortifiée par le changement de patronat qui se lie à cette concession. Les colons étant pris, sans aucun doute dès l’époque la plus reculée et par la suite toujours dans une plus large mesure, parmi les plébéiens, ils étaient en général, avant leur transplantation, sous le patronat des gentes dont ils dépendaient ; comme colons, ils entrent sous le patronat héréditaire des magistrats qui ont fondé la colonie[4]. — Leur existence distincte a été garantie par un acte juré du peuple romain aux colons d’Ostie, et, selon cet exemple, à ceux des autres colonies[5]. Cette assurance de l’irrévocabilité du rapport établi par un serment du peuple, qui se rencontre fréquemment en droit international, mais qui ne se présente guère ailleurs en face de citoyens, marque la plus ancienne phase du développement de la cité dans le sein de l’État.

Mais l’existence séparée donnée par leur territoire propre aux paysans installés sur lui, n’implique pas en leur faveur les droits de souveraineté. Ostie s’est, selon toute apparence, trouvée pendant des siècles dans cette situation, sans posséder aucun droit de s’administrer elle-même, ni même de tribunaux propres. Il y a à Ostie, à l’époque récente, à côté de la magistrature, plus tard accordée à toutes les cités de citoyens et qui ne fut sûrement introduite à Ostie que tard, probablement après la guerre des Marses, une autre magistrature visiblement plus ancienne, les préteurs et les édiles sacris Volkani faciundis[6], c’est-à-dire que les Ostienses, dans le culte desquels Volcanus jouait le même rôle que Jupiter à Rome[7], n’ont d’abord obtenu de magistrature qu’ad sacra, ou, peut-on dire encore, que leur constitution est reconnue sous le rapport religieux[8], comme celle d’Alba Longa a continué à l’être après la destruction de la ville[9]. Par conséquent, la plus ancienne des colonies de citoyens n’a pas eu de droits politiques distincts jusqu’à une époque relativement récente.

La genèse véritable de l’organisation municipale n’est pas dans l’existence distincte, mais dans l’indépendance administrative. Aussi se rattache-t-elle à la conservation partielle faite par un État de sa souveraineté légalement supprimée à la suite de sa fusion dans l’État romain. C’est même là le motif pour lequel nous traitons du droit municipal à cette place ; il n’est compréhensible que comme une modification de l’autonomie. A la vérité, les voies qui ont conduit à ce but ont été diverses. La cité autonome est devenue une colonie de citoyens romains parla déduction d’habitants romains, ou bien elle est parvenue sans déduction au droit de cité complet, ou bien elle a passé du demi-droit de cité au droit de cité complet. Mais, sous les formes les plus multiples, le processus consiste toujours dans la conservation de certaines des conséquences de la souveraineté qui est supprimée par l’entrée de la cité dans l’État romain. L’autonomie dépendante dépouille, dans le droit municipal qui en sort, son caractère hybride, tout en restant pour le surplus de la même nature.

Une des plus anciennes et des plus remarquables formations de cette espèce est la seconde des colonies de citoyens, fondée d’ailleurs chronologiquement bien des .siècles après Ostie, la ville des Volsques Antium. Elle fut constituée, selon la tradition des annales, en l’an de Rome 416, partie par des colons romains, partie par les habitants antérieurs admis dans le corps des citoyens[10]. D’une cité autonome ayant son histoire propre qui n’avait pas été sans gloire, elle devint une localité romaine, et cela d’abord, comme Ostie, semble-t-il, sans constitution distincte ni magistrats propres. Mais elle reçut, dès l’an 437, des lois propres et des magistrats propres[11] ; et cette relation, fondée sur un statut écrit, est, si cela peut être dit de l’une quelconque des allégations relatives à cette époque, digne de foi. C’est là le plus ; ancien témoignage qu’il y ait pour l’existence de magistrats municipaux. Il est probable que les colonies de citoyens fondées postérieurement ont toutes été organisées sur ce modèle.

Les cités de demi-citoyens, que nous avons déjà étudiées, conduisirent par une autre voie au même résultat. Leurs commencements sont, avons-nous vu, à peu près contemporains de la colonisation d’Antium. Par le simple fait, que l’on déclarait les Cærites citoyens romains, mais que l’on excluait leur territoire des tribus, et qu’on leur refusait à eux mêmes l’éligibilité, l’électorat, et d’autres portions essentielles du droit de cité complet, on leur donnait, dans l’intérieur du peuple, une situation à part qui n’était pas moins durable et héréditaire que le droit de cité complet, on les faisait appartenir à un lieu, on violait la notion primitive du droit de cité. Nous avons déjà expliqué, qu’une partie de ces cités ont eu des magistrats propres et une administration propre, quoique sans préjudice des pouvoirs du bailli romain et au dessous de lui.

Lorsque plus tard ces cités de demi-citoyens ont obtenu le droit de suffrage, lorsque d’autres cités jusqu’alors autonomes ont obtenu immédiatement le droit de cité complet, l’indépendance communale était probablement déjà trop développée chez elles pour qu’on pût, en changeant leur condition personnelle, retirer aux peuples admis au droit de suffrage romain ou reçus dans l’union romaine les éléments de l’autonomie, leurs magistrats propres, leur conseil communal propre et leurs comices propres. Quelque limitée qu’ait pu être d’abord l’indépendance admise pour les cercles séparés qui se constituaient ainsi dans l’État, — point sur lequel nous reviendrons plus loin, — ce qui importe ici ce n’est pas l’étendue, c’est l’existence même d’une administration distincte.

A l’origine, ce n’était que par exception que l’on appartenait à une localité particulière[12]. Les cités de demi-citoyens étant au sens propre en dehors du peuple et dépourvues de l’électorat et de l’éligibilité en même temps que de la tribu, qui est le signe du citoyen complet, cela ne se présentait, à l’origine, parmi les citoyens complets, que pour les citoyens d’Ostie, et même ensuite, pendant longtemps, que pour ceux de territoires isolés. Le lieu auquel on appartenait restait sans aucun doute toujours sans influence sur la tribu personnelle, lorsqu’elle se déterminait d’après des règles fixes. Les affranchis et leurs enfants appartenaient à la cité de leur patron[13] ; mais leur tribu personnelle se déterminait selon les prescriptions restrictives établies à leur encontre. Tant qu’il n’y eut en principe que les propriétaires fonciers à voter dans les tribus rustiques, le citoyen non propriétaire, appartenant à une localité ne pouvait pas voter dans la tribu de sa localité, mais seulement dans l’une des tribus urbaines. Mais, en dehors des règles générales obligatoires pour le censeur, le lieu auquel on appartenait a probablement influé de bonne heure sur la tribu personnelle on ne peut pas compter, parmi les preuves de cette influence, le fait que, dans les lieux où un domicile forcé était lié à la qualité de citoyen du lieu, le citoyen propriétaire du lieu était nécessairement placé dans la tribu de son champ ; car la tribu personnelle est là toujours déterminée par la propriété foncière. Mais les censeurs n’étaient pas obligés par la loi à ne tenir compte que de cette propriété ; en général, le choix de la tribu dépend, en droit, de la volonté du censeur[14], et, en fait, il dépend souvent de celle du citoyen lui-même. Or, depuis qu’il y a eu un droit de cité local héréditaire, il doit avoir, à côté de la propriété immobilière variable, déterminé la tribu personnelle. Nous pouvons seulement conjecturer que les citoyens des colonies, après la disparition du domicile forcé, étaient, s’ils le voulaient et s’ils avaient les biens fonds, inscrits dans la tribu de leur localité et non dans celle de leurs biens. Mais il est certain qu’au vie siècle, c’était le lieu auquel on appartenait, et non pas l’emplacement fortuit des biens, qui était, en vertu d’une disposition légale pris pour base de l’inscription dans les tribus des membres des cités de demi-citoyens élevées à la cité complète[15]. La réunion stable des personnes appartenant au même lieu, qui résulta nécessairement de l’extension contre nature du droit de cité de l’empire, doit ou bien avoir trouvé son expression dans la loi, on bien avoir détermine les censeurs à user de leur pouvoir arbitraire de former les sections de vote de manière à faire voter ensemble les citoyens du même lieu même dans les comices romains.

A mesure que les frontières se reculèrent la cité locale se développa de plus en plus. Alors que les citoyens de toutes les colonies et de toutes les cités entrées dans l’État en conservant leur autonomie communale appartenaient à la fois à l’État et à leur localité, les citoyens qui n’appartenaient qu’à l’État devinrent probablement une minorité, et ce qui avait été précédemment l’exception devint peu à peu la règle. A la fin, la cité locale est liée d’une manière fixe au droit de cité de l’État, et il n’y a plus en principe à être citoyens de l’État que ceux qui appartiennent comme citoyens locaux à une cité de citoyens déterminée[16]. Désormais le peuple romain est plutôt légalement une confédération de toutes les cités de citoyens, ou, selon la formule des jurisconsultes romains, tout citoyen romain a, à côté de la communis patria Roma[17], une patrie séparée, la domus ou l’origo[18]. Ce système existait dès le temps de Cicéron. Il ne nous est rien rapporté sur l’introduction de cette réforme également profonde en théorie et en pratique. Mais elle s’accorde si bien avec la tendance de la guerre sociale, et elle est si indispensable pour l’application de ses conséquences connues qu’elle peut lui être rattachée en toute sécurité. Nous ne pouvons omettre ici de comparer l’ancien droit des choses et des personnes avec le régime juridique plus tard en vigueur sous les deux rapports, afin d’acquérir un aperçu de la manière dont la cité locale s’est intercalée dans l’organisation romaine, et en particulier du rapport de cette cité locale avec la tribu.

Le droit du sol, ou, selon l’expression romaine, la tribu du sol exclut, après comme avant, l’ager publicus populi Romani, duquel du reste les fonds de terre appartenant aux diverses cités de citoyens ne font pas partie : car ces fonds sont aussi bien en propriété privée que le sol assigné à des particuliers[19]. Néanmoins il ne reste guère en Italie, après la guerre sociale, d’autre grand espace de terrain en dehors,de la propriété quiritaire que l’ancien territoire de Capua[20] ; et il entra lui même dans l’union municipale dès avant la fin de la République. Lorsque ensuite Domitien eut fait place nette des subsiciva des grands territoires assignés en bloc ; il ne resta sous la propriété de l’État en Italie, en dehors des routes et des choses de même nature, que de rares pièces de terres laissées hors des territoires, notamment dans les montagnes ; celles d’entre elles qui passèrent ensuite en propriété privée ne semblent avoir été attribuées à aucune cité déterminée[21]. Le territoire provincial resta au contraire sous la propriété publique, à l’exception de territoires de droit italique peu nombreux.

Tout immeuble passé sous la propriété quiritaire soit avant, soit pendant la fusion de l’Italie dans le cercle des citoyens romains, devait, si les censeurs avaient fait leur devoir, se trouver inscrit dans l’une des 36 tribus. Dans la mesure où la cité locale avait existé jusqu’alors, le territoire de chaque cité appartenait sans doute à une tribu particulière déterminée lors de la fondation de la colonie de citoyens ou de l’admission de la cité de non citoyens ou de demi-citoyens. Pour généraliser la cité locale et la lier de la même façon à la tribu réelle, il était nécessaire de prendre des mesures dans les endroits où la propriété quiritaire existait sans cité locale, c’est-à-dire d’abord dans le territoire primitif de la ville, et ensuite dans les lieux où, comme par exemple dans le Picenum, il y avait eu des assignations sans fondation de villes, et où les habitants romains réunis en villages et en hameaux avaient tout au plus des magistrats judiciaires propres nommés tous les ans par le préteur urbain : il fallait ou bien attribuer ces champs et ces groupes de champs aux territoires politiques voisins, ou bien en former de nouveaux territoires politiques. Le premier procédé a nécessairement été suivi pour le plus ancien domaine de la ville. Quant au second procédé, une trace de son emploi nous a été conservée : c’est que les centres de fait de citoyens romains jusqu’alors dépourvus de droits communaux, les sièges de la justice (præfecturæ) se présentent, après la guerre sociale, comme une catégorie de cités[22]. La tribu existante a probablement été maintenue lors de cette opération ; car l’inscription dans les différentes tribus a vraisemblablement ou lieu d’ordinaire par grandes masses. Mais nous avons déjà remarqué que, comme l’on parait avoir en général pris pour principe d’inscrire chaque territoire dans une seule et même tribu, les tribus réelles ont probablement été changées en partie, spécialement dans le plus ancien domaine de la ville. — Les terres de Campanie ont plus tard été organisées de la même façon en territoire politique, et, lors de la division des subsiciva, ces pièces de terre ont été attribuées aux territoires les plus voisins.

Dans la ville de Rome, les tribus réelles n’ont pas changé, ou du moins elles ont changé seulement en ce sens que les quatre tribus urbaines ne finissent plus comme antérieurement au Pomerium, mais à la première borne milliaire, car, ainsi que nous montrerons plus loin la juridiction urbaine ou plutôt la juridiction de l’État, en tant qu’elle dépend du lieu de l’infraction, s’étend déjà du temps de Sulla jusqu’à la première borne milliaire, et la juridiction municipale commence au delà. Les territoires de toutes les cités de citoyens formant dans leur ensemble celui de la communis patria, elle n’a pas elle-même d’autre territoire séparé.

Les prescriptions spéciales qui existaient relativement à la tribu personnelle, en particulier pour les affranchis, n’ont pas été touchées par ces mesures, mais il en est autrement de celles sur la propriété. Après la guerre sociale, la tribu personnelle a été déterminée pour tous les ingénus par la cité locale, de telle sorte que la tribu de Tusculum a été attribuée à tous les Tusculans, qu’ils fussent propriétaires fonciers à Tusculum ou ailleurs ou qu’ils ne le fussent nulle part. Dès le temps de Cicéron, on indique, comme condition de capacité pour la tribu rustique, l’ingénuité et non la propriété foncière[23] ; et, sous le Principat, la tribu rustique appartient certainement aux municipaux non propriétaires. L’enrôlement dans les légions exige, avons-nous vu, la tribu rustique, et il ne doit pas y avoir servi beaucoup de propriétaires depuis Marius. En outre, les inscriptions du temps du Principat nomment un relativement petit nombre de tribules urbains, et elles sont pour la plupart de telle nature que le statut personnel y comporte non pas la libertinité, mais une ingénuité atteinte d’une tache ; si les tribus urbaines avaient encore compris à cette époque tous les citoyens non propriétaires, leurs tribules se rencontreraient dans une toute autre quantité, spécialement dans les municipes. Il n’y a d’ailleurs qu’un développement logique du droit de cité local à ce que tous les citoyens de la localité, propriétaires on non, expriment leur vote dans la même circonscription électorale. La tribu est désignée dans ce sens comme un groupe de cités italiques[24]. La tribu personnelle perd désormais son ancienne dépendance de la tribu réelle, et elle devient l’expression de l’État multiple en désignant le citoyen de l’un des États en sous-ordre qui le composent.

Le citoyen de l’État romain est donc en règle en blême temps le citoyen de l’une des cités de citoyens romains, et sa tribu personnelle se détermine, à moins que des prescriptions spéciales n’en disposent autrement, d’après la tribu réelle de son territoire d’origine. Mais les exceptions à cette règle ne sont pas peu nombreuses. Nous devons tout au moins rassembler ici les différentes catégories des citoyens qui n’appartiennent pas à des lieux munis de tribus réelles, quoique fréquemment l’on ne puisse pas arriver à des résultats certains sur leur relation avec les tribus. Ils peuvent appartenir ou bien à une cité de citoyens sans territoire, ou bien à une cité de non citoyens, ou même n’appartenir à aucune cité.

La cité de citoyens, qui n’a pas de territoire au sens légal ni par conséquent de tribu réelle, n’en a pas pour cela moins appliqué chez elle l’idée de la cité locale, et cette idée y a même la tribu pour expression légale ; seulement cette tribu est alors exclusivement personnelle. C’est en ce sens que les citoyens de Narbo appartiennent à la Papiria, et il en est de même de toutes les cités du même genre.

Si le membre d’une cité latine ou pérégrine organisée en ville[25] obtient personnellement le droit de cité romaine, sa  tribu personnelle, ne pouvant pas être déduite de son droit de cité local qui reste le même, est déterminée tantôt, semble-t-il, d’après certaines règles générales, tantôt aussi sans doute par une décision individuelle ; ainsi il semble avoir été de règle de donner la Voltinia aux personnes arrivant au droit de cité personnel dans la province de la Narbonnaise, la Quirina ou la Collina aux asiatiques et aux Syriens ; mais il est probable que l’arbitraire a souvent prédominé dans ce domaine. Ce serait sortir de notre cadre que d’insister davantage sur les détails.

Il y a enfin des citoyens qui n’ont pas de patrie spéciale. Cette patrie fait défaut :

a. Aux vieilles familles patriciennes[26] et aux familles plébéiennes qui ne sent pas d’origine municipale[27]. Le fait que les personnes appartenant à l’ordre sénatorial sont exemptées des charges municipales, selon le droit de l’Empire et peut-être déjà selon celui des derniers temps de la République, n’exerce aucune influence sur leur droit de cité local ;

b. À la descendance juridique, si l’on peut dire, des personnes de cette nobilitas, en tant que cette descendance est susceptible en elle-même d’avoir une tribu personnelle, c’est-à-dire à la postérité de leurs affranchis ;

c. À la postérité des esclaves publics affranchis[28] ;

d. Tout au moins à une partie des personnes affranchies en dehors des formes légales (liberti Latini Juniani) et parvenues au droit de cité romaine avec la tribu d’ingénus, à titre de récompense pour leur service dans le corps des pompiers, en vertu de la loi Visellia de l’an 23 après J. C.[29], et à leur descendance ;

e. Aux pérégrins gratifiés du droit de cité romaine et n’appartenant à aucune cité de l’empire.

