LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE PREMIER. — LA MAGISTRATURE.

DÉCLARATION DE LA CANDIDATURE ET CAPACITÉ D’ÊTRE MAGISTRAT.

 

 

INÉLIGIBILITÉS ABSOLUES.

Comme inéligibilités absolues, nous citerons : en premier lieu, l’absence du droit de cité ou tout au moins de l’intégralité des droits politiques qui en résultent, ce qui comprend les incapacités partielles des plébéiens, des affranchis, des citoyens exclus légalement du droit aux magistratures et des personnes à qui il a été retiré par suite de l’occupation d’un sacerdoce ou à titre de peine ; puis le sexe féminin et les maladies physiques ou mentales ; ensuite les imperfections de l’honorabilité ou un genre de vie incompatible avec l’exercice des magistratures, comme est celui des gens exerçant un métier ; enfin, sous l’Empire, le défaut d’une fortune suffisante et de l’admission à l’exercice des magistratures qui est alors la condition préalable de leur occupation. Le degré jusqu’auquel chacune de ces circonstances a été prise en considération par là loi sera établi dans la suite de nos explications.

 

1. DÉFAUTS OU DÉFECTUOSITÉ DU DROIT DE CITÉ.

La condition première et indispensable d’éligibilité est la possession du droit de cité romaine. En conséquence les esclaves et les étrangers[1], les Latins aussi bien que les pérégrins, sont incapables de revêtir une magistrature de l’État ; ici même, lorsque l’élection porte par erreur sur une telle personne, la renuntiatio est nulle[2], sans parler de la peine capitale qui, en pareil cas, atteint tout au moins l’esclave[3]. Parmi les citoyens, l’éligibilité appartient en somme sous la République, — le principe différent suivi sous le principat sera étudié plus loin, — à tous les citoyens complets. L’intelligence politique des Romains désapprouve l’exclusion théorique de classes déterminées de citoyens[4], si difficile qu’il ait été, de tous les temps, aux petites gens de parvenir aux magistratures à côté des grands. Pourtant il existe parmi les citoyens certaines catégories mises dans une condition inférieure qui, si diverses qu’elles puissent être quant à leur origine et à leur durée d’existence, se ressemblent toutes en ce que, les personnages qui les composent sont, malgré leur qualité de citoyens, incapables de briguer les magistratures. Encore que les plus nombreuses et les plus importantes de ces catégories ne puissent être étudiées que dans le livre où nous traiterons du Peuple, la mention ne peut pourtant en faire défaut dans la matière qui nous occupe. Ces classes placées dans une position inférieure comprennent : les plébéiens ; les affranchis et leurs enfants ; les membres des cités de citoyens sans suffrage ; le rex sacrorum et anciennement peut-être encore d’autres prêtres ; enfin les personnes auxquelles l’éligibilité a été enlevée à titre de peine.

1. Les plébéiens, même après qu’ils eurent été reconnus comme faisant partie de la cité et qu’ils votèrent dans les comices, restèrent encore longtemps exclus de l’exercice des menues magistratures ; ce qui fait qu’à cette époque, le patricial était une condition nécessaire chez les magistrats patriciens, tout comme le plébéiat chez les magistrats plébéiens. Il n’y a jamais eu de disposition législative générale qui ait mis, relativement aux magistratures, les plébéiens sur le même pied que les patriciens ; mais des décisions spéciales, qui ne pourront être étudiées que dans les chapitres consacrés aux différentes magistratures ont rendu accessibles aux plébéiens, d’abord sans le titre, dans le décemvirat et le tribunat militaire consulaire, la magistrature suprême de l’État, puis, en 333, la questure, en 387, le consulat lui-même, et sans doute en même temps le reste des magistratures patriciennes, et on l’a fait en partie, spécialement pour le consulat et l’édilité curule, non pas en établissant une égalité complète entre les candidats, mais en organisant des distinctions, défavorables aux patriciens pour la plus grande part, que nous expliquerons au sujet des différentes magistratures. — L’exclusion des plébéiens des magistratures patriciennes, comme d’autres institutions du bon vieux temps, fut ressuscitée, au moins jusqu’à un certain degré, par Sulla, dans la loi Cornelia de 673, qui décide que l’exercice du tribunat plébéien rend incapable de se présenter aux magistratures patriciennes[5] ; au reste, la mesure fut abrogée dès l’an 679[6].

De même que le patriciat était, à l’origine, une condition  aux plébéiennes ; requise pour les magistratures patriciennes, le plébéiat fut, lors de l’institution des magistratures plébéiennes, exigé pour elles comme la première et la plus importante condition de capacité[7], et cette condition a toujours été maintenue, même pendant toute la durée de l’Empire[8]. Seulement, si le tribun n’était pas élu par la plèbe, mais coopté par ses collègues, il semble avoir été admis que la magistrature plébéienne pouvait alors être acquise par un patricien, ce qui doit s’être rattaché à la rédaction de la formule de nomination des tribuns. Mais il est très douteux que cette interprétation contre nature ait lamais été autre chose qu’un moyen d’éluder la loi, et, au contraire, il est certain que la suppression de la cooptation elle-même fit, dès l’an 306, disparaître absolument cette distinction entre les tribuns élus et les tribuns nommés par, cooptation. — Le patricien ne peut donc arriver à une magistrature plébéienne qu’après s’être dépouillé de sa noblesse dans les formes établies[9], ce que le filius familias n’a pas le droit de faire sans le consentement de son père[10].

