LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE DEUXIÈME. — LES MAGISTRATURES.

LE PRINCIPAT.

 

 

L’IMPERIUM OU PUISSANCE PROCONSULAIRE.

On a coutume de regarder le pouvoir du prince comme un faisceau de pouvoirs disparates et désignés seulement en partie de titres officiels : c’est là, dans la rigueur des termes, une conception fausse. Il y a une catégorie unique et précise d’attribution qui est absolument nécessaire au prince, mais qui suffit à elle seule pour constituer le principat. C’est l’imperium ou puissance proconsulaire, c’est-à-dire le commandement en chef exclusif des soldats de tout l’empire. La mesure dans laquelle la situation occupée par César a été prise pour modèle juridique doit être laissée incertaine[1]. Il n’y a aucun doute que le principat d’Auguste se fonde essentiellement sur cet imperium. Il y a encore d’autres droits impériaux spécifiques. Mais celui qui a ce commandement en chef[2] est empereur, alors même que tous les autres droits impériaux lui feraient défaut, et celui qui ne l’a pas, ou qui ne l’a pas dans sa plénitude absolue, n’est pas empereur, eût-il en dehors de lit tous les pouvoirs possibles. La puissance tribunicienne, la seule qui marche d’égal avec la puissance proconsulaire est, ainsi que nous le montrerons en temps et lieu, toujours acquise après l’arrivée au pouvoir et souvent longtemps après elle. Il y a même des gouvernants qui, comme Pescennius Niger, n’ont jamais reçu la puissance tribunitienne et qui ne l’ont non plus jamais usurpée, sans que cela les ait empêchés d’exercer le pouvoir de la même façon que tout autre empereur. Elle est donc une conséquence de l’acquisition du pouvoir suprême et elle n’est pas ce pouvoir lui-même. Au contraire, l’acquisition du commandement en chef coïncide nécessairement pour chaque souverain avec le commencement de son règne. Le jour auquel elle a lieu est le dies imperii[3] et c’est lui seul et non pas le jour constamment postérieur de l’acquisition de la puissance tribunicienne[4] qui a déjà été regardé et fêté, sous les empereurs de la dynastie Julienne, comme le jour de leur arrivée au pouvoir[5].

Le principat se confondant ainsi légalement avec l’imperium, la question de savoir comment ce dernier s’acquiert se trouve d’une importance d’autant plus profonde et plus générale. Mais une réponse suffit : c’est que le titre d’imperator porté par le prince a, nous en avons la preuve, été regardé comme régi par des principes identiques à ceux suivant lesquels ce titre était habituellement pris sous la République et sous l’Empire par le général victorieux. De fait, les deux actes ne sont en la forme aucunement différents, toute énorme que soit la différence matérielle entre le cas où, sur l’invitation de prendre ce titre, le consul ou le proconsul se transforme en imperator de la République et celui où un simple particulier est transformé en chef militaire de tout l’empire.

Il suit de là que les comices ne confèrent ni ne confirment du sénat ou de jamais l’imperium[6]. Le prince reçoit la puissance tribunicienne du peuple ; l’assemblée populaire n’est pas, dans le système du principat, compétente pour la collation de l’imperium militaire[7].

Au sens strict, l’imperium n’est conféré par personne ; il est pris par celui qui l’exerce, tout comme le titre républicain d’imperator ou sur l’invitation du sénat ou sur l’invitation des troupes. La désignation de l’imperator par le sénat[8] est considérée comme la procédure la plus convenable, la plus modérée et la plus avantageuse pour l’intérêt public. Il est bien arrivé que le sénat fût invité par les troupes à désigner le nouveau prince[9], il est encore arrivé qu’un imperator créé par les troupes n’ait daté son pouvoir que du jour où il avait été reconnu par le sénat[10] ou du moins se soit excusé près du sénat de n’avoir pas attendu son appel[11]. Mais en droit celui que les soldats invitent à se proclamer imperator est aussi autorisé à le faire que s’il recevait cette invitation du sénat. Naturellement, tout empereur nommé par le sénat doit être reconnu par les troupes et tout empereur nommé par les troupes doit être reconnu par le sénat ; le nouveau principat n’est en règle qu’après les deux actes. L’institution du nouveau prince faite sans le concours du sénat, qui apparaît avec le prédécesseur immédiat de Dioclétien, l’empereur Carus, est considérée à bon droit par les anciens eux-mêmes comme la fin de l’ancien principat[12]. Mais le nouvel imperium commence à exister légalement à partir de l’un ou l’autre des deux actes[13], et il est par suite de la plus haute importance politique de savoir lequel a eu lieu le premier[14]. — L’invitation faite par les troupes a sans aucun doute été toujours interprétée comme si les soldats qui agissaient les premiers étaient les représentants de toute l’armée. Si donc le poids pratique de cette invitation dépend du point de savoir dans quelle mesure ils le sont ou le deviennent en réalité, leur nombre et leur rang sont indifférents pour le caractère politique de l’acte[15].

L’acquisition du principat dans son terme essentiel, l’imperium, est donc, nous ne disons pas un acte dépendant de la libre volonté du citoyen isolé, mais pourtant un acte qui pouvait aussi bien s’appuyer sur l’acclamation de soldats quelconques que sur une résolution du sénat, en sorte qu’en fait tout homme sous les armes avait en quelque sorte le droit de faire empereur non pas lui, mais tout autre individu. La ressemblance singulière qui existe entre cet acte et la manière dont Auguste prit le commandement en chef contre Antoine, et son appel à la tête de l’État par la volonté de tout le peuple, d’après la formule qui fut par la suite sa formule favorite, n’est certainement pas fortuite. Auguste a en quelque sorte dressé là le schéma selon lequel ses successeurs sont arrivés au pouvoir et il trouvait son expression théorique dans l’acclamation par laquelle les citoyens et lés soldats saluaient l’élu du peuple comme leur imperator. En ce sens le principat romain est assurément la continuation et l’achèvement de la démocratie. Cette magistrature toute puissante a pour fondement la souveraineté du peuple, mais une souveraineté qui peut aussi bien trouver son expression dans l’opinion publique des camps que dans la décision des représentants réguliers de l’État. Il n’y a peut-être jamais eu de gouvernement aussi étranger à l’idée légitimiste que le principat d’Auguste : celui-là est prince légal que reconnaissent le sénat et les soldats et il le reste tant qu’ils le reconnaissent, en vertu d’un principe dont nous aurons à étudier le revers dans le chapitre de la Fin du principat[16].

L’imperium revêtu par Auguste, au moment de la constitution du principat, a sans aucun doute été immédiatement défini comme ayant le caractère d’un imperium proconsulaire, ou plutôt la puissance proconsulaire qu’il avait jusqu’alors exercée à titre extraordinaire, a été, à ce moment, incorporée dans la constitution ordinaire. Il existe, à ce sujet, des témoignages directs et inattaquables[17], et ils trouvent une confirmation encore plus décisive dans des témoignages indirects, tels que le rôle joué par la puissance proconsulaire dans les formes secondaires du principat[18] et que l’attribution aux auxiliaires, employés par l’empereur dans le gouvernement de ses provinces, du titre qui appartient aux auxiliaires des proconsuls sénatoriaux. La puissance proconsulaire du prince est, avant tout, exigée par la logique du droit. Les institutions romaines ne connaissent pas d’imperium tout court, elles connaissent seulement l’imperium du consul, l’imperium du préteur et l’imperium de personnages assimilés légalement à l’un ou à l’autre. De même donc qu’à l’époque de la République, celui qui est appelé imperator doit forcément être, ou consul, ou proconsul, ou préteur, ou propréteur, le prince, étant imperator, doit aussi forcément avoir possédé l’une des puissances ainsi formulées, et puisque, depuis Auguste, le gouverneur de province, qui n’a personne au-dessus de lui, porte le titre de proconsul, c’est aussi cette qualification qui a nécessairement été donnée au titulaire général des droits des gouverneurs[19]. Nous avons déjà fait remarquer que le caractère de promagistrature, primitivement impliqué par cette dénomination, n’est plus attaché au proconsulat de la période impériale et que le proconsul y est aussi bien un magistrat que l’était autrefois le préteur provincial de la République.

Le principat a donc, pour point central l’imperium, la puissance proconsulaire, et l’on pourrait s’attendre à trouver cette idée exprimée dans ses titres. Nous avons déjà montré, dans notre précédent chapitre, qu’il n’en a rien été. Le prince est imperator de droit et il est désigné de ce nom, constamment, quand on veut souligner son rôle militaire[20] et même, en dehors de là, communément à l’époque récente[21]. Mais, de même qu’Auguste évitait d’appeler les soldats du nom de compagnons d’armes[22], pour ne pas apparaître lui-même comme un soldat, la dénomination d’imperator, qui vise exclusivement les pouvoirs de général, — auxquels Rome et l’Italie sont soustraites au sens strict, — n’a pas été portée par les empereurs comme titre ; au contraire, avons-nous vu, elle a été portée par eux comme nom propre — parfois comme surnom, plus fréquemment comme prénom — dès le temps d’Auguste, et constamment depuis Vespasien. L’idée d’attributions militaires est inséparable du terme imperator, même quand il est incorporé dans la liste des noms ; mais cette qualification appartient à également juste raison à tous les empereurs, même à ceux qui ne l’ont portée ni comme titre ni comme nom[23].

Il en est de même, encore plus nettement, du titre de proconsul. Les pouvoirs des généraux avaient été bannis d’Italie et exclusivement reportés aux provinces par Sulla : sous ce rapport le côté militaire du principat trouve son expression dans la puissance proconsulaire, au même degré que dans le nom d’imperator. D’autre part, le titre de proconsul est clairement une désignation de fonctions et on ne retrouve pas en lui le caractère équivoque, intermédiaire entre la désignation des- fonctions et le nom propre, que présente le mot imperator. Mais précisément pour cette raison, les empereurs n’ont jamais pris le titre de proconsuls jusqu’à la fin du Ier siècle, et, depuis Trajan, ils l’ont pris seulement pendant qu’ils se trouvaient hors d’Italie. On ne pouvait dire plus clairement que la puissance impériale comprend bien en elle les pouvoirs des généraux, mais qu’elle ne s’exerce sous cet aspect que dans les provinces et non dans la mère patrie.