La cité locale peut, dans certains de ces cas, avoir été attribuée par un expédient à l’individu en question ; mais cela n’a certainement pas eu lieu dans tous. Si les Julii et les Claudii avaient appartenu à une cité municipale quelconque, cela ne nous serait pas resté inconnu. Ces expédients n’ayant donc pas été employés, au moins d’une manière générale, ou bien les personnes de la catégorie dont il s’agit n’ont appartenu à aucune localité, ou bien Rome est demeurée pour elles, comme c’était certainement le cas avant la guerre des Marses, non seulement la patrie commune, mais la seule patrie. L’alternative est résolue dans le dernier sens par le témoignage des jurisconsultes, selon lequel il y a une dépendance de la ville de Rome différente de la dépendance de la communis patria et caractérisée comme une origo[30]. Ce témoignage est confirmé par des inscriptions assez nombreuses qui désignent Rome comme origo. Cependant on discerne un effort fait pour apporter des restrictions à ce droit d’origine supplétoire, qui restait nécessairement sans effet par suite du défaut d’organisation municipale de la capitale, et pour mettre les personnes en question dans de véritables liens municipaux : si les fils d’un affranchi de l’empereur n’ont pas de cité locale spéciale, on rencontre au contraire, chez ses petits-fils, comme également chez les fils de l’affranchi d’un affranchi impérial, la cité locale et la tribu correspondante[31]. Les communes doivent avoir mis en pratique, pour ces personnes sans patrie, leur faculté de conférer leur droit de cité, leur droit d’adlection[32], qui en dehors de cela est à. peu près exclu ; l’empereur a peut-être en outre usé à leur profit de son pouvoir de conférer le droit de cité local[33]. La tribu ne faisait pas non plus défaut à ceux qui n’avaient d’autre patrie que Rome, montrent soit les témoignages exprès, soit les vraisemblances[34] ; mais elle était pour eux très diverse. On trouve des membres des anciennes maisons patriciennes dans les tribus urbaines comme dans les tribus rustiques, des Amilii[35] et des Manlii[36] dans la Palatina, des Claudii dans la Quirina[37], des Julii dans la Fabia[38], des Sulpicii dans la Lemonia[39], des Valerii dans la Claudia[40] ; ces tribus sont, nous en avons la preuve, fixes et héréditaires dans les maisons impériales des Julii et des Claudii, et il doit probablement en être de même dans les autres maisons. Les tribus ne varient pas moins chez les personnes de condition inférieure qui indiquent comme patrie la ville de Rome[41]. Cette patrie est souvent unie à la tribu Fabia[42], mais aussi à la Palatina[43], à la Claudia[44], à la Quirina[45]. Par conséquent, la communis patria, fonctionnant à titre supplétoire comme cité d’origine, peut après comme avant se concilier avec toutes les tribus urbaines et rustiques. Les règles, selon lesquelles la tribu était déterminée, ne peuvent se discerner qu’en partie. Les hommes de la nobilitas non municipale peuvent, lors de l’introduction du nouveau régime, ou avoir choisi leur tribu, ou avoir conservé celle dans laquelle ils se trouvaient alors ; mais ensuite la tribu est devenue pour eux aussi fixe et aussi héréditaire dans les familles que l’était celle déterminée par la cité locale. Si deux des plus anciennes gentes apparaissent dans la Palatina[46], cela prouve seulement que la tribu des maisons patriciennes suivait ses lois propres ; les Æmilii et les Manlii, qui pouvaient à plus juste titre que les Julii et les Claudii, se qualifier du nom de Romains des origines, ont pu facilement mettre leur orgueil nobiliaire à choisir une des tribus de la Rome royale. Pour les autres catégories, la tribu doit avoir été déterminée par des dispositions spéciales. Quoique, selon l’ancien système, la tribu ne passa aucunement au gratifié, comme le nom de famille, aux cas de présent de la liberté ou de la cité, nous la voyons traitée sous le Principat de la même façon que le nom de famille : celle des Julii et des Claudii passe aux nouveaux citoyens introduits par eux dans le peuple et aux descendants de leurs affranchis qui ont droit à la tribu des ingénus. Si même les soldats qui arrivent au droit de cité en vertu de leur service dans le corps des pompiers sont tous attribués à la Fabia, la raison peut en être que la loi qui leur concéda ce privilège fut rendue sous l’empereur Tibère qui appartenait à cette tribu.

 

La ville opposée à l’État est étrangère à la constitution primitive de Rome ; le droit public ancien n’a pas non plus pour la désigner d’expression technique primitive.

L’idée de ville dans son opposition au territoire remonte bien aux origines, et elle y est exprimée par les dénominations connues d’urbs et d’oppidum, qui se rattachent toutes deux à l’acte juridique de la construction des murailles[47] ; les deux expressions se confondent quant au sens, et elles ne diffèrent qu’en ce que la première appartient à la terminologie plus relevée et la seconde à la terminologie plus humble, urbs allant avec prætor et senatus, oppidum avec duoviri et decuriones. La distinction primitive s’est toujours maintenue dans les noms de personnes dérivés des deux mots : la plebs urbana et les oppidani, ce sont les cives intramurani, les citoyens de la ville, par opposition à la plebs rustica, aux membres de la cité vivant en dehors des murs[48]. L’opposition avec ager s’est aussi conservée pour urbs ; mais elle s’est effacée davantage dans oppidum, et c’est pour cela que ce dernier mot est la seule expression générale par laquelle la langue latine récente puisse exprimer, en quelque mesure, l’idée de la commune urbaine, par opposition à celle qui n’est pas constituée en ville[49]. Cette idée étant commune aux trois cercles juridiques reconnus dans le sein de l’État romain, on peut aussi bien parler d’un oppidum civium Romanorum que d’un oppidum Latinorum ou Latinum et d’un oppidum peregrinorum[50]. Cependant l’usage de pareils déterminatifs n’est pas fréquent : la langue officielle ne fait usage du mot dans le sens qui vient d’être indiqué que rarement et en général à titre à expression collective ; elle ne l’emploie pas pour désigner une catégorie particulière, ni spécialement la cité de citoyens. — il n’y a pas non plus d’expression technique pour le terme opposé, pour la communauté qui n’est pas arrivée à se constituer selon le type urbain. L’expression patio, qui semblerait la plus naturelle, a une portée ethnologique et ne contient pas en elle l’idée de communauté politique. — Au sens strict, il n’y a pas, pour désigner cette communauté, d’autre expression que populus et civitas, et la langue n’est pas en état de donner à la distinction de la commune urbaine et de la commune non urbaine une formule d’une portée générale et techniquement énergique.

A défaut d’un nom général qui puisse désigner la communauté urbaine, on emploie, dans la langue technique, en les cumulant, différentes dénominations qui se rattachent à l’origine de villes. des statuts des villes, et qui, puisque ces statuts peuvent être fondés de différentes façons, ne peuvent être employées chacune au sens propre que pour la catégorie particulière qu’elle indique. Parmi toutes les formules complexes que l’on rencontre employées dans ce but, la plus correcte est celle de la loi agraire de 643 : Coloniæ seine moinicipia seine quæ pro moinicipieis colonieisve sunt[51] ; elle met l’une à côté de l’autre les deux catégories principales, et elle indique en même temps qu’il y a dans chacune en, outre des dénominations exceptionnelles mais équivalentes. Les autres formules techniques portent aussi en tête ces deux noms principaux ; mais elles essaient ensuite d’épuiser la liste des autres noms existants[52], sans qu’elles arrivent au succès ni que le succès soit possible.

Étymologiquement et dans le langage usuel, de même que le colonus est le paysan, la colonia est en première ligne l’exploitation agricole, par conséquent, dans l’économie rurale moderne, la ferme isolée[53]. Mais, l’agriculture primitive ayant pour fondement une exploitation en commun organisée d’une manière quelconque, la surface de terrain cultivée par tous les colon qui y participaient doit nécessairement aussi avoir été appelée colonisa à l’époque la plus ancienne[54], et le mot a conservé cette signification dans la langue politique : la colonia est la localité créée par l’État qui y établit un certain nombre de paysans[55]. La soustraction du territoire qui leur est attribué à l’exploitation des groupes gentilices locaux qui cultivent le reste des terres, constitue même, ainsi que nous l’avons remarqué, l’origine de l’idée de colonia. La condition juridique des hommes ainsi établis par les Romains n’étant pas définie par là, il y a à la fois des colonies de citoyens romains et des colonies de droit latin, et l’on ne peut même point contester l’existence de colonies de droit pérégrin[56].

Vers la fin de la République et sous l’Empire, le nom de colonia commence à être appliqué à des cités auxquelles la qualité de colonies est attribuée, sans qu’il y ait eu d’envois de nouveaux citoyens, exclusivement par une fiction juridique ou une interprétation équivalente[57]. Cela se produisit pour la première fois lorsque les cités pérégrines cisalpines reçurent la latinité comme droit colonial, en 663, à la suite de la guerre sociale ; cette forme fut, avons-nous vu, choisie alors parce que certains des privilèges des villes latines primitives faisaient défaut aux colonies latines postérieures et que l’on ne voulait donner aux cités de la Haute Italie que le statut communal inférieur des dernières. L’étendue des droits accordés n’a pas été plus considérable dans les concessions de la latinité faites depuis ; mais on ne leur a cependant point étendu le nom de colonies. — Relativement aux colonies de citoyens, il ne s’est rien produit de pareil à la bonne époque ; c’est seulement à l’époque de la décadence de l’Empire que la qualité de colonie, considérée alors comme une supériorité honorifique[58], a été concédée assez souvent, comme simple titre, sans fondation nouvelle[59].

Le mot municipium apparaît ici, avons-nous déjà montré, fortement détourné de son sens. Il avait désigné primitivement, la cité de droit latin en communauté foncière et par conséquent en communauté d’impôts avec Rome, ensuite aussi la localité de citoyens inférieurs coordonnée aux citoyens complets, avec communauté de service et d’impôt, mais sans communauté de droits politiques, et il faisait par conséquent, dans les deux cas, opposition à la qualité de citoyen complet. Après que les municipes latins eurent été transformés en cités de citoyens complets après la guerre des Marses, que les cités de citoyens l’eurent été pour la plupart encore plus toit, et que les deux classes eurent disparu du droit public romain, la dénomination subsista, abusivement et incorrectement, ainsi que le savaient très bien les jurisconsultes romains, pour les cités qui, dans le droit antérieur, avaient été soit des municipia latins, soit des cités fédérées[60], et qui avaient donc été transformées d’États indépendants en cités de citoyens romains. Les villes de droit latin fondées par Rome pouvaient par suite s’appeler aussi bien municipia que coloniæ. C’est à cette époque que parait s’être introduite, d’une part, l’opposition des deux dénominations, par suite de laquelle l’une des deux seulement peut être prise comme titre[61], et que, d’autre part, il semble s’être attaché à la première une supériorité honorifique, par suite de laquelle toutes les cités en droit de prendre les cieux titres se qualifient de municipia[62] et il n’y a à s’appeler coloniæ que celles fondées sans indépendance par Rome qui n’ont jamais été des États. Cette définition rétrospective, tirée de l’état légal antérieur, est la seule qu’on puisse donner du municipium postérieur à la guerre sociale[63]. La cité de citoyens complets, fondée par Rome par voie de déduction sans collation des droits souverains, comme la colonie de citoyens, ou par concession d’un statut communal à une localité jusqu’alors dépourvue d’organisation corporative, ainsi que nous allons le voir bientôt, n’est pas un municipium. Cette dénomination contient en elle une réminiscence des anciens droits de souveraineté, un écho de ce soulèvement des alliés contre l’État dominant duquel est sortie la guerre sociale.

Le mot præfectura désigne, au sens propre, le siège d’un juge envoyé par Rome et plus ou moins permanent, et il est par conséquent en opposition avec l’autonomie urbaine ; car on n’envoie de pareils juges que dans les localités qui sont complètement dépourvues d’autonomie, on qui tout au moins n’ont qu’un droit limité de s’administrer elles-mêmes[64]. La transformation de ces arrondissements judiciaires en cités de citoyens, a eu lieu, tout comme la déduction des colonies de citoyens, par un acte unilatéral du gouvernement romain, pour une partie dès une époque précoce, par exemple pour Fundi, Formiæ, Arpinum en 566 ; pour le grand nombre plus tard, sans doute à 4a suite de la guerre sociale ; lorsqu’enfin César eut donné à Capua une constitution urbaine, il n’y eut plus de præfecturæ au sens primitif du mot. Ces cités n’ayant pas été à l’origine autonomes, la dénomination de municipium ne leur convenait pas légalement ; pourtant un certain nombre d’entre elles l’ont prise de bonne heure ; ainsi, par exemple, Cicéron appelle toujours ainsi Arpinum, sa ville natale. Peut-être étaient-ce celles qui avaient déjà possédé, en qualité de præfecturæ, une certaine indépendance administrative. Mais une partie des anciens sièges judiciaires conservèrent leur vieille dénomination ; en particulier, les villes sabines de Reate, de Peltuinum et d’Amiternum ont porté ce titre officiellement jusque sous l’Empire[65]. Le mot indiquant désormais la possession d’un statut communal aussi bien que municipium et colonia, il est habituellement placé à côté des deux premiers, comme troisième catégorie, dans la désignation cumulative des cités urbaines. La jurisprudence des derniers temps de la République exprime collectivement l’idée nouvelle de la cité de citoyens, en rassemblant la cité entrée par un acte d’autonomie dans le corps des citoyens, celle fondée par Rome et celle gratifiée par Rome d’un statut municipal.

Les autres dénominations des communautés urbaines qui se rencontrent dans les lois ne sont pas sur la même ligne que les premières. La langue technique des jurisconsultes romains, qui souffre assurément d’une surabondance d’expression, emploie, pour exprimer l’idée de ville, à côté du terme général oppidum et des trois expressions municipium, colonia et præfecturæ que nous venons d’étudier, encore les mots vicus, castellum, territorium, locus. Dans leur acception propre, toutes ces expressions sont étrangères au sujet. Les fora, les marchés, dont la naissance fut principalement provoquée par le tracé des grandes voies de l’empire, ont, non pas absolument comme les præfecturæ, — Forum Appii, près de Terracine, est par exemple toujours resté un simple hameau, — mais pour la plupart, spécialement en Gaule cisalpine, obtenu des statuts municipaux[66], sans avoir droit cependant à l’une des trois dénominations techniques. On rencontre aussi un cas semblable pour le conciliabulum[67]. En considération de cela, on pouvait à bon droit, en l’absence de terme général, pour exprimer d’une manière complète le droit de fonder une communauté urbaine, ajouter la mention de la constitution d’un forum ou d’un conciliabulum muni du droit de juridiction. Mais ces deux noms ne cessent point pour cela d’être plutôt la négation que l’expression de l’idée de ville. — Le vicus rural, — il n’y pas à penser ici au vicus urbain, — est le village dépourvu de statut communal, et le castellum se distingue du vicus seulement au point de vue militaire, en ce qu’il est mis en état de défense. Il y avait des vici pourvus du droit de juridiction[68], et c’est d’eux seulement qu’il peut être question dans cette énumération ; mais on ne peut dire avec certitude ce qu’il faut entendre par là peut-être s’agit-il de la concession d’un statut communal faite à un vicus sans changement de sa dénomination[69] ; mais il se peut aussi qu’un droit communal imparfait ait été conféré à un vicus sans qu’il fût complètement séparé de la ville de laquelle il dépendait[70]. — Enfin locus et territorium sont certainement ajoutés seulement pour parer à l’hypothèse toujours possible dans laquelle aucune des dénominations indiquées ne conviendrait à une commune urbaine déterminée[71]. — Toutes ces dénominations ne sont pas légales pour désigner la communauté urbaine, et elles ne s’emploient que dans de certaines circonstances et à titre exceptionnel.

Sous l’Empire, la terminologie s’est simplifiée en ce que l’idée positive de l’autonomie antérieure s’efface dans le nom du municipium civium Romanorum, et que par suite il est donné, par opposition à colonia civium Romanorum, à toutes les cités de citoyens dont l’existence ne se fonde pas sur une déduction réelle ou fictive. Cette simplification se manifeste notamment dans la disparition du nom de præfectura et dans son remplacement par l’expression générale ; au reste, à cette époque, toute localité arrivée à la condition urbaine en qualité de forum ou sous un autre nom est appelée municipium sans scrupules[72]. La dénomination individuelle municeps est même employée désormais pour le citoyen d’une ville romaine, alors même qu’il appartient à une colonie[73], tandis que l’ou continue à ne pas avoir, en dehors d’oppidum civium Romanorum, d’expression corrélative pour désigner la ville en général et que par suite on cumule toujours, dans le langage correct[74], les mentions de la colonie et du municipe.

