LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE TROISIÈME. — LE PEUPLE ET LE SÉNAT.

LES DROITS ET LES DEVOIRS DES CITOYENS DE L’ÉTAT PATRICIO-PLÉBÉIEN.

 

 

L’exposition des droits et des devoirs des citoyens est plutôt l’objet du droit romain en général que celui du droit public. Spécialement dans cette partie consacrée au peuple, il ne peut en être question que par rapport à l’obligation à l’impôt, à l’obligation au service militaire et au droit de vote, et encore les deux premières obligations ne doivent-elles être étudiées ici que sous leur aspect politique tandis que leur étude administrative doit être réservée aux théories spéciales des Finances et de l’Armée. Les autres questions. qui pourraient être soulevées, celles du droit aux magistratures et aux sacerdoces, du droit civil et du droit criminel, sont traitées dans d’autres parties de notre travail ou doivent en être exclues. Le droit aux magistratures se confond avec la capacité d’être magistrat et est étudié à ce sujet. La législation de la république ne connaît pas de capacité générale d’occuper les sacerdoces[1] ; les règles postérieures, qui ont une importance politique, seront exposées dans les parties du Sénat et des Chevaliers les détails rentrent dans les. Antiquités religieuses. Il en est de même pour la procédure civile et la procédure criminelle : la justice rendue par le magistrat est étudiée dans la partie de la Magistrature, celle rendue par le peuple, dans la partie des Attributions de l’assemblée du peuple : tout le reste ne peut trouver place que dans les traités de droit et de procédure civils et criminels. Cependant, avant d’arriver à l’étude des impôts, de l’armée et du vote, ou, ce qui revient au même, de la distribution du peuple et des usages faits de cette distribution, nous devons traiter ici, au point de vue du droit public, deux points qui sont, régulièrement et à bon droit, étudiés dans les Antiquités privées : ce sont le nom du citoyen et le costume du citoyen, au sujet desquels il faut d’ailleurs aussi tenir compte des lignes de démarcation tracées entre les citoyens et les non citoyens de nationalité semblable ou différente.

Nous prendrons pour base constante de cette exposition : la définition moderne du citoyen comprenant à la fois les patriciens et les plébéiens ; mais nous relèverons, lorsque le sujet le demandera, les droits des anciens citoyens et leurs privilèges conservés comme droits distincts dans l’État patricio-plébéien. Les observations à, faire sur le nom et le costume des affranchis trouveront mieux leur place dans la partie consacrée au droit de cité inférieur de ces personnages.

L’exercice illégitime des droits de citoyen romain n’a pas seulement, comme il va de soi, pour conséquence la nullité des actes accomplis en vertu du droit usurpé. Il était en outre, au moins dans les temps récents de la république et sous le principat, frappé de peines criminelles et même de la peine capitale[2].

I. NOM ET INDICATION D’ORIGINE.

Le nom du citoyen[3], sa marque distinctive (nomen, de noscere) consista, en droit et de toute antiquité, au moins depuis qu’il y a des gentes[4], en trois parties : la dénomination individuelle, l’indication de la gens et celle de la filiation. Ces trois éléments se rencontrent nécessairement dans le nom de tout citoyen du sexe masculin, qu’il soit patricien ou plébéien ; il s’y ajoute une quatrième partie intégrante plus récente, qui n’est pas nécessaire du temps de la république, mais qui est surtout propre à la nobilitas et aux affranchis : le cognomen.

1. La dénomination individuelle, selon sa désignation récente étrangère à son rôle primitif, le prænomen[5], qui, de par son principe, est nécessairement simple, est, par excellence, le signe distinctif du citoyen : il n’appartient, en droit, ni à l’esclave[6] ni à la femme[7], et il est donné aux citoyens du sexe masculin au moment où ils revêtent le costume viril[8]. Puisque, d’après, la nature des choses, la dénomination individuelle doit s’étendre à tout le temps où l’homme a le sentiment de son individualité, et que même, d’après une vieille coutume romaine, le nom était donné à l’enfant le neuvième jour après sa naissance[9], le nouveau système doit certainement être venu d’une réglementation officielle moderne par laquelle l’ancien usage n’aura pas été écarté.

Une autre intervention de l’État dans l’attribution des noms aux citoyens se manifeste dans la limitation, aussi connue qu’étrange, apportée au droit de les choisir. Assurément l’usage de faire renaître les ancêtres dans leur postérité et, en particulier, le grand-père dans le petit-fils, apporte partout des restrictions au libre choix des noms, et, en présence du développement énergique du droit de gentilité à Rome, il est fort concevable que des traditions gentilices et même des résolutions gentilices aient empiété de bonne heure efficacement sur le droit du père de déterminer le nom individuel de son fils. Mais cela ne suffit aucunement à expliquer, d’une manière satisfaisante, le fait établi que, si haut que remontent nos tables des magistrats, en principe dignes de foi, par conséquent dès l’époque où les patriciens avaient encore seuls les magistratures, non seulement les différentes gentes emploient, tout au plus huit, prénoms masculins chacune, mais en outre, ce qui est encore plus surprenant, elles n’en emploient, à elles toutes, qu’une quantité qui fut d’abord un peu plus grande, mais qui, depuis le IVe siècle, ne dépasse guère le chiffre de 15 ou 18[10]. Par conséquent, sur un terrain où dans des conditions naturelles l’arbitraire individuel s’exerce sans obstacles, la réglementation politique dominait dans la Rome patricienne avec un despotisme sans exemple. La cause de ce régime des noms individuels est sans doute dans les rapports des patriciens et des plébéiens. Le prénom, qui est resté, même à l’époque récente, le signe distinctif du citoyen, doit avoir été, à l’époque la plus ancienne, où les patriciens étaient les citoyens par opposition aux personnes non  libres, un droit réservé aux seuls patriciens ; le droit de porter un nom individuel doit y avoir fait défaut légalement aux personnes non libres, comme il fait encore postérieurement défaut aux esclaves. Lorsque plus tard les individus non libres se transformèrent en individus dont la liberté était garantie, et qu’ils acquirent par là le droit à une dénomination individuelle, il ne resta pour les distinguer des citoyens qu’un moyen ; ce fut de réserver un certain nombre de noms individuels aux patriciens, d’établir par conséquent pour eux des prénoms obligatoires. Cette supposition explique à la fois le régime des noms individuels romains et sa destruction précoce. Si les noms réservés caractérisaient les citoyens ayant la cité complète, et si le port en fut interdit aux plébéiens tant qu’ils ne l’eurent pas, précisément parce qu’ils ne l’avaient pas, la loi Licinia au plus tard dut forcément, en ouvrant aux plébéiens l’accès aux magistratures, étendre aux maisons consulaires de la plèbe, avec la même nécessité que le jus imaginum, l’usage des noms réservés, et cela dut se produire d’autant mieux que l’autorité compétente en cette matière, la censure, passa au même moment dans les mains des plébéiens[11]. Il est même probable que l’emploi par les plébéiens des noms réservés aux citoyens complets a commencé longtemps avant la loi Licinia ; car tous les noms plébéiens qui nous ont été transmis ont déjà des prénoms patriciens. L’institution de l’émancipation peut avoir exercé ici une influence ; car les plébéiens sortis du patriciat par cette voie conservaient certainement leur nom individuel antérieur. Les citoyens des populations latines qui sont passées dans la plèbe romaine, doivent aussi, puisque la plupart des prénoms romains sont indubitablement des prénoms latins généraux, avoir continué à porter les noms personnels dace genre, quoique peut-être par abus, tout comme ils gardaient leurs noms de famille. L’essai que l’on fit pour limiter, dans l’intérêt des anciens citoyens, la liberté première de collation des noms, ne dut jamais parvenir à un succès complet en ce qui concerne l’interdiction aux personnes non privilégiées des noms réservés ; il dépassa au contraire son but en entraînant la disparition des autres noms. Leur abandon se sera, en partant des hautes couches de la plèbe, peu à peu étendu à ses couches inférieures. La nobilitas plébéienne se sera la première mise sur le même pied que les patriciens pour les noms personnels les plébéiens ingénus seront venus ensuite[12] ; et finalement les affranchis auront fait de même. Nous apercevons encore les vestiges de cette dernière phase : à la fin de la République, on continue à rencontrer, dans la plus basse fraction de la plèbe, chez les affranchis, des prénoms différents des quinze prénoms officiels[13] ; sous l’Empire, on n’en rencontre plus de pareils, même chez eux. Les anciens noms réservés sont donc devenus le contraire de ce qu’ils avaient été : ils sont portés sans distinction par tous les citoyens. Le développement démocratique des derniers siècles de la République est là devant nos yeux comme dans un miroir, avec ses efforts victorieux pour dissimuler, sinon pour supprimer la distinction des nobles et des citoyens, puis celle des grands et des petits et pour lui enlever tout au moins son expression onomatologique.

