LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE PREMIER. — LA MAGISTRATURE.

LES ATTRIBUTIONS DES MAGISTRATS.

 

 

X. REPRÉSENTATION JURIDIQUE DU PEUPLE.

Le peuple étant incapable d’agir en personne, il ne peut devenir par lui-même sujet actif ou passif de droits que lorsque ce résultat se produit en dehors de toute intervention de, volonté, par exemple pour l’acquisition de créances nées de délits ou pour les acquisitions faites par l’intermédiaire des esclaves. En règle, il traite par représentation, et ce sont les actes de ses magistrats qui sont également réputés les siens propres[1]. Nous ne devons ici que déterminer d’une manière générale quels sont les magistrats qui ont ainsi qualité pour agir en son nom ; nous renvoyons pour tous les détails à la théorie des différentes magistratures et pour le concours parfois nécessaire des comices à la partie qui les concerne. — La représentation elle-même se présente sous trois aspects, selon que l’acte est conclu avec un citoyen, avec une divinité, ou avec un état étranger.

Quand il est question d’un acte juridique conclu pour le compte du peuple, il ne faut pas oublier que le peuple ne peut, dans la conception romaine, jouer le rôle de partie dans un litige ni en face d’un autre peuple ni en face d’un citoyen et qu’il n’y a pas pour lui au sens strict de procès, de judicium. Par conséquent, toute promesse valable faite en son nom n’est rien de plus que le pactum nudum du droit privé, c’est-à-dire, que, d’une part, elle est indépendante de toutes les règles du droit privé, et, d’autre part, que ce n’est pas proprement un contrat nul, mais que c’est un contrat dont l’exécution ou l’inexécution dépend de la volonté du débiteur. La vigoureuse intelligence juridique des Romains ne l’a pas seulement compris ; elle a, comme en droit privé, cherché le remède du défaut de force obligatoire sur le territoire religieux. Dans l’ancien droit privé, le serment est employé pour renforcer une obligation qui ne peut être poursuivie judiciairement[2]. De même, en droit public, l’obligation du peuple qu’il faut rendre irrévocable est sanctifiée (sanctum) ou, selon le mode de consolidation usuel à l’époque récente, sanctifiée par serment (sacra sanctum)[3] par les représentants légaux du peuple[4] en vertu de leurs pouvoirs officiels ou d’un pouvoir spécial. L’accomplissement de la convention continue bien, même après le serment, à dépendre de la volonté du peuple obligé. Mais, comme il a appelé sur lui par le serment pour le cas où il y manquerait la punition des dieux pris à témoins, cet accomplissement est aussi assuré qu’il est possible en ce domaine. Les applications particulières de ce principe général sont indiquées dans les développements qui suivent.

1. ACTES CONCLUS ENTRE LE PEUPLE ET UN CITOYEN.

Les relations d’ordre pécuniaire du peuple et des citoyens ont déjà été étudiées, en tant qu’elles conduisent à quelque chose d’analogue à une procédure, dans la section de la juridiction administrative. Il reste seulement à reprendre ici, à propos de la représentation de l’État pour la conclusion des actes relatifs aux biens, les points qui n’ont pas été déjà étudiés dans cette section par suite de l’étroite liaison de notre représentation avec la représentation judiciaire ou qui ne se comprennent pas d’eux-mêmes.

Parmi les actes relatifs aux biens, il faut distinguer les actes d’administration courante et les opérations extraordinaires ; et, pour les premiers, il faut sous-distinguer l’administration des deniers publics et l’exploitation des biens de l’État.

La gestion des caisses publiques appartient en principe au magistrat supérieur. Cependant l’administration proprement dite passa, au début de la République, des consuls aux questeurs. Elle ne comprenait pas seulement le pouvoir de faire ou de recevoir des paiements. Elle comprenait aussi celui de poursuivre le recouvrement de toute créance de l’ærarium, liquide et consistant en argent, sur le recouvrement de laquelle il n’avait pas été autrement disposé par une mesure spéciale. Elle comprenait encore celui de procéder à l’aliénation de toutes les valeurs échues à l’État, butin, masses de biens héréditaires ou saisis sur des débiteurs vivants, etc. qui devaient, d’après les usages d’une borine administration, être immédiatement transformées en argent, et probablement, à moins de circonstances particulières, sans qu’il fallût aucun mandat spécial. Mais les pouvoirs du questeur n’allaient pas plus loin : il ne pouvait ni contracter un emprunt pour le compte de l’État, ni faire une remise de dette à un de ses débiteurs.

L’exploitation des biens de l’État s’opérait régulièrement sous forme de locations. Ces contrats encore étaient à l’origine conclus par les consuls. Mais, quand les censeurs furent institués, cette attribution leur passa, et il n’arriva qu’à titre supplétoire û d’autres’ magistrats d’y participer.

Les actes extraordinaires de disposition doivent, à moins de dispositions spéciales contraires, être classés dans les attributions de la magistrature la plus élevée. Cela résulte déjà de ce que l’administration courante elle-même rentrait à l’origine dans les fonctions du magistrat supérieur. Cependant on sait que l’influence du sénat est, précisément en ces matières, devenue de bonne heure prédominante, si bien que cet ordre d’affaires se trouva soustrait à la disposition arbitraire du magistrat. En outre, c’est ici une considération décisive que, le droit qui réait les biens de l’État n’a pas le caractère strictement formel du droit privé, que les principes qui y prédominent sont ceux de l’équité et de la bonne foi. On tiendra par exemple plus de compte du sénatus-consulte qui a prescrit un emprunt au profit de l’État que des attributions formelles du magistrat qui a provoqué la résolution ou reçu le versement.

Si nous prenons d’abord les actes extraordinaires de disposition qui ne sont pas des libéralités, ils ne paraissent pas avoir jamais été subordonnés à l’assentiment des comices.

L’État peut, comme les particuliers, devenir débiteur ou par mutuum[5] ou par convention. La première catégorie d’actes comprend notamment l’impôt foncier et patrimonial appuyé sur le cens ; car cet impôt est, dans le système romain, toujours levé à titre de simple avance faite à l’État sans intérêts[6], et sujette à une restitution dont, il est vrai, le terme est laissé à la discrétion de l’État débiteur. La même notion s’applique à tous les versements volontaires faits à l’État sous condition de restitution future[7]. La cause en vertu de laquelle le débiteur est obligé est là, d’après la conception romaine, la remise même des deniers, de sorte qu’il ne peut être question de représentation légale de l’État que pour la réception des deniers par les magistrats de l’ærarium. Lorsque au contraire une convention génératrice d’obligation doit être conclue à la charge de l’État, par exemple pour des fournitures ou des constructions, il n’est pas douteux que les magistrats supérieurs devaient seuls être compétents à l’origine. Mais, avec la constitution de la censure, cette faculté a passé aux censeurs, et, même pour eux, nous la trouvons limitée à l’époque historique : le censeur ne peut pas, en vertu de ses pouvoirs, contracter de pareilles dettes ; il lui faut pour cela une autorisation du sénat, qui, dans la règle, ne lui est donnée que si la somme nécessaire se trouve eh espèces dans le trésor et peut être immédiatement soldée au créancier par l’intermédiaire des censeurs. Il est plus que vraisemblable que la liberté du magistrat dut jadis être plus grande, qu’il dut notamment en être ainsi tant que les consuls eurent le droit de rendre l’État débiteur et, d’une façon générale, tant que Rome eut encore à combattre à forces égales avec d’autres Mats pour l’établissement de sa puissance, mais les sources ne nous permettent pas d’exposer quel fut l’ancien système. (V. tome VII.)

Les achats se présentent régulièrement sous la forme de marchés de fournitures, et appartiennent par conséquent à la compétence des censeurs ; il se peut qu’on ait en outre recouru à des délégations spéciales[8].

Nous trouvons des ventes extraordinaires, — il a été question plus haut des ventes faites par les questeurs qui rentrent dans l’administration courante, — en particulier des aliénations d’immeubles appartenant à l’État, faites par les censeurs et les questeurs. Les derniers recevaient sans doute, pour procéder à chaque vente de ce genre, un pouvoir spécial. Quant aux censeurs, il est possible que le droit de vendre résultait pour eux, dans de certaines limites, de leur pouvoir général de disposer, à titre d’administration, des biens de l’État.

Les locations d’immeubles faites pour un grand nombre d’années ne différent guère pratiquement de la vente. Il y était probablement encore procédé par les censeurs. Mais certainement cela n’a jamais eu lieu sans un autre fondement légal propre[9]. Les véritables baux héréditaires sont inconnus à la législation qui réait les biens de l’État romain.