 

Le rôle politique de la cité de citoyens se détermine en général d’après celui de l’État. La ville fédérée est un État dont l’autonomie est limitée ; la ville sujette est un pseudo-État autorisé jusqu’à nouvel ordre à l’exercice d’une autonomie encore plus limitée. De même la ville de citoyens est, quant à sa catégorie la plus importante qui a déterminé son développement général, quant au municipium civium Romanorum, la cité maintenue, lors du retrait de son autonomie, en possession des attributs de l’autonomie que l’on pensait pouvoir théoriquement et pratiquement laisser à la partie dans l’intérieur du tout. La République a sans doute, dès avant la guerre des Marses, établi une certaine indépendance dans diverses communes de citoyens. Mais l’introduction générale de la commune autonome dans l’État romain a été la réalisation partielle de la pensée politique qui a suscité la guerre sociale, l’application limitée du principe fédératif en face de la tendance centralisatrice des premiers temps de la République. La cité locale est, avant tout, de même que le plébéiat, un droit héréditaire et exclusif comme le droit de cité de l’État. Elle se transmet, selon les mêmes règles que le droit de cité romaine, du père ou, à son défaut, de la mère aux enfants. Pas plus que le Romain ne peut appartenir à aucun autre État, le Tusculan ne peut appartenir à aucune autre cité locale[75]. Le changement du droit de cité local, comme celui du droit de cité de l’État, se fonde toujours sur une cause légale exceptionnelle[76]. Les principes fondamentaux de la constitution romaine[77], le populus avec ses comices, le conseil de la cité, la magistrature, le territoire, le droit de cité[78], le cens ; la juridiction se retrouvent tous dans la constitution des villes. Les modifications générales tendent essentiellement, d’une part, à mettre les institutions de l’empire en harmonie avec ce cercle plus étroit, ainsi que le montre l’exemple du cens sénatorial d’un million de sesterces réduit pour le décurion à 100.000 sesterces[79], d’autre part, à différencier, par une terminologie plus relevée, les institutions de l’État des institutions municipales correspondantes. Le principe que la ville italique n’est pas autre chose que l’État romain en raccourci ne se manifeste peut-être nulle part aussi énergiquement que dans la constitution du second ordre par Auguste : en même temps que l’ordre équestre dans l’État, il introduisit dans les municipes d’Italie le sévirat qui en est la copie.

Ce n’est que dans un tableau spécial du droit municipal que peuvent être exposés les développements infiniment multiples de ce principe simple et les limitations qui luisant apportées par la règle élémentaire selon laquelle l’autonomie urbaine s’efface devant celle de l’État et ne se meut que dans les bornes générales tracées par ce dernier. Nais même ici il ne suffit pas de renvoyer, au sujet de l’organisation des villes, à l’analogie de l’État. Il y a des rapports divers sous lesquels l’organisation de l’État ne pouvait pas servir de modèle pour celle des villes, et il parait nécessaire de jeter un coup d’œil sur les plus importantes des institutions municipales plus ou moins indépendantes.

Les relations des cités de citoyens entre elles n’ont pu être réglées sur le modèle de la situation de Rome, ni de la situation qu’elle occupait en face des États voisins pleinement indépendants, car le droit public romain n’est jamais arrivé à développer un rapport légal de réciprocité conventionnelle, ni de la situation prépondérante qu’elle avait en face des cités dépendantes, car là c’était son autorité souveraine qui prédominait. La conséquence en est que la faculté de concéder, le droit de cité, dont l’État use à sa guise, est presque absolument enlevée à la ville. Le peuple d’une localité ne pouvait concéder le droit de cité local que sans préjudice des droits des autres cités de citoyens et même e$ général des autres cités appartenant à l’empire. Et le droit de concession est supprimé par là en ce sens qu’il est, par suite du caractère exclusif qui appartient au droit de cité local lui-même, restreint aux individus quine font partie d’aucune cité locale. Peut-être même exigeait-on encore que le concessionnaire appartint a l’empire ; car il ne pouvait pas dépendre de l’arbitraire de chaque cité locale de rendre un individu membre de l’empire. — Mais ce que le peuple ne pouvait pas faire pour les hommes, il pouvait en principe le faire pour les dieux ; quoique l’État prit intervenir dans les affaires religieuses des diverses cités par des ordres et des défenses, chaque cite : déterminait en principe le cercle de ses dieux. Les villes de l’Italie ont, les unes après les autres, admis l’empereur Auguste parmi leurs dieux de son vivant et lui ont consacré des temples et des prêtres, tandis que l’État ne connaissait pas ce dieu[80].

Nous rencontrons encore, en matière municipale, un développement indépendant relativement a l’extension des droits et des devoirs politiques aux membres de l’empire qui n’ont pas le droit de cité locale, relativement à l’appel des citoyens d’une cité locale aux magistratures et aux charges d’une autre. A la vérité, en ce qui concerne les prestations patrimoniales, les munera patrimonii et personæ, les pouvoirs que la cité romaine avait dans l’ancienne organisation en face des latines ont été essentiellement transportés aux villes de citoyens. Tout citoyen romain ayant le droit de devenir propriétaire foncier dans le territoire de Capua, le propriétaire foncier non campanien est, comme municeps, au sens primitif du mot, de la cité de Capua, soumis aux charges locales dont est frappé le possesseur d’immeubles en cette qualité[81]. Quant aux prestations demandées à la personne, il y a moins eu modification théorique du droit qu’extension du principe à notre cercle. Nous ne pouvons point établir que l’État romain ait exigé des prestations personnelles des non citoyens, mais naturellement il pouvait en exiger. Les cités locales font un large usage de cette faculté, et elles attachent cette charge au domicile (domicilium) ; selon la formule employée d’ordinaire, elles assimilent sous ce rapport l’habitant au citoyen, l’incola au civis. On ne s’occupe même pas là du droit de cité romaine : l’Athénien vivant à Capua y a sales aucun doute été aussi bien soumis aux munera que le Nolanus.

Cette faculté de soumettre comme on l’entend l’étranger domicilié dans l’État aux prestations publiques est un simple corollaire de la souveraineté. Mais l’exercice des droits politiques, en particulier de l’électorat et de l’éligibilité, est en principe lié au droit de cité. Cependant la constitution romano-latine a admis les non citoyens à la communauté du droit de suffrage, au moins à condition qu’ils fussent domiciliés dans le lieu du vote ; et il est probable que les comices municipaux ont, sous ce rapport, suivi l’exemple des comices romains en appliquant le procédé de tirage au sort usité à home comme dans les villes latines. Les Campaniens pouvaient difficilement refuser au Latin dans leurs comices le droit qu’il avait à Rome et qu’ils avaient eux-mêmes dans toutes les cités latines ; ils pouvaient encore moins refuser au Nolanus, qui appartenait au groupe des citoyens, ce qu’ils accordaient au Latin dépourvu du droit de cité. Mais sans doute cette communauté du droit de suffrage n’a été ici, conformément à l’organisation que nous lui voyons donner à l’époque récente dans les villes latines, accordée qu’au citoyen romain ou latin qui était domicilié dans la cité intéressée. Il n’y avait pas de raison de l’étendre aux pérégrins appartenant à l’empire.

L’analogie des institutions de l’État est favorable à l’extension de l’électorat des comices locaux aux propriétaires de droit romain ou latin. Au contraire, elle plaide contre l’extension du droit d’occuper les magistratures aux individus étrangers à la localité ; cette extension ne se rencontre en effet ; jusqu’au temps des empereurs Flaviens, qu’à titre exceptionnel et dans des cités italiques isolées[82]. Mais postérieurement l’évolution municipale s’émancipe ici du modèle de l’État. Le droit de lisibilité, ou plutôt, puisque les magistratures deviennent, à cette époque, de plus en plus une charge, le devoir de revêtir les magistratures, et, par une conséquence essentielle, d’entrer dans le conseil communal, est généralisé sous le Principat, et les charges des citoyens sont allégées par l’extension des magistratures et du décurionat aux propriétaires n’appartenant pas au peuple de la cité[83].

Il n’y a pas de catégories légalement différentes de cités de citoyens, ou tout au moins nous ne pouvons en discerner. On trouve souvent mentionnés des privilèges particuliers, par exemple la concession de la juridiction volontaire, le droit de vote privilégié des colonies fondées par Auguste en Italie. La différence, existant entre les municipes, arrivés au statut municipal en venant de l’autonomie, et les colonies, qui n’ont jamais été autonomes, constitue une supériorité honorifique à l’avantage des municipes à l’époque ancienne, à celui des colonies à l’époque récente, et elle trouve son expression dans certaines particularités de l’organisation communale. Ainsi la magistrature, dans ses deux degrés correspondant au consulat et à l’édilité, se désigne ordinairement du nom de quattuorvirat dans les municipes ; dans les colonies, d’une façon plus voisine de la façon romaine, la magistrature la plus élevée se désigne du nom de duovirat et la moins élevée de celui d’édilité. Mais il ne semble pas y avoir de différence juridique essentielle liée à cette différence de mots.

Au contraire, il y a une différence importante entre les cités de citoyens, peut-être dès les derniers temps de la République, certainement sous l’Empire, selon que leur territoire est susceptible de propriété quiritaire ou doit la rente foncière comme terre domaniale. Dans l’ancien système, la première catégorie, existe seule ; dans le système nouveau ; les cités de citoyens des provinces appartiennent en général à la seconde catégorie, et les cités provinciales ayant la plénitude de la propriété immobilière sont désignées du nom de cités italiques. La propriété quiritaire du sol a d’abord été la condition nécessaire de toute constitution d’une ville de citoyens. En Italie[84] et en Gaule cisalpine, ce principe a été maintenu sans restrictions, et la conséquence a été que le sol y est resté exempt de redevance jusqu’au rétablissement de l’ancienne imposition des citoyens par Dioclétien. Mais, dans les territoires d’outre-mer, c’est le contraire, avons-nous vu : non seulement la possession domaniale s’étend à la totalité du sol à l’exception des territoires des cités autonomes, mais ce sol y est déclaré inaliénable, de sorte que l’usufruitier, même si l’usufruit devient héréditaire et se rapproche en fait de la propriété, sans distinction de statut personnel, à payer la redevance foncière[85]. Parmi les cités d’outre-mer qui sont par suite soumises à la rente foncière, la plus ancienne est Narbo, la colonie des Gracques, et c’est probablement la seule chez laquelle les deux caractères aient été réunis du temps de la République. Au contraire, les cités de citoyens d’outre-mer créées en grand nombre sous la dictature de César et ensuite sous le Principat ont été, en règle générale, constituées de cette façon. Elles étaient, nous en avons la preuve, soumises à la taxe foncière, aussi bien dans les provinces du sénat de Sicile[86] et d’Afrique[87] que dans la province impériale de Syrie[88], de sorte que la forme ne faisait pas de différence et que l’ancien stipendium des provinces sénatoriales et le tributum des provinces impériales atteignaient également les citoyens.

Mais cette règle a reçu des exceptions, peut-être déjà sous César, certainement depuis Auguste, parfois sous la forme de la concession de l’immunité[89], plus fréquemment, et dans les provinces impériales peut-être exclusivement[90], sous celle de la collation du droit italique[91]. Nous avons déjà rencontré ce droit appliqué à certaines cités pérégrines voisines de l’Italie, pour lesquelles il n’est, selon toute apparence, que la concession à la commune intéressée du commercium tel qu’il est contenu dans le droit latin, c’est-à-dire de la facultés, pour les Romains d’acquérir la pleine propriété dans le territoire de cette cité et pour les membres de cette cité de l’acquérir dans celui de Rome. Mais le même droit se présente aussi comme un privilège accordé à des cités isolées de citoyens romains, et exclusivement à des cités provinciales, évidemment parce que pour les cités italiques le droit italique va de soi. Ces cités sont, à peu d’exceptions près[92], des colonies[93]. Pour elles aussi, le point de départ et le grand point est la pleine propriété du sol[94], qui va de soi pour les cités italiques, qui est exceptionnelle pour les cités provinciales, la possibilité d’acquérir, d’avoir et d’aliéner selon le droit quiritaire l’immeuble situé dans le territoire en jeu[95] et l’immunité qui en résulte. L’exemption aussi bien de la rente foncière proprement dite que de l’impôt de capitation lié avec elle est contenue dans le droit italique : cela résulte avec précision des témoignages des jurisconsultes du temps de l’Empire[96], et cela a été naturellement de beaucoup le privilège le plus important des villes de droit italique. Mais elles possèdent en outre certains honneurs communaux. La statue d’un Silane nu avec une outre sur l’épaule[97], qui portait le nom de Marsyas et qui était déjà, sur le grand marché de Rome au temps de Sulla, a dei nécessairement être considérée comme l’emblème caractéristique de la capitale[98]. Or les colonies de citoyens de droit italique élevaient également cette statué sur leurs marchés, non pas sans doute en Italie, où aucune ville ne pouvait s’attribuer sous ce rapport une prérogative, mais dans les provinces, et elles se servaient du Marsyas en quelque sorte comme d’un insigne de leur statut municipal privilégié par opposition aux autres cités de citoyens qui ne leur étaient pas assimilées quant au droit de propriété foncière et aux cités provinciales de non citoyens[99].

La cité italique de citoyens était privilégiée par rapport à la cité provinciale de citoyens, au point de vue territorial. Elle l’était peut-être aussi au point de vue personnel, quant au droit d’occuper les magistratures. Ainsi que nous l’avons expliqué dans la théorie de la Capacité d’être magistrat, le droit d’occuper les magistratures de l’État faisait défaut, dans les premiers temps de l’Empire, aux membres des cités de citoyens des Gaules, et cette infériorité tuait peut-être alors commune à toutes les provinces. Or, si les citoyens ayant leur cité locale en Italie ont cependant un certain temps le privilège d’arriver aux magistratures de l’État et par elles au sénat, les communes provinciales de droit italique peuvent fort bien avoir encore été assimilées sous ce rapport aux communes italiques. Mais cette infériorité, qui, sauf pour Narbonne, ne peut avoir commencé à exister avant la dictature de César, fut déjà effacée pour la Gaule par l’empereur Claude, et, si elle a existé ailleurs, elle ne peut guère y avoir subsisté beaucoup plus longtemps ; car sans cela nous en trouverions les traces.

Les cités de citoyens romains sont soumises aux magistrats romains, et ce qu’on appelle, la liberté des villes ne peut pas y exister[100]. Toute l’Italie étant placée sous le gouvernement des autorités de la capitale, dont les attributions sont réglées autrement que celles des gouverneurs, les communes italiques ne subissent pas de contrôle administratif essentiel des organes du pouvoir. Mais les cités de citoyens qui sont dans les provinces ne se distinguent pas en principe à ce point de vue des cités sujettes. Ce semble être par une exception isolée que la colonie julienne d’Apamea en Bithynie était dégagée par un privilège de l’obligation de présenter ses comptes municipaux au gouverneur[101].

Il ne peut naturellement pas lare question pour les cités de citoyens d’une souveraineté militaire proprement dite[102]. Mais l’institution du commandement militaire motivé par la force majeure s’étend à elles, et en pareil cas le magistrat ou le représentant nommé par lui ales pouvoirs de l’officier romain (tribunes militum)[103].

La cité de citoyens n’a pas de droit propre différent de celui de l’empire. Les actes de droit privé qui ont pour condition la souveraineté politique et qui, comme le dit la formule du testament romain, doivent être accomplis secundum legem publicam, sont accomplis dans les cités autonomes et dans les cités quasi-autonomes selon leur droit local. L’Athénien teste selon le droit athénien, le Syracusain selon le droit de Syracuse ; le Prénestin depuis la guerre des Marses teste selon la droit romain. Non seulement cela n’exclut pas l’existence de statuts locaux ; mais la colonie d’Antium en reçut déjà un en l’an 437, et, au moment de l’organisation de toutes les colonies de citoyens et de beaucoup des autres cités de citoyens, une loi spéciale était rendue qui réglait la constitution de la cité et qui posait plus ou moins de principes de droit, parfois même en s’écartant du droit romain général[104]. Le statut local ainsi donné se fonde nécessairement, en droit, sur une résolution des comices romains ; mais, en fait, il émane sans doute habituellement, comme nous le montre celui de la colonie Genetiva de César qui nous est parvenu, de l’autorité d’un magistrat auquel cette affaire était confiée en même temps que le soin de constituer la cité. Ce statut pouvait même concéder a une cité de citoyens le droit de se donner ses institutions à elle-même ; ainsi, lorsque l’agitation démocratique pour l’établissement du vote secret remua la capitale, des rogations semblables furent présentées au peuple d’Arpinum et probablement à celui de beaucoup d’autres villes de citoyens ; les mouvements politiques de la capitale devaient ainsi fréquemment se répercuter dans ces villes. La limite posée à l’autonomie des associations dum ne quid ex publica lege corrumpant s’appliquait naturellement aussi aux cités ; pour le surplus, la compétence de leurs comices, c’est-à-dire leur pseudo-souveraineté s’étend aussi loin que le leur permet leur statut.

La juridiction municipale, l’imperium judiciaire[105] est, puisque l’imperium militaire restait au pouvoir central, la seule expression possible des droits de souveraineté des municipes ; et c’est pourquoi leurs magistrats supérieurs se nomment, dans leur titre officiel, jure dicundo[106]. L’autre face du rapport est exprimée théoriquement et pratiquement par les limitations apportées au droit de juridiction des cités de citoyens[107].

D’après la constitution primitive de l’État romain, il n’y avait pour le citoyen romain de tribunal national compétent qu’à Rome. Mais ce principe fut limité, à deux points de vue, sous la République. Il le fut, en premier lieu, par l’institution de tribunaux de l’État hors de la ville, ceux des représentants du préteur urbain (præfecti)[108] en Italie et ceux des préteurs provinciaux hors d’Italie. Il le fut, en second lieu, par le transfert de la juridiction à des magistrats communaux issus comme les magistrats romains du vote de leurs concitoyens.