2. L’ingénuité, qui, remplace en fait pour les plébéiens la gentilité patricienne, a, comme nous le démontrerons en étudiant l’État patricio-plébéien (VI, 1), probablement été constituée en condition d’éligibilité d’abord pour les magistrats de la plèbe et ensuite pour les magistrats plébéiens de l’État. On entend par là la naissance d’un père né libre, c’est-à-dire la preuve que la personne descend d’un père libre et d’un grand-père libre, sinon libre de naissance. Le droit de cité du père n’est pas requis, les nouveaux citoyens eux-mêmes pouvant être de bonne naissance[11]. Relativement à la mère, aucune autre preuve n’est requise que celle déjà, impliquée par la preuve de la paternité, à savoir qu’elle lui était unie par un mariage légitime. Quoique l’ingénuité elle-même ait été, comme nous verrons au sujet des affranchis (VI, 2), étendue par la loi Terentia de 565 à tous les citoyens nés d’une mère libre, par conséquent même aux fils d’affranchis et aux individus nés hors mariage, l’exigence d’un grand-père libre a été maintenue comme condition d’éligibilité à la magistrature[12] et d’acquisition du siège sénatorial qui en résulte[13] jusqu’à une époque récente[14]. Cette exigence n’a jamais été tournée sous la République ni par voie d’adoption[15], ni par voie d’attribution législative de l’ingénuité. Cette attribution a au contraire joué un grand rôle sous le Principat, sous le nom de jus aureorum anulorum ou de restitutio natalium ; nous en traiterons dans la théorie du Principat.

3. Les citoyens auxquels ou aux ancêtres desquels l’électorat a été refusé au moment de la concession du droit de cité par une réserve légale (cives sine suffragio) sont en conséquence en même temps incapables de revêtir une magistrature romaine[16].

Les citoyens que les censeurs rayaient des tribus, ont, à l’époque ancienne, tant qu’ils ont perdu par là le droit de vote pour la durée du lustre, probablement vu leur éligibilité suspendue pendant le même délai[17]. Mais, depuis que, par leur nota, les censeurs ne font plus que substituer au vote plus avantageux dans une tribu rurale, le vote moins avantageux dans une tribu urbaine, la personne ainsi notée garde son éligibilité avec son droit de vote[18]. Car il ne s’agit pour elle que du droit de vote dans les tribus et non pas de son efficacité ; est éligible quiconque peut se trouver dans le cas de voter, quand même ce ne serait que dans la centurie des capite censi.

Il n’est pas invraisemblable que, lorsque après la guerre sociale, les nouveaux citoyens reçurent le droit de vote seulement dans des tribus déterminées, l’éligibilité leur fut refusée d’une manière complète ; cependant, si cette restriction a réellement existé, elle n’a subsisté que peu de temps.

Sous l’Empire le droit de cité romaine, à l’exclusion du droit d’éligibilité[19], se rencontre attaché au droit de cité locale de différentes villes. Les citoyens romains domiciliés dans les provinces des. Gaules annexées à l’empire par César n’ont reçu le droit général[20]de revêtir les magistratures romaines qu’en 48 et postérieurement[21]. Le même droit de cité réduit peut avoir constitué la règle dans les provinces sous la dynastie julio-claudienne[22].

4. Il y a au moins un sacerdoce qui est regardé comme incompatible avec les magistratures et, en général, avec toutes les fonctions publiques et dont, par conséquent, le titulaire est inéligible[23], et même peut être forcé de déposer, avant son inauguration, les magistratures qu’il pouvait avoir acquises antérieurement à sa nomination[24]. C’est la royauté des sacrifices. Les autres sacerdoces ne sont pas, du moins dans l’époque qui nous est exactement connue, légalement incompatibles avec la magistrature, bien que les obligations des grands flamines et du pontifex maximus se trouvent en conflits multiples avec les fonctions à, remplir par le magistrat, surtout avec celles à remplir hors d’Italie[25]. Sous l’Empire, il semble que la première incompatibilité a elle-même disparu et que le rex sacrorum est admis à revêtir les magistratures[26].

5. Le droit le plus ancien ne connaît pas la privation du droit aux magistratures comme peiné distincte. Naturellement, lorsque la condamnation entraîne la perte de la qualité de citoyen, l’éligibilité disparaît en même temps. Mais c’est dans la procédure criminelle du vu, siècle que se rencontre pour la première fois une diminution des droits de citoyens qui dépouille seulement de l’éligibilité. Cette procédure a, comme on sait, deux variétés : l’ancienne procédure qui se termine par là provocatio ad populum, et la procédure des quæstiones. Dans la première, qui ne se présente en pratique, à cette époque, que rarement et principalement comme procédure en prononciation de multæ, ce fut, semble-t-il, la loi Cassia de l’an 650 qui attacha la première à la condamnation l’incapacité d’acquérir les magistratures[27]. La procédure des quæstiones connaît cette incapacité, à la fois comme légalement liée à certaines peines qui, pour le surplus, n’enlèvent pas la cité, et comme peine principale. La première idée s’applique, par exemple, à l’interdiction de résider en Italie : cette interdiction n’enlève pas la qualité de citoyen, mais elle dépouille du droit de briguer les magistratures[28]. D’autre part, ce droit a été enlevé, à titre de peine spéciale, aux individus condamnés dans la quæstio ambitus, d’abord pour un nombre d’années déterminé, puis à vie[29], et les mêmes règles s’appliquent à la quæstio de vi privata[30] ; il y a encore d’autres quæstiones du VIIe siècle dans lesquelles la perte active et passive des droits électoraux a fonctionné comme peine[31]. Enfin, tes lois qui exigent des magistrats le serment de les observer, menacent ceux qui ne prêteraient pas le serment, non seulement de la perte de la magistrature qu’ils occupent, mais de l’incapacité générale de revêtir les magistratures publiques[32]. — De plus, Sulla a, en 673, rendu les descendants des proscrits inéligibles[33], et leur capacité ne leur a été rendue que par César en 705[34].

 

2. SEXE FÉMININ ; INFIRMITÉS PHYSIQUES ET MORALES.

Une femme est incapable de revêtir les magistratures de l’État[35]. — Il est en outre assez vraisemblable, sans que cela puisse guère être indiqué comme démontré[36], qu’il n’y avait à pouvoir arriver aux magistratures, spécialement à la plus ancienne et à la plus élevée de toutes, au consulat, que les hommes propres au service militaire, et que, par conséquent, la paralysie, en particulier, en excluait. Pour les temps historiques, tout ce qui pourrait être affirmé, c’est que le magistrat président du vote a eu, tant qu’il a agi librement, le droit d’exclure de la candidature les candidats que leur état physique ou mental rendait notoirement incapables de remplir les obligations de la magistrature dont il s’agissait.

