LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE PREMIER. — LA MAGISTRATURE.

DÉCLARATION DE LA CANDIDATURE ET CAPACITÉ D’ÊTRE MAGISTRAT.

 

 

L’idée d’après laquelle l’exercice de la magistrature est un devoir, et le citoyen constitutionnellement élu n’a pas plus le droit de s’y soustraire qu’au service militaire ou au paiement de l’impôt, s’appuie non seulement sur la nature des choses[1], mais sur ce que le système électoral romain ne connaît pas de déclaration formelle d’acceptation faite par l’élu et ne suppose même pas absolument qu’il ait connaissance de sa nomination[2]. Mais, pour les magistratures qui sortent de l’élection populaire[3], le principe s’est établi, peut-être en même temps que l’élection populaire elle-même, peut-être seulement à une époque postérieure, mais néanmoins dès les premiers temps de la République, qu’une telle magistrature était une charge publique volontairement acceptée sur l’invitation des autres citoyens, un honor et constituait l’antithèse du munus, de l’obligation imposée au citoyen par l’ordre du magistrat et susceptible, en cas de besoin, d’exécution forcée. Quant au fond, on peut sans doute avoir ordinairement constaté à l’avance que la personne était disposée à accepter la candidature. Il était d’usage que le candidat fût présent au moment du vote et se déclarât d’avance prêt à accepter la fonction. S’il ne faisait pas de telle déclaration préalable, ainsi que cela est arrivé[4], ou s’il était élu en son absence, comme c’était possible avant que ne fût établie l’exigence de la professio personnelle étudiée plus loin[5], il était forcément libre d’accepter[6] ou de décliner[7] la magistrature après l’élection ; c’est d’autant plus sûr qu’il est incontestable que les magistrats désignés avaient le droit de se retirer avant d’entrer en charge[8], comme les magistrats entrés en charge avaient celui de se retirer avant le terme[9]. Il n’y a pas d’exemple connu qu’un citoyen appelé à’une magistrature[10] ait été, sous la République, contraint à l’accepter[11]. Aussi n’est-il jamais question de dispenses légales de la magistrature ni pour raison d’âge, ni pour d’autres motifs, tandis qu’il n’est pas rare d’en trouver la mention pour d’autres offices obligatoires, même pour la participation aux séances du sénat.

Le citoyen est constitutionnellement choisi pour l’occupation de la magistrature par le vote du peuple, si nous laissons de côté l’époque royale. Mais l’élection populaire la plus ancienne n’était pas un choix librement exercé parmi les personnes capables ; elle a probablement été liée à l’origine par le droit de proposition du magistrat qui dirigeait le vote. Il est vraisemblable qu’à l’époque la plus ancienne, on soumettait au peuple juste autant de noms qu’il y avait de personnes à élire et que, dans le principe, les votants ne pouvaient qu’accepter ou repousser purement et simplement la personne proposée tout comme la loi proposée. On peut invoquer, dans ce sens, d’abord l’idée que le caractère essentiel de l’acte comitial primitif, l’accord réciproque des volontés du magistrat et du peuple ne peut s’étendre qu’y, cette condition aux élections des magistrats, ensuite la terminologie ancienne, selon, laquelle le magistrat qui dirige le vote quirites magistratus rogat[12] et qui par suite implique l’indication des personnes à élire dans la question elle-même. On peut ajouter que la collégialité est suspendue pour la présidence des élections, que la question y est posée au peuple seulement par l’un des deux consuls en face duquel son collègue ne peut même pas intercéder, enfin que, dans la procédure de dédication, qui est très ancienne et qui n’a pas été touchée par les changements politiques, le nom du dédicant est toujours resté dans la formule de l’interrogation[13]. Notre tradition ne nous apprend ni de quelle manière, ni quand le droit important d’initiative a été enlevé au magistrat qui dirige le scrutin ; il a donc nécessairement été transféré de bonne heure aux électeurs. Mais il a subsisté, à l’époque récente, des vestiges considérables de, l’ancien droit de présentation du président du vote.

C’est, en premier lieu, de là qu’il vient que celui qui désire obtenir la magistrature doit, semble-t-il, de toute antiquité, en faire la déclaration au magistrat qui préside le vote (profiteri)[14]. Le magistrat peut accepter (nomen accipere) ou repousser[15] cette déclaration, et s’il est obligé de la repousser au cas d’inéligibilité, il n’est pas dit pour cela qu’il le soit de l’accepter au cas d’éligibilité stricte. L’arbitraire du magistrat qui présidait le scrutin a probablement exercé une influence décisive sur le rejet des candidats à l’époque ancienne. Plus tard, il est vrai, à mesure que le peuple a mieux eu conscience de son pouvoir, le président a dû inscrire sur sa liste tous les citoyens éligibles et n’ai plus eu le pouvoir de rejeter comme nuls les suffrages exprimés en faveur de l’un d’eux[16]. Mais le droit de se refuser à renuntiare l’élu, non seulement au cas d’inéligibilité, mais en vertu de sa simple volonté, est resté même par la suite au président du scrutin : il n’y a pas de pouvoir clans l’État qui soit à même de le contraindre à la renuntiatio[17].