L’institution des préfets locaux et des préteurs provinciaux n’est pas une restriction de la juridiction de l’État ; c’est seulement un changement de son mode d’exercice, pour lequel il n’y a pas à distinguer si ces agents ont dans leur circonscription une compétence illimitée, comme c’est le cas des préteurs provinciaux élus par les comices[109], ou si leur compétence est limitée quant au fond, comme il arriva probablement pour la juridiction des præfecti italiques d’abord investis d’une délégation du préteur. Il nous est seulement rapporté que les parties pouvaient convenir de renvoyer la décision d’un litige déterminé au préteur de Rome[110].

Théoriquement la juridiction communale est aussi légitimée par l’intervention des comices romains, et elle est probablement considérée comme une délégation réglée par la loi de la juridiction prétorienne[111]. Quant au fond, elle est un vestige pratique de l’autonomie légale et le criterium de la quasi-autonomie de la cité.

Les origines de la juridiction communale restent dans l’obscurité. L’organisation communale n’a pas débuté, avons-nous vu, par la formation d’une magistrature, et même, après que la magistrature s’y fut constituée, comme nous en trouvons le premier exemple connu dans la colonie d’Antium en 437, cette magistrature a, selon toute apparence, d’abord restreint son rôle à l’administration en y adjoignant peut-être la juridiction des marchés. Nous avons vu que l’édilité curule, qui existait à Rome depuis 338, fut peu de temps après introduite, sous l’influence romaine, dans les institutions municipales des cités italiques autonomes ; nous avons vu également que, dans certaines localités de demi-citoyens, des édiles nommés par les cités étaient en exercice à côté des præfecti jure dicundo romains. Il n’est pas invraisemblable que la magistrature des cités de citoyens complets a de même eu l’édilité pour origine et qu’en dehors de la justice des marchés elle n’a point d’abord restreint la juridiction des autorités romaines. Puisqu’un præfectus a encore été envoyé aux colonies de citoyens de Puteoli, de Volturnum et de Literaum fondées en 560 et même encore à celle de Saturnia fondée en 571, les magistrats municipaux semblent n’avoir pas encore eu à cette époque la juridiction proprement dite ; car, comme disent les, jurisconsultes romains, la præfectura est bien jusqu’à un certain point une commune, mais elle n’a pas de magistrats propres. Les attributions des autorités locales se sont probablement accrues, à la suite de l’augmentation du nombre des colonies de citoyens, qui se place précisément à cette époque. Jusqu’alors on n’avait recouru à cette forme d’établissement que pour assurer la, défense des côtes. Toutes les anciennes colonies sont des garnisons permanentes établies dans des ports d’Italie et en général de peu d’importance. Les plus anciens territoires plus considérables et situés dans l’intérieur des terres qui aient été organisés en colonies ont été les villes de Pisaurum, de Parma et de Mutina fondées en Italie du nord en même temps que Saturnia. A, la vérité, on ne peut pas établir pour elles-mêmes qu’elles aient reçu dès le moment de leur fondation l’autorité judiciaire qui appartint plus tard aux cités de citoyens complets. Il n’y a aucun argument positif en faveur de l’existence d’autorités municipales munies de la juridiction antérieurement à la guerre sociale[112]. Et, quand bien même les origines en remonteraient plus haut dans le passé, il ne peut y avoir de doute que c’est la réaction énergique contre la suprématie de la cité romaine, dont la guerre sociale fut l’expression, qui a créé la juridiction communale dans sa généralité postérieure. La preuve en est particulièrement dans la disparition totale des préfectures, sauf dans le territoire de Capoue, survenue sans aucun doute à la suite de cette guerre : la juridiction municipale remplace dorénavant, pour les petits procès, ces tribunaux de l’État établis à un siège fixe, probablement avec une compétence limitée. La suppression complète de tous les agents locaux du pouvoir central doit venir de ce que l’on supportait plus volontiers la juridiction lointaine du préteur on du gouverneur que le juge local romain présent sur les lieux. D’ailleurs où restreignit en même temps la juridiction jusqu’alors illimitée des États auparavant autonomes. Il y eut une détente des deux côtés. Par l’entrée des Italiens dans le cercle des citoyens, d’une part, et par la concession d’une juridiction propre aux cités de citoyens en même temps que par la suppression des baillis judiciaires envoyés de Rome, d’autre part, par ce compromis de fait entre la puissance souveraine de la cité romaine et l’autonomie des villes fédérées, la paix a été conclue entre les unitaires et les particularistes.

La limitation ne se fit pas au moyen de l’institution de l’appel, étrangère à l’ancienne législation ; elle se fit par une division de compétence, pour laquelle on prit peut-être comme base la ligne de démarcation antérieurement tracée entre la compétence du préteur et celle de ses représentants locaux d’Italie désormais supprimés. Les pouvoirs nécessaires à l’administration de la justice, par exemple celui de procurer l’exécution sur la personne par l’addiction du débiteur, ne pouvaient pas être refusé aux magistrats municipaux[113]. Il en était de même du droit de coercition exercé au moyen d’amendes et de saisies de gages[114]. Mais tout ce qui n’est pas exclusivement et proprement justice inter privatos reste réservé aux tribunaux de l’État ; ainsi déjà la procédure à suivre contre le défendeur qui reconnaît la prétention du demandeur ou qui ne la conteste pas comme il convient ; car, en pareil cas, cette justice disparaît[115] ; ensuite les actes de. manumission, d’émancipation, d’adoption ; car il n’y a là qu’une justice fictive (legis actio)[116] ; puis tous les actes officiels qui impliquent un exercice arbitraire de la puissance du magistrat : le mode moderne d’exécution par saisie du patrimoine[117], la provocation à fournir une sûreté en présence d’un dommage imminent[118], l’organisation d’une poursuite civile extraordinaire pour cause de violation de leur propre autorité[119], la restitutio in integrum[120], actes qui se ressemblent tous parce caractère négatif de ne pas consister en la constitution d’un procès civil régulier. La compétence des magistrats municipaux a été fréquemment étendue par les statuts locaux ; en particulier la justice fictive leur a été fréquemment conférée[121] ; mais les exceptions ne font que confirmer la règle.

La justice proprement dite elle-même n’est d’ailleurs confiée aux tribunaux locaux que dans des limites déterminées, et les affaires civiles les plus importantes restent réservées aux tribunaux de l’État[122]. La démarcation peut avoir été très vacillante. Nous n’avons, eu cette matière, de connaissances précises que relativement à la législation césarienne de 705 sur l’admission des habitants de la Gaule cisalpine parmi les citoyens[123]. Cependant le principe qui y est appliqué et qui consiste a déclarer les autorités locales compétentes sans limites pour certaines catégories de procès et pour les autres au contraire seulement si l’objet de la demande ne dépasse pas 15.000 sesterces, peut, sauf le montant de la somme qui a probablement comporté beaucoup de variations, avoir été pris pour règle générale[124]. Il en est de même d’autres prescriptions de la loi, selon lesquelles les procès de liberté[125] et toutes les actions infamantes nées de contrats ou de délits[126] ressortent des tribunaux de l’empire. Lorsque la justice municipale est compétente, il n’y a pas concurrence entre elle et celle de l’empire : la revocatio à Rome ou au gouverneur est exclue[127]. Lorsqu’elle n’est pas compétente, l’introduction du procès lui, incombe cependant en ce sens que le demandeur peut faire contraindre par elle le défendeur à donner sûreté (vadimonium) de sa comparution à Rome dans un délai déterminé[128].

La réponse à la question de savoir quelles étaient chez les Romains les relations réciproques de la ville et de l’État depuis leur séparation doit être cherchée principalement dans les institutions du droit civil, desquelles nous avons une connaissance relativement précise. Elles montrent le principe de l’unité de l’État continuant la lutte contre l’autonomie fédérative, même aux dépens de l’utilité pratique. Les Mucius et les autres jurisconsultes influents du temps de Cicéron peuvent n’avoir pas accueilli avec sympathie cette innovation, étrangère et hostile à l’ancienne notion romaine de l’État. La législation et l’interprétation ont également travaillé à abaisser la juridiction locale. Si la première a réduit les tribunaux municipaux, en tant qu’ils n’intervenaient pas simplement pour préparer l’action des tribunaux d’empire, aux procès de peu d’importance, la seconde a fait tout ce qu’il était possible dans la voie de l’interprétation restrictive de la juridiction municipale, assurément exceptionnelle du reste. Lorsque plus tard, évidemment en vertu de considérations pratiques, l’action des magistrats municipaux est étendue, par exemple en matière de sûreté à fournir en vue d’un dommage imminent, en matière d’hérédités[129] et de nominations de tuteurs[130], il n’y a pas le plus souvent une véritable extension de compétence ; on recourt au procédé indiqué par l’organisation du vadimonium : ces affaires sont confiées aux tribunaux des villes par dés mandats spéciaux des autorités de l’empire, de sorte que les autorités locales agissent là, comme les anciens præfecti, par délégation des autorités de l’empire. L’idée de l’unité de l’État a conservé sa prédominance dans le domaine de la justice civile.

Les autorités municipales étaient aussi compétentes en matière criminelle, au moins en Italie, sous la République et au début de l’Empire[131]. En particulier, les poursuites pour cause de meurtre étaient nécessairement déférées en principe à la justice du lieu, puisque, dans l’organisation de Sulla, il n’y avait que les crimes commis dans la ville de déférés à la justice de Rome[132]. Il est douteux que les cités de citoyens aient eu dans les provinces le même droit en face de la justice du gouverneur. On ne peut rien discerner de plus sur la division de compétence existant entre les tribunaux des villes et les tribunaux d’État de la capitale ou des provinces[133] ; on ne peut pas davantage établir quelles ont pu être les formes de cette procédure. A l’époque récente de l’Empire, les autorités municipales n’ont pas de compétence criminelle[134].

Il en est de l’autonomie des finances municipales comme de l’autorité judiciaire municipale. Nous avons déjà traité la question, relativement aux constructions, dans la théorie de la Censure[135]. A la fin du VIe siècle encore, les cités de citoyens de l’origine la plus récente, et par conséquent probablement de la meilleure condition, dépendaient à ce point de vue des censeurs romains, et ce fut une concession des censeurs de 587 d’employer à une construction désirée par l’une de ces cités les deniers versés par elle. A l’inverse, nous possédons un marché de construction conclu en l’an 649 par les duumvirs de la cité de citoyens de Puteoli avec le concours du sénat municipal. La tradition ne nous apprend rien de plus. La cité de citoyens peut bien avoir eu, dès le principe, l’aptitude à posséder un patrimoine propre ; certaines portions du territoire’ assigné sont nécessairement restées, lors de l’assignation, la propriété de : la collectivité. Mais la cité de citoyens n’a certainement pas eu, à l’origine, d’administration financière municipale, ni surtout de droit de s’imposer elle-même. Les commencements de l’autonomie financière doivent être cherchés dans les constructions affermées aux frais de la cité par les censeurs et, peu avant li guerre sociale, par ses propres autorités. L’autonomie financière du régime municipal moderne n’est, selon toute apparence, arrivée à la vie, comme le droit de justice, qu’après la guerre sociale et par son effet[136]. Des cités comme celles de Neapolis et de Suessa, qui jusqu’alors avaient eu la liberté complète de s’administrer elles-mêmes, ne purent pas, en obtenant le droit de cité romaine, être mises sous la tutelle qui avait jusqu’alors été normale. L’administration des finances municipales a alors reçu, ou plutôt conservé la forme qu’elle avait prise dans les cités autonomes italiques. La censure a alors passé, avec l’intervalle de cinq ans et la liaison à la magistrature supérieure qui lui servent de bases, dans les institutions municipales. La centralisation du cens réalisée par l’envoi des listes aux censeurs romains, qui fonctionnait déjà pour les cités autonomes de l’Italie[137], s’est perpétuée dans l’organisation municipale du cens des citoyens, dans l’inscription au cens de chaque citoyen par les censeurs de sa patrie[138]. Au commencement, le cens général des citoyens résultait de la réunion de tous les cens municipaux ; mais, le cens général n’ayant été accompli depuis la guerre sociale que d’une façon exceptionnelle, ce système n’a pu arriver à un fonctionnement durable. Les cens municipaux eux-mêmes sont opérés dans les différentes cités sans qu’ils concordent rigoureusement quant au temps ni qu’on en fasse une réunion. Nous n’avons pas de renseignements sur la procédure suivie dans ces recensements municipaux ni sur les buts qu’ils servaient à atteindre. Ils devaient essentiellement reproduire en petit l’ancien cens des citoyens, donner dans chaque cité la liste de ses citoyens et régler l’administration de ses biens ; un tribut local peut aussi avoir été levé, pour les besoins de la cité, en partant des données du cens municipal.

L’autonomie municipale, modelée sur celle de la Rome républicaine, en a suivi le sort sous le Principat. Les comices municipaux, qui étaient théoriquement l’organe essentiel de cette autonomie, ont peut-être survécu en droit, mais n’ont guère survécu en fait aux comices du peuple romain : nous l’avons déjà expliqué plus haut. Le gouvernement du sénat, qui remplace dans les deux endroits celui des comices, a peut-être eu relativement plus d’importance dans le municipe que dans l’État, où il était essentiellement effacé par celui du prince, il en est spécialement ainsi pour l’Italie, où les cités de citoyens n’étaient sous l’autorité d’aucun gouverneur. — Mais, ainsi que nous le montrons ailleurs, l’autorité du prince qui mit immédiatement fin au gouvernement du sénat, mit aussi fin plus tard à la liberté d’administration des sénats municipaux, non sans qu’il veut beaucoup de leur faute, et elle accrut dans de telles proportions le contrôle de l’administration communale que l’autonomie des villes ne fut plus qu’un mot vide de sens.

Dans les institutions relatives au calcul du temps, flux poids et mesures et aux monnaies, l’autonomie municipale n’a qu’un champ d’action restreint.

Le calendrier romain s’étend à tout le territoire habité par les citoyens[139]. Il n’y a qu’une seule exception : la ville italique de Neapolis indique encore, sous les Flaviens, dans ses décrets les mois et les jours d’après son ancien calendrier sans y ajouter l’équivalence romaine[140]. — Il n’y a pas de procédé de calcul des années de l’empire qui soit politiquement en usage. Le calcul fait par une ville en partant de l’année de sa fondation se rencontre, quoique peu fréquemment, aussi bien chez des colonies[141] que chez des municipes[142]. — Pour l’usage de dater par les magistrats romains, les mêmes règles sont en vigueur dans les colonies et les municipes de citoyens qu’à Rome même. — Les cités de citoyens étaient certainement, dès avant la guerre sociale, libres de dater par leurs magistrats propres[143], et on peut voir là un élément essentiel de leur quasi-autonomie. Il y a sans doute une relation entre ce fait et celui d’après lequel, même dans les provinces, les villes de citoyens, quoique aussi bien soumises au gouverneur que les villes sujettes, ont évité de dater par son nom.

Poi3setroieeures. La tolérance ou l’indifférence manifestée par les Romains, en matière de poids et mesures à l’égard des membres de l’empire, peut s’être exercée en partie relativement aux anciens usages des cités qui avaient été autonomes avant d’entrer dans le corps des citoyens ; cependant cela n’a guère pu durer longtemps. A Pompéi, ville fédérée osque transformée en colonie par. Sulla, les mesures indigènes de longueur[144] et de capacité[145] ont, nous en avons la preuve, été supplantées par les mesures romaines ; mais la dernière transformation tout au moins semble ne s’être opérée que sous Auguste.

Le droit de battre monnaie n’appartenait pas, du temps de la République, aux cités de citoyens complets, — nous nous sommes déjà occupés des cités de demi-citoyens, — sauf une exception unique faite pour la ville italique de Pæstum, qui, nous ne savons pourquoi ni depuis quand, a frappé des monnaies de cuivre jusqu’au temps de Tibère[146]. Le régime est resté le même pour l’Italie sous le Principat. Mais le droit de battre monnaie a été accordé à des villes extra-italiques, par des privilèges spéciaux, sinon déjà sous la dictature de César, au moins sous le triumvirat et ensuite sous le Principat[147], par l’empereur ou par le gouverneur, tantôt à titre permanent[148], tantôt pour une émission isolée[149]. Le nombre des colonies et des municipes parvenus au droit de battre monnaie est restreint ; mais les cités de citoyens qui ont eu ce droit en ont pour la plupart fait usage amplement et longtemps.

 

 

 



[1] V. tome I, la partie préliminaire, sur les magistrats municipaux.

[2] Il faut remarquer la délimitation énergique faite entre la cité urbaine de Rome et les communautés extérieurement analogues. On ne tonnait encore aucun cas où l’une des désignations techniques de la magistrature suprême se rencontre dans un vicus, un pagus ou un collegium ; l’édilité elle-même s’y rencontre très rarement. Les exceptions provinciales, qui se présentent sous l’Empire pour le décurionat, ne font que confirmer la règle.