 

3. EXISTENCE D’UNE CAUSE D’INDIGNITÉ.

De même que le magistrat qui organisait les procès n’admettait sans réserve à figurer en justice pour des tiers que le citoyen dont l’honorabilité était intacte, de même et encore plus le président du vote n’aurait pas admis la candidature, ou, s’il avait déjà été élu, n’aurait pas proclamé la nomination de celui qui, d’une manière avérée, aurait accompli une action infamante, qui, par exemple, aurait été condamné pour vol suo nomine[37], ou qui aurait été dégradé ou congédié par son général pour lâcheté[38], ou également qui serait tombé en déconfiture[39] ou qui aurait exercé la profession de teneur de mauvais lieu, de patron de gladiateurs ou de comédien[40]. Mais c’est toujours le magistrat président de l’élection qui décide à son gré si un candidat doit être écarté pour un de ces motifs. La nota du censeur, l’existence d’une poursuite criminelle[41], la condamnation criminelle même[42], en dehors naturellement des cas où la loi elle-même enlevait expressément au condamné le droit de cité ou l’éligibilité, ne forçaient pas le magistrat président à exclure le candidat, bien qu’il pût le faire pour l’une quelconque de ces causes. Mais il est inutile de s’arrêter plus longtemps sur cette question relativement à laquelle nous sommes privés de renseignements positifs et il est probable qu’il n’y avait même pas de règles positives. Il y a sûrement eu certains cas d’indignité, en présence desquels le président du vote n’a eu, à aucune époque, le droit d’admettre le candidat ou de faire la renuntiatio ; mais on ne peut tracer une ligne de démarcation précise, et il est même probable qu’il n’y en a pas eu, que c’est finalement l’arbitraire du magistrat président du vote qui a décidé. A l’époque ancienne, où l’action du président du vote était plus libre, l’exigence d’une honorabilité intacte doit avoir été plus strictement maintenue ; postérieurement, les exclusions ont dû, en général, se limiter aux cas les plus choquants et les moins douteux, bien que plusieurs exemples[43] montrent clairement que, même dans les derniers temps de la République, il restait encore pour l’arbitraire du président du vote un espace considérable. La preuve évidente que ni la pratique ni la théorie ne sont arrivées dans ce domaine épineux à une solution précise, c’est qu’il n’y a pas d’expression technique pour désigner l’indignité en droit public[44]. Ce n’est que sous l’Empire que l’idée d’infamie, formée en droit civil et progressivement réglée, fut transportée dans le domaine politique pour faire considérer comme étant incapable de revêtir les magistratures celui qui était infamis aux termes de l’édit du préteur[45]. En toute hypothèse, le fait qui motive l’indignité doit être ou judiciairement constaté ou notoire[46] ; s’il ne l’est pas, le président du scrutin n’a pas le droit de faire une instruction à ce sujet et l’absence d’indignité peut être présumée exister chez tout citoyen.

C’est par une simple application des principes qui viennent d’être indiqués qu’une coutume ancienne et établie exclut de la candidature celui qui, pour le moment, exerce un métier ou reçoit un salaire pour ses services[47]. Celui qui a occupé une telle position ou dont le père l’a occupée, mais qui ne l’occupe plus pour le moment, est bien signalé par les rédacteurs aristocratiques des Annales[48] ; mais il n’est pas exclu pour cela. L’idée de l’infamie n’a naturellement jamais été étendue à ceux qui exercent un métier ; mais la situation intacte au point de vue honorifique, que doivent avoir les magistrats de la cité, paraît aux Romains incompatible avec l’exercice d’un métier.

 

4. LIMITATION APPORTÉE SOUS LE PRINCIPAT AU DROIT D’OCCUPER LES MAGISTRATURES.

Sous la République, tout citoyen qui n’en était pas empêche par une loi spéciale était considéré comme apte à occuper n’importe quelle magistrature de l’État[49]. Auguste a, au contraire, fait du droit de briguer les magistratures, un privilège personnel. D’une part, ce privilège était lié à la possession d’une fortune d’au moins un million de sesterces[50] (= 250.000 fr.), et disparaissait avec son abaissement au-dessous de ce chiffre. D’autre part, il exigeait le rang sénatorial qui était acquis par succession à la descendance des sénateurs et était susceptible d’être concédé à d’autres personnes par l’empereur. Ces deux points seront développés plus loin dans le chapitre de la nobilitas et de l’ordre sénatorial (VI, 2). Les personnes de l’ordre équestre, pour lesquelles un cens fut également établi, et qui recevaient le cheval équestre exclusivement de l’empereur, sans que l’hérédité eut là d’application, n’étaient pas admises aux magistratures, mais l’étaient à des fonctions publiques analogues. Les citoyens qui n’appartenaient pas à l’ordre sénatorial et qui ne possédaient pas le cheval équestre, étaient exclus des fonctions publiques.

 

 

 



[1] On pourrait, à la vérité, avoir l’idée que les anciens jurisconsultes auraient considéré l’élection du roi, par opposition à celle des magistrats de la République, comme libre en ce sens que, même le non citoyen, comme Numa, même l’homme d’une race étrangère, comme Tarquin, même l’individu qui n’est pas libre, comme le fils d’une esclave Servius, aurait pu être roi. Si cette idée se trouve véritablement au fond du récit, on ne peut y voir qu’une fantaisie théorique ; car il est incroyable qu’un État qui réclame le patriciat chez l’interroi admette comme roi même un esclave. Mais il est probable que les récits sont absolument naïfs à ce point de vue et qu’il WY est aucunement pensé à la capacité d’être élu.

[2] Jérôme, ad a. Abr. 1976. Dion, 48, 34. Ulpien, Digeste 1, 14, 3. Le jurisconsulte se demande en outre si tous ses actes officiels ne sont pas nuls, et il répond négativement. Cf. Suidas, v. Βάρθιος Φιλιππικός. Il a déjà été remarqué que les contemporains d’Hadrien et de Caracalla étendent ici la souveraineté du peuple au-delà de sa portée. — On sait que la capture à la guerre dans une guerre civile n’entraîne pas légalement l’esclavage et, par conséquent, n’influe pas sur l’éligibilité. Au contraire, il mérite d’être remarqué que ce privilège a été appliqué à la guerre sociale et que l’habitant d’Asculum, P. Ventidius, qui figura comme prisonnier dans le triomphe de 663, n’en arriva pas moins à Rome aux magistratures, par conséquent fut regardé comme un civis R. ingenuus.

