LA MARQUISE DE VERNEUIL ET LA MORT D'HENRI IV

DEUXIÈME PARTIE. — LE GRAND DESSEIN. - LA MORT DU ROI ET LA RÉGENCE DE MARIE DE MÉDICIS

 

CHAPITRE VII.

 

 

La Régence de Marie de Médicis. — Retour de Condé. — Disgrâce de Sully et avènement de Concini. — Affaire du duc de Guise et Mme de Verneuil.

 

Sitôt la mort d'Henri IV, Marie de Médicis avait quitté son appartement au premier étage du Louvre, et était descendue occuper, selon l'étiquette, l'appartement des reines mères, au rez-de-chaussée, — celui qui avait été si longtemps le logis de la vieille reine Catherine[1]. C'était le commencement du nouveau règne ; mais dès le 15 mai, lendemain de l'assassinat de son père, le petit roi Louis XIII s était transporté au Parlement accompagné de grand nombre de princes, ducs, pairs, seigneurs, gentilshommes et officiers de sa couronne... et Leurs Majestés ayant pris place, le roi séant en son lit de justice, par l'avis des dits princes et officiers, déclara conformément à l'arrêt donné le jour de devant, la reine sa mère Régente en France, pour avoir soin de l'éducation et nourriture de sa personne, et l'administration des affaires du dit royaume durant son bas âge. — Mais tout l'édifice de la monarchie triomphante qu'avait rêvé Henri IV était tombé avec lui ; on abandonna ses grands projets de guerre et de croisade contre l'Autriche. Il se tint, dit Sully, un grand conseil où toutes les personnes de qualité furent appelées pour aviser ce que l'on ferait des armées et grands préparatifs que le feu roi avait faits pour passer en Clèves et en Italie, et naturellement il y eut des avis fort divers. Mais revenu du Louvre, le ministre put dire à sa femme, qui avait toujours la primeur de ses mécomptes : Ma mie, nous allons tomber dans la faction contraire à celle de la France et sous l'entière domination de l'Espagne et des Jésuites ; partant, c'est aux bons Français à penser à eux, et surtout aux huguenots. Les bons Français, pour Sully, c'étaient uniquement les calvinistes, ou ceux qui inclinaient vers le parti ; mais dans sa déconvenue, après avoir si longtemps préparé la revanche des religionnaires, il voyait juste ; le pays ne devait échapper à la coterie protestante que pour retomber sous la férule de l'Espagne[2]. — On régla d'abord l'affaire de Juliers[3], mais on laissa le pape, le grand-duc de Toscane et Maximilien de Bavière s'arranger avec le roi catholique. Les armées des Alpes et du Languedoc furent licenciées et le duc de Savoie dut envoyer son fils pour solliciter un arrangement de Philippe III. — Condé, cependant, n'ayant plus à craindre les cornes, puisque le vieux séducteur de Béarnais était allé de vie à trépas, et du reste mal à l'aise parmi les Espagnols qui avaient pensé l'utiliser pour un coup de force[4], écrivit à sa mère pour qu'elle lui obtînt la permission de revenir[5]. — Marie de Médicis ne crut pas devoir lui tenir rigueur, et d'autant moins qu'il avait, en somme, servi sa jalousie ; le retour de Condé fut accordé et il dut arriver à Paris vers la mi-juillet. — Le 9 de ce mois, racontent les continuateurs de l'Estoile, M. de Bouillon sortit pour aller au-devant de M. le prince, avec Mme la princesse sa mère, M. de la Trémouille et plusieurs autres seigneurs et dames... Le 14, M. d'Épernon, qui avait fait doubler les gardes, et proposé quelques jours auparavant de mettre des garnisons à Paris, sous l'autorité de M. le comte de Soissons, — principalement aux maisons et avenues proches des portes de la ville, ce qui avait donné l'alarme à M. le prince qui était près d'y rentrer, — sortit de Paris accompagné de bien cent chevaux pour aller au-devant de lui. M. de Sully fit de même avec deux cents chevaux. Son Excellence dîna au Bourget, et à peine arrivé rebroussa chemin pour aller à Saint-Denis donner l'eau bénite au feu roi, à quoi le porta principalement l'avis que lui envoya de Paris, par homme exprès, Mme d'Angoulême, lui faisant entendre que la reine régente aurait fort agréable qu'il y allât. Après dîner, le prince s'achemina du Bourget à Paris, entretenu sur le chemin par M. de Sully, et reçut force billets et avertissements de se donner garde et n'entrer si légèrement dans la ville. Mais finalement, il en reçut un de M. le président de Thou, qui lui donnait avis que ces bruits étaient faux et qu'il pouvait venir en toute sûreté. Il arriva à la porte Saint-Martin vers