LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE DEUXIÈME. — LES MAGISTRATURES.

LE PRINCIPAT.

 

 

PARTICIPATION AU POUVOIR LÉGISLATIF.

Avant la constitution du Principat et même pour cette constitution, Auguste a, en vertu de son pouvoir de réorganiser l’État, rendu ses lois d’une manière aussi unilatérale que celle dont Romulus est représenté comme ayant rendu les siennes. Mais, lors du rétablissement de la République, il résigna le pouvoir constituant. Le pouvoir législatif fut d’abord rétabli dans la constitution d’Auguste tel qu’il avait existé à la fin de la République : l’initiative législative appartenait à tous les magistrats supérieurs, le vote définitif des lois générales aux comices, le droit de délier des lois pour un cas particulier au sénat. Sous aucun rapport le prince n’avait là juridiquement un rôle d’exception.

Les lois générales sont établies par l’accord du prince avec le peuple, comme elles le sont par l’accord avec le peuple de n’importe quel autre magistrat[1]. Le prince n’a même pas la possession exclusive de ce droit : il l’a seulement aux côtés et à l’égal des consuls, des préteurs et des tribuns du peuple[2]. Il est même vraisemblable que le prince n’a pas exercé l’initiative parlementaire, en vertu d’une concession spéciale, mais au moyen de sa puissance tribunicienne. Lorsque Auguste refusa, dans, les années 735, 736 et 743, la cura legum, c’est-à-dire le droit de rendre de sa seule autorité des lois au nom du peuple, il accomplit, rapporte-t-il lui-même, la tâche pour laquelle on voulait lui conférer ce pouvoir extraordinaire, à l’aide de ses .pouvoirs tribuniciens ; cela ne peut vouloir dire qu’une chose : c’est que les lois Juliæ sur l’ambitus et sur le célibat et la stérilité, proposées par Auguste en la même année 736[3], ont été présentées par lui à la plèbe en vertu de sa puissance tribunicienne. Car Auguste n’a pas revêtu, dans cette année, d’autre fonction l’autorisant à agir avec le peuple et cette idée est bien d’accord avec leur présentation au Forum, donc dans une assemblée autre que les comices par centuries[4]. Les rogations faites par l’empereur Claude[5] sont même qualifiées expressément du nom de plébiscites[6]. Il est possible que les empereurs se soient fait, en outre, conférer par une clause spéciale de leur loi d’investiture, le droit de convoquer les centuries, mais on ne peut pas plus en fournir la preuve matérielle qu’en établir l’urgence théorique.

Cependant les empereurs n’ont fait qu’un usage très restreint de l’initiative, qui appartenait en matière de législation comitiale aux magistrats de la République : à côté des exemples qui viennent d’être cités, on ne peut relever qu’une autre rogation proposée par un empereur : une loi agraire de Nerva[7]. Évidemment cet accord du peuple et de l’empereur impliquait à la fois l’assimilation du prince aux magistrats de la République et la reconnaissance de la souveraineté du peuple, avec une clarté trop vive pour bien s’accorder avec le caractère du principat. En_ conséquence, cette pièce du système d’Auguste a été non point détruite, mais mise hors d’usage par le prince qui acheva l’édifice monarchique : à partir de Tibère, en dehors des rogations isolées de Claude et de Nerva, les projets de loi n’ont plus été présentés par les empereurs et à partir de la seconde moitié de son règne, ils n’ont plus été présentés par aucun magistrat à l’approbation ou au rejet du peuple. Le pouvoir législatif est exercé, dans les limites étroites qui lui sont désormais tracées, non plus par l’empereur, mais parle sénat ; et nous aurons dans notre chapitre suivant à étudier l’influence exercée là par l’empereur.

La position du prince est théoriquement la même par rapport à l’importante fraction du pouvoir législatif transférée au sénat, relativement au droit de dispenser par voie de privilège individuel de l’observation de la loi instituée. Au début du principat, comme à la fin de la République, l’autorité placée au-dessus des lois et autorisée en principe à prendre des mesures d’exception, est exclusivement le sénat, et au moins jusqu’à Domitien, — car, à partir de là, les empiètements du prince sont précisément si nombreux dans ce domaine, qu’ils transforment presque la règle en exception, — les lois d’exception sont généralement rendues sous la forme de sénatus-consultes. Pour faire comprendre la limitation dés pouvoirs impériaux que cela entraînait d’une part, et, de l’autre, pour montrer clairement les empiètements progressifs faits par le principat dans cette portion importante des attributions sénatoriales, il nous faut ici énumérer les principales applications du pouvoir du sénat, où, d’ailleurs, l’ancienne dispense individuelle des lois et les pouvoirs législatifs étendus, plus tard conquis par le sénat, ne peuvent pas être rigoureusement séparés.

