LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE DEUXIÈME. — LES MAGISTRATURES.

LA PRÉTURE.

 

 

Dès les temps les plus reculés, un troisième collègue plus élevé, mais non permanent, pouvait être placé à côté des deux consuls. A la même époque à laquelle la suppression du tribunat militaire consulari potestate rendit impossible le gouvernement simultané de plus de deux magistrats supérieurs ayant des pouvoirs égaux, le plébiscite Licinien, de l’an 387 de Rome[1], établit dans le collège un troisième poste permanent, mais inférieur en rang et en droits[2], et en même temps il partagea les attributions entre les trois collègues en décidant que, tandis que le reste des pouvoirs de la magistrature supérieure serait commun à tous trois’ la guerre serait essentiellement confiée aux deux plus élevés, et la juridiction entre particuliers exclusivement réservée au troisième. Nous avons déjà expliqué précédemment, que le titre attribué au collège de magistrats supérieurs, prætor ou en grec[3], n’appartenait pas seulement au collègue inférieur en rang, que les deux collègues supérieurs en rang sont appelés prætores maximi ou consules et que, par conséquent, prætor sans épithète ne s’emploie que pour lui et est devenu son appellation propre[4]. Le qualificatif employé pour déterminer officiellement[5] le poste de préteur le plus ancien est urbanus[6], qui indique ici, comme en matière de questure, l’obligation du magistrat de rester dans l’intérieur de la ville pendant la durée de ses fonctions. Une pareille disposition a été indispensable dès le principe, parce que la loi licinienne a probablement retiré aux consuls le droit de nommer un præfectus urbi en même temps qu’elle a établi le prætor urbanus[7]. Cependant, tant qu’il n’y a eu qu’un préteur, on l’a probablement appelé prætor tout court et l’obligation légale de rester dans la ville n’a probablement pas non plus pesé sur lui avec la même rigueur de forme que nous lui voyons plus tard ; du moins le préteur est, à cette époque, employé hors de la ville assez souvent, quoique toujours à titre exceptionnel[8]. C’est seulement depuis qu’il y a eu plusieurs préteurs que celui-là a été invité par une disposition dé la loi à ne pas s’absenter plus de dix jours de la ville[9] et qu’il a en même temps reçu le titre distinctif de prætor urbanus. A partir de là, il a bien été en cas de besoin employé militairement aux environs de Rome, dans la mesure conciliable avec la restriction légale ; mais il n’a guère reçu de mission de nature à le tenir éloigné de la capitale un temps plus long[10]. — Hiérarchiquement ce préteur a toujours été le premier, depuis qu’il y en a eu plusieurs[11], et il a peut-être aussi été appelé plus tard prætor major par opposition au préteur pérégrin[12].

Un demi siècle après, vers l’an 512, une quatrième place fut ajoutée[13] par la division de la juridiction. Désormais on dut nommer annuellement pour l’exercer deux magistrats dont l’un, le prætor urbanus antérieur, disait le droit dans les procès entre citoyens romains et I’autre, dans les procès entre non citoyens ou entre non citoyens et citoyens. En conséquence, le premier a pu désormais être aussi appelé prætor qui inter cives jus dicit[14], tandis que la dénomination officielle du second était, sous la République, prætor qui inter peregrinos jus dicit[15], sous l’Empire, prætor qui inter cives et peregrinos jus dicit[16], expression à côté de laquelle l’usage s’introduisit aussi de I’abréviation incorrecte prætor peregrinus[17].

La compétence du second est aussi urbaine[18]. Cependant il n’était pas comme son collègue, attaché par une nécessité légale à la capitale et il n’était donc pas au sens technique urbanus[19]. — En les rassemblant, on appelle ces deux préteurs urbains, par opposition aux consuls, prætores minores, peut-être aussi prætores sexfascales[20] ; mais, l’un côté, la répugnance de la langue romaine à prendre pour titres officiels des qualifications indiquant une infériorité de rang et, de l’autre, le besoin d’une terminologie qui distinguât, énergiquement et simplement, les diverses catégories, de magistrats supérieurs ont de bonne heure eu pour résultat de faire les prætores majores abandonner le titre de préteur et, par conséquent, ce titre rester exclusivement à leurs collègues pourvus seulement de six faisceaux. Les deux préteurs urbains ont toujours été considérés, par rapport aux autres, comme ayant le rang le plus élevé ; ce qui se manifeste notamment dans l’éponymie qu’ils ont seuls[21].

Peu d’années après l’institution de la seconde préture, en 527, semble-t-il, on en créa encore deux autres[22]. L’occasion fut l’acquisition, en 513, de la portion carthaginoise de la Sicile, et, en 516, de l’île de Sardaigne ; desquelles l’administration fut confiée aux deux nouveaux magistrats supérieurs. La conquête de l’Espagne provoqua l’établissement d’un cinquième et d’un sixième postes de préteurs en 557[23]. Une loi, qui a probablement été rendue en 573, prescrivit que le nombre de préteurs à nommer alternerait annuellement entre quatre et six[24], vraisemblablement pour deux raisons : en premier lieus parce que le renouvellement annuel des préteurs s’était révélé comme impraticable pour les gouvernements lointains d’Espagne et qu’on voulait par là fixer leur durée, au moins en moyenne, à deux ans[25], et en second lieu, parce que la violence de l’ambitus à cette époque semblait demander qu’on restreignit le plus possible le nombre des magistrats. Mais, après qu’on eût ainsi élu une fois quatre préteurs pour l’an 575, cette loi fut, à son tour, écartée[26] et on a élu annuellement six préteurs jusqu’au temps de Sulla[27].

Mais, si le chiffre des places du collège des magistrats les plus élevés ne fut pas augmenté de 557 à 672, cela n’empêcha pas le nombre des départements de magistrats supérieurs qu’il fallait attribuer annuellement de se multiplier. D’une part, cinq nouvelles provinces d’outre-mer furent créées dans cette période : la Macédoine avec l’Achaïe, en 603 ; l’Afrique, eu la même année ; l’Asie, en 620 ; la Gaule Narbonnaise, vers 636 ; la Cilicie, probablement en 652. D’autre part, la préture avait à satisfaire de nouveaux besoins judiciaires. Le fait que celui auquel il incombait d’administrer une circonscription fixe d’outre-mer, ne pouvait pas commencer l’exercice de ses fonctions an moment oit il revêtait la magistrature en théorie, mais seulement à celui où il entrait dans son territoire, avait conduit à’employer les préteurs provinciaux, avant leur départ pour leurs provinces, à la direction de procès et. à d’autres fonctions auxquelles ils n’étaient aucunement destinés. Leurs fonctions furent encore augmentées dans une plus large mesure lorsque les préteurs furent chargés, à côté de l’institution des jurys, de leur présidence dans certaines catégories d’affaires. Le premier tribunal permanent, qui fut constitué en 605 pour les repetundæ, fut, à l’origine simplement présidé par le préteur pérégrin. Mais, dès l’an 631, une loi rendue sous l’influence de C. Gracchus, a établi un préteur spécial pour la cour des repetundæ (prætor repetundis)[28], et d’autres créations faites sur le même modèle ont suivi bientôt. Le nombre des départements à attribuer annuellement s’étant ainsi élevé progressivement au doublé des magistrats élus, il ne resta guère d’autre ressource que l’expédient fourni par la prorogation : l’emploi soit des ex-préteurs soit des ex-consuls dans les départements existant en surplus. C’est ainsi que la magistrature supérieure se transforma en fait de magistrature annale en magistrature durant deux ou plusieurs années.

La biennalité pratique de la magistrature et la participation pratique de proconsuls à l’administration des départements rigoureusement prétoriens, qui ont nécessairement existé avant Sulla, furent prises par lui comme basés dans son règlement de ces matières. Il éleva le nombre des préteurs de six à huit[29], et, tandis que selon l’ancien système, il y en avait deux d’affectés à la capitale et quatre aux départements d’outre-mer, les huit préteurs récurent tous ; dans la première année, des départements judiciaires dans la capitale et tous, dans la seconde, en qualité de propréteurs, des départements d’outre-mer. La même règle ayant été posée simultanément pour les consuls, lé préteur urbain vit par là se restreindre à de véritables exceptions son rôle antérieurement régulier de représentant dés consuls et fut ainsi mis en état de se consacrer essentiellement à l’administration de la justice, et les deux proconsuls constituèrent en outre deux magistrats de plus disponibles chaque année pour les provinces d’outre-mer. Les départements judiciaires qui, selon la constitution de Sulla, étaient soumis à la direction d’un préteur[30] étaient, en dehors de la préture urbaine et de la préture pérégrine, les questions repetundarum[31], ambitus[32], peculatus[33], majestatis[34], de sicariis et veneficis[35] et probablement falsi[36], entre lesquelles les préteurs se répartissaient pendant leur première année de magistrature. Aux neuf provinces existant avant Sulla s’ajouta en dixième lieu la Gaule Cisalpine[37]. Le nombre des juridictions et celui des provinces se trouvèrent ainsi normalement en équilibre avec celui des préteurs pour les unes et des propréteurs et des proconsuls de chaque année pour les autres.

Mais cet équilibre n’a pas subsisté longtemps. La loi sur l’usurpation du droit de cité rendue en 689 institua pour statuer sur cette usurpation un nouveau tribunal spécial présidé par un préteur[38] et des mesures analogues peuvent avoir été prises pour certains autres crimes tels que la capture d’hommes à main armée et l’usure. D’autre part, de nouvelles provinces s’ajoutèrent à la liste, ainsi la Bithynie, en 680 ; Cyrène, vers la même époque ; la Crète, en 687 ; la Syrie, en 690. — On ne créa d’autres postes de préteurs pour aucun de ces nouveaux départements[39]. On fut donc de nouveau conduit à recourir à des expédients, soit à la combinaison de deux juridictions dans les mêmes mains, ou à l’administration de questeurs remplaçant les préteurs et munis de la puissance prétorienne, ou à l’extension de la prorogation au delà du délai de deux ans. Ce fut César qui éleva successivement le nombre des préteurs à dix[40], quatorze[41] et seize, chiffre qui subsista, quelque temps[42]. Auguste ramena, semble-t-il, en 727, le nombre des préteurs à huit, auxquels s’ajoutèrent, en 731, les deux nouveaux prætores ærarii[43]. Leur nombre a été momentanément élevé sous son gouvernement à seize[44] ; en général, il fut, à la fin de son règne et dans les premières années de Tibère, de douze[45], dans la période subséquente de la dynastie julio-claudienne de quatorze, de quinze, de seize ou de dix-huit[46]. Il est probable que dans cette époque, le sénat délibérait chaque année sur le nombre des préteurs à élire et que ce chiffre était figé par sa décision. Les prætores ærarii disparurent sous Claude, sous lequel furent au contraire ajoutées deux nouvelles prétures relatives aux fidéicommis. Titus en supprima une ; à l’inverse, Nerva en établit une nouvelle pour les litiges entre le fisc impérial et les particuliers[47]. Le chiffre de dix-huit préteurs, déjà peut-être établi comme normal par Claude, a encore subsisté comme tel sous Hadrien[48], Nous ne savons si les compétences nouvelles attribuées postérieurement aux préteurs conduisirent à la création de postes nouveaux, ni en général s’il y a eu de nouvelles modifications dans le chiffre des places[49]. — La relation dans laquelle sont ce nombre des préteurs, accru, mais variable depuis César, et le nombre des départements prétoriens à occuper annuellement dans la capitale, — le rapport des départements proprétoriens à tirer au sort annuellement et du chiffre des ex-préteurs en droit de participer au tirage sera étudié dans le chapitre des Gouverneurs de provinces, — ne nous est connu qu’imparfaitement. Sous Néron, le nombre des préteurs était supérieur à celui des juridictions à tirer au sort[50], en sorte qu’une partie d’entre eux n’avaient de la magistrature que le nom et les jeux ; il est probable que cela a déjà été le cas sous César et cela peut bien s’être présenté ordinairement lorsque le chiffre de douze préteurs indiqué comme suffisant par Auguste était dépassé.

La préture a probablement été, dés sa fondation, légalement accessible aux plébéiens, quoique le premier plébéien n’y soit parvenu que trente ans plus tard[51]. Tite-Live a compris à la vérité cette exclusion de fait comme une exclusion de droit ; mais on peut invoquer en sens contraire, en premier lieu que, selon toute apparence, la loi licinienne a ouvert du même coup aux plébéiens le collège des magistrats supérieurs tout entier, en y comprenant la préture comme la dictature ; en second lieu qu’il n’est question, pour l’élection du premier préteur plébéien, que de scrupules du magistrat qui préside le vote et non d’une restriction légale et de son abrogation.

Nous avons déjà traité, à propos du consulat, des points qui doivent être relevés au sujet du mode d’élection des préteurs.

L’annalité de la préture a été, comme celle des autres magistratures, soumise à des oscillations dans la période de transition, de la République à la monarchie ; il y a eu soixante-sept préteurs dans la seule année 716[52], et la magistrature ne peut donc alors avoir duré en moyenne que trois mois. Cependant la règle de l’annalité a été rétablie lors de la réorganisation de l’État accomplie par Auguste et elle s’est depuis maintenue sans modification. — nous traiterons, au sujet des compétences prétoriennes, de l’extension de la préture au-delà du terme annal sous le titre de propréture.

Au commencement de l’année, le consul entre aussitôt en fonctions ; le préteur ne le fait, depuis qu’il y a plus d’un magistrat de ce genre, que pour les fonctions appartenant aux préteurs en général, mais non pour celles attribuées individuellement à chaque préteur. Le commencement de ces fonctions spéciales implique que le préteur a aussi reçu ces attributions et qu’il se trouve dans l’intérieur des limites auxquelles est restreint son rôle officiel. En vertu du premier principe ; l’exercice de la magistrature a commencé postérieurement à la magistrature pour tous les préteurs, tant que la sortition, dont nous nous occuperons plus loin, a eu lieu pendant la durée de leurs fonctions. En vertu du second, la magistrature commençait, pour les préteurs qui étaient en exercice hors de Rome, c’est-à-dire pour les gouverneurs, au jour légal ; mais le gouvernement ne commençait pour eux qu’au jour où ils entraient dans leur province[53]. Ils ne pouvaient antérieurement l’exercer, étant absents[54]. Car, le gouvernement continuant jusqu’à ce qu’on en soit relevé et un seul gouverneur pouvant l’occuper en même temps, les pouvoirs du nouveau gouverneur sont en suspens tant que ceux de l’ancien continuent. Les dérogations à cette règle, telles que l’acquisition du commandement des deux Espagnes, au sortir du consulat ; par Pompée resté en Italie[55], sont extrêmement rares et ne se sont présentées qu’à titre de privilegium. En principe, la règle est que, de même que la possession est indépendante de la propriété, le gouvernement subsiste, indépendamment de la durée de la magistrature, du jour où l’on entre dans la province à celui où l’on en sort. Un préteur qui est déjà magistrat, mais qui n’est pas encore en exercice, peut donc, parmi les actes officiels, exclusivement, accomplir ceux qui se rattachent a la qualité même de préteur, comme, par exemple, l’exercice du droit d’agir avec le sénat et le peuple, et ceux dont il a été chargé par un sénatus-consulte spécial, comme, par exemple, la solution d’un procès[56] ou, des enrôlements[57], mais non ceux de sa compétence propre. Le sénat a fréquemment contribué par de pareilles mesures à ajourner l’arrivée en son temps du nouveau gouverneur dans sa circonscription. D’autre part, il a aussi fréquemment provoqué des départs accélérés[58]. Mais nous n’avons pas connaissance de mesures, générales ayant pour but de réprimer le déplacement de l’entrée en fonctions[59], et, en tout cas, il n’y en a pas eu d’efficaces. L’impossibilité qu’il y avait en vertu de la législation, elle-même, aussi bien de celle antérieure à Sulla que de celle de Sulla, à ce que les gouvernements de provinces fussent revêtus rigoureusement en leur temps et le défaut de tout contrôle sur les retards qui résultaient de là, rentrent parmi les plus graves accusations qui puissent être formulées contre l’administration romaine.