Nous ne nous arrêtons pas aux autres actes qui peuvent se rencontrer dans la législation du patrimoine de l’État : ils n’ont pas d’importance essentielle, et les sources sont muettes à leur sujet. — L’hérédité déférée à l’État par testament lui était, d’après le principe développé, probablement acquise sans acte formel d’adition, comme c’est la règle générale pour les legs ; il est possible que le soin de répudier, le cas échéant, une succession insolvable ait appartenu au questeur. La promesse de donation faite à l’État n’avait certainement pas d’elle-même force obligatoire[10] ; la donation ne devait devenir parfaite que par le paiement des deniers à l’ærarium ou par tout aube procédé de mise de l’objet donné dans la jouissance publique, mais sans qu’il y eût probablement ici plus d’acceptation formelle de la donation qu’il n’y avait d’adition en forme pour l’hérédité dévolue à l’État.

Aucun administrateur de la fortune d’autrui, ne peut, si étendus que soient ses pouvoirs, faire de libéralités aux dépens de celui pour le compte duquel il agit. Il en est ainsi du tuteur par rapport au pupille. Il en est de même du magistrat et même du sénat par rapport à l’État. Les théoriciens du droit public romain reconnaissent au roi le droit de donner les biens de l’État, et l’origine de la propriété privée des immeubles est même rattachée à ces donations royales de fonds de terre[11]. Mais cela ne fait que confirmer la règle ; car, à cette époque, c’était la royauté même qui était considérée comme proprement investie de la souveraineté publique. Pour les temps historiques de la République, le principe est arrêté, il l’est en particulier en ce qui concerne les immeubles de l’État, et il trouve son expression correcte dans le fait que la transformation d’un fonds de terré appartenant à l’État en bien d’un temple, c’est-à-dire sa dedicatio[12], ou sa concession gratuite à un particulier, c’est-à-dire son adsignatio, ne peut avoir lieu qu’en vertu d’une résolution spéciale des comices, par l’entremise de magistrats spéciaux, commis à l’exercice de ce droit réservé du peuple[13] et munis, à cet effet, d’instructions spéciales relatives à l’hypothèse particulière. — Il en est sans doute de même pour les locations héréditaires de terres publiques faites moyennant une redevance nominale, qui ne sont pas insolites chez les Romains et qui ne sont que des assignations déguisées. Les remises de dettes, en particulier les remises des fermages dus à l’État[14], pourraient bien être ramenées à la même idée de donation. Cependant elles semblent plutôt être considérées comme rentrant dans un exercice équitable du droit acquis, et par suite n’avoir régulièrement pas été soumises au peuple. Il est du moins certain que le peuple n’était pas consulté pour l’affranchissement des esclaves publics[15], bien qu’il faille en droit considérer ces affranchissements comme des donations. Les magistrats et le sénat ne peut pas non plus avoir été dépouillés, pour les cas peu importants, d’un certain pouvoir général de disposer à titre gratuit aux frais de l’État ; il ne devait pas tout au moins y avoir besoin de résolution des comices pour l’exercice de l’hospitalité publique, même lorsqu’elle n’était pas exercée en, vertu d’une convention expresse.

Il y avait certaines catégories de gains militaires ou judiciaires qui étaient soumis à un régime spécial. On attribuait au magistrat qui conduisait un procès ou une guerre, pour l’intéresser personnellement au succès de l’État sur le Forum ou sur le champ de bataille, un droit de disposition qui excédait la mesure ordinaire. Les contributions de guerre stipulées dans un traité de paix sont versées dans les formes habituelles au trésor public. Mais le butin et l’argent produit par la vente du butin, les manubiæ[16], restent, s’il plat au général, sous son administration propre[17] et à sa libre disposition ; l’administration parle questeur et le versement à l’ærarium[18] ne sont par conséquent en pareil cas que facultatifs ; et le général est libre d’employer ces fonds, même en libéralités, par exemple à faire des présents à ses troupes ou bien à élever ou à embellir des temples. Il faut seulement toujours que l’emploi soit fait dans l’intérêt public. — En outre, les créances de sommes d’argent, qui naissent pour l’État du droit d’amende des magistrats[19], judiciaires sont bien, en général, traitées comme des créances ordinaires de l’ærarium[20], et c’est un questeur qui les recouvre. Riais, par exception, les amendes obtenues par les édiles dans des procès jugés par le peuple sur provocatio ; sont employés par eux[21] comme le butin par le général ; ils les consacrent ou à des constructions[22] ou, ce qui ne se voit pourtant que pour les édiles plébéiens[23], aux dépenses de leurs jeux. C’est la prime d’accusation la plus ancienne et c’est aussi la seule honorable que nous présente le droit romain. — Les actes du droit du patrimoine conclus entre le peuple romain et un citoyen n’ont jamais été renforcés par un serment. Mais on s’est abstenu de le taire uniquement parce que l’irrévocabilité des conventions pécuniaires, qui est de l’essence des actes faits en conscience et de bonne foi, va de soi pour les actes conclus entre le peuple et un de ses citoyens et n’a pas besoin d’être renforcée par le serment du magistrat. — Les dispositions prises par le peuple qui ne sont pas analogues à des actes du droit privé présentent au contraire un caractère de révocabilité ad nutum. Elles ne sont communément en vigueur que jusqu’à nouvel ordre et le droit qu’elles confèrent à un particulier peut, lui être enlevé à tout moment. Une exception remarquable, qui remonte aux temps les plus reculés, peut être faite pour l’exemption du service militaire et des autres charges publiques. Cette exemption a été accordée à perpétuité et sous la garantie de la foi jurée aux prêtres du peuple[24] et aux citoyens des colonies maritimes[25]. Ceux qui considéraient le rapport dans lequel étaient le peuple et la plèbe comme un fœdus[26] partaient d’un peint de vue analogue.

2. ACTES CONCLUS ENTRE LE PEUPLE ET UNE DIVINITÉ.

Les actes juridiques qui se produisent entre le peuple romain et une divinité romaine sont la translation de propriété du peuple à la divinité, la dedicatio, et la formation d’une obligation pesant sur le premier au profit de la seconde, le votum. Pour tous deux la représentation du peuple appartient à la magistrature supérieure. Ces actes ne comportent pas de consolidation religieuse puisqu’ils ont par eux-mêmes un caractère religieux.

Pour la dedicatio, il suffit de rappeler sommairement ici ce qui sera développé dans la partie relative aux magistrats spécialement affectés à cet acte. Le pouvoir de dédier un immeuble romain, qu’il soit en la propriété d’un particulier ou dans celle de l’État, à une divinité romaine, est, dans la conception ancienne, l’un des droits des magistrats supérieurs, c’est-à-dire du dictateur, du consul, du préteur, auxquels s’ajoutent les duo viri ædi dedicandæ qui sont nommés spécialement à cette fin et investis de la puissance consulaire. Depuis le milieu du Ve siècle, on a aussi admis le censeur et l’édile à procéder à la dédication en cette qualité. Mais la dedicatio n’a jamais pu émaner ni des magistrats inférieurs ni des particuliers : — Nous n’avons pas de renseignements sur la dédication des meublés. En principe les règles ont pu être les mêmes ; pratiquement la consécration de l’objet à un but religieux peut lui avoir donné le caractère sacré sans dédication en forme. — On ne doit pas avoir exigé d’approbation spéciale du peuple pour la dédication de choses mobilières, quand les frais étaient faits par un particulier. Mais, la consécration d’un temple entraînant une charge pour le peuple, même lorsque le terrain appartenait à un particulier, le magistrat ne pouvait i procéder sans y être autorisé par une loi spéciale[27]. Des lois sont même citées pour la dédication de choses mobilières appartenant à l’État ou à acquérir aux frais de l’État[28]. Mais il est à penser qu’une résolution du sénat ou un décret de magistrat aura fréquemment suffi en pareil cas.

Relativement aux vœux, il est dit expressément que le général a, en vertu de ses fonctions, le droit d’adresser un vœu aux Dieux[29]. Mais les vœux relatifs à d’autres matières sont aussi faits de droit par des magistrats cum imperio[30] ; bien qu’il ne faille pas contester que des magistrats inférieurs ne puissent aussi, selon les circonstances, surtout pour des buts spéciaux, être chargés d’en faire. — Naturellement, c’est le magistrat qui a fait le vœu ou son successeur légal[31] qui doit, plus tard, si la condition se réalise, l’exécuter ; et, tous les jeux, ordinaires ou extraordinaires, qui incombent aux magistrats[32], tirant leur origine de vœux[33], il en résulte qu’anciennement l’organisation des jeux revenait exclusivement aux magistrats cum imperio[34]. Plus tard, il est vrai, on n’a plus respecté cette limitation, et, de même que l’on a regardé les plébiscites comme des résolutions du peuple, on a considéré les jeux plébéiens, organisés par les édiles plébéiens,comme étant des fêtes du peuple tout aussi bien que les jeux romains[35]. Mais il s’est conservé, jusqu’à l’époque la plus récente, un souvenir des institutions primitives : c’est que, dans tous les jeux publics, les présidents des jeux, même les édiles plébéiens, même les simples particuliers, avaient les licteurs et les autres insignes des magistrats supérieurs[36].