[3] Dion, 48, 34. Cela s’applique aussi aux esclaves qui sont devenus magistrats municipaux (Dioclétien, Cod. Just. 18, 33 [32], 2), ou soldats (Pline, Ep. ad Traj. 29. 30), à condition naturellement qu’il y ait eu de leur part une intention coupable.

[4] Les Romains le disent eux-mêmes. Apud majores, dit Tacite, Ann. 11, 22, cunctis civium, si bonis artibus fiderent, licitum petere magisiratus. Les plébéiens disent dans Tite-Live, 4, 3, 4 : Id quod populi est repetimus atque usurpamus, ut quibus velit populos Romanus honores mandet. On trouve fréquemment l’expression d’idées analogues.

[5] Appien, B. c. 4, 100. L’édilité plébéienne n’a sans doute pas été atteinte par ces mesures ; car elle avait depuis longtemps perdu le caractère de magistrature d’opposition. Par conséquent, l’accès à cette magistrature devait être fermé aux ex-tribuns, comme celui aux magistratures patriciennes. Il n’y avait pas d’obstacle à l’occupation de la questure auparavant. La loi ne touchait pas non plus au droit des tribunicii de siéger au sénat.

[6] Cicéron, Pro Cornel. p. 79 : (Cotta) consul (679) paullum tribunis plebis non potestatis, sed dignitatis addidit. Sur ce texte, Asconius : Hic Cotta ut puto legem tulit, ut tribunis plebis liceret postea alios magistratus capere, quod lege Sullæ iis erat ademptum. Le même, p. 66. Salluste, Hist. 3, 61, 8, éd. Dietsch. Scolies ad Cie. Verr. l. 1, 60, 455, p. 200.

[7] Festus, Ep., p. 231. Tite-Live, 4, 25, 11. Zonaras, 7, 15. Suétone, Auguste, 10.

[8] Dans les inscriptions de l’Empire on ne rencontre jamais de magistrature plébéienne attribuée à un patricien ; on ne peut naturellement objecter en sens contraire les tribunicii inter patricios. Orelli, 723 = C. I. L. XIV, 3607. Orelli, 773.

[9] Il suffit à ce sujet de rappeler le cas de Clodius et la transitio ad plebem dont nous aurons ailleurs à nous occuper. Cf. VI, 1.

[10] Tite-Live, 27, 21, dit de l’édile plébéien de 545, C. Servilius : On déclarait illégal que Servilius eût été tribun de la plèbe et fût édile, parce que son père, triumvir pour le partage des terres, dont on avait cru pendant dix ans que les Boïens l'avaient tué aux environs de Modène, vivait et était prisonnier des ennemis, tout le monde le savait, et ensuite, 30, 19, 9, après avoir raconté la délivrance du père par le fils, consul en 551 : On proposa au peuple de ne pas faire un crime à C. Servilius, fils d'un citoyen qui avait exercé des magistratures curules, d'avoir accepté du vivant de son père, qu'il croyait mort, les fonctions de tribun du peuple et d'édile plébéien, ce qui était contraire aux lois. Ce récit soulève des difficultés, soit en lui-même, parce qu’on ne voit pas pourquoi les descendants au premier degré d’un magistrat curule plébéien auraient été privés, tant que leur père aurait vécu, d’un droit qui appartient à tous les autres plébéiens, soit parce qu’il y a un cas où quelqu’un qui avait même occupé le siège curule, M. Fulvius Flaccus, consul en 629, reçoit le tribunat pour 632 (Appien, B. c. 1, 24). La supposition d’Hofmann (Rœm. Senat, p. 127), d’après laquelle cela aurait été inadmissible à l’origine et le droit aurait été modifié entre 551 et 631, tranche le nœud au lieu de le délier. Il serait plutôt possible que les faits n’eussent pas été exactement reproduits par Tite-Live. La famille des Servilii Gemini est de celles qui sont devenues plébéiennes par transitio : C. Servilius, le consul de 551, et son frère sont certainement plébéiens, le grand-père est certainement patricien. Nous ne savons si le père, qui fut si longtemps prisonnier des Boïens, était patricien ou plébéien (Rœm. Forsch. 1, 118). Si, ce qui est possible, ce ne fut pas lui, mais ses fils qui devinrent les premiers plébéiens, et cela, après qu’il était tombé en captivité, pendant qu’on le croyait mort, la transitio se trouva, lorsqu’il fut établi que le père était encore vivant, nulle en ce sens que, comme on sait, les enfants restent sous la puissance du père malgré sa captivité, et que celui qui n’était pas sui juris ne pouvait sans doute pas renoncer au patriciat sans le consentement de son père. Les jurisconsultes préféreront cette supposition à la fiction légale qu’il faudrait admettre sans cela et d’après laquelle l’ex-magistrat patricien appartenant à la plèbe et ses descendants du premier degré seraient regardés comme patriciens et posséderaient ce patriciat d’une manière irrévocable à la différence des véritables patriciens qui peuvent toujours renoncer à leur noblesse. A la vérité, Tite-Live n’a pas alors correctement formulé l’objection juridique qui était soulevée ; car il ne s’agissait pas de ce que le père avait occupé le siège curule, mais de ce qu’il était patricien et qu’il n’avait pas autorisé au temps requis ses fils à devenir plébéiens.

[11] L’exemple en est fourni par P. Ventidius, consul en 711, et les deux Cornelii Balbi. II est choquant, mais non pas inconstitutionnel que César civitate donatos et quosdam e semibarbaris Gallorum in curiam recepit (Suétone, Jul. 76 rapproché de 80).