Ce développement politique anéantit pratiquement la dénomination individuelle. Les quinze prénoms ne distinguaient plus les classes, et, en fait, ils distinguaient insuffisamment les personnes. Rien ne montre plus clairement combien les prénoms civils étaient devenus dépourvus de valeur et vulgaires à Rome, à la fin de la République, que la tentative faite du temps de César et d’Auguste par les restes du patriciat qui existaient encore pour les abandonner et pour les remplacer par le cognomen nobiliaire. L’impulsion fut donnée par les descendants du dictateur Sulla[14] et suivie par les Æmilii, les Julii, les Clodii. Cette coutume ne sortit guère de l’ancienne noblesse héréditaire et périt avec elle[15]. On ne la rencontre plus après l’anéantissement de cette noblesse, à l’époque des Flaviens et dans les temps postérieurs. La façon dont l’État romain s’anéantissait lui-même, d’un côté, par l’inflexible développement des privilèges nobiliaires et de l’autre par la tendance des personnes non nobles non pas tant à supprimer ces privilèges qu’à se les approprier, se manifeste avec une effrayante clarté dans cette décadence du nom propre romain ; précisément parce qu’il avait eu l’empreinte d’un privilège nobiliaire, il finit par être rejeté par la noblesse comme trop vulgaire. — Il n’y a pas d’intérêt juridique à chercher comment le prénom s’étiola et périt sous le Principat ; le dernier empereur qui l’ait porté est Maxence ; après le troisième siècle, on ne le rencontre plus que par exception.

2. La qualité de membre d’une gens est, conformément à sa nature, exprimée par un adjectif qui dépend du nom individuel. Puisque nul ne peut appartenir à plusieurs gentes, la désignation par l’adjectif est aussi nécessairement simple que celle par le substantif. A la différence de cette dernière, l’indication de la famille se présente non seulement chez les hommes, mais chez, les femmes et les enfants. Conformément au système exposé plus haut, selon lequel la participation à la gentilité, qui a sa forme dans la clientèle, s’étend à tous ceux qui appartiennent à la cité sans être patriciens, l’idée de la gens s’étend à toute la plèbe et le gentilicium ne fait défaut à aucun citoyen. il n’y a, pour la façon différente dont le patron et le client appartiennent à la gens, aucun signe distinctif dans le langage ; la distinction gentilice du patricien et du plébéien reste sans expression reconnaissable, ou, si jamais elle en a eu une, la tendance à mettre extérieurement tous les citoyens sur le même rang et à effacer les privilèges de la noblesse l’a écartée de bonne heure de fond en comble.

Par suite de la dégradation précoce du nom individuel, le nom gentilice a obtenu un rôde plus étendu qu’il ne lui revenait au sens propre. Parmi tous les documents écrits que nous possédons, il n’y en a peut-être qu’un qui emploie, ainsi que le font régulièrement les Grecs, le nom individuel tout seul comme désignation complète[16] ; aussi l’adjonction du nom gentilice au nom personnel est constante ; et soit la dénomination de prænomen donnée à ce dernier, soit les abréviations obligatoires employées pour lui se rattachent certainement à cela. Le temps reculé auquel cela a eu lieu est prouvé notamment par la forme de l’alphabet latin qui sert de base à ces abréviations et dans laquelle le g et le k ont encore leur valeur primitive comme dans l’alphabet grec qui sert de type. La double dénomination ainsi constituée est restée depuis constante à Rome. Ce n’est qu’avec le déplacement’ du centre de gravité de l’empire de l’Occident latin à l’Orient grec que le gentilicium a perdu du terrain sans disparaître complètement et que la dualité de nom romaine a cédé la place qu’elle avait longtemps occupée.

3. A la désignation de la personne et de sa gens s’adjoint celle du titulaire actuel ou antérieur de la puissance, c’est-à-dire, pour les hommes et pour les femmes non mariées, le nom du père qui les a ou les a eus en puissance, pour les femmes mariées, le nom du mari ; pour les enfants qui ne sont pas nés en mariage légitime, la qualification spurius s’ajoute à titre complémentaire. Le titulaire de la puissance est, dans les temps anciens, constamment désigné par son seul nom personnel[17]. Il n’est pas nécessaire que le titulaire de la puissance soit ou ait été Romain[18]. Comme c’est aux relations des Romains avec des non Romains de même nationalité que, dans ce domaine aussi, les règles établies ont été d’abord appliquées, il ne résultait delà aucune discordance extérieure. Lorsque plus tard la cité fut accordée à des non Latins, on leur attribua fictivement un nom paternel de forme romaine, ce qui prouve la nécessité légale de cette troisième partie du nom de citoyen.

Le rapport de puissance est exprimé par le génitif, caractéristique de la propriété, et ce génitif est resté en usage pour les femmes mariées jusqu’à une période avancée de l’Empire[19]. Mais le nom du père mis simplement au génitif ne se rencontre qu’à titre isolé sur les monuments de l’époque la plus ancienne[20]. On voit s’y adjoindre de très bonne heure et avec une nécessité légale le substantif qui le régit pour les hommes libres, filius[21], pour les affranchis, servus, à l’époque la plus ancienne[22], et postérieurement liberius. Evidemment la présence de ce substantif a été exigée pour tracter une ligne de démarcation apparente entre les deux catégories de personnes comprises sous le génitif de propriété, les fils de famille et les affranchis. La désignation symétrique des degrés de parenté plus éloignés n’était pas exigée, mais était permise, en tant que la langue fournissait pour elle des expressions, ce qui ne s’étendait pas au delà du petit-fils[23]. Les Romains ne sont par conséquent pas à même, comme le sont les Grecs et toutes les nations qui n’emploient pas ce mode de désignation, d’exprimer, dans les noms, des généalogies aussi étendues qu’ils veulent. L’expression leur fait défaut dès le troisième degré.

Le cercle de l’ingénuité tel qu’il était tracé à l’époque ancienne excluant les fils de l’affranchi et n’embrassant que ses petits-fils, la mention du père ou de l’auteur de l’affranchissement, faite dans le système des noms romains, doit, dans son application propre et rigoureuse, appartenir au développement de la plèbe et avoir été d’abord prescrite pour séparer les affranchis des plébéiens.

4. La théorie juridique du second nom individuel, du cognomen est soumise à des difficultés exceptionnelles, parce que, d’une part, il n’a été admis dans les dates officielles que dans la période postérieure à Sulla[24] et, d’un autre côté, parce que les rédactions des fastes qui nous sont parvenues sont dominées par le principe de l’universalité du cognomen et en attribuent arbitrairement un aux magistrats qui n’en ont pas. Le cognomen, s’adjoignant comme seconde désignation individuelle au prénom, est nécessairement dépourvu de sa simplicité et de sa fixité, à la possibilité soit de doublement, soit de changement est de son essence ; mais cependant il arriva de bonne heure, dans les hautes sphères, à une portée politique semblable à celle du prénom. Sous la République[25], le cognomen n’est, lui non plus, porté que par les hommes, et celui qui caractérise la haute classe est appelé postérieurement cognomen equestre[26]. Au contraire, il n’est pas employé, comme le prénom, pour désigner l’individu : ainsi, en particulier deux frères ne peuvent porter le même prénom, tandis que le port du même cognomen par tous deux ne se heurte à aucun obstacle et se présente même fréquemment. L’usage en est principalement patricien. Il n’y a, dans les temps historiques, aucune gens patricienne qui ne se serve du cognomen héréditaire, sauf une exception qui confirme la règle, l’exception des Claudii chez lesquels le prénom à Appius, appartenant à eux seuls, rend le cognomen superflu. La substitution du cognomen héréditaire aux prénoms civils devenus vulgaires, par laquelle l’aristocratie, dépouillée du pouvoir politique, essaya de rafraîchir sa noblesse au temps de César et d’Auguste, appartient aussi, avons-nous vu surtout au patriciat. Il a par suite de grandes vraisemblances intimes pour que le cognomen légalement fixé, qui était, nous en avons la preuve, déjà adopté dans les hautes classes dès le Ve siècle[27], et qui probablement remonte encore plus haut dans le passé, ait été introduit afin de tenir lieu des prénoms civils, qui avaient également servi, à l’origine, à distinguer les patriciens des non patriciens, et il a dû t’avoir une époque dans laquelle la noblesse héréditaire se distinguait du reste des citoyens par un cognomen plus ou moins héréditaire. Assurément nous ne pouvons le prouver directement ; mais nous, pouvons établir qu’un certain nombre de maisons appartenant à la noblesse plébéienne se sont abstenues pendant des générations de porter le cognomen[28], et que, jusque sous l’Empire, les municipaux riches et considérés se présentent pour la plupart sans cognomen[29]. Le singulier maintien de l’exclusion du cognomen dans les dates officielles peut tenir à ce qu’il ne fallait pas exprimer par un signe extérieur la différence des consuls patriciens à cognomen et des consuls plébéiens sans cognomen. Le port du cognomen par les plébéiens, qui remonte assurément fort loin, pourrait être mis sur le compte de cette usurpation du patriciat, dont la pseudo gentilité plébéienne est l’expression. Ce n’est pas par hasard que trois maisons plébéiennes pseudo patriciennes anciennes et considérées, celles des Junii, des Marcii et des Mucii font remonter leurs cognomina : Brutus, Rex, Scævola à l’époque oh elles étaient patriciennes[30]. Cela a tout à fait l’air de reconnaître que le droit au cognomen est un privilège des patriciens et de justifier son usage par des plébéiens en invoquant un patriciat fictif. A la vérité, on ne peut en rester là. Si la nobilitas n’est, comme nous verrons, qu’un pseudo patriciat, que l’extension des privilèges patriciens aux plébéiens arrivés à une magistrature patricienne, tous les plébéiens anoblis ont un droit parfaitement fondé au cognomen[31], quoique beaucoup d’entre eux n’en fassent pas usage. D’un autre côté, beaucoup des citoyens qui n’avaient pas le droit de porter un cognomen héréditaire, ont sans doute usurpé ce titre de noblesse ; en particulier, après la fusion des peuples italiques dans le peuple romain, la noblesse municipale, qui existait dans chacun d’eux et qui était sans nul doute arrivée sous bien des rapports à une terminologie analogue à celle de Rome, n’aura pas abandonné ses surnoms héréditaires[32]. Le cognomen héréditaire a donc suivi la même voie que le prénom. D’abord signe distinctif de la noblesse, il s’étend, dès la fin de la première dynastie, à tout le cercle des citoyens ingénus. Après que la dénomination individuelle primitivement perdu sa force, les cognomina, parfois multiples, et disposés en longue série, prirent le premier rôle dans le système des noms, et l’importance de ce rôle s’augmenta à mesure que le gentilicium devint plus impropre à sa fonction.

