LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE DEUXIÈME. — LES MAGISTRATURES.

LA CENSURE.

 

 

I. — VECTIGALIA.

La fortune du peuple romain se compose du trésor public, dans lequel il faut, selon la notion romaine, faire rentrer activement et passivement toutes les créances et les dettes d’argent du peuple, et des autres biens, meubles et immeubles, de l’État. L’Ærarium est soumis aux questeurs, tous les autres biens de l’État sont soumis aux censeurs, et les empiètements en dehors de leur compétence ne sont pas plus permis aux uns qu’aux autres[1]. En conséquence, le censeur n’a le droit ni de vérifier le montant de l’encaisse ni encore moins de l’entamer, ni de recouvrer les créances, qui en font partie, telles que le produit des impôts on les fermages acquis par lui-même au peuple[2]. Mais c’est à lui qu’il appartient de faire valoir le mieux possible tout le reste des biens de l’État dans la mesure où ils sont susceptibles de rapport[3].

Pour la règlementation des affaires financières de l’État, la première chose à faire est de déterminer quelles sont ses propriétés. L’activité des censeurs a pour base un tableau général de tous les immeubles appartenant au peuple en Italie et au dehors, qui est tenu au courant par chaque collège de censeurs[4].

En conséquence, lorsque la limite du sol public est incertaine, il appartient aux censeurs de la déterminer. Ce principe est appliqué à la limitation de la ville de Rome[5] et à celles des rives du Tibre[6], et les censeurs ont alors à délimiter le Pomerium et les rives du fleuve non seulement par rapport aux terres privées, mais par rapport aux terres publiques employées à un autre usage, par exemple aux voies publiques. Jusque dans les temps Ies plus récents de la censure, ce resta là une fonction éminemment censorienne. Hors de la ville, la limitation du sol public est en général faite à la place des censeurs par les consuls et les préteurs[7].

L’affectation à donner aux immeubles publics rentre aussi dans les attributions des censeurs, lorsque elle n’est pas déjà réglée par la nature des choses, par la coutume ou par la loi. Nous ne savons si des limites en forme étaient apportées là au pouvoir des censeurs. Une application de ce droit se rencontre dans les terminations dont nous venons de parler, quand par exemple le censeur trace la limite qui sépare la voie publique de la rive publique du fleuve. Il faut également y rapporter les assignations faites aux esclaves publics d’emplacements où ils se construisent des habitations[8] et les assignations semblables accordées sous l’Empire par les successeurs des censeurs, les curatores operum publicorum[9], les censeurs ayant évidemment par devers eux le droit de déterminer si un emplacement appartenant au peuple devait être ainsi utilisé dans l’intérêt publie en au contraire affermé. Le droit des censeurs de disposer des bancs du théâtre procède encore du même principe[10].

Le mode d’emploi des propriétés mobilières du peuple, par exemple des esclaves et des ustensiles rentre aussi dans les attributions des censeurs. L’emploi de l’eau des aqueducs publics présente une importance spéciale. Lorsqu’elle est vendue à des particuliers, il y a là un droit de l’État productif de revenu. Mais, surtout à l’époque ancienne, elle était, pour la plus forte part, réservée pour l’usage propre de l’État[11] et répartie par les censeurs entre les différentes fontaines et les autres monuments publics auxquels elle était nécessaire[12]. Dans l’œuvre de surveillance et de conservation, rigoureuse et constante et en partie mêlée de juridiction, que requièrent les aqueducs, les censeurs sont secondés par les édiles, en particulier pendant les intervalles que comporte la surveillance des censeurs[13], mais aussi concurremment avec elle[14]. Les édiles curules avaient l’obligation spéciale de charger, dans chaque rue où il y avait une fontaine publique, deux citoyens habitants ou propriétaires dans la rue de la surveillance de la fontaine[15]. L’un des questeurs gérait aussi une provincia aquaria[16] ; mais nous ne savons rien de plus au sujet de cette institution.