[12] C’est dans ce sens que sont rédigés les fastes qui indiquent constamment le père et le grand père. Il n’y a, à l’époque ancienne, que trois cas certains où l’on n’ajoute au nom du magistrat que celui du père : L. Tarquitius, L. f. maître de la cavalerie en 296 (Tite-Live, 3, 27) ; M. Claudius, C. f. Glicia, dictateur en 505 (Tite-Live, Ep. 19) ; M. Porcius, M. f. Cato, consul en 559, censeur en 570, pour lequel M. n. est même rayé une fois dans les fastes. A eux s’ajoutent, pour l’époque d’Auguste : Q. Pedius, M. L consul en 711 ; P. Ventidius, P. f. consul en 711 ; C. Asinius, Cn. f. Pollio, consul en 714 ; C. Norbanus, C. f. Flaccus, consul en 716 ; M. Agrippa, L. f. (probablement) ; T. Statilius, T. f. Taurus, consul en 717 et 728 ; L. Cornelius, P. f. Balbus, triomphateur en 735. Il est probable pour Glicia que le grand-père manque parce qu’en qualité de fils d’un affranchi, il n’avait pas de grand-père ; mais cela ne peut s’étendre beaucoup plus loin. Les personnages nommés sont à la vérité, à l’unique exception de Norbanus, homines nobi, même au fond le patricien Tarquitius ; mais Tarquitius, Norbanus et Caton, par exemple, n’ont certainement été ni fils ni petit-fils d’affranchis, et par conséquent une supposition de ce genre ne serait pas non plus motivée pour les autres. — Des fils d’affranchis illégalement élus tribuns sont mentionnés sous les années 654 (Appien, B. c. 1, 33) et 729 (Dion, 53, 27). — Quant aux affranchis eux-mêmes, en n’en rencontre qui soient magistrats qu’à l’époque de la décadence la plus complète (Vita Comm. 6 ; Elagab. 11) et encore toujours probablement avec la concession de l’ingénuité fictive.

[13] Admission abusive dans le sénat : Dion, 43, 47. 48, 34. Suétone, Claud. 24. Expulsion du sénat : Cicéron, Pro Cluent. 47, 132. Dion, 40, 63. Horace, Sat. 1, 6, 20, ou tout au moins interdiction des magistratures : Suétone, Nero, 15.

[14] Valentinien et Valens (Cod. Just. 12, 1, 9) y consentent, il est vrai : Libertorum filios adipisci clarissimam dignitatem non prohibemus. — L’interdiction qui fut longtemps faite aux fils d’affranchis de porter la prétexte pendant leur enfance (Macrobe, Sat. 1, 6, 12 et ss.), se lie sans doute à l’exclusion des affranchis de l’éligibilité.

[15] L’adoption couvre bien théoriquement le vice ; mais le fils d’un affranchi adopté par un ingénu n’était cependant pas considéré comme pleinement capable (Suétone, Claud. 24). En matière d’adrogation le collège des pontifes empêchait l’acte contraire à la séparation des ordres ; en matière d’adoption simple, il n’y avait pas de moyen de s’y opposer. Mais, à l’époque ancienne, la liberté reconnue au magistrat dans la constitution de la liste des candidats devait exercer une influence sur l’éligibilité.

[16] Festus, v. Municipes, p. 142. Cf. le chapitre des cités de demi-citoyens, VI, 2.

[17] Cf. tome IV, la théorie de la Censure.

[18] C’est dit expressément par Cicéron, Pro Cluentio, 43, 120. En fait, il y a suffisamment d’exemples non seulement de ce qu’une personne notée par tes censeurs soit plus tard arrivée aux magistratures (comme Mamercus Æmilius, Tite-Live, 4, 34, 5, M. Metellus, Tite-Live, 24, 43, 3, C. Geta, Cicéron, Pro Cluent. 42, 119, d’où Val. Max. 2, 2, 9, M. Valerius Messala, consul en 693, Val. Max. loc. cit.), ce qui est évidemment admissible, mais que cela ait eu lieu pendant que la nota était encore en vigueur : le sénateur exclu par le censeur et par conséquent réputé inscrit parmi les ærarii se présente tout à fait habituellement à nouveau pour une magistrature afin de rentrer dans le sénat. — Mais celui qui était sous le coup d’une nota censoriale pouvait sans doute être exclu comme indigne par le président du scrutin.

[19] Il n’est pas question du droit de suffrage, qui, à cette époque, n’avait d’ailleurs qu’une portée théorique ; si, contrairement aux vraisemblances, il leur faisait également défaut, leur statut personnel n’est autre chose que l’ancienne civitas sine suffragio.

[20] Il y avait des exceptions individuelles, prouve l’exemple de Valerius Asiaticus (note 21). Il a sans doute reçu le droit d’occuper les magistratures non pas par un privilège général analogue ; à celui par lequel les citoyens des villes latines arrivaient à la cité, mais par une mesuré spéciale.

[21] D’après les fragments conservés du discours de Claude et Tacite, Ann. 11, 23-25, les habitants de la Gallia Comata, à part ceux de la colonie de Lugudunum, qui avaient été admis à la cité romaine par César ou après lui, ne l’avaient que de nom (vocabulum civitatis, Tacite, c. 23) et ce ne fut qu’alors que d’abord les Hædui, puis la reste des districts reçurent par sénatus-consulte le jus adipiscendorum in urbe honorum. La colonie de Vienne en Narbonnaise n’a pas eu ce solidum civitatis Romanæ beneficium, comme l’appelle Claude, dès le moment où lui a été concédé son statut colonial, et elle l’a peut-être reçu de Caligula ; car le Viennensis Valerius Asiaticus, qui, d’après le discours, arriva aux magistratures avant que ce droit eut été attribué à l’ensemble de ses concitoyens, a revêtu son premier consulat avant l’an 41 et ne doit être entré dans la carrière des magistratures que vers la fin du gouvernement de Tibère.

[22] L’allégation de l’empereur selon laquelle Italicus senator provinciali potior est, rend très supposable que ce régime constituait non seulement pour les citoyens de la Gaule, mais pour tous les provinciaux qui arrivaient au droit de cité romaine en vertu de leur droit local ou d’un privilège personnel, une règle générale, qui était au reste certainement transgressée par de nombreuses exceptions.

[23] Plutarque, Q. R. 63. Denys, 4, 74. 5, 1.

