I Le successeur de Louis XII, François Ier, n'avait guère plus de vingt ans lorsqu'il monta sur le trône. Il appartenait à la branche de Valois-Orléans, comme Louis XII, dont il avait, en 1514, épousé la fille aînée, Claude, héritière par sa mère du duché de Bretagne, et par son père du duché de Milan. Ce mariage laissait la Bretagne unie à la couronne et permettait à François Ier de revendiquer le Milanais, dont le recouvrement par une guerre heureuse devait être encore moins difficile que la conservation par une habileté soutenue. A la fleur de l'âge, d'une haute stature, d'une force de corps à laquelle s'ajoutait beaucoup d'adresse, d'une grande bravoure, d'un esprit enjoué et d'un caractère chevaleresque, François lez avait la plupart des qualités qui font briller un prince, et même quelques-unes de celles qui peuvent le rendre grand. Il avait le goût des lettres, le vif sentiment des arts, et il nourrissait des ambitions élevées. Aux dons naturels de l'intelligence il savait, au besoin, joindre les calculs réfléchis de la politique. Quoiqu'il aimât beaucoup ses plaisirs, il était capable de s'en détacher pour suivre un dessein important, ou de les oublier dans la recherche ardente de la gloire. Ce qu'il y avait en lui de bouillant ne l'empêchait pas d'être avisé, et, malgré sa fougue un peu légère, il ne manquait ni de prévoyance ni d'application. Il le montra surtout au début de son règne, en préparant et en exécutant l'entreprise qui devait le rendre maître de la haute Italie. Avant d'engager les négociations propres à lui en faciliter le succès, il pourvut aux plus hautes dignités et régla les affaires intérieures de son royaume, qui resta d'abord administré comme il l'avait été sous le bon roi Louis XII. Il donna l'épée de connétable au duc Charles de Bourbon, que son titre de second prince du sang et ses brillants services aux batailles d'Agnadel et de Ravenne appelaient à cette grande charge de la couronne[1]. Il ne restait qu'un seul maréchal de France, l'expérimenté Jean-Jacques Trivulzi, chef du parti français en Lombardie, et qui, vieilli sous les armes, avait conservé la réputation d'un infatigable et habile capitaine. François Ier nomma deux autres maréchaux : Odet de Foix, seigneur de Lautrec, cousin de l'héroïque vainqueur de Ravenne, bataille où Lautrec lui-même avait été grièvement blessé, et Jacques de Chabannes, seigneur de la Palice, qui s'était distingué dans de hauts commandements et par ses qualités guerrières pendant toutes les expéditions d'Italie. La Palice, en devenant maréchal, céda la charge de grand maître à Arthus de Boisy, que le nouveau roi avait eu pour gouverneur, et qui fut ainsi le plus près de sa personne, comme il était le premier dans sa confiance. Les sceaux furent remis à Antoine Du Prat, premier président du parlement de Paris, que François Ier nomma chancelier de France et qu'il garda comme son principal ministre pendant près de vingt ans. Un personnage fort important, le trésorier Florimond Robertet, qui avait sagement servi l'État sous les trois rois précédents Louis XI, Charles VIII, Louis XII, et qui, à la fin du règne de ce dernier prince, après la mort du cardinal Georges d'Amboise, avait eu beaucoup de part à la direction des affaires, conserva, avec le maniement financier, l'autorité due à son expérience et à sa modération. Après avoir mis ordre aux affaires intérieures de son royaume et s'être fait sacrer à Reims, François Ier tourna toutes ses pensées du côté de l'Italie,-soit dans les négociations qu'il poursuivit, soit dans les armements qu'il prépara. Il négocia d'abord une alliance étroite avec l'archiduc Charles, petit-fils du roi Ferdinand et de l'empereur Maximilien, héritier futur de leurs États d'Espagne, d'Italie et d'Allemagne, et déjà souverain des Pays-Bas. Né avec le siècle, l'archiduc Charles n'avait alors que quinze ans ; mais il venait de sortir de tutelle et il s'occupait activement de ses vastes intérêts, sous la direction vigilante de Guillaume de Croy, seigneur de Chièvres, devenu son grand chambellan et qui, après avoir été son gouverneur, restait son précepteur politique. Le modéré et habile Flamand voulait affermir le repos des Pays-Bas et rendre facile l'avènement prochain de l'archiduc Charles aux couronnes d'Espagne par une bonne paix avec le nouveau roi de France qui ne la désirait pas moins, pour n'être pas exposé à des attaques sur la frontière septentrionale de son royaume, lorsqu'il descendrait en Italie. D'ailleurs, les dispositions que le roi catholique montrait en faveur de son second petit-fils Ferdinand, élevé à ses côtés et pour lequel il avait une prédilection marquée, inquiétaient la cour prévoyante de l'archiduc Charles. Le jeune prince s'empressa donc d'envoyer à François Ier une ambassade solennelle dont faisaient partie le comte de Nassau, le seigneur de Sempy et le président de Bourgogne Mercurin de Gattinara, afin de conclure un double traité d'alliance et de mariage. Chargés de prêter hommage pour la Flandre et les autres fiefs relevant de la couronne de France, les ambassadeurs de l'archiduc demandaient pour lui la main de la princesse Renée, seconde fille de Louis XII, avec les duchés de Bourgogne et de Milan, et 200.000 écus d'or comme dot. François Ier les reçut courtoisement, mais non sans
montrer la supériorité un peu hautaine du suzerain à l'égard du vassal. Mon cousin le prince d'Espagne, leur dit-il, en me rendant
comme mon vassal les devoirs des fiefs qu'il tient, me trouvera de ce côté
tout raisonnable. Si, comme mon parent et voisin, et à cause des autres pays
qu'il a, il désire mon amitié et que nous ayons union et intelligence
ensemble, je le désire aussi et suis bien joyeux qu'il soit hors de tutelle
et que j'aie affaire à un homme seul[2]. Tout en
consentant au mariage de l'archiduc et de la princesse Renée, il en repoussa
les inadmissibles conditions, et il ajouta fièrement, au sujet de la
Bourgogne et du Milanais, que tous les princes,
grands et petits, ne l'amèneraient jamais à souffrir une diminution de sa
hauteur[3].
Il convint qu'une rupture entre eux ne s'arrangerait pas aisément, et que la
chrétienté entière s'en ressentirait, entrevoyant ainsi de loin les effets
redoutables de leur rivalité future. A la suite de longues négociations, le mariage fut convenu le 24 mars, moyennant une dot de 600.000 écus d'or au soleil, et le duché de Berry qui serait donné pour 400.000 écus et dont François Ier se réservait la pleine souveraineté[4]. La jeune princesse, qui n'avait que quatre ans, ne devait être remise à l'archiduc Charles que dans les deux mois qui suivraient sa douzième année, et elle renoncerait aux droits qu'elle pouvait prétendre sur les duchés de Bretagne et de Milan. Une étroite alliance fut en même temps conclue entre ces deux princes. François Ier y fit comprendre le duc de Gueldre, tandis que l'archiduc Charles dut inviter l'empereur et le roi catholique, ses grands-pères paternel et maternel, à y prendre une place qui leur était réservée et qu'ils refusèrent. Tels furent les premiers rapports établis entre les deux souverains qui devaient plus tard remplir le monde de leurs luttes et qui, dans ce traité, où ils prétendirent s'allier ensemble, eurent surtout en vue chacun un grand intérêt : Charles, la succession d'Espagne qu'il espérait ainsi recueillir sans trouble ; François Ier, la conquête du Milanais, à laquelle il désirait rencontrer moins d'obstacle. C'est dans cette intention qu'il renouvela avec le roi d'Angleterre le traité[5] signé par Louis XII. Il maintint également le traité que son prédécesseur avait naguère conclu avec les Vénitiens, dont la coopération armée lui était nécessaire. Les Vénitiens, qui avaient aussi besoin de l'assistance de François Ier pour reprendre celles de leurs possessions que l'empereur Maximilien détenait encore en Lombardie, s'étaient empressés de lui envoyer une ambassade extraordinaire afin de le complimenter sur son avènement à la couronne et de l'inviter à descendre en Italie. Les deux ambassadeurs, Pietro Pasqualigo et Sebastiano Giustiniano, arrivés à Paris peu de temps après que François Ier eût été sacré à Reims, furent reçus le 25 mars en audience solennelle. Les évêques d'Angoulême et de Coutances et le sénéchal de Toulouse, étant allés les prendre à leur hôtellerie, les conduisirent dans une grande salle du palais, où les attendait François Ier entouré de toute la pompe royale. Il était assis sous un dais, ayant à sa droite le duc d'Alençon, le connétable de Bourbon, tous les princes et seigneurs du sang ; à sa gauche le grand chancelier et beaucoup de prélats ; derrière son trône le bâtard de Savoie son oncle, le grand maitre de sa maison Arthus de Boisy, le maréchal de la Palice, le grand écuyer San Severino, le trésorier Florimond Robertet et plusieurs autres personnages de son conseil et de sa cour. A l'entrée des ambassadeurs, le roi se leva, tenant son béret à la main. Lorsque Pietro Pasqualigo et Sebastiano Giustiniano lui eurent fait la révérence, il ne voulut point, quelque instance qu'ils en fissent, qu'ils lui baisassent la main et il les embrassa[6]. Les ambassadeurs présentèrent alors leur lettre de créance, et s'étant assis, selon la volonté du roi, toute l'assistance s'assit également. Giustiniano, prenant ensuite la parole, adressa, dans un discours latin très-orné, les condoléances de la république sur la mort de Louis XII et aussi ses félicitations sur l'avènement de François e, auquel elle se déclarait très-affectionnée, comme elle l'avait toujours été à la royale maison de France. Après cette harangue et la réponse du grand chancelier, faite aussi en latin au nom du roi, François Ier se leva, et appelant près de lui les ambassadeurs qu'il conduisit dans l'embrasure d'une fenêtre, il leur demanda s'ils n'avaient rien de secret à lui communiquer. A cela Pasqualigo répondit que la ferme intention de la Seigneurie était de persévérer dans l'alliance avec Sa Majesté très-chrétienne, et il pressa le roi d'envoyer au plus tôt des forces nouvelles en Italie. François Ier dit aux ambassadeurs qu'avant d'être roi, il avait eu pour leur république une affection qui devenait plus grande aujourd'hui qu'il avait plu à Dieu de l'élever à ce haut rang. Vous en donnerez de ma part, ajouta-t-il[7], l'assurance à l'illustrissime Seigneurie. Je partirai bientôt pour l'Italie avec mon armée, qu'il siérait mal à un roi jeune, comme je le suis, d'y laisser conduire par d'autres. J'ai et toute la France a de grandes obligations à la république de Venise, laquelle, pendant que les autres, après s'être servis de la France pour leur profit, l'ont ensuite abandonnée, lui est restée fidèle malgré beaucoup de périls et de pertes. C'est ce que je dois reconnaître, et je lui serai meilleur ami que jamais roi de France l'ait été. J'ai résolu de l'aider, de la faire plus grande qu'elle n'a été par le passé, et je maintiendrai inviolablement avec elle une bonne alliance. Assuré par cette alliance de l'appui militaire de Venise, François Ier gagna secrètement le doge de Gènes. La république de Gênes, aussi turbulente que divisée, ne savait ni se gouverner elle-même, ni rester soumise à autrui. Depuis quelque temps, elle était devenue comme une dépendance seigneuriale du duché de Milan. Louis XII, en s'emparant du duché sur Ludovic Sforza, avait pris facilement possession de la seigneurie de Gènes, qui, révoltée un moment contre lui en 4507, avait été ramenée assez vite sous son obéissance. Mais, après la défaite de Novare, elle avait été soustraite à la domination française par les confédérés victorieux, qui lui avaient donné pour chef Octavien Frégose, créé doge de la république affranchie. L'autorité du nouveau doge n'avait pas été longtemps respectée. Menacé par Maximilien Sforza qui voulait, à l'aide des Suisses, reprendre la seigneurie de Gênes, qu'avait eue son père Ludovic Sforza ; assailli dans Gênes même par le parti des Fieschi et des Adorni, dont il avait repoussé avec peine les attaques, il était exposé au péril continuel des conspirations et de la dépossession. C'est afin