Le signum arbitrairement choisi, des temps récents de l’Empire, fondé, semble-t-il sur le groupement idéal selon lequel les hommes et les femmes se rassemblaient en association des personnes d’accord (concordii), des bien nés (Eugenii), des étoilés (Asterii), des Dalmates (Dalmatii), etc., a fini par se substituer fréquemment à l’ancien cognomen et a influé, pour une forte part, sur le système des noms du Moyen Age[33].

Il y avait, chez les Romains, des armes de famille, et il y en avait également chez les patriciens et les plébéiens ; c’est là à peu près tout ce que nous savons des armoiries romaines. Il n’est pas invraisemblable que les armes et le cognomen héréditaire allaient ensemble[34].

Le système des noms que nous avons exposé n’aurait pas pu être observé s’il n’y avait eu des institutions pour mettre des bornes à la fantaisie individuelle, si multiple et si naturelle précisément en cette matière, et pour réprimer les contraventions commises contre lui. Les coutumes des différentes gentes et l’accord des gentils entre eux pouvaient d’autant moins y suffire qu’ils ne produisaient pas de lien juridique et que leur violation amenait tout au plus une déchéance religieuse. Mais l’État romain avait un organe pour protéger contra les infractions individuelles les lois établies sur les noms civils et les usages assimilés à la loi : les censeurs, qui dressaient les listes des citoyens, avaient le droit et le devoir de contrôler et de rectifier, le cas échéant, les différents noms ; et certainement chaque citoyen n’avait pour nom légal que celui qui était inscrit sur ces listes. Il ne nous a pas été conservé d’exemple d’application de ce droit, sans doute parce que nous ne possédons de documents circonstanciés relatifs à cette question que pour une époque où, par suite de l’extension toujours croissante du nombre des citoyens et de l’indolence toujours plus grande de l’administration centrale, l’exercice rigoureux des droits du censeur était en décadence et le système des noms lui-même était enfreint de tous côtés. Après que le cens général eut été lui-même supprimé en fait par les réformes de Sulla, les censeurs municipaux n’ont probablement plus influé sur le système des noms que pour assurer la mise à part des affranchis que nous voyons maintenue en principe pendant le Principat.

On ne rencontre, de traces de l’intervention des pouvoirs publics, en dehors de mesures individuelles des temps modernes[35], que pour les dénominations directement politiques ; on ne pouvait pas plus se les attribuer soi-même que le titre d’imperator[36], et, bien qu’elles fussent considérées comme acquises par une acclamation de l’armée ou du peuple[37], le sénat a aussi pris des résolutions sur la concession de titres de ce genre[38], et la transmission héréditaire des surnoms tirés de victoires a été réglée dès l’an 514[39].

Le système des noms latins ne se distingue pas, autant que nous voyons, en principe du système. Romain ; en particulier, il est comme lui régi par le principe de la dualité de noms. Il parait même se rapprocher des usages romains quant à l’emploi exclusif des quinze prénoms[40].

Au contraire, les pérégrins appartenant à l’Empire n’ont pas seulement, en vertu de leur nationalité différente, un système de noms distinct. Il leur est même défendu par la loi pénale de porter un nom de forme Romano-Latine[41].

Le Romain n’indique pas, chez lui, dans son nom, que Rome est sa patrie, puisque cela va de soi. Quand, à l’étranger, la coutume prescrit l’indication de la patrie, comme par exemple dans la grande ville d’étrangers de Délos, les Romains eux-mêmes suivent cette coutume[42]. Les Romains expriment, dans leur nom, la circonscription de leur patrie à laquelle ils appartiennent en indiquant leur gens. La curie et la tribu, ethnique ne sont pas mentionnées dans le, nom parce qu’elles sont toutes deux révélées par la gens.

Quoique la tribu personnelle de la période ancienne fut simplement transportée du sol à la personne, et qu’elle ne fui même, pour cette dernière, ni fixe ni générale, il n’y avait cependant pas, pour exprimer la possession complète du droit de cité romaine, d’autre expression brève et sans équivoques que l’indication de la circonscription électorale, employée à la fois pour les comices par tribus et pour les comices par centuries, embrassant en même temps les patriciens et les plébéiens, aussi cette mention a-t-elle été de bonne heure adjointe, pour les hommes, — la tribu n’a jamais été indiquée pour les femmes, — au nom personnel dans certains cas. C’était au moins ce qui se faisait, depuis les temps les plus reculés, dans les listes des citoyens : la preuve en est, soit dans le rang que cette indication occupe, dans le nom, avant le cognomen, soit dans les abréviations techniques employées en cette matière qui remontent à une phase linguistique disparue. Nous possédons des témoignages de son emploi à cette fonction des le temps des Gracques[43]. Mais l’indication de la tribu ne paraît être entrée dans l’usage général courant que lorsque, après la guerre sociale, la division en territoires politiques fut généralisée et liée d’une manière fixe aux circonscriptions électorales[44]. A cette époque, la tribu prime les trois degrés du droit de cité romaine qui existent alors : la tribu rustique de la cité d’origine caractérise, le citoyen ayant le droit de cité complet ; la tribu urbaine indique l’ingénu du second rang, et enfin l’absence de tribu l’affranchi[45]. Par suite, la tribu est mentionnée, dans la bonne époque de l’Empire, avant tout chez les soldats ayant la plénitude des droits, mais aussi chez d’autres personnes. Au IIIe siècle où ces distinctions politiques s’effacent de plus en plus, la tribu perd aussi du terrain[46], et ce n’est plus qu’à titre isolé qu’elle apparaît encore à l’époque de Constantin[47].

Nous ne pouvons dire si le territoire duquel on dépendait trouvait, à l’époque ancienne, son expression dans le nom, en tant qu’il impliquait l’existence d’une association des personnes dans l’intérieur du peuple romain, c’est-à-dire pour les cités de demi-citoyens qui étaient en dehors des tribus et pour les colonies de citoyens et les municipes de citoyens. La place qu’occupe sa mention dans a suite des noms, après le cognomen, n’est pas favorable à l’affirmative. Depuis que la division territoriale a été généralisée, nous trouvons les noms de lien employés comme partie du nom, à la place indiquée, à l’ablatif, parfois avec domo auparavant[48]. Cependant cela ne constitue la règle que dans les listes de soldats ; c’est seulement de ces listes et seulement dans une faible mesure que l’usage d’ajouter au nom la mention du district d’origine parait avoir passé chez les autres personnes[49]. Il est remarquable sous ce rapport que les citoyens romains sortis d’une cité de non citoyens qui appartient à l’Empire n’en continuent pas moins à indiquer cette cité comme leur patrie[50].