Le censeur avait aussi pour fonction de mettre les propriétés de l’État qui n’étaient pas destinées à être affermées, en état de servir à l’usage auquel elles étaient affectées, en particulier de maintenir les routes de terre et d’eau et les édifices publics dans un état approprié à leur destination, tandis que pour celles qui étaient affermées cette obligation était en général transportée sur la tête des fermiers. Il sera question, à propos des dépenses publiques, de la principale obligation qui résultait de là pour les censeurs et qui était celle d’assurer, par voie contractuelle, l’entretien des édifices publics. Nous devons citer ici les mesures prises par les censeurs pour faire enlever les objets mobiliers ou susceptibles de séparation qui se trouvaient sur le sol public et qui gênaient la circulation ou dont la présence y semblait déplacée[17]. Les théâtres élevés pour les fêtes publiques ont été souvent détruits sur leur ordre[18]. Peu importe que l’objet en question ait été placé avec l’assentiment d’un censeur antérieur ; car l’acte d’un magistrat ne lie pas son successeur. Mais le censeur ne peut arbitrairement faire enlever ce qui a été mis en un lieu en vertu d’une loi ou d’un sénatus-consulte[19]. Nous constaterons des attributions semblables, mais moindres chez les édiles.

Les censeurs doivent s’occuper de tirer un produit utile des biens de l’État qui ne sont pas employés à un autre usage. Ils peuvent le faire soit en aliénant ces biens, soit en en concédant l’usage à des particuliers contre un équivalent en argent.

L’aliénation des immeubles publics ne rentre pas dans les actes d’administration : elle exige donc en principe une décision spéciale du peuple ou tout au moins du sénat, dans laquelle le pouvoir d’y procéder est toujours donné à une magistrature déterminée. Elle a de cette façon souvent été mise à exécution par les censeurs[20]. Nos textes ne nous apprennent pas qu’ils aient été soumis là à des conditions de forme spéciales[21] ; mais on ne peut pas non plus sûrement conclure le contraire du silence des sources. — Ils sont sans aucun doute investis de plein droit du pouvoir d’aliéner les meubles du peuple : le bail à ferme dont nous allons avoir à parler tout à l’heure peut en effet être considéré comme une vente de biens meubles et il a même été principalement considéré comme tel à l’époque ancienne. Au reste, la compétence des censeurs concourt ici avec celle des questeurs qui sont en général chargés de convertir en argent les biens que le peuple veut vendre pour en faire entrer le produit dans le trésor, en particulier le butin mobilier ou immobilier. La conciliation des pouvoirs des deux magistrats tient probablement à ce que les censeurs avaient le droit d’aliéner les meubles de l’État d’une manière absolue, tandis que le questeur procédait en règle aux aliénations nécessitées par l’administration courante, par exemple à la vente du butin ou des masses de biens saisis échues à l’État.

Mise a ferme. Le procédé régulier de mise en voleur des immeubles de l’État susceptibles de donner un produit utile était leur remise à un particulier pour un temps donné et en général contre une somme d’argent déterminée[22]. L’énumération des différents droits qui peuvent être tirés du sol public rentre dans la théorie des finances romaines[23]. Les Romains les appellent ou d’après leur caractère juridique, publics[24], ou d’après le plus ancien d’entre eux, pâture, pascua[25], ou le plus habituellement, d’après le plus important charretées, notamment des fruits des champs, vectigalia. La même idée d’exploitation du sol s’applique aussi à la concession faite à titre onéreux d’un terrain de construction sur le sol public sous réserve de la propriété (solarium)[26], et du droit de circulation ou de débarquement (portorium)[27], ou d’une certaine quantité d’eau des conduites publiques ou des profits de l’exploitation des mines, du sel[28], de la résine, de la pêche[29] et de tous les autres avantages qui peuvent résulter de l’usage du sol. Les censeurs ont également à mettre le mieux possible en rendement les terres publiques qui n’ont pas encore été utilisées ni tout au moins affermées[30]. Il est indifférent que le peuple se fasse directement promettre l’équivalent de la jouissance par le particulier qui jouit, comme c’est l’usage pour les terrains de constructions et pour l’eau, ou que le recouvrement des droits de jouissance soit transféré en bloc à un intermédiaire contre un chiffre total, ce qui se présente particulièrement dans le cas où la jouissance immédiate de la chose est permise sous certaines conditions par la coutume ou par la loi à tout citoyen et où elle ne peut donc pas en elle-même être affermée par le censeur, par conséquent pour l’usage des pâtures publiques, pour la possession des terres sujettes à dames qui en est issue et pour les douanes. En droit, on voit toujours là une jouissance (frui)[31]. On y voit en même temps une vente des fruits et des autres produits (fruges, fructus, frumentum)[32], où la commune abandonne leur propriété, les vend (venum dare, vendere) : c’est la conception la plus ancienne ; mais elle ne peut pas s’appliquer à tous les cas, par exemple aux produits des emplacements de construction et des droits de port[33]. On y voit enfin un louage de choses (locatio rei) où le peuple place (locare) la jouissance de son bien. C’est cette conception, généralement admissible, qui prévaut à l’époque récente. Le particulier qui achète les fruits, qui acquiert la jouissance, est appelé emptor, originairement celui qui prend[34] et par conséquent celui qui achète ; on l’appelle aussi conductor en transportant ici une expression qui au sens propre appartient à un autre domaine[35]. Celui qui fait une industrie de la prise à ferme des divers publica de cette espèce est appelé publicanus[36].

