LA MARQUISE DE VERNEUIL ET LA MORT D'HENRI IV

DEUXIÈME PARTIE. — LE GRAND DESSEIN. - LA MORT DU ROI ET LA RÉGENCE DE MARIE DE MÉDICIS

 

CONCLUSION.

 

 

Au milieu des désordres de sa vie privée, dit le duc d'Aumale[1], à quelque écart qu'il se laissât entraîner, Henri IV n'oublia jamais ses devoirs envers la nation. Nul souverain ne se montra, dans la conduite des grandes affaires de son pays, au dedans comme au dehors, plus exempt de motifs personnels. On pouvait lui reprocher bien des faiblesses ; son gouvernement était imparfait sans doute, mais il répondait aux besoins de l'époque. Déjà la France jouissait de la plus sainte des libertés, la liberté de conscience. Mais le royaume, déjà prospère, était sous le coup d'un constant péril. Il suffisait d'un grand homme à Madrid, d'un roi médiocre ou de dissensions intestines en France pour que tout fût bouleversé à nouveau. C'est un point de vue, en effet ; toutefois, le duc d'Aumale, en écrivant le passage que nous citons, ne paraît pas avoir très bien compris le personnage d'Henri IV, et surtout semble avoir oublié ou méconnu le rôle que voulaient toujours avoir en France ses anciens amis les protestants. Sully, lorsque dans une inscription emphatique il appelle le Béarnais la gloire des monarques, l'honneur du règne, l'espoir des Français et l'élite des hommes[2], indique assez combien les huguenots en étaient encore entichés ; combien ils étaient fiers d'avoir donné un roi à la France, et, répétons-le, quel parti ils espéraient tirer de son accession à la couronne. Il n'y a pas là que les flagorneries d'un courtisan ; d'Aubigné, autre parpaillot et qui avait son franc-parler, affirme de même que c'est le plus grand roi qui ait ceint l'épée depuis huit cents ans[3]. — C'est que malgré la conversion, malgré l'étalage de catholicisme et les agissements que l'on peut dire sincères du monarque[4] ; en dépit des mesures prises contre eux et des rebuffades, les protestants le considéraient toujours comme un des leurs. Après avoir gémi sur son apostasie, ils s'apprêtaient à en tirer un bon avantage. Ils s'enorgueillissaient de la position de leur ancien chef, devenu celui des catholiques, et les Jésuites étaient dans le vrai lorsqu'ils représentaient au duc de Bouillon que sa guerre d'Allemagne ne devait être qu'une guerre de religion, — tendant à l'avantage et établissement des huguenots, en même temps qu'à la ruine des catholiques[5]. Sans doute lui-même voyait clair dans leur jeu lorsqu'il disait qu'ils étaient les ennemis de l'État, autant que l'Espagne, qui couvrait toujours ses intérêts les plus injustes d'un spécieux prétexte de foi et de propagande religieuse ; sans doute il refrénait souvent leur zèle, et nous voulons le croire, il le faisait avec conviction[6]. Mais ils l'entraînaient ; la guerre qu'il allait entreprendre au moment de sa mort était bien une guerre de religion, la guerre souhaitée, rêvée par ses anciens coreligionnaires dont la grande habileté avait été de lui faire prendre pour les siens leurs propres désirs. Ils allaient le jeter sur l'Espagne catholique, aiguillonné encore par la sotte histoire de femme qui lui troublait l'esprit, lorsque le crime du 14 mai 1610 l'arrêta[7]. Pour les protestants surtout, sa mort était une perte, le naufrage définitif de leurs ambitions ; mais le coup de couteau de Ravaillac c'était aussi, momentanément, la paix de l'Europe. — Certes, nous pensons qu'en se convertissant, Henri IV était sincère ; la papauté pouvait se faire gloire de la conversion du pécheur, encore qu'elle ait été plus que conseillée par l'Eglise gallicane[8], mais hardiment aussi on peut dire que s'il y avait vu son avantage, il serait redevenu huguenot ; il aurait évolué, pivoté avec la même désinvolture, la même tranquillité d'esprit, toujours sceptique et goguenard ; il n'était pas catholique et protestant tout ensemble, comme le dit la chronique ; il ne tenait à rien, se moquait de tout[9], — peut-être avec un penchant inavoué pour la Réforme, qu'il avait si longtemps pratiquée. Ce sont surtout les protestants, du