II. LE COSTUME

Le costume dans lequel les hommes paraissent en public, — celui des femmes et des enfants n’a que peu d’importance, — exprime visiblement la qualité de citoyen et d’homme libre par opposition à celles de pérégrin et d’esclave. Il exprime aussi l’état de paix et l’état de guerre. Nous devons l’étudier ici à ces points de vue.

Le costume de guerre, avec l’équipement et les armés, ne peut être revêtu que sur l’ordre du magistrat, c’est-à-dire, par la cavalerie permanente, pour ses défilés dans l’intérieur de la ville[51], par tout le peuple, pour le cens, qui est en même temps une revue des hommes et des armes[52] ; et pour les sorties militaires faites en vue soit d’exercices, soit de combats. L’existence des exercices militaires à Rome, est, en l’absence de tradition directe, attestée soit par la langue, dans laquelle exercitus, au sens propre l’acte de repousser[53], est transporté, d’une part, à l’armée, et d’autre part, à l’exercice en général, soit par la présence du grand champ de manœuvre, tenu pour cette raison jusque sous l’Empire non bâti, le campus Martius situé devant les portes. En dehors de ces occasions, le costume militaire et le port des armes sont interdits aux citoyens, au moins dans le territoire domi[54]. Il en est de même si l’armée est convoquée pour d’autres buts que les buts militaires, en particulier pour le vote[55]. Seuls les cavaliers, appartenant à un corps permanent, portent, d’une manière permanente, non pas l’uniforme, mais une bande rouge à leur vêtement de dessous[56], qui rappelle le rouge costume militaire[57].

Le costume et l’équipement militaires n’ont pas besoin d’être étudiés ici, puisque l’arbitraire, de celui qui les porte y a été exclu une fois pour toutes et que les transformations de l’uniforme qui se sont produites dans le cours des temps n’ont aucune importance politique.

Le costume des citoyens est régi par le principe de leur égalité et par la préoccupation de ne pas laisser exprimer les différences existant entre eux. Il n’y a point, sous ce rapport, de distinction entre les patriciens et les plébéiens[58], ni entre les ingénus et les affranchis[59], ni même, à l’origine, entre les sénateurs et le reste du peuple[60]. Les points spéciaux qui suivent méritent d’être relevés.

1. Le port d’une coiffure sur les cheveux coupés ras[61] paraît n’avoir été permis d’abord qu’aux citoyens, tandis que les esclaves allaient tète nue. Cependant cette dernière coutume s’est de bonne heure généralisée, et le chapeau ne se rencontre par la suite qu’à titre exceptionnel, particulièrement comme signe de la liberté civile[62].

2. Les magistrats seuls portent un vêtement de dessus de couleur. La toge rouge est l’insigne du roi, la toge bordée de rouge[63] est celui des magistrats de la République[64].

Le vêtement de dessus des citoyens est la toge toute blanche ; le citoyen arrivé à l’âge d’homme ne pouvait paraître en public dans un autre costume, et son vêtement de cérémonie lui-même ne se distinguait que par son éclatante blancheur[65]. Cependant cette prescription ne s’étendait pas aux enfants et aux  femmes. La coutume imposait bien la toge aux petits garçons, mais pour eux elle permettait d’y mettre une bordure rouge[66]. Pour les femmes et les petites filles, toutes les coupes de vêtements et toutes les couleurs soit de la bordure, soit du vêtement tout entier étaient permises[67].

3. Les chevaliers, nous l’avons déjà dit et nous avons déjà dit pourquoi, ont, probablement depuis les temps les plus reculés, le droit de porter une bande rouge à leur vêtement de dessous. Le port d’étoffes de couleur était, pour ce vêtement comme pour l’autre, interdit au reste des citoyens arrivés à l’âge d’hommes. Les crieurs publics seuls avaient, pour des raisons faciles à comprendre, le droit de se distinguer par le même signe que les chevaliers[68]. Les sénateurs n’avaient pas, avons-nous dit, d’insigne propre dans l’ancien système ; c’était seulement lorsqu’ils avaient le cheval de guerre qu’ils portaient, en cette qualité, la bande rouge. L’introduction d’un insigne sénatorial analogue à celui des chevaliers, mais plus caractérisé, de la large bande de pourpre mise à leur tunique, est, à sa façon et à son époque, l’expression palpable du plein développement du gouvernement aristocratique venant anéantir l’égalité des citoyens.

Il est certain que les dispositions relatives au costume des citoyens étaient obligatoires et que la Romain qui portait la pourpre sans être magistrat ou qui se montrait en public habillé à la grecque était passible d’une peine ; mais il n’y a cependant, à notre connaissance, pour les infractions de ce genre ni action ni peine réglées. Elles rentraient dans le cercle de la coercition du magistrat ; les magistrats chargés de la surveillance de ce qui se passe en public, les consuls et les édiles, avaient en particulier à exercer leur droit d’amende et de saisie[69]. Par apparition en public il faut entendre l’apparition dans un lieu public à titre plus ou moins officiel, d’autant plus que la toge, aussi imposante qu’incommode, ne peut, par sa nature, être employée que là et ne laisse même pas les mains libres. Les ouvriers et les artisans, les membres des classes inférieures en général ne pouvaient pas être soumis aux règles du costume obligatoire, et elles n’ont certainement été appliquées qu’avec des restrictions multiples. Niais, dans les limites où la coutume et l’arbitraire du magistrat impliqué par la coercition maintenaient la contrainte au costume, elle a, selon toute apparence, été rigoureusement observée pendant longtemps dans la ville de Rome, non seulement pour l’apparition en public des magistrats et des jurés, mais aussi au regard dès particuliers, pour les assemblées du peuple de toute sorte, y compris les fêtes et les spectacles, et pour leur apparition en plein jour au Forum, ou l’assemblée du peuple était pour ainsi dire en permanence. Il en était sûrement de même dans les localités de citoyens, pourvu tout au moins qu’elles eussent une police, et, dans les provinces, pour les conventus des citoyens. Où il n’y avait pas d’autorités romaines, l’abandon du costume national ne pouvait pas être interdit au citoyen ; mais, jusqu’aux temps les plus récents de la République, le sentiment national hautement développé des Romains ressentit comme un affront l’apparition de l’un des leurs en costume grec, même parmi les Grecs[70]. Lorsque ensuite l’établissement du principat mit fin à l’administration de la cité par elle-même, la décadence de la conscience politique et nationale, qui est la, signature et la honte de cette époque, se révèle avant tout dans la disparition de la toge et la propagation du costume plus commode des basses classes[71] ; ce qui fait que l’on ne peut plus aucunement distinguer la condition juridique des hommes libres et qu’on rie peut plus qu’à peine distinguer celle des esclaves[72], quand ils paraissent en public[73]. Le gouvernement essaya de réagir. La toge resta le costume officiel des magistrats[74], des sénateurs[75] et des avocats[76], et, quoiqu’elle ait été plus tard supplantée en grande partie par l’uniforme, elle s’est là maintenue dans l’usage, à titre isolé, jusqu’au VIe siècle[77]. La toge fut également exigée jusqu’au IIIe siècle de ceux qui paraissaient pour les fêtes publiques, au théâtre et au cirque[78], de ceux qui étaient reçus par l’Empereur ou qui mangeaient à sa table[79]. Mais dans les sphères où le gouvernement ne pouvait pas donner d’ordres directs, la tendance des temps se montre, comme toujours, comme plus puissante que les gouvernants. Dès la fin du Ier siècle, la toge n’est plus que le costume dans lequel les clients attendent le lever de l’homme puissant qu’ils ont pour patron[80] et l’habillement de fête suranné des petites villes[81] ; en dehors de cela, elle ne sert plus que pour quelques cérémonies traditionnelles, pour l’entrée dès enfants parmi les hommes[82] et avant tout comme dernier vêtement des morts.

Si le citoyen romain est obligé de ne paraître en public que revêtu de la toge, il ne faut pas en conclure à l’inverse que la toge soit refusée à tous les non citoyens. Les premiers Latins sont, pour le costume, comme pour le nom, sur le même pied que les Romains[83]. En outre, ainsi que nous démontrerons dans la partie des Alliés, il est probable que le droit de porter la toge a été étendu avec l’obligation au service militaire à tous les Italiotes qui doivent, comme les Latins, un contingent pour l’armée de terre, et, par suite, l’expression togati est devenue la désignation technique des personnes de cette condition. Cette condition fut supprimée par la guerre sociale. Mais nous trouvons encore, au début de l’Empire, au moins en Espagne, tout comme autrefois en Italie, le droit de porter la toge étendu, en dehors des Romains et des Latins, à d’autres cités latinisées seulement de fait[84]. Probablement le droit de porter la toge était accordé en Occident soit par la coutume, soit par concession spéciale, à toute cité politique qui voulait et pouvait s’organiser sur le type italique, et au contraire le port de la toge était interdit non seulement aux esclaves et aux étrangers[85], mais aux citoyens des villes de l’empire organisées selon le modèle grec, aux membres des communes de l’empire qui n’étaient pas organisées en villes[86] et enfin aux citoyens qui appartenaient à l’empire, mais qui n’appartenaient à aucune cité (dediticiorum numero) c’est-à-dire notamment aux personnes dépouillées du droit de cité à titre de peine[87].