[24] Tite-Live, 40, 42, 8. Le duumvir s’y refuse, il est vrai, et finalement arrive à l’emporter ; mais tout le cours des débats montre que, du moins au point de vue formel, le droit était pour le pontife.

[25] Plutarque, Q. R. 113, voir ce qu’il dit, il est vrai, du flamen Dialis, et ce principe peut avoir été observé à l’origine. Mais nous trouvons déjà, en 555 de Rome, l’édile curule C. Valerius Flaccus (Tite-Live, 31, 50, 7. 32, 7, 14), en 667, le consul L. Cornelius Merula (Velleius, 2, 22 ; Tacite, Ann. 3, 58 ; Dion, 54, 36) et, en l’an 10 de l’ère chrétienne, le consul Ser. Lentulus Maluginensis (Tacite, loc. cit.) qui tous revêtirent ce sacerdoce. Le dernier demanda même une province, mais ne réussit pas (Tacite, Ann. 3, 71). — On n’a, à notre connaissance, jamais contesté aux flamines de Mars et de Quirinus le droit de remplir des magistratures, on leur a contesté seulement celui de quitter l’Italie (Tite-Live, Ep. 19. 37, 51 ; Val. Max. 1, 1, 2 ; Tacite, Ann. 3, 11 ; Cicéron, Phil. 11, 8, 18 ; Servius, Ad Æn. 8, 552). On est encore frappé dans l’inscription d’un flamen Quirinalis du temps d’Hadrien (C. I. L. IX, 3154) de l’absence complète de fonctions de magistrats remplies en province. — Enfin, si un pontifex maximus consciencieux préfère rester à Rome comme préteur et en Italie comme consul (P. Licinius Crassus resta, comme préteur inter peregrinos pour 546, à Rome, bien qu’autrement la préture pérégrine fut dans ces années de guerre toujours combinée avec la préture urbaine, et comme consul de 549 en Italie, et l’on donne pour motif son grand pontificat : Tite-Live, 28, 38, 32. c. 44, 11, rapproché d’Ep. 59, et Diodore, Exc. Vat. p. 69), cela prouve au contraire qu’il n’y aurait pas eu d’obstacle légal à son éloignement. Cf. Tite-Live, 41, 15.

[26] Cn. Pinarius Severus sous Trajan fut, d’après les inscriptions C. I. L. XIV, 3604. 4246, non seulement rex sa[crorum] et titulaire d’autres sacerdoces, mais aussi consul. Le même fait est confirmé par l’inscription C. I. L. IX, 2847, dont la tradition est à la vérité mauvaise. D’autres inscriptions de rois des sacrifices de l’Empire leur donnent en revanche seulement des fonctions religieuses (C. I. L. VI, 2122. 2123. 2125) ou des magistratures municipales (VI, 2125, quattuorvirat de Bovillæ). L’ancienne incompatibilité fait encore sentir son influence.

[27] Cette lex Cassia, quæ populi judicia firmavit est définie par Asconius, p. 78, comme portant ut, quem populias damnasset cuive imperium abrogasset (ceci se rapporte à Q. Cæpio), in senatu non esset. Il n’est à la vérité parlé là que du siège au sénat ; mais ce droit et celui de revêtir les magistratures sont, à cette époque, si bien corrélatifs que la conclusion de l’un à l’autre est permise.

[28] On peut sans hésitation transporter à Rome la disposition de la loi municipale de César (ligne 118 rapprochée de 135) qui exclut de la candidature aux magistratures municipales celui quei judicio publico Romæ condemnatus est erit, quocirca eum in Italia esse non liceat, neque in integrum restitutus est erit.

[29] Schol. Bob. In Cie. pro Sull. 5, 17. Cicéron, Pro Sull. 31, 88, explique avec détails que ce personnage qui avait été condamné pour ambitus en 688, avait perdu, par suite de cela, le droit de porter le costume de sénateur et d’exposer aux regards les images de ses ancêtres. Naturellement il ne résulte pas de là que l’individu ainsi condamné gardât le droit de vote ; ce droit peut lui avoir aussi été enlevé, quoique les sources n’en parlent pas.

[30] Marcien, Digeste, 48, 7, 1. Cf. Digeste, 48, 8, 8.

[31] La loi de Bantia, qui date de l’époque des Gracques, commence par une disposition pénale qui enlève au condamné le droit d’administrer des provinces, de siéger au sénat, d’être témoin, d’être juré, de porter les insignes de magistrat et de voter dans les comices ; d’autres clauses sont perdues. Les débris qui nous restent ne permettent pas de reconnaître quelle était l’infraction ainsi réprimée ; il est probable qu’il s’agit de la violation de l’alliance conclue entre Rome et Bantia (cf. C. I. L. I, p. 46). — La privation du droit de parler dans une contio portée du temps de Sulla contre l’individu condamné sur une poursuite repetundarum fait se demander si cet individu n’était pas encore privé d’autres droits politiques.

[32] Loi de Bantia, ligne 19.

[33] Tite-Live, Ep. 89. Le droit ainsi enlevé est désigné, au point de vue positif, par les mots : Jus honorum petendorum (Tite-Live, loc. cit. ; Velleius, 2, 28, 4 ; de même Pline, H. n. 7, 36, 116), ad honores admitti (Suétone, Cæs. 41), jus dignitatis (Velleius, 2, 43, 4), magistratus adipisci (Cicéron, In Pis. 2, 4). Cf. Denys, 8, 80, Dion, 41, 18, rapproché de 37, 25 ; Dion, 44, 47 ; au point de vue négatif par les mots comitiorum ratione privari (Cicéron, In Pis. 2, 4), cf. Plutarque, Cie. 12 ; Dion, 51, 21, Sénèque, De ira 2, 34, 3 ; Quintilien, 11, 1, 85, Salluste, Cat. 31. Plutarque parle inexactement d’άτιμοΰσθαι (Sull. 31) et par opposition d’έπιτίμους ποιεΐσθαι (Cæs. 37). Ils restent néanmoins soumis aux dispositions restrictives qui pèsent sur l’ordre sénatorial (Velleius, 2, 28, 4). Cela ne veut pas dire que les personnages dont il s’agit soient dépouillés, en même temps que de l’éligibilité d’autres droits politiques ; car les τιμαί mises à côté des άρχαί dans Dion, 44, 47, doivent sans doute être entendues par analogie aux formules latines étudiées et le siège au sénat que nomme Denys a, comme on sait, à cette époque, pour condition, l’exercice préalable d’une magistrature. Sulla peut avoir laissé à cette catégorie de personnes le droit assez indifférent de voter dans les comices. — Les liberi (Plutarque, Sull. 31) doivent naturellement être entendus au sens technique (Digeste, 56, 16, 220, pr.).