quatre heures et y trouva une grande troupe de cavalerie, quinze cents à deux mille chevaux. Il était monté sur une haquenée pie, — don de l'Archiduc, — et avait à sa droite M. le prince d'Orange, son beau-frère, et à gauche M. le comte de Beaumont. Le chroniqueur remarque du reste qu'il était assez décontenancé. Il alla au Louvre et bien qu'il se composât de tout ce qu'il était possible, ne laissa-t-on pas de remarquer à son port et à son visage qu'il avait de l'appréhension, laquelle redoubla quand il vit qu'on avait fermé les portes à la plus grande part de ceux de sa suite. Finalement il vint saluer le roi, qui le contenta par son bon accueil ; le duc de Guise le reconduisit à son hôtel de Lyon, proche du sien, où le vint voir le comte de Soissons. On disait que le sieur prince ne respirait que le service de Leurs Majestés, et qu'il avait protesté ne tenir jamais parti que celui du roi et de la reine, selon la sage instruction de M. le connétable son beau-père, et de M. de Bouillon, l'un et l'autre des plus exercés aux affaires d'État[6]. — Mais ces belles résolutions devaient bientôt s'en aller en fumée[7]. Dès le 17 mai, le conseil de régence avait été institué, où entrèrent les princes du sang, d'Épernon, Guise, Mayenne, les ministres du feu roi ; mais à côté s'était déjà formé un conseil secret, que la reine se réservait de consulter mieux à l'aise : le nonce du pape, l'ambassadeur d'Espagne, Dolé, le P. Cotton, le médecin Duret et surtout Concini, qui se démasque alors et dont la mort d'Henri IV allait faire la fortune[8]. — Toute la politique du moment, en somme, ne prétendait qu'à vivre. On fit appel à la conciliation et pour détourner les exigences qu'on pouvait craindre, on les prévint. Le comte de Soissons reçut ainsi 200.000 écus sonnants, 50.000 écus de pension, les gouvernements de Normandie et du Dauphiné ; d'Épernon, avec le gouvernement de Metz, eut les Trois-Évêchés ; Guise fut gratifié de 100.000 écus. Quant à Concini, il devait avoir bientôt le marquisat d'Ancre avec la lieutenance générale de Péronne, Roye et Montdidier. En même temps, les bonnes paroles adressées à Duplessis-Mornay et une gratification de 200.000 livres au duc de Bouillon assuraient la bonne volonté des chefs protestants, pendant qu'une solennelle confirmation de l'Édit de Nantes prévenait de ce côté, — momentanément ! — toute crainte de guerre civile[9]. — Mais c'était le trésor de guerre amassé par Henri IV qui soldait ces libéralités. Jusqu'au 1er août 1610, dit l'Estoile, sept millions de livres furent tirées de l'Arsenal. — Quant à Sully, qui avait été l'homme important et à tout faire du précédent règne, il se trouva bientôt mis en disgrâce. Depuis la mort d'Henri IV, d'ailleurs, il n'était plus rien ; avec la réaction catholique qui se dessinait alors, il ne lui restait que les yeux pour pleurer, assaut pénible et dure rencontre pour un cœur sec et ambitieux comme était le sien[10]. C'était par lui cependant que Marie de Médicis était devenue reine de France ; c'était lui qui avait poussé le Béarnais à se remarier, et n'avait eu de repos que lorsque la naissance du petit Louis XIII avait eu définitivement assuré la succession. On ne le paya que d'ingratitude[11]. Mais il faut bien le dire, ce gros homme, fat et plein de soi, était parfaitement insupportable ; sa gloire assommait tout le monde et on était las de sa figure de réprimande. On eut hâte de s'en débarrasser et à peine y mit-on des formes. Le sacre du roi fut célébré le 17 octobre par le cardinal de Joyeuse et au retour de Reims, après qu'on eut tiré les bouettes de l'Arsenal, un parti se déclara d'abord contre Concini, premier gentilhomme de la chambre, qui avait osé disputer le pas à Bellegarde (!), soutenu par le comte de Soissons et par Épernon. Une même haine et des intérêts communs réunirent ensuite les seigneurs contre Sully, toujours âpre et rude aux pillards. Guise, Mayenne, Condé, Joinville, le président Jeannin, Villeroy demandèrent unanimement son renvoi, qui devait être un gage de réconciliation pour la cabale[12]. Sur les sollicitations de la reine, ainsi, moitié de gré, moitié de force, mais en somme à la satisfaction générale, il dut se démettre de ses charges de surintendant des finances et de gouverneur de la Bastille (26 janvier 1611), le tout contre une somme de 300.000 livres, — car lui non plus ne donnait rien pour rien[13].