[3] Les vieux cognomen patriciens locaux sont, pour partie, empruntés à d’anciennes cités de cette espèce : ainsi les surnoms Camerinus des Sulpicii, Medullinus des Purii, sans doute aussi Maluginensis des Cornelii et certains autres pour lesquels le rapport local nous échappe ; mais ils sont mis absolument sur la même ligne que les surnoms Capitolinus, Aventinus, Cællomontanus, Sacraciensis, Vaticanuus, et ils ne font que confirmer le fait que ces localités ont légalement cessé d’exister ; car le nom ethnique d’une cité existante n’est jamais employé comme surnom patricien. Les Sulpicii et les Furii peuvent parfaitement être entrés dans le patriciat romain lors de la dissolution de ces anciennes cités, quoique naturellement la dénomination puisse aussi venir d’autres causes.

[4] En particulier, le statut de Genetiva a montré que la colonie a ses fondateurs pour patrons nés, tout comme la cité dépendante a pour patron celui dans les mains duquel elle a fait sa soumission, tandis que les autres patrons viennent tous d’un choix (adoptio). Eph. ep. II, p.147.

[5] Ces conventions entre Rome et les colonies de citoyens sont rédigées par écrit (Tite-Live, 27, 38, 3), comme c’était depuis longtemps l’usage dans les rapports internationaux. Naturellement cela n’empêche pas que notamment celle d’Ostie n’ait pu être rédigée par écrit seulement plus tard.

[6] Rien ne montre mieux le caractère sacerdotal de ces positions que l’enfant de quatre ans pr(ætor) pr(imus) sacr(orum) Volk(ani), C. I. L. XIV, 306. Ce point est développé plus longuement, Eph. epigr. III, p. 326.

[7] Le prêtre le plus élevé d’Ortie est le pontifex Volcani et ædium sacrarum qui est, comme les pontifes de Rome, directement affecté au culte du dieu le plus élevé, mais en même temps à celui de tous les à feux (cf. tome III, la théorie da Grand Pontificat, aux préliminaires, sur la représentation de tous les dieux par les pontifes).

[8] Il est impossible qu’Ortie ait d’abord eu des préteurs et des édiles ayant la plénitude des droits, et qu’ils aient ensuite été maintenus ad sacra après l’introduction du système duoviral ; c’est d’autant plus impossible que cette cité n’est guère dans un autre rapport avec Rome que le Palatin avec l’Esquilin, qu’elle n’a pas eu d’histoire propre, et que la préture a été et est restée, dans tout le Latium, l’autorité suprême. Cette institution est évidemment un compromis entre l’inadmissibilité théorique de magistratures distinctes dans une communauté de citoyens et la similitude de fait d’Ostie et de Tibur ou Tusculum.

[9] Cela nous est rapporté d’Anagnia en l’an 448 ; mais c’est là certainement l’application la plus récente plutôt que la plus ancienne d’une procédure qui a assurément été fréquente.

[10] Tite-Live, 8, 14, 8 : Antium nova colonia (par opposition à celle plus que problématique de 287, Tite-Live, 3, 1) missa cum eo ut Antiatibus permitteretur, si et ipsi adscribi coloni vellent... et civitas data. Cf. C. I. L. X, p. 660.

[11] Tite-Live, 9, 20, 10.

[12] Kubitscheck, dont le travail attentif, De Romanorum tribuum origine ac propagatione (Vienne, 1882), a éclairci ces faits sous beaucoup d’autres rapports, n’a pas compris p. 126, leur côté juridique, en particulier la relation de la tribus et de l’origo.

[13] Ulpien, Digeste, 50, 1, 1, pr. Cod. Just. 10, 10 [39], 7.

[14] V. tome IV, dans la théorie de la Censure, la section de la confection des listes, sur la tribu individuelle après la guerre sociale.

[15] Lorsque le droit de cité complet fut accordé, à la place du demi-droit de cité qu’ils avaient eu jusqu’alors, aux Fundani, aux Formiani et aux Arpinates, rogatio perlata est, ut in Æmilia tribu Formiani et Fundani, in Cornelia Arpinates ferrent, atque in his tribubus tum primum ex Valerio plebi scito censi sunt (Tite-Live, 38, 36). On n’a pas le droit de conclure de là que tout individu avant son droit d’origine à Arpinum put voter dans la tribu Cornelia, même s’il ne satisfaisait pas ans conditions de capacité requises pour appartenir à une tribu rustique selon le droit de l’empiré, mais seulement que l’Arpinate dont les propriétés foncières se trouvaient ailleurs que dans la tribu Cornelia était cependant inscrit dans cette tribu.

[16] Cicéron, Phil. 3, 6, 15.

[17] Modestin, Digeste, 50, 1, 33, et 27, 1, 6, 11. Callistrate, Digeste, 48, 22, 18, pr. Aristide, Laud. Rom. éd. Dind. p. 346. Il résulte même de là des conséquences juridiques en tant que les prestations publiques peuvent être fournies à Rome, l’obligé peut y satisfaire là aussi bien que dans sa cité d’origine (Modestin, Digeste, 27, 1, 6, 11). Au surplus, cf. Savigny, System, 8, 55 et ss. = tr. fr. 8, 58 et ss.

[18] Domus et origo sont les deux expressions techniques pour désigner la patrie romaine au sens étroit, tandis que civitas et patria s’emploient également pour le cercle étroit et le cercle large. Domus, qui est fréquemment employé par les Romains pour faire opposition à la capitale de l’empire (par exemple, Cicéron, Verr. l. 1, 17, 45 ; Tite-Live, 8, 19, 4) et qui notamment est appliqué dans l’expression domum revocare (Digeste, 5, 1, 2, 3, etc.) à l’exception déclinatoire de compétence de l’individu appartenant à l’empire qui se trouvé à Rome, est placé, comme exposant, devant l’indication de la ville d’origine, dans les listes de soldats du temps de l’Empire (Hermes, 19, p. 25). — Les jurisconsultes, eu dehors de la formule revocare domum, désignent en général la patrie par opposition à Rome par le mot origo, qui ne s’applique pas qu’à la ville et qui exprime l’idée juridique générale. Parfois l’État et le lieu auquel on appartient sont indiqués l’un à côté de l’autre, ainsi dans l’inscription d’Heddernhein (Brambuch, C. I. Rh. 1444) de deux frères c(ives) R(omani) et Taunenses ex origine patris. — Dans l’inscription de 244, C. I. L. VI, 593, les noms des soldats sont indiqués cum tribu[bu]s et patriis. — Sur l’emploi de chis dans la désignation de la ville patrie, cf. Hermes, 19, 25 et ss.

[19] Ulpien, Digeste, 50, 16, 15. Inscription de Pompéi, C. I. L. V, 737. C’est pourquoi communis est toujours employé pour la propriété communale aussi bien par Varron (5, 21) et Cicéron (Ad fam. 13, 11, 1 ; cf. tome IV, la théorie de la Censure, à la section des Ultro tributa, sur les marchés relatifs à l’entretien des propriétés publiques) que constamment dans le statut de Malaca.

[20] C’est là sans doute aussi la cause pour laquelle les præfecti Capuam Cumas survécurent à la guerre sociale (cf. tome IV, la théorie des Vigintisexviri, sur ces préfets). Mais, puisqu’ils ne disparurent pas à la fondation de la colonie de Capua et que ce fut seulement Auguste qui les supprima, ils ont forcément subsisté un certain temps in partibus.

[21] Selon Frontin, il y avait encore en Italie, sous le Principat, des saltus privati qui étaient en dehors des territoires des villes. Pline, 3, 15, 116, cite parmi les cités de la huitième région d’Italie, des saltus Galliani qui cognominantur Aquinates (cf. le proc. ad prædia Galliana impérial, C. I. L. III, 536 et C. I. L. XI, p. 170). D’après la citation faite dans la table alimentaire de Veleia, 6, 721, des grands saltus appartenant à la colonie de Luca : Qui sunt in Lucensi et in Veleiate et in Parmense et in Placentino et montibus adf(inibus), les territoires indiqués ne comprennent pas les montes cités en dernier lieu, qui étaient cependant des possessions privées. Il y a de même des ensembles de terres qui se trouvent en dehors des territoires des villes, en grande quantité dans les provinces, notamment en Afrique (Hermes, 13, 391 et ss.). Au commencement, ils ont tous été en la propriété de l’État, et même par la suite ils apparaissent pour la plupart comme des possessions impériales ; mais ils peuvent naturellement être transmis à des particuliers, sans que cette mutation de propriété entraîne leur entrée dans le territoire. Il ne feint pas confondre avec ces saltus les subsiciva, les pièces de terre restées indivises, et par conséquent en la propriété de l’État, dans l’intérieur des territoires.

[22] Lex Julia mun., ligne 85 et ss. Il est attribué là aussi clairement que possible (quoique cela soit nié par Marquardt, Handb. 4, p. 11, note 8, et p. 12, note 1 = tr. fr. 8, p. 14, notes 2 et 4) des magistrats propres et un conseil communal propre non seulement au municipium et à la colonia, mais aussi à la præfectura ; et de nombreux autres passages de cette loi et de la loi Rubria s’expriment de même.

[23] Asconius appelle les rusticæ tribus propriæ ingenuorum. De ce qu’au temps de Cicéron les citoyens propriétaires fonciers étaient dans les tribus rustiques, il ne résulte pas que ces tribus fussent exclusivement composées d’eux.

[24] Cicéron, Pro Mur. 20, 42. [Q. Cicéron], Comm. pet. 8, 29.

[25] Le droit de cité romaine ne peut pas être conféré à un Égyptien appartenant à un nome ; car il ne peut pas, comme citoyen, avoir le nome pour patrie ; il faut par conséquent, pour lui faire acquérir le droit de cité de l’empire, lui donner en même temps le droit de cité d’Alexandrie (Pline Ép. ad Traj. 6). Il en est probablement de même pour toutes les cités de l’empire qui ne sont pas organisées sur le type urbain, et ce doit être la raison pour laquelle les citoyens romains indiquent, dans les inscriptions, comme patrie fréquemment des villes ale non citoyens, mais pour ainsi dire jamais des cités non urbaines. Ce point est développé plus en détail, Hermes, 19, 23 et ss.

[26] Les nouvelles maisons patriciennes ont la tribu du lieu auquel elles appartiennent. M. Lollius Paullinus Valerius Asiaticus Saturninus, consul en 93 (C. I. L. XIV, 2340) et Valerius Asiaticus consul II en 125 (Inscription de Samos, Monatsherichte de Berlin 1863, p. 78) descendants de Valorius Asiaticus, consul en 46, originaire de Vienne (Tacite, Ann. 11, 1), sont de la Voltina, qui est la tribu de cette ville ; de même le patricien L. Eggius Ambibulus, consul en 126, a la tribu Cornelia, qui est celle d’Æclanum, sa patrie (C. I. L. IX, 1123).

[27] Telle est, par exemple, la famille des Pomponii qui font remonter leur arbre généalogique au roi Numa et lui par suite sont comptés parmi les Romains primitifs (Nepos, Att. 1), telle est encore celle des Papirii plébéiens, parmi lesquels, sous le Principat, les Carbones se trouvent dans la Clustumina (C. I. L. VI, 1317) et les Massones dans la Velina (C. I. L. VI, 1451).

[28] V. tome I, la partie des Servi publici, sur leur condition juridique.

[29] Ulpien, 3, 5. L’application de cette règle s’aperçoit dans l’inscription commémorative dédiée par seize de ces soldats, en 203, en souvenir de l’obtention par eux du droit de cité, ou plutôt de sa conséquence, de leur admission aux frumentationes (C. I. L. VI, 220). Ce n’est pas l’ingénuité qui est conférée, mais le droit de cité et en même temps, même pour les affranchis, la tribu rustique. Cinq d’entre eux se qualifient du nom d’affranchis. Onze se donnent un père. Les premiers sont donc des Latini Juniani, les autres probablement, puisque cette condition était héréditaire, des enfants de tels Latins. Six, parmi lesquels deux affranchis, se donnent la tribu Fabia et Rome pour patrie, dix indiquent d’autres villes ou d’autres pays comme leur district d’origine. On ne voit pas clairement selon quelles règles cette patrie se déterminait. Peut-être était-ce d’après le pseudo patron, et alors ceux attribués à Rome ont-ils été affranchis par l’État de cette façon.

[30] Ulpien, Digeste, 50, 4, 3, pr. Il n’y a aucun obstacle à comprendre dans ce sens l’inscription de Bordeaux (Cam. Jullian, Inscr. romaines de Bordeaux, 1, p. 135) d’un decurialis lictor, cives urbicus ; le citoyen de l’État s’appelle toujours civis Romanus. — Le fait que la notion de l’incola ne s’applique aucunement à la capitale — la femme mariée qui ne vit pas au lieu ou est sa patrie, satisfait à ses obligations municipales personnelles à son domicile, si non in urbe Roma maritus ejus constat ; dans ce dernier cas, n’y étant pas obligée par l’incolat, elle y satisfait dans sa patrie (Cod. Just. 10, 614 1) — s’explique par l’idée qu’il n’y a pas là de munera au sens municipal.

[31] Ainsi par exemple, dans l’inscription de Puteoli, C. I. L. X, 2569, le père C. Julius Musogenis f. Menophilus, sans doute fils d’un affranchi impérial, est dans la tribu impériale Fabia, et les deux fils sont dans la Falerna, qui est probablement la tribu de Puteoli. Dans une autre inscription de Salonæ (C. I. L. III, 2097), C. Julius Sceptus, affranchi de l’affranchi impérial Admetus, est en dehors des tribus, mais ses trois flic appartiennent à la tribu Trementina, qui est celle des Salonitains.

[32] M. Æmilius M f. M. nep. Quirina Rectus est désigné sur trois inscriptions (C. I. L., II, 3423. 3124 et Eph. ep. III, n. 35) comme domo Roma, qui et Carthaginensis et Sicellitanus et Assotanus et Lacedæmonius et Argiaus et Bastetanus, et en outre, dans les inscriptions dépliées par lui à Karthago nova, comme civis adlectus : il est par conséquent dit expressément là qu’il changea de patrie par adlectio et qu’il prit la tribu de Karthago nova, la Quirina, quoiqu’il continuât peut-être abusivement à se dire domo Roma. Le cumul de six droits de cité locaux, qui se présente ici contrairement au principe de l’unité du droit de cité local, doit s’expliquer par le fait que l’adlection de telles personnes n’ayant pas de cité locale était par exception permise aux cités, et que par suite il pouvait y avoir un concours ; en droit, c’était sans doute la priorité qui décidait.

[33] V. tome V, la partie de l’administration de l’Italie, sur l’intervention de l’empereur dans l’administration municipale.

[34] Cicéron, Phil. 6, 5, 22.

[35] Paullus Æmilius Paulli f. Pal. Regillus, questeur sous Tibère (C. I. L. II, 3337).

[36] C. I. L. VI, 2125 : L. Manlio L. f. Pal. Severo regi sacrorum.

[37] Kubitschek, De Rom. trib. origine, p. 148, a rendu très probable que les empereurs claudiens appartiennent à la Quirina, attendu que de nombreuses personnes qui tirent d’eux leur droit de cité appartiennent à cette tribu. Nous ne savons pas à quel territoire appartenait, à l’époque récente, la vieille localité sabine de Regillum, à laquelle cette famille rattachait son origine ; Reate et d’autres cités sabines votaient dans la Quirina, et cette tribu peut avoir été choisie en considération de cela.

[38] Les Julii appartiennent à la Fabia, ainsi que je l’avais conjecturé Eph. ep. III, p. 232, avec des arguments qui n’étaient pas à vrai dire décisifs (d’après Suétone, Aug. 40 : Fabianis et Scaptiensibus tribulibus suis, où la Scaptia doit appartenir aux Octavii, c’est-à-dire à la ville de Velitræ dont la tribu n’est pas autrement connue) et que Kubitschek, p. 446, l’a établi par de nombreux exemples de personnes dont le droit de cité se rattache à des concessions personnelles des empereurs de la dynastie julienne et qui appartiennent à cette tribu. On ne discerne pas de rapport spécial entre les Julii albains et les Fabii de l’ancienne Rome ; la tribu des Albani Longani Bovillenses, dans le territoire desquels était placé l’ancien sanctuaire de la famille (C. I. L. XIV, 2387), n’est pas connue. Dans la liste de sénateurs d’Adramytes (Eph. ep., IV, 212), on trouve un Λεύκιος Ίούλιος Σέξτου.... να, par conséquent tribale d’une autre tribu que la Fabia ; mais ce titre se place vraisemblablement à l’époque antérieure à Sulla, où la tribu était encore mobile.

[39] Cicéron, Phil. 9, 7, 45. Josèphe, Ant. 14, 10, 10, où le vieux manuscrit de Leyde lit : Σερουίνιος παππίνιος νεμωνία κύιντος.

[40] Deux Valerii Poplicolæ, assurément récents, mais patriciens, se placent dans la Claudia (C. I. L. VI, 1531. 1532).

[41] Il n’y a pas de documents qui attestent cet usage de Roma chez les patriciens, et il ne peut y en avoir ; car la domus ne figure jamais dans le système des noms de la noblesse.

[42] On trouve une quantité d’inscriptions de la tribu Fabia avec l’indication de Rome comme patrie ; la plus ancienne est de l’an 74 (C. I. L. III, p. 852) la plupart appartiennent n des soldats des vigiles ou des cohortes urbaines (C. I. L. VI, 14. 221. 477. 2384 + 3831. 2895. 2902) ou à d’autres soldats (Eph. ep. II, 337. 633. Orelli, 1646 = C. I. L. XI, 3057), quelques-unes à des chevaliers romains (C. I. L. III, 435. 3646).