La sortie de la magistrature et la sortie du gouvernement de province ne coïncident, pas plus que le commencement de la magistrature et celui du gouvernement. La durée du second est soumise aux règles sur la prorogation. Il est souvent arrivé qu’elle fut étendue à une seconde année par un sénatus-consulte ou même à une série d’années par la répétition de pareils sénatus-consultes ; au contraire, on ne rencontre pas de prorogation faite pour plus d’un an par une loi ou un sénatus-consulte avant l’envoi de César en Gaule en 695. Celui qui résigne le commandement après l’expiration de ses pouvoirs, perd en même temps de plein droit l’imperium. Cependant cette conséquence a, de bonne heure, été limitée en considération du triomphe. Sulla a, en outre, décidé que la remise du commandement entraînerait bien la fin des fonctions spéciales, mais que la magistrature subsisterait jusqu’au passage du Pomerium. Le préteur pouvait donc de nouveau, dans l’intervalle, comme entre son entrée en fonctions et le début de ses fonctions effectives, accomplir les actes qui se rattachaient à la magistrature générale, tels que ceux de juridiction volontaire, ou qui lui étaient confiés spécialement ; et, au cas de péril urgent, de pareils proconsuls ou propréteurs ont, plus d’une fois, reçu du sénat le mandat de procéder à des enrôlements ou d’exercer un commandement.

Nous avons déjà dit le nécessaire sur les insignes et notamment sur la question difficile de savoir si le préteur avait partout six licteurs ou en avait seulement deux dans la ville.

Nous avons également déjà expliqué que l’éponymie est aussi rentrée primitivement parmi les droits qui étaient communs aux consuls et aux préteurs, mais qu’elle est restée restreinte aux deux prétures urbaines et que, même pour- ces dernières, elle ne se rencontre sous la République que dans les dates rigoureusement officielles et fait absolument défaut sous l’Empire.

Si nous passons au tableau des fonctions des préteurs, il faut, avant tout, rappeler que, dans ce domaine, ce n’est pas le principe de la collégialité, mais celui des compétences limitées qui domine dès l’origine, un domaine nettement déterminé étant, d’une part, réservé à la préture et la collégialité étant, d’autre part, exclue de ce cercle. Tandis que les autres fonctions de la magistrature supérieure étaient organisées selon le système de- la collégialité, qu’en particulier le. commandement était bien restreint en fait dans les mains du préteur, mais ne lui était pas enlevé en droit, la juridiction effective lui a été réservée dès le principe ; la juridiction volontaire, qui rigoureusement n’en, est pas une, appartient seule aux consuls et au dictateur. Ce n’est pas là une nouveauté ; car, dès auparavant, la juridiction avait été refusée de la même façon au dictateur ; le nouveau système ne fit en réalité que mettre les consuls et le dictateur en face du préteur dans la situation où était auparavant le dictateur en face des consuls. — Au contraire, c’était une nouveauté absolue, et une nouveauté singulièrement féconde en conséquences théoriques et pratiques, que le retour au principe monarchique dans le cercle de la compétence prétorienne. Tant pour les fonctions législativement réservées au préteur que pour son rôle général de représentant, le préteur se distingue essentiellement du consul en ce que, lorsqu’il intervient pour agir, il n’a jamais à ses côtés un autre personnage ayant un droit égal de procéder au même acte. Ce principe se développa encore plus nettement lorsque de nouveaux postes de préteurs furent établis. Cet établissement fut constamment fait de façon qu’il n’y eut pas deux ou plusieurs préteurs appelés à agir en commun, mais que chacun fut compétent pour un ordre d’affaires déterminé. La juridiction civile, qui est l’origine de la préture, exclut la collégialité, depuis qu’elle a été retirée aux consuls. Il n’y a jamais eu, en matière de juridiction, de compétence spéciale établie pour le consul et il y en a toujours eu pour les préteurs.

La répartition des fonctions entre les consuls ne se rencontre pas dans l’administration de la capitale, elle ne se rencontre qu’à, titre facultatif dans celle du dehors ; elle s’y fonde, en première ligne, et même au sens strict partout et exclusivement, dans le cas ou Ton recourt à. l’expédient du tirage au sort comme dans les autres, sur l’entente amiable[60]. Chez les préteurs, au contraire, l’entente amiable est inadmissible, le tirage au sort des compétences (sortitio provinciarum) est légalement nécessaire[61], il est pour eux le préliminaire indispensable, non pas de leur activité générale de magistrats, mais de leur fonction spéciale, de la juridiction. En conséquence, le tirage au sort a été accompli, notamment à l’époque ancienne, le plus vite possible après l’entrée en charge[62]. Si, cependant, comme nous verrons bientôt, de longs débats ont fréquemment précédé la sortitio, il ne faut pas oublier, au moins pour le temps où l’année des magistrats commençait le 1er janvier, que l’année judiciaire était probablement encore l’ancienne année du calendrier commençant le 4 mars[63], et qu’il suffisait, par conséquent, que les préteurs entrés le 1er janvier eussent tiré leurs juridictions au sort avant le 1er mars. Lorsqu’ensuite la préture fut devenue biennale et à deux formes et que les préteurs procédèrent à deux tirages au sort, les deux sortitions furent, comme nous verrons plus loin, reportées à l’année qui précédait l’acquisition des deux compétences.

Le tirage au sort prétorien a été, bien que les lots fussent en général fixes et qu’au moins dans les cent premières années après son introduction, le chiffre normal des compétentes et celui des participants fussent égaux, compliqua par le fait que le sénat a eu, semble-t-il, dès le début, le droit de décider auparavant si tous les lots seraient soumis au tirage ou si on n’en écarterait pas certains pour leur substituer d’autres compétences fixées par le sénat à sa guise[64]. Après le tirage au sort, le sénat ne pouvait arbitrairement retirer leurs compétences aux magistrats ; mais les préteurs, à l’exception du préteur urbain, ayant le droit de quitter la ville ou leur province et de transférer par un mandat à un collègue les attributions que le sort leur avait conférées, on pouvait encore par cette voie réaliser un changement de résultat. Au contraire, le sénat est beaucoup plus rarement intervenu dans les questions de personnes en face de la sortitio légale des préteurs[65] qu’en face de la comparatio arbitraire des consuls. — La procédure suivie pour la détermination des compétences et leur tirage au sort a été essentiellement différente avant et après Sulla. Dans l’époque antérieure à Sulla, la règle première est que chaque compétence régulièrement établie doit être attribuée d’année en année — sauf lorsque, comme cela eut lieu pendant un certain temps pour les provinces espagnoles, la biennalité des fonctions est prescrite par la loi. La suppression d’un lot ou, après le tirage au sort, l’emploi du magistrat à d’autres fonctions ne peut donc se produire qu’à condition que la compétence en jeu ait été combinée avec une autre, soit au moment même du tirage au sort, soit ensuite à l’aide d’un mandat, ou bien soit occupée par voie de prorogation. L’arrivée d’une pareille modification ne dépend pas du magistrat qu’elle concerne, mais du sénat dont, au reste, les pouvoirs ne sont pas lés mêmes pour tous les lots.

1. La juridiction urbaine ne peut ni être omise dans le tirage des prétures annuelles, ni être transférée à un autre préteur après le tirage au sort ; elle doit, en toute circonstance, être et demeurer occupée par un préteur qui lui soit directement affecté.

2. Quant à la juridiction pérégrine, le sénat peut, à son gré, ou bien la combiner au moment du tirage au sort avec la juridiction urbaine[66], ou bien, après le tirage au sort, inviter le magistrat à qui elle est échue à transférer sa compétence par un mandat à son collègue urbain et à se mettre à la disposition du sénat[67]. Le sénat peut aussi organiser les lots : de telle sorte que le préteur pérégrin doive, en même temps que diriger son département propre, se tenir à la disposition du sénat[68] et même, au sens strict, l’attribution de la préture pérégrine par le sort doit toujours être comprise dans ce sens, alors même que cela n’aurait pas été formulé expressément. Le sénat a donc, par rapport à ce poste, une bien plus grande liberté d’action que par rapport aux autres postes prétoriens, même aux gouvernements de provinces[69] ; les fastes prétoriens qui nous ont été conservés par Tite-Live, montrent que durant la guerre d’Hannibal ; par exemple, la préture pérégrine a été supprimée presque constamment[70]. — C’est le système du Ve siècle. Postérieurement, on n’aperçoit plus d’indice de cette liberté de disposition du sénat par rapport à la préture pérégrine, Elle lui a probablement été retirée lorsque fut constituée, en 605, la nouvelle cour de justice chargée des repetundæ et que la présidence en fut confiée au préteur pérégrin. Tout au moins la liberté du sénat de disposer de ce magistrat n’était sans doute pas conciliable avec ce nouveau système. On comprend que, lorsque, trente ans plus tard, cette présidence a été retirée au préteur pérégrin, le sénat n’ait pas recouvré son ancien pouvoir ; au reste, en présence de l’énorme fardeau d’attributions qui devait peser à cette époque sur le préteur urbain, il aurait été matériellement impraticable de le surcharger des attributions de son collègue urbain en employant ce dernier ailleurs.

3. La suppression d’un des gouvernements provinciaux organisés d’une manière stable n’a probablement pas été regardée, à la façon de celle de la province pérégrine, comme, rentrant en principe dans les pouvoirs du sénat ; on y a vu, tant que le nombre des gouvernements et celui des préteurs qui y étaient destinés fut en équilibre, une dérogation aux lois qui ne pouvait être provoquée que par une loi ; il est tout au moins établi qu’on a procédé de la sorte en l’an 546[71], et il n’y a aucun motif d’admettre que les autres dérogations à la règle n’aient pas été accomplies d’une manière pareille ou analogue. Mais ces dérogations se sont déjà fréquemment présentées dans cette période[72], et lorsque, à partir de l’an 608, le nombre des préteurs affectés aux provinces est devenu inférieur à celui des provinces à attribuer annuellement, la séparation devenue indispensable a sans doute été faite par le sénat. Le vide était comblé ou par combinaison de plusieurs départements ou par prorogation. Le premier procédé ne se trouve appliqué qu’une seule fois dans la période antérieure à Sulla : les deux provinces d’Espagne furent rassemblées dans une même main, dans les années 583 à 586, pour la durée de la guerre de Persée[73]. En présence des objections pratiques et politiques que soulevaient de pareilles mesures, il est probable que cette combinaison n’a eu lieu que sur l’approbation donnée par le peuple, non seulement à la suppression de la magistrature, mais à la combinaison elle-même[74]. Habituellement on comblait le vide par voie de prorogation, en général, en étendant la durée des pouvoirs de celui qui était déjà en fonctions[75], mais parfois aussi en chargeant du département un préteur précédemment occupé ailleurs[76].

4. Le sénat avait, semble-t-il, le droit illimité d’ajouter de nouvelles compétences non prévues par la loi tant que des magistrats restaient disponibles. Comme nous l’avons précédemment expliqué, c’était principalement le préteur directement affecté à la juridiction pérégrine qui restait en fait à la disposition du sénat, de telle sorte que ce dernier pouvait lui attribuer le commandement qu’il voulait ou toute autre compétence convenant à un magistrat cum imperio. Si, de plus, une ou plusieurs des provinces d’outre-mer étaient soustraites au tirage au sort, .le sénat acquérait par là même, ou tout au moins s’arrogea, sans rencontrer de résistance, le droit d’intercaler parmi les lots autant de compétences déterminées ou même à déterminer[77] à son gré. En particulier, dans la période où, par suite de la prolongation de durée des gouvernements d’Espagne, il y avait souvent plus de préteurs que de lots, le sénat a eu là une large liberté : ainsi, par exemple, il a, en 564, intercalé parmi les lots deux commandements italiques et le commandement en chef de la flotte, soit trois lots extraordinaires, sans avoir besoin d’assigner au préteur pérégrin d’autre destination[78]. Mais le sénat pouvait aussi introduire un nouveau département, en liant la prorogation à un changement de compétence[79]. Enfin, toute compétente extraordinaire, une fois établie, pouvait être prorogée aussi bien qu’une compétence ordinaire. En réalité, le sénat avait donc, en fait, à décider combien il y aurait chaque année de magistrats supérieurs investis de fonctions extraordinaires[80].

Ces compétences ajoutées à titre extraordinaire ont pour objet principal un commandement militaire subordonné à celui des consuls. C’est un point que nous expliquerons plus tard. Mais cependant des compétences criminelles ont aussi été créées par ce procédé, au moins quant au résultat.

Quand le tirage au sort a eu lieu, il faut, sans aucun doute, une loi pour modifier les compétences ainsi fixées[81]. La liberté d’action du sénat finit avec le tirage au sort des provinces, sauf lorsque une vacance est produite par la mort ou par démission.

Ce système de sortition prétorienne a subsisté essentiellement jusqu’à Sulla. A partir de là on rencontre un autre système de sortition, qui, du reste, avait déjà probablement été préparé de diverses façons et que Sulla ne fit que conduire à sa conclusion et réglementer. Ses règles fondamentales sont les suivantes :

1. Tandis que, selon l’ancien système, il n’y avait que les magistrats annaux à tirer au sort leurs compétences, que ce fussent des juridictions ou des gouvernements, et que les compétences de l’année ou des années suivantes étaient réglées, en général, par des sénatus-consultes personnels, la préture est désormais fractionnée et biennale : chaque préteur revêt, dans son année de magistrature, une juridiction et, dans l’année suivante, un gouvernement, et les magistrats procèdent à deux tirages au sort : à un premier, en qualité de préteurs pour les juridictions, et à un second, en qualité de propréteurs pour les gouvernements. Le premier tirage au sort, celui relatif aux juridictions[82], avait probablement lieu immédiatement après la désignation ; en sorte que désormais l’acquisition de la magistrature et le commencement de l’exercice des fonctions eurent lieu en même temps pour la préture comme pour le consulat. Le second tirage au sort continua à avoir lieu, comme au temps où la préture était annale, dans le cours de Vannée de magistrature, ce. qui avait pour résultat que les préteurs pouvaient partir pour leurs provinces aussitôt après l’expiration de leur première année de magistrature et qu’il n’y avait que le temps du voyage entre le commencement de l’année provinciale et l’acquisition de la province.

2. Il n’est question nulle part d’un règlement spécial des juridictions fait par le sénat, avant leur tirage au sort entre les préteurs, et le système de Sulla peut fort bien avoir eu pour but de permettre de s’en passer. Même pour l’époque où il y a eu plus de juridictions que de préteurs, il n’est pas absolument indispensable d’en admettre un. Ainsi, par exemple, la quæstio ex lege Papia pouvait être combinée par la loi avec une des compétences anciennes, comme la quæstio repetundarum a été liée, pendant un certain temps, à la préture pérégrine. Mais il reste néanmoins toujours vraisemblable que le sénat était libre là, comme dans Je second tirage. au sort qui était plus important, de modifier à titre isolé le régime existant, en particulier de combiner deux juridictions[83] et de, se rendre ainsi le champ libre pour employer autrement les magistrats. Quand une pareille décision était prise, elle devait nécessairement l’être dès l’année de la désignation[84].

Sous l’Empire, le tirage au sort des juridictions est soumis aux règles qui régissent alors le tirage au sort des provinces sénatoriales issu du second tirage au sort des préteurs. Des personnes privilégiées y ont été plus d’une fois soustraites au tirage au sort et ont reçu personnellement leur compétence du sénat[85] ; en outre, ceux qui avaient des enfants et ceux qui étaient mariés avaient le privilège de ne pas les tirer au sort et de les choisir[86].