Au contraire, l’adoption du nom d’Auguste n’est pas seulement la conséquence légale et immédiate de l’acquisition de l’imperium ; elle en est aussi, du moins quant au caractère, l’expression absolue. Cette dénomination, née avec le principat, est devenue l’expression vivante et, au lieu d’être spécifiquement militaire comme le nom d’imperator, l’expression générale du pouvoir suprême. Mais il est vrai d’elle encore et même à un plus haut degré, qu’elle n’est pas la désignation d’une magistrature, mais exclusivement un nom propre indissolublement lié au pouvoir suprême. Auguste le prit sans y être autorisé par un sénatus-consulte en forme, en s’appuyant matériellement sur le vœu de tout le peuple exprimé, en première ligne, dans la pétition du sénat, de le lui voir prendre. Postérieurement, il va de soi que celui qui est invité par le sénat à prendre l’imperium est invité, du même coup, à prendre le nom d’Auguste ; mais celui-là même qui est proclamé empereur par les soldats, prend en même temps aussitôt le nom d’Auguste, ainsi que le montrent l’exemple de Niger et beaucoup d’autres.

La puissance proconsulaire impériale se distingue à deux points de vue de la puissance proconsulaire ordinaire : en premier lieu, si le commandement militaire est bien =encore en lui-même lié au proconsulat ordinaire, la totalité de l’armée est sous les ordres immédiats de l’empereur. En second lieu, les autres puissances proconsulaires sont nécessairement limitées, quant au temps et quant aux lieux, tandis que la puissance proconsulaire impériale n’a été, dès le principe, limitée ni dans le temps ni dans l’espace.

Sur toute la surface de l’empire, toutes les troupes, sans distinction de garnison ni de service, prêtent le serment militaire à l’empereur et lui obéissent comme à leur général régulier : c’est là le véritable fondement du principat et ce caractère exclusif du commandement impérial de l’armée, qui est né avec lui, a toujours été maintenu sans interruption. Tous les corps de troupe se désignent même expressément, depuis Caracalla, comme étant les soldats de l’empereur actuel. Une portion notable des troupes avaient, à la vérité, leurs garnisons dans les provinces sénatoriales au commencement du principat, et, lorsque cela cessa d’avoir lieu sous Caligula, en l’an 39 après J.-C., lorsque leurs quartiers furent assignés dans les provinces impériales à tous les corps de troupes, les proconsuls gardèrent toujours le commandement des soldats détachés à leur service des provinces impériales voisines et ils exerçaient sur eux certains des droits du général. Mais ces soldats n’étaient pas leurs soldats à eux, c’étaient des soldats qui leur avaient été prêtés par le prince, qui n’avaient prêté serment qu’au prince et qui ne pouvaient être appelés et libérés que par lui[24]. L’autorité militaire n’appartenait donc pas seulement à l’empereur dans la plus extrême étendue qu’ait connu le droit public de la République, elle était encore renforcée chez lui par son caractère exclusif. Il est, en conséquence, superflu de s’arrêter ici aux divers pouvoirs qui en résultent, comme par exemple le droit du général de prendre les auspices[25]. Nous ne mentionnerons que ceux qui présentent quelque particularité dans leur application au principat.

Selon le système de la République, le paiement de la solde était fait par les questeurs adjoints au gouverneur : désormais, il est transféré aux nouveaux procurateurs provinciaux de l’empereur dont, à côté de la perception de l’impôt, la fonction essentielle est de payer leur rémunération aux troupes[26]. En conséquence, même dans les provinces où il y a des questeurs, les troupes ne sont pas payées par eux, mais par les fonctionnaires impériaux.

Par suite du caractère exclusif du haut commandement militaire de l’empereur, le droit de former des troupes[27] et le droit de procéder au recensement[28], qui en est inséparable, sont dans l’empire des droits éminemment impériaux ; le gouverneur qui lève des troupes sans ordre de l’empereur commet, comme toute autre personne qui le fait, un crime de majesté[29], et il n’est guère arrivé qu’on ait même demandé son avis au sénat en pareille matière[30]. — Il n’y avait donc, dans tout l’empire, que le prince qui eut le droit d’appeler les citoyens sous les drapeaux ; mais cela ne suffit pas pour qu’il ait eu ce droit sans limites. Sans aucun doute, il lui appartenait de cette façon dans les provinces qu’il administrait, non pas seulement en vertu de son pouvoir proconsulaire général, mais encore en vertu de ses pouvoirs spéciaux de gouverneur : il sera question, dans le chapitre des Provinces impériales, du droit spécial de recrutement qu’il avait là. En Italie et dans les provinces du sénat, il faut distinguer la constitution des troupes formées de volontaires et le recrutement forcé. Le droit de constituer les premières parait avoir appartenu sans restriction, dés l’origine, à l’empereur, et c’est de cette façon que la garnison de home a été formée constamment et que probablement la plupart des légions l’ont été dans le début, sans le concours du sénat. Quant au recrutement forcé, il n’en a été fait, sous le principat, qu’un usage relativement restreint, malgré la subsistance légale du service obligatoire : la chose était rendue possible par l’extension que le service volontaire avait reçue du système de formation de l’armée de Marius, puis en outre, par la force très faible de l’armée, proportionnellement à l’étendue de l’empire, et par la durée du service fixé en moyenne à vingt ans : évidemment la préoccupation de libérer la population et, en particulier, la nation dominatrice du poids de la conscription aggravée et avilie par vingt années de guerre civile, l’emporta sur toute autre considération, au moment de la fondation du principat[31]. Il en a été ainsi principalement pour l’Italie et les provinces sénatoriales. Quand cependant on y a procédé au recrutement et au recensement, ils ont probablement toujours été décidés par le sénat[32] et, après avoir été décidés par lui, exécutés par des personnages de rang sénatorial. Du moins, dans les cas peu nombreux de ce genre qui nous sont connus, il y a toujours eu pour l’Italie des commissaires spéciaux appartenant au sénat[33], tandis que, dans les provinces[34], ces opérations étaient accomplies par le gouverneur, en vertu d’un mandat spécial qui figure sans doute dans son titre officiel[35].

Une autre conséquence du haut commandement militaire réservé à l’empereur est qu’il nomme, à l’exclusion de tout autre, les officiers subalternes ; c’est-à-dire, les centurions[36], et tous les officiers[37] effectifs[38], tant les tribuns militaires et les possesseurs des autres militiæ réservées à l’ordre équestre que les possesseurs des hauts postes, qui n’étaient pas pleinement militaires et étaient assimilés aux magistratures, comme ceux de légats de légion et les fonctions analogues. La part accordée aux légats de légion dans les nominations de tribuns militaires avec une largeur que nous ne connaissons pas, ne peut sans douté s’expliquer que par une délégation du droit de nomination impérial, faite pour certains cas : elle ne porte donc pas atteinte au caractère exclusif de ce droit. Les corps de troupes et les détachements qui se trouvaient temporairement sous le commandement d’un proconsul ne recevaient pas leurs officiers de lui, mais de l’empereur.

L’empereur règle, en outre, en vertu de son commandement supérieur, la hiérarchie militaire à son gré. Les gouverneurs de provinces impériaux et les officiers supérieurs étant, en général, tous immédiatement soumis au prince, comme à leur général en chef, il peut mettre, à titre stable ou temporaire, n’importe quel gouverneur ou officier sous les ordres ou au-dessus de tous les autres gouverneurs et officiers[39], et c’est une faculté dont il a été fait usage, tant à titre ordinaire qu’à titre extraordinaire, naturellement en observant les limites fixées par les rapports hiérarchiques. A titre ordinaire, les commandants de légions sont mis sous les ordres du gouverneur dans les provinces occupées par plusieurs légions. La même chose s’est parfois produite à titre extraordinaire, entre plusieurs gouverneurs impériaux de provinces différentes, mais pourtant, semble-t-il, sans que jamais la subordination en soit arrivée à être exprimée dans les titres et exclusivement au moyen d’instructions données aux différents gouverneurs[40]. C’est de cette façon, officiellement en qualité de legati Augusti pro prætore, et, en réalité, comme commandants en chef, que le premier Drusus a conduit la guerre de Germanie, dans les années 741 et suivantes[41], et que Tibère a conduit celle de Pannonie dans les années 742 et suivantes[42], avant qu’ils reçussent la puissance proconsulaire. Des situations semblables ont encore été occupées en Orient par L. Vitellius sous Tibère[43], Corbulo sous Néron[44], Avidius Cassius sous Marc Aurèle[45]. — D’autre part, les empereurs avaient coutume d’adjoindre aux gouverneurs qui avaient à conduire des guerres importantes, un præfectus exercitus de rang équestre, comme une sorte de chef d’état-major[46], dont les attributions officielles ne peuvent être précisées, mais dont la présence ne restreignait sans doute pas seulement en fait celles du gouverneur.

En outre, on rencontre, dans les guerres que les empereurs du second siècle dirigent en personne, des légats impériaux pro prætore d’un type élevé, qui n’ont pas de compétence déterminée[47], mais qui paraissent avoir été, en qualité de chef de corps d’armée, à la fois au-dessous du général en chef impérial et au-dessus des autres légats impériaux.

Il est à peine besoin de dire que le prince concède aussi les décorations militaires de tout ordre. Ce droit n’était pas, à l’origine tout au moins, un droit exclusif : il appartenait en même temps à tous les proconsuls ; mais ces derniers n’ont été en situation d’exercer leur pouvoir que rarement dans la première période et ils ne l’ont plus été du tout dans la période suivante. — Seuls le triomphe[48] et ensuite les ornements triomphaux[49] ont toujours été décrétés par le sénat, mais pourtant, au moins depuis Vespasien, uniquement sur la proposition de l’empereur[50].

Enfin, aucun soldat, aucun officier, ne peut être appelé ni réformé ni renvoyé dans ses foyers autrement que par l’empereur. Tous les vétérans sont en droit, ainsi qu’ils se nomment fréquemment eux-mêmes, à l’époque récente, des veterani Augusti.

Le nécessaire a déjà été dit précédemment sur l’absence de limitation chronologique de la puissance proconsulaire impériale[51]. Le proconsulat ordinaire est une magistrature annale. Auguste revêtit au contraire le proconsulat pour jusqu’à la fin de sa vie, ainsi que l’exprime la dénomination d’imperator insérée dans son nom ; et le principat n’a non plus par la suite jamais été conféré ou acquis qu’à vie.

