LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE TROISIÈME. — LE PEUPLE ET LE SÉNAT.

LES CORVÉES ET LES IMPÔTS DE L’ÉTAT PATRICIO-PLÉBÉIEN.

 

 

Les charges publiques pèsent sur le personne ou sur les biens, ou, pourparler plus exactement, tantôt l’État demande seulement la prestation et tantôt il demande qu’elle soit accomplie par celui-là même qui en est tenu. Les corvées et les impôts directs appartiennent à la première catégorie. L’exercice des magistratures, le service militaire et les autres actes qu’un citoyen doit accomplir dans l’intérêt public, la participation aux délibérations du conseil de la cité, l’exercice des fonctions de juré, et même, depuis qu’il y a des tuteurs et’ des curateurs nommés par le magistrat, l’acceptation de la tutelle et des autres administrations analogues de la fortune d’autrui rentrent dans la seconde.

Dans la terminologie, les charges publiques sont désignées par le mot mœnus, plus tard munus, et la large extension donnée par la langue à ce mot et à ses dérivés munire, immunis, communis révèle l’importance peu commune de ces prestations plus clairement que ne fait la tradition elle-même, qui, les services susceptibles de représentation étant à l’époque de la domination du peuple romain transportés sur les épaules d’autrui, est plus muette en cette matière qu’en toute autre partie du droit public. Le sens fondamental du mot est probablement : faire des fortifications ou des corvées[1] ; en partant de là, il a pris le sens concret de travaux de fortifications, c’est-à-dire de murailles de la ville (mœnia), et il a aussi été étendu, dans une acception large, à d’autres charges publiques. Cependant les services obligatoires, qui sont, dans la conception romaine, plutôt considérés pour les citoyens comme des droits que comme des charges, le service militaire (milita)[2] et les magistratures (honores) ne sont pas, dans les habitudes du langage, comptés parmi les munera publica. L’impôt g est au contraire compris, la désignation de l’exemption d’impôt du nom d’immunitas en est la preuve. Dans le droit municipal, où la distinction des munera publica selon les deux divisions du munus patrimonii et du munus personale[3] s’est au resté plus fortement développée que dans le droit public qui nous est connu, les impôts sont mis en dehors de la première catégorie ; mais la raison en est qu’en leur qualité de prestation faite à l’État ils appartiennent à un cercle juridique différent.

Parmi les charges personnelles, 17obligation au service militaire demande seule une étude qui doit être d’autant plus approfondie que le droit de vote se confond avec elle en un certain sens : cette étude sera faite dans la partie qui suit. Les magistratures et les fonctions de sénateur constituent en elles-mêmes des charges obligatoires pour les citoyens[4] ; mais, dans le droit public des Romains qui nous est connu, elles sont, quant à la terminologie comme quant au fond, séparées des murera, et il n’y a pas pour elles d’exemption ; car elles ne sont regardées que comme des droits. Ce qui doit en être dit trouve d’ailleurs mieux sa place dans les parties de la Magistrature et du Sénat. Les autres charges personnelles ne rentrent pas dans le droit public, leur étude est du ressort du droit civil ou de la procédure. Elles sont réglées d’une manière différente selon leur nature et leur bat, et l’on ne peut pas poser pour elles de principes généraux, même en ce qui concerne les immunités. Ainsi la limite d’âge à partir de laquelle existe l’obligation d’être juré a été fixée de façons très diverses ; et, pour la limite d’âge qui met fin à l’obligation, tandis que le principe est que l’âge de soixante ans accomplis rend ailleurs facultatifs tous les services rendus par le citoyen à l’État[5], l’exemption en matière de tutelle n’est acquise qu’à soixante-dix ans[6]. Il n’y a à libérer de ces charges d’une manière générale que les fonctions de magistrat pendant qu’on les exerce[7] ; celles dé prêtre n’en exemptent pas[8].

Les corvées et les impôts de Rome doivent être ici étudiés dans leur fondement de droit public. Nous pouvons d’autant moins entrer dans les détails que ce que nous savons à ce sujet de précis ne se rapporte pas aux citoyens, mais aux alliés et aux sujets, et trouvera ou a déjà trouvé sa place, en tant qu’il y a lieu d’y insister, dans les parties des Alliés, des Sujets, et du Principat.

Sur les corvées (operæ), il n’y a aucune tradition directe, attendu qu’elles ont été, beaucoup plus tôt que les impôts, supprimées au profit des citoyens et remplacées par les locations de services faites par les censeurs[9]. Le mot mœnia, dans sa double signification, nous enseigne seul que la muraille de Servius n’a pas été élevée par un travail salarié, mais par des corvées, et cette muraille elle-même nous donne une idée approximative de la lourdeur de la charge. A l’époque ancienne, on recourait à, ce procédé pour construire des routes et des rues, pour construire[10] et réparer des édifices publics de toute sorte, et peut-être aussi pour cultiver au profit du roi des terres publiques[11]. Nous pouvons transporter au peuple Romain de l’époque royale et des premiers temps de la République 4s grandes lignes juridiques de cette institution que nous trouvons conservée dans la législation municipale, notamment dans le statut donné à la colonie Genetiva par César, qui la montre encore dans sa forme véritablement primitive[12].

La répartition romaine (tributus), en vertu de laquelle le contribuable doit verser au trésor public la : somme qui lui incombe (tributum)[13], est au moins aussi ancienne que l’État patricio-plébéien[14], et c’est là l’unique contribution générale des citoyens que connaissent les institutions romaines[15]. Elle porte, comme il a été expliqué plus haut[16], soit sur les tribules qui sont en même temps astreints au service, soit sur les ærarii qui n’y sont pas astreints à l’époque ancienne ; il est vraisemblable que les seconds étaient plus fortement taxés que les premiers ; mais les règles nous sont inconnues.

Conformément au principe de l’ancienne République, selon lequel l’État doit, comme le père de famille, pourvoir à ses besoins avec ses propres ressources, ce tribut n’est pas une institution permanente ; il n’est prescrit qu’en présence d’un déficit[17] et même alors, au moins à l’égard des tribules[18], on y voit un emprunt forcé, qui par conséquent est restitué, quand le trésor est à même de le faire[19]. Far suite, le tribut, qui fut fréquemment ordonné dans les premiers temps de la République et qui fut probablement pendant longtemps pour ainsi dire permanent, ne fut, de l’an de Rome 587[20] jusque sous Dioclétien[21], perçu qu’une seule fois, dans les crises de la guerre civile, en 711[22], quoique les rôles nécessaires pour sa perception aient existé pendant toute la période de la République et que l’on ait toujours tablé sur la possibilité d’y procéder[23].