Reste la question de savoir si celui qui a l’imperium a, de plein droit, qualité pour conclure une convention de ce genre ou s’il a besoin pour cela de l’autorisation d’un pouvoir plus élevé. Il semble qu’il faut, à ce point de vue, distinguer deux espèces de vœux : les vœux relatifs à la guerre et à la victoire que le titulaire de l’imperium fait, partie dans l’ordre normal des choses, avant d’entrer en campagne, partie en présence d’événements extraordinaires, pendant qu’il exerce le commandement, et les autres vœux.

Ces derniers, en particulier le vœu le plus élevé de tous, le ver sacrum, sont regardés comme constituant des présents extraordinaires que la cité promet à ses Dieux et qui, pas plus qu’aucune autre libéralité proprement dite, ne peuvent dépendre de l’arbitraire des magistrats. Il faut un vote du peuple pour le ver sacrum[37], un vote du sénat pour les autres[38].

Les vœux des généraux comportaient une liberté plus grande. En particulier, les vœux usités avant l’entrée en campagne, et, qui du reste se limitaient probablement à des sacrifices d’animaux, étaient obligatoires sans autres formes. Il en était de même des autres veux qui pouvaient être réalises en vertu du droit de disposition du général sur le butin[39]. D’une manière générale, on aura regardé comme obligatoires tous les vœux qui avaient été faits en vue de la victoire et qui pouvaient être exécutés avec les gains procurés par la victoire, bien que, quand ces vœux n’avaient pas, pour objet une somme d’argent déterminée, le sénat soit plus d’une fois intervenu à titre modérateur dans la fixation de la somme à tirer du trésor pour leur accomplissement[40]. Lorsque les frais de la prestation promise étaient supérieurs aux gains procurés par la victoire, il est possible qu’on ait admis pour le vœu un procédé d’annulation analogue à celui que nous trouverons pour les traités, le transfert de la dette du passif de l’État dans celui du général qui a fait le vœu ; il n’y a cependant aucun vestige de contestations relatives à de telles hypothèses. Le caractère obligatoire du contrat civil reste aussi certainement étranger dans cette matière que dans d’autres au droit qui régit le patrimoine de l’État.

3. ACTES CONCLUS ENTRE LE PEUPLE ROMAIN ET UN ÉTAT ÉTRANGER.

Une convention entre Rome et un État étranger peut, du côté de Rome, être valablement conclue par tout citoyen qui a qualité pour procéder à l’acte particulier duquel il s’agit[41]. Pour les conventions les plus importantes, les conventions d’alliance, de suspension d’armes, de paix ou de soumission ; on ne considère en principe comme ayant des pouvoirs suffisants que les magistrats qui ont pour le moment l’imperium le plus élevé[42].

En la forme, le traité public est en général conclu suivant les formes qui sont dans le droit privé postérieur celles de la stipulation et de la sponsion, par une interrogation et une réponse verbales échangées entre les parties[43], il est d’usage de réserver expressément dès le moment de la formation du traité, la possibilité de le modifier plus tard par l’accord des volontés des deux parties[44]. Les formalités rigoureuses du droit civil sont naturellement exclues[45]. On pouvait donc s’écarter de la forme habituelle sans préjudice pour la validité de la convention, pourvu que l’intention des contractants fût certaine, et l’acte pouvait aussi être accompli par un tiers sur le mandat du général[46].

Les formes suivies permettaient, d’autre part, à plusieurs personnes de faire en même temps la promesse, d’une manière analogue aux correi debendi du droit civil[47]. On recourait à ce procédé à défaut de la confirmation de la convention par les concours des fétiaux dont il sera question plus loin ; il semble avoir été alors d’usage de faire ratifier les traités par vingt individus[48].

La rédaction de la convention par écrit, comme la cautio pour la stipulation, n’est pas requise légalement, mais est usuelle et prévue dans les plus anciens formulaires[49]. En général, cette rédaction est faite à l’impératif et l’interrogation et la réponse y sont rattachées[50], de même que dans les testaments l’interpellation impérative adressée aux témoins se réfère aux titres testamentaires avec leur Titius heres esto.

La confirmation religieuse, dont le principe a été signalé plus haut, est, au sens propre, relative aux conventions conclues entre deux cités. Tant que l’on a encore eu conscience du caractère religieux fondamental de sa forme régulière, de la sponsio, la convention du droit des gens a été considérée comme un double acte religieux. Mais la sponsio a vite perdu ce caractère et elle a depuis été regardée comme un contrat formé par interrogation et par réponse[51] auquel on adjoignait dans les cas les plus importants le renforcement résultant d’un serment réciproque, en latin fœdus[52], en grec, τά όρκια[53]. En principe, ce serment est prêté sur un mandat spécial du magistrat compétent[54], par deux ou plusieurs membres du collège des fétiaux, dans des formes arrêtées et avec un sacrifice déterminé[55], sans que d’ailleurs la conclusion de l’arrangement qui précède le fœdus cesse jamais d’être l’affaire propre du général. L’importance particulière attachée au concours des fétiaux se fonde sur deux motifs. En premier lieu, l’intervention de ce collège d’hommes compétents, spécialement préposés aux actes de ce genre, est une garantie soit de la régularité de, la conclusion, soit de la certitude de l’observation du traité. En second lieu, comme il fallait envoyer les fétiaux de Rome avec un pouvoir spécial pour chaque cas particulier[56], le traité fait avec leur concours se révélait forcément par lé comme n’étant pas seulement l’œuvre personnelle du général, comme étant un acte reconnu par les pouvoirs publics. Mais il est probable que le concours des fétiaux n’était pas plus nécessaire pour la validité d’un traité d’alliance que celui d’un augure ne l’était pour la validité de l’auspicium ; même sans ce concours, le général lui-même ou n’importe quel tiers investi de son mandat pouvait accomplir l’acte de consécration dans les mêmes formes et avec le même effet[57]. L’élément caractéristique du fœdus a toujours été la formule d’exécration du peuple qui y était contenue pour le cas de violation consciente du traité[58]. C’est elle qui donne au fœdus cette irrévocabilité qui le distingue des autres traités publics dont la rupture peut être réservée par le traité lui-même et en aucun cas n’attire au peuple la défaveur des dieux.  La réciprocité du rapport implique que l’autre partie contractante se soumet à la même exécration conditionnelle dans les formes prescrites par son rituel[59]. — Si, comme c’était la règle, les conditions du traité étaient constatées par écrit, la serment pouvait ou les reproduire ou y renvoyer, mais, dans le second cas, il fallait lire le titre ; un procès-verbal était ensuite dressé du serment lui-même. Ce procès-verbal pouvait donc ou rapporter les conditions du traité dans la formule même du serment, comme ce parait avoir eu lieu pour les procès-verbaux qui nous sont parvenus des traités avec Carthage[60], ou renvoyer aux annexes des tabellæ cerave. En outre il contenait les noms des fétiaux qui prononçaient le serment ; mais il ne contenait pas forcément celui de leur mandant[61].

Le fœdus est resté en usage pendant toute la durée de la République[62] ; sous le Principat, on n’y a recouru qu’exceptionnellement[63].

Quand un sénatus-consulte ou une loi est nécessaire ou possible relativement au traité, conformément à des règles que nous étudierons ailleurs (VI, I, et VII), le titre dressé de ces actes, le sénatus-consulte ou la loi, est annexé à la déclaration du magistrat ; mais celle-ci subsiste à côté d’eux, quoique le magistrat concoure aussi aux premiers actes[64]. Naturellement le serment même n’est prêté qu’après qu’ont statué les comices ou le sénat[65], et le traité entre en vigueur par sa prestation[66].