D'ailleurs avec la régence, on peut bien le redire, le rôle des protestants était fini ; tous leurs projets s'en allaient à vau-l'eau. C'étaient d'autres idées ; d'autres hommes prenaient la direction politique. La royauté se trouvait entourée du vieux parti catholique, des agents de l'Espagne et avec Richelieu bientôt allait reprendre sa lutte acharnée contre les religionnaires. Après avoir voulu tout détruire et se poser en vainqueurs de l'Europe, ils allaient en être réduits à se défendre comme au vieux temps de Charles IX. Lors de l'assemblée triennale du parti qui se tint à Saumur, un premier vœu fut exprimé pour prier Sully de ne pas se démettre de sa charge de grand maître de l'artillerie, ni des autres offices qui lui restaient[14], avec promesse où pour ce regard il serait recherché par voies illégales et extraordinaires, de faire toute démonstration jugeant l'état au dit duc, conjoint avec l'intérêt général des églises et de la justice[15]. Puis on demanda l'extension du culte calviniste suivant la teneur réelle de l'édit de Nantes ; des immunités égales pour les ministres protestants et pour les prêtres catholiques ; la périodicité régulière des assemblées, par exemple tous les deux ans ; une prorogation de dix ans pour la garde des places de sûreté, etc. Mais la reine, en accordant pour cinq ans la conservation des places, intrigua surtout pour amener la dissolution de l'assemblée. Ce fut là toutefois que sous l'influence du duc de Rohan, on établit une sorte de constitution républicaine des huit cent vingt-six églises protestantes en seize provinces, divisées par districts et groupées en cercles, dont les conseils devaient se réunir en assemblée générale[16]. Mais ce n'étaient encore que des dispositions sur le papier. Lorsque le P. Gontier avait prêché devant le duc d'Épernon, à l'église Saint-Étienne-du-Mont, disant que les huguenots s'étaient vantés d'être neuf cent mille âmes de leur religion en France, le duc s'était écrié : C'est beaucoup, sans doute, mais quand il en serait ainsi et que le compte fût bon, qu'est-ce auprès de celui de nous autres catholiques ? Je m'assure que nous nous trouverons être six ou sept fois plus qu'eux, et qu'il n'y en aura pas pour un bon déjeuner[17]. — Sully disgracié, acrimonieux, son rôle fini, désœuvré parce qu'il était devenu inutile, se vengea en dictant le fatras de ses Mémoires[18]. Mais il vécut encore assez pour voir la lutte des Réformés contre l'autorité royale, et même le siège fameux de la Rochelle, qui fut un de leurs derniers remparts, car il ne mourut qu'en 1641. On l'avait vu un moment reparaître à la Cour, raconte Tallemant des Réaux, qui ne pouvait perdre une telle occasion d'exercer sa langue, et parmi les élégants de l'époque, il semblait une sorte de phénomène, avec ses costumes du temps passé ; de bête rare et de fossile, comme autrefois la pauvre reine Margot revenue d'Auvergne, et dont le même anecdotier nous a laissé le portrait ridicule.