3. Le tirage au sort des gouvernements de province continua à être réglé annuellement par un sénatus-consulte préalable spécial. Et on ne pouvait procéder autrement. Même alors, le nombre des gouvernements à attribuer annuellement excéda d’ordinaire, tout au moins tant que dura la République, le nombre des magistrats dont on disposait pour les occuper et ce déficit normal a encore été accru dans une proportion notable par le pouvoir arbitraire reconnu, ou plutôt toléré chez chacun de refuser un gouvernement et par l’usage qu’en firent beaucoup de magistrats. Il fallait, par conséquent, pour chaque année, écarter certaines provinces. Le décret rendu à ce sujet, l’était encore en général, dans cette période, au début de l’année de magistrature proprement dite, donc au commencement de l’année qui précédait celle du gouvernement, ou au plus tard dans son cours, afin de permettre aux gouverneurs de procéder à temps au tirage au sort et de partir à temps. — Le tirage au sort des provinces prétoriennes lui-même sera plus commodément exposé dans le chapitre consacré aux gouverneurs de provinces.

4. Les vides continuent à être comblés ordinairement par prorogation, exceptionnellement par combinaison de deux départements. Sur la prorogation, il n’y a aucune remarque à faire, si ce n’est que, depuis que la seconde année de magistrature fut devenue constante, la prorogation extraordinaire fut reportée à la troisième année et à celles qui suivaient. La combinaison de plusieurs gouvernements apparaît alors, encore plus qu’auparavant, comme inconciliable avec l’essence de la République. C’est déjà un signe de dissolution que le consul César reçoive ainsi, en 696, les deux Gaules et même la seconde seulement par un sénatus-consulte et que le consul Pompée reçoive, en 699, les deux Espagnes par une loi. En la forme, le système des combinaisons de provinces était pratiqué, en partant de la règle selon laquelle le gouverneur doit nommer un représentant quand il quitte sa province avant l’arrivée de son successeur ; il instituait toujours un représentant pro prætore pour la province dans laquelle il ne se trouvait pas pour le moment[87].

5. A l’époque ancienne, les départements prétoriens et leur répartition n’avaient rien de commun avec les départements consulaires ni avec leur répartition : ils existaient indépendamment à côté d’eux, même quant aux nombres[88]. Les consuls avaient le gouvernement de l’Italie et la conduite des guerres extérieures ; si, comme il arrivait assez rarement, ils avaient à faire une de ces guerres dans une province prétorienne, cela n’avait en droit aucune influence sur la compétence prétorienne instituée relativement à cette province. Pourtant il semble être arrivé, dès avant Sulla, à titre d’exception isolée, que le consul prit positivement, durant ses pouvoirs ou après leur expiration, une province prétorienne[89], et, au temps de Cicéron, probablement depuis Sulla, les ex-consuls administrent légalement l’une des provinces prétoriennes proprement dites tout comme les ex-préteurs. Mais, d’une part, ils ne procédaient qu’à un seul tirage au sort, car leurs fonctions urbaines continuèrent à n’être pas soumises à la sortitio, et, d’autre part, ils y procédaient à part et seulement s’ils n’arrivaient pas à s’entendre entre eux sur leurs provinces ; car le droit de comparatio leur restait toujours[90]. Le droit de fixer les provinces consulaires pour chaque année, confirmé au sénat par la loi Sempronia de 631, n’avait d’autre effet que de lui permettre de séparer de la série des provinces à conférer les deux provinces qui devaient être les provinces consulaires de l’année[91]. Selon la loi Sempronia, il devait le faire avant que les consuls en question ne fussent désignés[92] ; puis ceux-ci devaient s’entendre ou tirer au sort avant d’entrer en fonctions. Les provinces consulaires étaient donc chaque fois concédées un an plus tôt que les provinces prétoriennes. Par exemple, si tout se passait régulièrement, les provinces consulaires étaient déterminées par le sénat pour l’an 700, avant l’élection des consuls, par conséquent en 698, puis, les consuls désignés les tiraient au sort après l’élection, donc dans la seconde moitié de 698, et, en revanche, les provinces prétoriennes pour la même année n’étaient déterminées par un sénatus-consulte qu’au commencement de 699 et étaient alors aussitôt tirées au sort[93]. Les résolutions annuelles sur les provinces consulaires et prétoriennes n’étaient donc pas connexes ; car elles se rapportaient à des années différentes, et la résolution, assurément préparatoire et préjudicielle quant aux provinces prétoriennes, qui avait été prise sur lés provinces consulaires correspondantes, l’avait été l’année auparavant. On aurait pu indifféremment commencer par l’une ou l’autre dés décisions ; mais il était d’usage de régler d’abord les provinces consulaires, puis les prétoriennes.

6. Le sénat conserva comme auparavant le droit d’intercaler parmi les départements des compétences extraordinaires. Il suffit de rappeler l’an 684, dans lequel furent confiées extraordinairement la guerre contre Mithridate aux deux consuls et la guerre navale contre les pirates au préteur M. Antonius. Cependant ces exceptions pouvaient désormais aussi bien se rapporter aux compétences de la première année de fonctions qu’à celles de la seconde. En outre, les comices sont, à cette époque, fréquemment intervenus en pareille matière.

Le tirage au sort des gouvernements de provinces devenus des magistratures indépendantes, qui est issu par la suite de la sortition prétorienne et consulaire faite pour la seconde année de fonctions, sera exposé dans le chapitre relatif à ces gouvernements.

Après avoir étudié la délimitation des compétences entre les préteurs, nous passons à l’exposé des fonctions des préteurs, en écartant seulement le gouvernement des provinces qui fera l’objet d’une étude spéciale.

L’activité ordinaire du préteur a pour point de départ l’exercice de la juridiction civile et s’y est pendant longtemps essentiellement restreinte. Si le mot prætor a, dans son étymologie et dans son acception la plus ancienne, un sens très différent, on lui a pourtant, à l’époque historique, constamment attribué pour rôle de désigner le juge civil le plus élevé. C’est en ce sens que le titre est porté non seulement par le préteur urbain et le préteur des étrangers, mais par les administrateurs des provinces d’outre-mer, qui sont considérés en première ligne comme les chefs de départements judiciaires distincts, et en outre par les chefs des questions permanentes les plus importantes, qui tirent aussi leur origine de la justice civile, et enfin par- les magistrats municipaux les plus élevés des cités du Latium, qui, après la perte de l’imperium militaire n’ont conservé que l’imperium judiciaire[94]. — Mais cette compétence propre des préteurs[95], en tant qu’elle doit être examinée dans un traité comme celui-ci, a déjà trouvé sa place dans le tableau des attributions générales des magistrats supérieurs. Il nous reste ici principalement à étudier le développement postérieur de la juridiction prétorienne.

La division de compétence faite entre les préteurs, en ce qui concerne la juridiction, a lieu soit ratione materiæ, soit ratione loci. Elle a lieu au dernier point de vue pour les préteurs provinciaux par opposition aux préteurs urbains et au premier pour les préteurs qui sont concurremment en exercice dans la capitale. La délimitation des deux juridictions urbaines résulte déjà de la désignation du prætor urbanus comme celui qui inter cives jus dicit en face du collègue qui inter peregrinos jus dicit. Les peregrini doivent probablement être entendus au sens ordinaire, en excluant les Latini qui sont justiciables du préteur urbain (VI, 2). Le préteur pérégrin statuait non seulement dans les procès tranchés à Rome entre deux pérégrins, mais aussi dans les cas où le demandeur était pérégrin et le défendeur citoyen[96] ou, à l’inverse, le demandeur citoyen et le défendeur pérégrin : cela ne soulève aucun doute et c’est exprimé par la désignation, à la vérité plus récente de cette juridiction comme établie inter cives et peregrinos. Sans aucun doute le point de départ de l’institution a été dans la seconde des trois catégories de litiges ; car, à l’époque ancienne, avant que les pérégrins ne fussent venus en foule résider à Rome, les procès civils, dans lesquels un d’eux pouvait être poursuivi à Rome, n’ont dû se présenter que dans une mesure restreinte[97]. — Il est parfois advenu que le sénat ait renvoyé des affaires qui ressortissaient au sens propre du préteur urbain au préteur pérégrin[98], et d’autres qui ressortissaient de ce dernier à un des préteurs provinciaux avant son départ pour sa province[99].       

Une fraction essentielle de la compétence judiciaire du préteur est son droit de ne pas décider seulement à titre isolé les litiges particuliers, mais de faire publiquement connaître aux intéressés les règles générales selon lesquelles il statuera. En particulier, l’édit que les préteurs rendaient, selon l’ancien usage, au moment de leur entrée en fonctions ou auparavant, est devenu, jusqu’à un certain point, en vertu du rôle presque législatif exercé par le magistrat qui dirige la juridiction civile, une codification prétorienne du droit privé, à la fois stable et soumise à une révision annuelle. D’ailleurs, cette codification n’a pas un caractère général ; elle se présente, selon les sphères de juridiction, comme édit du préteur urbain ou du préteur pérégrin[100], comme édit des divers préteurs provinciaux[101] ; et les départements judiciaires qui n’ont été ajoutés à ceux-là que sous l’Empire, par exemple, ceux institués en matière de tutelle et de fidéicommis, ont eux-mêmes donné lieu à des formations analogues, sinon identiques[102]. Nous avons déjà remarqué que l’auteur de l’édit n’était pas lié en la forme par sa publication, mais que la loi Cornelia de 687 rendit cet édit légalement obligatoire pour lui et prescrivit au préteur de ne pas s’écarter arbitrairement des règles posées par lui à son entrée en charge. Mais il serait en dehors des limites du droit public romain d’étudier dans le détail cette codification aussi mémorable que riche en conséquences, toujours arrêtée et pourtant en mouvement constant, qui a été indubitablement un des produits les plus parfaits de la République romaine, et qui demeure encore un phénomène grandiose dans son arrangement mutilé du temps de l’Empire.

La compétence prétorienne reçut une transformation essentielle par suite de l’introduction des grands jurys criminels, qui sont d’ordinaire désignés du nom de quæstiones perpetuæ. La procédure civile primitive a deux bases : l’existence de deux parties en litige ; la séparation de la question, qui est posée par le magistrat, et de sa solution, qui est donnée par le juré, sans que le magistrat participe personnellement à la dernière phase, au judicium proprement dit. La procédure criminelle primitive ne connaît ni parties ni jurés ; le magistrat y cherche — quærit[103] — et statue seul, par une décision qui peut ensuite, si les conditions de la provocation sont réunies et si cette dernière est formée, être cassée par le peuple. Il est difficile que l’on ait rassemblé des conseillers (consilium), dans le dernier cas, où matériellement c’étaient les comices qui décidaient ; quand les comices n’étaient pas compétents, la coutume générale romaine peut s’être appliquée là[104]. L’importance politique des actions en restitution de deniers injustement extorqués, intentées par les provinciaux contre les magistrats romains (repetundæ), provoqua en l’an 605 l’institution pour ces cas d’une cour de justice spéciale et renforcée, dans laquelle le magistrat dirigeait même la procédure d’information : Cette formé de procédure était, comme l’exprime la double dénomination de quæstio et de judicium publicum[105], d’un caractère hybride : elle était empruntée pour partie à l’ancienne procédure criminelle et pour partie à la procédure civile. Elle ressemblait extérieurement à la phase de la procédure criminelle, qui est la première et, au cas où il n’y a pas de provocation, l’unique, en ce que le magistrat y rassemble un conseil et que les jurés qui figurent dans les procès de repetundæ s’appellent également consilium, tout en ayant leur pouvoir élevé du conseil au jugement. La séparation du jus et du judicium, qui est le caractère extérieur le plus saillant de la procédure civile, est écartée dans cette procédure. Et ces analogies extérieures ont conduit à considérer cette procédure comme une quæstio, à désigner le magistrat qui la préside comme celui qui de ea re quærit[106] ou comme un quæsitor[107], ou même comme un judex[108]. Mais, pesée rigoureusement, cette procédure se révèle plutôt comme une procédure civile renforcée dans un intérêt public, comme un judicium publicum. Avant tout, les parties y restent toujours, et c’est une, parole creuse que de nommer le magistrat quæsitor. Ce n’est pas à lui qu’il incombe de rassembler et de produire les preuves, c’est au demandeur ; son droit de de ea re quærere n’est au fond ; comme on l’appelle souvent aussi, qu’un droit de judicium exercere[109], la présidence d’un jury quine pourrait se passer de direction à cause du grand nombre de ses membres. Les autorités compétentes pour les procès civils restent aussi : dans la première période de ce développement, l’action relative aux fonds dérobés par un magistrat romain à des non romains est déférée, selon les règles du droit, au préteur des pérégrins, et la préture, qui n’a rien à voir dans là procédure criminelle, a toujours conservé la direction des quæstiones. Les jurés, qui sont étrangers à la procédure criminelle, portent à la vérité ici le nom de consilium ; mais ils rendent en réalité leur décision absolument dans les mêmes formes que les récupérateurs de la procédure civile. On voit même subsister, dans la première période de la procédure des quæstiones, le mode traditionnel d’exercice dés actions civiles, la legis actio sacramento, qui fut, à la vérité, remplacée plus tard par une autre procédure. La nouvelle quæstio se meut aussi primitivement dans le domaine du droit civil et se restreint à des faits délictueux dans lesquels la punition du coupable est bien requise par un intérêt public élevé, mais a lieu essentiellement dans l’intérêt de la partie lésée. Cependant la quæstio a été étendue, dès avant Sulla, à certains cas qui auraient dû donner lieu à des poursuites criminelles, et Sulla en a fait la procédure criminelle ordinaire[110]. La conduite de la procédure criminelle est par là devenue en principe une portion de la compétence prétorienne ; et nous avons déjà, expliqué que non pas toutes les juridictions spéciales de cette espèce, mais les plus importantes, ont été confiées à des préteurs dans le cours du vue siècle.

A ces attributions des préteurs de la République se sont ajoutées sous l’Empire certaines compétences spéciales de droit civil ou limitrophes du droit civil, qui constituèrent désormais les départements répartis entre les préteurs avec les anciennes compétences du préteur urbain et du préteur pérégrin et avec les diverses questions tant que ces dernières, ont subsisté. Ces compétences sont les suivantes :

1. L’administration de l’Ærarium jusqu’alors conduite par les deux questeurs urbains et une bonne part des fonctions de tuitio et de justice jusqu’alors exercées par les censeurs furent transférées en 731 à deux prætores ærarii. C’est un point dont il sera question au sujet de la questure.

2. La présidence de la cour de justice qui statue sur les procès de successions, la présidence des centumviri, appartient, à côté et au-dessus des decemviri litibus judicandis, au prætor hastarius[111]. Cette organisation est étrangère à la période républicaine, sous laquelle la présidence de ces procès incombe à d’ex-questeurs[112] ; mais elle existe peut-être déjà sous Auguste[113].

3. La solution des contestations relative aux fidéicommis, qui avait été confiée par Auguste aux consuls, est partagée depuis Claude, entre eux et deux prætores réduits, depuis Titus, à un prætor fideicommissarius ou supremarum.

4. Les procès entre le fisc impérial et les particuliers ont été attribués par Nerva à un préteur spécial. Il est ici spécifié expressément que ces procès étaient, comme tout autre procès civils, jugés selon la voie du droit commun, par des jurés tirés au sort.

5. La nomination des tuteurs, à laquelle les consuls avaient pourvu dans la première période de l’Empire, fut transférée par l’empereur Marc-Aurèle ; peut-être à raison du changement trop fréquent des consuls, à un prætor tutelarius ou tutelaris[114].

6. La direction des procès de liberté appartient au prætor de liberalibus causis[115]. L’origine de cette institution est inconnue ; l’existence ne peut en être établie que depuis le commencement du IIIe siècle.