Les corvées comme les impôts portent sur la fortune. Cela a été démontré pour les impôts dans la partie de la Censure[24]. Mais les corvées elles-mêmes, bien que ce soient matériellement des prestations personnelles, sont légalement des munera patrimonii et sont, dans ce sens, sur le même rang que les impôts[25]. Les corvées et les impôts sont, de même que le service militaire, regardés comme dés charges communes des citoyens qui sont proportionnées à la fortune, d’autant plus qu’elles ne servent pas moins essentiellement que le service militaire à la défense du pays. Les théoriciens du droit public romain expriment cela à leur façon en ramenant l’organisation des impôts comme elle de l’armée au roi Servius[26] et en attribuant à ce roi, par opposition au service primitif dû selon leur système par tous les citoyens également sans distinction de fortune, l’établissement de la proportionnalité des charges à la fortune. Mais le principe n’est pas appliqué de la même façon à l’obligation au service militaire et à l’obligation de payer l’impôt. Le service militaire romain qui exige une certaine égalité moyenne de prestation, a des classes ayant un taux minimum. L’impôt romain ne connaît pas de classes : il réclame une quotité de chaque somme de 4000 as[27]. L’organisation militaire et l’organisation fiscale connaissent toutes deux un minimum absolu ; mais celui de la première est de 11000 as, celui de la seconde de 1500. L’obligation au service ne pèse que sur un nombre relativement restreint de citoyens ; il n’y a en matière fiscale aucune limitation correspondant à celle du service militaire ordinaire. Il est donc nécessaire d’étudier séparément l’obligation à l’impôt et l’obligation au service.

L’assiette de l’impôt est établie et les listes sont dressées à l’époque de la République, en même temps que le tableau des individus soumis au service militaire, et les deux points ont été traités en même temps dans la partie de la Censure. C’est là qu’il faut chercher ce que la tradition nous a transmis sur les objets soumis au tributum et sur les procédés suivis pour leur inventaire et leur évaluation. Nous y avons déjà discuté les faibles et insuffisants témoignages que nous possédons soit relativement à la fixation de l’impôt sur le pied d’un as pour 1000 as de capital imposable par les consuls avec le concours du sénat[28], soit sur sa perception par les questeurs[29], peut-être avec le concours des chefs des tribus[30]. Il reste ici seulement à déterminer l’étendue d’application de la communauté de l’impôt et des corvées, puis les exemptions des charges publiques, accordées à certaines classes ou à certaines personnes.

La communauté d’obligation à l’impôt ou aux corvées se comprend d’elle-même dans le sein de l’union des citoyens romains. Tout citoyen romain est, nous l’avons déjà remarqué, contribuable (ærarius) quant au fond, quoique, dans la terminologie primitive, on ne nomme ainsi que ceux qui ne sont rien autre chose, qui ne sont pas astreints au service militaire ordinaire. La seule question sous ce rapport est de savoir dans quelle mesure les demi-citoyens et les non citoyens sont soumis aux impôts et aux corvées, selon l’expression romaine, dans quelle mesure ils sont municipes[31]. Car, la notion des munia étant établie et la formation de ce mot aussi transparent qu’ambigu l’étant également, il ne peut avoir eu d’autre sens primitif que celui-là, duquel se déduisent facilement toutes ses autres acceptions. Municipium est disparu dans le sens abstrait de prestation obligatoire du non citoyen qui fut probablement son sens primitif ; il se rencontre exclusivement comme désignation complexe des localités dont les habitants sont ou du moins peuvent être municipes de la cité romaine[32]. L’idée a eu pour point de départ les relations de Rome et des Latins ; nous nous occuperons donc d’abord du municeps latinus, puis de la condition juridique sensiblement plus récente du demi-citoyen romain.

L’extension à des étrangers des corvées et les impôts de la cité romaine, la communauté d’impôts et de corvées établie avec eux, se produisait, dans l’ancien système, pour les citoyens des villes latines, mais peur eux seuls. Le citoyen d’une ville latine est, en face de Rome, municeps[33], et sa cité municipium[34]. Le Latin qui émigre à Rome n’est pas compris là-dedans ; car, puisqu’il obtient par son immigration la qualité de membre de la communauté romaine et plus tard le droit de cité, il sort par là du cercle des municipes. Il ne reste donc que les Latins qui sans renoncer à leur droit de cité propre, acquièrent, conformément au jus commercii, des immeubles romains ; les corvées et les impôts étant des charges réelles portent,ainsi qu’il a déjà été démontré au sujet du cens, sur le propriétaire étranger. Le remarquable droit de vote accordé aux mêmes étrangers sera étudié dans la partie des Comices ; l’étranger parent par la race n’étant par suite jamais complètement traité comme tel, on peut d’autant moins s’étonner qu’il soit soumis à la communauté de l’impôt. Le fusionnement des anciennes cités latines dans la cité romaine, opéré à la suite de la guerre sociale supprima cette situation juridique, qui est désignée comme une antiquité au temps d’Auguste[35]. Elle ne s’accorde pas avec la notion de la cité, romaine modifiée par là, et elle n’est pas attribuée’ aux nouvelles cités de droit latin.

Au contraire tous les étrangers non latins sont exclus de l’union romaine en matière de corvées et d’impôts. Ils ne peuvent gagner le droit de cité en établissant leur domicile à Rome, et ils ne peuvent se mettre sur le même pied que les nationaux par des acquisitions d’immeubles. Ce n’est pas aussi surprenant que cela le semble à première vue. On n’impose pas des hôtes : et il est très douteux que le droit romain ait admis une acquisition quelconque du domicile, lorsqu’elle n’entraînait pas l’acquisition de la cité. Mais des hôtes peuvent être expulsés à tout moment, et cela s’est produit fréquemment même à l’époque récente de la République[36]. L’impôt peut par suite parfaitement avoir été remplacé en pratique par des contributions nominalement volontaires. Si l’obligation à l’impôt n’avait pas disparu de si bonne heure, la participation légale de l’étranger domicilié aux charges publiques se serait aussi bien développée pour l’impôt d’état qu’elle l’a fait, dans le droit municipal, pour le municeps du temps d’Auguste[37] et ensuite pour l’incola ; il se peut même que cela soit arrivé. Notre tradition ne nous fait connaître aucune forme servant à étendre les charges publiques aux étrangers de race différente habitant sur le territoire romain. Mais, en présence de son caractère, nous ne pouvons pour cela aucunement affirmer qu’il n’y en ait pas eu. Les étrangers ont, dans le fait, été compris dans la répartition de l’impôt exceptionnel de 741[38].