d'y échapper qu'il traita de la reddition de Gènes à François Ier, qui en acquerrait la seigneurie et l'en ferait gouverneur perpétuel. Frégose prit toutes ses mesures pour se déclarer avec succès, et il fut prêt à recevoir les troupes françaises que le roi lui enverrait sur une flottille. II En même temps qu'il avait mis son royaume à l'abri des agressions et qu'il s'était assuré des appuis en Italie, François Ier réunissait entre la Saône, le Rhône et les Alpes une armée très-considérable. Elle devait comprendre 3.000 hommes d'armes[8], plus de 30.000 hommes de pied et avoir 72 pièces de grosse artillerie. Le duc de Lorraine, le duc de Gueldre et Robert de la Marck, seigneur de Sedan et de Bouillon, amenaient à François Ier 20.000 lansquenets des plus aguerris, armés et combattant comme les Suisses. Le comte Pedro Navarre, fait prisonnier à la bataille de Ravenne où il commandait l'infanterie espagnole et généreusement délivré par François Ier, avait quitté le service du roi catholique qui avait refusé de payer sa rançon, et il apportait au service de la France, outre sa rare habileté, une troupe de quatre à six mille Gascons, levés vers la frontière d'Espagne et la plupart très-bons arbalétriers. Le reste de l'infanterie se composait d'aventuriers français armés diversement et plus hardis que disciplinés. Cette armée, où étaient appelés tous les princes du sang et tous les capitaines qui s'étaient distingués dans les guerres précédentes, devait trouver de grandes difficultés pour franchir les Alpes. Les passages ordinaires du mont Cenis et du mont Genèvre, aboutissant à Suze et à Pignerol, étaient gardés par les troupes suisses qui s'y étaient postées en force pour empêcher les Français de déboucher en Italie. Sentant de quelle importance il était, pour le succès de son dessein, de se réconcilier avec les Suisses, François Ier avait tenté à plusieurs reprises de renouer les relations amicales qui avaient si utilement existé entre les rois de France et les cantons helvétiques. Le 2 janvier 1515, le lendemain même de son avènement au trône, il avait écrit aux cantons que, le roi son seigneur et beau-père étant mort, le Dieu tout-puissant l'avait élevé à la couronne de France ; qu'en l'annonçant à ses chers et grands amis les confédérés, il leur déclarait qu'il avait extrêmement regretté la mésintelligence survenue entre eux et son prédécesseur, à qui la mort n'avait pas permis de conclure avec les cantons un traité conforme à l'honneur et à l'intérêt des deux parties ; qu'il désirait ardemment reprendre ce traité et demandait un sauf-conduit pour les ambassadeurs qu'il chargerait de présenter ses propositions à la diète helvétique[9]. Le messager qui était allé faire de sa part ces pacifiques ouvertures avait été fort mal reçu, et la diète de Zurich avait répondu que le traité entre la couronne de France et les confédérés avait été conclu à Dijon ; que, si le roi voulait l'observer, c'était bien : sinon, que toute négociation était superflue[10]. On lui signifia en même temps que ses envoyés ne seraient pas en sûreté s'ils mettaient le pied sur le territoire helvétique. Ce refus de s'entendre avec lui, à moins qu'il n'accomplit le traité de Dijon par la renonciation absolue au duché de Milan et par le payement intégral des sommes alors stipulées, avait déterminé François Ier à hâter et à multiplier ses préparatifs de guerre. Tout en se disposant à lutter contre cette nation belliqueuse et violente, que ses victoires rendaient opiniâtre dans ses animosités et arrogante dans ses exigences, François Ier n'avait pas désespéré de la ramener avec des offres de paix et d'argent. Quatre mois après, et par l'entremise de son oncle le duc de Savoie, il avait adressé de nouvelles propositions à la diète, assemblée cette fois à Berne, dont le canton était moins contraire à la France que ne l'était le canton de Zurich. La diète allait délibérer sur ces propositions lorsqu'elle apprit le changement inopiné qui venait de s'opérer dans Gênes, où Octavien Frégose s'était déclaré pour le roi de France et lui en avait rendu la seigneurie. A cette nouvelle, l'irritation 'et l'alarme avaient été extrêmes, et la diète avait ordonné la levée soudaine de quatorze mille hommes pour renforcer les Suisses qui, à la solde de Maximilien Sforza, étaient déjà chargés de la défense du Milanais. Ces quatorze mille hommes, promptement levés, étaient partis vers le milieu du mois de juin[11], avec l'ordre d'occuper fortement les passages des Alpes et de rendre l'entrée de l'Italie inaccessible aux Français. Tous les cantons, malgré les divisions qui commençaient parmi eux et les désaccords qui s'étaient déjà manifestés au sujet de l'alliance avec François Ier, s'entendirent encore pour s'opposer à l'invasion du duché de Milan. C'est dans les mêmes vues que fut conclu, le 17 juillet, un traité de confédération armée entre le pape Léon X, l'empereur Maximilien, le roi Ferdinand et le duc Maximilien Sforza. Par ce traité, les confédérés s'unissaient pour la défense et la liberté de l'Italie. Les villes de Parme et de Plaisance étaient définitivement cédées au Saint-Siège par le duc de Milan, qui, en compensation, recevrait le comté d'Asti appartenant au roi de France, les villes de Crème et de Bergame appartenant aux Vénitiens[12]. Léon X et Maximilien Sforza devaient surtout pourvoir à la solde des Suisses et leur procurer l'utile renfort d'une bonne troupe de cavalerie, à la tête de laquelle s'avança bientôt Prospero Colonna, l'un des meilleurs capitaines de l'Italie. L'empereur Maximilien, qui possédait encore Brescia, Vérone et leurs dépendances, s'engagea à envoyer de l'argent et des lansquenets dans la Lombardie vénitienne, où le vice-roi de Naples, don Ramon de Cardona, qui avait commandé l'armée espagnole à la bataille de Ravenne, se trouvait avec huit ou dix mille bons soldats de Ferdinand le Catholique. Léon X, que la conservation de Parme et de Plaisance intéressait aux succès militaires de la ligue, fit partir pour les bords du Pô son neveu Laurent de Médicis, qui, commandant à la fois les troupes pontificales et les troupes de la république de Florence, eut sous ses ordres une armée un peu plus forte que celle de Ramon de Cardona. Le pape avait nommé comme son légat auprès de la confédération, dont les forces se réunissaient dans la haute Italie, le fameux cardinal Schinner, évêque de Sion en Valais, qui, par son éloquence passionnée et ses perpétuelles intrigues, avait entretenu dans les cantons une haine opiniâtre contre la France. Telles étaient les dispositions prises par les nouveaux
confédérés. Les obstacles qu'avait à surmonter François Ier pour se rendre
maître du Milanais s'accumulaient devant lui. Il fallait d'abord franchir les
Alpes avec l'armée la plus considérable qu'on eût encore vue, et que
suivaient de lourds équipages d'artillerie et un immense attirail de
munitions. Vers la mi-juillet François Ier arriva à Lyon au milieu de ses
troupes. Quelques jours auparavant, la reine Claude lui avait fait une
donation régulière[13] du duché de
Milan, qu'elle tenait de son père Louis XII, à qui l'empereur Maximilien
lui-même en avait donné l'investiture en 1504 et en 1509, qu'il avait étendue
à ses descendants[14]. Aussi, dans les
lettres patentes qu'il publia à Lyon, le 15 juillet, pour conférer pendant
son absence la régence du royaume à sa mère Louise de Savoie, François Ier
disait-il avec confiance : Comme nous avons juste
droit et titre au duché de Milan notre héritage, lequel duché à présent est
détenu et usurpé par Maximilien Sforza, notre ennemi et adversaire, avons par
mûre et grande délibération fait dresser et mettre sus une grosse et
puissante armée, afin de le réduire en notre obéissance, moyennant l'aide de
Dieu notre créateur et de nos bons et loyaux serviteurs, amis et confédérés.
Tous les princes et seigneurs de notre sang nous suivent et accompagnent en
notre entreprise. A cette considération avons avisé de bailler la charge et
pouvoir de gouverner le royaume à notre très-chère et très-amée dame et mère,
la duchesse d'Angoulême et d'Anjou, comme à celle en qui avons entière et
parfaite confidence et qui, par sa prudence, saura sagement et vertueusement
s'en acquitter[15]. III Il partit ensuite de Lyon pour se frayer une route à travers les Alpes. Mais par où franchir ces montagnes ; dont les ouvertures principales sur l'Italie étaient occupées par un ennemi nombreux et vigilant ? Le maréchal J.-J. Trivulzi avait été envoyé dans les Alpes pour y chercher un autre passage que les chemins interceptés du mont Genèvre et du mont Cenis[16]. Il en avait découvert un, âpre, difficile, périlleux, placé plus au sud que les autres et qui, par le col étroit et abrupt de l'Argentière, pouvait conduire des Alpes du Dauphiné dans la plaine du Piémont, des bords de la Durance aux sources de la Stura. Ce chemin, que suivaient les pâtres et que n'avait jamais pris un homme à cheval, était presque entièrement barré sur deux points, du côté de la France par le rocher de Saint-Paul entre Embrun et Barcelonette, et du côté de l'Italie par le rocher de Pié di Porco, entre Sambuco et Rocca Esparvero. C'est néanmoins ce chemin que J.-J. Trivulzi proposa de suivre afin de tourner l'ennemi, et dans lequel on s'engagea avec un grand entrain et le plus industrieux courage. Dès le commencement d'août, une troupe de plus de douze cents pionniers avait travaillé à le rendre moins impraticable. Le 7 août l'armée, après avoir pris plusieurs jours de vivres, partit d'Embrun et s'avança résolûment à travers ce long et rude défilé qu'elle devait franchir en plusieurs étapes. Il fallut en bien des endroits élargir la route ou l'aplanir, élever des galeries sur les flancs de la montagne, faire même sauter les rocs qui interceptaient- ou gênaient le passage. Les chevaux ne pouvaient descendre qu'un à un, tenus par la bride, et le moindre faux pas les exposait à tomber dans des ravins où roulaient des torrents d'eau neigeuse. Il semblait surtout impossible de traîner la grosse artillerie jusqu'au haut de ces rudes montées, le long de ces rampes étroites, dans ces descentes escarpées[17]. Aussi proposait-on de la laisser de ce côté-ci des Alpes. Mais François Ier, qui était au milieu des troupes dont il partageait les fatigues, insista avec une volonté prévoyante pour qu'elle fût transportée au-delà des Alpes. Les soixante et douze gros canons, tantôt traînés à bras, tantôt descendus avec des cordes, suivirent l'armée qu'ils devaient contribuer à rendre victorieuse à Marignan. François Ier alors non moins avisé qu'entreprenant, l'annonçait lui-même à la régente sa mère, presque au moment où il pénétrait en Italie. Madame, lui écrivit-il, nous sommes dans le plus étrange pays où jamais fût homme de cette compagnie. Mais demain j'espère estre en la plaine du Piémont avec la bande que je mène, ce qui nous sera, grand plaisir, car il nous fâche fort de porter le harnois parmi ces montagnes, parce que la plupart du temps nous faut estre à pied et mener nos chevaux par la bride. A qui n'auroit vu ce que nous voyons, seroit impossible de croire qu'on pût mener gens de cheval et grosse artillerie, comme faisons. Croyez, Madame, que ce n'est pas sans peine, car si je ne fusse arrivé, notre artillerie grosse fût demeurée. Mais, Dieu merci, je la mène avec moi ; vous avisant que nous faisons bon guet, car nous ne sommes qu'à cinq ou six lieues des Suisses. Et sur ce point va vous dire bonsoir votre très-humble et très-obéissant fils, François[18]. Le lendemain en effet, l'armée déboucha en Piémont, dans la partie la plus méridionale du marquisat de Saluces. Elle se porta tout entière sur les derrières des Suisses, qui venaient de perdre la cavalerie que leur avaient envoyée le pape et le duc de Milan, sous le commandement de Prospero Colonna. Le maréchal de la Palice, qu'accompagnaient le chevalier Bayard, les seigneurs d'Imbercourt et d'Aubigny, était descendu des premiers et en force dans le marquisat de Saluces. Il avait diligemment et secrètement marché contre Prospero Colonna, qui allait joindre les Suisses, du