La subsistance des prétures de quæstiones[116] et de la préture des pérégrins, ne peut être établie au-delà du commencement du IIIe siècle[117], et la juridiction du préteur urbain elle-même ne semble pas avoir survécu à la réforme de Dioclétien[118]. Au contraire, il y a plusieurs, de ces compétences spéciales, en particulier la préture tutélaire et celle des procès de liberté qui sont passées dans les institutions de l’État du IVe siècle[119] et dont on trouve encore la copie dans les institutions municipales de Constantinople.

De même que le magistrat supérieur a, en sa qualité de général, le choix des officiers et des soldats, il a, comme juge suprême, celui des auxiliaires dont il a besoin pour l’introduction des procès et pour leur jugement. De même que l’exposition du premier point ne peut être faite d’une manière suffisante que dans une étude de l’organisation militaire romaine, celle des institutions très multiples relatives au second ne peut l’être que dans une étude spéciale de l’organisation judiciaire. Cependant, il est indispensable, surtout pour l’intelligence exacte de certaines des magistratures inférieures, d’indiquer au moins les grandes lignes du système de nomination des auxiliaires suivi dans la justice civile et de la procédure des quæstiones qui en est issue.

Le domaine légal de la préture comprend, à l’origine, avons-nous vu, seulement les procès privés, c’est-à-dire les litiges portés par deux parties en contestation devant le magistrat, et il exclut, au sens strict, les procès entre le peuple et les particuliers, qu’ils soient d’ordre pécuniaire ou pénal. Mais, ainsi que nous l’avons déjà indiqué, la représentation du peuple par un citoyen isolé ayant toujours été admise de plus en plus largement, on arriva plus tard, soit sous la forme d’actions populaires, soit sous celle des procès de questions, à revêtir des formes de la procédure civile une grande partie des procès du droit du patrimoine existants entre le peuple et les particuliers et presque tous les procès criminels, et ils entrèrent par là, pour une grande partie, dans la compétence prétorienne. — La procédure civile a pour base l’institution du jury, qui est au contraire étrangère à la procédure criminelle. Cette institution entrain, à son tour, la division de l’instance en deux phases, celle qui concerne exclusivement le magistrat (ius) et qui finit avec le détermination des parties, des jurés et de l’objet du litige et celle du jugement qui est rendu parle juré ou les jurés, soit seuls, soit sous la présidence du magistrat (judicium). Il y a des auxiliaires pour les deux périodes.

Dans la procédure in jure, on ne rencontre d’auxiliaires, que pour un cas. L’extension du territoire romain conduisit, depuis la seconde moitié du Ve siècle, à établir dans différents lieux de l’Italie, pour l’administration de la, justice civile, un certain nombre de succursales, dont les préposés, les præfecti, furent d’abord nommés par le préteur urbain, puis, plus tard, élus par les comices. Vers la fin de la République, ces succursales furent, à la suite du développement du régime municipal dans les cités de citoyens, rendues inutiles par l’établissement général des justices municipales ; elles furent, en conséquence, abolies par Auguste, ainsi que nous l’exposerons plus loin, dans la section consacrée aux præfecti Capuam Cumas.

Le caractère même de la procédure in judicio en fait le siège du concours auxiliaire des jurés. Le préteur a eu, dès le principe, pour droit et pour devoir de nommer les jurés, dont on fait remonter l’établissement au début de la République, et il a également la faculté de retirer son mandat au juré[120]. Cependant, en ce qui concerne la nomination, il est naturellement lié par les règles de capacité établies par la loi pour les divers procès[121]. Ces règles présentent des différences multiples, soit d’après le tribunal, soit d’après la nature de l’action. Ce sont des prescriptions diverses qui s’appliquent, selon que c’est le préteur urbain, le préteur pérégrin, le préteur des repetundæ ou un préteur provincial qui instruit l’affaire. Les affaires instruites devant le même préteur ne sont pas elles-mêmes soumises à des règles absolument semblables : la nomination de l’anus judex et celle des récupérateurs ont lieu selon des principes divergents et, même lorsque l’espèce de juge est la même, la capacité dépend fréquemment du montant et du caractère de l’objet du litige. L’exposition de ces règles rentre dans celle de l’organisation judiciaire ; cependant, nous traiterons plus loin, dans un autre ordre de développements (VI, 2), des avantages faits sous ce rapport, soit aux sénateurs, soit aux personnes riches, c’est-à-dire aux hommes ayant le cens équestre ou encore le cens de la première classe[122]. Ici, où nous exposons les droits des magistrats, nous n’avons à discuter qu’un point : la mesure dans laquelle le droit des préteurs de nommer les jurés a été restreint, soit par la confection d’une liste générale des jurés, soit par l’intervention du vote populaire.

Le préteur a été lié de façons très diverses par les lois fixant la capacité d’être juré. La plus ancienne et la plus importante de ces dispositions est celle qui, de toute antiquité, réserve aux sénateurs les fonctions de juré dans la procédure civile ordinaire de la capitale[123] ; la raison en est probablement que la décision des procès civils appartient en soi au roi assisté de membres de son conseil et que, lors de la séparation du jus et du judicium, le second fut soumis à une personne appartenant à ce conseil. C’est ainsi que la liste du sénat constitue en même temps à l’origine la liste des jurés. Lorsque ensuite la révolution des Gracques mit les tribunaux équestres à la place de ceux du sénat, la première liste fut, remplacée dans ce rôle par celle des possesseurs du cheval public. La rédaction d’une liste distincte des personnes ayant qualité. pour figurer dans les jurys de l’année ne devint une nécessité qu’en 684, lorsque la lai Aurelia attribua les places de jules aux trois classes des sénateurs, des chevaliers et des tribuni ærarii ; la confection de cette liste qui ne comprenait pas toutes les personnes appartenant aux trois classes, mais un nombre déterminé d’entre elles, a été confiée au préteur urbain[124] et elle est restée entre ses mains jusqu’au Principat où elle passa à l’empereur.

C’est toujours le préteur dirigeant la procédure préalable qui nomme le juré ou les jurés dans la procédure civile et dans là procédure symétrique des quæstiones. Mais, quand il n’y a pas de loi spéciale en décidant autrement, le préteur en question est lié par la liste des jurés, que cette liste soit celle des sénateurs, celle des equites equo publico ou encore une liste propre dressée à cette fin. Au début, le préteur choisissait lui-même pour chaque cas sur cette liste le ou les jurés. Plus tard, nous ne savons depuis quand, l’usage s’est introduit qu’au moment où il entrait en fonctions, il dressât et publiât, en même temps que le programme de son administration, une liste plus restreinte des jurés qu’il nommerait ; le motif essentiel de cette innovation a probablement été que, depuis qu’il y avait divers préteurs les uns à côté des autres, on n’aurait pu pratiquement se tirer d’affaire sans une division de la liste totale. Selon l’organisation donnée sous l’influence de C. Gracchus à la procédure des repetundæ, le préteur qui dirige cette branche de la justice est invité à dresser ainsi, dans les dix jours de son entrée en charge, une liste comprenant un nombre déterminé de jurés capables, par laquelle il sera ensuite lié pendant toute la durée de ses pouvoirs[125]. Il est probable qu’une liste spéciale de jurés semblable était dressée pour chacune des autres questions permanentes par son président actuel. Le préteur urbain et le préteur des étrangers peuvent avoir fait de même ; car plusieurs magistrats en fonctions les uns à côté des autres n’auraient pas pu facilement se servir de la même liste de jurés sans qu’il intervînt de subdivision. Il n’y en a pas moins, dans cette publication faite, dès l’entrée en charge, du tableau des jurés qu’on pourra nommer dans l’année, une restriction essentielle des pouvoirs du magistrat analogue à celle résultant de la publication de l’édit d’entrée en charge.

La liste générale du jury ne s’applique cependant pas à tous les procès intentés dans la capitale et elle est absolument étrangère à ceux intentés hors de Rome. Pour les procès de successions intentés à Rome, il existait déjà, au milieu du vue siècle et probablement dès une époque antérieure[126], un système de jury différent, dont la base est une liste des jurés compétents dans les procès de succession, dressée probablement par les soins du préteur urbain à raison de trois hommes par tribu, la liste des cent hommes, comme on les appelle[127]. — Dans les provinces, il y a également des listes de jurés, mais les gouverneurs ne semblent pas avoir été jamais liés par elles[128].

Le droit des magistrats de nommer les jurés a été, comme leur droit de nommer les officiers, restreint par l’intervention du vote populaire ; mais seulement dans une plus faible mesure. Les decemviri litibus judicandis qui statuaient sur les procès de liberté et les tres viri capitales, qui statuaient sur certains procès, civils quant à la forme à criminels quant au fond, et qui, d’ailleurs, à côté de ces fonctions de jurés, assistaient de façons multiples les préteurs urbains dans l’exercice de leur juridiction, ont été, verrons-nous dans les sections qui leur sont relatives, élus par les comices à l’époque récente. — Pour les instructions qui furent faites pendant la guerre sociale en vertu de la loi Varia de majestate, la liste des jurés fat dressée, aux termes de la loi Plautia de 665, non pas à la vérité par les comices, mais par les diverses tribus, dont chacun désigna au scrutin quinze jurés[129]. Cependant ce n’était qu’un système transitoire et on n’y est pas revenu par la suite. Nous ne connaissons point d’autre cas du même genre.

Sous l’Empire, le prince dresse la liste générale du jury et les diverses autorités judiciaires ont seulement le droit d’en extraire leurs listes spéciales de jurés[130].

Il n’a jusqu’à présent été question que de la compétence réservée au préteur, de la juridiction civile avec ses dépendances étendues ; car la préture provinciale et la présidence des questions tirent leur origine de la juridiction civile. En autre, le préteur possède toutes les attributions consulaires. Il les possède essentiellement toutes, mais seulement à titre auxiliaire : le consul en est le détenteur ordinaire et en sa présence le préteur ne les exerce que sur un ordre spécial[131] ; au contraire, il les exerce régulièrement en son absence[132]. Le rôle ainsi joué, par le préteur ne constitue pas du tout légalement une représentation en forme ; il y a là tout simplement une conséquence du principe que le préteur est le collègue des consuls et possède des attributions semblables aux leurs qui ne sont écartées comme plus faibles qu’au cas de conflit. Cette représentation intervenant spécialement pour les affaires de la capitale au cas d’absence des consuls, elle se manifeste particulièrement chez le préteur urbain ; mais le préteur pérégrin y participe également[133] ; elle s’étend même aux préteurs provinciaux ; car, d’une part, il peut aussi arriver pour eux qu’un consul et un préteur exercent leurs pouvoirs dans une même circonscription, et, d’autre part, les fonctions consulaires qu’il faut accomplir dans sa circonscription rentrent, à l’égal de la juridiction, dans la compétence du préteur provincial. Une loi spéciale peut aussi appeler à agir dans un cas donné un préteur déterminé ; c’est ainsi, par exemple, que le préteur pérégrin est appelé à remplacer le curator aquarum, à l’exclusion du consul et du préteur urbain, auxquels cette représentation eut dû, d’après les règles générales, incomber en première ligne[134]. — Un examen détaillé de cette fraction importante des attributions des préteurs n’aurait d’autre résultat que de nous conduire à des redites infinies, l’essentiel ayant déjà été indiqué à propos du consulat. Quelques remarques suffiront donc ici.

L’imperium militaire ne fait pas du tout défaut au préteur, comme l’imperium judiciaire manque au consul. Son imperium est plus faible, mais plus complet que celui du consul. Le préteur urbain lui-même, quoiqu’il soit enchaîné à Rome par ses fonctions, ne peut pas seulement procéder à tous les actes qui rentrent dans le commandement et qui s’accomplissent dans le territoire urbain, ainsi notamment au dilectus[135] ; il a aussi exercé le commandement sur le territoire militaire, le cas échéant en personne[136] et très souvent par voie de délégation. Il a égaiement été mis à la tête d’une armée à la fin de son usnée de magistrature par voie de prorogation[137]. Les préteurs provinciaux se sont encore plus fréquemment trouvés dans le cas de faire usage de leur imperium militaire et ils ont aussi triomphé fréquemment ; mais la preuve qu’eux-mêmes n’étaient pas au sens propre affectés au commandement[138], résulte de ce, qu’au VIe siècle et même encore au VIIe les guerres graves à faire dans les provinces étaient ordinairement confiées à un consul.

Nous avons déjà expliqué qu’il existe une différence de Commandement qualité entre l’imperium du consul et celui du préteur. Mais le préteur n’est pas, au sens propre, un commandant en sous-ordre. Dans le cours ordinaire des choses, le consul ne s’immisce pas dans le commandement prétorien, ni le préteur dans le commandement consulaire. Si cependant, par un déplacement de la limite régulière des départements, le consul est en fonctions dans une province prétorienne ou si, comme c’est beaucoup plus souvent le cas, le préteur est en fonctions dans le cercle de la compétence consulaire, il se transforme en général mis sous-les ordres du consul, attendu que, dans un même territoire, tout magistrat ayant une puissance moindre doit légalement obéir au magistrat ayant une puissance plus élevée. Il faut se rappeler à ce sujet que la compétence consulaire s’étend non seulement à toute l’Italie, mais aux mers qui la limitent et au théâtre de toutes les guerres étrangères. Si, par exemple, les consuls commandent en Italie, les préteurs et les propréteurs qui exercent le commandement ou qui sont à la tête des flottes, en n’importe quel point de l’Italie, sont sous leurs ordres[139] ; les provinces prétoriennes extraordinaires, dont il a été question à propos du tirage au sort, se ramènent en fait en général à la mise à la disposition du consul du préteur dont il s’agit pour un certain territoire. On sait combien les emplois de ce genre confiés aux préteurs ont été fréquents pendant les grandes guerres du vie siècle. Mais on en rencontre encore au VIIe. Ainsi, le proconsul Servilius, dont le meurtre à Asculum, en 663, donna le signal de l’explosion de la guerre sociale, ne peut avoir été qu’un préteur ou un propréteur pro consule en fonctions en ce lieu sous le commandement supérieur du consul[140]. L’emploi ainsi fait des préteurs, à titre extraordinaire, mais d’une manière importante et fréquente, se fonde presque absolument sur leurs attributions militaires.

Ce qui est vrai du commandement, l’est aussi de la juridiction criminelle dans le régime ancien antérieur à l’introduction de la procédure des quæstiones. En tant qu’elle n’est pas enlevée à la magistrature supérieure à la suite du système de la provocation, elle appartient, à Rome et en Italie, légalement au consul. Le préteur ne l’exerce que comme son représentant et, en général, en vertu d’un mandat spécial du sénat, de la façon dont, par exemple, des préteurs ont été chargés au VIe siècle de l’instruction relative au pillage du temple de Perséphone à Locres, et souvent de celle de, procès d’empoisonnements. — Hors d’Italie, les préteurs ont, dans les circonscriptions prétoriennes, l’autorité pénale comme le commandement et, la provocation n’ayant pénétré dans ce territoire que tardivement et incomplètement, leur droit de punir n’y est théoriquement limité que par les traités publics accordant aux cités dépendantes une juridiction pénale propre.

Tout le nécessaire a déjà été dit dans le chapitre du Consulat sur la manière dont les préteurs, et principalement le préteur urbain, exercent leur droit d’agir avec le sénat ou avec le peuple.

Les préteurs n’ont, en cette qualité, rien à voir dans l’administration de la fortune publique. Mais, le consul étant chargé de représenter le censeur, l’expédition des affaires administratives et judiciaires courantes incombant au censeur passe au préteur urbain, avec le soin de remplacer le consul, en cas d’absence du consul. En ce qui, concerne le trésor publie, les pouvoirs spéciaux qu’avaient les consuls sur l’Ærarium, paraissent avoir été suspendus en leur absence au lieu de passer au préteur urbain.