Lorsque le magistrat a le droit d’obliger le peuple en matière internationale sans le concours des comices ni du sénat, — ses pouvoirs ne sont guère limités sous ce rapport à l’époque ancienne, — il n’y a pas place dans la sphère religieuse et morale du droit public pour une obligation en forme, telle que Celle qui existe, par exemple, en droit privé, au cas de tutelle. Toute dette dépend de la connaissance et de la volonté de l’obligé, par conséquent ici du peuple. Quand un traité a été conclu pour lui dans des formes valables, mais sans sa connaissance préalable, il peut le rejeter sans faute religieuse, comme il peut se libérer des suites de la violation d’un traité accomplie à son insu en dégageant sa responsabilité[67]. Mais, dans les deux cas, le peuple ne peut se décharger qu en indiquant et en livrant les coupables à l’autre partie. Lorsque les représentants réguliers du peuple ont conclu en son nom une obligation par serment en prononçant contre lui une malédiction pour le cas de rupture, le peuple peut rejeter le traité ; mais il ne le peut qu’en déclarant coupables de violation du droit des gens le citoyen ou les citoyens qui avaient engagé leur parole en garantie de sa reconnaissance : il rejette la faute sur la tête des auteurs du serment, et les remet au peuple offensé pour en faire ce qu’il voudra, conformément au principe de la dédition qui est aussi appliqué à l’outrage aux ambassadeurs et à d’autres cas semblables[68]. Cette extradition ne peut au reste être considérée comme une condition de forme essentielle à l’annulation du traité. C’était une mesure d’opportunité politique. Il s’agissait pour le peuple d’écarter, à ses propres yeux comme en face de l’ennemi, les doutes naturels que pouvait soulever la question de savoir s’il n’essayait pas purement et simplement d’éluder les conséquences fâcheuses du traité, et il y arrivait en procédant à un acte aussi grave qu’était l’extradition d’un certain nombre de citoyens en vue[69]. Aussi le point de savoir s’il y avait ou non lieu à extradition parait-il avoir dépendu soit de l’importance de l’engagement pris, soit de la loyauté de l’ensemble des citoyens[70]. Ce pouvoir d’annulation a, autant que nous sachions, été exercé pour la première fois en 434, lors de la paix des Fourches Caudines[71] ; il en a, par la suite, été fait usage à plusieurs reprises[72].

Ce pouvoir aussi indispensable que périlleux, ce droit du peuple d’exercer sa souveraineté suprême à l’encontre des actes légaux de ses représentants réguliers, était illimité en théorie : biais naturellement il n’était appliqué en pratique que dans les cas les plus extrêmes ; on n’y a recouru que comme à une sorte de droit de légitime défense reconnu : à l’État contre des actes qui, bien que légaux en soi, portent atteinte à son existence ou à sa dignité, On s’efforçait surtout d’éviter de pareils conflits en faisant participer à la conclusion des traités l’État lui-même par ses représentants les plus élevés. C’est la raison de l’importance attachée à l’époque ancienne au concours des fétiaux, et c’est aussi pour cela que le droit des magistrats de représenter le peuple en matière internationale a été de plus en plus restreint par le concours du peuple et du sénat que nous étudierons plus loin. Dans les deux cas, il était indéniable que la convention avait été conclue du consentement et de l’aveu du peuple, et elle ne pouvait être dissoute sans que la responsabilité morale et religieuse du peuple ne fût engagée.

Reste à étudier le mode spécial de publication en vigueur pour les titres internationaux. Tous les titres internationaux doivent dans le système romain, non seulement être rédigés par écrit, mais être affichés publiquement pour demeurer dans une perpétuelle mémoire. On rencontre sans doute aussi un affichage de ce genre peur d’autres dispositions que les autorités jugent opportun de tenir à la portée du public présentement et dans l’avenir (VI, 1). Mais il n’est légalement requis que pour les titres internationaux présentant un caractère durable, du reste sans distinction de forme ni de contenu. Tels sont à la fois les traités importants conclus avec de grands États et les privilèges personnels les plus insignifiants ; les procès-verbaux dressés des conventions internationales (fœdus) et leurs annexes, et les sénatus-consultes du même ordre qui concèdent des droits durables[73] ; enfin les décrets de magistrats rendus en faveur de cités non romaines ou d’étrangers isolés[74], y compris notamment les concessions individuelles du droit de cité romaine[75], qui empiètent régulièrement sur les traités internationaux conclus avec les cités d’origine des nouveaux citoyens.

Pour ces publications, comme pour toutes celles destinées à une perpétuelle mémoire, le document est transcrit sur une table de cuivre, tandis que, pour les publications d’ordre transitoire, il l’est sur une table de bois ; les institutions romaines ne connaissent point de publication faite sur pierre. Quant aux lieux, tout emplacement public ou religieux situé à Rome semble avoir été approprié à ces publications à l’époque la plus ancienne[76]. Mais, dès une époque reculée, on emploie pour cela la région qui entoure le temple de Jupiter Capitolin[77] et l’on peut mettre en relation avec cette coutume le sanctuaire de la Fides populi Romani qui se trouve également là[78]. Les documents avérés de l’époque ancienne qui sont cités ou ont été conservés appartiennent pour une bonne part à ces archives internationales[79]. Pour les traités internationaux proprement dits, l’autre partie contractante procurait d’une manière analogue la publication du titre corrélatif dans son rayon[80].

 

 

 



[1] Servius, Ad Æn. 2, 151 : Quod res promittit, videtur res publica polliceri. Sénèque, Controv. 9, 25, éd. Bursian, p. 255 : Imperator fœdus percussit : videtur populus Romanus percussisse et continetur indigno fœdere.

[2] La jurata operarum promissio, qui, dans sa forme ancienne, supposait certainement un serment prêté avant l’affranchissement (comp. Venuleius, Digeste 40, 32, 44, pr., Cicéron, Ad Att. 7, 2, 8) est surtout caractéristique à cet égard. La spensio, c’est-à-dire, d’après une étymologie indubitable (spondere = σπέδνειν, fundere), l’accomplissement de libations (cf. Festus, p. 329 : Verrius... sponsum et sponsam ex Græco dictum ait, quod ii σπονδάς interpositis rebus divinis faciant ; le même, Ep., p. 59 : Consponsor, conjurator) est également, à côté du nexum muni d’action, un acte religieux accompli à l’autel d’Hercule (Denys, 1, 40) ; le souvenir s’en est conservé dans la formule masculine de serment me Hercule. Dans les autres cas, où le droit récent requiert le serment promissoire, par exemple du magistrat, du juré, du témoin, il s’agit encore toujours d’une obligation qui n’est pas garantie par une action civile.

[3] Sancire désigne primitivement la disposition légale établie dans une forme religieuse. Lorsque le mot s’est généralisé et que l’on a appelé ainsi toutes les dispositions légales, son sens primordial a été renforcé par l’addition par un acte religieux (sacro). La formule : Si quid sacro sanctum est est déjà signalée par Cicéron, Pro Balbo, 14, 33 (cf. sacroque sanctum, Pline, H. n. 7, 44, 143) comme constante. Les mots du statut de Genetiva, c. 56 : Pontificibus... vocatio sacro sanctus esto, doivent être entendus avec Buecheler comme un ablatif de comparaison : plus saint que saint, où le sens primitif de l’expression est méconnu et transformé. Le mot ne peut être composé de sacer, et sanctus ; la longueur de l’o (la quantité est mise hors de doute par l’emploi du mot dans les tragédies de Sénèque), suffit, selon l’observation de Buecheler, pour exclure cette supposition. — Sur le développement postérieur du mot on pourra comparer, tome III, la partie du Tribunat.

[4] Le serment prêté pour le peuple Pest dans cette forme : cela va de soi et cela se révèle clairement pour le fœdus. Le serment prêté par tous les citoyens n’est pas un serment du peuple. Le serment des plébéiens employés comme succédané lors de la constitution de la plèbe est discuté tome III, dans la théorie du Tribunat du peuple.

[5] Le mutuum a sans doute aussi un consentement pour fondement en droit privé comme dans le droit du patrimoine de l’État. C’est dans ce sens que la restitution du prêt extraordinaire, fait en 344 à l’État, fut plus tard proposée par le consul de cette année qui dit : In publica obligata fide suam præcipue curam esse... quod aliquid proprie ad consulem ejus anni, quo conlatæ pecuniæ essent, pertineret (Tite-Live, 29, 46, 2). Mais l’élément juridiquement obligatoire est, dans le mutuum comme dans la condictio indebili, le déplacement de propriété et non l’accord de volontés dépourvu de formes.

[6] L’absence d’intérêts est de l’essence du mutuum du droit privé, dont la notion a sans doute pour origine le tributum de droit public.

[7] Le prêt volontaire fait à l’État, en 544, est appelé expressément pecunia mutua dans Tite-Live, 3, 1, 13, 2. Il est indifférent qu’au lieu d’être fait au questeur, le versement soit fait aux tres viri mensarii institués à titre extraordinaire (Tite-Live, 26, 36). Il faut envisager de la même manière l’opération rapportée dans Tite-Live, 24, 18, 43. Cf. Tite-Live, 2, 41, 8.

[8] Les tribuns consulaires sont chargés de l’achat d’or décrit par Tite-Live, 5, 25. Les achats de blé faits par les consuls dans Tite-Live, 2, 34, 3, appartiennent à l’époque où il n’y avait pas encore de censeurs.

[9] Cf. tome 17, la théorie de la Censure.

[10] La pollicitatio, dans la forme on nous la présentent les Pandectes, tire probablement son origine de l’ambitus municipal, spécialement de celui du temps de l’Empire. Les promesses qui n’étaient pas, faites ob honorem decretum vel decernendum vel ob aliam justam causam, ont toujours été regardées comme n’étant pas obligatoires (Digeste 50, 12, 1, 1).