Pour que les magistratures soient occupées, il faut donc, dans la constitution républicaine, la présence d’un nombre de citoyens disposés à revêtir ces magistratures, qui soit suffisant, c’est-à-dire au moins égal à celui des places à attribuer[18]. Les lois de la République ont paré indirectement au défaut d’un chiffre de candidat suffisant ; ainsi le caractère de condition légale d’aptitude aux magistratures supérieures, donné aux magistratures inférieures moins recherchées pour elles-mêmes, leur a été attribué dans ce but. Mais la constitution romaine ne paraît pas avoir présenté de remède, direct contre la possibilité d’un défaut de candidats aux magistratures publiques[19]. Somme toute, il n’y en avait pas besoin. Aussi loin que remonte notre tradition, les candidatures volontaires n’ont jamais manqué ; sous la République, ni pour les magistratures patriciennes ordinaires, ni pour les magistratures et les fonctions extraordinaires établies par le peuple[20]. Il n’y a que pour le collège des tribuns du peuple, qui était le plus nombreux et le moins attrayant pour l’ambition[21], qu’il est fait allusion à une disposition législative, contemporaine des Gracques ou antérieure, prise en vue de ce cas. Cependant, même là on parait être resté fidèle au principe de la liberté d’accepter les magistratures et avoir seulement permis de ne pas tenir compte de certaines conditions de capacité à défaut de candidats légalement éligibles[22]. Étant donné le caractère de notre tradition, il est néanmoins concevable que les candidats convenables aient plus d’une fois fait défaut peur les magistratures inférieures. Mais, si tel a été le cas, on a pu y remédier par des expédients tout indiqués, tels qu’étaient, par exemple, pour le tribunat militaire comitial, l’augmentation proportionnelle à la lacune du nombre des places non conférées par les comices et plus largement le transfert opéré par un sénatus-consulte à d’autres magistrats des attributions de la magistrature demeurée vacante.

Les choses se passent autrement sous le Principat. L’abus de la brigue des magistratures avait creusé la tombe de la République. Il disparut avec la monarchie nouvelle. Mais l’ambition légitime disparut du même coupa Désormais le nombre des candidatures volontaires fut tout à fait ordinairement égal à celui des places à donner[23], et plus d’une fois il a été moindre. Il fallut donc employer des remèdes contre le manque de candidats, surtout pour les échelons inférieurs. En conséquence, les candidatures volontaires furent provoquées par des moyens indirects encore plus énergiquement que sous la République. En particulier le classement du tribunat du peuple et des diverses édilités parmi les magistratures obligatoires pour les plébéiens, dont nous nous occuperons plus loin, a pour but essentiel d’attirer des candidats à ces magistratures, qui étaient les moins aimées de toutes, en faisant dépendre de leur exercice la préture et le consulat. On a aussi parfois atténué les conditions de capacité, ainsi par exemple, on a admis à se présenter au tribunat, à côté des quæstorii qui étaient régulièrement appelés à cette candidature, des personnages qui ne siégeaient pas encore au sénat[24]. Il revenait à peu près au ; même d’attribuer par voie d’adlectio le rang hiérarchique nécessaire pour se présenter à une magistrature supérieure et, surtout depuis que Domitien eut lié ce pouvoir avec les attributions générales de l’Empereur, ce procédé fut très fréquemment utilisé pour combler les vides résultant du défaut de professions. On supprimait aussi, quand il y avait lieu, les places vacantes[25] en transférant les fonctions qui y étaient attachés à d’autres magistrats[26] ou en recourant à des cumuls[27] et à des itérations anormales[28].

Mais ces expédients discrets ne suffirent point. Il fallut positivement porter atteinte au principe de la candidature volontaire. Le Principat n’a pas voulu appliquer franchement à Rome la procédure qui se rencontre dans les statuts municipaux de l’époque et selon laquelle les candidatures peuvent, à côté des déclarations volontaires, être suscitées à titre subsidiaire par la proposition (nominatio) du président du scrutin et des autres candidats[29] : il n’a pas voulu prononcer ainsi lui-même sa banqueroute politique. Mais au fond-il n’y a pas de différence. Même à Rome la monarchie est caractérisée par le retour théorique et pratique au système primitif qui voit dans les magistratures des charges publiques. La magistrature forcée fut d’abord introduite pour ceux qui avaient déjà été magistrats : on obligea ceux que l’occupation d’une magistrature inférieure rendaient éligibles à la magistrature supérieure à poser leur candidature pour cette dernière[30], de sorte que celui qui se trouvait en ligne pour une magistrature devait solliciter la dispense de l’occuper[31]. En outre les enfants et les descendants de sénateurs, réunissant les conditions d’éligibilité nécessaires, étaient contraints à poser leur candidature, s’ils ne le faisaient pas spontanément[32]. Ceux mêmes qui n’appartenaient pas à l’ordre sénatorial ne pouvaient, s’ils faisaient l’objet d’une adlection, obtenir que par faveur une dispense[33]. Mais on a encore pris d’autres voies ; ainsi il est arrivé que, pour remplir les places de tribuns restées vides, chaque magistrat ait été appelé à mettre sur la liste une personne de l’ordre équestre possédant le cens sénatorial[34]. Parfois on a admis comme atténuation que les personnes ainsi entrées de force dans la carrière publique obtiendraient, après l’exercice des magistratures qui leur avaient été imposées, remise de l’obligation, produite par l’occupation même de ces magistratures, d’occuper des magistrature§ supérieures et d’entrer dans le sénat[35].

On n’a probablement pas recouru fréquemment à ces moyens extrêmes et, quand on l’a fait, ce n’a sans doute été que par des sénatus-consultes particuliers ; il ne peut guère avoir été rendu, de disposition générale sur les modes à employer pour combler les vides. Par cela même qu’à défaut de professio on pouvait être promu de force à la magistrature, on devait en général préférer prendre l’initiative d’une déclaration volontaire au moins en apparence. De son côté, le gouvernement laissait sans doute autant que possible à l’écart ceux qu’il n’aurait pu déterminer que par une contrainte directe[36] : il n’y a pas d’exemple, d’application de la contrainte directe aux deux échelons les plus élevés de l’échelle des magistratures, à la préture et au consulat.