Topographiquement, la restriction de l’imperium à une circonscription fixe, à la provincia de la République récente, qui a été maintenue sans modifications pour les autres proconsuls, a été écartée pour le proconsulat du prince, qui s’étendait à tout le territoire provincial[52], selon le modèle fourni par l’imperium infinitum de la République la plus récente. A la vérité, la capitale et le territoire élargi qui en dépendait, c’est-à-dire, toute l’Italie jusqu’aux Alpes, étaient, même au temps de l’Empire, soustraites à la puissance proconsulaire : une preuve claire en est la mention de ce pouvoir faite dans le titre de l’empereur, seulement quand il est absent de Rome, ainsi que nous l’avons déjà montré. En conséquence, les troupes ne pouvaient non plus être mises en garnison que hors d’Italie. Cependant la soustraction de Rome et de l’Italie au commandement militaire impérial a été atténuée par Auguste lui-même sous plusieurs rapports. En premier lieu, le commandement maritime et celui du littoral étaient déjà compris dans l’imperium infinitum du temps de la République et le second ne s’étendait pas seulement aux côtes d’Italie. C’était, d’après les institutions d’Auguste, surtout en Italie que se trouvaient les nouveaux ports de guerre et les nouveaux équipages de la flotte. Ensuite, on ne pouvait se dispenser d’exempter le prince, non seulement de la loi qui ne permettait au proconsul l’exercice de son imperium que dans l’intérieur de sa circonscription, mais encore de la loi plus large selon laquelle l’imperium s’évanouissait de droit par le passage du Pomerium. Or, où le général se trouvait, devaient aussi se trouver les troupes qui lui étaient affectées pour protéger la sûreté de sa personne ; et, par suite, il leur a aussi été attribué des cantonnements à Rome ou dans les environs de Rome, ainsi que nous expliquerons plus loin. Enfin, des corps organisés militairement étaient en garnison dans la capitale pour certains services de police, dont nous traiterons plus en détail dans le chapitre consacré à l’Administration impériale de la capitale. En dépit de ces exceptions essentielles, c’est cependant une des limitations les plus importantes apportées aux pouvoirs militaires du prince que Rome et l’Italie n’y étaient pas soumises et qu’aucune légion ne pouvait, au moins constitutionnellement, s’y trouver. L’acte de Septime Sévère par lequel il plaça la garnison d’une légion en Italie, par lequel il donna le mont Albain pour garnison à la légion seconde Parthique[53], peut être indifféremment exprimé en disant qu’il a soumis l’Italie au pouvoir proconsulaire ou qu’il l’a, sous ce rapport, assimilée aux provinces.

Le haut commandement général qui appartient au prince et qu’il faut bien distinguer du gouvernement de certaines provinces qui lui est directement conféré et que nous étudierons plus loin, est territorialement différent, selon qu’il est exercé dans les districts qui font partie de l’empire par voie de clientèle ou en vertu d’annexion, qu’il s’exerce dans le territoire provincial proprement dit, à côté de l’autorité des proconsuls sénatoriaux, ou enfin qu’il se manifeste sous la forme de commandement de la garde ou de la flotte.

1. Les États qui n’ont pas été incorporés dans l’empire romain, mais qui lui sont liés à perpétuité, par des liens de vassalité, que ce soient des cités ayant une constitution républicaine, comme les villes alliées soustraites au gouvernement proconsulaire qui se rencontrent encore à cette époque hors de l’Italie, ou qu’ils soient organisés en principautés et en royaumes, doivent être compris dans le territoire soumis à la domination romaine. Ce n’est pas ici le lieu d’exposer quels droits de souveraineté sont restés a ces États annexés, quels autres ont passé à la cité dominante ; mais le détenteur des seconds est, sous le principat,exclusivement l’empereur. Par conséquent, où l’État romain a le droit de placer des troupes[54], c’est l’empereur qui exerce ce droit. Le renouvellement, rendu nécessaire, à chaque transmission du trône, par le caractère personnel des traités conclus avec les princes clients, est à chaque fois accompli ou refusé par l’empereur[55]. Dans la mesure où il existe une haute administration romaine des États ayant une autonomie dépendante, c’est à l’empereur qu’elle appartient. De même que c’est lui qui adresse les réquisitions aux principautés, c’est aussi lui seul qui est en situation d’exercer, en face des villes libres, le droit ou le pouvoir, inséparable de l’hégémonie, d’intervenir à titre isolé dans leur justice et leurs institutions, et, au cas le plus extrême, de supprimer leurs libertés municipales. Si nous pouvons à ce sujet faire un renvoi général au chapitre relatif aux cités sujettes, il faut ici mentionner les fonctionnaires impériaux que l’on rencontre, depuis l’époque de Trajan, comme chargés de la surveillance des villes libres. Bien qu’ils se confondent essentiellement, sous le rapport chronologique et sous le rapport du caractère, avec les fondés de pouvoirs du gouvernement romain que l’on rencontre prés des cités isolées en Italie et dans les provinces sénatoriales, et que nous aurons à étudier plus loin, ils ne peuvent cependant être ici passés sous silence.

L’absence de contrôle exercé par l’autorité sur l’administration communale, dans les villes libres des provinces qui n’étaient pas soumises à la surveillance des gouverneurs, a eu des conséquences analogues à celles produites pour les villes d’Italie par une situation analogue : elle a, en particulier, produit le même désordre financier. Les surveillants impériaux apparaissent à peu près à la même époque dans les deux domaines[56]. Ceux des villes libres se distinguent de ceux des villes italiques seulement en un point : si, à la vérité, il n’est pas rare qu’ils soient nommés pour des villes particulières, le mandat impérial qui leur est donné s’étend ordinairement à toutes les villes privilégiées comprises dans les limites d’une province[57]. On prend constamment pour commissaires chargés de pareils mandats généraux, des hommes de rang sénatorial ; on leur a probablement accordé en principe cinq faisceaux, comme aux gouverneurs de provinces impériaux[58], desquels ils sont rapprochés sous tous les rapports[59]. Évidemment, ces inspecteurs impériaux ont été, à l’origine, des fonctionnaires extraordinaires et dépourvus de titre fixe, désignés tantôt du nom de curatores ou de logistæ, tantôt, par analogie avec les gouverneurs de provinces, de celui de legati Auqusti ou de quinquefascales ; mais la destination en vue de laquelle ils sont créés, la correction de l’état (ad corrigendum statum) des cités libres est en même temps toujours mise en lumière et elle a conduit, dans le cours du nie siècle, à la fixation du nouveau titre de corrector civitatium liberarum, en grec, έπανορθωτής τών έλευθέρων πόλεων[60]. En Achaïe, tout au moins, cette fonction est probablement devenue stable, dès avant le temps de Dioclétien : le proconsul sénatorial et le corrector impérial ont longtemps coexisté dans cette province, le premier pour le territoire sujet et le second pour les villes libres[61].

2. Lorsque l’annexion a eu lieu sous forme de substitution États annexés. d’un administrateur temporaire de création romaine aux princes locaux, l’administrateur est nommé par l’empereur. Cette forme de sujétion est étrangère au système administratif de la République[62] ; elle a été pour Auguste un des plus puissants instruments du nouveau régime, particulièrement parce que la division du pouvoir faite entre le prince et le sénat s’appliquait bien aux provinces impériales, mais que le prince revendiquait la souveraineté exclusive des États annexés et l’exerçait exclusivement au moyen de personnes à son service n’appartenant pas au sénat. C’est en vertu de ce principe qu’ont été organisées, d’une part, l’Égypte, que la nouvelle monarchie se réserva exclusivement à cause de sa situation, de ses richesses et de ses traditions monarchiques[63], et, d’autre part, les régions des Alpes bornant l’Italie du côté du Nord, les Alpes Maritimes, les Alpes Cottiennes et la Rætie et le Norique, dans lesquelles elle ne trouva pas non plus à propos, pour des raisons faciles à comprendre, de placer un commandant militaire élevé de rang sénatorial. Nous avons déjà traité, dans la mesure où le permet le cadre de cet ouvrage, de l’administration de ces territoires par des représentants du prince de rang équestre, par les præfecti, qui remplissent surtout des fonctions d’officiers, et par les procuratores, surtout occupés à des fonctions financières.

3. Dans les provinces sénatoriales, l’empereur a, à côté du proconsul, un imperium de même nature que le sien, mais plus énergique (imperium majus)[64]. En conséquence, l’empereur a le droit de donner des instructions aux proconsuls sénatoriaux[65] et de porter des règlements spéciaux pour ces provinces[66], ainsi que de trancher à sa guise des affaires particulières les concernant[67]. La participation de r’empereur dans une administration conférée directement à des fonctionnaires sénatoriaux, devait nécessairement conduire à des conflits et les traces ne manquent pas de ce que cette intervention de l’empereur ait été ressentie comme un empiètement[68]. Dans la première période de l’Empire, on a visiblement évité tout au moins de mettre des fonctionnaires impériaux à côté de ceux du sénat. Nous avons déjà remarqua que la levée des troupes et le cens n’ont été qu’exceptionnellement opérés par des fonctionnaires impériaux dans les provinces sénatoriales. Même dans d’autres buts, les envois de délégués impériaux faits dans les provinces impériales, tels que celui fait en Asie, à la suite du tremblement de terre de l’an 17 après J.-C.[69], sont de rares exceptions ; et, en pareil cas, le délégué impérial a, selon la règle, moins de faisceaux que le gouverneur sénatorial. Mais, à partir de Nerva et de Trajan, les empereurs commencent à prendre en main, dans les,villes placées sous l’administration du sénat comme dans les villes libres, le contrôle des finances, qui évidemment était absolument négligé par les magistrats du sénat : ils créent pour les plus importantes d’entre elles, pour celles qui ont le droit de cité romaine aussi bien que pour les villes sujettes, des contrôleurs spéciaux (logistæ)[70], et ils leur envoient aussi, sans doute dans le même but, des magistrats plus élevés (legati ad corrigendum statum)[71]. La preuve que ces créations nouvelles étaient spécialement destinées à combler les lacunes de l’administration du sénat, c’est qu’elles se rencontrent bien aussi dans le territoire de l’administration directe de l’empereur, mais beaucoup plus rarement[72] que dans les provinces sénatoriales.

4. Le commandement maritime avait été supprimé par suite du mouvement qui avait constitué le gouvernement du sénat en régime oligarchique et il n’avait été rappelé à l’existence qu’extraordinairement, d’une manière intermittente ; pendant les dernières décades de la République, sous la pression des maux matériels résultant de sa suppression. Cette faute grave, équivalente à un suicide politique en face de la situation géographique de l’Italie, a été, comme nous l’avons déjà dit, utilisée par le fondateur du principat pour réorganiser ce commandement, à titre d’institution durable, au profit de lui et de ses successeurs. Les petites flottes côtières et fluviales des diverses provinces, qui étaient déjà soumises à l’autorité provinciale dans la période récente de la République, subsistèrent ; mais, à côté d’elles, on constitua, en prenant pour point de départ l’imperium infinitum extraordinaire des temps les plus récents de la République, un haut commandement maritime qui embrassait toute la surface des mers[73] et qui avait son siège en Italie. La construction des deux ports de guerre, de Misène sur la mer Tyrrhénienne et de Ravenne sur la mer Adriatique, et la constitution des deux flottes de guerre qui stationnèrent là désormais sont l’œuvre d’Auguste[74]. L’imperium uniquement provincial, au sens propre, de l’empereur arriva de la sorte à avoir des garnisons permanentes en Italie et même à Rome[75] : c’était un résultat commandé parles conditions géographiques de l’empire et, pour les empereurs, une excellente occasion d’atténuer la situation d’exception de l’Italie.