côté de Pignerol et de Suze, l'avait atteint dans Villafranca pendant qu'il faisait reposer et manger sa troupe, et l'avait pris avec les sept à huit cents chevaux qu'il conduisait aux confédérés, sans qu'il pût se défendre ou fuir[19]. La défaite et la capture du célèbre capitaine italien, le passage inattendu des Alpes exécuté avec tant de hardiesse et de succès, la présence au-delà des monts d'une armée puissante que conduisait un roi jeune et hardi, troublèrent les Suisses et changèrent leurs desseins. La division qui existait déjà parmi eux s'y mit de plus en plus. Le parti des Bernois, à la tête duquel étaient Albert de Stein, J. de Diesbach et Supersax, inclinait à la paix, tandis que le parti des Zurichois, qu'appuyaient de leurs animosités toujours ardentes les cantons forestiers d'Uri, de Schwitz et d'Unterwalden, voulait la continuation de la guerre. Compromis dans leur position et par leur désaccord, ils abandonnèrent les lieux qu'ils occupaient au pied des Alpes et rétrogradèrent en se dirigeant vers le haut Milanais. Ils passèrent par Rivoli près de Turin, pillèrent Septima, saccagèrent Chivasso qui leur avait fermé ses portes, traversèrent Verceil, laissèrent à Novare leurs gros canons comme trop lourds à traîner, et, après s'être formés en deux grandes colonnes, ils marchèrent, ceux de Berne, de Fribourg et de Soleure sur Arona à la pointe du lac Majeur, ceux de Zurich, d'Uri, de Schwitz et des autres cantons à Varese, 'non loin de Come, et à Monza, un peu au-dessus de Milan. François Ier avait suivi à peu près la même marche avec son armée. De Coni sur la Stura, il s'était porté à Carmagnola, de Carmagnola à Moncalieri, où il avait passé le Pô et d'où le duc de Savoie son oncle, qui était venu à sa rencontre, l'avait conduit et reçu avec magnificence à Turin. Traversant ensuite Chivasso, Verceil, Novare, il avait franchi le Tessin à Turbigo, s'était avancé par Magenta et Binasco vers le cœur du Milanais et avait pris position à Marignan. Situé au-dessus de Pavie, qu'occupait Louis d'Ars avec une troupe suffisante, Marignan était à une petite distance de Milan, dont François Ier espérait se rendre bien vite maître, et de Lodi, où avait pénétré sur sa droite l'armée vénitienne, que commandait Barthélemy d'Alviano, et par laquelle il pouvait être secouru au besoin. Ainsi placé entre les Suisses échelonnés au-dessus de Milan, les Espagnols de Ramon de Cardona et les Italiens de Laurent de Médicis établis sur le P6 assez près les uns des autres, il rendait la jonction des confédérés aussi périlleuse à tenter que difficile à exécuter. C'est dans cette position si bien prise que vint le rejoindre Aymar de Prie, qu'il avait envoyé naguère dans Gênes[20] recouvrée et qui, sorti de cette ville à la tête de trois cents hommes d'armes et de cinq mille hommes de pied, s'était emparé, sur la route, de Tortone et d'Alexandrie. IV Pendant que François Ier s'était avancé vers Marignan, de nouvelles négociations avaient été engagées, par l'entremise du duc de Savoie, avec les Suisses, qui, sous l'influence des derniers événements, avaient consenti cette fois à écouter des propositions de paix. C'est à Gallerate, dans le voisinage de leurs cantonnements, que se réunirent leurs députés, et que François Ier envoya le bâtard de Savoie son oncle, chargé d'offres tellement avantageuses que le traité fut bientôt conclu. Il y fut stipulé que les Suisses retourneraient au service de la France moyennant les anciennes pensions accordées aux cantons ; qu'ils recevraient 300.000 écus pour les dépenses qu'ils avaient faites ; 300.000 autres pour la restitution des vallées du duché de Milan qu'ils s'étaient appropriées et dont ils avaient formé les six bailliages de Mendrisio, de Balemo, de Lugano, de Locarno, de la Maggia et de Domodossola, en leur laissant le comté de Bellinzone ; qu'il leur serait compté en outre les 400.000 écus réglés à Dijon[21] ; enfin que le roi donnerait à Maximilien Sforza un établissement en France, avec une pension considérable et le commandement d'une compagnie de cinquante lances[22]. Par ce traité, convenu le 8 septembre, que le roi ratifia et qui fut soumis à l'acceptation des troupes suisses, un premier payement de 150.000 écus devait être fait sur-le-champ. En moins de dix heures, François Ier trouva ces 150.000 écus, que prêtèrent en partie les princes et les seigneurs de son camp et qu'il fit transporter à Gallerate par Lautrec et par son frère Lescun, sous l'escorte de 400 hommes d'armes[23]. Tout semblait terminé, et François Ier croyait avoir obtenu, avec l'alliance des Suisses, la possession incontestée du duché de Milan, qu'il aimait mieux acquérir par des concessions d'argent qu'au prix plus coûteux d'une -bataille sanglante. Néanmoins la paix avec tous les Suisses n'était pas définitivement faite. Ceux de Berne, de Fribourg et de Soleure avait bien souscrit au traité de Gallerate, et la plupart d'entre eux, sous Albert de Stein. Diesbach et Supersax, allaient reprendre le chemin de leurs montagnes. Mais ceux de Zurich, d'Uri, de Schwitz, d'Unterwalden, de Zug, de Lucerne, restaient encore incertains sur l'acceptation d'un traité dont leur cupidité appréciait les avantages et dont leur orgueil sentait la faiblesse. Ils venaient d'être rejoints par une nouvelle armée levée dans les cantons, au moment même où l'on y avait su que Prospero Colonna avait été pris, que les Suisses qui gardaient les passages des Alpes étaient en pleine retraite et que le roi s'avançait en maître dans la haute Italie[24]. La diète avait décidé que chaque canton mettrait des troupes sur pied selon son pouvoir et son honneur[25]. Ces troupes, composées d'hommes valeureux parmi lesquels se trouvaient encore quelques-uns des anciens vainqueurs de Charles le Téméraire à Morat et à Nancy, avaient été promptement levées et avaient accouru par le Simplon et le Saint-Gothard au secours de leurs compatriotes affaiblis. Elles étaient arrivées non loin de Milan, après que s'était négocié le traité de Gallerate. S'accorderaient-elles avec les bataillons restant des Zurichois et des Waldstetten pour adhérer au traité, ou bien rejetteraient-elles ce traité pour tenter fièrement le sort des armes ? C'est à ce dernier parti que, par des discours passionnés et des manœuvres adroites, sut les entraîner le cardinal de Sion. Cet opiniâtre ennemi de la France avait sur les confédérés suisses le crédit d'un compatriote, l'ascendant d'un évêque, l'autorité d'un légat. Il avait cherché d'abord à les détourner d'entrer en négociation. N'y étant point parvenu, il s'était transporté auprès de Ramon de Cardona et de Laurent de Médicis, afin qu'ils vinssent dans le haut Milanais opérer la jonction des troupes espagnoles et pontificales avec les Suisses, qu'un aussi puissant renfort aurait décidés à continuer la guerre. Mais là encore les efforts de sa haine avaient échoué. Ni le vice-roi de Naples, qui attendait les lansquenets et l'argent que l'empereur Maximilien avait promis et qu'il était hors d'état d'envoyer, ni Laurent de Médicis, à qui le pape, son oncle, avait défendu de rien hasarder, ne voulurent se mettre en mouvement. D'ailleurs ils se défiaient l'un de l'autre. Laurent de Médicis suspectait l'inaction des Espagnols et n'était pas loin de penser qu'elle tenait à un arrangement secret conclu entre Ferdinand le Catholique et François Ier ; à son tour don Ramon de Cardona suspectait avec plus de raison les projets de ses alliés italiens, qu'il savait en pourparlers avec le roi de France. Il avait appris en effet que Léon X, qui négociait avec tout le monde, voyant que François Ier l'emportait en Italie, lui avait dépêché son secrétaire Cinthio[26], afin de se ménager auprès de lui s'il était victorieux. Dans cet état de timide hésitation et de commune méfiance, les deux chefs des deux armées étaient demeurés immobiles sur la ligne du Pô, et le cardinal de Sion était revenu en toute hâte vers les confédérés suisses, avec le désir ardent de faire rejeter le traité qu'il n'avait pas pu empêcher de négocier et qu'on venait de conclure. De Varese et de Monza il fit descendre tous les confédérés à Milan. Il assembla dans le château, et en présence de Maximilien Sforza, leurs chefs, dont la plupart étaient plus enclins à admettre la paix qu'à continuer la guerre. Il les exhorta à ne pas se laisser tromper par les promesses de François Ier qui ne seraient pas mieux tenues que n'avaient été exécutés les engagements pris à Dijon' au nom de Louis XII. Il ajouta qu'il serait honteux pour les Suisses de ne pas défendre Maximilien Sforza et d'abandonner le fils après avoir livré le père ; qu'ils auraient à céder de plus les six bailliages détachés du duché de Milan, au grand profit des confédérés qui les gouvernaient en commun et auxquels la possession de ces vallées ouvrait un accès commode dans la haute Italie. Ranimant leur haine en même temps que leur confiance, il leur rappela les offenses qu'ils avaient naguère reçues, les victoires qu'ils avaient récemment remportées et leur annonça, s'ils voulaient combattre, des succès aussi glorieux sous Milan que devant Novare. Ainsi l'astucieux et bouillant cardinal parvint à rendre incertaine de leur part la ratification du traité de Gallerate[27]. Après avoir cherché à détourner les chefs de souscrire à la paix, il fallait pousser la masse des confédérés à poursuivre la guerre par une attaque précipitée contre le camp des Français, placé à peu de distance et où une fausse sécurité s'était déjà introduite. C'est ce qu'il fit habilement. Le vendredi 13 septembre, quelques compagnies d'hommes d'armes s'étant avancées jusqu'aux portes de Milan, il s'engagea avec elles une escarmouche dont Matthieu Schimier profita pour entraîner toute l'armée suisse à la bataille. Le tocsin fut sonné ; les tambours battirent ; tous les Suisses se rangèrent rapidement sous leurs enseignes et sous leurs chefs ; le cardinal de Sion les harangua, exaltant au dernier point leur courage et les invitant à aller sur l'heure assaillir le camp des Français avec l'impétuosité qui leur avait jusque-là si bien réussi. Quoique la journée fût déjà avancée, ils sortirent aussitôt de Milan, se formèrent eu trois corps de huit à dix mille hommes chacun, traînant avec eux cinq ou six petites pièces d'artillerie et suivis de quatre à cinq cents cavaliers milanais du parti de Sforza. Le cardinal de Sion, monté sur un genet d'Espagne et précédé de la croix, était à leur tête. Ils marchèrent ainsi aux sons des cornets d'Uri et d'Unterwalden, vers le camp français, avec la plus confiante ardeur. V Dès que François Ier apprit que les Suisses s'avançaient contre lui, il s'apprêta à les recevoir vigoureusement. Le duché de Milan, qu'il avait espéré obtenir par une prudente négociation, ne pouvait plus être gagné que par une complète victoire. Son armée était échelonnée en trois lignes sur la route de Marignan à Milan. L'avant-garde, que commandait le connétable de Bourbon, campait au village de San-Giuliano, un peu au-dessous de San-Donato. Le corps de bataille, dont le roi s'était réservé la conduite, se trouvait à Sainte-Brigide, à un grand jet d'arc du connétable. L'arrière-garde, placée sous les ordres du duc d'Alençon, était à peu près à la même distance du corps de bataille du roi. L'armée ainsi disposée en échelons, tenant la chaussée de Milan sur sa gauche et appuyant sa droite à la rivière du Lambro, occupait un terrain couvert par des fossés, entrecoupé de petits canaux d'irrigation, où elle pouvait être protégée contre des attaques trop impétueuses de l'infanterie suisse et aussi être quelquefois gênée pour le déploiement et les charges de sa propre cavalerie, dans laquelle résidait une partie principale de sa force. François Ier prit à la hâte ses dispositions pour faire face au danger et résister au choc des masses suisses. Comme il le dit lui-même dans le récit animé qu'il fit de la bataille à la régente sa mère, il mit ses lansquenets en ordre[28]. Il en avait formé deux corps de neuf mille hommes chacun, placés sur les côtés des avenues par lesquelles s'avançaient les