La seconde espèce de municipes sont les habitants des localités sans droit de suffrage comme Cære et Capoue. Leur condition juridique diffère de celle des Latins étudiée plus haut, surtout en ce que ce sont des citoyens romains, et en ce que, tandis que, dans les premières cités, le citoyen pouvait être municeps romain en qualité de propriétaire d’immeuble romain, tout membre de la cité l’est, dans les secondes, en cette seule qualité. Mais, pour les caractères essentiels, les deux Conditions se correspondent. Il y a ici aussi une communauté de droit imparfaite, semblable à celle caractérisée par le droit de suffrage latin, et le citoyen est soumis aux munera publica envers l’État romain. Les Cérites sont même purement et simplement inscrits parmi les contribuables romains ; lés Campaniens romains sont soumis à une imposition séparée qui n’en est pas pour cela moins romaine. Nous traiterons en détail de cette situation dans la partie des cités de demi-citoyens. Il suffit ici de remarquer que ces localités sont aussi des municipia, et même des municipia civium romanorum[39]. Les cités de demi-citoyens ont disparu plus rapidement encore que les cités latines, probablement dès le cours du VIe siècle, et sont devenues pour la plupart des cités de citoyens complets. Nous verrons, dans la partie des Municipes, qu’elles conservèrent leur ancienne dénomination, désormais en désaccord avec le sens des mots.

L’exemption des impôts et des corvées (muneris publici vacatio, immunitas) existe au profit des enfants, des femmes et des pauvres et elle est au moins concevable comme accordée par un privilegium.

1. Les enfants en tutelle (orbi) et les personnes du sexe féminin qui ne sont pas en puissance paternelle ou maritale (orbæ) sont imposés comme ayant légalement une fortune indépendante[40] ; mais ils sont soumis à la charge spéciale et pénible, à cause de sa permanence de payer aux cavaliers leurs frais de monture et de fourrage et en revanche ils sont soustraits au tributum. Cela se transforma, dans le cours des temps, en un privilège ; ces catégories dès personnes apparurent plus tard, par la disparition de leur prestation particulière, comme soustraites aux contributions, et elles n’ont même fait de versements volontaires au trésor que rarement[41]. Il n’y a d’autre exception, que l’impôt des triumvirs de 711, pour lequel les femmes finirent par être imposées après une vive résistance qui ne fait pas absolument dépourvue de succès[42].

2. Celui dont la fortune est évaluée à 1500 as ou à moins est exempté de l’impôt pour défaut de ressources[43]. Celui qui selon cette distinction est imposable est appelé un homme assis (adsiduus)[44] ou riche (locuples)[45], celui qui ne l’est pas un proletarius, un citoyen à enfants qui a des enfants ou peut en avoir[46], ou un capite census, un citoyen qui n’a que sa personne d’inscrite au cens[47]. La profondeur de la distinction se révèle notamment à ce qu’en procédure civile, d’après le droit des Douze Tables comme d’après celui du temps de César, le vindex du citoyen imposable doit également, être un citoyen imposable et celui du non imposable peut être un citoyen quelconque[48]. Toutes ces expressions sont dans l’harmonie la plus parfaite avec l’opposition de la soumission à l’impôt et de l’absence de fortune, et l’étymologie traditionnelle qui tire adsiduus ou plutôt assiduus ab asse dando est aussi fausse quant à la langue qu’elle est juste quant au fond. Au contraire l’opposition faite entre l’adsiduus ou locuples[49] et le proletarius ne peut pas être rapportée à la propriété foncière, parce que, d’une part, la langue ne le permet pas, et parce que, d’autre part, l’impôt romain, s’il porte bien en première ligne sur la propriété immobilière, s’étend, au moins depuis qu’il y a des ærarii, aux citoyens qui ne sont pas des propriétaires fonciers. — Si, pour l’unique tributum levé à l’époque moderne, on fixa au contraire comme limite au dessous de laquelle il ne serait pas perçu le cens équestre de 400.000 sesterces[50], ce fut évidemment parce qu’il était dans l’intérêt dés triumvirs de ne pas indisposer contre le nouveau régime les petites gens dont en, outre la contribution directe aurait eu peu d’importance.

3. Le droit public romain semble avoir repoussé en principe les exemptions personnelles des charges patrimoniales : où la militiæ munerisque publici vacatio est accordée comme récompense légale au Latin, l’immunité se borne pour le Roman au service militaire. Les prêtres essayèrent bien de se soustraire à l’impôt ; mais ils furent obligés de payer, en 558, ce qu’ils n’avaient pas versé pendant la guerre d’Hannibal et ils furent compris dans le tribut de 711. Assurément il n’y avait pas, a l’époque moderne, besoin d’un bien grand effort pour maintenir cette égalité devant la loi en face d’un impôt qui n’était pour ainsi dire jamais perçu.

 

 

 



[1] Curtius, Griech. Etym., 5e éd. p. 324 et Corssen, Ausspr., 1, 372, réunissent le mot à mærus, murus et admettent comme sens fondamental, l’acte de lier, de consolider. Que cela soit exact ou non, ridée dont sont dérivées les autres sens est toujours celle de la corvée, et le substantif pluriel désigne les murs de la ville comme élevés par les corvées des citoyens.

[2] Militiæ munerisque publici [vocatio] dans la loi repetundarum, ligne 79 ; militim munerisque publici vacatio dans la loi municipale de Genetiva, (c. 66) ; Denys, 4, 62.