1. En ce qui concerne le droit de grâce, il faut distinguer s’il se présente comme émanant du pouvoir judiciaire ou du pouvoir législatif. Selon l’usage romain, tout tribunal a le droit de remettre la peine qu’il peut infliger, ou immédiatement, ou, pourvu qu’elle n’ait pas encore été exécutée, après coup[8]. Ce pouvoir, qui naturellement appartient aussi au prince, est étranger à notre question. Au point de vue législatif, le droit de grâce, en tant qu’on ne considère pas l’institution des comices judiciaires eux-mêmes comme en étant l’exercice, est étranger aux anciennes institutions républicaines. L’abrogation du verdict d’un jury par les comices, est en particulier considérée comme un exercice abusif de la souveraineté du peuple. Cependant le pouvoir législatif s’est progressivement emparé de ce domaine dans la période récente de la République et, sous le principat, lorsque le pouvoir législatif est considéré comme compris dans les attributions du sénat, on regarde le droit de grâce général comme une des prérogatives de ce dernier[9]. En règle, c’est de lui que viennent tant les rescisions des condamnations criminelles[10] que les abolitions analogues d’instructions en cours (abolitiones) fréquemment prononcées à l’occasion de réjouissances[11]. En fait, la grâce a naturellement toujours dépendu du prince, et le droit de grâce lui est même attribué par le droit théorique dans la période moderne de l’Empire[12].

2. La dispense exceptionnelle des conditions légales d’éligibilité, par exemple, la dispense individuelle de l’ordre de succession des magistratures ou des conditions d’âge, a été, sait-on par des témoignages multiples, prononcée à l’origine par le sénat. Mais l’empereur reçut, verrons-nous, le droit d’examiner la capacité des candidats, ce qui lui donna en fait, la possibilité de faire abstraction de cette capacité dans des cas particuliers et le droit d’exemption lui a bientôt passé tout entier par cette voie.

3. Le triomphe, qui est le plus haut honneur militaire, et les ornements triomphaux, qui en sont les succédanés modernes, sont, avons-nous déjà dit, toujours accordés à cette époque par le sénat. Si plus tard le principat s’est réservé l’initiative, au moins pour le cas où ce n’était pas au prince que cet honneur devait être attribué, si alors le sénat n’a eu coutume et peut-être même n’a eu le droit de prononcer l’attribution des ornements triomphaux que sur la proposition du prince, cela ne fait que mettre la situation juridique dans un jour plus clair.

4. La consécration a été traitée de même : l’admission d’un dieu étranger[13] ou de l’esprit d’un mort, en particulier de celui d’un empereur défunt parmi les dieux supérieurs de l’État, est toujours prononcée par le sénat[14] ; mais, là encore, la chose n’a constamment lieu en fait et peut-être ne peut avoir lieu en droit que sur la proposition de l’empereur[15]. C’est seulement au nie siècle que ce droit du sénat qui, par suite de sa liaison avec la condamnation posthume de l’empereur, dont nous parlerons plus bas, n’était aucunement dénué de portée pratique, a été mis à l’écart par les souverains[16].

5. La concession du patriciat n’a pas été comprise dans les attributions du prince jusqu’au temps de Trajan, nous le montrerons plus loin. Mais le sénat a probablement exercé ce droit dès avant Trajan, à la vérité seulement en faveur de l’empereur, en vertu de ses pouvoirs généraux.

6. Le droit d’association fut, en règle générale, aboli par les lois d’Auguste. Les dispenses devaient, pour l’Italie et les provinces sénatoriales[17], être demandées au sénat[18]. C’est à raison de la haute surveillance qu’il exerce à titre spécial sur la vie municipale italique que tous les collèges autorisés sont organisés comme des associations communales et restreints aux limites d’une ville déterminée[19]. Mais le pouvoir de haute surveillance que possédait le prince sur tout le territoire de l’empire a naturellement bientôt eu pour résultat de faire ces faveurs être sollicitées de lui et accordées par lui[20].

7. Le droit de marché, c’est-à-dire le droit de tenir des marchés périodiques dans l’intérieur d’un territoire en un autre endroit que la ville chef-lieu, a également été, tant en Italie[21] que dans les provinces sénatoriales[22], sollicité du sénat, même par le prince[23].

8. C’est aussi le sénat qui accorde aux villes isolées la dispense des restrictions légales existant en matière de jeux de gladiateurs[24] ; il est même probable que toutes les dispositions d’exception relatives aux affaires municipales italiques étaient de la compétence du sénat[25].

