LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE DEUXIÈME. — LES MAGISTRATURES.

LE PRINCIPAT.

 

 

LE DROIT D’AGIR AVEC LE SÉNAT.

Auguste a, depuis le premier cens auquel il a procédé, jusqu’à sa mort, toujours fait mettre et mis lui-même son nom au premier rang dans la liste des membres du sénat[1]. Non seulement on ne trouve jamais un autre sénateur nommé comme princeps senatus, soit dans les rares élections du sénat qui ont eu lieu depuis, soit dans la liste du sénat que l’empereur dresse annuellement, verrons-nous[2], mais il est probable que le prince a été théoriquement toujours regardé et traité comme tel, de même qu’il est compté parmi les membres du sénat. Mais de même que la qualité sénatoriale du prince ne se manifeste qu’à titre exceptionnel[3], les empereurs ont ordinairement évité de prendre le titre de princeps senatus[4] et ils ont communément plus souligné ce qui les séparait des sénateurs que ce qui, les assimilait à eux.

L’exercice du droit de vote attaché au siège dans la curie aurait dû logiquement être refusé au prince ; car il est suspendu pendant la durée de la magistrature et par conséquent disparaît pour les magistrats viagers[5]. Il a pourtant été reconnu, probablement par une clause spéciale, au prince, quia même le droit d’émettre son vote à un moment particulier : ou en premier lieu, comme l’implique sa qualité de princeps senatus, ou aussi en dernier lieu[6]. Cependant il n’y a, sans doute, eu que les empereurs de la première dynastie à user de ce droit sénatorial ; on voit ensuite de nouveau le droit de voter en premier lieu appartenir à des particuliers.

Le droit de rassembler le sénat et de confectionner un sénatus-consulte en délibérant avec lui a été considéré, sous nat. le principat aussi bien que sous la République, comme corrélatif au droit d’agir avec le peuple. Il appartient donc comme lui au prince, mais à côté de tous les autres magistrats supérieurs et non à titre exclusif. Auguste l’a indubitablement exercé d’abord dans la forme que lui donnait pour cela le consulat. Depuis l’abandon du consulat, les empereurs ont pu réunir le sénat en vertu de leurs pouvoirs tribuniciens. Tibère l’a même convoqué en vertu de sa puissance tribunicienne secondaire dans l’intervalle qui sépara la mort d’Auguste de son appel à la succession de ce dernier par le sénat[7] et Claude a fait de même, sans avoir, semble-t-il, de pareil motif spécial[8]. Mais, en outre, Auguste a reçu en l’an 732, donc peu de temps après sa renonciation au consulat, le droit de convoquer le sénat dans des conditions particulières à titre de droit spécial[9] et ce droit a passé de lui à ses successeurs. La loi d’investiture de Vespasien le formule dans les termes suivants : Uti ei senatum habere, relationem facere, remittere, senatus consulta per relationem discessionemque facere liceat ita, uti licuit divo Aug(usto), Ti. Julio Cæsari Aug(usto), Ti. Claudio Cæsari Augusto Germanico ; utique, cum ex voluntate auctoritateve jussu[ve] mandatuve ejus præsenteve eo senatus habebitur, omnium rerum jus perinde habeatur, ac si e lege senatus edictus esset habereturque. Nous devons ici étudier en détail les droits ainsi conférés à l’empereur relativement aux délibérations du sénat.

1. Le droit de présider le sénat et d’y faire des propositions orales[10], que d’ailleurs le sénat ait été rassemblé par l’empereur lui-même ou par un autre magistrat, a été exercé par Auguste[11], par Tibère[12], par Claude, et ils l’ont fait d’ordinaire, ainsi que nous avons dit, en vertu de la clause spéciale qui vient d’être reproduite. Il se lie probablement encore à cela que les propositions faites par l’empereur viennent en délibération avant toutes les autres[13]. En outre, aux termes de la disposition législative précitée, l’empereur pouvait tenir séance avec les sénateurs qui se trouvaient là sans convocation préalable. Enfin, les magistrats en fonctions prenaient, en pareil cas, part au vote contrairement à la règle générale[14], disposition remarquable parce qu’elle exprime avec une grande énergie le principe selon lequel en face du prince tout autre magistratus est un particulier. — Les empereurs postérieurs ne paraissent plus avoir occupé ordinairement la présidence du sénat[15], parce que le prince apparaissait là comme un des magistrats de l’État. Ils n’ont encore fait de relations que lorsqu’ils administraient le consulat, ce quine se prolongeait d’ordinaire seulement pendant peu de jours.