[3] Par exemple, la direction de la construction d’un chemin (cura via publica munitionis : Hermogénien, Digeste, 50, 4, 1, 2) est un munus personale, la construction du chemin elle-même est un munus patrimonii. Les auteurs distinguent, à proprement parler, trois espèces de munera : ils admettent, à côté de ceux qui sont purement personnels et de ceux qui pèsent exclusivement sur le patrimoine, appelés aussi intributiones, une troisième espèce mixte de munera, qui se présentent parfois comme munera mixta, parfois comme7subdivision des munera patrimonii : ce sont les munera qui pèsent directement sur les biens, mais qui ne peuvent être transportés à aucun individu habitant hors de la commune (Ulpien, Digeste, 50, 4, 6, 5, combiné avec 50, 4, 18, 21).

[4] Cf., tome II, la partie de la Capacité d’être magistrat, sur la candidature.

[5] Cf., tome IV, la partie de la Censure, sur les listes des recrues.

[6] Paul, Digeste, 36, 1, 76 [74] in fine. 50, 6, 3. Modestin, Digeste, 27, 1, 2, pr.

[7] Ulpien, Vat. fr. 446. Il y a une foule d’autres témoignages.

[8] La preuve que le sacerdoce ne dispense ni du paiement de l’impôt ni de l’obligation d’être juré est dans la remarquable décision de l’an 558, Tite-Live, 33, 42, 4, et dans une autre décision de Q. Ælius Tubero, préteur en 631, rendue, il est vrai, contra Africani avunculi sui testimonium : Vacationem augures quo minus judiciis operam darent non habere (Cicéron, Brut. 34, 447). Il est d’accord avec cette règle que, selon la loi repetundarum de 631-632, l’accusateur qui a triomphé reçoive, s’il veut devenir citoyen, seulement la militiæ vocatio et, s’il reste Latin, militiæ muneris que poplici in su[a civ]itate [vocatio] ; et en outre que les sacerdoces ne figurent pas parmi les causes d’exclusion de la liste des jurés (cf. Ulpien, Digeste, 50, 5, 13 pr.), Il n’y a non plus que certains sacerdoces privilégiés qui dispensent de la tutelle. Modestin, Digeste, 27, 1, 6, 14. La dispense est attestée, en dehors du rex sacrorum (cf. tome II, la partie des causes d’inéligibilité absolue, sur l’absence totale ou partielle du droit de cité, n- 4), pour les duumvirs sacris faciundis par Denys (4, 62) et par lui encore, 2, 24 pour les curions (cf. tome II, la partie des causes d’inéligibilité, sur le service militaire du temps des Gracques), par conséquent pour tous deux exclusivement par l’auteur grec qui est souvent trompeur. En outre, celui qui reçoit un sacerdoce, peut, selon Paul, Digeste, 4, 8, 32, 4, se démettre du rôle d’arbitre qu’il avait accepté.

[9] Cf. tome I, la partie de la Justice administrative, sur les créances de l’État.

[10] Le Capitole a été construit publice coactis fabris operisque imperatis gratis (Cicéron, Verr. 5, 14, 48 ; fabi is undique ex Etruria accitis non pecunia solum.... publica.... sed operis etiam explebe : Tite-Live, 1, 56, 1).

[11] Cicéron, De re p. 5, 2, 3, parle des agri arvi et arbusti et pascui lati atque uberes, qui essent regii colerenturque sine regum opera et labore, afin qu’ils pussent se consacrer a l’administration de la justice. Cf. Denys, 3, 1.

[12] Cf. tome IV, la partie de l’Édilité de l’ancienne communauté plébéienne, sur la surveillance des travaux faits par corvées. La loi de Genetiva connaît encore des corvées d’hommes et d’attelages pour la munitio en général ; au contraire, le droit municipal de l’Empire ne connaît que des prestations faites pour des buts déterminés, parmi lesquelles en outre il est surtout question de celles relatives à la construction des chemins.

[13] Sur le sens fondamental, cf. Varron, 5, 55, Columelle, 5, 1, 7, Dion, fr., 5, 8, etc. Que l’on fasse venir l’emploi du mot en matière financière de l’idée de prestation à l’État ou de celle de division, tributus n’a aucun rapport intime avec tribut, au sens politique, avec lequel les anciens le réunissent (Varron, 5, 481 ; Tite-Live, 1, 43, 13), et il ne peut en avoir, puisqu’il s’applique primitivement aux ærarii tout comme aux tributus. Le tributus (lex repetundarum, ligues 64. 66 ; Aulu-Gelle, 43, 21, 19 ; aussi dans Plaute et dans Caton), l’actio tributoria du droit récent, la procédure de répartition ou de règlement de dividende, telle qu’elle s’applique dans la procédure ouverte, tribuendei causa, contre le débiteur insolvable de repetundæ (lex repetundarum, ligne 65) et, en droit privé, dans la faillite commerciale d’un pécule est, an sens rigoureux, autre chose que le tributus, la somme d’argent que le particulier a par suite à recevoir (lex repetundarum, ligne 63 : [de tribut]o servando) ou, comme dans la répartition de l’impôt à fournir. La même idée apparaît aussi dans attribuere, déléguer le paiement et dans les ultro tributa (cf. tome IV, dans la partie de la Censure, la théorie des Ultro tributa), les recettes déléguées aux créanciers de l’État. En grec, le tributum est appelé αί είσφοραί ou αί συντέλειαι par opposition aux τέλη, aux vectigalia (cf. tome IV, dans la partie de la Censure, la théorie des Vertiglia) ; au contraire φόρος peut se dire du premier comme des seconds. Les deux sont nettement séparés par exemple dans Appien, B. c. 5, 130, et dans Dion, 49, 18.

[14] Par un phénomène singulier, certains savants modernes lient l’introduction de cet impôt à celle du paiement de la solde par l’État (Handb. 5,463, note 4 = tr. fr. 10, 205, note 4).

[15] Il n’y a pas de tributuni in capita ; si Festus, dans son texte mutilé, p. 364 : Tributorum collationem cum sit alia in capita illud ex censu, dicitur etiam quoddam temerarium en a réellement mentionné un, il a pensé à celui antérieur à Servius que les Romains s’imaginaient de cette façon. Cf. Asconius, p. 103.

[16] V. tome IV, la partie de la Censure, sur la réglementation des recettes et des dépenses de l’État.