Comme, dans la Rome républicaine, il n’y avait à arriver aux magistratures que ceux qui, en toute liberté, s’y estimaient préparés, et que, de plus, le patriotisme et la vanité, qui en est le revers inséparable, ont été, dès le principe, les deux plus puissants ressorts moraux de la constitution romaine, la recherche des magistratures conférées par le peuple a existé à Rome de toute antiquité, et les formes usitées dans ce but paraissent elles-mêmes avoir été fixées conventionnellement dès une époque très reculée[37]. La plus ancienne de ces formes, celle qui est véritablement toute naturelle, consiste en ce que le candidat circule pour aller voir les gens qu’il connaît et même ceux qu’il ne connaît pas[38], et serre la main à chacun[39] en lui demandant sa voix ; cette pratique a plus tard été limitée par la loi sous certains rapports[40] ; mais, ainsi qu’il va de soi, elle n’a jamais été interdite. Le moment où le candidat commence sa tournée dépend naturellement de sa volonté ; mais il était d’usage, à l’époque de Cicéron, qu’au moins pour le consulat on commença à poser sa candidature à peu près un an avant l’élection, soit seize mois environ avant l’entrée en fonctions[41]. Les candidats se faisaient aussi connaître extérieurement comme tels aux citoyens en se plaçant pendant l’élection sur la plate-forme sur laquelle le magistrat qui présidait le vote avait son siège[42]. Il leur fut à l’origine défendu, mais ils avaient généralement coutume, au moins depuis le vie siècle, de faire leurs tournées en costume de fête, c’est-à-dire de donner à leur toge blanche, en la frottant de craie, un brillant particulier qui attirait violemment le regard[43]. Il serait étranger à notre sujet d’insister plus longuement sur les actes de brigue qui précèdent ordinairement l’élection. L’ambitio et la prensatio ont sans doute été rarement omises ; la prise de la candida ne l’a peut-être jamais été[44]. Mais elles n’étaient pas prescrites et n’étaient rien de plus que des procédés licites et usuels de propagande. Il faut les mettre sur la même ligne que 1a conduite de la femme chez le mari et les autres cérémonies du mariage que la coutume prescrit, mais que la loi ne connaît pas.

Nous entendons par capacité d’être magistrat l’éligibilité[45], la réunion des conditions dont l’existence dans la personne du magistrat à nommer, doit être établie, aux yeux du magistrat qui fait le choix ou qui y préside, c’est-à-dire qui a le pouvoir de procéder à l’acte de nomination, pour qu’il puisse accomplir cet acte. Car, en droit, c’est à lui, et, — puisqu’il n’y a jamais qu’un seul magistrat qui préside le vote, et que l’intercession des collègues, si elle a jamais été admise en matière d’élections, ne l’a été qu’à l’époque la plus ancienne, — c’est à lui seul[46] qu’il appartient de décider si ces conditions sont remplies ou non[47]. Assurément la coutume réclame ici encore que le magistrat ne prenne pas de résolution dans les cas douteux sans avoir préalablement pris l’avis de personnes compétentes et considérées. Nous voyons le magistrat qui préside l’élection, soit en premier lieu soumettre les questions de ce genre à ses collègues[48], soit, selon les circonstances, réunir un conseil spécial à ce sujet, soit même, à titre exceptionnel, soumettre l’affaire au sénat[49]. De plus, l’intercession tribunicienne peut s’exercer[50], en tant que les tribuns du peuple peuvent empêcher le magistrat-président de procéder à l’élection, s’il ne s’incline pas devant leur avis sur la capacité de l’un des candidats.

Il n’est pas besoin de prouver que les conditions d’éligibi- Dlspenæs. lité peuvent être modifiées par voie législative, aussi bien pour un cas particulier qu’à titre général, et qu’une exception à une règle en vigueur peut ainsi être faite en faveur d’un candidat isolé. Cela s’est fréquemment produit, à l’époque historique, régulièrement par l’intervention du sénat, en vertu de la compétence générale qui lui était reconnue, dans la période récente de la République, pour dispenser de l’observation des lois. Mais l’élection par elle-même ne suffit pas en droit pour constituer une telle dispense, alors même que l’empêchement était connu des électeurs[51]. Même sur l’éligibilité douteuse, la décision n’appartient pas aux électeurs[52]. D’après la logique du droit public, toute élection faite en violation d’une loi contenant une prohibition absolue est nulle[53]. Le magistrat qui préside le vote a le droit certain et même le devoir de se refuser à faire la renuntiatio, si la majorité des citoyens donnent leurs voix à un candidat qu’il regarde comme inéligible.

Nous allons étudier les différents faits qui sont de nature à empêcher l’attribution de la magistrature ; car, bien que, surtout à l’époque ancienne, le président du vote fasse ou ne fasse pas la renuntiatio, à son gré, il va pourtant de soi : en premier lieu, que, dans bien des cas, la logique juridique ou encore des dispositions positives de la loi exerçaient ici une influence déterminante et que le magistrat, président du vote, n’avait qu’à exécuter leurs prescriptions ; en second lieu que, même quand son appréciation était libre, elle était liée par Ies mœurs politiques et par l’usage, et qu’elle le devint toujours plus dans le cours des temps, à mesure que la magistrature perdit la liberté de ses mouvements. Dans les derniers siècles de la République, l’arbitraire du président du vote ne se manifeste qu’exceptionnellement, et lias candidatures ne sont en général écartées qu’en vertu d’une loi expresse ou d’un usage ayant force de loi. Et, par suite, on peut ramener l’éligibilité à une série de conditions déterminées.

Les personnes habituées aux façons de penser juridiques trouveront à première vue avantageux : de classer les empêchements d’après leur degré d’intensité, de distinguer les conditions d’éligibilité dont le défaut donne bien au magistrat président du vote le droit et le devoir de repousser la candidature et, en outre, de ne pas faire la renuntiatio, mais qui ne sont pas de nature à permettre d’attaquer l’élection, une fois la renuntiatio accomplie, et celles qui sont absolument nécessaires et faute desquelles l’élection, même accomplie et proclamée, est et demeure nulle[54]. L’existence de cette distinction dans le droit public romain ressort encore nettement dans la tradition. L’empêchement qui résulte de l’infamie appartient, par exemple, à la première catégorie, et celui qui résulte de l’absence des droits de citoyen, à la seconde. Mais le degré d’intensité que possède une condition particulière d’éligibilité reste souvent douteux[55], et, en conséquence, il vaut mieux, tout en tenant compte de cette distinction essentielle, pour les divers cas, dans la mesure du possible, ne pas la prendre pour base de la division des causes d’inéligibilité. Nous partagerons plus commodément ces causes en causes absolues et relatives, selon qu’elles excluent le candidat ou complètement, ou seulement dans le cas particulier. Nous nous occupons d’abord des premières.