[11] Cicéron, De re p. 2, 16, 26 : Numa primum agros, quos bello Romulus ceperat, divisit viritim divibus. Comp. les développements donnés C. I. L., I, p. 83 et Hermes, 5, 234 = Rœmisch. Forsch. 2, 162.

[12] Cf. tomes III et IV, les théories du Grand pontificat et des IIviri ædi dedicandæ.

[13] Lorsque les magistrats supérieurs procédaient, en cette qualité, à la dédication et peut-être même anciennement à l’assignation, c’était, semble-t-il, toujours dit expressément dans la loi spéciale. Comp. tome IV, les sections relatives à ces matières.

[14] Voir, tome IV, dans la théorie de la Censure, ce qui concerne les baux héréditaires conclus moyennant une redevance nominale et les remissiones.

[15] On comparera, à ce sujet, plus bas, la section des Esclaves publics.

[16] La loi agraire Servilia portait à ce sujet : Ex præda, ex manubiis, ex quro coronario, quod neque consumptum in monumento neque in ærarium relatum sit (Cicéron, De l. agr. 1, 4, 12. 2, 23, 59). Les applications de ce droit se trouvent partout. Sur la notion des manubiæ, cf. Hermes, 1, 116 = Rœmisch. Forsch. 2, 443.

[17] Ce point est étudié de plus près, tome IV, dans la section consacrée aux questeurs des généraux.

[18] Orose, 5, 18 : Cum de hac præda (celle faite à Asculum) opitulationem aliquam in usum stipendii publici senatus fore speraret, nihil omnino Pompeius ex ea egenti ærario cantulit. Cicéron versa l’argent de son butin à l’ærarium, mais volontairement et contre le vœu de sa suite qui en espérait la distribution (Ad fam. 2, 47, 4. Ad Att. 7, 1, 6). Une fois la remise à l’ærarium opérée, le droit de disposition du général victorieux prend naturellement fin. Cf. note 16.

[19] On peut ajouter les profits de procédure qui, dans l’organisation la plus ancienne de la procédure civile, revenaient à l’État sous la forme de sacramenta ; le sacramentum ne revient pas, il est vrai, à l’ærarium, mais à une caisse de sacrifices qui en est séparée, et ni, le préteur ni la partie qui, triomphe n’en ont la disposition.

[20] D’après Tacite, Ann. 13,28, c’est en l’an 56 de l’ère chrétienne, un principe établi que les questeurs de l’ærarium doivent porter sur leurs livres (in publicas fabulas referre) les multæ des tribuns, lorsqu’elles ont acquis force de chose jugée par l’expiration d’un délai de quatre mois. Il résulte de là que le recouvrement devait être fait par l’ærarium, et il n’y a absolument aucun motif de voir là une innovation faite à cette époque ou une particularité des multæ tribuniciennes. Le silence des textes sur la fin à laquelle étaient employées tant les amendes disciplinaires prétoriennes et édilitiennes de la procédure civile que les fortes amendes tribuniciennes, porte beaucoup à croire qu’elles profitaient à l’ærarium ; car, si le magistrat qui prononçait la multa avait pu en faire quelque construction, nous en serions informés. D’après la loi municipale de Malaca, c. 66, les multæ prononcées par les édiles sont déclarées au duumvir et recouvrées par lui : Multas in  eo municipio... dictas... ab ædilibus, quas ædiles dixisse se aput IIviros ambo alterve ex is professi erunt, IIvir qui j. d. p(rærit) in fabulas communes municipum eiius municipii referri jubeto, etc.

[21] Si l’accusation émane d’un seul édile, c’est aussi lui seul qui fait la construction (Tite-Live, 38, 35).

[22] Tite-Live, 10, 23. 31. 47. 24, 16. 27, 6. 30, 39, 8. 33, 25. 43. 34, 53. 35. 10. 41. 38, 35. Pline, H. n. 33, 1, 19. Varron, De l. L. 5 ; 158. Ovide, Fastes 5, 287. Festus, v. Publicius, p. 238. Tacite, Ann. 2, 49.

[23] Tite-Live, 20, 23. 27, 6, 29. 33, 43, 10. Ovide, Fastes 5, 202. Si ce n’est pas par un pur hasard que la même chose ne nous est pas dite des édiles curules, il faut en conclure que ces édiles d’un rang plus élevé n’ont pas voulu être dépouillés du soin d’organiser leurs jeux exclusivement à leurs frais.

[24] Statut municipal de Genetiva, c. 66. Cf. VI, 1, p. 274 et ss.

[25] Tite-Live, 27, 38, 3 : Colonos maritimos, qui sacrosanctam vacationem dicebantur habere, dare milites cogebant.

[26] Cf. tome III, la théorie du Tribunat du peuple.

[27] Cf. tome III, la théorie du Grand Pontificat.

[28] Tite-Live, 4, 20, 4. Dictator coronam auream libram pondo ex publica pecunia populi jussu in Capitolio Jovi donum posuit.

[29] Tite-Live, 8, 10, 11.

[30] Ainsi par le dictateur (Tite-Live, 5, 22, 7. 22, 10. 23, 30, 14. 27, 33. 30, 27, 11), par le consul (Tite-Live, 30, 2,8. 31, 9), par le préteur (Tite-Live, 21, 32, 10. 22, 9. c. 33, 7. 27, 11, 6. c. 23, 5). Parfois les livres sibyllins exigent expressément que le vœu soit fait par celui, cujus maximum imperium in civitate esset, et alors il est formé par un dictateur (Tite-Live, 22, 10, 10) ; mais en règle un magistrat supérieur quelconque suffit. Un vœu comme celui de l’an 580 : Q. Marcio Philippo (il était Xvir sacrorum : Tite-Live, 40, 42, 12) verba præeunte populus in foro votum concepit, si morbus pestilentiaque ex agro Romano emola essent, biduum ferias ac supplicationern se habiturum (Tite-Live, 41, 21, 11), oblige individuellement chaque citoyen et non pas le peuple comme tel.

[31] La question de savoir qui l’on devra considérer comme tel dans chaque cas particulier dépend de la théorie générale des magistratures. Dans l’hypothèse citée, note 30, où un dictateur parut nécessaire pour faire le vœu, il fat exécuté par le même personnage en qualité de IIvir æd. ded. (Tite-Live, 23, 9. 10). On rencontre aussi dans un vœu fait par un consul la clause : Quisquis magistratus eos ludos quando ubique faxit, hi ludi secte facti... sunto (Tite-Live, 36, 2, 5) ; ce qui parait signifier que le vœu pourra être exécuté même par un préteur ; il n’est pas vraisemblable qu’on ait voulu par cette clause écarter la condition générale relative à la possession de l’imperium.

[32] Les jeux publics qui sont ordinaires, au sens propre, et qui l’ont toujours été, c’est-à-dire ceux qui appartiennent à l’ancien rituel traditionnel, sont du ressort des collèges sacerdotaux. Ainsi par exemple les consualia sont de celui des pontifes, les jeux arvales de celai des Arvales. Les jeun ordinaires des magistrats sont tous des jeux extraordinaires devenus permanents.

[33] Tite-Live, 26, 23, 3. 27. 23. 7.

[34] Il n’est pas besoin de citer des preuves (cf. note 30) ; mais il est bon de rappeler que, dans les jeux romains, les magistrats qui ont proprement la présidence ne sont pas les édiles curules, mais les consuls, ou plutôt les magistrats supérieurs du rang le plus élevé qu’il y ait à Rome pour le moment. La nécessité d’un président cum imperio est établie par l’élection faite, en 432, d’un dictateur pour les présider, les consuls étant en campagne à l’extérieur et le préteur étant malade (Tite-Live, 8, 40, 2 ; cf. 27, 33, 6).

[35] La question de savoir s’il en a été ainsi dès le principe ou si ces jeux n’ont pas existé un certain temps comme ludi privati est une question distincte, qui, surtout en présence de l’incertitude existant sur l’origine des jeux plébéiens, ne peut être tranchée arec certitude.

[36] Cf. tome II, la théorie des Insignes des magistrats.

[37] Tite-Live, 24, 10 : (Ver sacrum) injussu populi voveri non posse. 33, 44, 2.

[38] L’attestation de tels vœux faits ex auctoritate senatus se trouve dans Tite-Live, 7, 11, 4, et dans beaucoup d’autres textes ; la nécessité de cette permission ne peut au reste être établie directement. Sulla a fait de ce droit un exercice très étendu, qui nous est notamment attesté par le décret d’Oropos de 681 (Hermes, 20, 268). Tous les dons faits par lui à des temples et toutes ses fondations proviennent sans doute de gains militaires. Dans la mesure on ils appartiennent à l’administration provinciale, ils ont été ratifiés par le sénat avec ses autres actes.