[17] Cicéron, De off. 2, 21, 74. Tite-Live, 5, 27, 15. 6, 32, 1. 7, 27, 4. 10, 46, 6. La même remarque est faite fréquemment. Handb. 5, 164 = tr. fr. 10, 209, Schwegler. Le scoliaste de Cicéron, Divin. in Cæc. 3, 8, p. 103, déraisonne.

[18] V. tome IV, dans la partie de la Censure, la section de la confection des rôles, sur la déclaration des choses imposables.

[19] Appien, 4, 34 (Cf. tome IV, loc. cit.). Ce qui est dit des contributions des pupilles et des femmes pour l’an 540 n’est intelligible qu’à cette condition. Festus (p. 78 de mon éd. du quat. XVI), texte qui, s’il s’agit de déterminer la notion du Vectigal (v. sur ce point, au tome IV, la partie de la Censure) ne peut exclusivement vouloir dire qu’une chose, à savoir que le paiement de la solde et de l’argent des chevaux aux soldats comme la restitution des frais d’impôts et de fourrages aux contribuables doivent être couverts paries ressources ordinaires de l’État Tite-Live, 39, 7, 5. La controverse sur le point de savoir s’il y a là l’accomplissement d’une obligation ou une faveur (Handb. 5, 164 = tr. fr. 10, 209) est sans objet, en ce sens qu’il n’y a pas d’obligation civile concevable de l’État envers un particulier. Mais la preuve évidente que l’obligation de l’État envers ceux qui avaient payé l’impôt était traitée en principe comme celle envers les fournisseurs et les autres créanciers de l’État est dans l’addition selon laquelle tous les reliquats de dettes ont été alors acquittés. Il est parfaitement d’accord avec cela et il est même de l’essence de l’emprunt forcé que ces créances soient dépourvues de terme et ne viennent par conséquent qu’après les créances à termes.

[20] Cicéron, De off. (écrit en 710), 2, 22, 76. Val. Max., 4, 3, 8. Pline, 33, 3, 56. Plutarque, Paul. 38.

[21] L’impôt foncier introduit par Dioclétien, qui embrasse également tout l’Empire, a pour bases une unité fiscale qui est déterminée d’après la valeur productive du sol, et en outre un calcul soit des travailleurs libres (coloni) ou esclaves employés à la culture, soit des têtes de bétail (C. Th. 11, 20, 6, pr. ; C. Just. 11, 52, 1) ; les recettes se composent donc partie de l’impôt foncier proprement dit et partie de l’impôt de capitation. C’est ce que nous montrent, dans un accord parfait avec ces lois sainement entendues, les restas de cadastres qui nous sont parvenus (Thera : C. I. Att. 8656 rapproché de Hermes, 3, 436 ; Astypalæa, C. I. A. 805 ; Lesbos, Bull. de corr. hell. 4, 417 ; Tralles : op. cit. 4, 337). Il n’y a là rien autre chose que l’ancien cens dans sa forme primitive (cf. tome IV, la partie de la Censure, sur la détermination de la fortune imposable) étendu à l’empire. L’unité de 1000 as de valeur recensée, qui y était prise pour base, se retrouve ici tantôt sous le nom d’unité, de caput, tantôt sous les dénominations moins satisfaisantes, empruntées aux mesures de superficie, de jugum et de centuria, tantôt, semble-t-il, comme valeur recensée de 1000 (pièces d’or ?) sous le nom de millena. Evidemment cette évaluation et les noms sont indifférents, puisque cette unité ne fonctionne que comme le simple du capital imposable et qu’on ce sens les 1000 as de la République sont exactement sur le même rang que le jurgum de Dioclétien. Le fait que les esclaves et le bétail étaient, selon l’ancien système, compris dans l’évaluation en argent et sont, dans le nouveau, imposés à titre spécial, est aussi principalement une différence de forme. La coïncidence qui existe entre les res mancipii du cens le plus ancien et les choses soumises à l’impôt foncier organisa par Dioclétien peut être fortuite. Mais il est également possible que ce nouveau régime fiscal, qui incorporait, l’Italie dans le territoire soumis à l’impôt, se soit inspiré du plus ancien cens des citoyens.

[22] Cette perception est qualifiée du nom de tributum à la fois par Appien 4, 5. 5,67. 130 et par Dion, 48, 16 et 49, 15, et, avec une mention expresse de sa non perception prolongée, par Plutarque ; elle est en outre caractérisée comme telle tant par l’opposition dans laquelle elle est misa avec la contribution des femmes qui n’est pas proprement comprise dans le tributum, que par l’ordonnance de restitution de 718 (Appien, 5, 130). On n’aperçoit pas comment le caractère de tributum a pu être contesté à cette contribution (Handb. 5, 178 = tr. fr. 10, 220).

[23] Cicéron, Pro Placco, 32, 80. Le même, De off. 2, 21, 74. Philipp. 2 (écrit en 710), 37, 93.

[24] V. tome IV, la partie de la Censure, sur la détermination de la fortune imposable.

[25] Le droit municipal romain compte en général les corvées parmi les purs munera patrimonii, qui pèsent même sur les individus, ayant des biens, dans le lieu qui habitent au dehors. Cela se comprend de soi ; car un privilège accordé à l’étranger en matière d’operæ ordinaires serait quelque chose d’inconcevable. Mais la loi municipale de Genetiva, c. 98, le dit en termes exprès : Qui in ea colonia intrave ejus coloniæ fines domicilium (= incola) prædiumve (le possesseur étranger) habebit neque ejus coloniæ colonus erit, is eidem munitioni uti colonus pareto. Si, à tété de cela, la mesure des operæ est déterminée par cette formule que l’obligé devra fournir le travail de chaque homo putes jusqu’à concurrencé de 5 jours par an et celui de chaque jugum jusqu’à concurrence de 3, c’est pour régler sa prestation selon le nombre de bras et d’attelages dont il dispose, et, si homo exclut difficilement ici les hommes libres, il comprend certainement les esclaves. Ailleurs nous ne savons pas grand’chose sur la répartition de la charge ; cependant on rencontre des dispositions analogues dans le système d’impôts provinciaux du principat et dans le système absolument semblable de Dioclétien, par exemple en Syrie, les limites d’âge fixées à 14 ou 12 ans et à 65 (Ulpien, Digeste, 50, 15, 3, pr.). Siculus Flaccus, p. 140, connaît, outre la notification des operæ aux riverains par le magister pagi, la répartition de parcelles de chemin à faire entre les riverains, ce qui revient à peu près au même. La construction de route en Gaule dont parle Cicéron, Pro Fonteio, 8, 17, fut accomplie d’une manière semblable. Cf. Cicéron, Verr. 4, 8, 17.