2. L’empereur a, en outre, le droit d’adresser au sénat, dans chacune de ses séances, au moins une proposition[16], plus tard jusqu’à cinq[17] propositions par écrit, et de faire cette proposition ou ces propositions être, avant toutes les autres[18], lues par un magistrat délégué par lui ; en général par un des questeurs mis à la disposition de l’empereur et soumises au vote par le président du moment[19]. La proposition est toujours rédigée sous la forme d’un discours (oratio) adressé au sénat assemblé et on parait partir de la fiction que la relation serait faite par l’empereur en personne[20]. Dans une première période, les empereurs ont probablement employé cette procédure uniquement lorsqu’ils ne venaient pas au sénat ; plus tard, ils ont adressé leurs propositions au sénat dans cette forme plus commode, même quand ils étaient présents[21].

3. Le point de savoir si le sénat était appelé à statuer par l’initiative du prince (principe auctore)[22] ou par une question d’un autre magistrat n’a sans doute eu en général aucune influence sur le caractère juridique de la délibération. Cependant il n’est pas invraisemblable qu’à l’époque récente le projet de concession des ornements triomphaux, de consécration d’un empereur et d’une impératrice, et peut-être d’autres encore, ne pouvaient, même en la forme, être admis que sur la proposition de l’empereur.

4. Il arrive qu’un magistrat soumette préalablement à l’empereur une proposition qui, par elle-même, rentre dans la compétence du sénat ; alors il dépend du prince de l’écarter ou de la renvoyer aux consuls pour suivre son cours, ce que la loi d’investiture de Vespasien exprime par les mots relationem remittere[23]. On ne sait si le président était obligé dans certains cas de procéder de la sorte ou s’il n’en avait jamais que la faculté[24].

5. Nous avons déjà remarqué, que l’empereur tire de sa puissance tribunicienne le pouvoir et le droit d’annuler les sénatus-consultes déjà rendus.

6. Les procès-verbaux du sénat ne furent lus livrés à la publicité depuis les dispositions prises par Auguste ; mais ils étaient dressés et, quand l’empereur n’avait pas assisté à la séance, ils lui étaient sans doute soumis régulièrement[25]. C’est probablement afin de surveiller leur rédaction et de donner au prince la certitude qu’il ne serait rien omis d’essentiel que fut créé, dès le temps d’Auguste[26], un fonctionnaire spécial[27], le curator actorum senatus[28], appelé plus tard habituellement ab actis senatus[29], ou encore sans doute ab actis imperatoris[30], dont son poste faisait un homme de confiance intime du prince[31]. Au Ier siècle les empereurs paraissent avoir choisi pour cette fonction des jeunes gens qui s’étaient consacrés à la carrière sénatoriale, mais qui n’étaient pas encore entrés au sénat[32]. C’est par égard pour le sénat qu’on l’a, au contraire, confiée depuis Trajan à de jeunes sénateurs[33] et que, depuis Antonin le Pieux, elle a même été conférée par la simple commendation faite par l’empereur des quæstorii pour l’édilité curule, qui entraînait du même coup acquisition de ce poste[34], en sorte que le droit de nomination duquel l’empereur ne pouvait se dépouiller ne s’exerçait que dans la forme de cette commendation. La désignation des édiles ayant lieu, selon toute apparence, en janvier de l’année qui précédait celle des fonctions, la cura actorum se trouve par là soumise, au moins en fait, au principe de l’annalité. Nous ne savons s’il s’y appliquait déjà antérieurement ou si le poste était jusqu’alors conféré, comme d’autres curatelles impériales, pour un temps indéterminé.