Les fonctions religieuses liées à la magistrature supérieure ne sont également accomplies par le préteur que par représentation des consuls. Cependant nous avons déjà remarqué là que, les consuls ayant coutume, à l’époque ancienne, de ne passer à Rome que les premiers mois de leur magistrature, une grande partie des fonctions religieuses a dû probablement revenir en fait au préteur urbain. Il en est certainement ainsi de la fixation des Compitalia, et peut-être aussi des sacrifices dont le préteur urbain était chargé en cette qualité, notamment du sacrifice fait à Hercule à l’ara maxima[141]. L’organisation des fêtes publiques a aussi été confiée en partie au préteur urbain dès le temps de la République ; c’est lui qui a organisé dès le principe, le 13 juillet, les jeux apollinaires institués en 542[142] et qui a aussi organisé d’autres jeux d’ordre inférieur du même temps[143]. — Cependant, sous la République, l’organisation des jeux concernait directement d’autres magistrats et le préteur urbain était le seul à y participer essentiellement. Mais, en 732, Auguste a confié une fois pour toutes au collège des préteurs les fêtes publiques ordinaires[144] ; nous trouvons cette règle appliquée aux Megalensia[145] et aux Floralia[146] qui regardaient antérieurement les édiles, comme aux Augustalia qui s’y adjoignirent[147], et aux jeux Parthiques institués en l’honneur de Trajan[148]. — Nous ne savons rien sur la répartition de ces jeux entre les divers préteurs, si ce n’est que les principaux préteurs y dominent[149] et que le sort décide aussi des jeux[150] ; puis, en outre, que les Augustalia étaient donnés par le préteur pérégrin et les jeux Parthiques par un prætor Parthicarius qui était institué pour eux ou tout au moins qui en tirait son nom. — Les jeux prétoriens ont même passé dans la constitution de Dioclétien et de Constantin. Après que la préture eut perdu à peu près toutes ses attributions administratives, elle a encore subsisté pendant des siècles comme une charge civile obligeant à organiser dés jeux pour la multitude romaine[151].

Enfin, il y a encore certaines fonctions qui ont été conférées aux préteurs par des lois ou des sénatus-consultes spéciaux ; ainsi, par exemple, ils apparaissent à l’époque de Cicéron comme participant aux frumentationes[152]. Nous traiterons, au sujet de l’édilité, de l’usage fait des préteurs ou probablement plutôt de préteurs qui n’étaient pas occupés à d’autres fonctions, pour la surveillance des régions d’Auguste.

 

 

 



[1] Tite-Live, 6, 42. Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 27. Le premier préteur en 388 est Sp. Furius Camillus (Tite-Live, 7, 1 ; Suidas, v. Πραίτωρ).

[2] Messalla, chez Aulu-Gelle, 13, 15, 4. Cicéron, Ad Att. 9, 9, 3. Tite-Live, 3, 55, 11. 7, 1. 8, 32, 3. 43, 14, 3. 45, 43, 2. Pline, Panég. 77.

[3] On trouve très rarement ce mot remplacé par πραίτωρ ; ainsi dans une inscription de Thespiæ (Keil, Inscr. Bæot., p. 134), dans l’inscription d’Éphèse, Wood, Inscr. for the site of the temple of Diana, n. 14, et peut-être dans l’inscription attique, citée note 5.

[4] Aussi haut que remonte la mention de magistrats romains dans les titres grecs, le consul est appelé στρατηγός ΰπατος ou ΰπατος tout court, et le préteur στρατηγός ; lorsque cette terminologie s’arrêta, peut-être dans le cours du Ve siècle, la terminologie latine distinguait donc les trois magistrats supérieurs en prætores maximi et prætor tout court. Le plus ancien document où ΰπατος et στρατηγός soient opposés à la façon postérieure est le sénatus-consulte relatif aux Thisbéens de 584 (Eph. ep. 1872, p. 278). Les στρατηγοί nommés sur les inscriptions de Délos et ailleurs semblent avoir tous été préteurs. Στρατηγός ne se rencontre pas, à ma connaissance, dans les monuments, comme titre complet du consul ; seulement dans le sénatus-consulte de 619 cité là et dans un titre crétois de 621 (C. I. Att. 2561, b, inexactement daté par Bœckh) qu’il faut y ajouter, le consul après avoir d’abord été cité sous le nom de στρατηγός ΰπατος, est appelé dans la suite du développement στρατηγός. Polybe emploie, à la vérité, στρατηγός et άντιστράτηγος comme synonymes de στρατηγός ΰπατος et άνθύπατος.

[5] Prætor urbanus est la seule forme authentique, attestée à la fois par le sénatus-consulte des Bacchanales (lignes 5. 8. 17. 21) et par des inscriptions isolées de la bonne époque (C. I. L. VIII, 7059), dans lesquelles lé mot est, par exception, en toutes lettres, ainsi que par de nombreuses inscriptions de la période postérieure à Dioclétien (Orelli, 1534 = C. I. L. VI, 319. 2284 = C. I. L. X, 4752. 2334 = C. I. L. VI, 1778. 3159 = C. I. L. VI, 1161. 3162 = C. I. L. X, 1695. Henzen, 6481 = C. I. L. X, 1695. 6904 = C. I. L. VI, 1636). Prætor urbis se trouve dans des vers (Meyer, Anthol. 578), mais c’est une déviation du titre officiel comme quæstor urbis. La tradition des manuscrits en faveur de cette dernière forme (comme chez Cicéron, Verr. 1, 55, 143, et Tite-Live, 31, 4, 2. 32, 31, 6) n’a pas de valeur ; car, à la bonne époque, l’abréviation pr. urb. est constante dans les manuscrits comme dans les inscriptions et la solution n’en vient que de scribes récents et ignorants. En grec, on trouve à la place ατρατηγός κατά πόλιν (sénatus-consulte relatif à Asclépiade, ligne 2) et aussi ή καλουμένη πολιτική στρατηγία (Appien, B. c. 2, 512. 3, 95. Plutarque, Brut. 7) ; on trouve aussi sur des inscriptions στρατηγός ούρβανός (C. I. Gr. 4029), peut-être πραίτωρ πολιτικός (C. I. Att. III, 630). Dion emploie constamment άστυνόμος.

[6] Cela se révèle notamment à ce que la loi Julia municipale, lignes 8 et 12, oppose le prætor urbanus et le prætor quei inter peregrinos jus deicet. Pareillement, Tite-Live, 22, 35, 5.

[7] Au cas où le préteur urbain était absent ou faisait défaut, il n’y avait d’autre ressource qu’une élection complémentaire ou le transfert de ses fonctions à un autre préteur (Tite-Live, 39, 39, 15). Jusqu’à l’arrivée de Tune ou l’autre des deux solutions ses fonctions restaient en suspens. La constitution républicaine récente ne possède pas de représentation organisée par la loi telle que celle assurée dans l’ancien droit par l’interrègne et la préfecture de la ville.

[8] Dans les années 404 (Tite-Live, 7, 23) et 405 (Tite-Live, 7, 25) le préteur et l’un des consuls commandent contre les Gaulois, l’autre consul étant mort ou malade. En 469, le préteur L. Cæcilius combat à Arretium l’invasion inopinée des Gaulois (Tite-Live, 12 ; Orose, 3, 22 ; Augustin, De civ. d. 3, 17, 3 ; Polybe, 2, 19 ; Appien, Gall. 1). Il faut aussi citer, d’après les fastes triomphaux, le préteur de 497, A. Atilius Caiatinus, Lorsque, en 512, l’un des consuls fut empêché de quitter Rome par sa qualité de flamen Martialis, le préteur urbain (άστυνομών, Zonaras, 8, 17), Q. Valerius Falto fut envoyé contre les Carthaginois avec le consul C. Lutatius Catulus. Il n’y avait probablement dans cette année encore qu’un préteur ; car, sans cela, en eut envoyé le préteur pérégrin ; mais précisément ce dernier événement peut avoir été la cause directe de l’établissement de la seconde place.

[9] Cicéron, Phil. 2, 12, 31. Si la loi Julia municipale suppose, ligne 1 et ss., la possibilité de l’absence de Rome des deux préteurs urbains et non des tribuns du peuple, cela s’explique par ces dix jours aussi bien que par la considération de l’interrègne. Cf. note 19, et Tite-Live, 10, 22, 7.

[10] Si P. Lentulus, consul en 592, est réellement allé en Campanie, comme préteur urbain pour y acheter des terres privées (Licinianus, éd. de Bonn, p. 15 ; cf. Cicéron, De l. agr., 2, 30, 82), cela constitue une exception ; mais l’allégation apparaît précisément pour cela comme douteuse. Tout différents sont les mandats fréquents donnés au préteur urbain non pas pour qu’il accomplisse personnellement l’acte dont il s’agit, mais pour qu’il le fasse accomplir par un délégué. C’est dans cet ordre que doit rentrer la mission de protéger les cités voisines de Rome contre un débarquement ennemi (Tite-Live, 23, 32, 18), quoiqu’il soit dit auparavant : Ne prætoribus quidem, qui ad jus dicendum creati erant, vocatio a belli administratione data est et qu’ils aient pu accomplir personnellement cette mission sans enfreindre le délai de dix jours. La notice de Tite-Live, 27, 7, 11, sur l’envoi du préteur urbain C. Hostilius à Ariminum se fonde sûrement sur une confusion.

[11] Appien, B. c. 2, 112. Plutarque, Brut. 7. Dion, 42, 22. Au reste, c’était exclusivement le sort qui décidait de cet avantage à la meilleure époque, quoique plus tard, verrons-nous, on ait souvent admis des exceptions en vertus de considérations de personnes. Les importants privilèges de la préture urbaine — cette egregia et ad consulatum apta provincia, comme l’appelle Cicéron, Pro Mur. 20, 41 — relatifs à l’éponymie, à la représentation des consuls et aux jeux, seront étudiés plus loin.

[12] L. Cæsar (chez Festus, v. Majorem consulem, p. 161) rapporte prætorem majorem (dici) urbanum, minores ceteros, on ne trouve ailleurs aucune trace de cette dénomination et l’explication de major consul, donnée en même temps, est incertaine et sujette à objections.

[13] Tite-Live, Ep. 19. Auparavant, les notices sur le lustre de 508 et d’autres événements de cette année. Ensuite un récit qui se place en 512. En présence des faits signalés, note 27, il n’est pas invraisemblable que la nomination du premier préteur pérégrin ait été faite en 512 pour 513. Lydus, De mag. 1, 38 (cf. Chronol., p. 120). Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 28.

[14] Cette désignation ne se rencontre jamais comme titre et est en conséquence inconnue aux inscriptions. Dans la loi agraire de 643 ; le préteur urbain est appelé, lignes 73 et 74, prætor quei inter ceives tum Romæ jus deicet ; dans la loi Papiria (Festus, v. Sacramentum p. 347) : Quicumque prætor posthac factus exit, qui inter cives jus dicet ; avec une autre construction dans les oracles Martiens (Tite-Live, 25, 12, 10 ; Macrobe, Sat. 1, 17, 28) : Prætor is qui jus populo plebique dabit summum. La magistrature est appelée provincia (sors) urbana (Tite-Live, 24, 9, 5. 25, 3, 1. 27, 7, 8. 28, 10, 9. c. 38, 13. 29, 13, 2 et encore très souvent ; Cicéron, Verr. l. 1, 40, 104) ou encore juris dictio urbana (Tite-Live, 25, 41, 13. 30, 3, 9. 32, 28, 2. 33, 26, 1. 34, 43, 6. 38, 35, 10. 40, 1, 1. 41, 8, 2. 42, 10, 14. c. 31, 9 ; d’une manière un peu divergente pour les deux premières sortitions rapportées par Tite-Live, Romæ juri dicundo urbana sors : Tite-Live, 22, 35, 5, urbana sors in juris dictione Tite-,ive, 23, 30, 18), jamais juris dictio inter cives.

[15] Les lois de la République ne connaissent pas d’autres dénominations que celle de prætor quei inter peregrinos jous decet (lex repetund. lignes 12. 89, et loi Julia municipalis, lignes 8. 12 ; is quei Romæ inter peregrinos jus deicet : loi Rubria, 1, 24. 34). La magistrature s’appelle aussi habituellement chez Tite-Live, juris dictio inter peregrinos (37, 50, 8. 40, 1, 1. 41, 15, 5. C. 21, 1. 42, 10, 14. c. 31, 9. c. 16, 3) ou juris dictio peregrina (32, 28, 2. 34, 43, 6. 38 ; 35, 10. 41, 8, 2 ; peregrina sors in juris dictione : Tite-Live ; 23, 30, 18) ou provincia (sors) peregrina (Tite-Live, 24, 44, 2. 25, 3, 2. 27, 7, 8. c. 22, 4. c. 36, 11. 28, 10, 9. 29, 13, 2, et ailleurs très souvent). Il s’appelle aussi en grec έπί τών ξένων στρατηγός dans l’alliance avec Tyrrheion de 660 et le sénatus-consulte relatif à Asclépiade, ligne 2, et dans l’inscription de Dymê, C. I. Gr. 4543.

[16] Les inscriptions de l’Empire ne connaissent (à côté de l’expression abusive prætor peregrinus, note 17) que le titre prætor inter cives et peregrinos (Henzen, 5480 = C. I. L. VI, 1523. 6502 = C. I. L. V, 865. Cf. dans l’édit de Venafrum, Henzen, 6428 = C. I. L. X, 4842 : Is qui inter civis et peregrinos jus dicet). Tacite, Ann. 1, 15, se conforme à ce langage. Chez Tite-Live, ce titre alterne avec l’ancien (Romæ juri dicundo sors inter cives R. et peregrinos : 22, 35, 5 ; juris dictio inter cives et peregrinos : 33, 21, 9. c. 26, 1. 35, 41, 6. 39, 8, 2. c. 38, 2. 42, 1, 5. 45, 21, 1).

[17] L’expression prætor peregrinus est employée par les jurisconsultes (Gaius, Inst. 1, 6. 4, 31 ; Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 28) et par des inscriptions du temps de Vespasien (Henzen, 5425 = C. I. L. X, 3853) et de l’époque postérieure (C. I. L. II, 1283. 1371. III, 1458. XIV, 3587 ; Orelli, 3306 = C. I. L. IX, 5833. Marini, Arv. p. 784 = C. I. L. XIV, 2509. 2510). Dion, 53, 2, l’appelle aussi ξενικός.

[18] Duæ urbanæ provinciæ : Tite-Live, 43, 11, 8. 45, 44, 29 ; de même Appien, B. c. 2, 112. Duæ jurisdictiones in orbe : Tite-Live, 44, 17, 9. Duæ (provinciæ) jure Romæ dicendo : Tite-Live, 42, 28, 6. Juris dictio utraque : Tite-Live, 36, 2, 6. 39, 39, 15. Souvent provincia (juris dictio) urbana est employé de telle sorte qu’il faut entendre par là les deux, juridictions (Tite-Live, 24, 9, 5. 25, 41, 3. 28, 38, 13. 30, 1, 9. c. 27, 9. c. 40, 5. 31, 6, 2. 32, 1, 2. c. 8, 5) et que le point de savoir si cette expression rassemble les deux provinciæ urbanæ ou si l’on a omis de relater la combinaison de la provincia peregrina avec l’urbana demeure douteux.

[19] Lorsque Appien dit, B. c. 3, 2, du préteur urbain Brutus et du préteur pérégrin Cassius qu’ils restèrent à Rome par nécessité, son langage n’est pas exact : si Cassius avait aussi été obligé par la loi à rester à home, Antoine lui eut étendu sa proposition.

[20] Στρατγός έξαπέλεκυς se trouve chez Polybe, 3, 106, 6, et chez Diodore, p. 577, p. 592, éd. Wess. ; on trouve aussi έξαπέλεκυς tout court (Polybe, 3, 40, 11, et ailleurs). On peut se demander si Polybe a lui-même forgé cette expression pour préciser la désignation amphibologique στρατγός, ou s’il a traduit une expression romaine. Les désignations officielles quinquefascalis et sexfascalis, qui ne se présentent, à la vérité, que dans la période récente de l’Empire, mais qui ont peut-être été admises beaucoup plus tôt dans la langue courante, sont en faveur de la seconde idée.