[39] Tel est, par exemple, le vœu, fréquemment fait avant la bataille, de brûler en l’honneur de Vulcain ou d’un autre Dieu les armes prises à l’ennemi (Tite-Live, 1, 37, 5. 8, 10, 13. 10, 29, 18. 23, 46, 5. 30, 6, 7. 45, 33, 1).

[40] Tite-Live, 39, 5, 8. 40, 44, 9. 10.

[41] On est obligé de l’admettre, d’une part, parce qu’on ne, s’expliquerait pas autrement la situation des consponsores qui interviennent à côté du général (note 48), et, d’autre part, parce que, dans les cas peu importants, les conventions devaient naturellement se conclure sans le concours du général, ainsi par exemple lorsque le questeur vendait ou remettait noxæ causa un esclave public à un État étranger, on bien lorsqu’un officier subalterne concluait avec l’ennemi une capitulation ou une autre convention militaire d’importance inférieure.

[42] Tite-Live, 5, 49, 2 : (Camillus)... negat eam pactionem ratam esse, quæ, postquam ipse dictator creatus esset, injussu sua ab inferioris juris magistratu (par un tribun militaire cos. pot. sur le mandat du sénat) jacta esset. Cela ne veut naturellement pas dire qu’une convention conclue, durant la dictature, par un magistrat consulaire ne soit pas valable, si le dictateur la ratifie.

[43] Parmi les nombreux exemples, je ne cite que la formule de deditio donnée dans Tite-Live, 1, 38, et Gaius, 3, 91 : Dicitur uno casso hoc verbo (spondendi) peregrinum quoque obligari posse, veluti si imperator poster principem alicujus peregrini populi de pace ita interrogat : Pacem futuram spondes ? — Au point de vue même de la forme, ce mode de contracter les traités publics est le seul naturel et doit être considéré comme le plus ancien. Les autorités romaines ne peuvent logiquement prendre des dispositions telles que celle-ci : Ætoli majestatem populi Romani comiter conservanto. Ces dispositions ne peuvent avoir un sens correct que comme une obligation indiquée seulement à l’autre partie et acceptée par elle. Si, dans la forme moderne des traités publics, leur côté synallagmatique, l’obligation contractée par l’autre partie s’efface entièrement, cela montre simplement la modification profonde survenue dans la conception de ces traités.

[44] Par exemple, la fin du traité conclu avec Antiochus dans Polybe, 21, 15, 27 (= Tite-Live, 38, 38, 18). Nous trouvons la même formule, d’abord dans la convention latine de Denys, 8, 95, et dans celle d’Astypalæa, C. I. Gr. 2185, puis, défigurée, dans Josèphe, 12, 10, 6. Elle apparaît de la même façon dans les traités grecs, par exemple chez Thucydide, 5, 23, Polybe, 7, 9, 17, C. I. Gr. 2554, ligne 84, etc.

[45] De même que le droit public ne connaît pas les actes faits per æs et libram, la sponsio de la note 43 n’est pas l’acte ainsi nomme du droit privé. Une raison suffit, c’est que, comme l’ajoutent les jurisconsultes eux-mêmes, cet acte ne peut être conclu avec un pérégrin : c’est au contraire dans un temps où l’obligation privée munie d’action ne pouvait encore naître que des formalités du nexum, que l’obligation publique s’est exprimée dans ces formes plus simples. L’emploi du verbe spondere, obligatoire en droit privé depuis la suppression du nexum, peut donc ne pas s’être étendu au droit public ; ce verbe a pu de tout temps y être remplacé par n’importe quelle expression équivalente. C’est pour cela et non parce que la violation de notre sponsion conduit à une guerre au lieu d’une action ex stipulatu que cette sponsion du droit des gens, était, comme dit Gaius, loc. cit., relevée nimium subtiliter par certains jurisconsultes comme une exception à la règle du droit civil selon laquelle la sponsio ne peut intervenir qu’entre citoyens.

[46] Le fœdus de Gadès (note 57) en fournit un exemple. Polybe, 21, 46 (= Tite-Live, 33, 39, 1).

[47] On se gardera de l’idée fausse qui consisterait à voir ici un cautionnement, dans lequel le général jouerait le rôle de débiteur principal et les personnes qui s’engagent par serment à côté de lui ceint de cautions. Cette idée doit être rejetée par la simple raison que l’ancien droit des obligations tonnait bien des plures rei debendi, mais ne connaît pas de cautionnement au sens moderne ; il ne distingue pas entre les personnes engagées dans leur propre intérêt ou dans l’intérêt d’autrui. On pourrait plutôt comparer les consponsores des conventions de ce genre aux cotuteurs qui pour le compte du pupille sont tenus en vertu d’un engagement verbal.

[48] C’est le nombre donné par Appien (Samn. 4 ; Iber. 83) comme celui des sponsores de la paix de Caudiun, et, comme il ajoute que tous les officiers de la double armée consulaire prêtèrent le serment, il suppose, pour concilier cette assertion avec le chiffre de vingt cojureurs, la mort d’un certain nombre de tribuns militaires ; il est donc sûr qu’il trouvait le chiffre dans ses sources. Tite-Live, 9, 5, 3. 4, a visiblement pour base la même relation, qui contenait même en outre une liste des divers noms, parmi lesquels il y en a deux qui nous sont indiqués, l’un par lui, 9, 4, 7, et l’autre par Denys, 16, 5 [9]. — Le nombre des sponsores de la paix de Numance était peut-être le même. Mais, s’il est là question tantôt de serment et tantôt de sponsio, il ne faut pas en déduire, avec Rubino, p. 277, à une forme inégale d’engagement où la consul aurait prêté serment et les autres fait seulement une sponsio ; cela doit être rattaché simplement à ce que la sponsio implique primitivement un serment, s’il n’y a pas là, comme il me semblerait plus vraisemblable, une simple inexactitude d’expression.

[49] Schéma du fœdus dans Tite-Live, 1, 24. Festus, Ep. p. 113. Le second traité avec Carthage (Polybe 3, 24, 6, rapproché de c. 25, 3) suppose une conclusion par écrit pour tous les traités d’amitié ; de même Tite-Live, 9, 5, 4, le caractère écrit de tout fœdus et de toute sponsio. Après la dédition de Falerii de 513, le scribe du contrat renvoie dans les comices au texte de l’instrument (Val. Max. 6, 5, 1). Le fœdus Gabinum est, selon Denys, 4, 53, inscrit sur la peau du taureau (substitué là au porc) qui est sacrifié.

[50] Montrent par exemple une rédaction impérative les restes de l’alliance latine (Festus, p. 166 : Habeto) et la formule du serment dans la convention avec Astypalæa (C. I. Gr. 2485), pour partie aussi les conventions avec Carthage. Si Cicéron, Pro Balbo 16, 36, déclare la rédaction impérative plus propre aux lois qu’au fœdus, il pense sans doute là au système moderne dans lequel le fœdus proprement dit est remplacé par les formes plus polies du sénatus-consulte.

[51] En droit privé aussi, la sponsio perd son caractère religieux et est une simple promesse verbale, depuis qu’elle est munie d’action et remplace le nexum.

[52] Cette idée ressort de la manière la plus énergique dans le témoignage le plus ancien que nous ayons de l’emploi de ce mot, dans les foiderates du sénatus-consulte des Bacchanales de 568, avec la défense additionnelle de conjourasse, comvovise, conspondise, conpromesise, fidem inter se dedise. Le serment unilatéral n’est jamais appelé de ce nom. Fœdus est ordinairement entendu dans le sens de liaison (Curtius Etym., p. 261 ; Corssen, Vocal. 1, 145. 379) ; peut-être est-il plus exact de le rapprocher de fundere en sa qualité de libation (Rœm. Forsch. 1, 336). En tout cas c’est une idée de droit religieux. Par suite, tout traité d’alliance conclu dans les formes légales les plus parfaites est bien un fœdus ; mais la même qualité appartient également a d’antres traités publics quelconques ; le fœdus sabin de Romulus et le fœdus albain de Tullus auxquels les anciens rattachent le développement de cette notion juridique, ne sont pas des traités d’alliance, mais des conventions de dédition conditionnelles ou pures et simples. La perpétuité elle-même n’est pas impliquée par l’idée de fœdus ; l’alliance étolienne de 540, qui fut probablement conclue dans cette forme (Tite-Live, 26, 24), est, au moins principalement, conclue exclusivement pour la guerre alors en cours. On ne peut étendre au fœdus lui-même ce qui est vrai des fœderati dans la langue assise du droit. Sans doute la notion formelle du serment s’effaça plus tard, pour les Romains eux-mêmes, devant la notion matérielle de l’alliance dans le fœdus ; en suite de quoi le mot est plus d’une fois employé dans un sens atténué, pour une alliance non jurée, mais c’est en discordance avec l’acception ancienne et technique.