Il reste encore à nous occuper des commissions du sénat et de leurs rapports avec le prince. Sous Auguste, il était formé, tous les six mois[35], d’une partie des magistrats en fonction et de quinze sénateurs désignés par le sort, une commission avec laquelle l’empereur préparait les affaires qui devaient être délibérées au sénat[36]. La dernière année de sa vie, on constitua même, en considération de son grand âge qui lui rendait impossible de paraître régulièrement à la curie, un sénat plus étroit composé du fils et corégent du prince, de ses deux petits-fils arrivés à l’âge d’hommes, des consuls en exercice et des consuls désignés, de vingt sénateurs appelés pour un an à faire partie de cette commission probablement par le sort, et des autres membres du sénat que l’empereur jugeait bon de convoquer, et cette commission reçut le pouvoir de prendre des délibérations sous la présidence de l’empereur dans la maison de celui-ci, au nom de la totalité du sénat[37]. Lorsque Tibère prit le pouvoir, il s’adjoignit un conseil permanent, duquel il appela à faire partie, en dehors de ses hommes de confiance personnels, vingt personnages haut placés de l’ordre sénatorial et de l’ordre équestre[38]. Alexandre Sévère est le seul des empereurs postérieurs duquel on rapporte qu’il ait constitué un pareil conseil d’État[39]. Il est probable que tous ces conseils intimes n’ont été réunis que sur le souhait spécial du prince et selon les besoins de chaque cas particulier. Jamais ce n’est devenu une institution d’une pratique générale. Ces comités, plus que le sénat tout entier, renfermaient en eux le germe d’une autorité exerçant le pouvoir dans une communauté effective avec le prince ; c’est pourquoi l’on mit, d’une manière parfaitement réfléchie, le conseil politique à l’écart, ou du moins au second plan, quand la monarchie se consolida.

La réunion faite de conseillers pour une affaire isolée est absolument différente de l’institution d’un conseil d’État permanent. De pareils conseillers ont, dès le principe, été consultés pour la justice impériale comme pour toute autre. Hadrien a même constitué pour cette fonction, un conseil en forme dont il sera question à propos de la juridiction impériale. Des avis ont sans doute été pris de cette façon pour la décision de questions militaires et de questions de politique générale[40], mais, en somme, de pareils débats, réglés et agités devant un collège constitué, ne paraissent pas s’être produits fréquemment, sous le principat, en dehors de l’administration de la justice. Les décisions impériales ont plus souvent été déterminées par l’influence personnelle d’hommes de confiance, souvent dépourvus de fonctions, que par de telles délibérations[41], et cela se manifesterait sans doute encore plus souvent à nous, si notre tradition ne négligeait autant les faits matériels. Mais les cas d’influence des serviteurs et des amis du prince sur les affaires publiques qui se laissent discerner, appartiennent à l’histoire et non au droit public. Nous n’avons ici à remarquer qu’une chose. A partir de la consolidation du principat, on n’aperçoit pas seulement la tendance à ne pas recourir exclusivement aux sénateurs pour la direction proprement dite de l’État : c’est un courant qui se révèle déjà dans la composition du conseil politique de Tibère par comparaison avec celui d’Auguste ; on voit en outre se manifester la tendance à exclure les sénateurs de la part qui leur revient dans le gouvernement, jusqu’à ce qu’au IIe siècle une rupture ouverte se produise dans la dyarchie constitutionnelle et que le gouvernement exclue, par exemple, formellement les sénateurs de tous les grades d’officiers.

 

 

 



[1] Monument d’Ancyre, 4, 2, du texte grec. Dion, 53, 1, sur l’an 726.

[2] Sur le senator primæ sententiæ de l’empire récent, cf. le volume du sénat. On ne peut le considérer comme un princeps senatus au sens propre.