[26] C’est à lui que Cicéron, De rep. 2, 22, 40, rapporte les expressions adsiduus et proletarius.

[27] Si la quotité de prestation était inégale, cette gradation pourrait se concevoir en matière fiscale ; mais, puisqu’elle ne l’est pas, quiconque réfléchit doit comprendre que les classes de fortunes roumaines n’ont pas pu être établies dans un but fiscal.

[28] Cf. tome III, la partie du Consulat, sur les pouvoirs du consul relativement au trésor et aux biens de l’Etat.

[29] Cf. tome IV, la partie de la Questure, sur le recouvrement des impôts par les questeurs.

[30] Cf., dans la partie de la Questure, sur le mode de perception.

[31] L’expression adéquate ίσοτέλεια n’est pas employée, pour ce rapport de droit, par nos autorités. Les Grecs regardent plutôt la situation dans laquelle sont les Latins par rapport aux Romains comme un véritable droit de cité à cause de leur droit de vote. C’est assez concevable, mais c’est contraire a la conception romaine. On comparera, à ce sujet, la partie dés Latins, sur leur droit de suffrage. — La conception du municeps, comme un donataire, qui a été récemment proposée (Handb. 4,26), est impossible. Celui qui est en droit de recevoir les présents d’hospitalité ne participe pas aux munia de la cité, desquels il faut partir quant à la langue comme quant au fond, et il n’est jamais appelé municeps.

[32] On peut comparer principium qui désigne proprement, au sens abstrait, le commencement, niais aussi, dans l’usage politique, le district qui vote le premier.

[33] C’est aux municipes latins que se rapporte très vraisemblablement le début de la glose de Festus conservée seulement dans l’Épitomé, p. 11-17. Ce qui suit : Præterquam de suffragio ferendo aut magistratu capiendo ne convient pas aux municipes latins, qui avaient le droit de suffrage, mais se rapporte, comme il est démontré, plus bas, aux cités de demi-citoyens. La preuve qu’il y a eu là un remaniement, résulte clairement de ce que l’epitomator, dans la forme présente qu’a chez lui le texte, y refuse le droit de cité aux Cumani et aux Acerrani, qu’il appelle correctement citoyens romains au mot municeps, p. 131. Mais Paul ne s’est pas contenté d’abréger en faisant des coupures : il a interpolé : il a évidemment réuni le municipium de droit latin et le municipium civium Romanorum sans suffrage, probablement parce que le défaut du droit aux magistratures était signalé pour tous deux. Par suite, il a admis, dans la glose Municeps, dans la définition du municipium civ. R sans suffrage, les mots : Qui ex aliis civitatibus Romam venissent qui ne lui conviennent pas, et il a fusionné, dans la glose Municipium, la définition du municipium Latinum avec les caractères et les exemples des cités de demi-citoyens.

[34] Municipium, comme colonia, désigne la cité latine considérée du point de vue romain, et par suite les deux dénominations ne sont ni l’une ni l’autre prises comme titre officiel par les cités elles-mêmes à l’époque ancienne. Quant au sens juridique elles ne s’excluent pas. Au contraire, de même que toute ville de droit latin est un municipium, celle fondée par Rome est à la fois un municipium et une colonia. Mais, la dernière expression, qui soulignait le lien de parenté avec Rome, étant préférée dans la conception romains, l’autre dénomination fat, comme il arrive en pareil cas, restreinte, dans la langage courant de Rome, aux cités qui n’étaient pas des colonies ; cependant, dans le langage rigoureux, municipia doit avoir prévalu mémé pour les colonies latines ; car plus tard, lorsque après l’acquisition du droit de cité, ces dénominations furent conservées comme réminiscences historiques, les anciens municipia et colonia de droit latin se nomment sans exception municipia. — Pour les cités latines, municipia ne se rencontre pas fréquemment ; mais pourtant il se rencontré. La loi agraire de 643, ligne 31, parle de municipia et de colonia de droit romain et latin. Même sous l’Empire, la nom de municipium n’appartenait pas exclusivement aux cités de citoyens l’expression municipium civium Romanorum, constante dans le langage technique, tel que le révèlent par exemple les listes de Pline, suffirait à le prouver et les municipia Flavia espagnols, dont le droit latin est établi par les tables de Salpensa et de Malaca et par plusieurs inscriptions relatant l’acquisition du droit de cité romaine par l’exercice d’une magistrature municipale (per honorem) (C. I. L. II, 1610. 1631. 2096), le démontrent plus clairement encore.

[35] L’opposition faite dans Festus entre le présent et le passé le montre.

[36] V. tome III, la partie du Consulat, sur les mesures de sûreté générale.

[37] Un jurisconsulte du temps d’Auguste, C. Ælius Gallus, définit le municeps dans ce sens, par rapport aux cités modernes de citoyens romains : Municeps est, y a-t-il dans Festus, p. 142 (Ép. p. 131), ut ait Ælius Gallus, qui in municipio liber natus est, item qui ex alio genre munus functus est, item qui in municipio ex servitute se liberavit a municipe. Par conséquent, on nomme ici, à côté du citoyen, celui qui est obligé à munus fungi, ce qui comprend en tout cas le propriétaire foncier dépourvu du droit de cité municipal. Le jurisconsulte limitait-il à ce dernier la participation aux charges municipales ou envisageait-il aussi compte municeps l’incola du droit récent, le non citoyen qui est domicilié dans la cité, mais sans y être propriétaire ? Je ne sais. Dans les sources récentes du droit, municeps n’est pas employé dans ce sens : il désigne, parallèlement à colonus, le bourgeois de la cité, par opposition à l’incola et à l’étranger qui y est propriétaire. Mais Ulpien, Digeste, 50, 1, 4, 1 dit encore ce langage abusif (nunc abusive dicimus) et connaît toujours l’ancien : Et proprie quidem appellantur recepti in civitatem, ut munera nobiscum facerent.