[53] Cette équivalence apparaît de la manière la plus claire dans Denys, 4, 58, où il traduit ainsi le nom du fœdus Gabinum ; mais Polybe, 21, 24, 3 (= Tite-Live, 37, 55, 3). c. 32, 6. 9. 15. c. 46, 1, etc. écrit aussi τέμνειν τά όρκια pour fœdus ferire.

[54] Dans la formule donnée par Tite-Live, 1, 24, le fétial demande au roi : Jubesne me, rex, cum patre patrato populi Albani fœdus ferire ? et le roi répond affirmativement. Scipion en Afrique commande (imperat) aux fétiaux, envoyés de Rome d’y procéder (ut fœdus ferirent ? Tite-Live, 30, 43, 9). La présence du général n’était par conséquent pas requise au moment du serment. C’est pour cela que Tite-Live dit, 9, 5,4, que des titres de ce genre ne contenaient que les noms des deux fétiaux. Pourtant la serment ainsi prêté par le pater patratus, sur le commandement du général, est, d’après Tite-Live 1, 21, 9, regardé comme un serment prêté par le général. — Lorsqu’il est ailleurs question de confirmation de l’alliance par serment, même lorsque comme dans Denys, 6, 21, les fétiaux ne sont pas nommés expressément, c’est en général à cette forme de serment qu’il est fait allusion : ainsi indubitablement dans les récits pseudo-historiques de Denys, 2, 46. 4, 58. 6, 95, mais aussi probablement dans les textes de Polybe 21, 24, 3 ; 21, 32, 6 et 21, 46, 1, en outre dans Tite-Live, 38, 39, 1 ; chez Appien, Hisp. 43 et B. c. 4, 6, On peut se demander dans quelques cas s’il ne s’agit pas du fœdus du général ou si la sponsio du général n’a pas été prise par confusion pour un serment par les Grecs ; mais tout au moins d’ordinaire il est fait allusion au concours des fétiaux, quand il est question de traité public juré. Rubino, p. 173, comprend les choses de même.

[55] Handb. 6, 419 et ss. = tr. fr. 13, 154 et ss. Les fétiaux devaient être au moins deux, résulte-t-il de Tite-Live, 9, 5, 4.

[56] Il appartient au rituel, que l’herbe sainte nécessaire (verbena, dans le rituel sagmina) soit retirée du sol avec le pied, sur l’aræ de Rome par les fétiaux (Tite-Live, 1, 24. Pline, H. n. 22, 2, 5), et ce mandat exécutable seulement à Rome était d’ordinaire donné à Rome même (Tite-Live, 2, 33, 4). Il fut à la vérité dérogé à cette règle pour la conclusion de la paix avec Hannibal et il fut décidé pour elle que les fétiaux cueilleraient l’herbe sans mandat et recevraient ce mandat de Scipion seulement après leur arrivée ; mais c’était là précisément une exception, qui d’ailleurs se reproduisit depuis plus d’une fois. Les fétiaux remplaçaient au moins (Servius, Ad Æn. 12, 206) l’image de Jupiter, qui eût été requise au point de vue rigoureux, par un sceptre parce qu’elle eut été incommode præcipue cum fiebant fædera cum longe positis gentibus (Servius, Ad Æn. 12, 206). Au reste ces modifications n’empêchent pas l’acte de continuer à être fait par les autorités urbaines.

[57] C’est le point sur lequel roule en première ligne la discussion juridique agitée par Tite-Live, 9, 5, relativement é la forme du traité des fourches Caudines. Il y représente bien le fœdus qui doit être conclu par les fétiaux, dans lequel precatione res transigitur et où le porc est égorgé avec le silex, comme étant dans une opposition directe avec la spensio, qui n’est visiblement pour lui que celle du droit privé de son temps. Et il faudrait, en partant de là, refuser au général la capacité de conclure un fœdus sans le concours de fétiaux. Mais il indique lui-même que Claudius Quadrigarius et la plupart des annalistes regardaient l’acte accompli à Caudium comme un fœdus ; la monnaie, qui y est certainement relative (R. W. M. p. 535 = tr. fr. 2, 422) représente le sacrifice du porc, et Cicéron, De inv. 2, 30, 91, mentionne également que in eo fœdere, quod factum est quondam cum Samnitibus, quidam adulescens nobilis porcam sustinuit jussu imperatoris. Or rien n’indique que les annalistes qui racontaient les choses de cette manière aient supposé la présence de fétiaux ; tout s’y oppose au contraire, car les fétiaux. ne furent certainement pas envoyés à cette fin, puisque le sénat et le peuple ne connurent la convention qu’après sa conclusion, et ils ne peuvent pas non plus avoir été envoyés d’avance, puisque, selon toute apparence, la coutume n’était pas d’adjoindre à tout événement des fétiaux au général (comme le suppose Appien, Samn. 4, en faisant le général samnite demander s’il y a des fétiaux dans le camp), mais d’envoyer seulement les fétiaux après la conclusion des préliminaires de paix. La monnaie citée ne montra non plus que deux guerriers à côté de l’homme à genoux qui tient le porc. S’il était certain, au lieu d’être seulement vraisemblable, que, dans la source d’Appien, la convention eût été envisagée comme un fendus et non pas comme une sponsio, la question serait tranchée ; car il nie expressément (loc. cit.) que les fétiaux fussent présents. Probablement la doctrine romaine ne distinguait pas comme Tite-Live deux formes de traités, mais trois : le fœdus des fétiaux, le fendus du général, et la sponsio du général, et ceux qui racontaient les faits à la manière de Claudius ne voulaient aucunement attribuer au traité un élément qui, comme la présence des fétiaux, aurait donné à son annulation le caractère d’une infraction religieuse. — Il y a encore d’autres cas où l’on ne peut faire autrement que d’admettre un fendus du général. La convention conclue avec Gadès en 548, sur le mandat de Scipion par son légat L. Marcius et en vertu de laquelle les Gaditans exercèrent pendant plus d’un siècle sans trouble les droits résultant de la fédération était donc sans aucun doute un fœdus (Cicéron, Pro Balbo ; 15, 34. Cf. Tite-Live, 28, 37, 10) ; or, puisqu’elle fut conclue sans le concours du sénat, celui des fétiaux se trouve pareillement exclu. Il en est de même du traité de Numance.

[58] Tite-Live, 1, 24, donne la formule : Audi Juppiter ; audi, pater patrate populi Albani; audi tu populus Albanus. Ut illa palam prima postrema ex illis tabulis cerave recitata sunt sine dolo malo, utique ea hic hodie rectissime intellecta sunt, illis legibus populus Romanus prior non deficiet : si prior defexit publico consilio dolo malo, tum Diespiter (cf. Festus, Ep. p. 118, v. Lapidem), populum Romanum sic ferito ut ego hunc porcum hic hodie feriam; tantoque magis ferito quanto magis potes pollesque. Selon Polybe, 3, 25, on jure par les trois dieux des spolia opima Jupiter Feretrius, Mars et Quirinus.

[59] Tite-Live, 1, 24, 9. Polybe, 3, 25.

[60] Les mots qui nous ont été transmis, commençant par έπί τοΐσδε φιίαν εΐναι et continuant ensuite tantôt à l’infinitif tantôt a l’impératif, peuvent être intercalés après le populus de la formule paradigmatique (note 58), de façon à continuer ensuite par : Uti illa prima postrema recitata sunt.

[61] Dans la seule formule de serment qui nous ait été conservée par une inscription, dans le traité avec Astypalæa, les noms des féciaux font défaut, mais c’est sans doute seulement par une négligence de rédaction.

[62] Varron, De l. L. 8, 86 : Per hos (fetiates) etiam nunc fœdus fit.

[63] C’est ce que prouve argumente a contrario le récit de Suétone, c. 25, selon lequel l’empereur Claude dans son dilettantisme d’antiquaire cum reqibus fœdus in foro icit porca cæsa et vetere fetialium præfatione adhibita. Le collège des fétiaux lui-même existait toujours.

[64] La preuve la plus claire en résulte de la lettre de M. Antoine aux Aphrodisiens, C. I. Gr. 2737, avec laquelle sont envoyées des copies, et de son rapprochement avec la formule de serment déjà citée d’Astypalæa : le sénatus-consulte y est suivi par le serment rédigé à l’impératif, qui n’en fait évidemment point partie, mais qui n’a pas de titre distinct : Είρήνη έστω, etc. Nous rencontrons aussi la distinction de la lex et du fœdus dans la formule arrêtée : [Ex lege pleb]eive scitu exve fædere (loi agraire, ligne 29), legibus plebeive scitis exve fædere (loi Julia municipalis, lignes 93 et 103), lege fœdere plebeive scito senatusve consulto institutove (fragment d’Este de la loi Rubria, ligne 11) ; pareillement dans Cicéron, Pro Balbo, 16, 36.