[3] Si Dion, sous Alexandre Sévère, appelle à plusieurs reprises les sénateurs les όμότιμοι du prince (52, 7. 15. 31. 67, 2), cela résulte sans aucun doute de la même tendance spéciale d’Alexandre Sévère qui lui fait, chez son biographe, c. 11, dire au sénat : Vos ipsi magnifici unum me de vobis esse censete quam Magni nomen ingerite. On cite également comme un signe de condescendance volontaire le mot de Vitellius après un échange d’opinions opposées au sénat : Nihil novi accidisse, quod dito senatores in re publica dissentirent (Tacite, Hist. 2, 91 ; Dion, 65, 7). Néron a honte d’être συγκλητικός ; (Dion, 63, 15). Cf. ce que dit Themistius dans le sénat de Constance (Orat., 4, éd. Hard. p. 53 b), et pareillement Julien lui-même (Cod. Theod. 9, 2, 1 = Cod. Just. 12, 1, 8).

[4] Si, d’après le témoignage de Dion (73, 5) et d’après plusieurs inscriptions (Orelli, 896 = C. I. L. XI, 3873 ; C. I. L. II, 4125). Pertinax a porté ce titre (il n’apparaît pas sur ses monnaies), cela concorde avec sa situation politique exceptionnelle. C’est simplement la confirmation du principe selon lequel l’empereur était bien princeps senatus, mais évitait d’ordinaire de prendre ce nom, parce qu’il était plus que cela. Il en est de même de Tibère ; car Dion confond à son sujet le princeps tout court et le princeps senatus. — Le titre de pater senatus fut repoussé par Claude (Tacite, Ann. 11, 25) et porté plus tard par Commode (Eckhel, 7, 118) et par les empereurs du sénat Balbinus et Pupienus (Eckhel, 7, 306).

[5] Cela ne s’opposait d’ailleurs pas à l’inscription du nom dans la liste. Les sénateurs qui ne votaient pas par suite de leur qualité de magistrats au moment de la confection de la liste du sénat, ne peuvent pas non plus avoir été pour cela absents de la liste.

[6] Dans un procès de majesté qui se déroula devant le sénat en l’an 15 (Tacite, Ann. 1, 74 rapproché de 4, 41), Tibère déclare qu’il votera sur cette affaire ; sur quoi un sénateur demande à quel rang il a l’intention de voter : Si primus, habebo, quod sequar ; si post omnes, vereor, ne imprudens dissentiam. Cela amène à admettre que le prince avait légalement le choix pour le vote entre la première place et la dernière. La faculté de voter au dernier rang s’explique par le désir du prince de ne pas influencer le vote du sénat ; et le vote au premier rang résulte de sa position de princeps senatus.

[7] Tacite, Ann. 1, 1. Suétone, Tibère, 23. Cela n’implique pas seulement que Tibère s’est abstenu de porter la dénomination d’Augustus avant la réception en forme de l’imperium, cela implique aussi que l’imperator reconnu ne convoquait pas le sénat en vertu de sa seule puissance tribunicienne, mais en vertu des pouvoirs élargis qu’il tenait de la loi d’investiture.

[8] C’est la conclusion à tirer de ce qu’en qualité d’auteur de relations au sénat, il s’est assis parfois sur le banc des tribuns au lieu de le faire sur le siège curule qui lui était réservé en sa qualité de prince.

[9] Dion, 54, 3.

[10] Il faut considérer comme une proposition orale, la proposition que, comme a souvent fait Auguste, l’empereur, présent au sénat et y faisant lui-même la relation, a rédigée d’avance par écrit pour être ensuite lue au sénat. il est naturel qu’il en fasse pas lui-même la lecture : seul l’empereur Julien ne voulut pas être privé du plaisir d’auteur de la recitatio (Socrate, Hist. ecclés. 3, 1).

[11] Auguste fit ordinairement lui-même ses propositions au sénat ; car ce n’est qu’exceptionnellement pour raison de maladie ou de vieillesse (Dion, 54, 25. 56, 26) ou pour d’autres causes spéciales (Suétone, Auguste, 65) qu’il a fait lire ses propositions.