[38] Appien, B. c. 4, 34. Les affranchis et les prêtres n’étant pas exemptés légalement, on ne peut conclure de ces mots à l’exemption légale des étrangers. Certainement il n’y avait sauré à se faire inscrire aux cens de cette époque, qui ne servaient pas à remplir l’ærarium, que les personnes pour lesquelles leur droit de vote avait quelque importance, et par conséquent les affranchis ne le faisaient pas en général, ni encore moins les non citoyens, alors même qu’ils auraient été en droit soumis au cens.

[39] Dans les annales qui nous ont été conservées, municipium n’est pas très fréquemment employé pour désigner les cités de demi-citoyens, attendu qu’on a plus tard entendu par là la cité de citoyens complets. Cependant les Lanuvini transformés en demi-citoyens sont appelés, dans Tite-Live, municipes cum populo romano ; de même 23, 31, les cives romani campani restés fidèles, municipes Campani et plus tard municipes Cumani. En outre, 26, 3, 3, les municipia nommés après les socii Latini nominis ne peuvent être que les cités de demi citoyens. Aulu-Gelle, 16, 3, 7, appelle aussi les Cærites municipes sine suffragii jure. Le mot est défini plu§ nettement que dans ces passages, terminologiquement peu dignes de confiance, par un contemporain de Cicéron, le jurisconsulte Ser. Sulpicius (dans Festus, v. municipes, p. 32, cf. l’apparatus dans Bruns, Fontes juris, p. 334) de la manière suivante : At Servius (le Ms. : servilius) aiebat initio fuisse (municipes), qui ea condicione cives romani fuissent, ut semper rem publicam separatim a populo Romano haberent, Cumanes Acerranos Atellanos. L’Épitomé, p. 431, (avec lequel l’article de l’original a été faussement interpolé dans les éditions ; voir l’appareil critique dans Bruns, loc. cit.), reproduit ce passage, mais à un autre endroit, de la manière suivante : Item municipes erant, qui ex aliis civitatibus Romam venissent, quibus non licebat magistratum capere, sed tantum muneris partem, ut fuerunt. Cumani, Acerrani, Atellani, qui et cives Romani erant et in legione merebant, sed dignitates non capiebant ; d’après quoi il y aura eu, dans la fin qui est perdue, quelque chose comme : Qui et cives Romani erant et in legione merebant, sed quibus non licebat nec magistratum capere nec suffragium ferre. Les mots : Qui ex aliis civitatibus Romam venissent, qui ne sont pas ici à leur place, ont été tirés par le moine de la définition du municipe latin donnée dans la glose étudiée plus haut, pour le surplus, les caractères et les’ exemples qui sont bien connus s’appliquent parfaitement à la cité de, demi-citoyens. Dans l’article Municipium qui ne nous est conservé que par l’Épitomé (éd. Muller, p. 129) la définition de la cité de demi-citoyens est reproduite avec la distinction de deux catégories qui, résulte-t-il moins des définitions défigurées par l’abréviateur que des exemples cités par lui et faciles à contrôler par l’histoire des villes nombreuses énumérées, sont les cités de demi-citoyens qui s’administrent elles-mêmes et celles qui ne le font pas. Les mots : Municipiumcum romanis civibus, mis en tête du passage relatif à la première catégorie, se rapportent, avons-nous vu au municipe de droit latin que l’epitomator confond avec la cité de demi-citoyens, et il a, par suite de cette confusion, mutilé la définition de cette catégorie. Mais ce qui en reste : Præterquam de suffragio ferendo aut magistratu capiendo, sicut fuerunt Fundani Formiani Cumani Accrrari Lanuvini Tusculani, qui post aliquos annos cives Romani effecti sunt, s’applique aussi bien la cité de demi-citoyens pour les caractères que pour les exemples, parmi lesquels Cumæ et Acerræ reparaissent dans Servius parmi les cités des demi-citoyens, et, quant aux autres, Formia et Fundi tout au moins ont certainement été des cités de demi-citoyens. Pour la seconde catégorie : Alio modo cum id genus hominum definitur, quorum civitas universa in civitatem Romanam venit, ut Aricini Cærites Anagnini, la définition de l’epitomator est corrompue. Mais Cære et Anagnia étaient notoirement des cités de demi-citoyens, et des cités de demi-citoyens sans administration ni magistrats propres. Les cités de demi-citoyens indiquées en premier lieu doivent donc forcément être celles qui avaient une administration propre, et c’est aussi ce qui est établi par exemple pour Cumæ par d’autres témoignages. Enfin, pour la troisième espèce de municipia civium romanorum : Tertio cum id genus hominum definitur qui ad civitalem romanam ita venerunt, ut municipia tissent sua cujusque civitatis et coloniæ, ut Tiburtes Prænestini Pisani Urvinates Nolani Bononienses Placentini Nepesini Suirini Locrenses, la définition est encore plus mauvaise que pour la seconde. Mais les exemples, pour la plupart relatifs à de vieilles villes latines ou à des colonies latines qui arrivèrent au droit de cité grâce à la guerre des Marses, montrent que, comme au reste cela se comprend de soi-même, il s’agit ici du municipium civium romanarum moderne avec le droit de cité complet, et qu’il devait y avoir dans l’original  quelque chose comme : Qui ita venerunt ad civitatem Romanaù municipes essent suæ quique (on cujusque) civitatis. Et cette leçon est confirmée par la reproduction de cette définition traditionnelle qui se retrouve dans Ulpien, Digeste, 59, 1, 1, 1. Celui qui connaît l’histoire des différentes villes d’Italie trouvera les indications conservées dans Festus pures et dignes de foi et reconnaîtra facilement pour ce qu’il est le dégât fait par l’abréviateur du moyen âge. Nous avons, dans ces deux gloses, un des restes les plus précieux qu’il y ait d’ouvrages de droit public du temps d’Auguste : la définition énergique des deux anciennes espèces de municipia, les cités latines et les cités de citoyens, et des trois subdivisions de la deuxième espèce de municipes : les cités de demi-citoyens qui ont une administration propre, les cités de demi-citoyens qui n’en ont pas, et les cités de citoyens complets.

[40] V. tome IV, la partie de la Censure, sur l’obligation de se faire inscrire au cens.