[21] Ce sont sans doute aussi les στρατηγοί οί πάνυ de Dion, 78, 22.

[22] Tite-Live, Ep. 20 : Prætorum numerus ampliatus est, ut essent quattuor. Cette indication se trouve entre la soumission des Illyriens, en 525, et la guerre cisalpine de 529. Zonaras, 8, 19. Solinus, 5, 1. Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 32.

[23] Tite-Live, 32, 27. Pomponius, Digeste, 1, 2,2, 32, compte erronément l’Espagne comme la cinquième place et la Narbonnaise comme la sixième.

[24] Tite-Live, 40, 44, 2, en l’an 574. Si Tite-Live avait voulu dire que la loi ne fut mise en exécution que longtemps après son vote, ainsi qu’on entend ordinairement le texte, il lui aurait fallu relater la cause de cette omission singulière et de cette remise en vigueur encore plus singulière. La loi étant entrée en vigueur en 575, il est probable, le roulement devant commencer par le chiffre le plus élevé pour ne pas trop léser lés candidats a la magistrature, qu’elle a été rendue en 573. Et cette disposition peut facilement avoir été contenue dans la loi ou les lois sur la brigue présentées par les consuls de cette année, P. Cornelius et M. Bæbius, et mentionnées dans Tite-Live, 40, 29, 11.

[25] On peut indiquer en faveur de cette conjecture déjà faite par Pighius que les deux provinces qui font défaut en 575 sont les deux Espagnes et qu’en 517 deux préteurs reçoivent la Gaule comme province d’une manière très étrange. L’annalité de la magistrature constitue à la vérité de nouveau la règle à partir de là, même en Espagne. Dans les années 557 à 579 on rencontre également souvent des gouvernements d’Espagne qui durent plusieurs années, mais sans règle fixe.

[26] C’est à cela que se rapporte la dissuasio de Caton ne lex Bæbia derogaretur (chez Festus, p. 282, v. Rogat ; Jordan, p. 52).

[27] Même après la guerre sociale, il n’y avait pas plus de six préteurs, puisque, selon Velleius, 2, 16, les fils de Minatius Magius qui s’y distingua, furent élus préteurs, cum seni adhuc crearentur. Cf. Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 32. — Les Italiotes se donnèrent deux consuls et douze préteurs (Diodore, p. 539).

[28] Selon cette loi, qui nous est encore conservée en grande partie, la liste des jurés est encore dressée pour l’année courante par le préteur pérégrin (ligne 12) et doit l’être pour l’année suivante par un autre, évidemment par le prætor repetundis, comme l’appelle l’elogium n° IX (C. I. L. I, p. 274). Cf. C. I. L. I, p. 65.

[29] Pomponius, Digeste, 1, 1, 2, 32, dit, il est vrai : Deinde Cornelius Sulla..... prætores quattuor adjecit, et il compte en partant de là dix préteurs ; mais c’est en contradiction avec Dion, 42, 51. Le nombre huit pour Sulla est vraisemblable, parce que César en ajouta deux, selon Pomponius, et fut le premier à porter leur nombre à dix, selon Dion, loc. cit. ; en outre principalement parce que Velleius, 2, 89, signale le nombre huit comme le nombre normal des préteurs avant Auguste, évidemment en négligeant les chiffres vacillants du temps de César.

[30] ) Cicéron dans un dialogue placé en 676-679, De d. n. 3, 30, 74. Le même, en 688, Pro Cluentio, 53, 147. Calvus, en 700 (Meyer, Orat. fr., p. 411). Ces témoignages qui se complètent réciproquement donnent un aperçu des questions permanentes du temps de Cicéron ; mais il faut en déduire celles où il n’y avait pas de préteur d’employé comme président, en particulier la quæstio ex lege Plautia de vi.

[31] La loi repetundarum avec son prætoris quæstio esto répété, le prœtor repetundis de l’inscription C. I. L. I, p. 274, et d’autres exemples nombreux revendiquent cette procédure pour les préteurs ; on n’y tonnait pas un seul cas de président qui ne soit pas préteur.

[32] Nous connaissons comme préteurs ayant présidé cette question C. Aquillius, en 688 (Pro Cluentio, 53, 147 ; cf. Cicéron, Top. 7, 32) et Cn. Domitius Calvinus, en 698 (Ad Q. fr. 2, 3, 6). Au contraire, il n’est pas vraisemblable qu’A. Torquatus, qui, d’après Asconius (In Mil. p. 40. 54), a statué, comme quæstior, sur Milon de ambitu, ait été préteur (Drumann, 2, 354) ; les compétences prétoriennes pouvaient difficilement être réglées dès alors ; il rentre donc parmi les magistrats non prétoriens chargés de procès, étudiés ailleurs séparément.

[33] C. Orchivius statua sur ces délits en qualité de préteur, en 688 (Pro Cluent. 34, 94. 53, 147). — Au contraire, P. Antistius qui siégea, en 668, dans le procès relatif au détournement de butin dont était accusé le père de Pompée, est bien appelé préteur par Plutarque (Pomp. 4) ; mais si c’est, comme il semble, l’orateur tué en 672, il mourut d’après Velleius, 2, 26, étant ædilicius. Seulement ce procès se place avant la réorganisation de la procédure criminelle par Sulla et le péculat peut facilement n’avoir été soumis à la présidence d’un préteur que par Sulla.

[34] Les deux procès de C. Cornelius pour haute trahison, en 688 et 689, furent dirigés par des préteurs (Asconius, p. 58. 62), en revanche celui de Gabinius en 700 par le quæsitor C. Alfius Flavus (Cicéron, Ad Q. fr. 3, 1, 24. 3, 3, 3), qui ne peut avoir été alors préteur, non seulement parce qu’il est appelé quæsitor, mais parce qu’il occupa dans la même année la présidence dans le procès de Sodalicia intenté à Plancius.

[35] La loi Cornelia (Coll. 1, 3, 1) transfère ces poursuites au prætor judexve quæstionis, cui sorte obvenerit quæstio de sicariis. M. Pannius, qui statua en vertu de cette loi sur Sex. Roscius accusé du meurtre de son père en 674, était préteur (Pro Sex. Roscio, 4, 5 ; 10-12) ; de même le juge du meurtre d’une mère par sa fille, M. Popillius Lænas (Val. Max. 8, 1. Amb. 1). Sur le judex quæstionis, v. tome IV, le chapitre des magistrats non prétoriens présidents de jurys.

[36] Cicéron (note 30) cite le tribunal ex lege Cornelia testamentaria parmi les quæstiones quotidianæ nous n’avons pas de témoignage direct sur son président.

[37] Elle se rencontre, pour la première fois, comme province consulaire pour 680.

[38] Cicéron, Pro Arch. 2, 3, avec les scolies, p. 354. Drumann, 4, 202.

[39] Si Cicéron, De leg. 3, 3, 8, dit : Huic (au préteur urbain) potestate pari quolcumque senatus creverit populusve jusserit, tot sunto, c’est-à-dire que le nombre des préteurs dépendait de la fantaisie présente du sénat, il y comprend les propréteurs. En ce sens, il est exact que le sénat, en laissant expirer ou en prorogeant à son gré les imperia existants, règle annuellement le nombre des magistrats supérieurs.

[40] Cela se fit pour l’an 708, selon Dion, 42, 51. Selon Pomponius, loc. cit., César éleva le nombre des préteurs de dix à douze.

[41] Cela arriva en 709 : Dion, 43, 47.

[42] Dion, 43, 49, sur l’an 710. Il note, 43, 51, le même nombre pour l’an 711. Cf. Suétone, Cæsar, 41.

[43] Dion, 53, 32, sur l’an 731. Velleius, 2, 89, dans le tableau de la réorganisation de l’État par Auguste. V. les détails, t. IV, au sujet de la censure et de la questure.

[44] Dion, 56, 25, sur l’an 11 ap. J.-C. C’est donc inexactement que Pomponius dit, Digeste, 1, 2, 2, 32 : Divus deinde Augustus sedecim prætores constituit.

[45] Dion, loc. cit. Le fait que Tibère recommanda quatre candidats pour la préture et en signala huit autres comme capables (Tacite, Ann. 1, 14), doit concorder avec ce nombre de postes, mais ne le prouve pas au sens propre ; les autres candidats pouvaient prouver leur capacité prés des consuls et concourir avec eux. Nous reviendrons sur ce point en détail, tome V, à propos du droit de nomination de l’empereur.

[46] Dion, 58, 20, sur l’an 33. 60, 10, sur l’an 42.

[47] Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 32. Pline, Panég. 36.

[48] Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 32.

[49] Lydus, De mag. 2, 30, parle encore de la phalange des préteurs romains en face des deux préteurs ou plutôt du préteur unique de Constantinople. Au reste, d’après le C. Th. 6, 4, et le C. Just. 1, 30, le nombre des préteurs de Constantinople s’éleva de trois à huit dans le cours du IVe siècle et est redescendu à trois au Ve.

[50] Tacite, Agricola, 6.

[51] Tite Live, 8, 15, 9, sur l’an 417.

[52] Dion, 48, 43.

[53] Nous ne pouvons discuter ici le point de savoir quand cela avait lieu en fait. Q. Cicéron part de Rome pour l’Asie après le 15 mars 693 (Cicéron, Ad Att. 1, 15, 1) ; M. Cicéron entre en Cilicie le dernier jour de juillet 703 (Cicéron, Ad Att. 5, 15, 1 ; Ad fam. 15, 2, 1. Ep. 4, 2). C. Trebonius passa, dans son voyage de Rome en Asie, le 22 mai 710, à Athènes (Cicéron, Ad fam. 12, 6, 1). Les dangers des traversées d’hiver peuvent avoir contribué à faire les gouverneurs partir et revenir ordinairement dans la bonne saison.

[54] Ulpien, Digeste, 1, 16, 4.

[55] César, B. c. 1, 85.

[56] Tite-Live, 39, 38, 3. 40, 43, 2. 45, 16, 4. On comparera à ce sujet, t. IV, le chapitre des Présidents de jurys. C’est de là qu’est issu le rôle rempli par les préteurs dans les quæstiones.

[57] Par exemple, Cicéron, Pro Mur. 20, 42.

[58] Tite-Live. 29, 20, 4. 33, 26, 4. 39, 21, 4.

[59] La prescription de Sulla, selon laquelle l’ancien gouverneur doit quitter la province dans les trente jours de l’arrivée du nouveau (Cicéron, Ad fam. 1, 9, 28, 3, 6, 3) est dirigée contre un autre abus.

[60] La répartition des fonctions entre les consuls se fonde, selon l’ancien système, toujours sur une transaction ; seulement cette transaction peut consister en ce que les intéressés s’entendent sur les compétences et les tirent ensuite au sort.

[61] Tite-Live, 32, 28, 2. Dans les textes innombrables où il est question de la répartition des provinces prétoriennes, il n’est jamais question de comparatio.

[62] C’est ce que montrent toutes les relations, par exemple, Tite-Live, 22, 35, 5. 25, 3, 1. 28, 38, 12. 39, 45. Cependant une délibération sur les lots pouvait être nécessaire, puisque, comme nous allons avoir à le montrer, ils n’étaient pas toujours fixes, et un retard pouvait résulter de là.

[63] Rechtsfrage zwischen Cæsar und dem Senat, p. 27 = Hist. rom. 7, 387.

[64] De pareils sénatus-consultes réglant les lots prétoriens sont signalés par Tite-Live, 35, 41, 6. 38, 42, 5. 42, 128, 7. 43, 11, 8. 44, 17, 9. 45, 44. 2.

[65] En 540, le sénat détermina par exception parmi les préteurs élus tout au moins celui qui serait préteur urbain et peut-être ceux qui occuperaient tous les départements (Tite-Live, 24, 9, 5. c. 10, 5. c. 11, 3). Pour les prêtres qui ne pouvaient quitter Rome, le tirage au sort était restreint aux provinces urbaines (Tite-Live, 39, 45, 4, rapproché de 21, 22, 3). Après que la sortition prétorienne eut eu lieu pour 692, la Gaule citérieure fut transférée au préteur Q. Metellus Celer en vertu d’un sénatus-consulte (Cicéron, Ad fam. 5, 2, 3. 4).

[66] C’est là le double lot (Tite-Live, 35, 41, 6) dont l’existence est attestée pour la première fois en 541 (Tite-Live, 25, 3, 1) et qui se rencontre ensuite fréquemment. Le préteur s’appelle alors en grec, κατά πόλιν καί έπί τών ξένων (sénatus-consulte relatif à Asclépiade, ligne 2) ; la magistrature provincia (sors, juris dictio) urbana et inter (cives ac) peregrinos (Tite-Live, 35, 41, 6. 37, 50, 8) ou urbana et peregrina (Tite-Live, 25, 3, 1) ou urbana addita et peregrina (Tite-Live, 27, 36, 11), aussi juris dictio utraque et d’autres noms analogues, peut-être aussi juris dictio urbana tout court.

[67] Le cas le plus ancien qu’on puisse établir, est de l’an 539 où le préteur M. Valerius Peregrinus tire le lot pérégrin (Tite-Live, 23, 30, 18), mais reçoit un commandement en Apulie.

[68] La formule est provincia peregrina et (si) quo senatus censuisset (Tite-Live, 27, 22, 3. 44, 18, 10) ; peregrina cum Gallia (Tite-Live, 27, 1, 8. 29, 13, 2) est synonyme. Nous avons démontré, Eph. ep. 1872, p. 287, que le sénat a constamment disposé de la sorte des préteurs pérégrins pendant la guerre de Persée, dans les années 583 à 586.

[69] Cela ne peut pas être ramené au principe exact en soi qu’en cas de guerre on pouvait bien plus aisément se passer d’un préteur distinct des étrangers que d’un gouverneur distinct de Sicile et de Sardaigne. Si le sénat avait eu en face des gouvernements la même liberté qu’en face de la préture des étrangers, il les aurait aussi habituellement prorogés qu’il usait pour la dernière du cumul ; or, en temps de guerre, la première chose est une exception et la seconde constitue la règle.

[70] De 539 à 566, ou la préture des pérégrins a été écartée de la sortition ou celui qui l’a tirée au sort a été employé autrement, sauf l’exception unique faite pour le préteur pérégrin de 546, P. Licinius Crassus, qui resta à Rome, évidemment parce qu’il était grand pontife. Des faits analogues se reproduisent pour les guerres sérieuses postérieures.

[71] C’est ce que montre la relation remarquable des événements de 546 dans Tite-Live, 27, 22. Sur les quatre compétences ordinaires, trois sont concédées selon la procédure habituelle ; au contraire, on introduit un autre lot à la place de la Sardaigne ; une série des pouvoirs existants sont, en outre, prorogés au-delà du terme, comme cela arrivait alors toujours ; mais la prorogation du gouvernement de Sardaigne est seule soumise au peuple. Il est donc évident que le sénat n’avait pas besoin de l’assentiment du peuple pour la prorogation, mais qu’il le lui fallait pour ne pas soumettre au tirage au sort une des compétences fixées par la loi. A la vérité, il n’est jamais question de vote du peuple dans le reste des cas semblables, et il est possible qu’on ait souvent passé sur cette exigence ; mais, en somme, il est de beaucoup plus vraisemblable d’admettre que les annalistes, dont les regards sont toujours plus fixés sur la curie que sur le forum, aient omis ces votes obligatoires que de supposer le sénat coupable d’une violation inutile de la constitution.