9. La remise des déchéances légales attachées au célibat et à la stérilité était, à l’origine, accordée par le sénat[26], duquel même les empereurs et des membres de la famille impériale ont reçu de pareilles dispenses[27]. Plus tard, sous Vespasien ou peu avant lui[28], le droit, pratiquement fort important, d’accorder ces dispenses a passé à l’empereur peut-être ce changement se lie-t-il à ce que le trésor du peuple romain, auquel profitaient principalement les incapacités de recevoir portées contre les célibataires et les personnes sans enfants, a passé, à peu près vers la même époque, sous l’administration directe de l’empereur.

Le pouvoir législatif lui-même est donc resté, sous le principat, aux comices ou au sénat. En revanche, le pouvoir législatif médiat, limité aux constitutions individuelles[29], dont les commencements apparaissent déjà sous la République, a été reconnu au prince et a même été accru pour lui. C’est-à-dire que le prince a été autorisé, probablement par des clauses spéciales de la loi qui lui donnait la puissance tribunicienne, à concéder à des individus ou à des corporations les droits que nous allons énumérer et dont la concession aurait régulièrement exigé une loi.

1. Le pouvoir de régler, jusqu’à nouvel ordre et sans lier l’avenir, la condition légale des cités sujettes appartient aux magistrats supérieurs sous la surveillance du sénat ; au contraire le droit de fonder une nouvelle ville en la gratifiant du droit de cité ou des droits d’alliée, de donner à une cité existante de l’empire la qualité de cité de citoyens ou de cité latine, en général celui de modifier sa condition juridique était une portion de la souveraineté la plus élevée ; c’était un point sur lequel, d’après le droit de la République, le dernier mot devait absolument appartenir aux comices en théorie et leur appartenait d’ordinaire en fait[30]. Sous le principat et dès ses débuts, cette fraction importante du pouvoir législatif a passé au prince, en vertu de son droit illimité de disposer de tous les biens immobiliers du peuple et de ses autres droits de paix, de guerre et d’alliance. Ni les comices, ni le sénat[31], ni les autres magistrats n’interviennent sous le principat dans ces questions : le prince garde, à ce point de vue, les pouvoirs des magistratures constituantes et c’est avec raison qu’on oppose en conséquence les colonies fondées à partir de Sulla sans l’intervention des comices aux anciennes colonies. C’est le prince qui, seul et en vertu de sa qualité[32], fonde les nouvelles colonies et fixe leur condition juridique ; c’est lui et lui seul qui transforme les cités sujettes en cités latines[33], les cités latines en cités de citoyens[34], les municipes de citoyens en colonies de citoyens[35] et, en tant que la chose est possible, les colonies de citoyens en municipes de citoyens[36]. C’est lui seul qui accorde et retire les droits d’alliées aux cités pérégrines comprises dans l’empire[37].

2. La cité de l’empire fondée ou reconnue par Rome reçoit comme portion intégrante de cette fondation ou de cette reconnaissance un statut local sous l’autorité romaine. Pour prendre des mesures de ce genre, il suffisait, en face de cités de citoyens ou de cités de sujets, des pouvoirs du magistrat. Quand ce n’était pas le cas, ces actes rentraient dans le cercle de la législation : ainsi les cités latines fondées par les Romains n’ont reçu leur droit latin que par acte législatif. Cependant ces actes ont, dès le principe, été accomplis par voie médiate, les comices chargeant en même temps leurs mandataires de la fondation de la cité et de la rédaction de son statut. A partir du moment où la fondation des colonies et le règlement général de la condition des cités de l’empire eurent passé dans les mains du prince, il eut aussi logiquement le droit de procéder aux concessions et aux modifications de statuts que cela nécessitait[38].