Toutes les faveurs de la Régente allaient cependant à Concini, porté au pouvoir malgré l'aversion de Louis XIII, qui le détestait au moins autant que les huguenots et les Espagnols, et qui alors ne voyait plus d'obstacles à sa fortune. Ce jour, 26 août 1610, a-t-on noté encore dans le Journal de l'Estoile[19], le seigneur Concini, Italien, fut reçu conseiller d'État, et en prêta le serment au Louvre, entre les mains de la reine régente, sa bonne maîtresse. Le gouvernement de Calais fut donné à M. d'Arquin (15 août), auquel avait été promis le premier gouvernement qui viendrait à vaquer, pour avoir été dépouillé de celui de Metz par M. d'Épernon. La reine néanmoins l'eût bien voulu donner au seigneur Concini, son favori, qui le lui avait demandé... Mais il lui fut rapporté un propos qu'on avait entendu tenir à M. d'Arquin, qu'il allait faire ses Pâques, et qu'au sortir de là il irait tuer Concini, fût-il entre les bras de la reine, ne lui étant possible de survivre une si grande supercherie[20]. — M. de Villeroi en ce temps, — fin d'août, — fort mal content de la Cour et de la reine, à laquelle il refusa de signer un écrit portant 40.000 écus pour Concini, qui devait acheter le gouvernement de Montdidier, Roye et Péronne, que M. de Créqui lui avait vendu, etc.[21].