La propriété des dieux est, ainsi que nous avons expliqué plus haut[37] maintenue dans des limites restreintes ; mais, en tant qu’on en admet une, son exploitation ne doit pas avoir essentiellement différé de celle de la propriété publique et elle doit également avoir regardé les censeurs[38]. Nos sources sont muettes sur le régime légal des res sacræ au point de vue de l’aliénation et du louage ; et cela se conçoit en face de leur peu d’importance économique. Mais il est vraisemblable que leur location, par exemple celle des bois sacrés, était faite par les censeurs, car le produit en entrait, selon toute apparence, dans le trésor public et il faut admettre la même chose pour les aliénations auxquelles il pouvait y avoir lieu de procéder, par exemple au cas de déplacement d’un temple incendié, quoique l’on dut alors se précautionner en outre certainement de l’adhésion régulière de la divinité, en sa qualité de véritable propriétaire, sous la forme d’exauguration. — En ce qui concerne les res sacræ mobilières, on peut rapporter à Rome les dispositions du statut d’un temple municipal de l’an 686, qui a déjà été étudié plus haut et selon lequel les magistrats les plus élevés du lieu étaient libres d’affermer, quand à la jouissance ou d’aliéner, en leur âme et conscience, tous les présents offerts au temple : le même droit doit avoir été exercé à, Rome par les censeurs ; en effet l’exposition[39] et l’enlèvement[40] des objets consacrés aux dieux sont accomplis par leurs soins, comme par ceux de leurs représentants ordinaires[41] et extraordinaires[42] et des magistrats auxquels a passé sous l’Empire cette portion des fonctions de censeurs, des curatores operum publicorum[43]. Ces derniers paraissent aussi avoir fait le récolement des objets précieux qui se trouvaient dans le temple d’après l’inventaire qui en était dressé[44] ; et il n’est pas invraisemblable que cette fonction leur soit également venue des censeurs.

 

 

 



[1] Il y a naturellement exception au cas de disposition expresse du peuple ou du sénat, comme pour les ventes de terres publiques faites par les questeurs, etc.

[2] C’est là certainement la règle ; il est même probable qu’elle est absolue, que, par conséquent, elle s’applique aussi aux actions pénales et reipersécutoires connexes avec les marchés de construction qui résultent de clauses des contrats. En dehors de l’exécution contre l’incensus, le censeur ne paraît même pas avoir pris part à l’exécution. Voir aussi Tite-Live, 41, 27, 10.

[3] Ce sont là les vectigalia, en grec τά τέλη, les revenus de l’État réguliers et proprement stables, en première ligne les charretées de la quote-part des fruits de l’ager publicus revenant l’État, au sens large tous les droits de jouissance de l’État, comme les péages des ports et les impôts indirects, et en général tout ce qui est affermé par les censeurs. Le terme opposé est le tributum, en grec αί είσφοραί ou αί συντελείαι, qui est perçu à titre extraordinaire et toujours dans la mesure des besoins, qui, en outre, est toujours levé directement. Le vectigal est en première ligne la redevance du sol payé à l’État comme propriétaire, le tributum la redevance du sol payé à l’État comme tel, l’impôt foncier : le premier concerne l’ager publicus, le second l’ager privatus.