3. La concession du droit de cité, est selon le droit de la République, un des pouvoirs des comices. À la vérité, il est aussi exercé par eux d’une façon médiate, mais seulement dans deux cas : par l’intermédiaire des magistrats chargés de la fondation des colonies, et par celui des généraux qui sont ainsi récompensés de leur conduite courageuse devant l’ennemi ; et dans les deux cas, ce pouvoir n’est exercé que comme pouvoir concédé et réglé par une résolution spéciale du peuple. Nous ne savons ce qu’est devenue la première exception sous le principat ; pourtant le prince, qui pouvait concéder le droit de cité à une ville pérégrine, ne peut avoir été privé du droit d’admettre des non citoyens en nombre illimité dans les colonies nouvelles de citoyens en les gratifiant du droit de cité. Le droit du général de donner la cité, au moment de leur congé, aux soldats qui se sont bien conduits, quand ils ne l’ont pas encore, est exercé par le prince[39], soit en vertu d’une clause spéciale de la loi d’investiture, soit en vertu de sa toute puissance générale. Les limites, qui, à l’époque républicaine, ont tout au moins pu être tracées à ce droit, sont en principe écartées et le prince a fait de ce pouvoir l’usage le plus étendu. Sous le principat, le droit de cité a même été accordé, le cas échéant, aux soldats pendant la durée du service ; on rencontre aussi des privilèges d’ensemble, tels que l’acquisition du droit de cité à l’expiration d’un nombre d’années de service déterminé[40]. Mais surtout le non citoyen, qui entre dans une troupe de citoyens, reçoit toujours en même temps le droit de cité : c’est de cette façon que le recrutement des légions a été étendu à toutes les villes de l’empire[41]. Il n’est même pas invraisemblable que l’empereur a eu, dès le principe, la faculté de concéder le droit de cité même à des gens qui n’étaient pas soldats ; car, si cette concession a toujours été pratiquée de préférence en matière militaire, elle se rencontre de bonne heure comme faite en dehors de là[42]. En droit, ces concessions, même lorsqu’elles sont faites par catégories, restent toujours des privilèges individuels[43]. Quant à la forme, on a conservé pour celles dont le fondement est dans l’antique congé donné par le général, la gravure sur des tables de bronze et l’affichage de ces tables au Capitole usités pour les lois ; les autres concessions du droit de cité sont constatées par un simple titre (diploma)[44].

La concession aux citoyens romains du conubium, c’est-à-dire du droit de contracter avec une non citoyenne un mariage légitime romain, a été pratiquée de la même façon que la concession de la cité aux non citoyens. Le droit de mariage était accordé, soit au moment de leur congé, en même temps que la cité, aux non citoyens qui recevaient cette dernière, soit, non pas, il est vrai, à tous les citoyens sortant du service, mais à ceux sortant de la garde après y avoir fait leur temps, par des décisions de l’empereur qui intervenaient régulièrement, mais qui cependant constituaient toujours en la forme des décisions individuelles[45].

Le droit de retirer la cité à quelqu’un n’a, en dehors des procès criminels, jamais été exercé ni par les comices ni par les empereurs[46].

4. Le droit de la République ne connaît pas de mode légal d’assimilation des affranchis aux ingénus. Le propriétaire peut donner la liberté à l’esclave avec l’assentiment de l’État ; l’État peut donner à l’affranchi tous les droits réservés aux ingénus, mais non le fait de la naissance libre. Cette règle respectable fut abandonnée au commencement du principat.

On reconnut à la concession faite à des personnes d’origine servile des anneaux d’or, qui avait déjà été usitée antérieurement, mais sans cette largeur d’application, la vertu de leur donner à la fois l’ingénuité fictive et les droits équestres. La restriction surprenante de cette faveur aux personnes ayant le cens équestre[47] s’explique par les circonstances. La concession de l’ingénuité et du cheval équestre, telle qu’elle fut d’abord pratiquée pour Mena, le commandant de la flotte de Sex. Pompeius, — cette fois, à la vérité, encore avec le simulacre d’un procès, — a été admise comme un acte exceptionnel, habituellement d’un caractère politique. Si on avait admis comme règle générale que l’ingénuité pût être concédée par une décision impériale, cela n’aurait pas seulement blessé chaque citoyen dans sa dignité en même temps que dans ses intérêts : les affranchis eussent ainsi été inévitablement introduits dans l’armée romaine. Afin que cela ne fût pas, le principat de la bonne époque s’est refusé à lui-même le droit de concéder l’ingénuité avec la même liberté que la cité[48]. La concession de l’anneau d’or, c’est-à-dire de l’ingénuité, sans celle du rang équestre, se rencontre pour la première fois sous Commode[49] et il peut avoir été l’auteur de cette innovation[50]. A partir de ce moment, il n’y eut plus là qu’un privilège personnel plébéien. Sévère l’accorda à tous les soldats[51], il fut désormais très fréquemment accordé par les empereurs aux affranchis et la concession de l’ingénuité fictive y trouva sa forme générale. Cependant les droits des tiers, en particulier les droits successoraux des patrons, restaient toujours réservés : pour assimiler un affranchi aux ingénus, même sous ce rapport, on lui, accordait, au lieu de l’anneau d’or, une restitution de la naissance directe inconnue à l’ancien droit, que, d’ailleurs, l’empereur n’accordait guère qu’avec l’adhésion du patron héritier présomptif[52].

 

 

 



[1] Bethmann-Hollweg, Civilprozess, 2, 43, qui a cru trouver le contraire exprimé dans les mots de la loi d’investiture de Vespasien, n’a pas remarqué que le droit de faire des lois et le droit de populi plebisve jussu agere facere sont deux choses absolument différentes.