Cependant cette flotte n’est pas immédiatement entrée dans l’existence comme institution d’État ; il n’y a d’abord eu là qu’une disposition privée prise par le prince pour le bien de l’empire, les hommes jusqu’au grade de capitaine, d’une part, et les chefs de la flotte, de l’autre, étant ou pouvant être, les premiers, des esclaves et, les seconds, des affranchis de l’empereur. Et telle demeura la flotte sous les empereurs de la dynastie Julienne[76]. C’est seulement sous Claude que nous trouvons ces hommes reconnus comme des soldats et recrutés parmi les pérégrins libres[77] ; des affranchis impériaux apparaissent encore, à titre isolé, comme amiraux sous la dynastie Claudienne[78]. C’est seulement plus tard, — on ne peut l’établir que depuis Hadrien, — que les soldats de la flotte ont ou reçoivent, au moment de leur enrôlement, un statut supérieur au statut pérégrin, probablement la latinité, et que les deux commandements de la flotte italique pénètrent définitivement parmi les fonctions équestres élevées[79]. Désormais les flottes italiques sont soumises à un régime analogue à celui de la garde du corps : l’empereur est considéré comme le grand amiral et les deux classes prætoriæ[80] sont parallèles au prætorium de la capitale. La flotte impériale a atteint son but ; pendant toute la bonne époque de l’Empire, on n’entend plus parler de pirates sur la Méditerranée[81].

5. Dès les derniers temps de la République c’était devenu un usage que le général, que plus largement tout officier ayant un commandement indépendant, affecta, parmi les troupes mises à sa disposition, une cohorte une fois formée (cohors), qui était dispensée du service de remparts et d’autres corvées analogues et qui recevait une solde supérieure, à la défense de sa personne et du quartier général (prætorium)[82]. Lorsque en 742, après la bataille de Philippes, une grande partie des légions victorieuses durent être dissoutes, on forma, de ceux qui désiraient continuer à servir, une troupe de choix de huit mille hommes et on donna par là au prætorium, à la garde impériale, la situation qui a tant influé sur la suite de l’histoire du principat. Mais elle ne reçut sa forme définitive qu’après la bataille d’Actium. L’imperator permanent et séjournant régulièrement à Rome y avait son quartier général ; la troupe affectée à ce quartier y eut donc sa résidence[83]. Cependant Auguste ne fit ce dernier pas, dans lequel se manifestait ouvertement l’extension pratique de l’imperium proconsulaire à la capitale qui y était constitutionnellement soustraite, qu’avec son goût propre des demies mesures : il ne fit jamais résider dans la ville plus du tiers de la troupe et il ne l’y caserna pas[84]. C’est Tibère qui lit aussi a le premier achevé l’établissement de la monarchie : bientôt après le début de son règne, il fit conduire toute la garde dans la capitale par L. Ælius Sejanus, le chef capable et énergique qui la commandait alors, et il construisit pour elle en dehors de la porte Viminale la grande caserne aux formes de forteresse[85] qui fut, à partir de là, pendant trois siècles, la citadelle dominant la ville et qui a fait autant d’empereurs qu’elle en a renversés. L’une des cohortes prétoriennes était toujours de garde au palais impérial[86] et les chefs s’y trouvaient aussi d’ordinaire[87]. — La troupe fut, conformément à la prédominance des pouvoirs du général auquel elle était adjointe, portée à peu près à la force d’une légion[88] et composée, comme les légions, de fantassins et de cavaliers, sans pourtant recevoir la forme d’une légion[89]. — Le corps était composé exclusivement de volontaires[90]. Mais, tandis que les prétoriens des triumvirs avaient été pris parmi les vétérans des légions, Auguste a formé sa garde du corps des jeunes gens d’Italie qui se présentèrent volontairement, en excluant même à l’origine les habitants de la Gaule cisalpine qui n’avait été réunie à l’Italie que par César[91], et jusqu’à Sévère la troupe garda, jusqu’à un certain point, son caractère national romain. Le service y était avantagé sous tous les rapports, sous celui de la diminution de la durée et de l’élévation de la solde comme sous celui des diverses distinctions et des espérances de toute sorte. Le commandement en était exercé en droit par l’empereur en personne[92], en fait, depuis l’an 752[93], par des représentants nommés par lui à son gré[94], les præfecti prætorio[95], qui devaient être exclusivement pris parmi les chevaliers romains et qui de fait n’ont pas été pris, sauf de rares exceptions[96], parmi les sénateurs jusqu’au règne d’Alexandre Sévère[97]. Depuis Alexandre, au contraire, les sénateurs eux-mêmes peuvent parvenir à ce poste[98] et même, lorsqu’il est conféré à un homme de rang équestre, celui-ci entre de plein droit en même temps au sénat[99]. — A la différence de toutes les autres institutions militaires du principal[100], la préfecture des prétoriens est soumise en règle[101] à l’ancien principe républicain de la collégialité[102] : on voit en fonctions simultanément deux[103] et même parfois trois præfecti prætorio[104], et cela, tant que le principat d’Auguste a subsisté, avec une compétence indivise, les actes officiels pouvant être accomplis par chaque titulaire de la fonction et être opposables à tous les autres[105]. Au point de vue de la durée, le commandement de la garde est bien soumis en droit à la règle générale, selon laquelle les mandats impériaux sont toujours donnés jusqu’à nouvel ordre et selon laquelle il n’y a jamais besoin pour leur révocation du retrait d’une parole donnée, en quelque temps et dans quelques circonstances qu’elle intervienne. Mais c’était une maxime de gouvernement de laisser ce commandement longtemps dans les mêmes mains[106], à la différence des postes que l’empereur confiait constitutionnellement à des sénateurs, et, en cas de bonne administration du titulaire, de ne guère l’en relever que sur sa propre demande[107] et sous la forme de nomination au sénat[108]. — Nous avons déjà remarqué que le præfectus prætorio n’est pas un magistrat mais un officier, qu’il ales insignes militaires, et, en particulier, qu’il est considéré comme le porteur de l’emblème dans lequel se résument les pouvoirs militaires impériaux, du glaive impérial.

Relativement à la compétence des commandants de la garde, il faut rigoureusement distinguer les pouvoirs qui résultent nécessairement de leur poste, à savoir, outre le commandement proprement dit, la juridiction sur les simples soldats[109] et la désignation des soldats exempts de corvées[110], c’est-à-dire les pouvoirs qui appartiennent au légat de légion et à tous les chefs de grands corps de troupes, et leur rôle de pseudo-magistrats, dont le fondement était dans l’influence spéciale sur le prince, que ce poste était plus apte à donner que tout autre. Naturellement ce dernier rôle dépendait de la personnalité des princes et de celle du préfet ; tandis que le préfet n’était, dans certaines circonstances, guère plus qu’un légat provincial quelconque, il a, dans d’autres cas, été en fait un premier ministre et même un vice-empereur. Quoique cette puissance des commandants de la garde appartienne plus à l’histoire qu’au droit public, il en est issu, dans le cours du me siècle, des institutions stables qui ne peuvent être omises ici, mais dont l’étude trouvera mieux sa place dans le chapitre de la Représentation de l’empereur.

 

 

 



[1] D’après le titre singulier de dictator consul prove consule, donné à César dans le statut municipal de Genetiva, César semble s’être attribué à côté du pouvoir dictatorial la puissance consulaire permanente, de manière à avoir la puissance proconsulaire quand il n’aurait pas les faisceaux comme consul. Mais, si cette conception est exacte, la puissance proconsulaire, indépendante du consulat, d’Auguste se trouve précisément être spécifiquement différente de la puissance proconsulaire de César.

[2] La corégence est ici laissée de côté provisoirement. Nous montrerons dans le chapitre qui lui sera consacré que la puissance proconsulaire secondaire a été aussi fondamentale pour elle que la puissance proconsulaire primaire pour le Principat.

[3] Il est appelé dies imperii dans les actes des Arvales relativement à Vitellius comme chez Pline et Trajan (Ep. 53. 120), dies principales chez Suétone, primus principales dies, chez Tacite, Hist. 2, 19, natalis imperii, chez les auteurs récents.

[4] Le dies imperii de Néron est le 13 octobre, le jour où il a acquis la puissance tribunicienne est le 4 décembre ; le dies imperii de Vitellius est le 19 avril, le jour où la puissance tribunicienne lui a été conférée le 30.

[5] Les actes des Arvales (Henzen, p. 63) indiquent quatre jours de cette espèce auxquels ont lieu des sacrifices : pour Caligula, quod hoc die a senatu impera[tor appellalus est] ; pour Néron et Domitien, ob imperium ; pour Vitellius, ob diem imperi, quod XIII k. Mai. statutum est. Les actes pour ainsi dire complets de l’an 38 montrent qu’à cette époque c’était le dies imperii et non pas le jour des comitia tr. pot. qui était célébré par une fête (Herzen, Arv. p. 69).

[6] Les comitia relatifs à l’entrée au pouvoir de l’empereur que nous connaissons exclusivement par les actes des Arvales (car les comitia imperii de Tacite, Hist. 1, 14, sont une simple métaphore), se rapportent, verrons-nous, sans exception à la puissance tribunicienne. Sur la loi consulaire de l’an 13 après J.-C. concernant la puissance proconsulaire d’Auguste et de Tibère, on comparera le chapitre de la Corégence.

[7] Certaines parties intégrantes de cette collation, par exemple la collation, probablement fiduciaire, faite par le peuple au prince de la propriété du sol des provinces impériales, peuvent avoir été couvertes en la forme par des clauses de la loi sur la puissance tribunicienne dont nous parlerons plus loin. Mais le commandement exclusif des soldats a sûrement été traité comme basé sur la manifestation la plus élevée de la volonté du peuple et comme n’ayant donc ni le besoin ni la possibilité d’être confirmé par un acte émanant puer ainsi dire d’une autorité populaire moins élevée.

[8] C’est dans les actes des Arvales du 18 mars 38, (Henzen, p. XLIII) que se trouve exprimé le plus énergiquement le principe selon lequel la nomination de l’empereur par le sénat se rapporte à la fonction d’imperator : Quod hoc die C. Cæsar Augustus Germanicus a senatu impera[tor appellatus est]. Mais le sénatus-consulte qui confère le nomen imperatorium et la puissance proconsulaire apparaît couramment comme celui qui nomme l’empereur. Celui qui concernait la puissance tribunicienne avait en droit seulement un caractère préparatoire puisqu’il formulait seulement la loi à soumettre aux comices ; et les autres, même l’invitation à prendre le titre d’Auguste, confèrent seulement des noms ou des honneurs ou des droits accessoires. Si plus tard on rassemble en général les différentes résolutions, ainsi que l’indique Dion, loc. cit., cela ne change rien à leur caractère juridique.