 

 

 



[1] V. tome III, le commencement de la partie du Grand Pontificat.

[2] Cette poursuite devant le préteur et des jurés (Cicéron, Pro Arch. 2, 3 ; Suétone, Claude, 15) est citée pour la première fois dans le procès que les Sabelli provoquèrent de ce chef contre le père du consul du 624, M. Perpenna (Val. Max. 3, 4, 5, où, à la vérité, la condamnation est faussement rattachée à la lex Papia). C’est à elle que se rapportent probablement la loi de peregrinis du tribun du peuple de 628, M. Junius Pennus (Festus, p. 286, v. Res publica ; Cicéron, De off. 3, 11, 47 ; Brutus, 28, 168), et certainement celle de M. Papius, tribun du peuple en 689 (Cicéron, loc. cit. et De l. agr. 1, 4, 43 ; Dion, 37, 9), en vertu de laquelle, outre plusieurs autres (Cicéron, Pro Balbo, 23, 52 ; Ad Ait. 4, 16, 12) fut accusé Archias (Schol. Bob. p. 354). Les deux lois prescrivaient au reste, outre cette questio, l’expulsion des pérégrins de Rome (Cicéron, loc. cit. ; Dion, loc. cit.). Une accusation de ce genre est citée sous Claude (Suétone, Claude, 15), et la peine de mort y est prononcée de ce chef (op. cit. 25 ; cf. Arrien, Diss. Epict., 3, 24, 42).

[3] Le système des noms romains est exposé plus en détail dans mes Rœm. Forsch., 1, 4-68 et, d’après elles, dans les Privatalterth. de Marquardt, 1, 7.

[4] Si, d’après la doctrine romaine, les noirs propres des citoyens se bornaient d’abord à la dénomination individuelle (traité de prænom. 1 : Varro simplicia in Italia fuisse nomina ait ; Appien, Præf. 13), ce qui est appuyé par les exemples de Romulus, Remus et Faustulus, cette doctrine est logique ; car la gens appartient bien à son fondateur, mais le fondateur ne lui appartient pas et il n’a pas de père.

[5] Nomen peut, à aussi bon droit, être rapporté au nom complet et à chacune de ses parties, et il est fréquemment employé pour désigner soit lui, soit l’une d’elles. Mais il a, dès un temps reculé, pris par excellence la signification non pas, comme on pourrait s’y attendre, de nom individuel, mais de nom de famille, ainsi que le prouvent les expressions in nomen adoptare, de nomine exire et avant tout la désignation, qui se trouvé déjà dans Cicéron, du nom individuel comme prænomen. La cause en est dans le renversement étudié plus loin qui fut fait à Rome du rapport naturel existant entre le nom individuel et le nom de famille : le premier perdit par là la valeur d’un signe distinctif, et ce rôle passa au nom de famille.

[6] La coutume de désigner les esclaves par le prénom de leur maître, Quinti por, Oli por, Gai por, etc., est suffisamment attestée par les auteurs (Festus, p. 256, v. Quintipor ; Pline, H. n. 33, 1, 26 ; Salluste, dans Priscien, 6, 48, éd. Putsch, p. 700 ; Quintilien, 1, 4, 26) et par les inscriptions non pas à la vérité d’esclaves, mais d’affranchis gardant leurs noms d’esclaves (Handb. 7, 19). Cependant il n’en est pas transmis d’explication sortable ; car l’idée que chaque Romain n ait eu qu’un esclave, comme pense Pline, est aussi déraisonnable que l’explication de Quintipor dans le sens de cinquième enfant de la femme esclave rapportée par Festus. Il est probable que les esclaves n’ont pas officiellement eu le droit de porter de nom individuel ni d’en mettre un à leur tombeau, qu’ils n’ont pu être que les esclaves de Quintus, etc. Dans les relations courantes, on se sera naturellement servi de dénominations arbitraires, quand la dénomination officielle ne suffisait pas.

[7] La preuve que l’indication de la gens et celle de la maison à laquelle elle appartient suffisent pour constituer le nom complet de la femme est notamment dans les anciennes inscriptions de Préneste dont la plupart sont conformes à la formule Opia, L. f. A côté de cela, les dénominations individuelles n’ont naturellement pas fait défaut (cf. note 9), et elles y sont fréquemment adjointes, même dans les textes ; mais elles sont principalement d’ordre énonciatif (major, minor, secunda, tertia). Même dans le langage habituel ; le gentilicium prévaut chez les femmes comme le prénom chez les hommes. Cf. Rœm. Forsch. 1, 32. La façon de parler selon laquelle les femmes auraient en un prénom sous la République et l’auraient perdu sous le Principat est aussi répandue que dépourvue de raison. Le nom individuel ne leur a jamais fait défaut ; mais il n’est en règle pas écrit dans l’usage de la République et il l’est dans celui de l’Empire. Quand on l’écrit, il a sa place, à l’époque de la République, avant le nom de famille, et sous l’Empire, après. Le premier ordre est l’ordre naturel, le second le contrecoup de celui suivi dans la nomenclature masculine.

[8] Traité de prænom. 3, évidemment d’après Varron : Pueris non prias quam togam viritem sumerent.... prænomina imponi maris fuisse Q. Scævola auctor est (cf. Rœm. Forsch. 1, 31). En fait, on ne trouve pas seulement chez les enfants, au lieu du prénom, la désignation pupus à titre accidentel (C. I. L. IX, 2789. Orelli, 2719, etc.), mais le plus jeune fils d’Agrippa né après la mort de son père, en 742, s’appelle encore, en 747, pupus Agrippa M. f. (C. I. L. X, 924. II, 1528) et plus tard, mais encore avant l’adoption et la prise de la toge, M. Agrippa (C. I. L. X, 1240 ; Velleius, 2, 104). Ce qui est dit a ce sujet dans le Handbuch, 7, 11, demande à être rectifié sous plusieurs rapports.

[9] Festus, Ép. p.120 : Lustrici dies appellantur puellarum octavus, puerorum nonus, quia his lustrantur atque eis nomina imponuntur. Macrobe, Sat. 1, 16, 36 ; Plutarque, Q. R. 102 ; Ulpien, 15, 2. 16, 1a, où la correction fausse, déjà critiquée par moi, Rœm. Chronol. p. 229, de l’exact nonam en nominum continue à se maintenir. Handb. 7, 83.

[10] Rœm. Forsch., 1, 15 et ss.

[11] Cf. tome IV, la partie de la Censure, sur les conditions d’éligibilité.

[12] L’inscription du territoire des Falerni appartenant sans doute au Ve siècle, C. I. L. X, 479, qui, sur quatre prénoms, en donne deux réguliers (C., S.) et deux autres (V., R.), tous en abrégé, pourrait remonter à une époque antérieure.

[13] Les exemples, assurément peu nombreux, mais certains, des derniers temps de la République pour des noms d’affranchis comme Cratea (= Κρατέας) Cæcili(us) M. l. (Rœm. Forsch., 1, 30), ne peuvent pas être réunis avec les inversions de noms aristocratiques que l’on rencontre à la même époque, comme Rex Mar[cius] dans l’inscription d’Eleusis, C. I. L. III, 547, et d’autres exemples plus nombreux dans Cicéron (Handb. 7, 9). Dans le second cas, le prénom, qui commence à être considéré comme vulgaire, est, pour cette raison, remplacé par le cognomen nobiliaire, mais il existe et ne fait pas défaut dans l’énonciation complète du nom : précisément dans l’inscription citée, le nom principal est rédigé régulièrement, et ce ne sont que ceux de la clause finale pour lesquels il y a une inversion. Au contraire les affranchis dont il s’agit n’ont évidemment pas en d’autre pronom. On ne peut, dans ce domaine, se contenter de faire une simple table.

[14] Rœm. Forsch. 1, 34. Cf. Handbuch, 7, 9.23. Une inscription, découverte il y a peu de temps à Elateia (Bull. de corr. hell. 1886, p. 371), a fourni la preuve authentique que le fils du dictateur ne portait pas le prénom civil. Peut-être peut-on ajouter qu’a peu près vers le même temps où ces personnages rejetaient le prénom civil, le port du prénom de leur maître devenait obligatoire pour les affranchis, à la différence de ce qui avait existé sous la République.