Avec le pillage effronté des seigneurs, le laisser aller de Marie de Médicis, on regrettait déjà la main solide du roi mort[22], et il échappa même à Henriette d'Entragues, qui peut-être avait contribué à sa fin, de dire à ce propos : Oh ! si notre petit homme pouvait revenir, comme il empoignerait le fouet pour chasser tous ces marchands du temple ! — Mais le petit homme dormait dans les caveaux de Saint-Denis, et elle-même devait avoir de nouveaux déboires ; les choses en somme ne s'étaient pas arrangées au gré des conspirateurs ; malgré la comédie d'une officielle réconciliation, elle gardait l'inimitié de Marie de Médicis, à présent toute-puissante. L'Italienne, vindicative, avait trop souffert par elle autrefois, et l'on prévoyait qu'elle se vengerait. Les courtisans, toujours habiles à flairer le vent, délaissèrent dès lors Mme de Verneuil ; son cercle d'intimes se raréfiait lorsque au commencement de 1611 le duc de Guise projeta d'épouser Mme de Montpensier, malgré l'inimitié ancienne des deux familles. Le cardinal de Joyeuse s'entremit et les fiançailles se trouvèrent faites. Mais le duc de Guise, on l'a vu bien avant, avait fait une promesse de mariage à Mme de Verneuil — promesse parfaitement en règle — et elle pouvait s'opposer à l'union projetée. Guise fit des démarches auprès d'elle, mais sans aucun résultat, non qu'elle y mît beaucoup de méchanceté, car elle ne l'avait si bien entortillé naguère que pour exciter la jalousie d'Henri IV ; mais ses derniers familiers, ravis de voir un homme qu'ils jalousaient en si mauvaise posture, l'excitaient à persister. — Le duc, furieux de sa déconvenue tant les temps étaient changés, prit enfin le parti de déclarer faux le contrat qu'il avait signé. La marquise fut ainsi obligée de présenter l'original chez le comte de Soissons, en présence du duc d 'Épernon et du cardinal de Joyeuse. La discussion porta bientôt sur les signatures. On convoqua les notaires qui avaient dressé l'acte. Ils étaient très âgés, les récits l'indiquent, lorsqu'ils avaient rédigé le contrat, et depuis l 'un était mort ; l'autre qui ne valait guère mieux niait absolument sa participation, tant il flairait une méchante affaire. — Pourtant Henriette affirma si hautement sa bonne foi que les assistants se trouvèrent dans un grand embarras. Elle était d'ailleurs soutenue par le comte de Soissons, qui aurait voulu empêcher le mariage projeté du duc de Guise, de crainte que celui-ci n'entravât, en faveur d'un de ses parents, le comte de Vaudremard, une union que lui, comte de Soissons, projetait entre l'héritière du duc de Montpensier et son propre fils. Mais la reine tenait en grippe la maison de Soissons, dont elle redoutait la fortune, comme elle soutenait le duc de Guise et gardait rancune à Henriette. Elle alla même jusqu'à dire au comte qu'il avait tort de vouloir ôter à M. de Guise sa femme lorsqu'il lui avait déjà ôté son gouvernement d'Orléans. Elle chargea ensuite le président Jeannin d'aller trouver Mme de Verneuil et de lui dire qu'il lui serait agréable qu'elle voulût bien se désister. — Jeannin, habilement, lui représenta le tort qu'elle se faisait en se mettant à dos Marie de Médicis en même temps qu'une maison si haut placée, et lui remontra qu'il serait plus sage de les conserver comme amis. La marquise ne demandait qu'à se laisser convaincre ; elle acquiesça de suite et le duc de Guise fut si heureux de ce résultat qu'il entreprit de la réconcilier sincèrement avec la reine. C'était sans doute peine perdue, et même pour ne garder que les apparences, la chose était délicate, après les rivalités passées. Mais Guise était adroit et insinuant ; il amena bientôt Marie de Médicis à consentir à ce qu'Henriette fût admise à lui faire sa cour. L'ancienne amie du roi, adroite et fine, se tira de ce pas avec tant de discrétion et de bon goût que la reine ne put que s'en déclarer charmée ; elle l'autorisa même à lui rendre visite quand bon lui semblerait. Maîtresse retraitée, n'ayant plus rien à prétendre, Mme de Verneuil avait fait contre male fortune bon cœur ; c'était une enjôleuse, et Marie de Médicis prit même un moment grand plaisir à la voir. — Mais on pensa généralement que le duc de Guise devait s'estimer heureux d'avoir eu ce procès après la mort d'Henri IV ; le matois Béarnais, on peut s'en souvenir, aimait fort qu'on épousât ses maîtresses, et il n'aurait pas résisté, sous couleur de rendre justice à un ancien caprice, — aussi bien lui devait-il quelque compensation, — au plaisir d'abaisser enfin une maison qu'il n'avait jamais pu réduire par les armes[23].

La reine eut d'ailleurs des retours de jalousie et Marie d'Entragues, sœur d'Henriette, se trouva bien en fin de compte payer pour son aînée. Elle avait entre les mains, elle aussi, une promesse de mariage que lui avait souscrite Bassompierre dont elle avait un fils. C'était le procédé du temps et le roi de Navarre avait fait école. Elle voulut l'invoquer devant le Parlement de Rouen ; mais Marie de Médicis envoya le maître des requêtes Marillac, avec des lettres de sa main pour les juges, qui, heureux de faire leur cour, se hâtèrent de dispenser Bassompierre d'épouser sa prétendue victime.

 

 

 



[1] Salles 11 à 15 de la sculpture antique dans le musée actuel.