[9] Après la mort de Caligula une partie des troupes confie la nomination au sénat, mais lui donne à ce sujet des instructions (Josèphe, Ant. 19, 4, 3). Le gouverneur de Germanie supérieure Verginius Rufus, en refusant l’obéissance à Néron, déclara pareillement que la nomination du successeur de ce dernier appartenait au sénat (Plutarque, Galb. 10 ; Dion, 63, 25). L’empereur Tacite a été, comme on sait, nommé par le sénat sur la demande dés troupes. C’est en partant de ce point de vue que le biographe de Probus le représente, c. 1, comme écrivant au sénat : Recte atque ordine, p. c., proximo superiore anno factum est, ut vestra clementia orbi terrarum principem daret et quidem de vobis... Atque utinam id etiam Florianus expectare voluisset nec velut hereditarium sibi vindicasset imperium, vel illum vel alium quempiam majestas vestra fecisset. Les soldats l’ont, dit-il, élevé en face de cet usurpateur et il sollicite l’assentiment du sénat, facturus quidquid jusserit vestra clementia.

[10] C’est ainsi, par exemple, que procéda Vitellius : le 19 avril, qui a été fixé comme le jour de son arrivée au pouvoir (actes des Arvales, p. 512, note 4), est le jour où le sénat l’a reconnu (Tacite, Hist. 2, 55). Après que Didius Julianus avait reçu le principat des soldats, le peuple espérait qu’il serait obligé de se retirer parce qu’il déplaisait au sénat (Vita, 4).

[11] Vita Hadriani, 6. On voit là clairement qu’en droit le sénat et l’armée étaient sur le même rang et que celui qui acceptait sa nomination du second violait bien les convenances, mais ne violait qu’elles.

[12] Victor, Cæsaribus, 37 : Abhinc (à partir de la mort de Probus) militares potentia convaluit ac senatui imperium creandique jus principis ereptum ac nostram memoriam, ce qui est dans la suite développé et mis essentiellement à la charge du sénat qui aurait été en position de reprendre la part du commandement que lui avait enlevée Gallien (amissa — selon la leçon du ms. d’Oxford — Gallieni edicto refici militia potuit), mais qui a ouvert la voie par son indolence aux empereurs militaires (munivere militaribus et pæne barbaris viris viam in se ac posteros dominandi).

[13] Cela se manifeste très clairement dans le cas de Vespasien : les légions égyptiennes lui prêtent serment le 1er juillet 69, qui dies principatus in posterum observatus est (Suétone, Vesp. 6), bien que le sénat ne l’ait reconnu à Rome qu’en décembre. Hadrien a pareillement considéré, comme le jour de son arrivée au pouvoir, celui où il apprit la mort de Trajan (Vita, 4) et où par conséquent il fut salué empereur par les troupes qu’il avait près de lui (Vita, 6).

[14] C’est ainsi par exemple que Claude fut, comme on sait, prié par les envoyés du sénat, s’il voulait accepter l’imperium, de le recevoir plutôt des mains du sénat que de celles des soldats (Josèphe, Ant. 19, 3, 4, etc.). Tacite a la même pensée, Ann. 12, 69 : Illatus castris Nero... imperator consalutatur : sententiarn militum secula patrum consulta. Pertinax, élu par les soldats, abdique au sénat et est alors élu par lui ώς άληθώς (Dion, 73, 1).

[15] Tacite, Hist. 1, 27. La façon dont les choses se passaient est représentée de la manière la plus vivante par la délibération des troupes de Mœsie que termine la reconnaissance de Vespasien (Suétone, Vesp. 6). Le choix des soldats n’est pas un acte simple, en ce sens que la reconnaissance se répète de camp en camp ; mais en la forme, ce qui importe, ce West pas l’achèvement, c’est la première salutation militaire du nom d’empereur qu’accepte le nouveau maître.

[16] Tibère pouvait bien avoir cette situation dans l’idée quand il caractérisait son rôle en disant qu’il tenait un loup par les oreilles (Suétone, Tib. 25).

[17] Dion, 53, 32, sur l’an 731. Les modalités qui sont ajoutées montrent que Dion ne tire aucunement là de conclusions des institutions de son temps, relativement à celles du temps d’Auguste. Du reste, ces dispositions doivent avoir été prises dans leurs termes essentiels dés l’an 727 et non pas seulement en 731. Dans les biographies impériales, on trouve le jus (imperium) proconsulare régulièrement signalé (en premier lieu pour Didius Julianus) parmi les parties intégrantes de la puissance impériale.

[18] D’abord pour Agrippa. Voir le chapitre de la Corégence.

[19] Si simple et si naturel que cela soit, on a cependant l’habitude de concevoir la puissance de l’imperator et la puissance proconsulaire, comme deux parties différentes des pouvoirs de l’empereur ; ce qui en rend, d’ailleurs, l’intelligence correcte impossible.

[20] Tibère disait qu’il était l’imperator des soldats et le princeps des citoyens.

[21] Les écrivains du premier siècle ne désignent d’ordinaire l’empereur du nom d’imperator que quand ils visent ses pouvoirs militaires ; cela ne change que du temps de Trajan.

[22] Suétone, Auguste, 25, remarque qu’Auguste s’adressait toujours aux soldats en les appelant milites et non pas, comme ce fut plus tard l’usage, en les appelant commilitones (Digeste, 29, 1, pr. ; Dion, 73, 1).

[23] Les actes des Arvales disent précisément pour Caligula, qui ne s’est jamais appelé imperator, qu’il impera[tor appellatus est].

[24] Ce point a été établi plus en détail dans le chapitre des Gouverneurs de province, tome III.

[25] Ces auspices sont encore les auspicia pullaria ; cependant il en est peu question.

[26] Strabon, 3, 4, 20. Le texte parle directement de la Lusitanie et de la Tarraconensis, mais ce qu’il dit est vrai de tous les districts où il y a des troupes.

[27] Dion, 53, 17, indique, parmi les droits réservés à l’empereur, celui de καταλόγους ποιεΐσθαι. C’est par une anomalie que Vitellius a associé les consuls à la levée (Tacite, Hist. 3, 58).

[28] Dion, loc. cit., nomme en même temps le droit de l’empereur καί άπογραράς ποιεΐσθαι. Peut-être considère-t-il le cens des citoyens d’Auguste, comme une conséquence de sa puissance proconsulaire.

[29] Digeste, 48, 4, 3. Dion, 53, 15.

[30] Tibère délibéra sans doute par exception avec lui de legendo vel exauctorando milite (Suétone, Tib. 30).

[31] C’est à cela que se rapportent les mots de Tacite selon lesquels, Ann. 1, 2, Auguste cunctos dulcedine otii pellexit.

[32] Cela n’est, à la vérité, dit nulle part ; mais l’allégation de Tacite, Ann. 16, 13 : Eodem anno dilectus per Galliam Narbonensein Africamque et Asiam habili sunt supplendis legionibus, ne peut être empruntée qu’aux procès-verbaux du sénat, comme toutes les informations semblables du même auteur, d’autant plus que ces trois provinces appartiennent au sénat.

[33] Jusqu’à présent, on n’en connaît que trois exemples certains : un tribunicius qui a été missus ad dilectum juniorum a divo Hadriano in regionem Transpadanam (C. I. L. VIII, 7036), un prætorius qui fut missus ad juventutem per Italiam legendam pendant la guerre arméno-parthique de Verus (C. I. L. VI, 1371) et un prætorius encore [missus] ad juniores legendos per Æmi[liam] du IIIe siècle (C. I. L. VI, 3836). Mais à eux s’ajoutent probablement Agricola, qui fut envoyé comme prætorius en l’an 70, ad dilectus agendos, sans doute en Italie (Tacite, 7) ; le leg(atus) Aug(usti) p(ro) p(rætore) region(is) Transpadanæ prétorien, sous Trajan (Orelli, 2273 = C. I. L. X, 6658 ; cf. Eph. ep. VII, 397, note 1) et le personnage prétorien electus ab op[timo imp. Severo] Alexandra ad [dilectum habendum] per regionem Tra[nspadanam] (C. I. L. X, 3856). Cf. les tirones juventut(is) novæ Italicæ dilectus posterior(is) sous Maximin (C. I. L. V, 7989). On remarquera qu’on n’aperçoit nulle part de titre de magistrature. La façon dont ressortent l’Emilie et la Transpadane, vient de ce que s’étaient alors les seuls pays bien peuplés de l’Italie.

[34] On trouve mentionnés dés enrôlements faits dans la Cyrénaïque sous la direction du proconsul (Tacite, Ann. 14, 18) et en Narbonnaise, en Asie et en Afrique ; en outre un [leg. a]d cens. accip. et dilect. et [proco]s. provinc. Narbon. (C. I. L. XIV, 3602). Cf. Hermes, 19, 50.

[35] En dehors du [legatus ? a]d cens. accip. et dilect., cité note précédente, qui est en même temps gouverneur de la Narbonnaise, je ne trouve que deux exceptions : un cens(itor) provinciæ Macedoniæ sénatorial du temps d’Hadrien (C. I. L. III, 1463 ; c’est à lui qu’appartient C. I. L. III, 21 ; cf. op. cit., p. 961) et un proc. Auq. ad census accipiendos Macedoniæ de rang équestre (C. I. L. VIII, 10500). Le tribun de légion africaine, auquel civitates XXXXIIII ex provin. Africa, quæ sub eo censæ sunt, élèvent un monument commémoratif (C. I. L. III, 388), peut avoir rempli cette fonction dans la Numidie impériale.

[36] C. I. L. V, 7865. Orelli, 7170. Un centurion ne se qualifie jamais distinctivement comme nommé par l’empereur, évidemment parce que tous l’étaient. On comparera plus loin, le chapitre de la Corégence, sur les pouvoirs de celui qui est associé à l’Empire.