[12] En dehors du cas cité (Tacite, Ann., 1, 7 et Suétone, Tibère, 23), il est expressément attesté pour d’autres propositions (Tacite, Ann. 1, 52), ainsi pour le procès de Pison, que Tibère, bien que n’étant pas alors consul, y a fait la relation (Tacite, Ann. 3, 17 rapproché de c. 12). Il semble l’avoir faite fréquemment, quand il se trouvait à Rome.

[13] Les propositions des, tribuns passant probablement de droit avant celles des magistrats patriciens, il en était de même des propositions impériales faites en vertu de la puissance tribunicienne, et cela a certainement été observé en pratique ici. On ne peut prouver directement que, lorsque le prince convoquait le sénat en vertu de ses pouvoirs spéciaux, ses propositions aient également eu le premier rang ; mais, que l’on pèse la question en théorie ou en pratique, c’est au plus haut degré vraisemblable.

[14] Tacite, Ann. 3, 17. Les consuls en fonctions siègent dans la commission sénatoriale (Suétone, Auguste, 35 et Dion, 53, 21).

[15] C’est pourquoi Tacite écrit, Ann., 3, 17, fugebantur et non funguntur. Pline, Ep. 2, 11, 10 : Princeps præsidebat : erat enim consul. — Paneg. 16 : Quam antiquum, quam consulare, quod triduum totum senatus sub exemplo patientiæ tuæ sedit, cum interea nihil præter consulem ageres. Dion, 53, 32.

[16] Dion, 53, 32, sur l’an 731. Cela ne peut pas vouloir dire, comme on le comprend d’ordinaire, que le jus referendi est donné à l’empereur ; car ce droit contenu dans la puissance tribunicienne ne pouvait pas être donné à côté d’elle, encore moins être limité à une proposition unique, quand les tribuns ordinaires avaient déjà le droit de faire des relations aussi nombreuses qu’ils voulaient dans toutes les séances du sénat convoquées par eux ou non. Dion part de la pratique de son temps dans laquelle les empereurs n’exercent plus le jus referendi ni en vertu de la puissance tribunicienne, ni en vertu du principat, sauf lorsqu’ils exercent le consulat, et il entend par χρηματίζειν les propositions écrites.

[17] Selon les biographies impériales, le jus tertiæ (ainsi pour Probus) ou quartæ (ainsi pour Pertinax) ou quintæ (ainsi pour Marc-Aurèle en qualité de César et pour Alexandre Sévère) relationis était un des pouvoirs éminents qui étaient conférés, au moment de son élévation, à chaque nouveau gouvernant comme à chaque nouveau personnage associé au pouvoir, ou qui tout au moins devaient l’être ; car ce décret fut oublié pour Pertinax. Un titre qui témoigne dans le même sens a été récemment découvert. Le sénatus-consulte relatif à une corporation de Cyzique du temps d’Antonin le Pieux (Eph. ep. III, 156 = C. I. L. III, suppl. 7060) commence par les mots : Sententia dicta ab Appio Gallo, cos. desig., relatione IIII concedente imp. Cæs[are] T[ito A]elio Hadriano Anto[nino Aug. Pio] ; cela ne peut vouloir dire qu’une chose ; c’est que cette demande des Cyziceni vint en quatrième rang de l’ordre du jour, l’empereur ayant dans ce cas renoncé à son droit de faire les quatre premières propositions. — Il est conforme à la nature des choses que ce pouvoir parti de l’€v st de Dion ait été plus tard étendu à plusieurs propositions. Au contraire, il est surprenant que l’on trouve indiqué pour les empereurs Pertinax et Probus un nombre moindre que pour le César Marc-Aurèle ; cola vient probablement d’une corruption de la tradition.

[18] Le rang privilégié des relations impériales n’est pas mentionné dans les témoignages peu clairs des auteurs ; mais il résulte du document de Cyzique et il est dans la nature des choses.