[34] Les textes ont déjà été cités plus haut. Parmi les magistrats appartenant à cette classe, on peut citer C. Viibius Pansa, consul en 711 (Dion, 45, 17) et C. Carrinas, consul également en 711 (Dion, 51, 21).

[35] Ulpien, Digeste 50, 17, 2.

[36] Denys, 5, 25, à propos d’Horatius Cocles, (cf. 9, 13). Selon le même auteur, 2, 21, on prend pour curions seulement des hommes sans aucun défaut corporel. Ulpien, Digeste 3, 1, 1, 5, pour les aveugles. Cf. Cod. Just. 10, 31, 8. Les faits que sous Auguste la paralysie dispensait des devoirs sénatoriaux (Dion, 54, 26) et que les prêtres en général (Denys, 2, 21 ; Sénèque, Exc. Controv. 4, 2, 4) et les Vestales en particulier devaient être exempts de toute infirmité physique (Aulu-Gelle, 1, 12, 2 ; Fronton, Ad M. Antoninum de eloq. éd. Naber, p. 149) ne peuvent guère être regardés comme une confirmation ; on pourrait encore plutôt invoquer le langage de Cicéron (Ad Att. 1, 16, 13) sur la loi du tribun du peuple Lurco dont il dit que bono auspicio claudus homo promulnavit.

[37] Cicéron, Pro Cluent. 42, 119 : Turpi judicio damnati in perpetuum omni honore ac dignitate privantur, et il cite comme exemple le furti judicium. Il en est de même pour certaines actions nées de contrats au moins en tant que la condamnation constate le dol du défendeur. Cicéron dit dans ce sens, Pro Q. Roscio, 6, 16 : Si qua sunt privata judicia summæ existimationis et pæne dicam capitis, tria hæc sunt feduciæ tutelæ societatis. La loi municipale de César cite, parmi les causes d’inéligibilité au décurionat dans les cités de citoyens, outre les quatre judicia privata déjà nommés, ceux mandati, injuriarum, de dolo malo et la condamnation lege Plætoria, et cela sans aucun doute a t’imitation de la jurisprudence électorale de Rome. La condamnation y entraînant la perte de droits politiques importants, nos actions se rapprochaient, quant à leur effet, des poursuites capitales, bien qu’elles ne fussent en droit que des actions en paiement d’une somme d’argent.

[38] Loi municipale de César, ligne 121. Pour les détails, je fais un renvoi général à la théorie civile de la représentation en justice et à celle de l’infamie du droit civil qui en est sortie (Savigny, System, 2, 176 et ss. = tr. fr. 2, 169 et ss.)

[39] Lex. Jul. mun., lignes 113 et ss. Pour la même raison, il est dit de la déconfiture que, pourvu qu’elle soit judiciairement établie, la fama, le caput de la personne est atteint par elle (Cicéron, Pro Quinct. 8, 311. 31. 9, 32. 13, 44. 15, 49. 22, 71).

[40] Lex Jul. mun., ligne 123 ; Tertullien, De spect. 22. Il n’y a pas là de véritable capitis deminutio, pas plus que le turpe judicium n’est une causa capitis réelle. Mais l’effet des deux est analogue, et la comparaison est justifiée.

[41] La candidature de Catilina au consulat pour 690 fut empêchée de cette façon. En revanche, on admit P. Clodius comme candidat à l’édilité pour 698, quoiqu’il fût sous le coup d’une accusation de vi (Dion, 39, 7). Le fait que, lorsqu’une loi établissait une magistrature extraordinaire, ceux qui étaient sous le coup d’une accusation étaient fréquemment exclus de l’élection par ta loi elle-même (Cicéron, De l. agr. 2, 9, 24) prouve qu’ils étaient en principe éligibles. — L’opinion de John, Rhein. Mus. 31, 426, selon laquelle la constitution du jury aurait mis un terme a l’éligibilité, se fonde sur le témoignage d’Asconius, In Scaur., obscurci parla fausse leçon tricenos au lieu de trecenos. Il tombe sous le sens que trente jours ne suffisent pas pour l’inquisitio en Sardaigne et en Corse.

[42] La preuve en est déjà dans la peine de l’inéligibilité attachée à des crimes déterminés. L’infamie du droit civil récent est à la vérité attachée à la condamnation pour un crimen capitale (Digeste 3, 1, 6) ou judicio publico (Digeste, 3, 2, 13, 8. 17, 2, 56. 48, 1, 7 ; Collat. 4, 3, 3, cf. c. 12, 3).

[43] Ainsi l’exclusion de Catilina en 690 et celle des candidats à la questure en 735.

[44] Le qualificatif infamis n’est, à ma connaissance, jamais appliqué, du temps de la République, au citoyen exclu de l’élection comme indigne. Mais on ne pourrait à la vérité signaler aucune autre expression technique qui exprime, par exemple, la condition juridique du client de Cicéron, P. Sulla. L’opinion de Savigny (Syst. 2. 199 =tr. fr. 2, 199) d’après laquelle infamis aurait été à l’origine un terme de droit public désignant le citoyen dépouillé de ses droits politiques tout en conservant le droit de cité et serait passée de la langue du droit publie dans l’édit, est insoutenable. Au contraire, infamis n’est, comme infâme, dans son premier sens, ni un terme juridique, ni l’expression d’une idée juridique : c’est une expression de la langue courante, dont, par suite, la délimitation est vacillante. En en partant, le préteur régla ensuite l’admission à la représentation judiciaire et le président du vote l’admission aux candidatures. Mais la délimitation n’a pas été seulement différente pour les deux domaines ; de plus, surtout dans la dernière catégorie, on ne peut pas du tout compter nécessairement parmi les infames tous ceux qui ont été exclus de l’éligibilité.