reste, qui ont fait la réputation d'Henri IV[10] : sa grande force, il faut bien le dire, fut l'indifférence, le marchepied qui avec son droit et son esprit de Méridional lui avait aidé à gravir le trône. Toutefois, il n'avait pu apprivoiser les catholiques à gros-grains, comme on appelait les Ligueurs mal ralliés, et ils lui avaient fait la réputation d'un ennemi de la religion, — des catholiques. Dans le clergé, de même, beaucoup continuaient à le tenir pour suspect, et l'on rapporte à ce propos que dans les bréviaires de Paris, Lyon, Bordeaux, on avait omis volontairement la prière pour sa conservation. Ce fut le parlement de Toulouse qui s'aperçut de la fraude et qui rendit un arrêt en conséquence. — Henri IV reste quand même un adroit politique. Il avait usé de tout, de la pitié comme du sarcasme, des caresses et des coups — et avait été heureux autant qu'habile. Gascon qui ne doutait de rien, s'écrie Michelet, il était très ferme comme soldat ; pour le reste, aussi changeant que l'eau. A titre de Gascon, il avait la sobriété, la plaisanterie, la ladrerie, trouvant mille pointes amusantes qui le dispensaient de payer[11]. Il était du reste rongé par des légions de parasites, de grippe-sous, — maltôtiers, gens de finance, — et Sully eut bien à batailler pour mettre un peu d'ordre dans ses affaires d'argent. Lorsque l'historien du Haillan[12] vint le saluer à Saint-Denis (fin de 1593), il lui recommanda surtout de mettre au long dans son histoire les larcins de ses trésoriers et les brigandages de ses gouverneurs. Au siège de Laon (1594), tandis que les gens de finance faisaient grasse chair à Paris, les troupes et le roi lui-même mouraient de faim. On faisait même jeûner Madame, — Catherine de Bourbon, sœur d'Henri IV, — en disant que puisqu'elle ne voulait se convertir et aller à la messe, ne pouvant en venir à bout par le bas, on tâcherait d'en avoir raison par le haut. — Le pays toutefois fut reconnaissant au roi qui lui avait rendu sa vitalité et sa force, et lui permettait de reprendre rang parmi les États d'Europe. Mais il faut bien le dire, si comme souverain le premier Bourbon a quand même grande figure, ayant réussi à pacifier le royaume malgré des difficultés multiples, — encore que la lassitude générale, après les troubles et la haine de l'étranger, l'y aient utilement servi, — comme homme privé il n'est pas excusable. Quand les gens ont disparu sans doute, on s'aperçoit qu'ils avaient toutes les qualités ; la mort leur donne droit au panégyrique ; il faut un peu de temps pour revenir à une appréciation équitable[13] et surtout qu'ait disparu l'intérêt, — ici l'intérêt dynastique. Mais seuls aujourd'hui, les protestants peuvent avoir avantage à maquiller le personnage d'Henri IV, car malgré l'abjuration, c'est toujours eux-mêmes qu'ils défendent. — Ils avaient prétendu tout réformer, apporter l'austérité et le rigorisme dans les mœurs ; ils avaient déblatéré contre la sentine romaine, et poussant des cris d'indignation, s'étaient voilé la face en parlant de la dépravation des Valois. Or, voyez l'ironie des constatations ; le premier roi qu'ils donnaient à la France, — on peut même dire le seul — sorti du protestantisme, il est vrai, et redevenu catholique, puisque Paris valait bien une messe, — mais huguenot quand même, entouré et conseillé par les huguenots[14], c'était ce trousseur de cottes, cet éternel coureur de guilledou, resté le type du roi galantin, tellement que seule a survécu dans l'imagination populaire la figure gauloise et narquoise de ses dernières années. — C'était un mâle, et, disons le mot, un satyre, comme l'accuse son profil, s'écrie Michelet. Tempérament de chat maigre, ce garçon remuant, actif, était toujours par voies et par chemins ; toujours en affaires et toujours en intrigues de femmes[15] ; l'inaction lui pèse, et du reste il ignore ce que peut être la constance en amour. Il n'aime pas une femme, mais les femmes. C'est la Concupiscence, pour parler le langage de l'Église[16]. Sans doute le nombre total de ses maîtresses pourrait aujourd'hui faire