[43] Ti. Memmius Ti. f. Palatina Ulpianus Roma, chevalier romain (C. I. L. VIII, 2623 et Eph. ep. V, 701) ; cas analogues C. I. L. VIII, 2535 (de l’an 144). 9359. La liste de prétoriens de l’an 144 (C. I. L. VI, 2375) indique dix soldats ayant la même patrie ; la tribu n’est pas ajoutée.

[44] Un entant Q. Sulpicius Q. f. Cla. Maximus domo Roma participa à l’Agon du Capitole de l’an 94 (Kaibel, Epigr. Græc. n. 618), son père Q. Sulpicius Eugram(m)us est évidemment un affranchi.

[45] C. I. L. II, 2600.

[46] A la vérité les Nummii, patriciens de création récente, appartiennent aussi à la Palatina, C. I. L. V, 4347. On trouve même dans la Collina un patricien de la maison des Matii (C. I. L. V, 3812) qui a reçu le patriciat au plus tôt de César.

[47] La corrélation des deux mots avec l’acte de la fondation de la ville, qu’affirment les grammairiens romains (Varron, De l. L. 5, 141 et ss.) est rendue certaine par l’usage. Pour urbs, elle n’a pas besoin de preuve. Pour oppidum (anciennement oppodum), il faut rappeler l’emploi du mot relativement aux carceres du cirque. L’étymologie des deux est controversée (Curtius, Griech. Etym. p. 79. 245 ; Corssen, Aussprache, 1, 170. 2, 870) ; mon collègue J. Schmidt fait venir avec vraisemblance oppidum de la préposition et de la racine d’où est sorti le germanique fat, l’allemand Fass, ce qui donne le sens primitif de clôture. — Il s’agit toujours, même pour oppidum, de l’enceinte de murs du droit public, et non des fortifications militaires. Le sens politique du mot, l’opposition dans laquelle il est aussi bien avec la forteresse sans commune (castrum, castellum) qu’avec la commune sans point central, ressort de la manière la plus claire dans les listes employées par Pline, en particulier 3, 1, 18, où l’Espagne citérieure est représentée comme composée de 294 civitates ou populi indépendants, parmi lesquels 193 sont des oppida.

[48] V. des exemples épigraphiques de ces expressions surtout C. I. L. V. p. 4196. IX, p. 753. X, p. 1157 ; Orelli, 3706 = C. I. L. XI, 3807.

[49] Si, dans la loi Rubria qui est rédigée avec soin, les cités de citoyens sont constamment désignées par la formule : O(ppidum) m(unicipium) c(olonia) p(ræfectura) f(orum) v(eicus) c(onciliabulum) c(astellum) t(erritorium)ve, c’est évidemment parce qu’oppidum est le nom général embrassant toutes les catégories qui suivent. Il est encore dit d’une manière analogue dans Paul, Sent. 4, 6, 2 : Testamenta in municipio (Mss. : municipiis) colonia oppido (Mss. : oppidis) præfectura vico castello conciliabulo facia. S’il est dit au contraire dans l’ancienne loi repetundarunt, ligne 31 : In terra Italia in oppedeis foreis conciliab[oleis, ubei jure deicundo præsse solent, aut extra Italiam in oppedeis foreis con]ciliaboleis, ubei joure deicundo præsse solent, il s’y agit des villages dépourvue de statut communal dans lesquels la justice n’est pas rendue forcément, mais est rendue en pratique, certainement des præfecturæ qui existaient encore dans leur caractère primitif à l’époque de la confection de cette loi. Il y a également dans la loi agraire, ligne 5 : In orbe (c’est-à-dire dans la ville de Rome), oppido (dans une circonscription urbaine) vico (dans une parcelle de terre qui ne fait partie d’aucune circonscription urbaine). Lorsque la ville de Genetiva est désignée dans son statut communal comme étant oppidum coloniave (c. 73), ou oppidum colonia (c. 75. 76) ou colonia oppidum (c. 91), cela veut dire qu’elle est une colonie et qu’en outre en tout cas elle est une ville.

[50] Ce langage se révèle de la manière la plus claire dans les listes de Pline. Naturellement les déterminatifs honorifiques y sont régulièrement ajoutés et celui de la troisième classe en général omis ; cependant oppidum peregrinorum se trouve 5, 2, 19.

[51] Ligne 31 : [Quei colonieis seive moi]nicipieis seive quæ pro moinicipieis colo[nieisve sunt civium Rom.] sociumve nominisve Latini... ager fruendus datus est. Plus loin : [Quei] pro colonia moinicipiove prove moinicipieis fruentur, où pro est employé dans une double acception et où l’idée est : Pro colonia municipiove prove oppido quod pro municipio est.

[52] La liste qui se trouve dans la loi Rubria et qui est la plus développée de toutes et la liste parente de Paul ont déjà été citées, note 50. La première loi dit, par abréviation, 1, 42, municipium colonia locus et, dans le fragment d’Este (s’il en fait réellement partie) municipium colonia præfectura. La loi Julia municipalis contient à peu près aussi fréquemment l’une que l’autre la formule à cinq termes municipium colonia præfectura forum conciliabulum et la formule à trois termes que nous venons d’indiquer en dernier lieu. La loi Julia agraire réunit les diverses concessions de statuts de ville par les mots (Lachmann, p. 263) : Quæ colonia hac lege deducta quodve municipium præfectura forum conciliabulum constitutum erit (Lachmann, p. 263, 5 ; de même, p. 263, 9. 264, 7. 10) et elle dit plus loin (p. 265, 5) : Quicumque magistratus in ea colonia municipio præfectura fora conciliabulo jure dirundo priærit. [Q. Cicéron], Comm. pet. 8, 30 : Ne quod municipium, coloniam, præfecturam, locum denique Italiæ ne quem esse paliare. La désignation à trois termes municipium colonia præfectura, que nous trouvons aussi dans les lois de César, prédomine surtout dans Cicéron (Pro Sest. 14, 32 ; Philipp. 4, 3, 7 ; [Q. Cicéron], loc. cit. ; aussi Siculus Flaccus, p. 163, 23. — Municipium præfectura colonia, Cicéron, Phil. 2, 21, 58. In Pison. 22, 51. — Colonia municipium præfectura, Siculus, p. 135, 2. 163, 27). La formule à deux termes se rencontre aussi à l’époque ancienne (Cicéron, Phil. 3, 5, 13. c. 15, 38. De domo, 28, 75 : Municipiorum et coloniarum et totius Italiœ decreta) et elle est plus tard seule employée par exemple municipia et (atque) coloniæ, Salluste, Cat. 58, 9 ; César, B. G. 8, 3 ; Auguste, Mon. Anc., 4, 27 : 29 ; coloniæ et municipia, Salluste, Cat., 17, 4 ; de même Auguste, Mon. Anc. 1, 17, évidemment parce que les præfecturæ commencent à l’époque récente à être appelées municipia.

[53] L’emploi primitif de colonia pour designer une exploitation rurale s’est maintenu dans la langue technique, montrent la table de Veleia (par exemple, 6, 40, saltum Drasianum eum colonis duabus Magiana et Ferrania ; 2, 89, fundum Julianum cum figlinis et coloniis VIIII) et l’usage qu’en font les Gromatici ; dans le latin littéraire, il a été effacé par le sens politique du mot.

[54] Il est avantageux de rapporter à cette origine l’emploi fait de colonia pour désigner la localité, soit parce qu’on obtient ainsi un sens plus concret, soit parce qu’il est hasardeux d’attribuer au mot un double sens primitif, ainsi qu’il faut le faire si on l’assimile à άποικία.

[55] Naturellement il s’agit des hommes et non pas de la fondation même : une localité, qui reçoit pour le tout ou du moins pour la plus gravie partie de nouveaux citoyens, est une colonia, alors même quelle conserve son nom et ses murs. Un établissement fait sans constitution de commune est parfaitement concevable, et certains conciliabula civium Romanorum, certains villages de citoyens peuvent être nés de cette façon (V. Tite-Live, 32, 7, 3 et la note sur ce texte, dans la théorie de la Censure ; au sujet de la mise à ferme des vectigalia) ; mais c’est seulement lorsque, dans l’assignation, on a l’intention d’établir une communauté durable entre les immigrants (dans les colonies de citoyens, d’abord pour mettre une garnison dans les ports), qu’il y a une colonia au sens légal et que les annales en relèvent la fondation.

[56] J’ai antérieurement regardé les coloni que le gouvernement romain fit conduire en 547 de oppidis Siculorum à Akragas (Cicéron, In Verr. l. 2, 50, 423) comme des colons latins (R. M. W., p. 663 = tr. fr. 3, 235 ; cf. Handbuch, 4, 245 = tr. fr. 8, 233, où cette opinion est repoussée avec raison, mais où la question de savoir ce qu’était alors cette colonie n’est même pas posée). Mais l’unique monnaie de cette ville avec la légende latine AERIGENT (sic) (Salinas, Monete Sic. tav. XIII, 33, n. 350) remonte difficilement à un temps aussi reculé et appartient sans doute à l’époque de la latinité générale de la Sicile. Quella moneta, m’écrit Salinas, qui n’en connaît pas d’autre exemplaire que celui de Paris, ha una grande analogia con la serie segnata pure con la Trinacria (Landolina Paterno, lettera al Riccio) e con la moneta cesarea di Lilibeo. D’autre part, il est établi qu’Agrigente n’avait pas, du temps de Cicéron, une condition juridique meilleure que la masse des civitates stipendiariæ de Sicile. Cela conduit avec nécessité à y voir une colonia peregrinorum, et une colonie de pérégrins qui se distingue des autres villes pérégrines seulement par son origine et non par sa condition légale. — Peut-être cela donne-t-il aussi la solution de l’aporie jusqu’à présent non résolue qui existe au sujet des villes africaines de Curubis et d’Hippo. La première a, d’après des témoignages épigraphiques, reçu une enceinte de murs sous César et s’appelle colonia Julia (C. I. L. VIII, 977. 980) ; mais la liste digne de foi de Pline, 5, 4, 24, l’appelle oppidum liberum, c’est-à-dire cité de pérégrins autonome. Si César a déduit cette cité (et probablement en même temps Clupea) comme ville (oppidum dans l’inscription 977) du droit pérégrin de la meilleur qualité, elle était à la fois une colonie et une ville autonome. De même Hippo Diarrhytus s’appelle dans l’inscription C. I. L. VIII, 1206, colonia Julia, sur ses monnaies (Müller, Num. de l’ancienne Afrique, 2, 107), Hippo libera. Le droit pérégrin ainsi accordé pouvait être contenu dans des lettres d’alliance, comme celui d’Athènes, ou être simplement précaire comme celui d’Éphèse. La seconde forme a été employée pour Akragas, la première pour Curubis et Hippo.

[57] Condere coloniam peut à la rigueur désigner la fondation d’une cité urbaine se confondant avec l’ancienne quant aux personnes qui la composent. La dissolution du peuple ancien et la création du peuple nouveau se présentent même en l’absence de déduction.

[58] Aulu-Gelle, 16, 13, 3. La prière adressée par les Prénestins à l’empereur Tibère de changer leur droit colonial venant de Sulla en droit municipal (Aulu-Gelle, loc. cit.) semble être surtout une protestation faite après coup contre un acte de violence et une demande de restitution dans leur premier état. Tibère accueillit la demande, mais la ville resta cependant colonie (Hermes, 18, 161), probablement parce qu’il n’y avait pas de procédé légal pour faire la transformation. Cette pétition prouve en tout casqué que la supériorité hiérarchique des colonies n’était pas encore établie eu temps de Tibère. Le premier rang occupé constamment par les colonies dans la loi agraire du dictateur César et dans les listes de Pline n’est pas une objection ; car il s’explique, dans la première, par le but propre de la loi qui était la fondation de colonies, dans les secondes, par ce fait que, dans les listes de villes du temps d’Auguste, ses colonies étaient surtout mises en évidence (Hermes, 18, 196 et ss.). Mais la préséance postérieure des colonies se manifeste dans le premier rang qui leur est toujours donné chez Frontin et les Gromatici postérieurs (Rudorff, Feldmesser, 2, 416). C’est probablement par un phénomène corrélatif que les duumvirs, qui, à l’époque ancienne, sont surtout propres aux colonies, supplantent postérieurement de plus en plus les quattuorvirs municipaux, et que ces derniers manquent notamment presque complètement dans les villes provinciales ; si, comme le dit Aulu-Gelle, la colonie semblait aux modernes se rapprocher plus étroitement de la ville de Rome que le municipe, ou devait pour la même raison et à plus juste titre y donner la préférence au duumvirat sur le quattuorvirat.

[59] Hadrien (dans Aulu-Gelle, loc. cit.) invoque comme exemples de telles transformations, blâmées par lui, Italica en Bétique et Utique en Afrique, qui en effet prennent postérieurement la première (C. I. L. XII, 4856) aussi bien que la seconde (C. I. L. VIII, p. 149) le nom de colonia Ælia.

[60] C’est là dans la définition de Servius la troisième de trois espèces de municipia civium Romanorum. Dans les exemples, on ne trouve aucune ancienne localité de demi-citoyens. Au contraire on y voit soit les municipia latins, tant les vieilles cités latines (Tibur et Préneste) que les colonies latines (Sutrium, Nepet, Placentia, Bonocia), soit les villes fédérées de droit non latin (Loeri, Pisæ, Urvinam, Nola). Les dernières ne sont pas assurément des municipia dans l’ancien sens du mot ; mais la fusion des Latins et des autres fédérés d’Italie explique que toutes les cités italiques passées de I’indépendance dans de corps des citoyens aient pris la dénomination de municipium.

[61] Municipium et colonia s’excluent dans l’ancien régime tout au plus dans le langage. Il n’est pas en contradiction avec l’exclusivisme légal qui existe postérieurement entre les deux catégories que l’on rencontre parfois sous le même nom et dans la même ceinture de murailles des municipes et des coloni les uns à côté des autres, connue à Pompéi (C. I. L. X, p. 89), à Intertamnia des Prætuttii (C. I. L. IX, 3074), à Arretium, tantôt avec un ordo simple, tantôt avec un conseil communal pour chacun.

[62] C’est ce que prouvent, outre la définition de Servius, les institutions urbaines de toutes les anciennes colonies latines. Lorsque Asconius dit, éd. Orelli, p. 3 : Magnopere me hæsitare confiteor, quid sit quare Cicero Placentiam municipium esse dicat, nous ne pouvons que nous étonner de l’ignorance juridique d’un homme aussi instruit en philologie et en histoire.

[63] La définition donnée par Aulu-Gelle, 16, 13, 6, du municeps de son temps : Municipes ergo sunt cives Romani ex municipiis legibus suis et suo jure utentes, muneris tantum cum populo Romano honorari participes, a quo munere capessendo appellati videntur, nullis aliis necessitatibus neque ulla populi Romani lege adstricti, nisi in quam populus eorum fundus factus est, est un véritable chef-d’œuvre de confusion historico-juridique et de mélange de l’ancien et du nouveau langage. Ce qui y est dit s’accorde avec l’ancien langage, en en supprimant les mots du début, (car l’ancien municeps n’est pas citoyen), et la transposition de la participation au munus c’est-à-dire aux charges publiques, en une participation honorifique à ce munus, qui, si elle veut dire quelque chose, ne peut signifier que le droit aux magistratures, précisément fermées à l’ancien municeps. Les municipes de l’époque récente sont à la vérité des cités de citoyens romains. Mais ils n’ont ni plus ni moins de droit propre que les colonies ; l’assertion selon laquelle les lois romaines ne s’appliqueraient à eux qu’autant qu’ils les auraient acceptées est une bévue inexcusable même chez un non jurisconsulte ; et le peuple récent de l’empire se composant notamment de ces peuples de villes, il est plus que faux de mettre, comme ce texte, le municipe sur la même ligne que le peuple de l’empire.

[64] Forum Clodii, dans l’Étrurie méridionale, à l’emplacement actuel de Bracciano, situé au bord de la voie Clodia conduisant de Luca par Arretium et Clusium à Rome, est sans doute né en qualité de marché en même temps que la route, mais il s’appelle plus tard dans la liste d’Auguste (Pline, 3, 5, 52, classé sous la lettre p) præfectura Claudia fora Clodi, et ses citoyens s’appellent dans une inscription récemment découverte (C. I. L. XI, 3310a) Claudienses ex pæfectura Claudia.

[65] C. I. L. IX, p. 787. Les magistrats des anciennes præfecturæ ont aussi fréquemment des titres divergents ; si les lois visent, à côté des duumvirs et des quattuorvirs, ceux qui alio quo nomine magistratum potestatemve sufragio habent, il est sans doute fait par là principalement allusion aux trois édiles de Fundi et Formiæ et aux octovirs à Amiternum, d’autres lieux sabins.

[66] Marquardt, Handbuch, 4, p. 12, note 3 = tr. fr. 8, 15, note 2. Hermes, 18, 32.

[67] Interamnia des Prætuttii, dit Frontin, éd. Lachmann, p. 19, conciliabulum fuisse fertur et postea in municipii jus relatum. Cette cité n’a donc droit à aucun des trois noms légaux, et elle n’est pas non plus née comme marché romain ; mais le nom de conciliabulum civium Romanorum muni de magistrats et de décurions (qui n’a probablement jamais été employé comme titre officiel) lui convenait bien.