[45] Digeste 48, 1, 1, pr. Cod. Just. 10, 31, 8, tit. 57, 1. 12, 36, 3. Savigny, Syst. 2, 201 = tr. fr. 2, 201. Cf. les textes de Plutarque, Cie, 12 ; Sull., 31 ; Cæs., 37.

[46] Lorsque le furti, etc., pactes est assimilé au furti, etc. condemnatus (lex Jul. mun., ligne 110 ; Gaius, 4, 182 = Inst. 4, 16, 2 ; Digeste 3, 2, 5), il faut, sans doute, penser au pacte qui est conclu en présence d’une affaire en litige et qui est notifié au juré, si bien que le pactus se présente comme un confessus. — Pour la notatio des censeurs aussi, Cicéron, loc. cit., se prévaut à bon droit de ce que le fait articulé ne peut aucunement être tenu pro veritate à la façon de celui qui a été établi pas une sentence de jurés. Riais le fait qui motivait la nota peut fort bien avoir été, dans la rigueur de l’époque ancienne, considéré en général comme étant par la suffisamment constaté.

[47] C’est ce qu’enseigne le récit connu de Piso (Aulu-Gelle, 7 [6], 9), Tite-Live, 9, 46, etc. d’après lequel le scribe des édiles Cn. Flavius, ayant été lui-même élu édile curule, le magistrat qui présidait le vote, le déclara inéligible, et Flavius, laissant les tablettes qu’il portait comme scribe, renonça, par serment, a son poste, et fut ensuite élu sans objection. Ce que Tite-Live ajoute : Quem aliquanto ante desisse scriptum facere arguit Macer Licinius tribunatu ante gesto triumviratitusque nocturno altero, altero coloniæ deducendæ, est, que cela soit vrai ou faux, favorable à l’incompatibilité légale existant entre la position de mercennarius et celle de magistratus. Enfin, on né connaît pas d’exemple en sens contraire ; car, si des gens qui faisaient le métier d’haruspices furent faits sénateurs par César (Cicéron, Ad. fam. 6, 48, 1), il n’est pas forcé qu’ils se soient publiquement affirmés comme faisant métier de cela, et César s’est mis au-dessus des règles de l’ancien droit sur la condition dés personnes. — Dans les municipes, il n’y a d’exclu, d’après la législation établie par César, que celui quei præconium dissignationem libitinamve faciet, dum eorum quid faciet (lex Jul. mun., ligne 404 ; Cicéron, Ad fam. 6, 18, 1) ; par conséquent ceux qui exercent les autres professions sont éligibles.

[48] Ainsi, il est signalé pour le dictateur de 505, Claudius Glicia, pour le candidat à la préture pour 580, M. Cicereius et pour d’autres personnages, qu’ils ont été précédemment scribæ. L’opposition que les jeunes gens de l’aristocratie firent à Cn. Flavius (note précédente) rentre encore dans ceci. Il en est de même du langage de Tite-Live, 22, 25, sur C. Terentius Varro, consul en 538, et de la situation en sous-ordre occupée dans le publicum Asiæ comme associé par T. Aufidius, qui fut ensuite, vers 685, gouverneur d’Asie (Val. Max. 6, 9, 7, rapproché de Cicéron, Pro Flacco, 49, 45).

[49] Même s’il y avait eu, ce qui n’est pas, sous la République, un cens sénatorial, l’existence d’un cens pour l’exercice des magistratures qui ne confèrent pas la qualité de sénateur, n’en résulterait aucunement, au moins pour l’époque antérieure à Sulla. La loi exigeait des curions χρημάτων περιουσίαν άρκοΰσαν (Dion, 2, 21).

[50] Dion, 54, 17. Il le répète, c. 26. Suétone, Aug. 41. Ovide, Amor. 3, 8, 55. Pline, H. n. 14, 1, 5. Pline, Ad Traj. 4. Il est indifférent que l’on rapporte ce cens au sénat ou aux magistratures. La loi a dû viser en premier lieu ces dernières ; mais le langage courant a rattaché, avec raison, le cens au sénat, puisque c’était en fait le principal. Je suis déterminé à donner la préférence à l’assertion de Dion Cassius sur celle de Suétone, relativement à ce dernier montant du cens, partie par l’assertion répétée de 54, 30, où des tribuns sont élus parmi les chevaliers qui ont le cens sénatorial (v. mon Hist. eqq. Rom. p. 80), partie par les exemples dans lesquels des libéralités d’un million sont faites pour donner au gratifié le tenus senatorius. Tacite, Ann. 1, 75 ; 2, 31. C’était évidemment un de ceux pour lesquels Suétone dit : Supplevitque non habetibus. Il se rattache à cela que le chiffre d’un million fat habituel pour la dot des filles de haut rang. Tacite, Ann. 2, 86. Sénèque, Cons. ad Helv. 12, 6. Juvénal, 6, 137. 10, 335. Martial, 2, 65, 5. Digeste, 22, 1, 6, 1. Le but de cette somme est évidemment de procurer au mari le rang sénatorial, motif pour lequel la donation entre époux fut plus tard permise par la loi de la femme au mari. Ulpien, 7, 1. Digeste 24, 1, 40. Cf. 41. 42. Cod. Just. 5, 17, 21. Decies désigne généralement la plus forte somme que l’on puisse désirer. Horace, Sat. 1, 3, 15. Martial, 1, 103, 1. Puisque, dans le dernier texte, celui qui fait le vœu a presque le cens équestre son vœu se rapporte très naturellement au cens sénatorial. Marquardt, 1ère édition. — Le cens postérieurement requis pour se présenter à la questure et, par conséquent, pour entrer au sénat, se monte assurément à 1.000.000, et non pas à 1.200.000 sesterces. Au contraire, il est beaucoup plus vraisemblable qu’Auguste l’ait primitivement fixé à 800.000 sesterces qu’au cens équestre ordinaire.