 

 

 



[1] La liberté absolue conduirait, en en tirant les dernières conséquences, à ce que l’interregnum pourrait échouer par le refus des ayants droit ; et il n’est pas romain de se résigner à une telle conséquence, parce que, considérée pratiquement, elle est hors du domaine du possible.

[2] Cela concerne spécialement le dictateur, mais aussi, au sens strict, le magistrat élu par les comices pendant qu’il est absent. La dictio et la renuntiatio ont lieu à l’insu de l’élu et en dehors de sa volonté.

[3] Les fonctions de magistrats qui ne procédaient pas du vote populaire, comme les magistratures conférées par cooptation, la dictature, l’interregnum, ont été, sinon absolument, au moins beaucoup plus longtemps que celles conférées par l’élection, traitées comme des obligations.

[4] Un individu présent peut être élu non petens, Tite-Live, 10, 9, 10. 11. Cicéron, De amic. 3, 11, sur Scipion Émilien qui, briguant l’édilité, fut élu consul : Consulatum petivit nunquam.

[5] Des exemples de telles élections, pour lesquelles rien n’indique une exception, se rencontrent pour des consuls et des prêteurs, dans Tite-Live, 10, 22, 9, sur l’an 458, 40, 43, 4, sur l’an 574 ; pour des édiles curules, dans Tite-Live, 29, 12, 12. 31, 50, 6, et Cicéron, Acad. pr. 2, 1, 1 = Plutarque, Luc. 1 ; pour des tribuns du peuple, dans Tite-Live, 4, 42, 1. c. 48, 4. 8, 22, 4. Les nombreuses élections de ce genre faites pendant la guerre d’Hannibal (Tite-Live, 22, 35, 6. 23, 24, 3. 24, 9, 3. 4. c. 43, 5. 26, 22, 2. c. 23, 2. c. 26, 4. 29, 11, 10) n’entrent pas, à la vérité, en ligne de compte ; car le sénatus-consulte de 537 peut avoir exercé là son influence. Marius fut également élu consul, étant absent, pour 650 (Salluste, Jug. 114 ; Tite-Live, Ep. 67 ; Plutarque, Marc. 11, 12), 651 (Tite-Live, loc. cit. ; Plutarque Mar. 14 ; C. I. L. I, p. 299) et 653 (Tite-Live, Ep. 68), d’ailleurs dans des conditions tout à fait extraordinaires (cf. Cicéron, De imp. Pomp. 20, 60 et plus bas, p. 174, note 1). Pour les élections de prêtres, la présence des candidats n’est jamais entrée en considérations, aux termes du texte instructif de Cicéron, Ad Brut., 1, 5, 3. Il y a par conséquent une liste de candidats et la professio est obligatoire, même pour les élections de prêtres ; mais elle n’a pas besoin d’être faite personnellement.

[6] Celui qui était élu, étant présent, saris avoir été candidat se déclarait probablement prêt à accepter la magistrature dans l’intervalle qui séparait réfection de la renuntiatio (cf. Tite-Live, 10, 22, 1). L’élection de l’absent elle-même avait sans doute lieu en général après que ses dispositions favorables à l’acceptation de la magistrature avaient été attestées par ses fondés de pouvoir ou par l’un de ses amis, ou encore qu’elles étaient par elles-mêmes notoires.

[7] Je ne trouve pas de témoignage à ce sujet ; mais, puisque la déclaration préalable d’acceptation n’était pas obligatoire et que l’élection était un honor, le droit n’est pas douteux.

[8] Les relations qui rapportent la retraite d’un magistrat désigné sont assurément toutes deux historiquement attaquables ; car les consuls élus pour 303 n’abdiquèrent probablement qu’après leur entrée en fonctions, pour faire place aux décemvirs, et il en est de même des édiles curules dans l’exemple cité par Tite-Live, 39, 39. Mais cependant ces récits attestent qu’une telle retraite apparaissait en elle-même comme ne soulevant pas d’objection.

[9] Il en est ainsi au moins dans la compétence domi ; dans la compétence militiæ, le magistrat ne peut, conformément aux règles sur le service militaire, abandonner son commandement qu’après en avoir été relevé.

[10] C’est là le point essentiel. On rencontre des nominations forcées pour les sacerdoces qui ne sont pas conférés par l’élection populaire, tels que la royauté des sacrifices (Tite-Live, 27, 8, 4. 40, 42, 8) et pareillement les legationes (cf. la théorie des Légats, tome IV).

[11] Assurément on a élu, surtout à l’époque ancienne, des gens qui auraient préféré se soustraire à l’élection. II est dit dans Tite-Live, de Camille déjà chargé d’années, 6, 22, 7, sous la date de l’an 373 ; et T. Manlius Torquatus invoqua également sa maladie d’yeux (Tite-Live, 26, 22, 5 ; cf. 22, 40, 6), lors de l’élection consulaire de 543, quand les premières voix se portèrent sur son nom. Il suit bien de lit que le président du vote avait le droit d’interroger sur les motifs de son refus un citoyen qui ne voulait pas s’incliner devant le choix projeté, voire même de lui déférer sur ce point le serinent, et que celui qui n’avait pas à invoquer de raisons décisives ne pouvait pas honorablement se soustraire à l’élection. Mais il suit également de hi que celui qui se déclarait impropre à la magistrature pour une raison valable et qui certifiait sous la foi du serment la vérité de fait de sou articulation était libéré par là. Il ne se rencontre jamais pour la conscription et les autres charges personnelles ou pécuniaires de telles affirmations par serinent ; il n’y a alors que les exceptions légales qui libèrent des obligations légales.