sourire ; mais il n'était ni beau ni jeune ; on n'avait pas non plus au seizième siècle nos facilités de communication, et il a été très bien dit que la liste de ses conquêtes pourrait très probablement être doublée après une recherche consciencieuse, car lui-même en ignorait le nombre. Il a dû, certes, lui être beaucoup pardonné, car il a beaucoup péché. — Pourtant on aurait tort d'incriminer, lorsqu'on parle de sa fringale amoureuse, l'influence des mœurs papistes, dont le relâchement mettait en fureur ses amis les parpaillots, car la première partie de sa vie, lorsqu'il n'était encore que roi de Navarre, indique assez que, demeuré protestant, il eût suivi les mêmes errements et continué les mêmes pratiques. L'Église le prit tel qu'il était, avec ses qualités, ses défauts et ses tares, et ne prétendit jamais le rendre meilleur. Il était joueur, il était buveur ; il était menteur ; il était paillard, d'esprit plutôt double, et d'un égoïsme féroce[17]. Mais il a été aimé surtout à cause de ses faiblesses ; il est humain ; il a ses petits côtés, et pis, ses défauts ; il ne plane pas dans l'empyrée avec les dieux qui sont au-dessus de la terre ; il est tout proche de nous, et nous comprenons ses défaillances, qui seraient peut-être les nôtres. — Cependant, avec tant d'aventures et de penchant pour les femmes, il eut le bon esprit de ne leur permettre jamais de se mêler des affaires de l'État[18] ; c'est une qualité et non des moindres dans la situation qu'il occupait. D'ailleurs, on n'est jamais ni entièrement bon, ni entièrement mauvais. Comme il avait été attaché à Gabrielle d'Estrées, il fut longtemps attaché à Henriette d'Entragues, malgré les traverses de leur amour, et ne le sacrifia qu'à la longue et par lassitude de son caractère à la fois indifférent et querelleur ; lorsqu'il crut avoir trouvé dans la jolie Charlotte de Montmorency celle qui, pourrait-on dire, devait la remplacer. — Mais l'aimait-elle ? C'est la question qui se pose au terme de cette étude. On le croirait par instants lorsqu'on cherche à comprendre le caractère de cette femme ; après des paroles véhémentes, elle faiblit, se laisse reprendre, quitte à renouveler ensuite la querelle ; et il serait aussi hasardeux d'affirmer qu'elle était sincère qu'imprudent de le mettre en doute. Certes, ce n'était pas une vertu, mais en somme il l'avait prise vierge, car il n'y a contre elle que des ragots, surtout de Sully, comme il y a sur Marie de Médicis que les potins qui lui donnent Concini pour amant. Mais enfin, s'il n'avait pas été le premier à la posséder, il était le premier qui lui eût fait entrevoir, après les épanchements des débuts et ce que nos aïeules appelaient la bagatelle, la perspective d'un établissement durable. C'est cela qu'elle jalousa, qu'elle défendit, on peut dire, âprement, avec des cris de colère et des sursauts de rancune, lorsqu'elle put croire que définitivement il allait se détacher. On a eu beau dire aussi que la fille de François de Balzac n'était qu'une aventurière ; dans l'histoire de la promesse de mariage, qu'il fit de son plein gré et d'un cœur léger, — bien mieux, malgré les remontrances de Rosny, — Henri IV n'a pas le beau rôle. La marquise de Verneuil, sans doute, ne lui fut pas fidèle ; mais quelle maîtresse eût été fidèle au Béarnais qui lui-même — à cinquante-sept ans — n'avait pas seulement idée qu'on pût l'être ? Il y a d'ailleurs assez souvent chez les femmes un sentiment qu'elles n'avouent pas ; l'attachement pour l'homme qu'elles sentent supérieur, — qu'elles raillent, mais dont elles ne veulent pas être privées. Chez celles même qui se vendent, on peut trouver enfin un arrière-fond de tendresse qui, à la longue, est fait de l'accoutumance, des souvenirs, ainsi que des avantages espérés ; — et il peut y avoir également de la rancune, car elles ne pardonnent pas à celui dont elles ont été la dupe ; qui les a prises comme jouet, comme passe-temps. C'est, je crois, toute la psychologie de la marquise de Verneuil, bien que des rencontres ultérieures puissent modifier notre jugement.