[65] Polybe, 21, 21, 3 = Tite-Live, 37, 55, 3, sur l’an 565. De même 21, 32.

[66] Dans la convention avec les Ætoliens de 565, la restitution des prisonniers est stipulée έν ήμέραις έκατόν άρ' ής άν όρκια τελεσθή (Polybe 21, 32, 6, cf. 9, 15).

[67] Pour comprendre les choses plus clairement, on peut rapprocher la conception romaine des traités publics et l’engagement pris sur parole dont l’exécution ne peut être poursuivie légalement. Celui qui donne sa parole d’honneur par l’intermédiaire d’un tiers est bien lié ; mais certainement celui dont un tiers a donné la parole, sans son aveu, ne l’est pas.

[68] Une idée tout à fait semblable sert de base à la noxœ datio du droit privé, qui est dans une analogie parfaite avec la deditio du droit international (Tite-Live, 9, 10. 9). Le maître n’est pas responsable du délit de son esclave. Mais il est obligé de livrer l’auteur du délit à la victime, pour qu’elle le punisse à sa guise, si mieux il n’aime la désintéresser. Cette règle, du moins dans la forme où nous la connaissons, peut être rattachée beaucoup plus aisément à l’idée d’une obligation imposée par sa conscience à l’homme honorable qu’à des raisons d’ordre religieux.

[69] C’est ce qu’expriment, en termes déclamatoires, mais corrects, les paroles mises par Tite-Live dans la bouche du consul qu’il s’agit de livrer aux Samnites (9, 8, 6) : Exsol amus religione populum, si qua obligavimus, ne quid divini humanive obstet, quo minus justum piumque de integro ineatur bellum. On peut même se demander si l’on ne doit pas, outre la dédition, renoncer à tous les avantages résultant du traité (Tite-Live, 9, 8, 14).

[70] A ce point de vue, l’on peut, en quelque mesure, excuser le fait que, dans le cas de Numance, on se contenta de livrer un des sponsores. En la forme, tous les sponsores sont sur le même pied et, tant que l’on prit au sérieux les suites religieuses da serment, on dut sans doute tenir toute distinction de ce genre pour inadmissible. Mais lorsqu’on mesure la responsabilité morale, celle du général en chef est d’un tout autre poids que celle des officiers qui jurent à côté de lui.

[71] Rubino, Untersuch. p. 264 et ss. est d’avis que le droit de cassation ne s’est introduit que depuis l’établissement de la République. Une telle appréciation n’a naturellement qu’une valeur théorique ; cependant on ne voit pas en quoi les principes juridiques qui sont ici en jeu dépendent des principes de la constitution républicaine.

[72] Ainsi furent cassés, en 518, le traité conclu avec les Corses par M. Claudius Clineas (?) qui exerçait le commandement en chef par représentation (Val. Max. 6, 3, 3 ; Dion, fr. 45 ; Zonaras 8, 18 ; Ammien, 14, 11, 32) ; en 613, celui conclu par le consul Q. Pompeius et, en 617, celui conclu par le consul C. Mancinus avec les Numantins ; en 643 et 644, ceux conclus avec Jugurtha par les consuls L. Calpurnius et le légat A. Postumius, qui exerçait le commandement par représentation. — L’extradition eut lieu à la suite de la cassation des traités de 434, 518 et 617. En 613, elle n’eut pas lieu parce que le consul Q. Pompeius nia avoir conclu la paix (Appien, Hisp. 79 ; Cicéron, De fin. 2, 17, 54) et que le peuple repoussa par suite la résolution de æditio (Cicéron, De off. 3, 30, 109). En 643 et 644, elle n’eut pas lieu non plus, non pas qu’on regardât Jugurtha comme en dehors du droit des gens (Rubino, p. 237, note 2), mais parce qu’en droit la traité pouvait être cassé même sans deditio et que l’on ne s’embarrassait plus bien rigoureusement de la religio.

[73] Tel est le sénatus-consulte de 676 relatif à Asclépiade et à ses compagnons, qui s’appuie sans doute juridiquement sur ce qu’à cette époque la sénat prétendait au droit de concéder des privilegia. Un sénatus-consulte révocable, comme ceux qui constituent la régie en matière internationale, ne rentre pas parmi les titres d’un caractère durable.

[74] Cicéron, Phil. 3, 12, 30 ; 2, 36, 92. 1, 1, 3. 2, 37 ; 93. 5, 4, 1. 12. Ad fam. 12, 1, 1.

[75] Cicéron, Ad fam. 13, 36, 1 : Cum (Cæsar)... tabulam, in qua nomina civitate donatorum incisa essent, revelli jussisset. Tels sont les titres descendant jusqu’au temps de Dioclétien, sur la concession du droit de cité par l’empereur à des soldais sortant du service. On peut les englober, au sens large, sous le nom de lex ; mais il n’est pas exact de les désigner (comme j’ai eu moi-même le tort de faire) du nom de privilegia au sens ordinaire ; ce sont des décrets de magistrats, rendus dans les limites de la compétence du général et ayant la même force que lés lois, qui sont absolument de même nature que les decreta césariens ou pseudo-césariens des Philippiques. Je me suis laissé égarer par l’opinion traditionnelle selon laquelle les tables de cuivre seraient propres à la lex ; en réalité, elles sont employées pour toutes les publications officielles permanentes, et, cette publication étant requise pour les titres internationaux, elles le sont pour les concessions du droit de cité, non pas parce que ce sont des lois, mais parce que, dans leur portée primitive, ce sont des titres internationaux.

[76] Les plus anciens titres de cette espèce furent exposés ailleurs qu’au Capitole : la prétendue alliance de Servius avec le Latium au temple de Diane, sur l’Aventin ; le traité de Tarquin avec Gables au temple de Sancus, sur le Quirinal ; l’alliance de Cassius au Forum, au dessous des rostres.

[77] Suétone, Vespasien, 8 : Restitutionem Capitolii adgressus.... ærearumque.... tabulatum tria milia, quæ simul conflagraverant, restituenda suscepit undique investigatis exemplaribus: instrumentum imperii pulcherrimum ac vetustissimum, quo continebantur pæne ab exordio urbis senatus consulta, plebiscita de societate et foedere ac privilegio cuicumque concessis. Cette exposition s’applique donc en première ligne aux fædera, quoiqu’elle s’étendit en outre aux simples consentions d’hospitalité et de clientèle (Rœm. Forsch. 1, 339). Les senatus consulta de privilegio comprennent donc le πίναξ συμμαχίας entre les Romains et les Thyrréens à Acarnanie affiché en 660 au Capitole en vertu d’un sénatus-consulte (Bull. de corr. hellén. 1886, p. 163) et le sénatus-consulte de 678 en faveur d’Asclépiade et de ses compagnons, qui y sont autorisés à πίνακα χαλκοΰν έν Καπετωλίω άνθεΐναι. J’ai établi ailleurs qu’il n’y avait que les traités à être affichés de cette manière (Annali dell’ Inst. 1858, p. 181 et ss.). Quintilien indique en conséquence comme source pour les mots vieillis les vetustissima fœdera à côté des commentarii pontificum et des exoleti auctores.

[78] Les développements donnés par Jordan, Top. 1, 2, 63, sur les titres conservés au Capitole, sont défectueux en ce sens que les relations sur exposition de tables de bronze ne peuvent aucunement être rapportées aux titres des archives, qui n’étaient jamais écrits sur métal, mais sur bois ou sûr papyrus. L’allégation de Suétone ne peut donc se rapporter au dépôt des originaux des archives dans le temple de Jupiter, auquel ils n’appartenaient d’ailleurs en aucune façon ; il s’agit uniquement des tables de bronze qui demeuraient exposées sur les murs des édifices publics. Il est certain que ces tables se trouvaient non seulement au temple de la Fides, mais dans tout le Capitole, mais la relation de ce temple avec l’exposition des traités publics concentrée sur le Capitole n’est pas moins certaine, à mon sens.

[79] En dehors des traités cités note 77, cela comprend les traités avec Carthage, qui furent affichés au Capitole (cf. tome IV, la théorie de la Questure) et, s’il est authentique, le fœdus avec Ardée, Tite-Live, 4, 7.

[80] Tite-Live, 26, 21, 14 (cf. 38, 33, 9). Traité avec Astypalæa (C. I. Gr. 2555). [Cf. aussi sur le sénatus-consulte de Mytilène, Sitzungsberichte de Berlin, 1839, p. 963, note 1]. Josèphe, 12, 16, 6. C’est à cela que se rapportent principalement les undique conguisita exemplaria de Suétone (note 77).