Suisses, outre le corps d'élite des six mille lansquenets des bandes noires. Les arbalétriers gascons et les aventuriers français occupèrent non loin de là, BOUS Pierre de Navarre, une position très-forte près de la grosse artillerie, que dirigeait habilement le sénéchal d'Armagnac[29]. Les Suisses arrivèrent alors. Ils avaient fait, sans s'arrêter, le chemin qui séparait Milan du camp français. Il n'est pas possible, dit le roi, de venir en plus grande fureur, ni plus hardiment[30]. L'artillerie, qui tira sur eux, les força un moment à se mettre à couvert sous un pli de terrain. Ils fondirent ensuite sur l'armée française, les piques baissées. La connétable de Bourbon et le maréchal de la Palice, à la tête des gens d'armes de l'avant-garde, les chargèrent sans pouvoir les entamer. Repoussés eux-mêmes sur leurs gens de pied, ils furent suivis par les Suisses, qui attaquèrent les lansquenets avec acharnement et les mirent en désordre[31]. On était presque au déclin du jour, et la bataille, qui avait commencé tard — entre quatre et cinq heures —, prenait la même tournure qu'à Novare. La plus grosse bande des Suisses, après avoir refoulé les hommes d'armes et culbuté les lansquenets, marchait sur l'artillerie pour s'en emparer, la tourner ensuite contre l'armée française et achever ainsi sa défaite. Mais elle rencontra dans ceux qui commandaient à Marignan des cœurs plus fermes et des volontés plus résolues qu'à Novare. François Ier, armé de pied en cap, monté sur, un grand cheval de bataille dont le caparaçon était couvert de fleurs de lis et de ses F couronnés, s'était élancé à la tête de deux cents hommes d'armes — plus de six cents chevaux — au-devant des Suisses, en ce moment victorieux. Après avoir vaillamment chargé une de leurs bandes, à laquelle il avait fait jeter ses piques, il avait attaqué une bande plus nombreuse qu'il n'avait pas pu rompre, mais qu'il avait forcée de reculer[32]. Se portant alors du côté de son artillerie menacée, il y avait rallié cinq à six mille lansquenets et plus de trois cents hommes d'armes, avec lesquels il tint ferme contre la plus grosse bande des Suisses[33], qui ne put pas atteindre les pièces de canon et les enlever, comme elle en avait le dessein. Afin de mieux l'arrêter, il fit faire sur elle une décharge d'artillerie qui l'ébranla ; puis il la contraignit à, repasser un fossé qu'elle avait franchi et à s'y mettre à couvert[34]. Le connétable, de son côté, ayant rallié une forte troupe d'hommes d'armes et le plus grand nombre des hommes de pied, avait assailli avec beaucoup de vigueur cinq à six mille Suisses qu'il avait refoulés dans leurs quartiers[35]. La nuit arriva pendant qu'on combattait ainsi des deux parts, les Suisses sans parvenir à enlever le camp français, les Français sans repousser complètement l'attaque des Suisses. On se battit encore pendant plusieurs heures avec opiniâtreté et non sans un peu de désordre, aux faibles lueurs de la lune, que voilaient encore des nuages de poussière. Les troupes ennemies avaient peine à se reconnaître dans cette mêlée vaste et confuse. Vers onze heures du soir, la lune ayant fait défaut, l'obscurité empêcha de continuer cette lutte acharnée. Le combat avait été à l'avantage des Suisses au commencement de l'action, puisqu'ils avaient forcé les lignes des Français, mais il leur avait été moins favorable à la fin, puisqu'ils avaient été en partie ramenés dans les leurs. Malgré leurs efforts, ayant attaqué ce jour-là sans vaincre, ils attendirent le lendemain pour recommencer la bataille. De part et d'autre on passa la nuit sous les armes, dans les positions qu'on occupait au moment où l'on cessa de combattre, faute d'y voir, et assez rapprochés les uns des autres. François Ier, à la suite de nombreuses charges, était retourné à l'artillerie qui, tirant à propos sur les bataillons suisses, les avait plusieurs fois entamés, et qui devait être bientôt d'une assistance encore plus puissante. Montrant la prévoyance d'un chef après avoir eu l'intrépidité d'un soldat, il fit écrire par le chancelier Du Prat, qui l'avait suivi dans cette campagne, et porter par des messagers sûrs trois lettres très-importantes. La première était adressée au général vénitien Barthélemy d'Alviano, qu'il pressa de se mettre en marche et de venir de Lodi avec sa rapidité accoutumée, afin de joindre les forces qu'il commandait aux siennes, dans la journée du lendemain[36]. La seconde enjoignait à Louis d'Ars, qui occupait Pavie, de garder avec soin cette forte place, qui pourrait servir de point de retraite en cas de malheur. Par la troisième, il prévenait Lautrec de l'attaque des Suisses et l'invitait à ne pas remettre et à ne pas laisser surprendre l'argent qu'il portait, en exécution du traité violé de Gallerate. Ces soins pris, il demeura le reste de la nuit, ainsi qu'il l'écrivit après la bataille, le cul sur la selle, la lance au poing, l'armet à la tête[37], et ne se reposa que quelques instants, appuyé sur l'affût d'un canon. Une heure avant l'aube, il prépara tout pour la bataille qui allait se livrer. Il prit, un peu en arrière, une position plus favorable que celle qu'il occupait le jour précédent[38]. Au lieu de laisser son armée échelonnée sur trois lignes, il la mit de front en une seule. Restant au centre avec sa bataille, il appela le connétable de Bourbon à former son aile droite avec l'avant-garde, et son beau-frère le duc d'Alençon à former son aile gauche avec l'arrière-garde[39]. L'artillerie, bien placée et bien défendue, fut en mesure d'ébranler, par des coups bien dirigés, l'ennemi dans sa marche, et put difficilement être abordée par lui. C'est dans ces dispositions que François Ier attendit l'attaque des Suisses. Les chefs des confédérés avaient tenu conseil dans la nuit, pour s'entendre sur le combat du lendemain et le rendre plus décisif. Dès le point du jour, ils réunirent leurs épais bataillons, qui se mirent assez pesamment en marche. Ils parurent d'abord se porter en masse contre le centre de l'armée française. Mais des décharges d'artillerie, qui percèrent leurs rangs, les firent reculer vers les positions qu'ils avaient occupées la nuit. Là ils se formèrent en trois bandes qui se dirigèrent sur le corps de bataille et sur les deux ailes des Français. La première bande, que soutenaient les six petites pièces de canon des Suisses, s'avança contre François Ier, dont la ferme attitude et la puissante artillerie la contint à une certaine distance. Pendant que cette bande de huit mille hommes faisait face au roi et l'attaquait, les deux autres bandes, d'une force à peu près égale s'étaient jetées sur les deux ailes que commandaient le connétable et le duc d'Alençon, pour les rompre[40], afin d'envelopper ensuite le corps de bataille et le battre alors aisément. Soit que les Suisses eussent moins de confiance que la veille, soit qu'ils rencontrassent encore plus de courage et de solidité, ils virent leurs ennemis affronter leurs piques comme ils ne l'avaient jamais fait encore. Le connétable avec ses lansquenets et ses hommes d'armes, et Pierre de Navarre avec les arbalétriers gascons et les aventuriers, résistèrent à la bande qui attaqua l'aile droite, et après une rude mêlée la rejetèrent en arrière[41]. A l'aile gauche, le duc d'Alençon fut d'abord moins heureux. Pendant que le roi arrêtait sur place la colonne centrale des Suisses, et que le connétable de Bourbon repoussait victorieusement leur colonne de gauche, leur colonne de droite avait tourné et assailli les troupes du duc d'Alençon, qui avaient été ébranlées et avaient reculé en désordre. Malgré l'épouvante des fuyards, qui avaient quitté précipitamment le champ de bataille et qui répandaient sur la route de Pavie la nouvelle de la victoire des Suisses, la lutte continua sur ce point. D'Aubigny et Aymar de Prie, ayant rallié les troupes, réparaient de leur mieux l'échec du duc d'Alençon, et chargeaient intrépidement les Suisses[42]. Ils étaient aux prises avec eux, lorsque Barthélemy d'Alviano, parti de grand matin de Lodi, arriva vers dix heures de ce côté du champ de bataille. A la tête de ses hommes d'armes et de sa cavalerie légère[43], il fondit aussitôt sur les Suisses au cri de SAINT-MARC ! Cette attaque inattendue les troubla. Ils craignirent d'avoir sur les bras toute l'armée vénitienne et ils reculèrent. Poursuivis la lance dans les reins, ils se replièrent vers le centre, où les bataillons de confédérés placés en face de François Ier n'avaient pu faire aucun progrès. Ils tiraient et recevaient des coups de canon depuis plusieurs heures, attendant peut-être l'issue victorieuse des deux attaques de l'aile droite et de l'aile gauche pour essayer plus sûrement d'enfoncer le corps de bataille. Ils tentèrent alors un dernier et vigoureux effort. Une bande de cinq mille hommes s'en détacha et marcha avec une résolution désespérée jusqu'aux lignes françaises. Mais, prise en écharpe par l'artillerie, chargée par François Ier et ses hommes d'armes, atteinte à coups de haches et de piques par les vaillants lansquenets de la bande noire placés au centre avec le roi, percée par les arbalétriers gascons qui étaient accourus de la droite où ils étaient vainqueurs, elle fut taillée en pièces et personne n'en échappa[44]. Le roi, par un mouvement décisif, fondit alors avec sa cavalerie sur les autres confédérés, qui abandonnèrent leur position et leurs canons[45]. Les Suisses, repoussés ou battus sur tous les points, donnèrent le signal de la retraite et quittèrent le champ de bataille, sur lequel ils laissèrent sept à huit mille morts[46]. Ils reprirent, en assez bon ordre et sans être poursuivis, le chemin de Milan, emportant leurs blessés, et ils rentrèrent dans cette ville avec une contenance fière, et non comme des vaincus. Ils l'étaient cependant, et le prestige qui,. depuis Sempach, Granson et Morat jusqu'à Novare, les avait rendus invincibles, ils venaient de le perdre à Marignan, aux yeux du monde et aux leurs propres. La bataille avait duré deux jours[47]. C'était la plus sanglante et la plus acharnée qui eût encore été livrée. Elle couvrait de gloire le jeune roi qui l'avait valeureusement gagnée, après l'avoir habilement préparée. Le jour même où il avait obtenu cette grande victoire, et sur le champ de bataille où il l'avait remportée, François Pt voulut se faire recevoir chevalier. Le roi, qui ne jurait que sur la Foi de gentilhomme dont il aimait à prendre le titre[48], désira tenir du plus preux des gentilshommes l'ordre de chevalerie. Il appela Bayard, dont l'intrépidité s'était signalée à Marignan comme partout, et lui dit : Bayard, mon ami, je veux être fait aujourd'hui chevalier par vos mains, parce que le chevalier qui, comme vous, a combattu en tant de batailles et contre tant de nations est tenu et réputé le plus digne chevalier. — Sire, répondit Bayard, celui qui est couronné et sacré, et qui est roi d'un si noble royaume et fils aîné de l'Église, est chevalier sur tous autres chevaliers. — Allons, Bayard, dit le roi, il ne faut alléguer ici ni lois ni canons ; faites mon commandement si vous voulez être du nombre de mes bons serviteurs. —Puisqu'il vous plaît, répliqua Bayard en tirant son épée, et autant vaille, Sire, que si j'étais Roland ou Olivier, Godefroy ou Baudoin son frère. Certes vous êtes le premier prince que oncques fis chevalier. Dieu veuille que en guerre ne preniez la fuite. S'adressant ensuite à son épée, dont il avait touché l'épaule du roi : Tu es bien heureuse, lui dit-il, d'avoir aujourd'hui à un si beau et si puissant prince donné l'ordre de chevalerie. Certes, ma bonne épée, vous serez gardée comme relique et sur toutes autres honorée[49]. Le roi, devenu chevalier, conféra à son tour l'ordre de chevalerie à plusieurs de ceux qui s'étaient le mieux montrés dans ces deux rudes et glorieuses journées. VI Il fallait cependant recueillir les fruits de la victoire, reprendre le duché tout entier en recouvrant les villes qui étaient entre les mains de Maximilien Sforza, comme Milan et Crémone, et celles qui avaient été naguère incorporées à l'État de l'Église, comme Parme et