[2] Les tribuns ont encore usé de leur initiative en l’an 746 (Macrobe, Sat. 1, 12, 35) ; nous n’avons pas de témoignage postérieur.

[3] L’année est déterminée par Dion, 54, 16 ; leur nom suffit à prouver qu’elles ont été proposées par Auguste lui-même. La plupart des autres lois Juliæ rentrent sans doute également dans ce groupe ; cependant elles peuvent aussi avoir été des lois consulaires.

[4] Sénèque, De benef. 6, 32, 1. Cette loi est probablement contemporaine de la toi sur le mariage (Horace, Carm. 4, 5, 21).

[5] Tacite, Ann. 11, 13. Gaius, 1, 157. 171. Ulpien, 11, 8. Cod. Just. 5, 30, 3.

[6] Tacite, Ann. 11, 14. Quoique on ne puisse corriger avec certitude ce passage corrompu, il y est indubitablement question des plébiscites du temps de Claude, et, comme il est impossible de songer à des rogations de tribuns, ces plébiscites ne peuvent être eux-mêmes que les leges Claudiæ (note précédente).

[7] Cf. plus loin le chapitre des Biens de l’État. Cette façon de procéder, véritablement surprenante pour l’époque où nous la rencontrons, rentre évidemment parmi celles qui tirent officiellement célébrer l’avènement de Nerva, comme une restauration de l’ancienne liberté du peuple (C. I. L. VI, 472 ; Pline, Ep. 9, 43, 4 ; Tacite, Agricola, 3).

[8] C’est ce que montrent, entre autres preuves, les lettres de Pline à Trajan, M. 32. 56. 57, en particulier l’exception spéciale, mise dans les instructions de Pline, selon laquelle il ne devait, en qualité de légat de Bithynie, restituer dans leurs droits aucun des individus relégués par lui ou ses prédécesseurs.

[9] Les mots de Suétone, Claude, 12 : Neminem exulum nisi ex senatus auctoritate restituit et la façon d’agir de Pertinax signalée, note suivante, indiquent que le droit de grâce était la prérogative du sénat.

[10] Ulpien, Digeste, 3, 1, 1, 10, oppose cette restitution venant d’en haut, à celle des magistrats. On en trouve des exemples dans la Vita Pii, 6 et dans l’inscription C. I. L. VI, 1343, où il est fait allusion au même fait que la Vita Pertinacis, 6 (de même Dion, 73, 5), exprime par les mots : Revocavit eos qui deportati fuerant crimine majestatis, eorum memoria restituta qui occisi fuerant.

[11] Digeste, 48, 16, 12. Un édit de Domitien interprétant les abolitiones ex senatus consulto factæ est cité Digeste, 48, 3, 2, 1. Je ne connais pas d’exemple d’abolition faite par constitution impériale ; car celui rapporté par Suétone, Aug. 32, appartient sans doute à l’époque où Auguste avait le pouvoir constituant.

[12] C’est ce que nous apprend le langage d’Ulpien, Digeste, 3, 1, 1, 10. Pour le surplus, ce n’est pas ici le lieu d’entreprendre l’étude de cette matière difficile. Le travail de Joh. Merkel sur le droit de grâce dans la procédure criminelle romaine (Halle, 1881) a fourni une bonne base pour ces recherches ardues ; mais il n’est admissible ni de faire de l’abolition une institution républicaine ni de tenir les grâces prononcées par le sénat comme de simples effets de l’arbitraire du prince. Claude, Antonin le Pieux, Pertinax et Alexandre Sévère ont reconnu les droits légaux da sénat ; ils ne lui ont pas fait de concessions dans de pareilles questions de principe. Les exemples qu’on rencontre d’atténuations et de remises impériales de peines (tels que Tacite, Ann. 4, 31. 12, 8 : 13, 11. 14, 12. Pline, Ep. 4, 9, 2. Ep. 11, 14), ne sont pas de grande valeur ; d’autant plus que la grâce impériale pouvait être prononcée par un sénatus-consulte voté sur la proposition de l’empereur, ainsi qu’il est établi pour les révocations prononcées sous Pertinax.

[13] Tertullien, Apolog. 5, raconte déjà la fable, selon laquelle Tibère aurait en vain demandé au sénat de reconnaître la divinité du Christ.

[14] Tertullien, Apolog. 5 (d’où Orose, 7, 4). Calendrier d’Amiternum sur le 17 sept. Tacite, Ann. 1, 10. 12, 69. Eckhel, 8, 464, rapporte avec raison à cela la formule ex s. c. sur les monnaies d’or et d’argent du divus Claudius, du divus Vespasianus et de diva Marciana. Le sénat refusait de consacrer Hadrien et ne céda que sur les instances pressantes d’Antonin le Pieux (Dion, 69, 23. 70, 1 ; Vita Hadr. 27. Pii 5 ; Eutrope, 8, 7 ; Victor, Cæs. 14, 13).