[19] Mon opinion antérieure, selon laquelle dans la loi de Vespasien senatum habere désignerait la proposition personnelle et relationem facere la proposition écrite, est à tout le moins incertaine, parce que senatum habere semble plutôt être mis en tête comme expression générale et relationem facere être employé à la place de referre uniquement pour servir de transition au terme relationem remittere qui suit.

[20] L’oratio de Claude au sénat sur le droit de cité des Gaulois a été conservée en grande partie. Un fragment de l’oratio par laquelle Vespasien proposa la concession des ornements triomphaux à Ti. Plautius (Orelli, 750 = C. I. L. XIV, 3608) se trouve dans l’inscription funéraire de ce dernier. L’oratio imp. Severi sur la potioris nominatio (Vat. fr. 158) porte : Cui rei obviam ibitur, patres conscripti, si censueritis. Naturellement oratio alterne dans ce sens avec litteræ (Tacite, Ann. 3, 56. 57 ; cf. 3, 32. 16, 7).

[21] Les bons empereurs prennent régulièrement part aux séances du sénat, même à l’époque récente. Ainsi Hadrien (Vita, 8), Marc-Aurèle (Vita, 10) et Pertinax (Vita, 9). Mais, d’après le second texte, l’empereur ne présidait pas alors et il faut donc entendre ici referre d’une proposition écrite. Sur le siège impérial au sénat cf. tome II.

[22] Quand une résolution est désignée dans un document officiel comme prise auctore principe, ainsi que par exemple, dans le sénatus-consulte de l’an 56 (C. I. L. X, 1401), le sénatus-consulte Hosidien est désigné comme fait auctore principe, cela signifie sans aucun doute que ce sénatus-consulte a été proposé par le prince verbalement ou par écrit (l’auteur de la proposition n’est pas nommé dans le sénatus-consulte Hosidien). Cf. Suétone, Vesp. 11 ; Gaius, 3, 73 ; Ulpien, Digeste, 24, 1, 32, pr. Si Tibère dicentem... auctore eo senatum se adisse (peut-être senatum statuisse) verba mutare et pro auctore suasorem... dicere coegit (Suétone, Tibère, 27), c’est une allusion à une particularité qui même en dehors de là n’est pas méconnaissable, à savoir que l’indication officielle du prince comme l’auctor de résolutions du sénat ou d’autres corporations doit être comprise dans le même sens où l’on dit aujourd’hui qu’une autorité supérieure invite une autorité inférieure à faire quelque chose. Du temps de la République, est auctor du sénatus-consulte celui qui le propose ou, d’une manière générale, quiconque intervient dans les débats en sa faveur ; mais, sous l’Empire, on a difficilement continué à désigner de ce nom le simple auteur de la proposition autre que le prince.

[23] Après que le sénat eut voté sur Publicius Certus, en décidant, semble-t-il, à la majorité d’inviter les consuls à accueillir une action criminelle contre lui, l’empereur qui interrompt la marche de l’affaire, relationem de eo ad senatum non remisit (Pline, Ep. 9, 13, 22). Le procès de Pison, qui avait été d’abord soumis au sénat et ensuite déféré à Tibère, est renvoyé par ce dernier au sénat : Integram causam ad senatum remittit (Tacite, Ann. 3, 10). Pline, Ep. 4, 9, 1 : Accusatus est sub Vespasiano a privatis duobus : ad senattum remissus diu pependit. Suétone, Tibère, 61.

[24] Il est certain que la décision du sénat n’était pas soumise dans toutes les circonstances, même pas dans tous les procès criminels, à l’assentiment préalable de l’empereur (Tacite, Ann. 13, 26. 14, 49 rapproché d’Hist. 4, 9). Peut-être était-il nécessaire de le consulter seulement quand une affaire criminelle avait été en même temps déférée à l’empereur et au sénat.

[25] Suétone, Tibère, 73. Vita Severi, 44.