[68] Festus, p. 371 : Ex vicis partem habent rem publicam et jus dicitur, partim nihil eorum et tamen ibi nundinæ aguntur negotii gerendi causa et magistri vici, item magistri pagi quotannis fiunt. Mais, dans le texte de Gromm., p. 35, et p. 35, 13 et ss. (cf. p. 62, 19), qui remonte sans doute à Frontin, l’ager alicujus castelli aut conciliabuli nommé à côté de l’ager colonicus et municipalis doit sans doute être rapporté à la localité attribuée qui n’a pas de juridiction.

[69] Je ne connais pas à ce sujet de texte justificatif appartenant à l’Italie de la République ; plus tard le vicus Augustanus prés d’Ostie est devenu le municipium (C. I. L. XIV, 2043. 2049) Laurentium vico Augustano ou Laurentium Viciaugustanorum (C. I. L. XIV, p. 183).

[70] Les pagi ou castella d’Afrique qui ont des décurions (C. I. L. VIII, p. 1100) sont de cette espèce, mais ils sont plus récents. Je ne connais pas en Italie d’analogie certaine ; cependant le pr(ætor) ou pr(æfectus) j(ure) d(icundo) montis Dianæ Tif(atinæ) (C. I. L. X, 4364 ; cf. le même ouvrage, p. 367) peut se rattacher à cela.

[71] La singulière désignation de Peltuinum comme pars Peliuinatium en fournit un exemple.

[72] Le changement de dénomination, duquel il est superflu de donner d’autres preuves, peut notamment se suivre sur les inscriptions des anciennes præfecturæ. La dénomination Forum subsiste, mais uniquement comme nom propre ; car la détermination la plus fréquente, faite par la nom du magistrat qui avait créé la route, ne pouvait se passer d’un sujet ; la qualité juridique, du lieu est, à côté de cela, désignée selon les circonstances par colonia ou par municipium.

[73] Aulu-Gelle, 16, 13, 2 : Quotus enim fere nostrum est, qui, cum ex colonia populi Romani sit, non et se municipem esse et populares suos municipes esse dicat, quod est a ratione et a veritate longe aversum ? Ulpien exprime sans doute la même pensée, Digeste, 50, 1, 1, 1 : Hinc abusive municipes dicimus suæ cujusque civitatis cives, ut puta Campanos Puteolanos ; car les deux villes sont des colonies. L’habitude de langage blâmée là est suivie par de nombreuses inscriptions.

[74] Par abréviation, la colonie est souvent comprise dans l’expression municipium ; ainsi pour les stationes municipiorum du Forum romain (Suétone, Ner., 37).

[75] C’est ce que montre par dessus tout l’unité de l’origo et de la tribu mise en pratique dans la masse de nos inscriptions. L’exception isolée d’un homme ayant sa patrie à Neapolis en Afrique et résidant à Balsa en Lusitanie qui s’attribue à la fois l’Arniensis de sa patrie et la Galeria de sa résidence (C. I. L. II, 405 ; cf. le même vol. p. 4. 691) ne prouve que l’ignorance de ce provincial. Il en est de même des cas, qui ne sont guère mains rares, où l’incolat est assimilé à l’origo ; ainsi lorsque l’ordo de Singilia en Bétique à un affranchi ayant sa patrie à Corduba recipi[endo] in civium numerum quantum cui plurimum libertino decrevit (C. I. L. II, 2026). — Les recueils de droit sont en général d’accord avec ces principes. S’ils admettent par exception un double droit d’origine au cas d’affranchissement par deux patrons ayant un droit d’origine différent (Digeste, 50, 4, 7. l. 27, pr.) et au cas d’adoption (Digeste, 50, 4, 15, 3. l. 17, 9), la première décision est évidemment un expédient forcé et la seconde a sûrement été donnée pour empêcher de se soustraire aux charges municipales en changeant de patrie.

[76] Nous ne pouvons établir avec une sûreté complète l’existence du changement de cité locale autrement qu’en vertu d’une concession de I’empereur ; il doit donc avoir fallu une loi sous la République. Le cas principal se rattache à la constitution d’une cité de citoyens nouvelle ou à l’accroissement d’une pareille cité déjà existante ; les citoyens romains ayant une cité locale, qui sont pris pour en faire partie, perdent leur cité locale et leur tribu ancienne par l’acquisition des nouvelles (C. I. L. IX, 4681). La concession par l’empereur du droit de cité locale d’une cité de citoyens se rencontre aussi comme privilège individuel (v. tome V, la partie de l’administration de l’Italie, sur l’intervention de l’empereur dans l’administration municipale). — En dehors des privilegia de cette espèce, le changement de la cité locale (de citoyens ou pérégrino-latine) n’est mentionné qu’extrêmement rarement dans les recueils de droit et dans les inscriptions. L’adlection dans le peuple, c’est-à-dire la concession du droit de cité locale parla cité elle-même (édit d’Hadrien, dans Dioclétien, Cod. Just. 10, 40, 7 ; la seule mention qui en soit faite dans les ouvrages juridiques), se rapporte, au moins dans un cas, à la substitution d’une cité locale ordinaire à la cité locale supplétoire de la capitale. Orelli, 3711 = C. I. L. XI, 1617 est peut-être de la même espèce. Une autre situation exceptionnelle doit avoir servi de motif dans le cas de l’inscription de Lyon, Henzen, 6991, et dans un cas où, sur deux fils d’un père appartenant à la tribu de Saloum, à la Tromentina, l’un, decurio Salonis et Issæ, appartient également à la Tromentina, mais l’autre, decurio Issæ, appartient à la tribu de cette île, à la Sergia (C. I. L. III, 2074).

[77] Les institutions plébéiennes sont exclues ; la constitution municipale ne connaît pas, à la différence de celle des Italiens autonomes, d’autres édiles que les édiles curules (v. tome IV, la théorie de l’édilité moderne, sur le rang et les insignes des édiles curules, dernière note, et Hermes, 1, 66), ni de tribuns du peuple. La plebs des municipes doit s’entendre dans le sens expliqué dans la note 8 du § La nobilitas et l’ordre sénatorial, et le tribunus plebis de la colonie de Claude Teanum Sidicinum (C. I. L. X, 4197) est sans doute une invention de son fondateur amateur d’archéologie républicaine. Dans la recommandation électorale récemment mise au jour a Pompéi (Notizie degli scavi, 1887, p. 38) : L. Magium Celerem II(virum) v(irum) bonum C. Tampium Sabeinum, tri(bunum) ple(bis) v(irum) b(onum) o(ro) v(olo ?) vos faciat(is), qui est écrite sur stuc par dessus une inscription sur pierre certainement rédigée sous l’empire, un petit bourgeois d’opinions démocratiques peut avoir voulu présenter à ses concitoyens le futur édile comme un nouveau Gracchus.

[78] Il est caractéristique à ce sujet que le poste d’appariteur requiert, dans la colonie Genetiva, le droit de cité locale (c. 62 : Ex en numero qui ejus coloniæ coloni erunt) comme dans l’administration romaine, le droit de cité romaine (v. tome I, le commencement de la partie des Appariteurs).

[79] Pline, Ép. 1, 10. Pétrone, c. 44, en parlant d’un édile. C’est à ce taux que se lie l’idée d’homme ayant de la fortune ; 100.000 sesterces sont la limite des petites successions tant d’après la loi Voconia ou du moins son interprétation usuelle que pour l’affranchi.

[80] Hermes, 17, 640 et ss. Cela se montre particulièrement dans le Feriale de Cumes.

[81] Ælius Gallus dans Festus, p. 142. Quant au fond, c’est d’accord avec le statut municipal de Genetiva. La jurisprudence romaine moderne n’a plus d’expression technique pour l’έγκτησις grecque, depuis que municeps a pris un sens plus large ; incola est toujours rattaché au domicile (Digeste, 50, 16, 239, 1).

[82] Frontin, éd. Lachmann, p. 52 (Hermes, 18, 182).

[83] Rescrit de Caracalla, Cod. 10, 40 [39], 3 ; C. I. L. XII, 4535 ; de même C. I. L. II, 1055.

[84] L’ager privatus vectigalisque italique de la loi agraire de 643 est une anomalie éphémère, provoquée par le désordre agraire du temps des Gracques, qui ne fait que confirmer la régla.

[85] C’est pourquoi Antoine a établi à titre spécial l’immunité pour les lots qu’il a assignés à ses favoris dans le territoire de Leontini (Cicéron, Phil. 3, 9, 22).

[86] Les listes de Pline, venant du temps d’Auguste et dignes de foi en dehors d’interpolations isolées, citent diverses villes de Sicile comme colonie, oppida civium Romanorum, Latinæ condicionis et les autres comme stipendiaires (3, 8, 91) ; cela prouve, en tout cas, que les tales subsistaient alors, au moins en grande partie, malgré la concession générale du droit de cité faite à toute l’île. Il se peut que les trois catégories signalées soient désignées par là comme libres d’impôts ; cependant il n’est guère permis d’interpréter aussi strictement l’opposition.

[87] Puisque ce fut Sévère qui donna le premier le droit italique à Carthage, à Utique et à Leptis Magna, qui étaient alors toutes des colonies de citoyens (Digeste, 50, 15, 8, 11), il faut bien qu’elles aient été jusqu’alors soumises à l’impôt.

[88] Antioche reçut le droit colonial salvis tribulis.

[89] L’immunité est, en ce qui touche les provinces sénatoriales, attestée pour toutes les colonies de Bétique par l’inscription de Tucci, C. I. L. II, 1663 et par Pline, H. n. 3, 1, 12, qui cite les quatre colonies de Tucci, Iptuci, Ucubi, Genetiva comme aliæ coloniæ immunes. L’immunité de la colonie provinciale n’est pas la même chose que le droit italique, montre la discussion assurément gravement altérée qui nous a été conservée dans le délayage postérieur d’Agennius Urbicus et que Lachmann attribue avec raison pour l’ensemble à Frontin, Grom. p. 35, 13 et ss. (cf. p. 62, 19). Prima enim condicio possidendi, dit le manuscrit, hæc est ac per Italiam, ubi nullus ajugerum (Lachmann : ager est) tributarius, sed aut colonicus aut municipales aut alicujus castelli aut conciliabuli aut saltus privati ac (Lachmann : at) si ad provincias respiciamus, habent agros colonicos quidem (Trekell : Italici, Rudorff, Grom. 2, p. 374 : jusdem) juris, habent et colonicos stipendiarii (Rudorff efface stip.) qui suret in communem (Rudorff : immunes), habentem (Lachmann : habent) et colonis (Lachmann : colonicos) stipendiarios. Habent auteur provincim et municipales agros aut civitatium peregrinarum. Par conséquent, le sol était, dans les colonies provinciales, ou de droit italique, ou immunis, ou stipendiaire (ou tributaire), dans les municipes de citoyens et les cités sujettes, en général stipendiaire (ou tributaire).

[90] Je ne trouve l’immunité mentionnée pour des cités de citoyens des provinces impériales que dans Pline, pour Cæsaraugusta dans l’Espagne citérieure (3, 3, 24) et Ilici dans la même province (3, 3, 19) et dans le Digeste, 50, 15, 8, pr. pour Barcino ; en outre, pour la colonie d’Auguste de Saldæ en Maurétanie (C. I. L. VIII, 8931. 8933). Mais Ilici avait le droit italique (loc. cit.), et, pour Barcino, c’est également sans doute à ce droit que pense le jurisconsulte qui change seulement d’expression.

[91] Une liste des colonies de droit italique, et aussi des colonies immunes, qui me sont connues, ne sera pas superflue.

Provinces du sénat :

Afrique : Carthage (note 87), — Leptis Magna (même note), — Thamugadi (inscription de Marsyas, note 99), — Utique (note 87), — Verecunda (inscription de Marsyas).

Asie, toutes les colonies : Parium (Digeste, 50, 15, 8, 9 : monnaies de Marsyas, note 87), — Troas (Digeste, 50, 15, 7. l. 8, 9 : monnaies de Marsyas).

Bétique, toutes les colonies sont immunes (note 89).

Macédoine : Cassandria (Digeste, 750, 15, 8, 8), — Dium (Digeste, 50, 15, 8, 8), — Dyrrachium (Digeste, 50, 15, 7. l. 8, 8), — Philippi (Digeste, 50, 15, 6. l. 8, 8). Narbonensis : Vienna (Digeste, 50, 15, 8, 1).

Provinces impériales :

Arabie : Bostra (monnaies de Marsyas).

Dacie : Apulum, —  Napoca, — Potaissa, — Sarmizegetusa, — Zerne (toutes Digeste, 50, 15, 1, 8. 9).

Galatie : Antioche de Pisidie (Digeste, 50, 15, 8, 10).

Gallia Lugdunensis : Lugdunum (Digeste, 50, 15, 8, 1).

Germania inferior : Colonia Agrippine (Digeste, 30, 15, 8, 2).

Hispania Tarraconensis : Acci (Pline, 3, 3, 25), — Barcino (immunis, Digeste, 50, 15, 8, pr.) — Cœsaraugusta (immunis, Pline, 3, 3, 24), — Ilici (Digeste, 50, 15, 8, pr. ; Pline, 3, 3, 19) — Libisosa (Pline, 3, 3, 25), — Valentia (Digeste, 50, 15, 8, pr.).

Lusitanie : Emerita (Digeste, 50, 15, 8, pr.) — Pax (loc. cit.).

Maurétanie : Saldæ (immunis, note 90).

Syrie : Berytus (Digeste, 50, 13, 7. l. 8. 3 ;monnaies de Marsyas), — Césarée en Palestine (note 96), — Capitolias (Digeste, 50, 15, 8, 7), — Damascus (monnaies de Marsyas), — Helioupolis (note 93), — Hemesa (Digeste, 50, 15, 1, 4. l. 8, 6), — Laodicea (Digeste, 50, 15, 8, 3 ; monnaies de Marsyas), — Neapolis en Samaria (monnaies de Marsyas), — Palmyre (monnaies de Marsyas), — Sidon (monnaies de Marsyas), — Tyr (Digeste, 50, 15, 1, 2. 1. 8, 4 ; monnaies de Marsyas).

Thrace : Deultus (monnaies de Marsyas), — Constantinopolis (Cod. Theod. 11, 13 ; Cod. Just. 11, 21).

[92] Stobi en Macédoine, qui s’appelle encore sur ses dernières monnaies frappées sous Elagabal municipium Stobensium (Mionnet, 1, 489, 296, suppl. 3, 410, 796-731), avait, selon Paul, Digeste, 50, 15. 3, 8, qui écrit également sous Elagabal, le droit italique. Il faut ajouter le municipe de Cola dans la Chersonèse de Thrace, dont les monnaies montrent un Silène (Eckhel, 2, 50).

[93] C’est pourquoi Ulpien, Digeste, 50, 15, 1, pr. ouvre cet exposé par les mots : Sciendum est esse quasdam çolonias juris Italici. Il dit également plus loin d’Hemesa (50, 15, 1, 4 ; de même 50, 15, 8, 6) : Jus coloniæ dedit jurisque Italici eam fecit, et d’Helioupolis (50, 45, 1, 2) : Italicæ coloniæ rem publicam accepit et, par opposition, de Ptolémaïs en Phénicie (50, 13, 4, 3) : Nihil præter nomen coloniæ habet.

[94] Lorsque Paul dit, Digeste, 50, 15, 8, 3 : Laodicia in Syria et Berytos in Phœnice juris Italici suret et solum earum, il fait allusion par là à ce que, dans toutes les autres cités provinciales (dont les cités fédérées ne font pas partie), y compris les cités de citoyens qui n’ont pas le droit italique, la propriété du sol appartient à l’État ou à l’empereur.

[95] C’est ce qui doit avoir été dit dans Gaius, 12, 27, où les débris portent : Provincialis soli nexum non e[sse]... signifacationem solum Italicum mancipii est, provinciale nec mancipii est (cf. 1, 120 : Pædia... quæ... mancipii sunt, qualia sunt Italica ; 2, 14 a : Ædes in Italico solo ; 2, 31. 63).

[96] Paul dit, au sujet de Césarée en Palestine, (Digeste, 50, 15, 8, 7) : Divus Vespasianus Cæsarienses colonos fecit non adjecto ut et juris Italici essent, sed tributum his remisit capitis : sed divus Titus etiam solum immune factum interpretatus est, tandis que, selon Ulpien (Digeste, 50, 15, 1, 6), cette ville était bien une colonie, mais non une colonie de droit italique. Elle n’avait pas reçu expressément le droit italique, et c’est à cela que pense Ulpien. Mais, si elle l’avait reçu, elle aurait été libérée de l’impôt foncier comme de l’impôt de capitation, et après qu’aile eut obtenu l’exemption de l’impôt foncier, sa condition revint à celle des villes de droit italique, et c’est à cela que pense Paul. La place occupée par les listes dans les traités de censibus, l’indication des Barcinonenses immunes, Digeste, 50, 15, 8, pr. dans la liste des villes de droit italique, et l’opposition faite, Digeste, 50, 15, 8, 5 : Divus Antoninus Antiochenses colonos fecit salvis tribatis, montrent encore que l’immunité est comprise dans le droit des colonies italiques.

[97] Nous en trouvons déjà la représentation sur les monnaies de L. Marcius Censorinus, du temps de Sulla (R. M. W. p. 602 = tr. fr. 1, p. 431). Cf. sur la statue, Jordan, Topogr. 1, 2, 264. 303. Peut-être n’était-elle pas autre chose qu’une œuvre d’art grecque transportée à Rome et était-elle pour Rome quelque chose d’analogue à ce qu’est l’Homme aux Oies pour Nuremberg.