[15] Par exemple, Vita Marci, 26. Pareillement Vita Hadriani, 6 ; Pii, 13, et beaucoup d’autres textes.

[16] Sévère annonce simplement au sénat l’apothéose de Commode (Vita Severi, 11 ; Vita Comm. 17) ; à quoi d’ailleurs il peut tenir que nous n’avons pas de monnaies de consécration de Commode appartenant à ce temps. Caracalla fut consacré par un sénatus-consulte. Dion, 78, 9. Mais le biographe de Macrin (c. 6) représente ce dernier comme écrivant au sénat : Divinos honores et miles decrevit et nos decernimus, et vos, p. c., ut decernatis, cum possimus imperatoris jure præcipere, tamen rogamus.

[17] Un sénatus-consulte, récemment découvert, du temps d’Antonin le Pieux (Eph. ep. III, 156 = C. I. L. III, suppl. 7060) est rendu sur la demande des habitants de Cyzique, ut corpus quod appellatur neon et habent in civitale sua, auctoritate [amplissimi o]rdinis confirmetur. En dehors de là l’autorisation d’associations par sénatus-consulte ne paraît se rencontrer que sur des inscriptions italiques.

[18] Le sénat a accordé aux symphoniaci qui sacris publicis præsio sunt le droit de s’assembler e lege Julia ex auctoritate Aug. ludorum causa (C. I. L. VI, 4416). On rencontre nombre d’autres collèges, quibus ex s. c. cuire permissum est. (v. ma dissertation de collegiis, p. 80 ; Zeitschrift fur gesch. Rechtswiss. 15, 356). C’est aussi à cela que se rapportent les mots de Pline, Paneg. 54 : De ampliando numero gladiatorum aut de instituendo collegio fabrorum consulebamur.

[19] La preuve que chaque collège de l’empire appartient à un municipe déterminé ne peut être fournie ici ; les épigraphistes compétents n’en sentiront guère le besoin.

[20] En dehors des témoignages déjà cités, c’est en partant de là qu’Antonin le Pieux accorde les droits corporatifs (arcam habere) aux sévirs de Brixia (C. I. L. V, 4428). Marcien, Digeste, 48, 22, 3, 1, admet les associations ex senatus consulto aucctoritateve (car c’est ainsi qu’on doit lire au lieu de consulti auctoritate vel) Cæsaris ; il met donc sur le même pied le sénat et l’empereur.

[21] Pline rapporte, Ep. 5, 4, un débat engagé à ce sujet dans le sénat, entre les représentants de la ville de Vicetia et un grand propriétaire foncier.

[22] C’est le cas du sénatus-consulte de l’an 138 (C. I. L. VIII, 270).

[23] Suétone, Claude, 12.

[24] Tacite, Ann. 13, 49. Pline, Paneg. 54. Cf. Dion, 59, 14 ; Suétone, Tib. 34. A la vérité, l’empereur a encore une compétence concurrente en pareille matière ; ainsi Trajan statue sur un Agen établi à Vienne (Pline, Ep. 4, 22) et un munus est donné à Abella en l’an 170 avec la permission de l’empereur (C. I. L. X, 1215). — A Rome, l’organisation de pareils jeux n’était permise d’après une prescription d’Auguste qu’en vertu d’un sénatus-consulte spécial (Dion, 54, 2). — [Cf. sur les dispositions générales du sénatus-consulte de l’an 176 ou 177 (C. I. L. III suppl. 6278) les commentaires Eph. ep. VII, p. 411 et ss.]

[25] C’est ainsi que la question de l’emploi d’un legs fait à la cité de Treba est tranchée dans le sénat (Suétone, Tib. 31) ; et le duomvir quinq. ex s. c. et d. d. de Suasa (Orelli, 2287), le viocurus ex s. e. et d. d. de Sora (C. I. L. X, 5714) révèlent des décisions analogues du sénat relatives à d’autres affaires municipales.

[26] Dion, 55, 2. En l’an 20, une commission sénatoriale de vingt membres tirés au sort fut établie pour informer sur les nombreuses demandes de dispense qui avaient été faites (Tacite, Ann. 3, 25 et ss.)

[27] Livie : Dion, loc. cit. Auguste : Dion, 56, 32. Caligula : Dion, 59, 45.