[12] Tite-Live, 6, 42, 14. Cicéron, De leg. 3, 4, 10. Magistratum rogare est employé dans le même sens par Messala, chez Aulu-Gelle, 13, 15, 4 ; Cicéron, De div. 1, 47, 33 ; Ad Att. 9, 9, 3, et dans Tite-Live, 1, 17, 9. 3, 64, 10. c. 65, 3. 8 ; 13, 10. 22, 3, 2. 26, 22, 2, et le magistrat qui préside l’élection est appelé rogator chez Cicéron, De div. 2, 35 ; rapproché du c. 17, 33, et De deor nat. 2, 4, 11. Rogatio est rare dans œ sens (Tite-Live, 3, 64, 10). — Il est aussi remarquable que, dans la langue technique, il n’y a pas d’expression qui lie à l’élection des magistrats l’idée de choix ; toute la terminologie est conciliable avec la conception de personnes proposées par le magistrat.

[13] V. tome IV, la théorie des Magistrats extraordinaires nommés pour exercer des droits réservés du peuple.

[14] Tite-Live, 26, 18, 5. Asconius, In Cornel. p. 89. Velleius, 2, 92. Plutarque, Paul. 3. Le même, Sulla, 5. D’autres témoignages seront cités plus bas, quand il sera question des termes de cette professio. — L’assertion de Becker (1ère éd.) selon laquelle cette professio aurait lieu devant le peuple et non devant le magistrat a été rejetée avec raison par Marquardt (eod. loc.). On peut invoquer en sens contraire non seulement les textes de Plutarque (négligés par Becker) et la nécessité résidant dans la nature des choses de faire examiner la capacité des candidats qui souvent était rien moins que liquide, mais par-dessus tout le sens technique de profiteri qui, à peu près comme l’allemand zur Protokoll erklæren, désigne toujours une déclaration faite devant l’autorité compétente (par exemple lex. Jul. main. ligne 1 et ss.) et jamais une communication adressée au peuple. On ne voit pas non plus comment les candidats auraient été capables d’adresser une telle communication au peuple (car une déclaration faite in contione aurait exigé le concours d’un magistrat, et il n’y a pas la moindre trace de cela), ni à quoi elle aurait servi, car la prensatio et le port de la toga candida la renfermaient implicitement. Il n’y a donc aucun obstacle a entendre les textes où il est dit du magistrat qui préside le scrutin in ea sententia esse ne nomen ejus acciperet (Tite-Live, 39, 39, 5 rapproché du § 12) dans le sens qui vient le premier à l’esprit, et à les rapporter à l’exclusion de la professio des candidats et non pas à la déclaration de nullité de suffrages exprimés, bien que cette dernière conception soit elle-même également admissible en théorie.

[15] Se rationem ejus habiturum non esse : Tite-Live, 3, 64, 5. 7, 22, 8. 8, 15, 9. 10, 15, 11. 25, 2, 5. 39, 39, 4 ; Cicéron, Ad fam. 16, 12, 3. Brut. 62, 224. Ad Brut. 1, 5, 3. Lex Jul. mun. ligne 132 ; Suétone, Jul. 18, etc. Nomen non accipere : Piso, dans Aulu-Gelle, 7, 9, 3 ; Cicéron, Brut. 14, 55 ; Tite-Live, 9, 46, 2. 27, 6, 5. 39, 39, 5. 12, est synonyme, et aussi nomen non recipere : Tite-Live, 10, 15, 10.

[16] Il résulte du fait rapporté par Velleius, 2, 92, que, du temps d’Auguste, le magistrat qui présidait le scrutin pouvait inviter à se retirer le candidat qui ne lui paraissait pas susceptible d’être élu, mais ne pouvait pas l’écarter simplement ni même traiter purement et simplement comme nulles les voix qui se portaient sur lui.

[17] Velleius, 2, 92. C’est pourquoi la loi municipale de César, ligne 122, interdit non seulement de rationern comiticis conciliove [habere], mais encore de creatum esse renuntiare. Les consuls de 294 déclarent également dans Tite-Live, 3, 21, 8 et C. Piso, consul en 687, sur la question, Val. Maxime, 3, 8, 3.

[18] L’élection n’exige pas, pour être valable en droit, un nombre de candidats supérieur à celui des postes à pourvoir : la preuve en est l’élection au commandement d’Espagne de 543, où P. Scipion tut seul à poser sa candidature (note 19).

[19] Lorsqu’en 543, aucun candidat ne se présente d’abord pour le commandement d’Espagne, le peuple ne sait plus que faire (inops consilii) dans le récit à la vérité fortement retouché des événements (Tite-Live, 26, 18).

[20] Dans le cas de 543 qui vient d’être mentionné, on manqua bien d’abord de candidats, mais il s’en trouva cependant un ; il en fut de même en 603, dans les circonstances rapportées par Polybe, 35, 4, et Tite-Live, 48, dans lesquelles il ne s’agit d’ailleurs sans doute point de magistrats, mais d’officiers ; car les candidats font défaut non seulement pour les tribunats militaires, mais pour les postes de légats.

[21] On remarquera qu’aucuns jeux n’y étaient rattachés. Cf. Tacite, Ann. 1, 15.

[22] Appien, B. c. 1, 21, justifie la réélection de C. Gracchus comme tribun du peuple pour la seconde année en 631 par les mots : Καί γάρ τις ήδη νόμος κεκύρωτο, εί δήμαρχος ένδέοι ταΐς παραγγελίαις (c’est-à-dire si l’on manquait de candidats au tribunat) τόν δήμον έκ πάντων έπιλέγεσθαι. La rédaction médiocrement précise de la phrase permettrait assurément de l’interpréter en ce sens que tout plébéien, même non candidat, était éligible ; niais l’ordre général des idées montre qu’il s’agit de l’éligibilité et directement de ce que l’exercice réitéré du tribunat, qui était en principe inadmissible à cette époque, était permis dans ce cas. Nous ne pouvons décider jusqu’à quel point on est allé dans la voie de cette concession.