Des dernières maîtresses d'Henri IV, Mlle d'Entragues est celle dont le sort, au reste, demeure le plus déconcertant. Elle disparaît dans le naufrage de ses illusions, pour ainsi dire, alors que ses rivales, qui lui étaient inférieures en esprit et même en beauté, se trouvèrent établies, avantagées bien au delà de ce qu'elles pouvaient valoir. — La comtesse de Moret épousa ainsi en 1617 René Dubec, marquis de Vardes et gouverneur de la Chapelle, qui était de dix ans moins âgé qu'elle ; elle en eut une fille qui fut mariée au duc de Rohan et un fils qui devint le favori de Louis XIV et dont on connaît les aventures avec une autre princesse de Condé ; avec la duchesse de Roquelaure et la comtesse de Soissons. Il finit par être jeté à la Bastille et exilé à Montpellier. — Mme de la Haye, Charlotte des Essarts[19], fille de Fr. des Essarts, qui était lieutenant général de Sa Majesté en Champagne, se lia scandaleusement avec M. de Reims, Louis de Lorraine, fils du duc Henri tué à Blois ; un cardinal qui portait le justaucorps de buffle et traînait la colichemarde. Il l'épousa secrètement avec dispense du pape[20] et en eut trois fils et deux filles, déclarés bâtards ; il mourut à Saintes en 1621 et Charlotte des Essarts se remaria en 1630, après diverses aventures de galanterie, avec M. du Hallier qui fut gouverneur de Nancy et maréchal de l'Hôpital[21]. Elle ne trépassa qu'en 1651. — Quant à la princesse de Condé, qui avait rêvé de s'asseoir sur le trône de France, réconciliée enfin avec son mari, après avoir désavoué les lettres compromettantes où elle appelait le roi mon tout et mon cher chevalier, —chacun en somme avait cherché à se tirer d'affaire, — elle en vint à partager la captivité du prince lorsqu'il eut été arrêté sur l'ordre de Marie de Médicis. Condé avait d abord été mis à la Bastille ; après la mort du maréchal d'Ancre il supplia Sa Majesté de lui bailler la princesse sa femme. Elle alla le rejoindre et fut ensuite transférée avec lui à Vincennes. Il devait y rester jusqu'en 1619. — La princesse, cependant, sut garder jusqu'à la fin sa haute situation, et l'âge même, a-t-on dit, eut sur elle peu de prise. Sa beauté était grande encore, rapporte Mme de Motteville, lorsque dans mon enfance j'étais à la Cour, et elle dura jusqu'à la fin de sa vie. Nous lui avons donné des louanges sans flatterie[22]. — Elle avait eu la petite vérole, ajoute Tallemant, et il lui en demeura une grosse couture à chaque joue ; elle guérit enfin et devint grasse, et fut la plus belle personne de la cour. Elle était blonde et blanche ; elle avait des yeux bleus et parfaitement beaux ; sa mine était haute, et toute sa personne, dont les manières étaient agréables, plaisait toujours.