[15] Parmi les gentes qui ne sont pas patriciennes ou qui le sont devenues récemment, la seule qui participa à cette façon de se nommer est celle des Statilii, qui était en considération l’égale des anciennes maisons. Le système des noms montre, s’il est possible, encore plus nettement que l’histoire qu’il n’y a plus, depuis Vespasien, d’aristocratie au sens antérieur du mot.

[16] La fibule d’or de Préneste récemment découverte (Berliner Wochenschrift für klass. Philologie, 187), qui est sans doute la plus ancienne des inscriptions écrites en latin intelligible : Manios med fhefhaked Numasioi laisse de côté dans les deux cas le gentilicium et le remplace par le prénom écrit en toutes lettres. Il faut en rapprocher l’inscription qui ne nous est pas transmise d’une manière certaine, C. I. L. I, 40 = VI, 1280 : Appios (erreur de copiste pour Apios) consol. Le prénom distinct qui se maintient par exception dans cette maison, se présente convenablement, même sans nom de famille et écrit en toutes lettres, tout comme, dans les dérivés, il remplace le nom de famille. Servius se présente de même, quoique d’une façon moins décidue, comme prénom distinct des Sulpicii patriciens. Le nom unique de Romulus, etc., parait devoir être expliqué autrement.

[17] Le père et le manumissor sont constamment désignés par leur seul prénom : l’identité de leur gentilice et de celui du fils ou de l’affranchi peut au reste y avoir contribué. Le maître de l’esclave n’est également désigné que par là dans la forme probablement la plus ancienne du nom des esclaves (Quinti por) ; la forme technique de l’époque moderne de la République conserve cette désignation, en remplaçant puer par servus, mais elle y ajoute le nom personnel de l’esclave et le nom de famille du maître (inscription de 107 de Rome, C. I. L. XII, 5388 : Philodamus Volusi, C. s. ; Handb. 7, 20). Même pour les femmes, le nom du mari est fréquemment indiqué par un seul terme (par ex. dans les anciennes inscriptions de Préneste, Orcevia Numeri, C. I. L. XIV, 2863 ; Luscia M. uxor, 3156 ; Curtia Rosci, 3145 ; Saufia C. l. Tondi, 3252). L’unité primitive du nom romain a laissé là ses traces.

[18] Cf. tome II, la partie des Causes d’inéligibilité absolue, sur l’inéligibilité des Affranchis et de leurs descendants.

[19] Rœm. Forsch. 1, 5. Ce mode de désignation se trouve encore dans des inscriptions de 368 (C. I. L. X, 1563) et 171 (C. I. L. X, 508) ; il est surtout fréquent pour les épouses des empereurs, par exemple encore pour celle de Commode. Peut-être la disparition de cette désignation est-elle liée à celle de la manus. Le génitif ne convient pas au mariage sans manus.

[20] Le seul exemple peut-être qui en soit connu jusqu’à ce jour est la pierre très antique du territoire des Falerni déjà citée. Je ne vois pas pourquoi la Cæcilia Metelli de Cicéron, De div. 1, 46, 104, certainement différente de la Cæcilia Q. f. citée un peu plus haut (c. 44, 99) et qui ne nous est pas autrement connue, doit être la fille et non pas l’épouse d’un Metellus (Handb. 7, 37).

[21] C’est là une addition postérieure, montrent la comparaison des systèmes des noms osques et grecs et la place du génitif régi mis, contrairement aux habitudes du langage technique, avant le mot qui le régit.

[22] Cf. sur ce point, la partie des Affranchis.

[23] La preuve qu’il n’y avait pas encore, au temps d’Auguste, de mot latin pour désigner l’arrière-petit-fils, c’est l’arc de Pavie (C. I. L. V, 6416) où le dictateur César n’est omis que pour cette raison dans la liste des ascendants des fils de Germanicus. Le roi Juba II est aussi appelé dans l’inscription contemporaine C. I. L. II, 3417, pronepotis nepos de l’ancien Masinissa, faute d’expression propre. Plus tard, on trouve, notamment dans les titres des Empereurs, abnepos (depuis Néron) pour le 4e degré, adnepos soit pour le 5e (depuis Commode), soit même, par la suite, pour le 6e (Antonin, fils de Sévère, divi Trajani Parthici et divi Nerva adnepos), formations nouvelles se rattachant à abavus et atavus.

[24] Les points essentiels sont discutés dans mes Rœm. Forsch. 1, 45 et ss. Les recherches faites avec soin de K. Cichorius (De fastis consularibus antiquis, Leipzig, 1886) concordent avec les miennes, sur les points dont nous nous occupons ici.

[25] Rœm. Forsch. 1, 60.

[26] Tacite, Hist. 1, 13. Suétone, Galba, 14. Cf., la partie des Affranchis.

[27] L’épitaphe de L. Scipio, consul en 456, contient déjà le cognomen dans l’elogium en prose. Les légendes tirées de cognomina (Poplicola, Ahala, Brutus, Scævola, etc.), sont en partie très anciennes. Les surnoms tirés de victoires, qui ne sont certainement pas les plus anciens, commencent au vu siècle (Rœm. Forsch. 2, 295), et leur transmission héréditaire fut réglée par un sénatus-consulte, en 511.

[28] C’est le cas, parmi les plus anciennes maisons appartenants la nobilitas plébéienne, des Dailii (Rœm. Forsch. 1, 58), des Mænii, des Genucii, dont le cognomen : Augurinus se présente à la vérité, dans les fastes, dès le IVe siècle, mais ne peut leur avoir appartenu. avant l’an 454 (Rœm. Forsch. 65 et ss.) ; parmi les récentes, des Antonii, des Didii, des Gabinii, des Hortensii, des Marii, des Perpennæ, des Pompeii, etc. — Notre tradition annalistique de l’époque ancienne ne donne pas le cognomen aux consuls et nomme si peu de plébéiens qu’il n’y a rien à conclure de la rareté d’un plébéien y portant un cognomen, comme C. Calvius — ou Claudius — Cicero, dans Tite-Live, 3, 31, 5 : la différence de classe, qui se manifeste plus tard nettement dans l’emploi du cognomen, ne se montre pas là.

[29] Rœm. Forsch. 1, 55 et ss. L’abandon de son cognomen par C. Cassius, le meurtrier de César, peut très bien être un acte d’ostentation plébéienne.

[30] La médaille de Sex. Pom... Fostlius (R. M. W., p. 551 = tr. fr. 2, p. 205) soulève aussi la question de savoir si le berger Faustulus n’a pas été intercalé dans une légende de famille plébéienne.

[31] On peut comprendre dans ce sens le fait que l’homme nouveau M. Porcius s’appela d’abord Priscus et reçut ensuite, à raison de sa sagesse, le surnom de Cato (Plutarque, Caf. maj. 4), qui passa à ses descendants.

[32] Cicéron, issu d’une famille royale de sa patrie, nomme son grand-père, un contemporain des Gracques, M. Cicero (De leg. 3, 16, 36). On lui conseilla à lui-même, quand il fut candidat à sa première magistrature, de quitter ce surnom qui prêtait à la moquerie, mais il ne le fit pas (Plutarque, Cicéron, 1).

[33] On trouvera, Handb. 7, 26, quelques indications ; mais elles ne rendent pas compte de la nature propre de cet usage. Des explications meilleures sont fournies par Rossi, Roma sotterr. 3, 37 et ss. 513, et Comm. Mommsen., p. 705 et ss., combiné avec les textes réunis C. I. L. VI, 10251 et ss. Cependant il me semble douteux que les tombeaux Eugeniorum, etc., aient été réellement le point de départ de nette coutume et n’en aient pas été plutôt une simple conséquence. Les sodalités elles-mêmes, — car c’est là ce que sont ces associations, — rappellent l’époque de la fièvre académique italienne, les selanti, etc.

[34] Rœm. Forsch. 1, 44. Handb. 7, 14.

[35] Le sénat interdit, après le procès criminel de Libo Drusus en l’an 16, le port de ce dernier cognomen aux Scribonii (Tacite, Ann. 2, 32), et il invita, après le procès de Cn. Piso en l’an 20, son fils qui portait le même nom à quitter le prénom paternel (Tacite, Ann. 3, 17).

[36] V. tome I, la partie du Commandement militaire, sur le titre d’Imperator.

[37] Tite-Live, 103. Plutarque, Pompée, 13. La suite du développement de Plutarque (cf. Drumann, 1, 335) et la formule qui appellatus est, constante dans les fastes, confirment qu’en fait ces dénominations ne venaient pas de l’initiative de celui qui était célébré.