[41] En dehors des présents votifs (Tite-Live, 5, 25, 8 ; Festus, v. Pilentis, p 245 ; Val. Max. 5, 6, 8 ; Zonaras, 7, 21. — Tite-Live, 32, 1, 18. — Tite-Live, 27, 37, 9) on ne trouve que deux cas où les femmes aient fourni de l’argent dans un but civique : pour le paiement de la rançon due aux Gaulois, qui, leur fut ensuite rendue (Tite-Live, 5, 50. 6, 4 ; Festus, Ép. p. 152, v. Matronis ; Val. Max., loc. cit.) et, pendant la guerre d’Hannibal, en 540, où les fonds des pupilles et des femmes non mariées furent versés à l’Ærarium sous réserve de restitution (Tite-Live, 21, 18 rapproché de Val. Max., loc. cit., Appien, 4, 33). Les derniers versements ne doivent probablement pas être considérés comme des mutua, avec Tite-Live, mais, selon l’exposition d’Appien, comme le paiement d’un tributum ; dans le tributum aussi les fonds sont restitués.

[42] Appien, 4, 5. c. 32. 33 où Hortensia de mande.

[43] Ce minimum établi en matière, d’impôt confondu souvent et notamment par moi dans des ouvrages antérieurs, avec le minimum requis pour le service militaire) est attesté par Cicéron, De re p., 2, 22, 40, et par Aulu-Gelle, 16, 19, 10.

[44] L’orthographe : Adsiduus est établie tant par des inscriptions du temps de la République (C. I. L. VI, 9499) que par l’étymologie évidente du mot tiré d’adsidere, comme residuus de residere. Les anciens grammairiens étaient en désaccord sur l’étymologie, et par suite l’orthographe variait dans les manuscrits (Charisius, éd. Keil 1, p. 15 ; d’où Isidore, Orig. 10, 27). Dans le langage courant, adsiduus désigne l’habitant assis dans le lieu ; ainsi par exempte le propriétaire vivant sur son bien est appelé adsiduus dominus (Cicéron, De sen. 16, 56 ; cf. Pro Roscio Amer. 7, 18), et il est pris comme synonyme de frequens (Varron, De l. Lat. 7, 99 ; cf. Charisius, loc. cit., et Festus, Ép. p. 9). Les anciennes étymologies remontent pour partie exactement à sedere (Paul. Ép. p. 2 ; Charisius, loc. cit.) ; mais celle qui prévaut est celle, produisant une assonnance, déjà donnée par Ælius (Stilo) et tirée ab ære dendo ou ab esse dando (Cicéron, Top. 2, 10 ; De re p. 2, 22, 40 ; Quintilien, Inst. 5, 10, 55 ; Aulu-Gelle, 16, 10, 15 ; Festus, Ép. p. 9 ; Charisius et Isidore, loc. cit.) que l’on rapporte tantôt au tributum (Charisius), tantôt à l’acquisition des armes à ses propres frais (Festus), tantôt à la fortune en général (Festus : Multorum assium). La pseudo-étymologie a muneris par familias copia faciendi assiduitate (Aulu-Gelle, loc. cit.) est absolument déraisonnable.

[45] Ce mot se trouvait aussi dans les Douze Tablas (Gaius, Digeste, 50, 16, 234, 1). Les juristes emploient adsiduus et locuples comme exemple d’identité de deux expressions techniques (Cicéron, Top. 2, 10 ; de même, De re p. 2, 22, 60 ; Varron, De vita p. R. chez Nonius, p. 67 ; Festus, Ép. p. 9 ; Aulu-Gelle, 16, 10, 25). Dans la langue courante, ce mot correspond à pecuniosus (Cicéron, De re p. 2, 9, 16 ; Varron, dans Nonius, loc. cit.). Sur l’étymologie de ce composé formé par analogie de mansues = manusuetus, il n’y a jamais eu de doute ; Cicéron, loc. cit., le rattache aux locorum possessiones, et Ovide, Fastes, 5, 280 ; Quintilien, Inst. 5, i9, 55 ; Aulu-Gelle, 10, 5, 2 ; Festus, Ép. p. 119 proposent des étymologies semblables ; selon Pline, 18, 3, 11, locupletes dicebant loci, id est agri, plenos. Cependant les habitudes de langage ne reportent pas à la propriété foncière, et l’origine du mot ne se concilie pas avec elle ; car locus n’est pas le champ, mais l’espace de terrain et n’est jamais employé pour les immeubles productifs, et l’idée d’abondance s’applique mal à la possession de la terre. Peut-être l’abondance d’argent est-elle l’idée fondamentale ; puisque loculus désigne la poche où se met l’argent, locus peut avoir anciennement désigné la pièce où se met l’argent l’ærarium du particulier.

[46] Le proletarius civil (cette forme adjective est dans les Douze Tables) ou proletaneus (Festus, Ép. p. 226) c’est, comme dit Cicéron, De re p. 2, 22, 40, le citoyen qui peut avoir des enfants. La mémé définition est donnée par Festus, Ép. p. 226 (corrompu) ; par Aulu-Gelle, 16, 10, 13 ; par Nonius, p. 67, et est aussi impliquée par Tite-Live, 2, 9, 8.

[47] Cicéron, De re p. 2, 22, 40, donne clairement à entendre que proletarius et capite census se confondent, et Festus (Ép. p. 226 : Proletarium capite censum) le dit expressément. Le sens des deux expressions (complètement méconnu dans Aulu-Gelle, 16, 10, 13) conduit à la même solution ; car tout citoyen peut être appelé faiseur d’enfants même s’il n’a aucune fortune, et, au point de vile juridique, quiconque a une fortune inférieure au minimum légal, est une personne sans fortune. Si, par conséquent, les deux expressions ont réellement été différenciées relativement au service militaire pour nommer proletarii les citoyens ayant un cens de 315 à 1500 as enrôlés en cas de nécessité et capite censi ceux qui ont moins de 375 as et ne sont jamais appelés au service, ainsi que l’assure l’autorité d’Aulu-Gelle, c’est là une singularité de la langue militaire indépendante des habitudes du langage ordinaire.

[48] Aulu-Gelle, 16, 10, 5. Loi Rubria, c. 21. Loi municipale de Genetiva, c. 61.

[49] Le lien établi entre locuples et la propriété foncière ne l’a été évidemment que par une étymologie forcée, et il est plus que problématique en lui même.

[50] Appien, B. c. 6, 34.