Plaisance. C'est à quoi s'appliqua François Ier. Les Suisses, en se retirant en bon ordre du champ de bataille de Marignan et plus irrités qu'abattus des pertes qu'ils y avaient faites, étaient rentrés dans Milan sans s'y arrêter. Ils avaient demandé leur solde arriérée au duc Maximilien hors d'état de la leur payer, et ils avaient repris le chemin des Alpes, en annonçant qu'ils reviendraient bientôt en force pour venger l'affront qu'ils avaient reçu et remettre Maximilien en possession de son duché. Ils avaient laissé environ quinze cents des leurs, qui s'étaient enfermés avec lui dans la forte citadelle de Milan. La ville, abandonnée par ses défenseurs, ouvrit ses portes à François Ier, qui lui imposa, en châtiment de sa rébellion, une taxe de 300.000 ducats, y envoya le connétable de Bourbon avec des troupes et en fit assiéger la citadelle par Pierre de Navarre. Vingt jours après, le 4 octobre, cette place capitula. Le duc Maximilien, dépourvu d'énergie comme d'ambition, fatigué d'une souveraineté dont le souci troublait son indolence, traita fort sincèrement avec François Ier, heureux, disait-il, d'échapper aux inconstances de l'empereur, aux fourberies du roi catholique, aux tergiversations du pape, aux assistances onéreuses et violentes des Suisses. Il renonça à ses droits sur le duché de Milan et reçut du roi, avec la promesse de lui faire obtenir un chapeau de cardinal qui ne lui fut jamais donné, une pension annuelle de 36.000 ducats, qui lui fut payée en France où il se retira, et où il vécut sans aucun regret de ce qu'il avait perdu et sans avoir la moindre envie de le reprendre. Avant de faire, le 14 octobre, son entrée solennelle dans Milan, à la tête de l'armée victorieuse, François Ier s'était établi à Pavie. Il avait fait jeter un pont sur le Pô, d'où s'était éloigné précipitamment don Ramon de Cardona, qui avait opéré sa retraite vers Naples. Le roi projetait de se porter de là sur Plaisance et sur Parme et d'attaquer ensuite la république de Florence, que le parti des Médicis avait entraînée dans les rangs de ses ennemis. Cette attitude menaçante avait décidé le pape intimidé à entrer en sérieuse négociation avec François Ier. Léon X avait été atterré de la défaite des Suisses, à laquelle il ne s'attendait pas. Le premier jour, la bataille avait paru tourner à l'avantage de ses alliés, et le bruit qu'ils étaient victorieux s'était répandu dans Rome, où des feux de joie avaient été allumés. Léon X avait annoncé lui-même à Marino Giorgi, ambassadeur de la république de Venise auprès du Saint-Siège, que l'armée du roi de France avait été mise en déroute par l'armée des cantons. Le lendemain l'ambassadeur, ayant reçu des lettres de la Seigneurie qui lui apprenaient au contraire que les troupes françaises, secondées par les troupes vénitiennes, avaient battu complètement les Suisses, se rendit en toute hâte auprès de Léon X. Le pape se levait tard, et il était encore eu lit. Surpris de cette visite inusitée à une pareille heure, il sortit de sa chambre à moitié habillé[50]. — Saint père, lui dit l'ambassadeur de Venise, hier votre Sainteté me donna une nouvelle mauvaise et fausse ; aujourd'hui je vous en apporte une bonne et vraie. Il lui montra en même temps les lettres qu'il venait de recevoir, et Léon X, certain alors du grand revers essuyé fuir les Suisses, et en redoutant les suites pour tous les États italiens, dit avec effroi : Qu'adviendra-t-il de nous et de vous aussi ?[51] — Quant à nous, répondit Marino Giorgi, nous sommes avec le roi très-chrétien, et votre Sainteté n'a rien à craindre de lui, non plus que le Saint-Siège ; n'est-il pas le fils aîné de l'Église ? — Nous verrons, ajouta Léon X, ce que fera le roi de France ; nous nous mettrons entre ses mains en demandant miséricorde[52]. Aussi, loin de s'opiniâtrer dans la lutte après Marignan, comme l'avait fait Jules II après Ravenne, Léon X chargea Louis de Canossa, évêque de Tricarico, de négocier sa paix avec François Ier. Cette paix ne put se faire qu'au prix de la restitution de Plaisance et de Parme, dont Léon X dut subir la dure contrainte[53]. Le roi prit, en retour, la république de Florence sous sa protection, et promit de soutenir le frère et le neveu du pape, Julien et Laurent de Médicis, qui la gouvernaient. La conclusion de la paix fut bientôt suivie d'une entrevue que désiraient également le pape et le roi, et qui eut lieu, vers les commencements de décembre, dans la ville de Bologne, où Léon X se transporta de Rome avec la cour pontificale, et François Ier se rendit de Pavie avec une partie de son armée. Pendant plusieurs jours le pape et le roi, qui habitaient le même palais, eurent de fréquentes conférences et y traitèrent des affaires d'Italie. Le roi, dans son ardeur, s'efforça de gagner entièrement le pape, et le pape mit toute son habileté à donner le change au roi. François Ier demanda que Modène et Reggio fussent rendues au duc de Ferrare, à qui les avait fait perdre son fidèle attachement à la cause de la France. Léon X parut y consentir moyennant certaines conditions auxquelles se soumit plus tard, mais inutilement, le duc de Ferrare. Animé de toutes les ambitions qu'avait eues Louis XII et disposant d'Une armée victorieuse, François Ier songeait à revendiquer et à conquérir le royaume de Naples. Léon X, dont l'assentiment, comme suzerain de ce royaume, était nécessaire à l'exécution d'une pareille entreprise, sut l'en détourner adroitement. Il allégua les traités qui le liaient au roi Ferdinand d'Aragon, et il persuada à François Ier d'attendre le moment, peu éloigné, où mourrait ce prince, dont la santé déclinait chaque jour davantage. Du reste, en faisant ajourner ce dangereux projet, Léon X épargnait à François Ier une faute qui l'aurait affaibli au commencement même de son règne, en même temps qu'il évitait au Saint-Siège et à la république de Florence le double voisinage de la puissance française dans le haut et dans le bas de la péninsule Les intérêts des deux princes en Italie ne furent pas le seul objet de leur entrevue. Le roi et le pape s'entendirent pour détruire, l'un au profit de sa couronne, l'autre au profit du pouvoir pontifical, la constitution, trop indépendante à leurs yeux, de l'Église de France. La célèbre pragmatique sanction de Bourges, qu'une docte et religieuse assemblée, d'accord avec le roi Charles VII, avait établie en 4438, conformément aux décrets des conciles réformateurs de Constance et de Bâle, était attaquée depuis plus d'un demi-siècle par la cour de Rome et venait d'être condamnée par le concile de Latran. Elle consacrait d'anciens droits et de libres élections dans l'Église gallicane, qui restait cependant unie à Rome par la communauté de la foi, et dont les évêques se rattachaient au souverain pontife par les liens de la hiérarchie catholique. Entrée dans les mœurs du pays, conforme à ses idées, favorable à ses intérêts, elle devait être opiniâtrement réclamée par l'Université de Paris et soutenue par le parlement, bien après que la politique du roi l'eût sacrifiée à l'animadversion du pape. A la place de la libérale constitution qui régissait l'Église de France, le nouveau concordat, alors concerté entre François Ier et Léon X[54], assujettit cette Église au roi et au pape. Le roi eut désormais la nomination directe aux évêchés et aux abbayes ; le pape institua les évêques et confirma les abbés nommés par le roi en leur accordant les provisions apostoliques, qu'ils durent payer du revenu réel de leur bénéfice pendant la première année. Ainsi substitué aux pouvoirs des chapitres de chanoines et des communautés monastiques, le roi devint le dispensateur des évêchés et des abbayes, qu'il put accumuler sur la même tête, et donner même en commende. Il acquit par là une autorité croissante sur le clergé de son royaume, qui d'une indépendance presque républicaine passa bientôt à la soumission monarchique. Après ces divers arrangements, François Ier quitta Bologne et se sépara de Léon X, dont il croyait avoir gagné l'amitié. Il partit ensuite pour la France, en laissant le connétable de Bourbon comme son lieutenant général dans le Milanais. Il y laissa aussi sept cents lances, six mille lansquenets et quatre mille aventuriers français, dont la plus grande partie devait s'unir à l'armée vénitienne pour aider la république, son alliée, à reprendre les possessions de terre ferme que l'empereur Maximilien lui avait enlevées dans la Lombardie orientale. Ces forces combinées des Français et des Vénitiens se portèrent en effet dans le Véronais, prirent Lonato, Sirmione, Peschiera, Asola, et se disposèrent à attaquer l'importante place de Brescia. VII Mais, vers le temps même où François Ier était revenu dans son royaume, le Milanais, dont il considérait la possession comme solidement affermie, était bien près d'être envahi. Une dangereuse coalition pour le lui enlever s'était formée entre le roi Ferdinand d'Aragon, qui ne se croyait Pas assuré du royaume de Naples si le roi de France conservait la haute Italie, le roi d'Angleterre Henri VIII, offusqué des succès militaires de François Ier[55] non moins qu'irrité de son intervention dans les affaires d'Écosse[56], et l'empereur Maximilien, dont l'inimitié s'était accrue par la crainte d'être dépossédé de ce qui lui restait en Lombardie. Ferdinand d'Aragon et Henri VIII[57] avaient mis de l'argent à la disposition de Maximilien pour lever une forte armée en Allemagne et en Suisse. Don Pedro de Urrea et sir Richard Pace, envoyés vers l'empereur à Insprück, étaient intervenus à cet effet auprès des diètes helvétiques. Secondés par l'implacable cardinal de Sion, ils avaient excité les animosités des Suisses contre la France et les avaient détournés de l'union que François Ier cherchait à conclure avec eux, depuis même qu'il les avait vaincus. Tenant à. les remettre dans son alliance, le roi victorieux leur avait fait offrir à Genève, par le due de Savoie et par ses négociateurs le bailli de Mâcon, le président le Viste et le seigneur de Fresnes, les mêmes sommes et les mêmes avantages qu'il leur avait accordés par le traité de Gallerate. Dix cantons avaient d'abord accepté ces propositions[58], et une diète avait été convoquée à Zurich pour y faire adhérer les trois cantons de Schwitz, d'Uri, d'Unterwalden, qui voulaient venger leurs morts et réparer l'affront qu'avaient reçu leurs armes. Mais, loin de faire cesser les divisions parmi les Suisses, la diète de Zurich les avait accrues. Les menées du cardinal de Sion et les excitations des ambassadeurs de Maximilien, de Ferdinand et de Henri VIII avaient rendu plus grand le désaccord entre les cantons, dont huit s'étaient prononcés pour l'alliance du roi très-chrétien, et cinq s'y étaient montrés contraires[59]. Les huit cantons, au nombre desquels étaient Berne, Fribourg, Lucerne, devaient envoyer environ dix mille hommes, sous Albert de Stein et François de Supersax, dans le Milanais au secours du roi, qui leur avait déjà fait tenir 200.000 francs. Les cinq cantons de Schwitz, d'Uri, de Zug, d'Unterwalden, et de Zurich, décidés par l'argent des souverains coalisés et entraînés par leurs propres ressentiments, levèrent une armée de douze à quinze mille hommes qui, sous les ordres d'un chef renommé, Jacques Stapfer de Zurich[60], alla se joindre aux dix mille lansquenets ou Espagnols et aux cinq mille chevaux que l'empereur Maximilien réunissait dans le Tyrol. C'est à la tête de cette armée, forte de près de trente mille hommes, que l'empereur Maximilien descendit, au mois de mars 1516, dans la Lombardie vénitienne. Il lui importait de se servir au plus vite de ces troupes que, faute d'argent, il ne pourrait pas tenir longtemps sur pied, et il aurait dû se porter sans retard de Vérone sur Milan, afin d'y attaquer les Français avant qu'ils reçussent le renfort des Suisses levés dans les huit cantons. Mais ce prince bizarre, toujours plus disposé à entreprendre qu'habile à exécuter, au lieu de s'avancer à marches forcées sur Milan, comme le conseillaient le chef des Suisses impériaux, Jacques Stapfer, et le général des troupes pontificales, Marc-Antoine