[37] Les grades d’officiers équestres sont étudiés dans le chapitre des Chevaliers, VI, 2. Quand ces officiers indiquent l’empereur qui les a nommés, ce qui arrive très rarement (C. I. L. II, 3852 ; III, 335 ; X, 6309), c’est pour exprimer leur reconnaissance envers sa personne ; car, il n’y a pas d’officiers véritables (note suivante) qui ne soient pas nommés par l’empereur. En droit, les nominations sont faites par l’empereur avec l’aide des gens à son service, ainsi que le montre la description connue de Stace, Silves, 5, 1, 94, dans sa poésie adressée au secrétaire du cabinet de Domitien Abascantus (C. I. L. VI, 8599 ; l’inscription C. I. L. VI, 5, 3060a est ligorienne). Il a, fados dominus si dividab enses, à indiquer (pandere), quis centum valeat frenare maniplis intermixtus equos (c’est ainsi qu’il faut lire le texte ; il s’agit du commandement de la cavalerie de la légion ; cf. Korr. Blatt der Westdeutschen Zeitschrift, 1886, p. 216), quis priecepisse cohorti (le præfectus cohortis ; cf. Juvénal, 1, 1, 58), quem deceat clari præstantior ordo tribuni (le tribunus leq. ou coh.), quisnam frenigeræ signum dare dignior alæ (le præf. equitum). Sous Caracalla, le secrétaire du cabinet de l’empereur Marcius Agrippa tombe en disgrâce, selon Dion, 78, 13, parce qu’il avait dressé des brevets d’officiers pour des exoleti, et il est renvoyé devant le sénat, pour être puni par lui.

[38] Les tribuns militaires nommés par les comices et les præfecti fabrum nommés par les proconsuls, paraissent avoir été exclus du service effectif et n’avoir reçu que le titre d’officier. En outre, les premiers disparaissent de bonne heure et les seconds le font aussi bientôt après le Ier siècle.

[39] Une coordination dans le même commandement serait contraire à l’esprit du temps. Cependant, il paraît y en avoir eu exceptionnellement une d’organisée au profit des deux frères, Sex. Quintilius Maximus et Sex. Quintilius Condianus, consuls en même temps en l’an 151. Ulpien, Digeste, 38, 2, 16, 4. Philostrate, Vit. soph. 2, 1, 11, probablement comme legati impériaux chargés de la surveillance des villes libres. Lors de l’explosion de la guerre des Marcomans, ils occupèrent en commun le commandement sur le Danube (Dion, 71, 33). Dion, 72, 5. L’ouvrage d’agriculture est aussi publié sous leurs deux noms. Ce gouvernement des deux frères semble rentrer parmi les irrégularités empreintes de cordialité de l’époque des Antonins, mais s’être restreint aux fonctions que le prince conférait à sa fantaisie : Maximus administra seul le proconsulat d’Asie (Lebas-Waddington, n. 992). Il ne faut pas comparer à cela l’administration des deux Germanies par les deux Scribonii, sous Néron (Dion, 63, 17).

[40] Quand, selon Suétone, 30, Tibère délibère avec le sénat, quibus extraordinaria bella mandari placeret, il s’agit sans doute de la guerre contre Tacfarinas.

[41] Drusus, qui administrait la Gaule depuis l’été de 741 (Dion, 54, 25), mais qui reçut la puissance proconsulaire seulement en 143 pour 744 (Dion, 54, 33), peut jusque là seulement avoir été legatus.

[42] Mon. Ancyr. 5, 45 : Per Ti. Neronem, qui tum erat privignus et legatus meus. Il était légat de l’Illyricum qui n’était pas encore alors divisé.

[43] Tacite, Ann. 6, 32. Son intervention dans l’administration du procurateur de Judée (Josèphe, Ant. 18, 4, 2. 3) se rattache peut-être à cela. IL est appelé gouverneur de Syrie, chez Tacite, Ann. 6, 44, et chez Josèphe, loc. cit.

[44] Tacite, Ann. 15, 25, sur l’an 63 : On écrivit aux tétrarques et aux rois, aux préfets et aux procurateurs, enfin à ceux des préteurs qui gouvernaient les provinces voisines, d'obéir aux ordres de Corbulon, dont le pouvoir, ainsi augmenté, égalait presque celui que Pompée avait reçu du peuple romain pour faire la guerre aux pirates, dernière comparaison qui, à la vérité, n’est exacte que matériellement et non juridiquement. CL Dion, 62, 19. Corbulo porte cependant, sur une inscription dédiée après cette extension de ses pouvoirs (Eph. ep. V, 35), le seul titre de legatus Augusti pro prætore (c’est-à-dire de Galatie et de Cappadoce). — Pick a admis sans motif (Sallet, Num. Zeitschrift, 13, 191) que Vespasien a occupé une situation semblable comme légat de Judée (Tacite, Hist. 2, 5).

[45] Philostrate, Vita soph. 13. Dion, 71, 3. Son titre est le titre ordinaire des légats de Syrie (Lebas-Waddington, 2331. 2525).

[46] Le Juif Ti. Julius Alexander occupa ce poste dans la guerre d’Arménie, près de Corbulo (Tacite, Ann. 15, 28) et dans la guerre de Judée près de Vespasien (inscription d’Arados, C. I. Gr. III, p. 1178, n. 4536 f ; Josèphe, Bell. 5, 1, 6. 6, 4, 3). Peut-être le même caractère appartient-il sous Caracalla à l’affranchi Theocritus (Dion, 77, 21), puisqu’il est opposé aux præfecti prætorio. Cf. Eph. ep. V, 578 ; Hermes, 19, 644. — Une expédition navale, dont le commandement est exercé par trois primipilaires, reçoit de même l’adjonction d’un affranchi impérial (Tacite, Hist. 1, 87).

[47] Les inscriptions nomment de pareils légats de Claude dans la guerre de Bretagne (C. I. L. XIV, 3608) ; de Trajan en Dacie (C. I. L. VI, 1444) ; de Verus dans la guerre des Parthes (C. I. L. VI, 1377). Si Tacite, Hist. 1, 88, dit : Mulios e magistratibus magnant consularium partem Otho non participes aut ministros bello, sed comitum specie secum expediri jubet, les participes sont sans doute ceux chargés d’un commandement déterminé, et les ministri et les legati ceux sans compétence déterminée d’avance. Quand Tibère était pendant son pseudo-exil de Rhodes legatus Augusto (Suétone, Tib. 12), il n’avait pas de compétence positive ; mais il était en droit, à ce titre, d’avoir des licteurs (Suétone, Tib. 11).

[48] Ainsi pour Auguste à l’époque de son principat : Dion, 53, 26 ; pour Agrippa : Dion, 54, 11. 24 ; pour Tibère : Tacite, Ann. 3, 47 ; pour Claude : Dion, 60, 12 ; pour Trajan : Dion, 68, 29 ; pour Commode : Vita, 2.

[49] L’érection de la statue sur le forum de Trajan, qui remplace en quelque sorte, depuis Hadrien, les ornements triomphaux, était aussi prononcée avant Dioclétien par le sénat, sur la proposition de l’empereur (C. I. L. VI, 1377. 1599) ; après Dioclétien, par l’empereur sur la proposition du sénat (C. I. L. VI, 1710).

[50] Dans les monuments de ce genre, le sénat est nommé seul, sous Auguste (C. I. L. XIV, 3606. 3613) et le sénat auctore principe, sous Vespasien et Trajan (C. I. L. III, 2830. VI, 1386. 1444. XIV, 3608).

[51] Selon la formule employée par Dion dans l’énumération des pouvoirs monarchiques, 53, 17.

[52] Dion, 53, 32. C’est relevé d’une manière, plus nette, relativement à l’imperium proconsulaire du corégent ; ainsi Néron (Tacite, Ann. 12, 41) et Marc Aurèle (Vita, 6) le reçoivent extra urbem. La limitation au territoire provincial est impliquée par l’idée d’imperium proconsulare.

[53] Henzen, Ann. Bell’ inst. 1867, p. 73 et ss. C. I. L. VI, p. 192 et ss.

[54] Il en est ainsi, par exemple, du Bosphore (C. I. L. III, 182), de la grande Arménie (C. I. L. III, 6052), où il y a des troupes romaines tout comme dans les anciens États de Cottius (Suétone, Tib. 37) et en Égypte.

[55] La condition juridique des princes clients de Rome et, en particulier, la forme de leur vassalité, de laquelle les monnaies frappées par les rois de Thrace, dé Numidie et du Bosphore, après la réception de la suzeraineté romaine avec la représentation des τιμαί, c’est-à-dire avec l’emblème de la vassalité, donnent le témoignage le plus clair, ont été étudiées dans la dissertation d’Oskar Bohn, Qua condicione juris repes socii popali Romani fuerint. Berlin, 1876.

[56] Nous traiterons en détail du curator rei publicæ à propos de l’administration de l’Italie ; nous ne devons exposer ici que les rapports de cette institution avec les villes libres. Le plus ancien magistrat de ce genre, qui nous soit connu jusqu’à présent, est Sex. Quinctilius Maximus, missus in provinciam Achaiam ad ordinandum statum liberarum civitatium, par Trajan (Pline, Ep. 8, 24, 2 ; son nom a été établi par Waddington, sur Lebas, 1037, à l’aide de C. I. L. III, 384) ; c’est aussi lui qui paraît dans Arrien, Diss. Epict. 3, 7. Cf. ma remarque sur C. I. L. III, 6103.

[57] Achaïe. Maximus, sous Trajan (note précédente) : P. Pactumeius Clemens (C. I. L. VIII, 7059). L’administration de la Grèce par les deux Quintilii sous Marc Aurèle (Philostrate, Vit. soph. 2, 4, 10. 11) a nécessairement été de cette espèce. Le q. et legat. [Aug. prov. Ac]haiæ doit peut-être être entendu comme ayant eu à exercer cette surveillance des villes à côté de la questure. — Asie : Philostrate, Vitæ soph. 2, 1, 3 rapproché de 1, 25, 6. — Les inscriptions relatives à la Syrie citées, note 72, se rapportent peut-être aussi à cela. — Au reste, la rédaction de l’inscription de Clemens montre que les pouvoirs donnés énuméraient toujours les différentes villes et que l’indication des provinces n’est qu’une expression abréviative.

[58] L’addition pro prætore fait défaut, au moins ordinairement ; cependant, dans l’inscription attique C. I. Att. III, 631, Dittenberger, peut avoir eu raison de rassembler les deux derniers titres. Le complément d’une autre inscription du temps des Sévères, III, 10, est incertaine et la situation d’Æmilius Juneus (note suivante) est sans doute différente.

[59] Mais, c’est pour moi un point douteux de savoir si Dittenberger, Eph. ep. 1, 215 et ss., a rattaché à bon droit à ceci Æmilius Juneus, qui s’appelle, sur une inscription, πρεσβευτής Σεβαστοΰ καί άντιστράτηγος, et sur une autre, δικαιοδότης, et qui a nécessairement occupé cette fonction en Achaïe ; le magistrat duquel nous nous occupons ici est affecté à l’administration et non à la justice. L’Achaïe peut plutôt avoir été alors transitoirement placée sous l’administration de l’empereur, comme c’est arrivé plus d’une fois.

[60] Il est établi C. I. L. III, 6103, que cette dénomination se rencontre déjà au IIIe siècle, comme titre en Achaïe. Papinien, Digeste, 1, 18, 20, parle aussi en termes généraux du legatus Cæsaris corrector provinciæ.