[4] Les censorum tabulæ (Cicéron, De har. resp. 14, 30 ; De l. agr. 1, 2, 4 ; Pline, H. n. 18, 1, 4) ou censorii libri (Aulu-Gelle, 2, 10) mentionnaient les sacella et les aræ qui se trouvaient dans la ville de Rome (Cicéron, De har. resp. loc. cit.) parmi lesquels doivent rentrer les favisæ Capitolinæ (Aulu-Gelle, loc. cit.) ; en outre, les pascua (Pline, p. 126, note 4 : In tabulis censoriis pascua dicuntur omnia, ex quibus populus reditus habet), par exemple les possessions domaniales de Sicile (Cicéron, De l. agr. loc. cit.).

[5] Ce ne peut être par un hasard qu’il existe des pierres terminales du Pomerium, de l’empereur Claude (C. I. L. VI, 1231), de Vespasien et de Titus en l’an 14 (C. I. L. VI, 1232) et d’eux seulement. La dernière a visiblement été posée par les princes en qualité de censeurs ; et en effet le mesurage des murs de la ville et des rues de la ville auquel elle se rapporte est rattaché à leur censure (Pline, H. n. 3, 5, 56). Si Claude a posé les siennes dans l’année après le lustre et sans son collègue, cela ne peut obscurcir cette idée, surtout pour peu qu’on se rappelle la remarque faite, note 21 du 1er § de ce tome, sur la censure de Claude.

[6] Les pierres de termination censorienne posées à la suite du débordement du Tibre de l’an 700 (Dion, 39, 61) ont déjà été invoquées plus haut. — Les rives du fleuve ont ensuite été délimitées en 746 par Ies consuls ü la place des censeurs (C. I. L. VI, 1235). Les consuls de l’an 4 après J,-C. ont aussi fait une délimitation semblable dans l’intérieur de la ville (C. I. L. VI, 1263. 1264 Terminarunt locum publicum ab privato).

[7] En 581, le consul L. Postumius fut envoyé par le sénat en Campanie ad agrum publicum a privato terminandum (Tite-Live, 42, 1, 6. c. 19, 1). Le préteur urbain P. Lentulus (consul en 592) ne devait pas seulement y acheter des terres, mais aussi les délimiter (Licinianus, p. 15).

[8] Loi Julia municipalis, ligne 82. Cicéron, Pro Rab. perd. reo, 15.

[9] Notre meilleur renseignement est la correspondance officielle relative à la maison du gardien de la colonne Antonine (Zeitschr. f. gesch. Rechtswiss. 15, 335 et ss. = C. I. L. VI, 1585). Les rationales impériaux écrivent à son sujet aux curatores operum publicorum : Petimus igitur aream, quam demonstraverit Adrastus,... adsignare ei jubeatis, præstaturo secundum exemplum ceterorum solarium. Cette assignation n’est donc rien autre chose que cri ; que la loi Julia Municipalis appelle du nom d’attribution. Le fond de terre ne cesse pas pour cela d’entre la propriété de l’État. Par suite, dans des cas comme celui du C. I. L. VI, 814, le fond n’est pas au sens propre soustrait à la propriété de l’État ; il est seulement soumis à une affectation durable.

[10] On comparera à ce sujet le chapitre de l’Édilité.

[11] Frontin, De aquis, 94. Il n’y a de vendue que l’eau qui déborde du réservoir et encore seulement pour des bains ou à des foulons. Tite-Live, 39, 44, 4 (d’où Plutarque, Cato maj. 19). Caton (éd. Jordan, p. 49) infligea comme censeur une amende à L. Furius pour une affaire d’eaux. Cf. la lex coloniæ Genelivæ, c. 99. 100 et mon commentaire.

[12] C’est à cela que se rapportent les mots du discours précité de Caton de aqua : Quod attinet ad salinatores ærarios, cui cura vectigalium resignat, c’est-à-dire que le censeur alloue aux fermiers des salines la quantité d’eau des conduits publics qu’il leur faut.

[13] Frontin, 95. 97.

[14] Frontin, 95. 97. Cælius écrit, en qualité d’édile curule en 704 (8, 6, 4) : Nisi ego curn tabernariis et aquariis (ce sont les employés des eaux, suspects de malversations multiples, Frontin, 75. 144. 115) pugnarern, veternus civitatem occupasset. Or, il y avait alors des censeurs.