[38] Ainsi le sénat concéda à Sulla, pour les publications officielles en langue grecque, le surnom d’Επαφρόδιτος (Appien, B. c. 1, 97 ; Hermes, 20, 282), et cela, savons-nous désormais, à titre héréditaire.

[39] En 511, le sénat décida que le surnom tiré d’une victoire ne passerait qu’au fils aîné (Dion, fr. 44 ; Rœm. Forsch., 1, 52). Le sénatus-consulte dut être provoqué par les deux frères Cornelii Lentuli consuls en 517 et 518 qui s’appelaient tous deux Caudini. Cette règle est confirmée par la prise du surnom de Germanicus par le jeune fils de Nero Glaudius Drusus, après que l’aîné fut passé par adoption dans la maison Julia (Suétone, Claude, 8). L’exemple de Cotta Messalinus, invoqué en sens contraire, par Marquardt (Handb. 7, 16), est étranger à la question ; alors même que le dernier surnom devrait encore être regardé, à cette époque, comme un surnom de victoire, parce que Cotta était sorti de la famille.

[40] Tout au moins nous ne pouvons, avec le matériel insuffisant que nous possédons sur le système des noms latins, constater une différence tangible.

[41] Suétone, Claude, 25. L’édit, par lequel il confirmé aux Anauni la cité usurpée par eux (C. I. L. V, 5050), finit par : Nomina ea, quæ habuerant antea tanquam cives Romani, ita habere is permittam.

[42] Cinq inscriptions funéraires de Rheneia (C. I. Gr. 2322b n. 30. 31. 32. 33 ; Lebas, n. 1953), auxquelles s’ajoute l’inscription bilingue, Eph. ep. V, n. 186, donnent au défunt la qualification ‘Ρωμαΐος, remplacée dans le texte latin cité en dernier lieu par Lanuinus. Cf. Hermes, 21, 316.

[43] La tribu doit être ajoutée au nom dans la liste des jurés d’après la loi repetundarum de 631-632 (lignes 14. 17. 18).

[44] En dehors de l’inscription d’une statue de bronze (C. I. L. I, n. 51) C. Ovio Ouf. fecit, dans laquelle il faut peut-être lire Ov(i) f(ilius) et non Ouf(entina), le plus ancien témoignage daté avec quelque sûreté qu’il y ait pour cet emploi de la tribu est le denier frappe vers le temps de la guerre sociale portant : L. Memmi Gal. (Monnaie Romaine, tome 2, pp. 399, 427 de l’éd. française).

[45] Cf. la partie du Droit de cité inférieur des Affranchis.

[46] Liste des légionnaires, quorum nomina cum tribus (sic) et patriis inserta sunt, de l’an 244 (C. I. L. VI, 793). — Inscription d’Ostie de Q. Fabius, D. f. Pal. Florus Veratius de l’an 251 (C. I. L. XIV, 352). — Dernier diplôme militaire avec la tribu, de P. Auneius P. f. Probus Pætovione de 254 (Eph. ep. IV, p. 613) ; celui de 298 (C. I. L. III, p. 900) ne nomme pas la tribu. — Inscription d’Arretium du consul de 261, L. Petronius, L. f. Sab. Taurus Volueianus (C. I. L. XI, 4836 = Orelli, 3100). — Inscription de Puteoli de L. Cæsonius L. f. Quirina. Quintus Rufinus Manlius Bassus (C. I. L. X, 1687), pontifex major, par conséquent non antérieure à Aurélien.

[47] L’inscription de l’Hispellate L. Matrinius Aurelius C. f. Lem. Antoninus (Orelli, 2110) pontifex Gentis Flaviæ, C’est-à-dire de la maison de Constantin, que j’ai étudiée dans les Berichte der süchs. Ges. d. W. 1850, p. 234 et ss., et celle de Thamugadi de T. Flavius T. fil. Papiria Mocimus (C. I. L. VIII, 2403), du temps de Constantin II ou de Julien, sont, à ma connaissance, les plus récentes qui contiennent la tribu parmi celles qui peuvent chronologiquement être classifiées.

[48] Dans les listes, le nom de ville est toujours seul ; ailleurs il y a souvent domo. Le synonyme origine n’est pas employé dans le système des noms. La désignation par un adjectif, précédé ou non de cuis, est évitée à la lionne époque, parce que la patrie pérégrine est d’ordinaire indiquée de cette façon. Hermes, 19, 25.

[49] Chez les personnes de rang sénatorial ; la domus ne figure, à ma connaissance, jamais dans le nom ; ce qui s’accorde avec le fait que la domus, sans disparaître proprement pour le sénateur, perd pour lui sa force obligatoire.

[50] Ce point est traité plus en détail, Hermes, 19, 2 et ss. 62 et ss.

[51] Cf. la partie des Chevaliers.

[52] V. tome IV, la partie de la Censure, sur l’examen des armes des fantassins.

[53] Exercere est expulser de force comme coercere est rassembler de force, et est formé d’arcere, comme excerpere de carpere, iners de ars.

[54] Il n’y a pas, à ma connaissance, de témoignage direct selon lequel le port des armes ne serait pas permis au citoyen sans ordre supérieur. Mais l’exclusion pratique du port des armes du costume du magistrat suffit à le prouver (cf. tome II, la partie du Costume des magistrats, sur le costume du général), et les styles à écrire tenaient même, pour cette raison, lieu de poignards a l’occasion dans les assemblées de citoyens (Plutarque, C. Gracch., 13). Il ne semble pas qu’il y ait eu, sous ce rapport, de différence juridique entre la ville et l’espace qui s’étend jusqu’à la première borne milliaire. Les chevaliers vont en uniforme au temple de Castor, et, sur le Champ-de-Mars, qui est compris dans le rayon de la première borne milliaire, le port des armes n’est pas plus permis aux particuliers que dans la ville. — Il est possible que le citoyen ait eu le droit de porter les armes dans le territoire militiæ.

[55] Les armes sont là tenues prêtes, mais on ne les porte pas. Cf. la partie de la procédure des assemblées du peuple.

[56] V. tome II, la partie du Costume des magistrats, sur le costume du général.

[57] Cf. la partie des Chevaliers.

[58] Le calceus patricius n’appartient pas au patricien, mais au sénateur patricien.

[59] La description du roi Prusias dans le costume des affranchis romains, chez Polybe, 30, 16, est caractéristique dans ce sens. Cf. la partie dès Affranchis.

[60] A l’époque de l’État patricien, la chaussure (note 58), peut avoir constitué une distinction de ce genre. Mais l’organisation municipale confirme que le sénateur de l’État patricio-plébéien n’a pas d’insigne de sa dualité et que le latus clavus est relativement récent. Le magistrat municipal porte la prætexta comme celui de Rome ; mais il n’y a pas d’insigne du decurio correspondant au latus clavus du sénateur moderne. Cf. tome II, la partie du Costume des magistrats, sur leurs chaussures, et la partie des Ornamenta, sur les honneurs extérieurs qui en résultent, ainsi que le volume du Sénat.

[61] Ce n’est pas la forme de la coiffure, qui est le signé de la liberté du citoyen, ce sont la coiffure même (Tite-Live, 24, 16, 8) et les cheveux coupés (Tite-Live, 45, 44, 19 ; 34, 52, 12 ; Juvénal, 12, 81).

[62] Il est expliqué justement dans le Handb. 7, 572, que la coiffure de la tête, puisqu’elle se rencontre fréquemment dans le rituel sacerdotal et que, dans les Saturnales, tout le monde porte un chapeau, appartient à l’ancien costume du citoyen libre et que c’est ainsi que le chapeau est devenu le symbole de la liberté. Assurément elle est aussi par voie de conséquence le symbole de l’affranchissement, et elle se trouvé par là transformée en son contraire, ainsi qu’il sera expliqué dans la partie des Affranchis. L’emploi du chapeau dans les ventes d’esclaves afin d’exclure la garantie d’éviction, rapporté par Aulu-Gelle, 6[7], 4, 1, doit avoir également pour sens de les désigner dès le principe à l’acheteur comme étant libres.

[63] Le port de vêtements de pourpre est, de la part des hommes, un abus. Dion, 49, 16. 57, 13, sur l’an 14. Suétone, Gai. 52. Hérodien, 1, 14, 8.

[64] V. tome II, la partie du Costume des magistrats, sur leur costume de paix.

[65] C’est là, sans nul doute, le plus ancien rôle de la toga candida. Dans Plaute, elle figure exclusivement comme costume de cérémonie, par exemple de noce (Rud. 1, 5, 12, et Cas. 2, 8, 16.4, 1, 9 ; d’après une communication de Studemund). Le fait de la revêtir pour briguer les magistratures apparut d’abord comme un abus et fut législativement interdit (cf. tome II, la partie de la Candidature) ; mais à la vérité cela ne se maintint pas longtemps.