[28] La sollicitation couronnée de succès adressée dans ce but par Martial à Cæsar, solus qui poterat se trouve Ep., 2, 91. 92. Quand ensuite il se remémore cette concession (3, 95. 9, 97), il l’attribue à Cæsar uterque. Mais on ne voit pas clairement quels sont ces Césars. S’il s’agit de deux princes régnant en même temps, ce ne peuvent être que Vespasien et Titus ; cependant le poète peut aussi vouloir dire que Titus lui a accordé ce droit sur la démarche de Domitien. Des concessions impériales de ce droit se rencontrent, pour le temps de Domitien, chez Stace, 4, 8, 20, et Orelli, 2676 = C. I. L. VI, 4877 ; et, pour les temps postérieurs, chez Pline, Ep. 2, 43, 8. Ad Traj., 2, 94 ; Orelli, 82. 2675. 3750 = C. I. L. V, 4392.

[29] J’emploie cette expression en y faisant rentrer même les lois rendues en faveur des personnes juridiques (les sanctiones pragmaticæ du droit récent), par exemple les statuts municipaux conférés par l’empereur.

[30] Chez Gaius, 1, 96 : (Latii jus) quibusdam peregrinis civitatibus datum est vel a populo vel a senatu vel a Cæsare, les deux premières catégories se rapportent au passé. La concession de la latinité n’a sans doute regardé le sénat que dans les époques où il a revendiqué ou plutôt usurpé le pouvoir législatif proprement dit.

[31] On peut invoquer dans ce sens le silence absolu de nos sources sur des sénatus-consultes de ce genre, tandis que les sénatus-consultes analogues relatifs aux collèges se rencontrent si fréquemment. Le fait qu’Hadrien prit la parole au sénat au sujet d’une demande de ce genre des Italicenses (Aulu-Gelle, 16, 13, 4) ne prouve rien quant à la compétence du sénat.

[32] La mention de Titus à côté de Vespasien pour la concession de la latinité aux villes espagnoles (C. I. L. II, 2096) porte à se demander si cette concession ne se serait pas liée aux pouvoirs censoriens. Mais la preuve du contraire est qu’elle a eu lieu en l’an 75 (C. I. L. II, 1610. 2096) et que le lustre fut accompli dès l’an 74.

[33] Gaius, 1, 96. Il n’est pas besoin d’exemples.

[34] Ici encore les exemples seraient superflus.

[35] Tacite, Ann. 14, 27 : Vetus oppidum Puteoli jus coloniæ et cognomentum a Nerone apiscuntur. Aulu-Gelle, 16, 13, 4. On trouvera partout d’autres exemples.

[36] Aulu-Gelle, 16, 13, 5. Mais il semble ne pas y avoir eu de procédé légal pour atteindre ce résultat ; car Préneste resta néanmoins une colonie (VI, 2).

[37] Claude, dit Suétone, 25, cum regibus (sans aucun doute ceux de Bretagne entrés par son action dans l’empire) fœdus in fora icit porco cæsa ac vetere fetialium præfatione adhibita. On reproche à Vitellius de fœdera sociis dilargiri (Tacite, Hist. 3, 55). L’autonomie a souvent été retirée et ensuite rendue, sous le principat, aux cités sujettes autonomes (VI, 2). Cela se base sur la clause de la loi d’investiture qui donne à l’empereur le droit de conclure les traités.

[38] Tels sont les statuts municipaux donnés aux cités de Bétique par Domitien en vertu de la concession de la latinité que leur avait faite Vespasien. L’edictum divi Augusti cité Eph. ep., V, n. 187 = C. I. L. III, suppl. 725, pour la province sénatoriale de Bithynie, a le même caractère.

[39] Ce point est traité au sujet de l’acquisition du droit de cité (VI, 1).

[40] Ainsi au profit des Latins qui servaient parmi les vigiles de la ville de Rome : Ulpien, Reg. 3, 2. Gaius, 3, 72. 73.

[41] Le développement des concessions du droit de cité faites par le général est retracé Hermes, 19, 11 et ss. Le point de départ en a été dans les levées en masse de l’agonie de la République, en particulier dans les legiones vernaculæ ; mais nous ne pouvons ici traiter la question sous ce rapport.

[42] Requêtes de ce genre et réponses favorables dans Pline, Ad Traj. 5. 6. 7. 10 et ss. Suétone, Aug. 40 et Gramm. 22. Dion, 57, 17. Claude confirme aux Anauni leur droit de cité et le fait par un edictum (C. I. L. V, 5050). Il est dit de Néron (Suétone, 12) : (Ephebis) post editam operam diplomata civitatis Roman singulis obtulit. Suétone, Galb. 14. Tacite, Ann. 1, 58. 3, 40. 6, 37. Hist. 1, 8. Plutarque, Galb. 18. C. I. L. II, 159. III, 5232. C. I. Att. III. 702.