[15] Frontin, De aquis 97. Les reliqui, dans Frontin, 94, sont sans doute les personnes appartenant à la même circonscription d’eau. Cf. VI, 1.

[16] Cicéron, In Vatin. 5, 12. Cf. plus bas le chapitre de la Questure, in fine.

[17] Pline, H. n. 34, 6, 30. De viril ill. 44. Nonius, p. 346. Tite-Live 40, 51, 3. Tertullien, Ad nat. 1, 10. Ulpien, Digeste, 43, 8, 2, 17. Le préteur urbain procède de même chez Cicéron, De domo, 53, 136.

[18] Tertullien, De spect. 10. Apolog. 6. Il ne faut pas penser là à des constructions destinées à titre durables, mais aux constructions en bois ordinaires, qui probablement restaient souvent debout beaucoup plus longtemps qu’elles n’auraient dit et qui menaçaient de devenir permanentes ; car c’est à cela que paraissent se rapporter les mots nasci ou oriri.

[19] Pline, H. n., 34, 6, 30 : c’est pourquoi les bases des statues mentionnent si souvent l’autorisation du sénat ; parfois aussi une loi, par exemple, C. I. L. I, 526 : Divo Julio jussu populi Romani statutam est lege Rufrena, où, à la vérité, il s’agit en même temps de la consécration.

[20] Tite-Live, 32, 7, 3. 40, 51, 5. 41, 27, 10.

[21] Les restrictions existant à ce point de vue dans les municipes et sur lesquelles nous renseigne exactement le c. 82 de la loi de Genetiva, ne comportent pas d’application directe à Rome.

[22] Frumento locare se rencontre aussi à la vérité pour les locations publiques (Tite-Live, 21 3, 3) et le contrat avec le colonus partiarius ne doit pas avoir été plus étranger au jus publicum qu’au jus privatum. Il est probable qu’on pouvait prendre connue objet de la contre-prestation toute chose quæ pondere numero mensurave constat et que ce qui était ainsi acquis par l’État était attribué in natura aux généraux ou autres personnes ayant des droits de créances. Mais les sommes d’argent seules pouvant entrer dans le trésor, les affaires de l’État se sont de bonne heure faites principalement en argent, activement comme passivement.

[23] Handb. 5, 149 et ss. = tr. fr. 10, 190 et ss.

[24] Note 36. Cependant publicum (Tite-Live, 34, 6, 17 ; et 43, 16, 7) et publicanus (Tite-Live, 25, 3 ; Val. Max. 5, 6, 8), sont parfois employés pour les fournitures et les fournisseurs.

[25] Pline, H. n. 18, 3, 11. Cicéron, De l. agr. 1, 1, 3. L’ager relictus (Rudorff, Feldmesser, 2, 393) est un ager publicus comme les pascua, mais il n’est pas affermé pour le compte du peuple et à ce point de vue il ne regarde pas les censeurs.

[26] L’administration économe de l’Empire applique tout au moins rigoureusement ce principe. Ulpien, Digeste 43, 8, 2, 17. C’est ainsi que les choses se sont passées pour la construction d’Adraste (note 10).

[27] Les anciens considèrent les droits de ports, tout comme les péages des routes, des ponts et tous les autres droits de douane, non pas comme des droits de souveraineté, mais comme des dérivés de la propriété du sol. Ils ne sont publics que parce que la grève est, dans la conception ancienne, soumise à la propriété publique (Cicéron, Top. 7, 32. Digeste 43, 8, 3 ; cf. Digeste 1, 8, 2, 1. 41, 1, 14. 1. 30, 4. 1. 50). L’État subordonne le droit d’y pénétrer au paiement du portorium comme celui de pénétrer dans les pâturages au paiement de la scriptura. On peut pour les portoria italiques suivre le mouvement par lequel l’acquisition des coites de Campanie y a entraîné l’établissement des douanes (Tite-Live, 32, 7) et par lequel la révision des propriétés domaniales provoquée par les lois des Gracques, a conduit à la création de nouveaux bureaux de douane.