[23] Selon Dion, 59, 20, la tentative de rétablir les élections populaires faite par l’empereur Caligula échoua principalement parce que : ils [les comices du peuple] se montraient (attendu que depuis longtemps ils avaient perdu l'habitude de la liberté) indifférents pour ce qui touchait à leurs intérêts, et surtout comme il ne se présentait pour les charges que le nombre de candidats à élire, ou que si, parfois, leur nombre était plus grand, ils traitaient les uns avec les autres, l'apparence de gouvernement républicain était sauvée, sans que pour cela il y en eût aucune réalité.

[24] Dion, 56, 27, sur l’an 12 de l’ère chrétienne, et 60, 11. On ne trouve pas d’inscriptions certaines de tribuns du peuple qui soient arrivés à cette magistrature ex equite, c’est-à-dire sans avoir occupé la questure, quoique la questure fasse défaut çà et là, sans qu’on en aperçoive le motif.

[25] Dion, 58, 20.

[26] Dion sur les années 748 (49, 16) et 726 (53, 2) atteste en particulier qu’à défaut d’édiles, les fonctions Miliciennes étaient transportées aux préteurs. Voir dans le même sens l’inscription C. I. L. VI, 4504.

[27] Réunion simultanée, semble-t-il, de deux départements du vigintivirat, C. I. L. VI, 4455. 4456.

[28] Occupation à deux ou trois reprises, ou prorogation du vigintivirat, C. I. L. V, 36. VI, 1501. IX, 2845. Si Ovide a été III vir cap. ou mon. (Tristes 4, 40, 34) et X vir sil. jud. (Fastes 4, 384), cela tient encore à cela. Mais ses paroles peuvent aussi simplement signifier qu’il a été collègue des derniers, si inter bis quinos n’est même pas une interpolation pour la formule inter bis denos que l’on s’attendrait à rencontrer là. Rien n’empêche de placer ses fonctions après l’an 734, dans lequel le vigintisexvirat se transforma en vigintivirat. — En face d’un nombre insuffisant de candidats à la questure, les questeurs qui ont exercé leurs fonctions à Rome, sont appelés à occuper la questure provinciale qui est désignée à l’époque ancienne du titre de proquesture et postérieurement de celui de questure provinciale sans chiffre d’itération (cf. tome III, la théorie du Gouvernement de province).

[29] Ce système est suffisamment connu, particulièrement grave au statut de Malaca, c. 51. Le président du scrutin nominat autant de candidats qu’il eu manque après la professio, chacun de ces candidats en nomme lui et ainsi de suite ; le peuple fait son choix sur cette liste.

[30] Cela n’est posé en règle générale nulle part ; mais les applications faites aux magistratures particulières le démontrent. L’obligation pour l’ex-vigintivir de devenir questeur résulte de ce que, d’après Dion, 54, 26, le sénat, pendant l’absence d’Auguste en 738-744, résolut, pour pourvoir à l’occupation des places du vigintivirat, de charger trois de présider aux causes capitales ; trois autres, de surveiller la fabrication de la monnaie ; et quatre, de veiller à l'entretien des routes au dedans de la ville ; dix enfin, nommés par le sort, de faire partie du tribunal des centumvirs. Car, s’il était accordé à ces personnes à titre d’expédient intérimaire de ne pas entrer dans le sénat, c’est-à-dire de ne pas revêtir la questure, et de pouvoir rester dans l’ordre équestre, il en résulte qu’en principe, c’était le contraire qui était la règle pour les vigintiviri. — L’obligation du questeur d’entrer dans le collège des tribuns résulte du sénatus-consulte contemporain (Dion, loc. cit.). — Pour les édiles, Dion, 55, 24, sur l’an 758, texte dans lequel il est, à la vérité, surprenant que les tribunicii soient aussi appelés à participer à ce tirage au sort, tandis qu’a cette époque le tribunat du peuple et l’édilité forment un seul échelon dans l’ordre des magistratures et qu’il n’y a pas d’exemple que la même personne ait revêtu, les deux magistratures.

[31] La lettre dans laquelle Fronton demande à Antonin le Pieux de le dispenser du proconsulat nous a été conservée (Ep. 8). De telles excusationes sont aussi fréquemment mentionnées ailleurs, particulièrement pour le proconsulat consulaire qui tombait le plus souvent à une époque avancée de la vie (Tacite, Ann. 3, 35. Agricola, 42. Dion, 78, 22. C. I. L. IX, 5533. XIV, 3610).

[32] Le témoignage de Dion, 54, 26, relativement aux fils et petits fils de sénateurs qui, quoique ayant le cens sénatorial, nient le posséder pour se dispenser d’entrer au sénat, conduit nécessairement à admettre à leur charge une obligation légale d’entrer au sénat, par conséquent de revêtir d’abord le vigintivirat afin de se rendre éligibles à la questure. Il est évident que les mesures prises en vue des échelons supérieurs ne pouvaient atteindre leur but qu’autant qu’il existait aussi un moyen de contrainte pour les inférieurs. Il est probable que les personnes de rang sénatorial étaient obligées de faire, par une déclaration officielle, inscrire bientôt après la naissance leurs descendants du sexe masculin sur la liste de clarissimi pueri, et que ces derniers étaient ensuite, dès qu’ils avaient atteint l’âge minimum requis, appelés à poser leur candidature à côté des jeunes gens de l’ordre équestre qui se présentaient volontairement au vigintivirat, d’après des règles fixes qui nous sont inconnues. On peut rapprocher de ceci la table de Canusium qui cite, à côté des cent sénateurs, vingt-cinq prætextati. — Dans les municipes, l’obligation héréditaire d’assumer les charges du décurionat est, comme on sait, encore plus brutale. — Nous ne savons quels étaient les moyens de contrainte employés ici. On pouvait sortir de l’ordre sénatorial (cf. VI), mais sans doute seulement avec la permission de l’empereur.