[61] Il n’est pas invraisemblable que ce régime fût restreint à l’Achaïe, parce que c’était là que le nombre des villes libres était relativement le plus considérable ; parce qu’il n’y a pas d’inscriptions d’autre province dans lesquelles le corrector apparaisse comme un fonctionnaire permanent et en titre ; et parce que la condition spéciale du gouverneur d’Achaïe, dans la constitution de l’empire du IVe siècle (proconsul Achaiæ), permet de conclure à une situation spéciale antérieure.

[62] Nous n’avons aucune preuve de ce que les petites principautés aient été, sous la République, administrées de cette façon par les proconsuls du moment. Cette forme d’annexion n’a pu, d’après la nature des choses, apparaître sur une large échelle que sous le principat. Cf. VI, 2.

[63] Kuhn, Stædt. Verfassung, 1, 80 et ss., et Marquardt, Handb. 4, 438 et ss. = tr. fr. 9, 405 et ss., donnent les témoignages. L’Égypte n’est jamais appelée dans le langage légal provincia, quelque souvent que les auteurs l’appellent ainsi ; l’organisation municipale, base de tout régime provincial, y fait défaut. Alexandrie reçut, comme en sait, un statut municipal seulement de Sévère.

[64] Ulpien, Digeste, 4, 16, 8, ce qui est répété, Digeste 1, 18, 4. La même chose est dite relativement à la puissance proconsulaire secondaire. Cf. Dion, 54, 28, et ce qu’il dit d’Agrippa, sur l’an 741. En l’an 17, le sénat concède à Germanicus, majus imperium quoquo adisset quam ii qui sorte aut missu principes obtinerent (Tacite, Ann. 2, 43).

[65] Dion, 53, 15.

[66] L’exemplaire affiché à Tégée, en Arcadie, d’un édit de Claude, relatif à la posté impériale et évidemment applicable à tout l’empire, nous a été transmis (Eph. ep. V, n. 187 = C. I. L. III, suppl. 125). Auguste, régla, par exemple, par un édit, relativement à la province sénatoriale du Pont et de Bithynie, l’âge requis pour l’occupation des magistratures municipales d’une façon divergente de la loi de Pompée (Pline et Trajan, Ep. 79. 80).

[67] Des envoyés d’Afrique se plaignent près des consuls que Tibère ajourne le règlement de leur affaire (Suétone, Tib. 31). — La cité de Sabora, en Bétique, adresse (C. I. L. II, 1423) à Vespasien la double prière de lui permettre de déplacer son chef-lieu et d’établir de nouvelles recettes communales (vectigalia). L’empereur accorde la première demande, mais réclame d’abord, relativement à la seconde, le rapport du proconsul. — La ville de Pergame est autorisée, d’après une inscription, C. I. L. III, suppl. 7086, à constituer un certamen είσελαστικόν, par l’empereur Trajan, et les privilèges revenant à cette fête sont ensuite réglés par un sénatus-consulte. — Le collegium centonariorum, d’Hispalis en Bétique, est confirmé par Antonin le Pieux (C. I. L. II, 1167). — Le concours existant entre les puissances supérieures de l’empereur et du sénat, ressort encore plus clairement en matière d’appel civil.

[68] Lorsque Tibère, en l’an 22, transféra de lui au sénat la révision des droits d’asile de la province d’Asie (Tacite, Ann. 3, 60). Cas analogues sous Claude, Tacite, Ann. 12, 61. 62, Néron déclare au début de son règne : Teneret antiqua mania senatus, consulum tribunalibus Italia et publicæ provinciæ (= les sénatoriales) adsisterent... se mandatis exercitibus (= les provinces impériales), consulturum (Tacite, Ann. 13, 4 et les textes cités au tome III). Cela se rapporte également à l’intervention dans l’administration et à celle dans la justice, ainsi qu’il est montré au tome III.

[69] Dion, 57, 47. Tacite, Ann. 2, 47.

[70] Sicile, C. I. L. XIV, 2407 ; Catina, Henzen, 6512 = C. I. L. XIV, 3593 ; Tyndaris, C. I. L. X, 7474. 7415. — Narbo, C. I. L. X, 6006 ; Arausio, C. I. L. VI, 1549 ; Avennio, C. I. L. XII, 366. — Bétique : Romula, C. I. L. II, 118e ; Italica, Orelli, 96 — C. I. L. XI, 2699. C. I. L. II, 4115. 1116. — Bithynie, C. I. Gr., 4033. 4034 (note 3) ; Nikomedeia, C. I. L. II, 4114. V, 4341. VI, 1408 ; Nikæa, V, 4341. — Asie : Éphèse, C. I. L. II, 4114 et Lebas, n. 146 a, tous deux en même temps légats proconsulaires d’Asie ; Smyrne, Philostrate, Vitæ soph. 1, 19. — Les curateurs impériaux se rencontrent avec une fréquence particulière dans les villes de la province sénatoriale d’Afrique, Carthage, Utique, Leptis Magna (Henzen, 6512 = C. I. L. XIV, 3593), Tripolis (loc. cit.) et ailleurs encore ; cf. C. I. L. X, p. 1101. — Sur les curateurs eux-mêmes on comparera le chapitre de l’administration impériale de l’Italie.

[71] C’est à cela que se rapporte l’inscription C. I. Gr. 4033. 4034. Des faisceaux étaient joints à une pareille mission s’étendant à toutes les villes de Bithynie ; les curateurs ordinaires n’ont certainement eu aucun imperium.

[72] Turris Libisonis en Sardaigne : C. I. L. X, 7946. — Lugdunum : Wilmanns, 4225 e. — Tarraco : C. I. L. II, 4112. — Inscription de Sidyma, Benndorf-Niemann, Reisen in Lykien 1, 67. — Syrie, Henzen, 6483 = C. I. L. VIII, 7059 ; logista Syriæ, en même temps légat d’une légion qui se trouve en Syrie, également sons Hadrien, Henzen, 6484 = C. I. L. X, 6006 (cf. Borghesi, Opp. 4, 144). Le procurator Augusti ad putandas rationes Syriæ civitatium (C. I. L. VIII, 7039) est de même nature, mais de rang équestre. — Aquincum : C. I. L. III, 3485. La plupart de ces inscriptions appartiennent à une époque très récente ; pour celles relatives à la Syrie, il faut en outre tenir compte de la possibilité qu’elles visent les villes libres de Syrie.

[73] Il ne faut pas manquer de remarquer que les provinces du sénat étaient toutes sur les côtes de la mer Méditerranée et que par suite le commandement du grand amiral s’étendait sur elles toutes.

[74] Suétone, Aug. 49 rapproché de Tacite, Ann. 4, 5 ; Dion, 55, 24 ; Végèce, 4, 33. Nous ne savons absolument rien des circonstances précises de cette création importante. Sur l’organisation de la flotte que nous n’avons pas à exposer ici, cf. Marquardt, Handb. 5, 501 = tr. fr. 11, 223 et ss. et Hirschfeld, Untersuch. p. 122.

[75] La date des castra Misenatium et des castra Ravenniatum de la ville de Rome est incertaine ; cependant ils paraissent au moins avoir déjà existé sous Commode (Vita Comm. 15). En droit, on ne pouvait pas faire la moindre objection à ces créations, tant que ce furent des stations de la familia impériale.

[76] C. I. L. IX, 41. VI, 8928. Autres témoignages, Hermes, 16, 463.

[77] Le plus ancien témoignage certain est le diplôme de l’an 52. C. I. L. III, p. 844.

[78] En l’an 52 : C. I. L. III, p. 844. X, 6318 ; Pline, H. n. 9, 17, 62. — En l’an 59 : Tacite, Ann. 44, 3. A côté d’eux on rencontre des præfecti classis de rang équestre (C. I. L. V, 533. X, 4868).

[79] V. les développements donnés Hermes, 16, 463 et ss. 19, 31 et ss.

[80] La dénomination a seulement été introduite entre l’an 71 et l’an 127 (C. I. L. III, p. 913. 1155). Leurs capitaines s’appellent aussi parfois trierarchi Augusti (C. I. L. VI, 3621. X, 3356).

[81] Arrien, Diss. Epict. 3, 13, 9. Les commandements extraordinaires contre les pirates sont rares du temps de l’Empire ; on trouve au IIIe siècle un pareil commandant de rang équestre (C. I. Gr. 2509).

[82] Festus, Ep. p. 223. V. mes explications Hermes, 14, 25 et ss., et Handb, 5, 401 = tr. fr. 11, 199 et ss.

[83] Selon Dion, 53, 11, la première mesure provoquée par l’établissement du principat est le doublement de la solde de la garde future du nouveau prince.

[84] Suétone, Auguste, 49.

[85] Tacite, Ann. 4, 2. 7, sur l’an 23. Dion, 57, 28, sur l’an 19. Suétone, Tib. 31. Scolies de Juvénal, 10, 95. Les castra prætoria furent plus tard enclavés par Aurélien dans sa muraille, avec laquelle subsistent encore les trois côtés extérieurs du fort ; Constantin a fait détruire le mur intérieur tourné du côté de la ville (Zosime, 2, 47), lorsqu’il a dissout la garde. Becker, Top. p. 199.

[86] Tacite, Ann. 1, 7. 2, 34. 11, 37. 12, 69. 15, 52. Hist. 1, 24. 29. Suétone, Tib. 24. Ner. 21. Les soldats qui étaient de garde portaient encore la toge au temps de Néron.

[87] Dion, 69, 18.

[88] Sous Auguste, et même encore sous Vespasien (C. I. L. III, p. 1136), elle comptait neuf cohortes, plus tard elle en compta dix (Marquardt, Handb. 5, 477 = tr. fr. 11, 201), donc autant qu’il y en avait dans la légion. Mais les cohortes étaient toutes doubles (miliariæ). Le chiffre total de neuf mille hommes et plus tard de dix mille est sensiblement égal à celui de la légion avec ses auxilia. Les trois cohortes urbanæ ne sont pas comptées là, quoiqu’elles aient dû militairement former jusqu’à Tibère une partie du prætorium, tout en ayant été employées dès le principe pour le service de la ville. Cf. ce qui est dit plus loin du commandement du præfectus urbi.

[89] Comme expression d’ensemble on emploie le terme prætorium ; on dit præfectus prætorio, militare in prætorio, decedere in prætorio, mittere ex prætorio. On n’ajoute guère le nom de l’empereur, quoique Vespasien, par exemple, parle des soldats qui in prætorio meo militaverunt (C. I. L. III, p. 853). Le terme cohortes prætorix (disent les inscriptions, en particulier les diplômes, et non, comme font souvent les écrivains, cohortes prætorianæ) exclut au sens strict les speculatores qui sont à cheval (C. I. L. loc. cit.) ; c’est pourquoi l’expression præfectus cohortium prætorianorum employée par Suétone, Tib. 4. Domit. 6, est aussi étrangère au langage rigoureux. Le soldat isolé servant dans le prætorium est appelé prætorianus.