Colonna, qui s'était joint à lui, s'arrêta devant Asola pour en faire le siège. Asola était une petite place, située un peu au-dessous de l'Oglio, entre le lac de Garda et le Pô. Elle faisait partie du Véronais, et l'empereur voulut la reprendre aux Vénitiens, afin de ne pas en laisser la garnison sur ses derrières. Il en fit donc les approches, et, après l'avoir battue en brèche, il y donna l'assaut, qui fut bravement repoussé. Sans s'obstiner à la prise de cette place, devant laquelle il avait perdu plusieurs jours, le mobile empereur leva le siège d'Asola et se dirigea sur Milan. Il passa le Mincio, l'Oglio et l'Adda, qu'abandonnèrent successivement les Français et les Vénitiens en se retirant devant lui. Arrivé près de Milan, il campa avec son armée dans le voisinage de la ville, qu'il somma de se rendre en menaçant, si elle se laissait forcer, de la traiter plus durement que ne l'avait fait quatre siècles auparavant l'empereur Frédéric Barberousse. Mais le peuple milanais, qu'il espérait soulever par là, ne bougea point, maintenu qu'il fut dans l'obéissance par la ferme attitude du connétable de Bourbon. Le connétable avait pris des mesures extrêmes. Il avait fait brûler les faubourgs qui auraient pu faciliter aux ennemis l'accès de la ville, qu'il mit en état de défense et où, deux jours après, entraient les bataillons suisses qu'amenaient Albert de Stein et François de Supersax. L'empereur Maximilien, n'ayant pas enlevé Milan par une attaque soudaine, se voyait réduit à en faire le siée. Mais il n'avait pas le moyen ni le temps de prendre de vive force une ville alors si bien défendue. Il manquait d'argent, comme toujours, et ses troupes demandaient leur solde. Préoccupé de leurs exigences, qu'il ne pouvait satisfaire, il craignit même une trahison. Par un stratagème qu'imagina J.-J. Trivulzi, une lettre fut écrite au nom des Suisses du parti français aux Suisses du parti impérial, et tomba entre les mains du défiant Maximilien, qui crut à un complot ourdi contre lui. Son imagination se troubla, et, dans les rêves de la nuit, il vit l'archiduc Léopold d'Autriche, son bisaïeul, et le duc Charles de Bourgogne, son beau-père, tués par les Suisses à Sempach et à Nancy, qui lui apparurent tout sanglants et le pressèrent d'échapper au péril qui le menaçait[61]. Ces visions alarmantes et le souvenir de Ludovic Sforza, que la perfidie des Suisses avait livré au roi de France Louis XII, à la sortie de Novare, le décidèrent à quitter brusquement le camp impérial. Après son départ, l'armée, restée sans commandement et sans paye, fut hors d'état de continuer une entreprise qu'il n'aurait pas pu achever lui-même. Elle rebroussa chemin, franchit de nouveau l'Adda, pilla Lodi, marqua partout son passage par ses dévastations et finit par se débander. Les Suisses retournèrent dans leur pays. Les Français et les Vénitiens reprirent aussitôt l'offensive et ils attaquèrent de concert les villes que Maximilien conservait encore dans la Lombardie orientale. Ils enlevèrent ainsi Brescia à l'empereur, qui n'eut bientôt plus que Vérone dans la haute Italie. Cette place, aussi forte que bien défendue, n'était pas facile à prendre. Les troupes combinées de la république de Venise et du roi de France, commandées par le maréchal de Lautrec, qui venait de succéder au connétable de Bourbon dans le gouvernement du Milanais, l'assiégèrent longtemps et vainement. L'empereur Maximilien, encore aidé par les subsides de Henri VIII, que la politique et la jalousie rendaient l'adversaire persévérant de François Ier, la secourut à la tête de nouvelles troupes. Il tenait beaucoup à garder Vérone, qui était pour lui une source de revenus[62], couvrait le Tyrol, et demeurait comme un pied à terre impérial d'où il pouvait pénétrer aisément dans le reste de l'Italie et se mêler avec avantage de ses affaires. Comment le faire renoncer à cette possession précieuse, que les Vénitiens désiraient ardemment remettre sous leur domination et qu'il était si difficile de lui prendre de vive force ? Comment surtout l'amener à conclure avec François Ier une paix à laquelle il s'était jusqu'alors obstinément refusé ? VIII Ce fut son petit-fils, l'archiduc Charles, qui l'y décida. Le jeune souverain des Pays-Bas était devenu, par la mort de son aïeul maternel, Ferdinand le Catholique, survenue le 23 janvier 1516, l'héritier effectif des royaumes de Castille, d'Aragon, des Deux-Siciles, sur lesquels sa mère, Jeanne la Folle, se trouvait par son infirmité hors d'état de régner. Il avait besoin, pour la plus grande sécurité de ses héritages, d'être en accord avec le prince redoutable qui, voisin de tous ses États, pouvait, s'il devenait son ennemi, envahir les Pays-Bas par le Nord de la France, attaquer l'Espagne par la frontière des Pyrénées, et descendre par la Lombardie dans le royaume de Naples. Il lui importait en effet, non-seulement de se maintenir en paix avec François Ier, mais de nouer avec lui une étroite alliance, afin de n'être pas troublé d'abord dans la prise de possession, ensuite dans le gouvernement de ses nombreux royaumes. C'est ce que comprit l'habile seigneur de Chièvres, qui dirigeait avec sagesse la conduite de ce jeune monarque, à peine âgé de seize ans, et administrait prudemment toutes ses affaires. Il s'entendit avec le grand maître de France, Arthus de Boisy, qui jouissait d'une semblable autorité auprès de François Ier, et les deux avisés négociateurs travaillèrent de concert à établir la plus étroite union entre les deux princes. Par le traité de Noyon, qu'ils conclurent le 13 août 1516[63], au nom de leurs maîtres, ils réglèrent du mieux qu'ils purent leurs intérêts, s'attachèrent à. prévenir leurs différends, et crurent resserrer leur amitié par un mariage qui les rapprocherait encore davantage. Au lieu de la princesse Renée, fille de Louis XII, que devait épouser l'archiduc Charles, d'après le traité de Paris 1515, ce fut la princesse Louise, fille de François Ier, qui fut désignée dans le traité de Noyon comme la future femme du roi d'Espagne. La partie du royaume de Naples à laquelle prétendait François Ier dut servir de dot à sa fille. Il fut convenu seulement que, jusqu'à l'accomplissement du mariage, qui ne pouvait être que fort tardif, vu l'âge très-tendre de la princesse, le roi catholique payerait annuellement au roi très-chrétien cent mille écus d'or. Il fut aussi convenu qu'un dédommagement serait accordé par le roi d'Espagne à la reine Catherine, veuve du roi de Navarre, dépouillé de son royaume en 1512, à cause du dévouement qu'il avait montré à la France. Gendre éventuel et en ce moment ami déclaré du roi très-chrétien, le nouveau roi catholique voulut réconcilier son aïeul Maximilien avec François Ier[64]. Par une clause particulière du traité de Noyon, l'empereur fut invité à donner son adhésion à cet utile accord et à céder, pour une somme d'argent, la ville de Vérone aux Vénitiens. Le politique archiduc pressa vivement son aïeul de faire ce sacrifice à la paix, dans l'intérêt de leur maison. Il eut quelque peine à l'y déterminer, mais il y parvint. L'empereur consentit, par le traité de Bruxelles du 3 décembre 1516[65], à se dessaisir de Vérone moyennant 200.000 ducats. Trois jours après, le 6 décembre, Charles annonça lui-même cet heureux résultat à François Ier. — Monsieur, lui écrivit-il, après plusieurs longues poursuites, intercessions et diligences par moi faites avec l'empereur mon seigneur et père, j'ai tellement besongné que l'empereur s'est condescendu à prendre appointement et amytié avec vous, et que vos ambassadeurs étant icy et moy, avons présentement conclu cet appointement à votre désir. Monsieur, je vous assure qu'il a esté bien dur à l'empereur d'abandonner Vérone, et que sans grand'peine et grande despense je n'en fusse venu à bout, et vous prie de considérer que je l'ai fait pour mieux assurer notre alliance, la rendre plus ferme, espérant et connoissant aussi que ce sera le bien de toute la chrétienté[66]. Cet arrangement fit rentrer Vérone sous le pouvoir des Vénitiens, au prix de 200.000 ducats qui furent comptés au besogneux empereur, confiné de nouveau dans le comté héréditaire du Tyrol et rejeté hors de la haute Italie, que possédèrent, en bon accord, le roi de France et la république de Venise. Après s'être alliés pour la recouvrer ensemble, ils restèrent unis pour la défendre au besoin en commun[67]. La domination de François Ier sur le Milanais fut, du reste, d'autant mieux affermie qu'il venait de renouer complètement la vieille amitié de la France et de la Suisse. Une alliance perpétuelle, conclue le 29 novembre 1516 à Fribourg avec les treize cantons[68], rétablit cette amitié aux conditions que François Ier avait proposées et que les Suisses acceptèrent alors irrévocablement. La paix fut rendue plus stable encore entre l'empereur Maximilien, le roi Charles et François Ier, par le traité de Cambrai du 11 mars 1517[69]. Les trois princes s'y garantissaient leurs Etats, promettaient de s'assister mutuellement, et s'engageaient à dresser une forte armée pour résister en commun aux Turcs, dont les invasions dans l'Europe orientale devenaient de plus en plus menaçantes. Quelque temps après, François Jar s'accorda même avec Henri VIII, son ennemi couvert mais opiniâtre. Par les stipulations du traité de Londres en 1518[70], le roi d'Angleterre rendit à la France Tournay, Mortagne, Saint-Amand, dont François Ier dut payer la cession à Henri VIII en lui comptant, à diverses échéances, la somme de 600.000 écus d'or. Un mariage fut en même temps projeté entre le Dauphin de France, qui venait à peine de naître, et la princesse Marie d'Angleterre, qui n'avait pas encore deux ans, comme si l'on avait espéré, par cette lointaine alliance de famille, ajouter à la force et contribuer à la durée de l'union entre les deux rois et les deux pays. François Ier avait ainsi mené à bien tout ce qu'il avait entrepris. Il avait mis non moins d'application que de persévérance dans la conduite de ses affaires. Après avoir recouvré le duché de Milan malgré les Suisses, et y avoir réuni Parme et Plaisance malgré le Pape Léon X : après avoir fait restituer à ses fidèles alliés les Vénitiens ce qui leur avait appartenu dans la haute Italie après s'être attaché de nouveau et par les liens d'une amitié perpétuelle les confédérés des treize cantons ; après avoir réglé ce qui pouvait devenir un sujet de différend avec le jeune roi catholique désigné pour être son gendre : après avoir conclu la paix avec l'empereur Maximilien, en l'évinçant de l'Italie où l'avait introduit l'imprudence de Louis XII, il achevait cette œuvre d'agrandissement et de pacification en désarmant les animosités du roi d'Angleterre et en retirant de ses mains les trois places que Henri VIII avait prises sous le règne précédent et qui furent alors restituées à la France. Il avait été constamment heureux, parce qu'il avait été appliqué et habile. Ces quatre années de juste félicité semblaient être les débuts éclatants d'un grand règne. Couvert de gloire et parvenu à un haut degré de puissance, François Ier avait montré une égale entente de la guerre et de la politique. Aussi avait-il tourné vers lui les regards du monde et les espérances d'une partie de l'Allemagne qui, menacée d'être envahie par les Turcs, sembla prête à le prendre pour chef du saint-empire, à la mort de Maximilien. De là vint à François Ier la dangereuse ambition qui fit de lui le compétiteur de l'archiduc Charles à la couronne impériale et commença entre les deux princes, jusque-là appliqués à vivre en bon accord, la longue rivalité qui devait les transformer en ennemis durant plus d'un quart de siècle. |
[1] Louis XII avait eu le projet de le faire connétable. Avant son trépas, ledit roy, voulant faire son écu et son bouclier de mondit sieur de Bourbon pour ses prouesses et vertus, lui avoit dit qu'il vouloit qu'il fût son connétable. Vie du connétable Charles de Bourbon, par Marillac, son secrétaire, p. 269, v°, dans Desseins de professions nobles et publiques, etc., par Antoine de Laval, Paris, MDCXIII, in-4°.