[33] C. I. L. XII, 1783 — Willmanns, 1783. Pline, Ep. 1, 14, 5. — Si Claude retira le cheval équestre à ceux qui refusaient d’entrer dans le sénat (Suétone, Claud. 24 ; cf. Dion, 60, 29), ce n’est pas une preuve qu’il n’aurait pas pu les forcer à y entrer.

[34] Dion, 54, 30, sur l’an 742. Suétone, Auguste, 40.

[35] Cela s’est produit pour les chevaliers romains, contraints à revêtir le tribunat du peuple (note 34). Le sénat permit la même chose, en 741, aux vigintiviri, en l’absence d’Auguste. Mais, si Ovide parvint au vigintisexvirat et n’entra pas dans la curie, cela tient probablement à d’autres causes (cf. VI).

[36] Ainsi Herennius Senecio ne se présenta à aucune autre magistrature après la questure (Dion, 61, 13), ce qui lui fut, du reste, imputé à crime comme un acte d’opposition, mais ne provoqua pas de mesure de contrainte.

[37] Ce n’est pas le lieu, dans un traité de droit public, de décrire la candidature romaine et la conduite et les manœuvres des candidats ; cela rentre, soit dans le droit pénal, soit dans le tableau des mœurs. Il ne doit en cotre pris ici que ce qui parait nécessaire pour mettre en lumière le côté juridique du sujet. Nous reviendrons, dans le livre du peuple et du sénat, sur diverses règles qui se lient avec l’organisation des tribus et des centuries (cf. VI).

[38] Varron, L. L. 5, 28. Festus, Ep. p. 16. — Ambire (De re p. 1, 31, 41 ; Pro Planc. 4, 9) et ambitio (par exemple, Pro Planc. 18, 45, ambitionis nostræ tempore, alors qu’il est dit immédiatement avant leges de ambitu) sont encore employés par Cicéron sans arrière pensée défavorable. Mais le substantif ambitus prit de bonne heure, à la suite de la quæstio ambitus, l’acception secondaire de brigue punissable, comme le définit. Festus, Ep. p. 5.

[39] Cela s’appelle, comme on sait, en langage technique, prensare. Cicéron, Ad Att. 1, 1, 1. Des anecdotes relatives à ce sujet sont rapportés à Scipion Nasica, le consul de 616 (Val. Maxime 7, 5, 2, rapproché de Cicéron, Pro Planc. 21, 51) et de L. Crassus, consul en 659, Cicéron, De orat. 1, 24, 110 (d’où Val. Max. 4, 5, 4). Cf. pour l’appellation en grec, Plutarque, Coriol, 14 et Plutarque, Æm. Paul. 2.

[40] Ainsi le plébiscite Pœtelien de 397 parait avoir défendu de nundinas et conciliabula obire, c’est-à-dire avoir limité la brigue publique à la ville de Rome (Tite-Live, 7, 15, 13). Mais, naturellement, cela ne s’est pas maintenu. La brigue s’est bien toujours principalement concentrée à Rome, mais Cicéron (Ad Att. 1, 1, 2) dit, par exemple, de sa candidature au consulat : Quoniam videtur in suffragiis multum posse Gallia, cum Romæ a judiciis forum refrixerit, excurremus mense Septembri legati ad Pisonem, ut Januario revertamur, et de celle d’Antoine, Phil. 2, 30, 76 : Qui... in proximum annum consulatum peteres vel potius rogares, per municipia coloniasque Galliæ, e qua nos tum, cum consulatus petebatur, non rogabatur, petere consulatum solebamus, cum Gallicis et lacerna cucurristi. César parcourt également, en 704, les municipes et les colonies de sa province, ut... se et honorem suum sequentis anni commendaret (Bell. Gall. 8, 56).

[41] Cicéron commença la prensatio le 17 juillet 689, fut élu en juillet 690, et entra en possession du consulat le 1er janvier 691. Il s’exprime sur un ton de blâme sur la præpropera prensatio d’un de ses concurrents. César se présenta également, dès 704, pour le consulat qu’il devait occuper le 1er janvier 706. Ces exemples suffisent ici. — C’est ce délai que Cicéron, Ad fam. 10, 25, 2, désigne comme l’usitatum et quasi legitimum tempus ad petendum, dont l’observation complète n’est pas exigée, mais est convenable, et en un autre endroit (In Vat. 14, 37) comme le biennium, quo quis petat petiturusque sit, délai de deux ans, dans lequel le candidat ne doit pas donner de’ jeux de gladiateurs. Dans le statut de Genetiva, c. 142, il est interdit de donner des banquets eo anno quo quisque anno petitor kandidatus magietratum petet petiturusve sit ; il ne devient petitor au sens propre que par l’inscription sur la liste des candidats, et cette défense parait donc se restreindre à l’année du calendrier dans laquelle a lieu cette inscription. Les textes de Salluste et de Dion étudiés, plus haut, se rapportent au même délai.

[42] Tite-Live, 26, 48, 7, à propos de l’élection de P. Scipio comme général en Espagne en 543, et Polybe, 10, 5, 2 (cf. Appien, Hisp. 18) ; Plutarque, Paul. 10, de celle de Paullus comme consul pour 586. Il est ici, question de l’élection elle-même, — qui, pour les élections au consulat, avait naturellement lieu au champ de Mars, — pendant laquelle les candidats se trouvaient sur cette éminence. Nous voyons ce à quoi il est fait allusion par lé fait que le candidat qui renonce à se présenter templo descendit aljecta candida toga (Val. Max. 4, 5, 3). Par suite, Pline célèbre chez Trajan (Paneg. 63), quod comitiis luis interfuisti candidatus... consulatus... vidit te populus initia vetere potestatis suæ sede, perpessus es longum illud carmen comitiorum, etc. Les candidats se trouvaient donc sur la même plate-forme, sur laquelle le président du vote avait sa place. — Ce que dit Macrobe, Sat. 1, 16, 35, se rapporte la brigue qui précède le vote, et qui a naturellement lieu particulièrement les jours de marché.