[90] Cf. le débat devant Hadrien chez Dosithée, Sent. Hadrian. 2. Il n’y a certainement jamais eu de recrutement en forme de la garde.

[91] Telle est la règle indiquée par Tacite pour le temps de Tibère (Ann. 4, 5 ; cf. Hist. 1, 84) ; cependant, dès le temps de Claude, tous les Italiens étaient admis, et plus tard même les habitants des provinces romanisées (Dion, 14, 2). V. les détails Hermes, 4, 117 et ss. 19, 52 et ss.

[92] L’empereur donne lui-même le mot d’ordre (signum) au tribun des prétoriens. Tacite, Ann. 1, 7. 13, 2. Vita Pii, 12. Marci, 7. C’est pourquoi aussi les præfecti ne sont jamais nommés dans les diplômes militaires des prétoriens, tandis qu’on y trouve mentionnés les légats des provinces et même les préfets de la flotte.

[93] Dion, 55, 10. Lydus, De mag. 1, 15. 2, 6. Les auteurs postérieurs comparent ou rattachent le præf. prætorio au magister equitum de la République.

[94] Le sénat n’a sans doute été interrogé à ce sujet que par Alexandre Sévère, Vita, 19 : Præfectum prætorii sibi ex senatus auctoritate constituit.

[95] En grec έπαρχος τών δορυφόρων (Dion, 55, 10) ou τής αύλής καί δορφόρων (Plutarque, Galba, 13) ou simplement τής αύλής (op. cit., 2) ou τών στρατοπέδων (Hérodien, 1, 8, 2 ; cf. ήγεμών τών στρατοπέδων, Philostrate, Vit. soph. 2, 32) ; habituellement έπαρχος tout court, comme dit Dion, loc. cit. Ύπαρχος pour έπαρχος ne se rencontre sans doute que dans la période postérieure à Dioclétien. — Hirschfeld, Untersuch., p. 219 et ss., en donne une liste allant jusqu’au temps de Dioclétien.

[96] Tibère donna à Séjan pour l’an 31 le consulat et les sacerdoces correspondants (Dion, 58, 7) et la puissance proconsulaire (v. plus bas) ; Sévère à Plautianus le rang sénatorial et le consulat pour l’an 203, et pareillement Caracalla à Adventus (Cod. Just. 9, 51, 1) et à Macrinus (loc. cit. et Orelli, 5512). A l’inverse Vespasien donna le poste de préfet d’abord au sénateur Arrecinus Clemens (Tacite, Hist. 4, 68), puis à son fils Titus. Suétone, Tit. 6. Pline, H. n. præf. 3. Victor, Epit. 10, 4.

[97] Cf. Vita Pertinacis, 2 ; Tacite, Ann. 4, 40 ; etc.

[98] Ainsi, selon l’inscription de Thorigny (Berichte der sæchs Ges. 1852, p. 228), M. Ædinius Julianus a probablement été sous Alexandre Sévère d’abord légat de Lugdunensis, puis præf. præt. Cf. Hirschfeld, Untersuch. p. 236.

[99] Vita Alexandri, 21.

[100] Dans les légions, le principat a même mis, à la place de l’ancien commandement collégial des tribuns, celui du légat. Le titre præfectus désigne aussi ailleurs, aussi bien en matière militaire qu’en matière municipale ou autre, non pas seulement le représentant, mais en général le représentant unique, de sorte que les deux consuls eux-mêmes n’ont qu’un præfectus. Nous ne rencontrons, en dehors d’ici, de collégialité que pour les præfecti pro IIviris et les præfecti ærarii.

[101] Occupèrent seuls cette préfecture : à la mort d’Auguste, Seius Strabo (Tacite, Ann. 1, 7), à côté duquel fut ensuite bientôt mis son fils Séjan (Tacite, Ann. 1, 24. 6, 8) ; puis ce dernier, de la retraite de son père jusqu’à sa chute en l’an 31 (Dion, 57, 19 ; Tacite, Ann. 6, 8, etc.) et ensuite Macro (Dion, 58, 9). Claude donna de nouveau un chef unique à ta garde en l’an 51 (Tacite, Ann. 12. 42). Après que le præf. præt. Nymphidius a écarté son collègue Tigellinus, il pousse les soldats à demander à Galba de lui donner la préfecture à vie sans collègue (Plutarque, Galb. 8). Ont en outre eu seulement un préfet : Galba (Tacite, Hist. 1, 14. Suétone, Galb. 14), Vespasien (cf. Tacite, Hist. 4, 2), Antonin le Pieux pendant la première moitié de son règne (Vita, 8) ; Alexandre Sévère à l’époque du pouvoir d’Ulpien ; Probus (Vita, 10). Plautien parait, d’après Dion, 75, 14, avoir eu des collègues, mais des collègues dénués de pouvoir, sous Sévère.

[102] La doctrine d’Hirschfeld, p. 228, selon laquelle il y aurait eu aussi parfois une collégialité inégale provient d’une interprétation fausse de l’allégation de la Vita Comm., 6, selon laquelle l’affranchi Cleander aurait porté comme præf. præt. la dénomination a pugione. Ce n’est pas là un titre officiel, mais un sobriquet moqueur par lequel on fait du porteur du glaive impérial, un domestique attaché au, glaive impérial à la façon des valets de chambre a manu et a veste.

[103] Chez Dion, 52, 24, Mécène conseille à Auguste que les deux citoyens les plus distingués parmi les chevaliers aient le commandement de la garde qui t'entoure; la confier à un seul homme est chose dangereuse, la confier à un plus grand nombre est chose grosse de troubles. D’après Zosime, 2, 32, aussi, il y a eu jusqu’à Constantin deux præf. præt. C’est la règle à laquelle se sont conformés Auguste, lors de la création de la fonction ; Tibère, au début de son règne ; Gaius (Suétone, Gaius, 56 ; Zonaras, 11, 6) ; Claude, au commencement ; Néron, après la mort de Burrus (Tacite, Ann. 14, 51 ; Plutarque, Galb. 8 ; Dion, 62, 13) ; Othon (Tacite, Hist. 1, 46 ; Plutarque, Oth. 18) ; Vitellius (Tacite, Hist. 2, 92. 3, 55) ; Domitien (Dion ; 67, 15) ; Trajan (Henzen, 6771) ; Hadrien (Dion, 69, 19 ; Vita, 9) ; Antonin le Pieux, au début de son règne (Petronius Maximus et Gavius Mamertinus suivant l’inscription d’Orelli, 3422 = C. I. L. VI, 1009 et celles nouvellement découvertes des equites singulares congédiés en 139, 142 et 143, Ann. dell’ instituto, 1885, p. 250. 254. 255, qui restreignent les indications du biographe, et ensuite de nouveau ; Marc Aurèle (Vita, 11. 22 ; C. I. L. IX, 2439) ; Commode, après la chute de Perennis (Hérodien, 4, 9 ; Vita, 4. 6) ; Julien (Vita, 3) ; Sévère, peut-être dès avant et certainement après la chute de Plautianus (Hérodien, 3, 13, 1 ; Henzen, 5603 = C. I. L. VI, 228), Caracalla (Dion, 77, 21 ; Cod. Just. 9, 51, 1) ; Elagabal (Hérodien, 4, 12, 1. 5, 1, 2) ; Macrin (Dion, 78, 15) ; Alexandre, à l’origine (Dion, 80, 2 ; Zosime, 1, 11 ; Vita, 19) ; Gordien (Cod. Just. 9, 2, 6, selon la meilleure lecture). Les inscriptions, note suivante, montrent aussi qu’il y avait régulièrement plus d’un préfet.

[104] Il y a eu trois præfecti prætorio, d’abord sous Commode, selon le témoignage de son biographe, c. 6, puis sous Didius Julianus (Vita, 7 ; Vita Severi, 6). Alexandre Sévère donna, d’après Zosime, 1, 11 (cf. Dion, 80, 2), sous l’impulsion de sa mère Mamæa, aux deux præfecti en fonction, Ulpien comme troisième collègue plus élevé et fit ensuite de ce dernier le préfet unique. C’est à ces faits que pense Dion en mettant en garde à la fois, 52, 24, contre l’unité et la multiplicité des préfets.

[105] Zosime, 2, 32, oppose les pr. pr. antérieurs à Constantin administrant en commun à ceux postérieurs des quatre parties de l’empire. Les pièces officielles sont adressées par tous deux ou à tous deux (C. I. L. IX, 2438). Les nominations militaires qu’ils font sont toujours faites aux deux noms ; sur les inscriptions, leurs beneficiarii (Orelli, 3489 = C. I. L. XI, 20. 35589. C. I. L. III, 648), leurs singulares (Henzen, 6771), leurs ab commentariis (C. I. L. VIII, 9368, d’après quoi le second nom manque probablement dans l’inscription C. I. L. VI, 1564) se désignent toujours comme l’étant non pas præfecti, mais præfectorum prætorio.

[106] Cette maxime s’exprime clairement en ce que Mécène, chez Dion, 52, 24, conseille à Auguste de nommer les gouverneurs pour trois à cinq ans et les præfecti prætorio et urbi à vie. La pratique constante de Tibère (Séjan resta en charge pendant seize ans depuis l’avènement de Tibère), celle de Vespasien, la conduite de Néron à l’encontre de Burrus, la conduite d’Antonin le Pieux sont absolument d’accord avec cela. La règle n’est pas moins confirmée par le fait que, sous Commode, mutabantur præfecti per horas et dies (Vita Comm. 6) et qu’aucun ne garda la charge plus de trois ans (Vit. Comm. 14). Cette maxime a été abandonnée dans le gouvernement de Dioclétien et de Constantin et les præfecti prætorio y sont souvent remerciés sans disgrâce.

[107] Vita Hadriani, 9.

[108] C’est ainsi qu’Hadrien fit Attianus sénateur en ajoutant nihil amplius se habere quod in eum conferri posset (Vita Hadriani 8). Vita Commodi, 4, Dion, 73, 5. Plus tard c’est arrivé souvent.

[109] Dion, 52, 24, dit que le préfet n’a, pas plus que le gouverneur, juridiction capitale sur les centurions.

[110] Ce qui a été dit au tome III, de la nomination des principales par les officiers supérieurs s’applique aux præfecti prætorio ; leurs bénéficiaires sont pleinement semblables à ceux des légats. Par suite, on reproche à Séjan de nommer les centurions et les tribuns de la garde (Tacite, Ann. 4, 2).