[28] À la vérité, le but théorique principal du vectigal, le rendement des salines publiques, est là en pratique distancé par le souci de donner au peuple le sel en abondance et à bon marché : dans ce dernier but, l’acquéreur de cette exploitation était obligé par des clauses spéciales garanties par des stipulations pénales, à ne pas élever le prix du sel au-dessus d’un maximum convenu, et sans doute aussi d’avoir un certain nombre de magasins suffisamment garnis. Si cela était allé jusqu’à forcer à vendre le sel au prix coûtant ou même au-dessous, le contrat eut perdu par là le caractère de cession d’un droit de jouissance et n’aurait été possible que par la réduction du vectigal à un taux purement nominal ou même par l’allocation à l’entrepreneur d’une subvention publique, c’est-à-dire, pour employer les expressions romaines, qu’on aurait affermé nummo uno (cf. Tite-Live, 31, 13) ou même que L’opération eut passé du cercle des vectigalia dans celui des ultro tributa. La dernière chose n’est, sans aucun doute, jamais arrivée pour le sel ; il s’agit quant à lui exclusivement d’une question de plus ou de moins dans les bénéfices de l’entrepreneur et par suite dans les versements fait par ce dernier à l’État. Quand Tite-Live, 29, 37, qualifie l’augmentation du prix du sel en 550 de vectigal novum, il veut simplement dire par là que le vectigal payé jusqu’alors à l’État par les fermiers des salines était minime et peut-être de pure forme, et que par conséquent l’État avait ou entièrement ou à peu près renoncé à ce revenu du sol. Cf. Handb. 5, 460 = tr. fr. 10, 204.

[29] [Une inscription mentionnant les conductores piscatus, et trouvée en août 1888 à Bootgum en Frise (Dessau, Inscr. Lat. 1, 4461), porte : Deæ Hludanæ conductores piscatus mancip[e] Q(uinto) Valerio Secundo v(otum) s(olverunt) l(ibenter) m(erito). Cf. Th. Mommsen, Westdeutsch. Korr. Blatt. 8, 1889, 2-12. Bull. dell’ ist. di dir. rom. 2, 1889, 120-132.]

[30] Tite-Live, 32, 7, 3. 40, 51, 8. Il ne s’agit là, si l’on comprend bien portoria (note 27), que de la découverte d’un fermier parles censeurs pour un immeuble du peuple jusqu’alors oublié ou inaffermable ; il faut, dans le second texte, g cause de l’opposition, entendre les vectigalia dans le sens ancien et étroit de fonds soumis à la dîme. La déduction de 300 citoyens a lieu en vertu d’un sénatus-consulte et ne regarde donc pas la compétence des censeurs ; au reste coloni est sûrement pris là dans un sens impropre et se rapporte à rétablissement ou plutôt à l’extension d’un conciliabulum c. R.

[31] Frui est aussi technique pour la mise à ferme des droits que tueri pour l’adjudication des charges ; voir par exemple la loi Julia Municipalis, ligne 73.

[32] Le mot est parent du goth bruckjan, l’allemand brauchen. L’importance économique de l’ager pubicus ne ressort de rien plus clairement que du fait que les céréales tirent leur nom de ce que récolte non pas le propriétaire, mais le fermier du sol public, le possessor. La clarté avec laquelle la langue comprend que ce n’est pas le propriétaire qui jouît sur son sol, mais le non propriétaire qui le fait sur le sol d’autrui, nous est enseignée par l’usus fructus du droit privé.

[33] Festus, p. 376 : Venditiones dicebantur olim censorem locationes, quod velut fructus publicorum locorum venibant. Cicéron dit encore fréquemment (par exemple, Verr. 3, 53) decumas vendere. Par suite la hasta qui figure, comme on sait, dans toutes les ventes du peuple, est aussi dressée pour les locations des censeurs (Tite-Live, 24, 18, 11. 39, 44, 8. 43, 16, 2. Stace, Silves, 4, 8, 12 : Libyca hasta, par allusion aux quattuor publica Africæ). Cicéron, In Verr. 1, 54, 142, parait même rassembler toutes les ventes et les baux à ferme du peuple qui ont lieu aux enchères sous la formule bona prædibus prædiisque vendere ; du moins je ne peux comprendre le texte autrement.

[34] Ou plutôt le faucheur, si, comme il semble, emere est avec raison rapproché de άμάω.