[43] En 322, un plébiscite défendit ne cui album in vestimentum addere petitionis liceret causa (Tite-Live, 4, 25, 13). C’est dans ce sens que Perse parle, 5, 177, de cretata ambitio et qu’Isidore, Orig. 19, 24, 6, dit : Toga candida eademque cretata in qua... ambiebant addita creta ; quo candidior insigniorque esset. La différence avec le costume ordinaire n’était pas dans la couleur de la toge, mais dans son brillant, ce qui faisait Polybe, 10, 4, 8, l’appeler τήβεννα λαμπρά et Sénèque, Ep. 5, 3, conseiller : Non splendeat toga, ne sordeat quidem. — Si le renseignement donné plus haut par Tite-Live est exact, l’usage de la candida pour lit candidature existe de toute antiquité. Assurément les allusions à la toga candida au sens technique paraissent faire défaut chez les comiques ; car Titinius, éd. Ribbeck, 166, se rapporte difficilement au candidat, et Plaute, Aul. 4, 9, 6 — dont je dois l’indication à Studemund — ne peut pas davantage se rapporter à cela, alors que la candida ne figure dans ce poète que comme costume de fête (VI, 1). Mais je ne peux voir là comme, en général, dans la rareté des allusions à l’ambitio et dans le ton excessivement réservé des passages qui s’y rapportent (Studemund m’indique Trinumn. 4, 3, 26 ; Persa, 4, 4, 8 ; Amph. prol. 62, et ss. ; Pæn. prol. 38), que la trace de la censure extrêmement rigoureuse, à laquelle était soumise la scène romaine, spécialement sur ce point si délicat pour ceux qui donnaient des jeux. Le plus ancien témoignage qu’il y ait de l’usage de la toga candida dans la brigue des magistratures, est, en dehors de celui de Tite-Live, cité plus haut, celui de Polybe, loc. cit., où il parle de l’édilité du premier Africain, soit de l’an 541. Tite-Live, 39, 39, 2, dit d’un personnage qui se présentait, en 570, en qualité d’édile curule, à la préture, qui, par conséquent, portait la prétexte, qu’il sine toga candida, sed maxima ex omnibus contentione petebat. Cf. Val. Maxime 4, 5, 3. — Le fait que les candidats ne portaient que la toge sans la tunique (Caton, dans Plutarque, Q. R. 49 ; Coriol. 14) a été bien expliqué par Becker (1e éd.) en partant de l’idée que, pour des raisons faciles à comprendre, l’ancien costume du peuple s’est maintenu surtout longtemps ici ; le point de savoir s’il l’a fait généralement jusqu’à la fin de la République est très douteux.

[44] Naturellement il n’est question là que des candidats présents à Rome avant et pendant le vote.

[45] L’expression jus honorum qui nous est si familière ne se rencontre que rarement chez les Romains et seulement quand l’électorat existe sans l’éligibilité comme pour les enfants des proscrits, et les citoyens des provinces. Elle s’appliquerait bien aux plébéiens avant la loi licinienne ; mais elle ne se rencontre pas fi propos de ces luttes. Quand l’électorat manque en même temps que l’éligibilité, le droit qui fait défaut est techniquement appelé jus suffragii et le jus magisiratus capiendi n’apparaît (Festus, v. Municeps, p. 121. 147 ; v. Municipium, p. 127) que comme corollaire.

[46] L’attribution faite aux pontifes du droit de vérifier la capacité des magistrats, à cause des cérémonies religieuses que ces derniers auront à accomplir, est une erreur certaine de Denys (9, 73).

[47] Velleius, 2, 92. Cet exemple de l’époque d’Auguste, pris parmi tous ceux qui attestent le droit du magistrat-président du scrutin, peut suffire à lui seul.

[48] Tite-Live, 3, 64, 5. Par suite, la mise à l’écart des candidats est à bon droit désignée comme émanant des deux consuls (Tite-Live, 7, 22, 8).

[49] Les exemples, que l’on trouve de telles interventions du sénat (Tite-Live, 27, 6, 9. 32, 7, 11. 39, 39, 6 ; au contraire, dans 8, 15, 9, senatus ne désigne, comme il arrive si souvent, que le parti des patriciens) supposent tous que les tribuns sont intervenus et ont été en différend avec les consuls, sur quoi on recourt régulièrement au sénat). Au contraire, dans les cas où les magistrats n’étaient pas en dissentiment, il ne semble pas avoir été d’usage de soumettre la question au sénat.

[50] Tite-Live, 25, 2, 6. 27, 6, 3. 33, 7, 8. 39, 9, 4. 13.

[51] Cf. la théorie de la compétence de l’assemblée du peuple (VI, 1). Ulpien pose n la vérité la règle que, si le peuple nomme un esclave magistrat en connaissant sa condition, cet esclave devient libre. La souveraineté du peuple, qui n’a plus alors d’efficacité pratique, reçoit là un dédommagement théorique.

[52] Il arrive que le candidat contesté soit invité devant le peuple assemblé (contione advocata) à se retirer (Tite-Live, 39, 39, 11). Mais il ne peut pas être voté sur son admission.

[53] La loi municipale de César dispose que toute condition d’éligibilité légalement établie entrain la nullité de l’élection lorsqu’elle n’a pas été observée. Cela ne se rapporte assurément pas aux cas où le magistrat a seulement le droit de repousser les candidatures. Lorsque alors le magistrat a, par ignorance ou négligence, omis de faire usage de son droit, l’élection est naturellement valable.

[54] C’est ainsi que le droit actuel distingue en matière de mariage les impedimenta impedientia et dirimentia, les empêchements prohibitifs et dirimants.

[55] Par exemple, on serait porté à admettre la nullité au cas de violation de la disposition de Sulla sur les enfants des proscrits et à ne pas l’admettre au cas de violation des prescriptions sur l’âge et Ies années de service. Mais la ligne de démarcation ne peut être tracée avec certitude.