[98] Les érudits romains récents voyaient là une image de la liberté des villes sur le témoignage des scolies de Virgile, Æn. 3, 20 ; 4, 58. Mais, sans parler de ce que la liberté de la ville ne pourrait être représentée qu’ironiquement par cette image, la conclusion qu’on en déduit est fausse ; car ce ne sont pas les villes libres, mais les villes de droit italique dans lesquelles se rencontre le Marsyas ; toute l’explication n’est donc qu’une mauvaise plaisanterie ou un sérieux encore pire. Pausanias, en parlant de la colonie de citoyens de Patræ, 7, 18, 7, pourrait donner à croire qu’il fait allusion au Marsyas et que par suite il lui a donné le même sens que les scoliastes. Mais la présence du Marsyas, sur les monnaies de cette ville (Eckhel, 2, 238) est une assertion d’Arigoni et est difficilement exacte (Imhoof).

[99] Eckhel, 4, 493, l’a depuis longtemps parfaitement démontré. Nous trouvons le Marsyas romain sur des monnaies des villes suivantes : *Alexandreia Troas — *Berytus, — Bostra, — Cœla en Thrace, — Damascus, — Deultus en Thrace, — *Laodicea en Syrie, — Neapolis en Samarie, — Palmyre (De Saulcy, Mélanges de numismatique, tome II, 1377, p. 335, planche 13, 1. 2), — *Parium (sans doute seulement sous Valérien ou Gallien : Mionnet, Suppl. 3, 393, 639), — Sidon, — *Tyr. En outre, d’après les inscriptions, la statue de Marsyas fut érigée sur le Forum, à Thamugadi, en Afrique, lorsque Trajan fit de cette ville une colonie (Eph. ep. V, n. 1269) et dans deux autres endroits d’Afrique, dans une ville dont le nom nous est inconnu, sous Commode (Eph. ep. V, n. 264) et à Verecunda sous Valérien (C. I. L. VIII, 4219). La dualité de colonie est certaine pour toutes ces villes à l’exception de Cœla et de Verecunda ; l’existence du droit italique l’est également pour les cinq que nous avons désignées plus haut par une étoile.

[100] Nous avons remarqué que les villes libres de Curubis et d’Hippo n’ont pas été en même temps des cités de citoyens. Il ne faut pas considérer comme des preuves du contraire que Pausanias, 7, 18, 5, attribue l’έλευθερία à la colonie de Patræ ; que la ville d’Askalon soit appelée κολωνία πιστή καί έλεύθερα dans un titre de l’an 339 après J.-C. (Hermes, 49, 418) ; et que l’on rencontre, sur une dédication africaine à l’empereur Gratien, un municipium (à cette époque cependant sans doute civium Romanorum) Septimium liberum Aulodes (Cagnat et Reinach, Comptes-rendus de l’Acad. des Inscr. 1883, 256).

[101] Cum vellem, écrit Pline à Trajan, Ép. 47 (X, 56), Apameae cognoscere publicos debitores et reditum et impendia, responsum est mihi cupere quidem universos, ut a me rationes coloniæ legerentur, numquam tamen esse lectas ab ullo proconsulum ; habuisse privilegium et vetustissimum morem arbitrio suo rem publicam administrare ; et l’empereur, Ép. 47 (X, 57), se borne à faire faire l’inspection pour cette fois salvis privilegiis.

[102] Les soldats fournis, parmi les villes italiques qui donnèrent des secours à Scipion en 549 pour son expédition d’Afrique, par les cités sabines de citoyens complets de Nursia, de Reate et d’Amiternum (Tite-Live, 28, 45, 19), n’impliquent aucunement l’existence d’un dilectus municipal.

[103] Selon le statut de Genetiva, c. 103, le duumvir ou son præfectus peut finium defendendorum causa appeler sous les armes les membres de la cité, eique... idem jus eademque animadversio esto uti tr(ibuno) mil(itum) p. R. in exercitu p. R. est.

[104] Le système d’Arpinum, différent du système romain, qui lie aux biens la charge des sacra se ramène de la façon la plus simple à un statut local donné par Rome. Le point de savoir si l’auteur du statut avait le droit d’y admettre de telles anomalies dépendait de la rédaction de la loi qui le chargeait de la confection du statut.

[105] Dans les lois de la fin de la République, les magistrats municipaux se voient attribuer expressément imperium potestasve (v. tome I, la partie préliminaire, sur les mots imperium et potestas ; cf. plus bas, note 116). Habituellement du reste imperium n’est pas employé dans le sens général de pouvoirs du magistrat supérieur comprenant la juridiction, mais, par opposition à la juridiction, pour désigner l’autorité militaire et d’une façon générale toutes les attributions du magistrat supérieur qui ne font point partie de la juridiction proprement dite (v. tome I, le commencement de la partie de la Juridiction civile).

[106] A la vérité, le complément ne se présente pas avec une généralité absolue. Il fait défaut non seulement, comme il convient, dans les titres municipaux tels que dictator et prætor qui contiennent en eux-mêmes l’indication des fonctions de la magistrature supérieure, mais aussi dans les cas où ces fonctions ont été, au moment de la délivrance du statut, exceptionnellement attachées à l’édilité (C. I. L. X, p. 4457 ; cf. IX, p. 789). Le complément est aussi omis non seulement à titre isolé, mais même en régie générale dans certaines cités, par exemple dans la colonie de Capua, sans qu’il y ait de raison de supposer une différence de droit.

[107] La loi qui accorda le droit de cité aux cités latines de la Gaule cisalpine, disposa que l’ancienne juridiction illimitée resterait en vigueur pour les procès alors pendants (fragment d’Ateste, lignes 10 et ss.).

[108] V. tome I, la partie de la Nomination des agents auxiliaires, sur la juridiction déléguée en Italie, et, tome IV, la théorie du Vigintisexvirat, sur les præfecti Capuam Cumas.

[109] V. tome I, la partie de la Juridiction civile, sur les circonscriptions judiciaires, et tome II, les parties de la Préture et du Gouvernement de province, sur la juridiction civile.

[110] La formulaire de contrat dans Caton, De r. r, 149, finit par les mots : Si quid de iis rebus controversiæ exit, Romæ judicium fiat. Il est probablement fait allusion par là à la double autorité judiciaire romaine du præfectus et du prætor ; la juridiction alliée pouvait difficilement être exclue de cette façon, lorsqu’elle était compétente.

[111] V. tome I, la théorie de la Nomination des auxiliaires, sur la juridiction déléguée en Italie.

[112] Le marché de constructions de Puteoli de 649 (C. I. L. I, n. 577) prouve bien que cette colonie avait alors des duoviri ; il ne prouve pas qu’ils y aient possédé la juridiction inter privatos.

[113] C’est ce que décide expressément la loi Rubria, 2, 19, et, la ductio ayant existé aussi longtemps que la procédure ordinaire, (cf. par exemple Gaius, 3, 199), elle est nécessairement restée aux magistrats municipaux.

[114] Javolenus, Digeste, 2, 1, 2 : Cui juridictio data est, ea quoque concessa esse videntur, sine quibus jurisdictio, explicari non potuit. C’est ce que Paul, Digeste, 1, 21, 1, in fine appelle l’imperium quod jurisdictioni cohæret, Ulpien, Digeste, 2, 1, 3, l’imperium mixtum. Application à la multa, lex Malacit. c. 66 (d’où il résulte en même temps que les édiles municipaux, qui participent comme les édiles romains à la juridiction, ont comme eux, le droit d’amende) et Digeste, 50, 16, 131, 1 ; à la saisie de gages, Digeste, 9, 2, 29, 7. 27, 9, 3, 1.

[115] C’est là l’objet essentiel des chapitres 21 et 22 de la loi Rubria ; il est seulement fait une exception pour l’action relative à une pecunia certa credita, — correspondant pratiquement à notre action en paiement d’une lettre de change, — naturellement à condition qu’elle pût être déférée au juge local.

[116] Paul, 2, 25, 4. Constantin, Cod. Just. 7, 1, 4. Pline, Ép. 7, 16.

[117] Digeste, 50, 1, 26, 1.

[118] La loi Rubria, en déclarant par une disposition spéciale les magistrats municipaux de la Gaule cisalpine compétents en matière d’operis novi nuntiatio (c. 19) et de cautio damni infecti (c. 20) jusqu’à un certain degré, atteste en même temps que ces droits ne rentraient pas dans leur compétence générale. Le droit des Pandectes est encore plus clair pour le dernier cas ; d’après lui, ce pouvoir est transporté avec certaines restrictions aux magistrats municipaux par un mandat spécial du préteur (Digeste, 39, 2, 1. l. 4, pr. § 2-4. 9). Cf. Lenel, Zeitschrift der Savigny-Stïftung, 2, 24.

[119] Ulpien, Digeste, 2, 3, 1, pr. C’est pour cela que le préteur promet, dans son édit, Comme l’a montré Lenel (loc. cit. p. 17) une action pénale à raison de la désobéissance aux magistrats municipaux. Si, d’après la loi Rubria, c. 21, in fine, le magistrat municipal lui-même peut organiser une action devant des récupérateurs contre celui qui ne fournit pas le radimonium de comparaître à Rome, cela n’est pas, comme le croit Lenel, p. 35, en contradiction avec la décision d’Ulpien ; le magistrat municipal défend ici la juridiction (le l’État, mais, pour défendre sa juridiction propre, il n’a d’autre aune que la multa.

[120] Digeste, 50, 1, 20, 4.

[121] Les textes cités note 116 montrent que la legis actio était fréquemment concédée aux autorités locales, mais peut-être seulement à celles des municipes et non à celles des colonies (v. mes Stadtrechte, p. 435).

[122] Sans doute ces tribunaux sont dans les provinces ceux des gouverneurs. Le préteur romain a bien à la vérité été l’autorité judiciaire supérieure pour la Gaule cisalpine tant qu’elle a été un gouvernement distinct. Mais cela tient certainement à ce que, lors de l’introduction du système, ce territoire faisait partie du département des consuls, et on ne peut pas conclure de lui aux autres provinces.

[123] Une partie de cette législation est contenue dans la quatrième table de la loi Rubria trouvée à Veleia et dans le fragment d’Ateste qui appartient probablement à la même loi (Hermes, 16, 24 et ss.). L’intervention du préteur contre les autorités municipales qui excédent leur compétence garait avoir été réglée par une loi Ælia (C. I. L. I, p. 263).

[124] Paul, Sent. 5, 5a, 1 : Res judicatæ videntur..... a magistratibus municipalibus usque ad summam qua jus dicere possunt. Le même, Digeste, 50, 1. 23 : Inter convenientes et de re majori apud magistratus municipales agitur. Cf. Ulpien, Digeste, 5, 1, 1. Les textes Digeste, 2, 1, 11. l. 19, 1. l. 20, qui traitent de la limite de la compétence, se rapportent aussi à ceci. Cf. tome V, la partie de l’Administration de l’Italie, sur les juridici.

[125] Isidore, Orig. 15, 2. 10 : Liberales et famosissimæ causæ et quæ ex principe proficiscuntur ibi (in municipio) non aguntur. On trouve aussi des traces de cette disposition dans l’édit (Lenel, op. cit. p. 37).

[126] La loi en question excepte le cas où le montant de l’action n’excède pas 10.000 sesterces et où le défendeur consent. Il se trouve encore des vestiges visibles de cette disposition dans l’édit (Lenel, op. cit., p. 37).

[127] Fragment d’Ateste, ligne 17 ; Ulpien, Digeste, 5, 1, 2, 3.

[128] Loi Rubria, c. 21 in fine. Lenel, op. cit., p. 35.

[129] Un exemple dans Paul, 4, 4, 2. tit. 6, 2.

[130] Inst. Just. 1, 20, 4, etc.

[131] Selon la loi municipale de César, lignes 117 et ss., est exclu du sénat municipal tant celui qui a été condamné à Rome, judicio publico, quo circa eum, in Italia esse non liceat, que celui qui a été condamné judicio publico dans sa cité d’origine.

[132] Loi Cornelia de sicariis (Collat. 1, 3, 1). Des traces de cette disposition se révèlent dans le procès conduit contre A. Cluentius (Cicéron, Pro Cluent. 82, 173). L’arrestation et la punition de brigands rapportées des Minturnenses (Appien, B. c. 4, 28) peuvent aussi être rapportées à cela. Mais il y a nécessairement eu des exceptions, comme suffiraient à le montrer les débats sur la mort de Germanicus (v. tome III, la théorie du Consulat, sur la juridiction criminelle des consuls sons l’Empire) ; peut-être les tribunaux de la ville étaient-ils exclusivement compétents au cas de meurtre d’un sénateur romain.

[133] Il n’y a pas de conclusion à tirer de la mise en croix d’un esclave coupable de vol par ordre des autorités de Larinum (Cicéron, Pro Cluent. 66, 187). La procédure suivie par les gens de Minturne contre Marius proscrit (Velleius, 2, 19) n’est pas un procès ordinaire, et celle suivie par les magistrats de Philippes contre l’apôtre Paul (Acta ap. 16) n’est pas un procès criminel, mais une mesure de police, dans laquelle il n’y a légalement à tenir compte que des coups donnés à un citoyen romain.

[134] Ulpien, Digeste, 2, 1, 12 : Magistratibus municipalibus supplicium a servo sumere non licet, modica autem castigatio eis non est deneganda. Cf. Digeste, 11, 10, 15, 39. l. 17, 2. Ils sont souvent mentionnés comme agents auxiliaires des magistrats de l’empire pour la poursuite des criminels.

[135] V. tome IV, la théorie de la Censure, à la section du règlement de la fortune de l’État, sur les constructions faites dans les cités de citoyens.

[136] V. tome IV, la même théorie, à la section de la confection des rôles des citoyens, sur le cens municipal.

[137] V. la même théorie, même section, sur les personnes soumises au cens.

[138] V. la même théorie, même section sur le cens municipal, et à la section des confections de listes, sur la tribu personnelle après la guerre sociale et sur le cens des citoyens en Italie sous l’Empire.

[139] Le maintien religieux de calendriers supprimés est sans importance politique. Si, d’après Suétone (Aug. 59), quædam Italiæ civitates diem, quo primum (Augustus) ad se senisset, initium anni fecerunt, cela doit être entendu dans le même sens qu’à Cumes où l’année du culte d’Auguste commence le jour où il a acquis son premier consulat. Aucune ville n’avait le droit de supprimer le calendrier de l’État.

[140] Mois de Pantheon : C. I. Gr. 5785 ; mois de Lenæon (mai ou juin) : C. I. Gr. de l’an 71 après J.-C. Cela provient certainement d’une réserve expresse faite lors de l’entrée des Neapolitani dans le peuple romain.

[141] Le marché de constructions de la colonie de citoyens de Puteoli de l’an 649 de Rome (C. I. L. X, 1181) est daté ab colonia deducta anno XC et tant par les duumvirs que par les consuls. La colonie césarienne de Sinope date, depuis Auguste jusqu’au commencement du IIIe siècle, de l’année de la fondation de la colonie, 709 de Rome, et plus tard de l’an 684 de Rome, qui est l’année de l’occupation romaine opérée par Lucullus (Eckhel, 2, 392). L’an 240 après J.-C., en partant duquel les monnaies de Viminacium comptent les années (C. I. L. III, p. 264), peut aussi avoir été celui de la transformation de cette ville de municipe en colonie.

[142] Inscription religieuse du municipe Interamna Nahartium de l’an 32 après J.-C. anno post Interamnam conditam DCCIIII (Orelli, 689).

[143] Nous trouvons cet usage à Puteoli dès l’an 649 de Rome.

[144] Nissen l’a démontré (cf. Hultsch, Metrologie, p. 672).

[145] Les mesures de capacité osques sont transformées en mesures romaines sur une table de mesures de Pompéi (C. I. L. X, 792), au début de l’époque d’Auguste.

[146] C. I. L. X, p. 53. Cette frappe doit sans doute se fonder sur un compromis conclu par cette colonie latine avec l’État lors de son entrée dans le cercle des citoyens. Il est possible, mais Il n’est pas vraisemblable que d’autres conventions de ce genre aient encore été conclues ailleurs à cette époque.

[147] Les monnaies frappées par des cités de citoyens les plus anciennes dont on puisse établir l’existence, sont, en dehors de celles de Pæstum, les quinaires de Lugudunum probablement désignés par l’année de l’âge J Antoine et par conséquent frappés en 713 (Eckhel, 6, 33), Les monnaies de cuivre de Corinthe arec la tête d’Antoine (Monnet, 2, 172. 180. 5. 4. 55, 371 et ss.) sont antérieures à la bataille d’Actium. Les monnaies de la colonie de Sinope commencent en l’an 731 (Eckhel, 2, 392). La plupart des cités de citoyens qui ont battu monnaie ont commencé à le faire sous Auguste.

[148] C’est ce que prouvent la légende pem(issu), divi Auq(usti) sur les monnaies d’Italica et de Romula en Bétique ornées de la tête de Tibère (Eckhel, 4, 497), et en outre la légende indulgentia Aug. moneta impetrata sur des monnaies de Patræ (Mionnet, 2, 199, 326).

[149] Les monnaies de Berytus avec perm(issu) Silani et les monnaies semblables d’Afrique (Müller, Num. de l’anc. Afr. 2, 35. 155) ne peuvent se comprendre autrement. Au reste, cette formule se rencontre principalement sur des monnaies de cités de citoyens du commencement de l’empire, sans doute parce que c’est à elles que ce droit appartient le moins en principe.