Tallemant qui ne pouvait manquer une telle occasion d'exercer sa langue, lui donne aussi pour amant le cardinal de La Valette, — qui y dépensait si bien son argent que lorsqu'il mourut, vers 1640, ses revenus étaient engagés pour dix ans ; d'autres ont ajouté Chavigny, bien que certains en aient douté, explique encore l'anecdotier, — et même Bassompierre, qui avait dû l'épouser toute jeune ; et elle disait, paraît-il, qu'elle regrettait bien que le cardinal n'eût pas été souverain pontife, afin de pouvoir se vanter d'avoir eu des amants de toutes les conditions : des papes, des rois, des ducs, des maréchaux de France, — et même de simples gentilshommes !

 

 

 



[1] Histoire des princes de Condé, t. II, p. 324.

[2] Inscription de la ville d'Henrichemont, rapportée par L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 543-544.

[3] Lettres, œuvres complètes, t. I, p. 283.

[4] Il y a trois choses, disait Henri IV, que le monde ne veut pas croire : c'est que la reine Élisabeth est morte fille ; que l'Archiduc est un grand capitaine et que le roi de France est fort bon catholique. (L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 348.)

[5] Le roi allait partir pour se mettre à la tête de la ligue des princes protestants d'Allemagne, ce qui, dans les idées du temps équivalait à faire la guerre au pape et à la religion catholique. (LA BARRE-DUPARCQ, Henri IV, p. 208, note 2.)

[6] Ceux du Dauphiné, à l'assemblée de Gap, voulurent déclarer le pape l'Antéchrist et envoyer leur déclaration à toutes les universités d'Europe. Cette nouveauté dangereuse, blâmée par le roi, fut combattue par Sully, qui s'entremit près des sieurs de Saint-Germain et des Bordes, tant, qu'on obvia aux inconvénients qui seraient arrivés d'une telle résolution et publication si elle avait eu lieu. (Lettre de Villeroi à Rosny, 19 novembre 1603. Œconomies royales, t. I, p. 517.)

[7] Son dernier projet, pensé et prépare de si loin, paraît admirable ; mais il le déshonora par le premier usage qu'il voulut et qu'on ne sut que trop qu'il allait faire de son armée pour satisfaire sa passion, et enlever en personne, à main armée, la princesse de Condé à son époux et à l'Archiduchesse chez qui ce prince l'avait réfugiée. (SAINT-SIMON, Parallèle.) — Il dit ailleurs, du reste, que le grand projet n'était qu'une belle chimère et fait bien des réserves sur son exécution.

[8] On peut indiquer qu'Henri IV eut sa statue à Rome même, lui encore vivant ; elle était sous le porche de Saint-Jean-de-Latran. (Cf. Lettre de M. de Brèves, ambassadeur à Rome, 15 septembre 1609.)

[9] Il faut noter cependant qu'il essaya plusieurs fois d'amener Sully à se convertir. La dextérité avec laquelle le roi se ménageait entre catholiques et huguenots a fait l'admiration de beaucoup d'historiens. (Cf. H. DE ROHAN, De l'intérêt des princes.) On sait qu'au moment de la prise d'Amiens par les Espagnols le parti huguenot marchanda son concours à Henri IV, qui, en somme, lui donna l'édit de Nantes sous la pression des circonstances. Mais les deux cents villes de sûreté qui leur furent accordées ne leur suffisaient pas encore. Après l'édit, de même, ils rendirent leurs assemblées de plus en plus politiques, au lieu de ne s'y occuper que de religion.

[10] Moréri donne à Henri IV plus de cinquante historiens et cinq cents-panégyristes ! On peut bien penser que depuis le dix-huitième siècle ces chiffres se sont notablement accrus.

[11] Il se vantait comme un Gascon, écrit de même Tallemant.

[12] Mort sur la fin de 1610. Il était fort âgé, dit l'Estoile, grand parleur, mais docte, libre et hardi à écrire. (Édit. Michaud, t. II, p. 650.)

[13] La nécessité et la licence des partis et des armes, dès ses plus jeunes ans, dit avec indulgence Saint-Simon, avaient contribué à lui gâter les mœurs... Ce n'est pas merveille qu'échappé de la Cour, ce tempérament vigoureux, devenu d'effet comme de nom chef de parti et accoutumé à l'amour toute sa vie, s'y soit livré comme au seul plaisir qu'il pût trouver parmi les mésaises et les travaux continuels. Cette fatale habitude l'accompagna sur le trône, enracinée comme elle l'était, et n'ayant pour contrepoids qu'une épouse fâcheuse qui lui rendait sa compagnie insupportable, et par ses humeurs et par cette lie de gens dont elle était obsédée, qui le forçait à chercher société ailleurs. — Plus loin, du reste, il s'écrie : On ne peut que déplorer la licence de sa vie jusqu'à la fin, et s'il est louable de son attention et de sa décence à assister d'abord aux prêches, puis à la messe et aux offices de certaines grandes fêtes, on ne peut qu'être effrayé de voir comment il traitait la participation aux plus redoutables sacrements en lisant sa dernière séparation d'avec Gabrielle d'Estrées pour faire chacun ses pâques et se rejoindre aussitôt après. (Parallèle, p. 91, 113.)