[72] Nous possédons la liste des préteurs de Sardaigne, pour les cinquante et une années qui vont de 537 3 587, dans son intégrité, sauf deux lacunes (569 et 584). Or, d’après elle, cette province n’a été écartée du tirage au sort que dans les neuf années 538, 540, 544 ; 542, 546, 552, 554, 559, 564 ; le renouvellement annuel des magistrats a donc eu lieu avec une constance suffisante, sauf dans les années les plus anciennes et les plus graves de la guerre d’Hannibal. Il faut, à la vérité, encore ajouter les cas où les gouverneurs désignés par le sort ne sont pas allés dans leurs provinces pour diverses causes ; cela s’est présenté dans les années 565, 577, 518, 580, 586, 587. En Espagne, la prorogation s’est, dés le principe, présentée bien plus fréquemment, et, du reste, ces gouvernements ont probablement même été pendant un temps biennaux légalement.

[73] Tite-Live considère dans ces années (d’abord 42, 28, 6 ; puis 43, 2, 3. c. 11, 8. 44, 17, 10) l’Espagne comme une province, et dit ensuite 45, 16, 1 : Censuere patres duas provincias Hispaniam rursus fieri, quæ una per bellum Macedonicum fuerat.

[74] Cette solution est d’autant moins conjecturale que Tite-Live n’indique aucunement le fondement juridique de la mesure.

[75] Cet expédient se rencontre dès le début de la guerre d’Hannibal, donc peu d’années après la création de la préture provinciale elle-même. En l’an 538, le premier dont nous ayons des listes, le gouverneur de Sardaigne de l’année précédente, A. Cornelius Mammula, reçoit une prolongation de pouvoirs (Tite-Live, 23, 21, 4 cf. c. 32, 8. 22, 25. 6) et, pour la Sicile, on décide bien le tirage au sort, mais le successeur désigné, M. Marcellus, est retenu en Italie.

[76] C’est ainsi, par exemple, que M. Valerius Falto qui avait exercé un commandement en Italie en qualité de préteur de 558, reçut, en 554, comme propréteur, la province de Sardaigne (Tite-Live, 31, 8, 9). Mais ce n’est pas fréquent.

[77] Le tirage au sort de 583 est caractéristique. On fait cinq lots des six départements fixes en réunissant les deux Espagnes ; le sixième est ensuite appelé : quo senatus censuisset (Tite-Live, 42, 28, 6. c. 31, 9) et on dispose à son sujet dès avant le tirage au sort : Prætorem cujus sors fuisset, ut iret quo senalus censuisset, Brundisium ad classem ire placuit. Cf. Tite-Live, 35, 41, 6.

[78] Tite-Live, 37, 2.

[79] Ainsi le gouverneur de Sardaigne de 549, Cn. Octavius, reçoit après l’expiration de son année de magistrature un commandement de la flotte qu’il garde plusieurs années ; ainsi le préteur M. Valerius Falto, employé en Italie en 553, reçoit pour l’année suivante la province de Sardaigne ; ainsi les préteurs urbains reçoivent parfois dans l’année suivante un commandement. Le sénat avait dans cette procédure encore plus de liberté ; car, d’un côté, le tirage au sort était complètement exclu et il pouvait choisir l’homme approprié parmi tous les magistrats cum imperio existants et, d’un autre côté, il n’y avait pas besoin en ce cas de consulter les comices.

[80] On peut encore rattacher à cela jusqu’à un certain point l’invitation adressée parle sénat au préteur urbain de déléguer son commandement. Mais cette délégation ne se fonde pas en la forme sur la résolution du sénat.

[81] Tite-Live, 35, 20, sous la date de l’an 562. Au contraire, il arrive, dès le VIe siècle, que le sénat, ou bien permette au gouverneur après le tirage au sort, sur sa demande, de ne pas aller dans sa province (ainsi Tite-Live, 34, 50. 41, 8, 2. c. 9, 10, c. 15, 6) ou bien le retienne pour d’autres services à Rome un long temps ou même toute l’année (ainsi Tite-Live, 39, 38, 3. 41, 9, 10. 45, 16, 4), ou bien même l’y emploie à l’exercice de la juridiction pérégrine (Tite-Live, 45, 12, 13). Cela s’explique jusqu’à un certain point par la liberté spéciale dont jouit le sénat par rapport à cette dernière compétence, mais cependant cela aboutit à un changement des provinces après le tirage au sort et cela prépare déjà la règle postérieure ou plutôt l’abus postérieur qui permet au sénat de se délier de toutes les lois.

[82] Il est mentionné, par exemple, par la loi de Sulla de sicariis, et en outre par Cicéron (Verr., 3, 95, 222), Quintilien (Inst., 3, 10, 5) et Dion, 54,18.

[83] On rencontre encore au IIIe siècle un prætor qui jus dixit inter civil et civis et peregrinos (C. I. L. III, 6154). Je ne trouve aucun exemple certain de combinaison d’une préture civile et d’une préture de question ou de deux prétures de questions.

[84] Le tirage au sort de leurs compétences, auquel les édiles devaient procéder cinq jours après leur désignation, était peut-être aussi la règle pour les préteurs.

[85] Dion, 53, 2, sur l’an 726 ; ce qui, à vrai dire, s’entendrait textuellement de la nomination par Auguste au lieu et place des comices et du sénat, mais ce qui probablement veut simplement dire qu’après la nomination des préteurs, Auguste intervenait dans le tirage au sort et encore seulement en provoquant un sénatus-consulte en ce sens. Si les princes, quand ils revêtent la préture, occupent ordinairement la préture urbaine, comme le premier Drusus (Dion, 54, 32) et Domitien (Suétone, Dom. 1), il est difficile de voir là une politesse du hasard. Les fastes des arvales montrent aussi que les deux préteurs les plus élevés reparaissent bientôt après avec une véritable fréquence relative dans la liste des consuls. On doit comprendre de même la préture urbaine reçue par le jeune Gordien Alexandro auctore.

[86] Des plaintes sont exprimées dans Tacite, Ann. 15, 19, contre l’abus selon lequel des adoptions ont lieu fréquemment propinquis comitiis aut sorte provinciarum et les adoptants émancipent les enfants præturas et provincias inter patres sortiti, ce qui frustre les véritables patres des promissa legum. Les droits attachés au mariage et à la paternité n’exercent donc pas leur action seulement sur la candidature, mais aussi sur le tirage au sort des juridictions et des provinces prétoriennes. Il est vraisemblable que le privilège des patres et des mariti consistait dans la faculté de choisir la compétence, à cause des régies analogues relatives au tirage au sort des gouvernements des provinces qui seront étudiées à propos de ces derniers.

[87] Cf. surtout César, Bell. Gall. 8, 52. — Pompée procéda tout à fait irrégulièrement, en cela comme en tout : non seulement il n’alla pas lui-même dans ses provinces ; mais il partagea la citerior entre deux représentants (Drumann, 3, 456).

[88] Si la détermination des provinces consulaires ne présentait pas de difficultés, on commençait par elle : Tite-Live, 28, 38, 12 ; sinon, on suivait en général l’ordre inverse : Tite-Live, 30, 40, 5. 32, 28, 2.

[89] Le plus ancien vestige que j’en rencontre est l’occupation de la Sicile par le consul M’. Aquillius en 653 et ss. ; puisqu’il exerçait la juridiction, il ne peut pas avoir eu de préteur à ses côtés. Ajoutez le texte de Tite-Live, 31, 48, 8.

[90] Cicéron, Ad fam. 1, 9, 25.

[91] Les provinces consulaires restaient encore mobiles, en ce sens qu’elles étaient à chaque fois arbitrairement choisies parmi les provinces fixes : ce point, de même que toute la procédure, est établi si clairement par le discours de Cicéron, De provinciis consularibus, qui appartient précisément à un débat de ce genre, qu’il n’y a pas besoin d’autre preuve.

[92] Salluste, Jugurtha, 27, 4. Cicéron, De prov. cons. 7, 17.

[93] C’est ce que montre aussi clairement le discours précité de Cicéron, surtout 1, 47. Ce débat, du début de l’an 698, se rapporte aux provinces consulaires de 700 et aux prétoriennes de 649 ; pour le moment, il s’agit seulement des premières ; mais la proposition est faite de retenir ces deux provinces pour la délibération suivante sur les prétoriennes. Si cette proposition est adoptée, les deux gouverneurs dont il s’agit seront relevés dès 689, tandis que, d’après le vœu de Cicéron, ils ne le seraient qu’en 700. Cela eut lieu en fait pour Piso, et Cicéron décrit ailleurs (In Pison. 35, 88) sa debilitatio atque abjectio animi Macedonia prætoria nuntiata.

[94] Assurément les magistrats supérieurs de Prœneste, par exemple, se sont sans doute à l’origine attribué le titre de préteurs en qualité de détenteurs de l’imperium militaire ; mais c’est seulement par l’idée formulée ci-dessus qu’on s’explique qu’ils l’aient conservé intact, tandis que le titre de consul est là pour ainsi dire inouï.

[95] Cicéron, De leg. 3, 3, 8. Il n’y a pas besoin d’autres textes.

[96] Asconius, p. 84. Cf. Plutarque, Cæsar, 4 et C. I. L. III, 6154.

[97] Ils ne peuvent pas avoir fait complètement défaut ; la justice des marchés, qui a sans doute été ici le point de départ, implique la compétence du juge du lieu du contrat, et, tant qu’il n’y avait pas d’édiles, ces procès n’ont pu être déférés qu’au préteur.

[98] Dans le procès de péculat intenté à L. Scipio et autres, le peuple décide, suivant Antias, que le sénat chargera un préteur de son choix de constituer le tribunal, et cette mission est donnée au préteur pérégrin (Tite-Live, 38, 54). Historiquement les procès a suivi un cours absolument différent (Hermes, 1, 194 = Rœm. Forsch. 2, 470) ; mais il n’y a aucun doute justifié contre la procédure elle-même (Hermes, 1, 178 = Rœm. Forsch. 2, 445). En régie, l’action motivée par un furtum publicum était probablement intentée sous la forme d’un procès privé par un citoyen quelconque devant le préteur urbain ; mais une dérogation du genre indiqué ne soulève aucune objection. Si dans Antias le parti sénatorial demande que l’affaire soit d’abord discutée au sénat (Tite-Live, 38, 54, 5), il est très croyable que les cas importants de ce genre étaient d’abord mis là en délibération avant d’être soulevés judiciairement d’une manière ou de l’autre ; il ne faut pas penser à un procès proprement dit devant le sénat.

[99] Ainsi le sénat charge le préteur destiné à l’Espagne de constituer des tribunaux de récupérateurs pour juger les actions en restitution intentes par les Espagnols contre les magistrats qui avaient été en fonctions dans ce pays (Tite-Live, 43, 2). Cette décision s’écarte de la règle d’abord parce que légalement une telle action était de la compétence du préteur pérégrin ; elle le fait en outre par les prescriptions relatives à la composition du jury et aux représentants des parties, qui étaient sans doute là pratiquement la chose principale.

[100] Gaius, 1, 6. Il est remarquable et il a été beaucoup trop insuffisamment remarqué par les jurisconsultes modernes que l’edictum prætoris peregrini a complètement disparu de notre littérature ; car le prétendu commentaire de Labéon sur cet édit (Digeste, 4, 3, 9, 4) vient, ainsi que j’ai noté sur ce texte, exclusivement d’une fausse solution d’une abréviation ; et d’ailleurs cette désignation incorrecte aurait malaisément pu être employée par Labéon.

[101] Gaius, 1, 6. Les indications de Cicéron sur les édits provinciaux de lui et de ses collègues, Ad fam. 3, 8, 4, Ad Att. 6, 1, 15, donnent de la chose un tableau compréhensible. Nous n’en trouvons dans notre littérature qu’un vestige : c’est le commentaire écrit par le jurisconsulte Gaius, qui vivait probablement dans la province d’Asie, ad edictum provinciale, c’est-à-dire sur l’édit qui était, en la forme, celui du proconsul d’Asie, mais qui, quant au fond, concordait, dans la mesure où il a trouvé place dans notre littérature, avec celui du préteur urbain. Cf. mon étude dans Bekker et Muther, Jahrb. des gem. deutschen Rechts, 3, p. 4 et ss.

[102] On reconnaît clairement dans la littérature juridique les compétences judiciaires du préteur urbain, des édiles curules, des présidents de questions, du préteur fidéicommissaire et du préteur tutélaire. Il n’en est pas de même des procès de liberté, probablement parce que les décemvirs litibus judicandis y jouaient le rôle de jurés et que l’introduction de l’instance restait au préteur, ni du préteur pérégrin, parce que la littérature juridique qui nous a été conservée est exclusivement relative aux citoyens romains.

[103] Quærere désigne l’activité propre du magistrat dirigée vers l’établissement des faits, et par suite, c’est, ainsi que le prouvent les termes quæstor parricidii et anquirere, l’expression technique pour la procédure criminelle primitive qui est, dans sa première phase, une simple procédure inquisitoire, tandis que dans la procédure privée, dans la juris dictio, le magistrat ne fait que dire le droit dans la formula et c’est le juré seul qui recherche les faits. Sans doute la même expression est appliquée à la procédure civile, lorsque l’activité des magistrats s’y étend à la recherche des faits : les termes également techniques quæstio status et quæstio inofficiosi le prouvent ; et Pline, Ep. 4, 29. 5, 21, emploie legibus quærere pour les procès de successions des centumvirs. Mais, quoique quæstio désigne tout procès fait sous la direction d’un magistrat ou d’un pseudo-magistrat, sans distinction de procédure civile ou criminelle, cette direction est autant la règle en matière criminelle qu’elle est l’exception en matière civile.

[104] On ne peut s’étonner, en présence de la portée de nos connaissances sur l’ancienne procédure criminelle soustraite à la provocation, que nous n’ayons pas de témoignages à l’appui de cet emploi du consilium.

[105] Les plus anciennes mentions sont in poplico joudicio dans la loi de Bautia, ligne 2, et quæstione joudicioque poplico condemnatus dans la loi repetundarum de 631-632, ligne 11.

[106] Dans la loi repetundarum de 631, l’activité du préteur est constamment désignée par de ea re quærere et, au contraire, celle des jurés par eam rem quærere (lignes 42. 43. 45 rapprochées de la ligne 32 : Quei eam rem quæret avant le verdict ; ligne 62 : Quei eam rem quæsierit après le verdict). Cf. C. I. L. I, p. 67. Cicéron emploie aussi le premier terme pour les jurés (Pro Cæl. 29, 70) et le second pour le préteur (Vers. l. 2, 29, 72).

[107] Le préteur est appelé quæsitor, par exemple, chez Cicéron, Verr. act. 1, 10, 29, et In Vat. 14, 34 ; car le dernier texte ne peut s’interpréter qu’en ce sens que le quæsitor est précisément le préteur L. Memmius. Au reste, cette désignation s’applique à tout directeur d’une quæstio, qu’il soit préteur ou judex quæstionis ou simple chef de jurés, ou directeur d’un tribunal extraordinaire, ainsi qu’il sera montré en son lieu. La forme quæsitor se trouve dans les deux inscriptions où le mot est écrit en toutes lettres (Orelli, 578 = Ritschl, P. L. M. tab. 85, F = C. I. L. VI, 4282 et Orelli, 3409 = C. I. L. IX, 2306). Le scoliaste de Cicéron, Verr. 1. 4, 20, 52, p. 172, distingue également le quæsitor ou président de cour de justice, et le quæstor, maître du trésor ; de même Lydus, De mag. 1, 25. Il faut aussi, chez Varron, 5, 81, écrire quæsitores dicti, au lieu des mots quæstores dicti qui nous ont été transmis, à cause de la glose de Servius sur Virgile, Æn. 6, 432 qui vient probablement de là. Dans les manuscrits, aussi, lorsqu’il s’agit du président de la quæstio, la forme quæsitor est le plus souvent la mieux appuyée et quæstor est déjà effacé ou doit être effacé partout comme une erreur du copiste. — La différence de dénomination est d’importance parce qu’elle confirme que le quæsitor n’est dans aucune corrélation historique avec l’ancien quæstor parricidii.