[66] Sur la prætexta des petits garçons, cf. Handb. 7, 124 et ss. ; sur celle des filles, Handb. 7, 43.

[67] Caton dans Servius, Æn. 3, 61. Denys, 8, 62. Vit. Alex. 40. Vit. Aurel. 36. Sous la République, la loi Oppia interdit, pendant peu de temps, les vêtements de couleur aux femmes (Tite-Live, 34, 1, 3 ; Val. Max. 9, 1, 3) ; la vestis versicolor n’est rien autre chose que la vestis coloria ou la lana tincta, le texte fondamental du Digeste, 34, 2, 32, 6. 7, le montre clairement, pourvu qu’on ne se laisse pas égarer par la tentative d’interpolation de la seconde main de la Florentine. Cf. Becker, Gallus, 3, 108 et ss. César ne défendit aux femmes que certaines espèces de pourpre (Suétone, Cæsar, 43 ; cf., au tome II, la partie du siège et des véhicules des magistrats, sur l’usage de la litière) ; Néron leur défendit de même la pourpre de Tyr et la pourpre améthyste (Suétone, Nero, 42). Dans la période byzantine, la défense générale intimée, au 424, de porter de la soie de pourpre s’est maintenue pendant un temps (C. Th. 10, 21, 3). Mais, en dehors de ces exceptions peu importantes, le port de vêtements de couleur de toute forme et de toute nuance était permis aux femmes romaines. Cf. mes observations sur l’édit de Dioclétien.

[68] Pline, H. n. 33, 1, 27. Stylo vivait vers 660-680, et son père par conséquent à la fin du VIe siècle et au commencement du VIIe. Si Pline a voulu dire que tout le monde pouvait, à cette époque, porter la bande de pourpre, il s’est trompé ; au contraire cet insigne peut avoir été porté alors par exception par les hérauts, jusqu’à ce que l’intensité croissante de la distinction des rangs n’y mit fin.

[69] La possibilité de telles mesures de répression est attestée par Suétone, Auguste, 40, et Dion, 57, 43. Cf. tome IV, la partie de l’Édilité, sur les pouvoirs de surveillance des édiles, n° 8.

[70] La rigueur avec laquelle cela s’entendait est établie par le reproche fait au banni P. Rutillus Rufus d’avoir changé de costume pour éviter la fureur de Mithridate. Des blâmes de ce genre furent encourus par Scipion l’aîné (Tite-Live, 29, 19, 42 ; Tacite, Ann. 2, 59) et par son frère Lucius (Cicéron. Pro Rab. Post. 40, 27 ; Val. Max. 3, 6, 2) ; par Sulla (Val. Max. 3, 6, 3 ; Cicéron, Pro Rab. Post. 10, 27) ; par le préteur Verrès (Cicéron, In Verr. 4, 25, 55. 5, 43, 31. c. 16, 40. c. 33, 86. c. 52, 437) ; par C. Rabirius Postumius (Cicéron, Pro Rab. Post. 9, 25) ; par le futur empereur Tibère à Rhodes (Suétone, Tibère, 43) ; par Germanicus (Tacite, loc. cit.). L’empereur Gaius se montra dans ce costume à Rome même (Suétone, Gai. 52).

[71] Suétone, Auguste, 40 (d’où Lydus, De mag. 4, 12) ; c. 44 (Virgile, Æn. 4, 232). Le manteau de couleur sombre (d’où pullatus), la pœnula portée par dessus la tunique, comme les gens du peuple travaillant en plein air la portaient anciennement par dessus leur chemise (tunicatus popellus, Horace, Ép. 4, 7, 65) pour se défendre contre le froid et la pluie, était à cette époque le costume ordinaire. Cf. Pline, Ép. 1, 47, 9 ; Aulu-Gelle, 43, 22 ; Handb. 7, 564.

[72] Dans les occasions de fête, l’esclave ne pouvait pas se présenter albatus comme les hommes libres, et pour cette raison, il reçoit, lorsqu’il est affranchi, une vestis alba (Tertullien, De resurr. 57, 4). Quand les mots de Justinien, Cod. 7, 6, 4, 5 sont traduits dans la traduction grecque, Schol. Bas. 48, 14, 4, et par Thalelæus, eod. loc., il est fait allusion par là ou à cette vestis alba on à la lana alba de Tite-Live. Cf. tome V, la partie du Pouvoir législatif de l’Empereur, sur la concession de l’ingénuité. — L’on a bien pensé à distinguer les esclaves au moins par un signe extérieur : Maison n’osa pas les mettre à même de se compter. Sénèque, De Clem. 1, 24. Vit. Alex. 27.

[73] Appien, B. c. 2, 120. Juvénal, 3, 171. Même dans les théâtres dès villes municipales, continue-t-il, les magistrats et les décurions s’assoient sur leurs places d’honneurs, vêtus seulement de chemises blanches (tunicæ albæ). D’après cela et d’après les albati ministri de Suétone, Dom. 12, en ne peut pas non plus regarder comme une toge le vêtement blanc de cérémonie des temps récents (albati : Vita Gallieni, 8, et ailleurs ; Χευχειμονοΰντες : Hérodien, 8, 7).

[74] V. tome II, la partie du Costume des magistrats. Selon la prétendue lettre de Valérien (Vita Claude, 14 ; cf. tome I, la partie des Émoluments des magistrats), le magistrat reçoit une toge et un latus clavus, mais il doit les rendre à son retour ; l’auteur considère donc ces anciens insignes comme un costume de cérémonie que l’on ne prend que rarement.

[75] Vita Hadriani, 22. Aulu-Gelle, 13, 22. Appien, B. c. 2, 120. Dion, fr. 39, 7. Lorsque Nonius Marcellus définit la toga, p. 406, c’est le sénateur qui écrit ; cf. Hermes, 13, 559. Une constitution de 382 (C. Th. 14, 10, 1) prescrivit encore aux sénateurs le port de la toge au sénat et en justice.

[76] Le sens moderne de togatus est connu ; il se fonde en premier lieu sur ce que les avocats sont les seuls particuliers qui se servent de la toge à l’époque récente. C’est à tort qu’Hirschfeld (Wiener Studien, 3, 115) a conclu d’Isidore, Etym. 19, 24, 14, que les urbani auraient été, à l’époque récente, appelés togati ; Isidore atteste expressément que cette façon de parler est ancienne, et, comme je l’ai remarqué, tome II, dans la partie du Costume des magistrats, sur leur costume de paix, le texte de la Vita Hadriani, c. 3, est corrompu.

[77] V. tome V, la partie de la Préfecture de la ville, sur le commandement militaire du préfet.

[78] Auguste ne tolérait pas la pœnula dans la media cavæ tout au moins ; et le paysan de Calpurnius, dans la 7e églogue, raconte de même, pour la grande chasse d’animaux féroces donnée par Néron, que les chevaliers et les tribuns prirent les meilleures placés et qu’il lui fallut monter avec les autres pullati aux places supérieures à côté des femmes. La constitution d’Hadrien relative aux chevaliers doit aussi se rapporter en première ligne aux 14 ondines. Martial, 2, 29. 13, 98 et Juvénal, 11, 204, prouvent également la persistance de l’usage de la toge au théâtre et à l’amphithéâtre. Vita Commode, 16.

[79] Vita Severi, c. 1. Vita Maximini jun. 4. Suétone, Gai. 26.

[80] Cette opera togata (Martial, 1, 46), l’usage obligatoire de la toge partout où le client comparait devant le patron, se rencontre souvent dans Martial (loc. cit. et 9, 100. 30, 96. 12, 18) et Juvénal (1, 96) ; elle rappelle clairement notre habit de visite.

[81] Martial, 4, 66. C’est l’habit de dimanche.

[82] Apulée, Apol. 88. Inscriptions dédiées par des esclaves à leur maître ob honorera togæ virilis (C. I. L. V. 2689. VI, 1504.) C’est l’habit de première communion.

[83] La fabula togata se passe, comme on sait, en règle dans le Latium.

[84] Ce que dit Strabon, 3, 2, 45, p. 451, et 3, 4, 20, p. 167, sur les πογάτοι ou έν τή τηβεννική έσθήτι ne peut être restreint sans violence aux villes de droit romain ou latin.

[85] Les otages ne peuvent porter la toge ; mais, s’ils se sont comportés comme des citoyens romains, cela est considéré comme une concession du droit de cité (Digeste, 49, 14, 32).

[86] Suétone, Claude, 15. Sénèque, Lud. 3, 3.

[87] Pline, Ép. 4, 11, 3. Si un exilé de haut rang comme P. Rutilius Rufus porte la toge dans les derniers temps de la République (Cicéron, Pro Rab. Post. 10, 27), c’est qu’il se met au-dessus de la règle légale.