[2] Négociations diplomatiques entre la France et l'Autriche durant les trente premières années du seizième siècle, publiées par Le Glay, dans la collection des documents inédits du ministère de l'instruction publique, t. II, p. 6.
[3] Lettre des ambassadeurs de l'archiduc Charles à ce prince. Correspondenze des Kaisers Karl V, publiée par Lanz, t. I, p. 11.
[4] La souveraineté, l'hommage-lige, les églises cathédrales, les cas royaux et ceux dont, par prévenance, la connaissance appartient à ses juges, desquels connaitra le bailli de Saint-Pierre le Moustier. Corps diplomatique, t. IV, p. I, p. 200.
[5] Rymer, Acta publica, t. XIII, p. 273, sq.
[6] Despaci di Sebastiano Guistiniano alla Marciana, et dans Romanin, Storia documentata di Venezia, t. V, p. 298, 299, 300, in-8°, Venezia, 1856.
[7] Ouvrage cité.
[8] Environ dix mille chevaux.
[9] Cette lettre, en date du 2 janvier 1515 et contresignée Robertet, est en français dans la collection des Choses mémorables, t. XXXII, et en allemand dans les documents de Tschudi, VI, 546 ; Histoire de la Confédération suisse, par Jean de Müller, continuée par Robert Gloutz-Blozheim, t. IX, p. 425, traduite de l'allemand par Ch. Monnard, in-8°, Genève, chez Cherbuliez, 1840.
[10] Recès, Zurich, 16 janvier 1515, dans la collection des Recès de M. F. de Müllinen. — Histoire de la Confédération suisse, t. IX, p. 426.
[11] Ouvrage cité, t. IX, p. 429 et 430.
[12] Histoire de la Confédération suisse, etc., t. IX, liv. VI, ch. 4, p. 431. — Guicciardini, lib. XII. — Paul Jove, liv. XV, p. 394.
[13] Elle est du 28 juin 1515. Corps diplomatique, t. IV, part. I, p. 211.
[14] Dans le Corps diplomatique, t. IV, part. I, p. 60 et 118.
[15] Cette déclaration est dans le tome second, p. 153, du Recueil des traités de paix, de trêve, etc., par Frédéric Léonard.
[16] Et pour ce que le seigneur Jean-Jacques de Trévolze, mareschal de France, estoit souvent adverty des nouvelles de Milan, ledict seigneur — François Ier — l'envoya en Dauphiné pour mettre peine de trouver quelque passage par les montagnes par où ledict seigneur et l'armée qu'il entendoit mener avec lui peust passer sans aller par le mont Oenesve et le mont Denys. Fol. 28 v° du vol. ms. 17.523 de la Bibliothèque nationale. C'est une histoire inédite, détaillée et curieuse, des sept premières années du règne de François Ier, écrite par Jean Barillon, secrétaire du chancelier Du Prat. Elle est intitulée : Registre en forme de journal faict par un domestique de monsieur le chancelier Du Prat, contenant ce qui s'est passé depuis l'advenement du roy François Ier à la couronne qui fut le premier janvier 1514 — vieux style —, jusqu'en l'année 1521 includ.
[17] Pour frayer et exécuter ce passage des Alpes, voir l'histoire de J. Barillon, qui accompagna le chancelier Du Prat dans cette expédition d'Italie. Ms. 17,523, p. 35 et suivantes. Voir aussi Voyage et conquête du duché de Milan en 1515, par François Ier, rédigé en vers et en prose par Pasquier le Moyne, dit le Moyne sans Froc, portier ordinaire du roi. — Paris, Couteau, 1520, in-4°. Pasquier le Moyne a suivi l'armée comme Barillon, et comme lui il était à Marignan. — Paul Jove, liv. XV, p. 400 et 401.
[18] Ms. de la Bibliothèque nationale ; Collection Béthune, v. 8546, fol. 2.
[19] Histoire du bon chevalier sans paour et sans reprouche, t. XVI de la collection Petitot, p. 92 à 97, et Mémoires de Robert de la Marck, seigneur de Fleurange, depuis maréchal de France. Ch. XLIX, p. 281 à 285 du vol. XVI, de la collection Petitot. Fleurange dit que Prospero Colonna avait douze cents hommes d'armes, p. 283.
[20] Aussi envoya messire Emard de Prie avec trois cents lances montées sur mer à Marseille, pour aller se joindre avec quelque armée que les Genevois — Génois — mettoient sus pour aider audict seigneur. Hist. manuscrite de François Ier, par le secrétaire du chancelier Du Prat. — Ibid., f. 35 v° ; Paul Jove, liv. XV, p. 407.
[21] Le traité avec toutes ses clauses est dans l'Histoire manuscrit de Barillon, vol. 17.523, f. 61 à 68.
[22] Et nommément a esté accordé que le roy baillera à Maximilien Sforze le duché de Nemours vallant vingt mille livres tournois par an ; douze mille livres de provision aussi par chacun an ; cinquante hommes d'armes et le mariera hautement à quelque dame de sang royal. Histoire manuscrit de Barillon, vol. 17.523, f. 63 v°.
[23] Barillon, f. 68 et 71.
[24] Histoire de la Confédération suisse, etc., t. IX, p. 450 à 457.
[25] Recès, Zurich. — Histoire de la Confédération suisse, etc., t. IX, p. 433.
[26] Paul Jove, liv. XV, p. 403.
[27] Ouvrage cité, p. 438 et 439.
[28] Laquelle chose entendue jetâmes nos lansquenets en ordre, c'est à savoir en trois troupes. Lettre de François Ier à la duchesse d'Angoulême sur la bataille de Marignan, écrite du camp de Sainte-Brigide, le 14 sept. 1515, le jour même de la victoire. Dans le XVIIe vol. des mémoires de la collection Petitot, p. 184 à 188. C'est dans cette lettre que, malgré quelques exagérations, sont le mieux présentés les arrangements pris et les incidents survenus dans les deux journées de cette rude bataille.
Outre cette lettre, il faut lire : Paul Jove, qui donne un récit très-détaillé et en général exact de la bataille, liv. XV. p. 416 à 424 ; l'Histoire de la Confédération suisse, etc., t. IX, l. VI, ch. 9, p. 455 à 474, où se trouve tout ce qui, dans cette grande mêlée, concerne l'armée suisse ; l'Histoire du bon chevalier sans paour et sans reprouche, ch. LX, p. 98 à 105 ; les Mémoires de Fleurange, ch. L, p. 287 à 298 ; la Vie du connétable de Bourbon, par son secrétaire Marillac, p. 365, v° à 370 ; l'Hist. ms. de François Ier, par Jean Barillon. f. 80 à 83 ; le récit de Pasquier le Moyne, contenant des particularités diverses sur les deux journées de Marignan, dans lesquelles Bayard et Fleurange ont combattu, et dont Marillac, Jean Barillon et Pasquier le Moyne ont été témoins.
[29] Galiot de Genouillac, seigneur d'Acier.
[30] Lettre de François Ier à sa mère.
[31] Ils — les Suisses — trouvèrent les gens de cheval de l'avant-garde par le côté : et combien que lesdits hommes d'armes chargeassent bien et gaillardement, le connétable, le maréchal de Chabannes, Ymbercourt, Telligny, Pont de Remy et autres qui étoient là, si furent-ils reboutez sur leurs gens de pied... Il y eut quelque peu de désordre. — Lettre de François Ier, p. 185.
[32] Deux cens hommes d'armes que nous étions, en desfismes bien quatre mille Suisses et les repoussâmes assez rudement leur faisant jeter leurs piques... laquelle chose donna haleine à nos gens de la plupart de notre bande, et ceux qui me purent suivre allâmes trouver une autre bande de huit mille hommes... qui nous jetèrent cinq à six cens piques au nez... non obstant cela, si furent-ils chargés et remis au dedans de leurs tentes en telle sorte qu'ils laissèrent de suivre les lansquenets. — Lettre de François Ier, p. 185.
[33] Et m'en allai jeter dans l'artillerie, et là rallier cinq à six mille lansquenets et quelques trois cens hommes d'armes, de telle sorte que je tins ferme à la grosse bande des Suisses. — Lettre de François Ier, p. 186.
[34] Leur flames jeter une volée d'artillerie, et quant et quant les chargeâmes, de sorte que les emportâmes, leur fismes passer un gué qu'ils avoient passé sur nous. — Lettre de François Ier, p. 186.
[35] Et cependant mon frère le connétable rallia tous les piétons françois et quelque nombre de gendarmerie, leur fit une charge si rude qu'il en tailla cinq ou six mille en pièces, et jeta cette bande dehors. — Lettre de François Ier, p. 186.
[36] Histoire manuscrite de Barillon, f. 80 v°, et 81 v°. — Paul Jove le dit aussi : Subito poi ritornato agli ufficii di capitano, mandô messi al Liviano — à Barthélemy d'Alviano —, avisandolo ch' egli venisse con l'essercito. Lib. XV, p. 421.
[37] Lettre de François Ier à la duchesse d'Angoulême, p. 186.
[38] Une heure avant jour, pris place autre que la nôtre, laquelle sembla bonne aux capitaines des lansquenets. Lettre de François Ier, p. 186. — Paul Jove le dit également. Io intendi poi del re medesimo. Lib. XV, p. 418. Refito aliquanto i suoi allogiamenti. P. 421.
[39] Et l'ai mandé à mon frère le connétable, pour soi tenir à l'autre avenue, et pareillement l'ai mandé à mon frère d'Alençon, qui au soir n'étoit pu venir. Lettre de François Ier sur la bataille de Marignan, p. 186. — Et aviso Borbone et Lansone che di quà et di là con eguale ordine accostassero la prima et la terza ordinanza à suoi fianchi. Paul Jove, lib. XV, p. 421.
[40] Ils me laissèrent à mon nez huit mille hommes et toute leur artillerie, et les autres deux bandes les envoyèrent aux deux coins du camp, l'une à mon frère le connétable, et l'autre à mon frère d'Alençon. Lettre de François Ier à sa mère sur la bataille de Marignan, Petitot, t. XVII, p. 187, et Paul Jove, liv. XV, p. 422.
[41] Lettre de François Ier, Petitot, t. XVII, p. 187.
[42] Paul Jove, livre XV, p. 423 et 424.