[26] L’institution est citée comme déjà existante en l’an 29 (Tacite, Ann. 5, 4) ; si elle venait de Tibère, Tacite le dirait. Les informations existantes ont été soigneusement rassemblées par Hübner, De senatus populique Romani actis, p. 31 et ss.

[27] Il est possible que la magistrature fût organisée en collège ; mais ce n’est pas vraisemblable. Il n’y a de preuves décisives ni pour ni contre.

[28] Ainsi nommé sur l’inscription du plus ancien de ces magistrats que connaissent les monuments épigraphiques. Périphrase dans Tacite, loc. cit., et dans Dion, 78, 22.

[29] C’est le titre ordinaire, en grec έπί τών ύπομνημάτων τής συγκλήτου (C. I. Gr. 1133. 4327).

[30] Se trouve uniquement sur la seconde en date des inscriptions qui citent cette magistrature (C. I. L. X, 6658) : Ab actis imp. Trajan Aug. Hübner, p. 34, identifie avec raison ce personnage et l’ab actis senatus ; seulement, ce n’est certainement pas candidatus qui fait défaut, ce sont les expressions ab actis senatus imperatori qui ont été incorrectement rassemblées.

[31] Tacite, loc. cit. : Componendis patrum actis delectus a Cæsare eoque meditationes ejus introspicere creditus.

[32] On ne trouvé nommés que deux de ces magistrats pour le temps de Trajan : en l’an 29, Junius Rusticus (Tacite, loc. cit.), autrement inconnu, probablement le père du préteur du même nom de l’an 69, et le personnage auquel se rapporte l’inscription C. I. L. IX, 2456, probablement L. Neratius Marcellus, IIIvir a. a. a. f. f., adlectus inter patric(ios) ab divo Vespasiano (en l’an 74), curat(or) actorum senatus, quæstor Aug(usti ; probablement de Domitien, puisque le nom fait défaut). Il n’y a aucun motif d’admettre avec Borghesi, Opp. 5, 366, et Hübner, loc. cit., que l’ordre des magistratures ait été interverti sur cette pierre.

[33] Au temps de Trajan et d’Hadrien ce poste est revêtu par des quæstorii qui arrivent ensuite au tribunat. Ainsi l’occupent sous Trajan le futur empereur Hadrien (Vita, 3 ; cf. Henzen, Ann. dell’ inst. 1862, p. le et ss.), C. Julius Proculus, C. I. L. X, 6658, et l’inconnu de l’inscription de Pisidie, Eph. ep. V, 1345 — C. I. L. III, suppl. 6819 ; sous Trajan ou Hadrien le Maximus d’une inscription de Stuhlweissenburg (Hirschfeld, Arch. epigr. Mitth. 1, 168 = C. I. L. III, suppl. 10366) ; sous Hadrien, le personnage auquel appartient l’inscription C. I. L. VI, 1549.

[34] C’est ce qu’atteste pour son temps Dion, 78, 22. C’est aussi l’idée du rédacteur des inscriptions C. I. Gr. 1133. 1327, quoiqu’il s’exprimât, comme cela arrive encore ailleurs, incorrectement, car la qualification candidatus principes n’a aucun sens pour une fonction donnée par l’empereur ; elle ne se rencontre et ne peut se rencontrer que pour celles que confère le sénat et pour lesquelles le prince recommande. Mais si la commendation à l’édilité entraînait nomination à la cura actorum, la rédaction de l’écrivain grec est explicable, tout en n’étant pas justifiée. Enfin, cette supposition rend compte d’une particularité surprenante : c’est que les candidate principes fassent presque entièrement défaut parmi les édiles ; la plupart d’entre eux sont probablement dissimulés dans les ab actis senatus, ædiles curules, Didius Julianus, qui, selon sa Vita, c. 1, ædilitatem suffragio divi Marci conseculus est, peut aussi avoir eu la cura actorum ; tout au moins son inscription C. I. L. VI, 1401, n’y l’ait pas obstacle. La plupart des inscriptions des magistrats ab actis senatus, — y compris celle de Lambèse récemment découverte, Eph. ep. VII, n. 395 = C. I. L. VIII, suppl. 18270, de L. Jullius Apronius Mænius Pius Salamallianus d’une époque indéterminée : Adlectus inter q(uæstorios), præpositus actis senatus, ædilis curules, et celle de Galatie, Bull. cor, hell. 7, 26, qui nomme un M. Antonins Mam... [πρέξεις συν]κλήτου είληφ[ότα, αίδίλην] κουρούλην — montrent qu’ils occupèrent après cette fonction l’édilité et même l’édilité curule. Mais parmi celles qui sont sûrement datées, il n’y en a pas de plus anciennes que celles de C. Arrius Antoninus, C. I. L. V, 1874, et de M. Claudius Fronto C. I. L. III, 1457. VI, 1377, qui ont tous deux revêtu cette magistrature dans les dernières années d’Antonin le Pieux. On rencontre par exception à la place de l’édilité le tribunat du peuple (C. I. L. VI, 1337 et de même dans le cas rapporté par Dion, loc. cit.).