[108] Lex repet. ligne 19 (cf. ligne 79). Ligne 46. Cicéron, Verr. 4, 31, in fin. Il est de simple logique qu’en présence du transfert du judicium au magistrat, il soit lui-même considéré comme un judex et les jurés comme son consilium. — Cicéron, Pro Balb. 23, 52, ne se rapporte pas à cela ; car il s’y agit évidemment des jurés. Il faut probablement y substituer à præfuerunt, mot dépourvu de sens, le mot præiverunt (cf. Cicéron, Pro Mil. 2, 3 ; Asconius, In Milon. p. 46).

[109] Cicéron, Pro Arch., in fin. Asconius, In Cornel. p. 62 et beaucoup d’autres textes.

[110] Cf. tome IV, le chapitre des Magistrats présidente de jurys.

[111] Le prætor qui centumviralibus præsidet est nommé par Pline, Ep. 5, 9 [21], 5 ; et puisque la hasta donne, comme on sait, son nom à ce tribunal (Gaius, 4, 16. Suétone, Aug. 36. Val. Max. 7, 8, 1, 4. Quintilien, Inst. 11, 1, 78, et bien d’autres textes), l’interprétation (proposée par moi, sur Borghesi, Opp. 5, 390) du prætor hastarius (Orelli, 2379 = C. I. L. VI, 1365) ou ad hastas (inscription de Torquatius Novellius, Henzen, 6453 = C. I. L. XIV, 3602) ne peut soulever aucun doute. — Au reste, la legis actio sacramento, c’est-à-dire l’organisation de l’instance in jure, ne regarde pas là ce préteur, mais toujours le préteur urbain ou pérégrin (Gaius, 4, 31). — Nous ne savons à quelle relation entre la cour des centumvirs et le préfet de la ville Stace, Silves, 1, 4, 24, veut faire allusion. Hirschfeld, Wiener Sud. 1881, p. 273, écrit certum au lieu de centum.

[112] Suétone, Aug. 36.

[113] Torquatus Novellius qui vient d’être cité et qui fut prætor hastarius vivait sous Tibère (Pline, H. n. 14, 22, 144) ; et l’emploi fait par Auguste des décemvirs lit. jud. dans les procès centumviraux n’exclut pas l’attribution par lui de la haute présidence à un préteur, surtout étant donné que les décemvirs et les préteurs figurent là concurremment, au mains au temps de Trajan.

[114] Vita Marci, 10. Inscription de C. Arrius Antoninus (C. I. L. X, 1874 = Henzen, 6485), une autre pierre relative au même personnage, C. I. L. VIII, 7030. Il est fréquemment question de lui chez les jurisconsultes (Zimmern, Rechtsgesch. 1, 885) et dans les inscriptions (Borghesi, Opp. 5, 386).

[115] Il est mentionné par une inscription du commencement du IIIe siècle (C. I. L. X, 5398 à Eph. ep., 1872, p. 433) et par une constitution d’Alexandre Sévère de l’an 223 (Cod. Just. 4, 56, 1).

[116] Si, comme il semble, Dion, 52, 20. 21, décrit dans le discours de Mécène, l’état de choses de son temps, les procès capitaux étaient alors réservés au préfet de la ville ; mais les préteurs de questions statuaient encore sur les autres avec leurs conseils.

[117] On n’a pu jusqu’à présent relever aucun témoignage de l’existence du prætor peregrinus, postérieur aux inscriptions de C. Julius Asper, l’un des deux consuls de ce nom de l’an, 212, probablement le fils, dans Marini, Arv. p. 784 = C. I. L. XIV, 2509. 2510 (cf. Borghesi, Opp. 7, 95). La conjecture de Marquardt (1re éd. de ce manuel), selon laquelle Caracalla aurait supprimé la préture pérégrine lorsqu’il accorda le droit de cité romaine à tous les habitants de l’empire, a pour elle de grandes vraisemblances.

[118] Vita Gordiani, 18. La préture urbaine elle-même subsista ; ainsi Symmaque écrit, Ep. 4, 59 : Designatum tibi ad urbanam præturam filium meum nuntio... quadrigarum curulium nobilitas præparanda. Les formulaires d’invitation à prendre part à la cérémonie de la prise de ces faisceaux le 1er janvier, se trouvent Ep. 8, 71. 12.

[119] La législation de Constantin et celle qui vient après elle ne connaissent pas d’autre juridiction prétorienne que celles relatives aux affaires de tutelles (const. de 389, C. Th. 3, 17, 3 = C. Just. 5, 33, 1, et beaucoup d’autres textes) et aux procès de liberté (C. Th. 6, 4, 16 ; Justinien, Nov. 13, 1, 1). Le prætor uterque de la constitution problématique, C. Just. 1, 62, 17 (cf. 5, 71, 18) = C. Th. 3, 32, 2 pourrait, en conséquence, se rapporter à ces deux prétures. Cf. Lydus, De mag., 2, 30 ; Bethmann-Hollweg, Rœm. Civilprozess, 3, pp. 59. 66.

[120] Les mots d’Ulpien, Digeste, 5, 1, 58, Judicium solvitur vetante eo qui judirare jusserat se rapportent à la vérité sûrement au judex datus de l’époque récente, mais peuvent être appliques par analogie au juré.

[121] Nous ne pouvons ici qu’indiquer que tantôt les règles relatives à la capacité sont absolument obligatoires, et que tantôt elles ont pour seul effet ; de donner à la partie le droit d’exiger un juré de l’espèce désignée.

[122] Loi agraire, ligne 37.

[123] Dans Denys, 4, 36, cf. ce que dit le roi Servius, considéré comme l’auteur de la séparation du jus et du judicium, aux sénateurs. Polybe, 6, 17. En parlant de contrats publics, Polybe pense au cercle de la justice administrative. Peu importe que la procédure par jurés ne joue là à côté du jugement direct du magistrat qu’un rôle, à la vérité important, mais secondaire ; car Polybe souligne seulement que, lorsque des jurés statuent, ce sont des sénateurs. Plaute, Rud. 713 = 3, 4, 7, songe peut-être à des institutions romaines.

[124] Cicéron, Pro Cluent. 43. Il n’est pas absolument impossible de rapporter ces paroles prononcées en 688 à la nomination des centumvirs ; mais il est bien plus vraisemblable que Cicéron pense à une liste générale des jurés dressée par le préteur urbain, comme pour la censure il pense à celle de 684. On peut donc considérer le texte comme probant relativement à l’existence d’une pareille liste.

[125] Lex repetundæ de 630 ou 631, lignes 12 et ss.

[126] L’institution qui implique l’existence de 35 tribus est donc plus récente que l’an 513, et même sans doute plus récente que l’an 537 ; car la loi Crepereia, — qui fut peut-être celle qui appela ce tribunal à l’existence — évalue le sesterce à quatre as (Gaius, 4, 95). D’autre part, L. Crassus († en 663) a déjà pris la parole dans un procès centumviral (Cicéron, Brut. 39, 53. De or. 1, 39. Pro Cæc. 24).

[127] Festus, Ep. p. 54. Varron, De r. r. 2, 1, 26. La liste des jurés de la lex repet. est aussi établie tributim, quoique l’égalité du chiffre n’y soit pas requise entre les tribus : — Au reste, la dénomination surprend, parce que les désignations formées de viri précédé d’un chiffre, ne sont ailleurs jamais appliquées qu’aux magistratures et aux sacerdoces d’un caractère établi et non aux jurés institués par le magistrat. Il n’est pas impossible que les centumvirs eux-mêmes soient issus dune élection populaire, organisée d’une manière quelconque, par exemple de la même façon que dans la loi Varia. Cf. tome IV, la section des decemviri litibus judicandis.

[128] Les Verrines montrent que le gouverneur avait coutume de publier une liste de jurés à son entrée en charge (L. 2,13, 32), mais qu’il n’était pas lié par cette liste et nommait les jurés de procès en procès (L. 3, 11, 28. c. 60, 139). Selon Pline, Ad Traj. 58, le conventus commence par l’appel des jurés. Les recuperatores cives Romani, qui remplaçaient en province les sénateurs et les chevaliers du conseil des affranchissements de la capitale, doivent avoir été pris sur ces listes.

[129] Asconius, In Cornel. p. 19.

[130] Cf. tome V, le chapitre de la justice criminelle impériale.

[131] En règle, du sénat qui, par exemple, peut inviter le préteur urbain ou un autre préteur à procéder à un dilectus à côté du dilectus consulaire (Tite-Live, 42, 35, 4. 43, 14, 3) ou de proposer une loi (Tite-Live, 27, 5, c. 23, 7) ou de convoquer le sénat dans un but donné. Il n’est pas douteux que le consul présent à Rome pouvait aussi lui-même charger un préteur d’un acte lui incombant ; mais ce n’était pas l’usage.

[132] Alors il y avait une représentation complète. Ainsi le préteur rendait l’édit, convoquant les comices que devait tenir le consul.

[133] Pour les professiones relatives aux grains, le préteur pérégrin est substitué au préteur urbain comme le préteur urbain au consul. Le sénat est parfois convoqué en l’absence des consuls par les deux préteurs urbains.

[134] Loi Quinctia chez Frontin, De aq. 428. Le règlement fait pour l’aqueduc de Venafrum renvoie au même préteur les procès entré les particuliers et la cité relatifs à cet aqueduc (Henzen, 6428 = C. I. L. X, 4842).

[135] Tite-Live, 25, 22, 4. 39, 20, 4. 42, 35, 4. 43, 15, 1.

[136] En 556, le préteur urbain se rendit à 5etia pour étouffer un soulèvement servile imminent et chemin faisant obvios in agris sacramento arma capere et sequi cogebat (Tite-Live, 32, 26, 11). Autres cas, Tite-Live, 7, 23, 3. c. 25, 12. 10, 31, 3. 22, 57, 8. 23, 32, 18. 41, 5, 7. Les cas de ce genre doivent avoir été pris en considération dans la détermination du délai de dix jours. Il se comprend de soi que, lorsque les guerres extérieures ou intérieures amenaient des combats dans le territoire de la paix, le préteur urbain y avait le commandement en l’absence des consuls.

[137] Tite-Live, 27, 22, 5. 41, 12, 1, Une autre mission extraordinaire dans Tite-Live, 32, 1, 6.

[138] La condition anormale de la Gaule Cisalpine, à laquelle même comme province, la justice était rendue de Rome et non pas par le gouverneur, ne peut être examinée ici de plus près.

[139] L’application de ce principe peut, par exemple, être suivie nettement relativement aux amiraux en fonctions dans les guerres contre Philippe et Antiochus. L. Quinctius Flamininus, préteur urbain en 555 (Tite-Live, 32, 1, 2) reçoit, le commandement de la flotte pour la guerre contre Philippe qui commence l’année suivante ; il doit être nécessairement le στρατηγός τών 'Ρωμαίων έπί τών να[υτικών] du décret de Lampsaque qui se place en l’an 558 (Lolling, Mitth. des Athen. Inst. 6, 96). Tite-Live le cite aussi, 32, 16, 2. c. 28, 11, parmi les propréteurs pourvus de commandements par le sénat pour les années 556 et 557. S’il figure dans les récits comme legatus et præfectus classis (Tite-Live, 33, 17, 2. 34, 50, 11 ; Plutarque, Flam. 3), cela est bien exact au point de vue du fond ; mais ce n’est pas exact sous le rapport du titre ; car il a un imperium propre. A. Atilius, préteur en 562 (Tite-Live, 36, 20, 7), et C. Livius, préteur en 563 (Tite-Live, 36, 42, 1), sont également appelés dans leur année de magistrature du nom de præfectus classis. Ils arrivèrent au triomphe comme préteurs. — Au reste, le proconsul est de la même façon sens les ordres du consul, pour peu qu’il n’ait pas de circonscription administrative distincte.

[140] Appien, B. c. 1, 38, exprime, en citant ce proconsul, son étonnement que l’Italie ait été ; dès alors, comme plus, tard sous Hadrien, divisée en départements proconsulaires.

[141] Varron, De l. l. 6, 54. Macrobe, Sat. 3, 12, 2. Servius, Ad. Æn. 8, 216. Sur les nombreuses inscriptions qui se rapportent à cet acte, cf. Rossi, Ann. dell’ Inst. 1854, p. 28 et ss. — Il en est de même de la fête de Castor du 15 juillet.

[142] Les oracles Marciens le prescrivaient : Iis ludis faciendis præerit prætor is qui jus populo plebeique dabit summum (Tite-Live, 25, 12, 10 ; Macrobe, Sat. 1, 17, 28) ; et l’ambitus, qui prit par là pied dans la magistrature qui précédait immédiatement le consulat, ratifia l’oracle, s’il ne l’avait pas inventé. Tite-Live, 26, 23, 3. 27, 11, 6. c. 23, 4. 39, 39, 15. Festus, v. Thymelici, p. 326 et beaucoup d’autres textes. C. I. L. I, p. 396.

[143] Festus, p. 238. Les ludi victoriæ Sullanæ du 1er novembre furent également confiés aux préteurs (R. M. W. p. 625 = tr. fr. 2, 487 ; C. I. L. I, p. 405). Sur leur participation aux jeux séculaires.

[144] Dion, 54, 2, sous la date de 732. Chez Tacite, Ann. 1, 77, on demande au Sénat, ut prætoribus jus virgarum in histriones esset. Sur les frais, cf. Vita Hadriani, 3 ; sur la participation du trésor et sur le règlement général des frais, cf. Tacite, Ann. 1, 15 ; Fronton, Ad Ver. 2, 7, éd. Nab. p. 135 ; Dion, 54.2. 17. 55, 31. Autres mentions des jeux prétoriens, chez Tacite, Agric. 6 ; Pline, Ep. 7, 11, 4 ; Martial, 12, 29, 9 ; Juvénal, 10, 36 ; Dion, 54, 34. 56, 25. 59, 14. 60, 31. 61 ; 6. Au reste, les préteurs donnaient probablement, en outre, des jeux volontaires : Dion, 60, 12. 17.

[145] Denys, 2, 19. Martial, 10, 41. Juvénal, 11, 193 et ss.

[146] Suétone, Galba, 6 ; Dion, 58, 19. 78, 22.

[147] Ils furent d’abord confiés aux tribuns de la plèbe (Tacite, Ann. 4, 15 ; Dion, 56, 46. 47) ; mais ils passèrent bientôt au préteur des pérégrins (Tacite, loc. cit.).

[148] Dion, 69, 2, d’où (C. I. L. I, 378) il faut rapprocher le prætor Parthicarius d’une inscription de Tarragone, C. I. L. II, 4105. — Le prætor triumphalis (Orelli, 2351 = C. I. L. VI, 1675 ; Fabretti, 706, 267 ; C. Th. 6, 4, 5, 25) n’appartient sans doute qu’au IVe siècle.

[149] Dion, 78, 22. Au IVe siècle, les préteurs se divisaient en trois classes selon le montant obligatoire des frais des jeux (Godefroy, ad C. Th. 6, 4).

[150] Tout au moins ce que Dion, 59, 14, dit de Gaius. Des jeux prétoriens de gladiateurs sont aussi mentionnés chez lui, 54, 2. 55, 31. 56, 25. Le tirage au sort de ces jeux avait encore lieu au IVe siècle (C. Th. 6, 4, 13).

[151] Il a déjà été fait allusion aux jeux que Symmaque organisa pour son fils prætor urbanus ; suivant Olympiodore (4, éd. Müller, p. 68), ils coûtèrent 2.000 livres d’or, quoique le père ne fut pas particulièrement riche pour un sénateur. D’autres dépensaient des sommes bien plus fortes. Cf. Zozime, 2, 38. Les titres du code Théodosien, 6, 4, et du code Justinien, 4, 39, se rapportent exclusivement aux préteurs de Constantinople.

[152] En 688, le préteur qui préside de majestate est absent de l’audience avocatus propter publici frumenti curam (Asconius, In Cornel. p. 59). Cf. tome IV, le chapitre de l’Édilité.