[43] Paul Jove, livre XV, p. 424, et Lettre de François Ier, à la p. 187. Les Vénitiens se considérèrent comme ayant détermine la victoire. Le provéditeur général Domenico Contarini écrivait au doge de Venise, le 14 septembre de Marignan, le jour mène de la victoire : Principe serenissimo, testor Deum che un Cesare non ebbe mai tanto valore ne magnanimità quanto il suo illustrissime capitano a demonstrata et de proprio li ne posso far ample fede appresso che etiam questa christianissima maestà e tutti questi signori amplamente parlino la vittoria esser causata dalla valerosità di sua Eccelenza e dalla temenza avuta per Svizzeri visto soprazonser le timide genti di Vostra Serenità. Dans Sanuto, Diarii, XXI, p. 90, et dans Romanin, Storia documentata di Venezia, t. V, p. 305.
[44] A la fin de cette grosse bande qui estoit vis-à-vis de moi, envoyèrent cinq mille hommes, lesquels renversèrent quelque peu 'de nos gendarmes... Vinrent jusques aux lansquenets, qui furent si bien recueillis de coups de haches, butes, de lance et de canon qu'il n'en eschappa la queue d'un, car tout le camp vinrent à la huée sur ceux là. Lettre de François Ier.
[45] Lettre de François Ier.
[46] D'après l'Histoire manuscrite de Barillon, ils en auraient laissé davantage. Après disner, le dit seigneur commanda qu'on fist de grandes fosses pour mettre les corps des morts, et ceux qui les mirent dedans les dites fosses rapportèrent y avoir mis seize mille cinq cents corps. On estimoit qu'il y avoir de treize à quatorze mille suisses. Vol. 17.523, fol. 83 v°.
[47] La bataille a été longue et dura depuis hier... jusques aujourd'hui, sans savoir qui l'avoit perdue ou gagnée, sans cesser de combattre ou de tirer l'artillerie jour et nuit... Ce sont les gens d'armes qui ont fait l'exécution et ne penserois point mentir que par cinq cents et par cinq cents, il n'ait été fait trente belles charges avant que la bataille fût gagnée... Madame... Le sénéchal d'Armagnac avec son artillerie ose bien dire qu'il a été cause en partie du gain de la bataille, car jamais homme n'en servit mieux. Et Dieu merci, tout fait bonne chère, je commencerai par moi et par mon frère le connétable, par M. de Vendôme, par M. de Saint-Pol, M. de Guise, le maréchal de Chabannes, le grand maitre, M. de Longueville. Il n'est mort de gens de renom qu'Ymbercourt et Bussy... et est grand dommage de ces deux personnages... Le prince de Talmond est fort blessé, et vous veux encore assurer que mon frère le connétable et M. de Saint-Pol ont aussi bien rompu bois que gentilshommes de la compagnie quels qu'ils soient ; et de ce j'en parle comme celui qui l'a vu, car ils ne s'épargnoient non plus que sangliers échauffés. Lettre de François Ier, p. 187 et 188.
[48] J'ai lu parmi les papiers de nostre maison les serments de quatre roys : Quand la Pasque-Dieu décéda — Louis XI — par le Jour-Dieu lui succéda — Charles VIII —, le Diable m'emporte s'en tint près — Louis XII —, Foy de gentilhomme vint après — François Ier —. Brantôme, Vie des grands capitaines, le grand roy François.
Le roi François disait souvent : Nous sommes quatre gentilshommes de la Guyenne qui combattrons en lice et courrons la bague contre tous allans et venans en France : moy, Sansac, d'Essé et Chastaigneray. Brantôme, Vie des grands capitaines, M. d'Essé.
[49] Les Gestes ensemble la vie du preux chevalier Bayard, etc., par Symphorien Champier, ouvrage publié en 1525, et réimprimé dans les Archives curieuses de l'histoire de France, 1re série, t. II, p. 161, et l'Histoire du bon chevalier sans paour et sans reprouche, ch. LX, p. 103 du t. XVI de la collection Petitot.
[50] E cosi svegliato et non vestito intieramente, il papa venne fuora. Sommario della relazione di Roma di Marino Giorgi, dans Alberi, t. III, de la seconde série, p. 43.
[51] Padre santo, ieri Vostra Santità mi diede una cattiva nuova e falsa ; io gliene daro oggi una buona e vera : gli Suizzeri sono rotti. Allora il papa, lette le lettere, disse : Quid erit de nobis et quid de vobis ? Sommario della relazione di Roma di Marino Giorgi, dans Alberi, t. III, de la seconde série, p. 43 et 44.
[52] Sommario della relazione di Roma di Marino Giorgi, dans Alberi, t. III, de la seconde série, p. 43 et 44.
[53] Ex nunc eidem christianissimo regi Parmam et Placentiam civitates relaxamus et dimittimus. Traité du 13 octobre 1515, dans Léonard, t. II, p. 137 et 138, et dans Du Mont, t, IV, part. I, p. 214,
[54] Achevé de négocier dans ses clauses diverses avec la cour romaine par le chancelier Du Prat, le concordat fut publié par le pape à Saint-Pierre, le 15 des kalendes de septembre 1516 (1er septembre). Bulla concordatorum, etc., et confirmé par une bulle dans le concile de Latran, le 14 des kalendes de janvier (17 déc. 1516). La Bulla concordatorum et la Bulla confirmationis sont dans Du Mont, t. IV, part I, p. 229.
[55] Lettre du 6 novembre 1515 de l'ambassadeur de France Bapaume à la régente Louise de Savoie. Henri VIII avait appris la victoire de Marignan avec un vif chagrin qu'il n'avait pas pu cacher, tellement qu'il semblait à le voir que des larmes deussent lui tomber des yeux. — Archiv. nation., J. 965, liasse I, n° 12.
[56] Par le duc d'Albanie — Archiv. nation., J. 965, liasse I, n° 12.
[57] Henri VIII offrait 100.000 couronnes. Maximilien écrivait le 1er décembre 1515 à sa fille l'archiduchesse Marguerite : Le roy d'Angleterre fait mener et conduire praticques pour divertir la ligue des Suyches coutre les Franchois, et à ceste cause il a nagaires envoyé par deça un sien serviteur nommé Richard Lacens — Pace —, lequel dit et asseure que le dit roy son maistre tient pour le présent prest, en nostre ville d'Anvers, la somme de cent mil escus d'or pour vouloir bailler aux dits Suyches, affin de continuer leur assistance à la sanctissime lighe, et résister aux injustes emprinses que font les dits François. Le Glay, Correspondance de Maximilien Ier, etc., t. II, p. 304.
[58] Histoire de la Confédération suisse, etc., t. IX, p. 483. Le traité est dans Du Mont, t. IV, part. I, p. 418.
[59] Histoire de la Confédération, p. 489 et 490.
[60] Histoire de la Confédération, p. 489 et 490.
[61] Et affermo poi che quella notte egli haveva veduto in sogno Leopoldo arciducha d'Austria, suo bisavolo, et Carlo duca di Bourgogna, suo socero, con quello horribil volto et con quel sanguinoso habito d'armatura... i quali con parole terribili gli commendavano che subito si devesse levar di quel pericolo. Paolo Giovio, delle Istorie del suo tempo, lib. XVI, p. 461, in-4°, in Vinegia. 1572. Traduction de Lodovico Domenichi.
[62] Le 3 décembre 1515, il écrivait à sa fille l'archiduchesse Marguerite que si les Français et les Vénitiens lui enlevaient Brescia et Vérone, ils porteroient grand dommaige à nostre maison d'Austrice, car ce sont les deux meilleures citez de rente et revenus que avons en toute nostre maison d'Austrice et Bourgogne, et se peuvent bien extimer bonnes parties ; car elles vaillent beaucoup de millions d'or. Correspondance de l'empereur Maximilien Ier et de Marguerite d'Autriche, publiée par Le Glay, d'après les manuscrits originaux, t. II, p. 307, Paris, 1839.
[63] Dans Du Mont, t. IV, part. I, p. 224.
[64] Malgré le traité qui avait été conclu à Londres le 19 octobre 1516. Liga inter Leonem papam romanum, Maximilianum I, Romanorum imperatorem, Carolum I, Hispaniarum principem, et Henricum VIII regem Angliæ pro defensione Ecclesiæ edita et statuum eorum cujuslibet. Du Mont, t. IV, p. 240. Cette ligue avait été sans doute conclue par l'entremise du dangereux cardinal de Sion, qui s'était rendu de Bruxelles à Londres en habit déguisé, ainsi que le signalait à l'amiral la Fayette une lettre de François Ier, à la date du 13 octobre. Ms. Béthune, 8582, f. 201.
[65] Léonard, t. II, p. 158 et ms. Dupuy, vol. 174.
[66] Cette lettre se terminait ainsi : Escript à Bruxelles le 5 de décembre, de mein (de la main) de votre bon fils. Ms. Béthune, vol. 8489, f. 3.
[67] Ligue du 3 octobre 1517, entre le roi François Ier et la seigneurie de Venise, par laquelle il devait être fourni, pour la défense de leurs États, de la part du roi à la seigneurie, 800 lances — more Galliæ —, 6.000 hommes de pied, une bande d'artillerie suffisante ; de la part de la seigneurie au roi, 800 lances — more Italiæ —, 500 chevaux légers — equites levis armaturæ —, 6.000 fantassins et une bonne bande d'artillerie. — Léonard, t. II, p. 154 et 155.
[68] Les Suisses devaient recevoir 700.000 écus d'or au soleil, dont 400.000 pour les engagements du traité de Dijon, 300.000 pour les frais de la guerre d'Italie, avec 2.000 francs de pension annuelle pour chacun des treize cantons, 2.000 francs au pays de Valais, 2.000 francs départis à l'abbé de Saint-Gall, au comté de Togenbourg, à la ville de Mulhouse, aux sujets du comté de Gruyères. Du Mont, t. IV, part. I, p. 219.
[69] Du Mont, t. IV, part. I, p. 228. Avec ce traité public fut conclu, le 11 mars 1517, un traité secret destiné à mieux gagner l'empereur Maximilien, en contentant son imagination entreprenante et chimérique. Par ce traité secret, le haut et une partie du centre de la péninsule italienne devaient être divisés en deux royaumes, dont l'un s'appellerait le royaume d'Italie, l'autre le royaume de Lombardie, érigés, le premier, pour l'un des petits-fils de Maximilien, le second, pour François Ier. Le royaume d'Italie, qui serait donné à l'archiduc Charles ou à son frère Ferdinand, comprendrait Padoue, Trévise, Roveredo, le Frioul, Florence, Pise et Sienne ; le royaume de Lombardie, dont le roi de France recevrait l'investiture, comprendrait Vérone, Vicence, Lignago, Valese, Brescia et Crémone, qui seraient ajoutés au duché de Milan, avec les marquisats de Mantoue et de Montferrat, Malespine, Ancise, la seigneurie de Gènes, le comté d'Asti et la principauté de Piémont. Ce traité, dont les pièces sont aux Archives de Simancas. Leg. D3 1 55 27, n'avait au fond rien de sérieux. François Ier avait paru entrer par là dans les rêves de Maximilien, toujours avide de puissance et intempérant dans ses projets, qui aspira toute sa vie à se faire couronner empereur dans Rome sans y parvenir, et visa même un moment à devenir pape. Mais il avait fait insérer une clause expresse qui le dégageait : Toutefois, était-il dit, comme le roi de France n'a pour le moment ni matière ni occasion pour rompre avec les Vénitiens, avec lesquels il a fait des traités d'alliance, et que son honneur, qui est la chose qu'il a la plus chère en ce monde seroit blessé en le faisant, il jurera solennellement à l'empereur et au roi catholique d'exécuter incontinent le partage dans le cas où les Vénitiens feroient quelque chose pour laquelle il sauroit honnestement et sans enfreindre sa foi rompre avec eux. — Ibid. Il était de plus convenu que, si, dans le délai de deux ans, le roi de France n'avait eu occasion de se déclarer contre les Vénitiens, le traité serait annulé quant au fait des partages. — Ibid. Ce qui prouve bien les intentions réelles de François Ier à cet égard, c'est le traité de défense mutuelle qu'il fit sept mois après (le 8 octobre) avec les Vénitiens.
[70] Léonard, t. II, p. 156 à 167.