[35] On doit remarquer à ce sujet que les consulats étaient au moins dans la seconde moitié du règne d’Auguste en général semestriels et que, lorsque l’empereur réunissait le sénat, les magistrats eux-mêmes participaient au vote.

[36] Suétone, Auguste, 35. Selon Dion, 53, 21 (cf. 56, 28) sur l’an 727, ce consilium a d’abord servi à la préparation des actes législatifs, quoiqu’il ait aussi été parfois employé dans des procès ; il dit au sujet de sa composition : il prenait comme conseillers, pendant six mois, les consuls, ou le consul lorsqu'il remplissait lui-même les fonctions consulaires, avec un membre de chaque magistrature et, parmi les sénateurs, quinze, que le sort désignait, de manière à être, par eux, censé faire, pour ainsi dire en commun avec tous les autres, ses règlements.

[37] Dion, 56, 28. Cf. 55, 27.

[38] Suétone, Tibère, 55. Ce collège ne se modifiait donc pas, comme celui d’Auguste, de temps en temps et était institué d’une manière stable et en outre il comprenait au moins un homme de rang équestre ; car cette création se place sûrement dans la première période du gouvernement de Tibère, avant l’élévation de Séjan au consulat.

[39] Hérodien, 6, 1, 3. Dion, 89, 1.

[40] Une claire image d’un pareil conseil impérial est donnée par la quatrième satire de Juvénal, où, au lieu de délibérer sur les Chattes et les Sugambres (v. 141), on le fait sur la cuisson d’une énorme sole ; les membres du conseil sont les deux pæfecti prætorio, le præfectus urbi et sept sénateurs de distinction. D’autres témoignages existent en grand nombre. Ce que dit Auguste (chez Josèphe, Ant. 16, 6, 2), dans l’édit par lequel il règle la condition des Juifs en Asie et à Cyrène. Relativement à la question de la succession juive, Auguste convoque, en 750, ses amis, et à leur tête son fils aîné Gaius (Josèphe, Ant. 17, 9, 5). Sur la paix avec les Parthes, consuluit inter primores civitatis Nero (Tacite, Ann. 15, 25) ; il rassemble également pour une raison sans importance νύκτωρ τούς πρώτους τών βουλευτών καί τών ίππέων (Dion, 63, 26). Vita Pii, 6. Vita Marci, 22. Ce sont là les έπίτροποι (Dion, 71, 1 ; cf. Hérodien, 4, 4) auxquels il confie en mourant son fils âgé de dix-huit ans. Vita Alexandri, 16. Là encore les expressions employées font plutôt penser à la consultation de gens du métier sur un point concret,  qu’à un conseil intime stable. On reproche à Dioclétien de rendre des mesures populaires sine consilio et d’appeler beaucoup de personnes in consilium pour les mauvaises (Lactance, De mort. persec. 14). Cf. Suétone, Nero, 41. Dion, 59, 5.

[41] V. plus loin le début du chapitre des Pouvoirs de représentation du præfectus prætorio.