[43] En dehors des titres de congés, cela se manifeste dans une dédication qui se rapporte au service des vigiles (C. I. L. VI, 220).

[44] Suétone, Nero, 12. Les diplomata de César et d’Auguste dont parle le même Suétone (Gai. 38) comprennent les titres des vétérans.

[45] C. I. L. III, p. 905. 907. [suppl. p. 2012. 2015.]

[46] Claude déclara à la vérité un homme considérable d’Achaïe qui ne savait pas le latin déchu de son droit de cité (in peregrinitatem redegit : Suétone, Claude, 16) ; mais il le fit en qualité de censeur (cf. le chapitre des Censures impériales).

[47] Ce point est traité dans le chapitre des Chevaliers (VI, 2).

[48] La loi Visellia donna aux affranchis non citoyens, en récompense de leurs services dans le corps des pompiers, la cité et la tribu rustiques, mais non l’ingénuité. Si ce qui n’est pas absolument démontré, l’ingénuité était exigée chez les soldats de la flotte selon le système en vigueur depuis Hadrien (Hermes, 19, 17), l’ingénuité fictive n’était pas au moins là une ingénuité fictive romaine ; car ces soldats avaient probablement la qualité de Latins.

[49] C. I. L. VI, 1847. V, 4392 (cf. p. 1079) ; cf. Orelli, 2675 ; Vat. fr. 247. Tertullien, De resurrect. 57. C’est là le jus aureorum anulorum des jurisconsultes du IIIe siècle et du temps suivant (Digeste, 40, 10) ; Cod. Just. 6, 8 ; Vat. fr. 226, etc.) ; visiblement ce n’est pas le droit ainsi appelé au Ier siècle. Ce droit nouveau est accordé tout à fait ordinairement aux affranchis et est même accessible aux femmes (Ulpien, Digeste, 40, 10, 4) ; ses titulaires ne dissimulent pas leur libertinité et les fonctions qu’ils occupent sont au-dessous du rang équestre, ou sont tout au plus des fonctions qui, comme le sacerdoce de Lavinium et de Laurentium, ne sont pas réservées aux chevaliers. La conception du droit à l’anneau d’or a donc changé : à la bonne époque de l’Empire, il donne le rang et les droits des chevaliers et n’est pas un titre ; à partir de Commode, au plus tard, il en est un et fait obtenir exclusivement l’ingénuité fictive.

[50] Arrien (Disc. Epict. 4, 1, 37 et ss.) connaît encore le jus aureorum anulorum avec son ancienne portée ; Papinien et les jurisconsultes postérieurs ne le connaissent que dans la nouvelle. Dans la relation peu digne de foi de la préhistoire de Macrin (Vita, 4), un affranchi devient, en vertu de ce droit, advocatus fisci, en sorte que le droit est donc entendu dans son ancienne portée ; mais la langue courante peut avoir conservé plus longtemps au mot son sens traditionnel. Dion lui-même, 48, 45, n’a pas tenu un compte exact de la transformation de la notion juridique en écrivant, à propos de la concession de Panneau d’or à Mena ; la relation vient d’annales anciennes et καίτοι καί άλλως χρυσοφοροΰσιν est une addition inconciliable avec elle et empruntée aux institutions du IIIe siècle. La législation elle-même montre ici de l’inconsistance. Selon la loi Visellia de l’an 24 après J.-C., le droit aux anneaux d’or rend apte à occuper le décurionat (Cod. Just. 9, 21), tandis que sous Commode un affranchi ayant ce droit reçoit les ornamenta decurionalia (C. I. L. V, 4392), donc, n’est pas capable de recevoir le décurionat lui-même. Les deux solutions sont correctes ; ce qui ne l’est pas au contraire, c’est que Dioclétien (Cod. Just., loc. cit. et 10, 33 [32], 1) applique l’ancien droit en invoquant la loi Visellia.

[51] Hérodien, 3, 8, 4. Vita Aurel. 7. L’anularium donné aux soldats qui sortaient du collège des optiones du camp de Lambèse (C. I. L. VIII, 2552. 2553. 2554. 2557) peut aussi être dans un rapport avec cela. C’est à tort que je l’ai précédemment (chez Renier, Mélanges d’épigraphie, p. 240) rapporté à la concession du cheval Équestre.

[52] Ulpien, Digeste, 38, 2, 3 : Etiamsi jus anulorum conseculus sit libertus a principe, adversus hujus tabulas venit patronus... hic enim vivit quasi ingenuus, moritur quasi libertus. Plane si natalibus redditus sit, cessat contra tabulas bonorum possessio. Les détails appartiennent à la théorie des successions.