[14] C'est un fait qui n'a pas été assez remarqué. Autour de lui, Henri IV n'avait guère que des huguenots. — Un extrait de ses comptes de dépenses publié par Cimber et Danjou indique également que s'il se montrait relativement généreux pour ses maîtresses, il n'oubliait pas ses anciens amis : 1601 : à la marquise de Verneuil, durant les mois d'octobre et décembre : 1 500 livres tournois ; à Mme de Verneuil, pour ses étrennes : 800 écus. — 1602 : comptant ès mains du roi envoyés à Fontainebleau, pour le sieur La Fin, 26 novembre : 500 livres ; à M. La Fin, pour la deuxième fois : 650 livres ; à lui, pour la troisième fois : 650 livres ; à lui encore : 1.650 livres. — 1606 : à Thomas Coignet et Jehan de La Lage, pour une chaîne de 2.000 perles, donnée en étrennes à la comtesse de Moret. : 1.650 livres ; à Mme des Essarts, pour ses couches : 650 livres. — Sully, si parcimonieux, nous informe qu'il avait soin de gratifier plusieurs vieux officiers et soldats protestants qui avaient servi le roi ; mais Henri IV donnait de même à ceux de Genève ; au sieur de Candale, pour ceux de la religion, 374.000 livres. (Archives curieuses, t. XV.)

[15] Son attitude n'a aucun rapport, dit M. L. Jarry, avec les principes de la morale que la royauté devrait toujours garder, car elle est avant tout l'exemple et la vedette. Henri IV fut entraîné toute sa vie par ses habitudes de débauche, et pour ménager ses maîtresses, — surtout Henriette de Verneuil, — se refusa à prendre au sérieux les complots où des gens dont le scrupule n'était pas la qualité dominante, examinaient froidement l'hypothèse d'un assassinat. Ces menaces répétées et presque impunies familiarisaient avec la pensée du dernier crime qui lui coûta la vie.

[16] Il eût été un héros accompli, va jusqu'à déclarer Bayle, s'il eût été réduit au sort d'Origène ou à celui d'Abélard.

[17] C'est même un des traits les plus marqués de sa physionomie ; l'égoïsme se retrouve dans ses rapports avec ses maîtresses, avec la Reine, dans le procès de Biron. Mais on peut penser qu'il n'y a pas là absolument un défaut ; tout caractère marqué est forcément personnel. (Voyez, sur l'ingratitude d'Henri IV, les Mémoires d'Agrippa d'Aubigné.)

[18] H. DE LA FERRIÈRE, op. cit.

[19] Le roi en eut deux filles, qui furent ensuite légitimées : Jeanne-Baptiste de Bourbon, légitimée en mars 1608, qui devint abbesse de Fontevrault et qui mourut en 1681 ; et Marie-Henriette de Bourbon qui mourut abbesse de Chelles en 1629. Henri IV avait meublé Mlle de la Haye de tapisseries et de vaisselles d'argent et lui avait donné 2.000 ou même 3.000 livres de pension. (MALHERBE, lettre du 21 mars 1607.)

[20] Cf. les anecdotes citées par DREUX DU RADIER, t. VI, p. 27-28, et les auteurs qu'il cite : BAYLE, le P. ANSELME, etc.

[21] Saint-Simon affirme qu'elle épousa enfin secrètement Casimir, roi de Pologne, qui avait abdiqué et était abbé de Saint-Germain-des-Prés.

[22] Mme DE MOTTEVILLE, Mémoires, t. III, p. 412.