[35] Des explications approfondies sont données, Zeitschr. der Savigny-Stiflunq, rom. Abth. 6, 263 et ss., sur cette terminologie qui a passé du droit administratif dans le droit privé.

[36] Le mot se rencontre fréquemment dans les lois du temps de la République, notamment dans la loi agraire de 643 dans la tournure populo aut publicano dare. Ulpien, Digeste 39, 4, 1, 1. Publicani faisant principalement allusion a la participation par métier aux publica et non pas comme decumanus, etc., au contrat isolé, il convient pour désigner une classe, et c’est pourquoi on parle toujours d’ordo publicanorum (Cicéron, De imp. Pompei, 7, 17 ; Pro Planc. 9, 13 ; Ad Q. fr. 1, 4, 11, 32 ; Ad fam. 13, 9, 2). Publicum et publicanus se rencontrent parfois incorrectement pour désigner les fournitures et les fournisseurs appelés habituellement manceps ou redemptor ; cela vient sans doute de ce que les vectigalia et les ultro tributa étaient loués par la même classe de personnes. Dans la langue technique gréco-latine, publicanus est traduit par le mot, non grec a proprement parler, δημοσιώνης (Diodore, Strabon, gloses de Philoxène) ; le mot vraiment grec τελώνης est aussi employé dans ce sens ; mais il correspond plus exactement au mot latin portitor, le douanier subalterne.

[37] Tome III. Il faut bien en distinguer les biens de l’État affectés au culte ; relativement à la location et même à l’aliénation ces derniers sont, nous en avons la preuve, soumis aux mêmes règles que tous immeubles de l’État affectés à une destination officielle durable.

[38] Ils relèvent même les sacella urbains, qui ne rapportaient certainement rien en général.

[39] Tite-Live, 42, 6, sur l’an 581 : Vasa aurea (du poids de cinq cents livres d’or ; présent du roi Antiochus au peuple romain) censores acceperent eisque negotium detum est ut ponerent ea in quitus templis videretur. On peut se demander du reste si, malgré leur conservation dans des temples, ces vases n’ont pas été plutôt regardés comme publica que comme sacra.

[40] Piso (chez Pline, H. n. 34, 6, 30) : Eam (statuam), quam apud ædem Telluris statuisset sibi Sp. Cassius qui regnum affectaverat, etiam conflatam a censoribus. Les objections historiques soulevées par ce texte (cf. Hermes, 5, 236 = Rœm. Forsch. 2, 166) n’affaiblissent pas le témoignage qui s’y trouve du droit des censeurs de disposer des présents votifs placés dans les temples, c’est sans raison que cela m’a moi-même jadis choqué comme d’autres au point de vue du droit public.

[41] Les monnaies de Q. Antonins Balbus préteur en 672 sont frappées à la suite d’un sénatus-consulte prescrivant la fonte des trésors des temples (Val. Max. 9, 6, 4). Cf. R. M. W. 596 = tr. fr. 2, 448.

[42] Tite-Live, 25, 7, sur l’an 542 : Comitia a prætore urbano de senatus sententia plebique scitu suut habita, quibus creati sunt... triumviri... sacris conquirendis donisgue persignandis. Je ne comprends pas comment on peut chercher là autre chose qu’une mesure financière. Cette élection a eu lieu durant la longue suspension de la censure de la guerre d’Hannibal où d’autres fonctions descenseurs ont été attribuées à des magistrats spéciaux.

[43] Suétone, Vitellius, 5 : Curam operum publicorum administravit... dona atque ornamenta templorum subripuisse et commutasse quædam ferebatur, proque auro et argento stagnum et aurichalcum supposuisse.

[44] Si Galba choisit Agricola ad dona templorum recognoscenda (Tacite, Agricola, 6 ; Suétone, Nero, 32), ce mandat donné à la suite du pillage des temples par Néron doit sans doute avoir plutôt été donné comme une entra spéciale que lié à la cura operum publicorum. Les offrandes écartées comme hors d’usage revenaient contractuellement sous l’empire au publicain qui avait soumissionné l’entretien du temple, prouve Tertullien, Ad nat. 1, 16 : Plus denique publicanis refigitur quam sacerdotibus.