[2] Marie de Médicis, en sa qualité d'Italienne, avait peu de tendresse pour les parpaillots ; mais, soit qu'elle n'ait pas vu exactement alors leurs intentions, soit que le pays ait voulu garder d'abord la paix intérieure, si chèrement acquise, il y eut une ferme intention de ne pas revenir à la guerre civile : Les catholiques, dans les villes où ils se trouvèrent les plus forts, dit l'Estoile, prirent les religionnaires en leur protection, comme aussi firent les huguenots pour les catholiques où ils se trouvèrent les maîtres ; se jurèrent les uns aux autres inviolable fidélité et mutuel secours au cas qu'on les voulût offenser. (Édit. Michaud, t. II, p. 597.) Ce fut surtout la coterie des seigneurs qui, ensuite, recommença les troubles.

[3] L'affaire de Juliers s'arrangea en effet après la mort d'Henri IV. Le jeudi 2 septembre 1610, la ville et le château furent remis aux mains des princes de Brandebourg et de Neubourg, en la possession desquels demeura tout le duché. Le siège avait duré quatre semaines et sept jours ; il s'y perdit de deux à trois mille hommes. Le maréchal de La Chastre revint avec ses troupes en France ; le prince d'Anhalt repassa le Rhin avec ses reîtres, et le comte Maurice reconduisit ses troupes en Hollande. (L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 635.)

[4] Trompée par les rapports de son ambassadeur à Pans, la cour de Madrid s'était beaucoup exagéré l'importance de Condé ; on croyait trouver en lui un auxiliaire aussi utile que l'était le duc de Savoie pour le roi de France, — Tallemant mentionne même qu'il devait commander une armée dans le Milanais, et Philippe III lui avait de nouveau écrit pour lui promettre appui et protection ; le duc de Lerme y avait joint les plus cordiales déclarations, et le comte de Fuentès continuait à lui rendre de grands honneurs. Il était à Milan, logé dans le palais ; un service somptueux avait été mis à sa disposition ; une garde veillait à sa porte et le suivait partout. Mais il était astreint à toutes les exigences de l'étiquette espagnole et en supportait péniblement la gravité et la pompe continuelle ; il étonnait ses hôtes et les ennuyait de sa curiosité. Des agents secrets du roi de France lui conseillaient de se mettre sous la protection du pape. Combattu dans cette idée par les Espagnols, la nouvelle de l'entrée des Français en Lombardie le fit se livrer entièrement aux mains des nôtres. La nouvelle de la mort du roi lui arriva peu après. Les Espagnols songeaient à proposer le prince comme son successeur sur le trône ; on alla même le saluer comme juste héritier de la couronne, mais il n'accepta que le titre de Régent, et rentra bientôt en France, où il fit sa paix avec Marie de Médicis. (Duc D'AUMALE, Histoire des princes de Condé, t. II, p. 341-348.)

[5] Madame, écrivait Condé, je vous envoie deux lettres : l'une au roi, l autre à la reine, pour me condouloir avec eux de l'horrible assassinat commis en la personne du feu roi, mon seigneur, et leur témoigner l'extrême regret que j'en ai eu, comme aussi leur offrir mon très humble service. La reine sait mieux que personne la juste cause que j'ai eue de sortir de France. C'est pourquoi je vous supplie l'assurer que tout ce qu'on lui peut avoir dit que j'ai parlé hors de cette cause-là est très faux, lui ayant toujours gardé et au roi mon seigneur son fils, en paroles et effets, l'honneur et respect que doit un très humble sujet. Et pour ce que votre prudence saura mieux lui donner par vos discours cette assurance de la vérité de mes paroles, je m'y remettrai, attendant l'honneur de ses commandements et des vôtres ; et demeurerai pour jamais, madame ma mère, votre très humble, etc. — Henri DE BOURBON. A Milan, ce dernier mai 1610. (L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 607.)

[6] L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 618-620.

[7] Le prince finit par se retirer à Valeri (17 décembre), assez mal content et sans avoir pris congé de la reine. Il en revint le 29 du mois.

[8] Pour l'homme patient, qui aura le moyen d'attendre, avait écrit autrefois Giovannini au grand-duc de Toscane lorsqu'il avait été question d'attacher Concini à la personne de la reine ; pour l'homme intelligent et ambitieux qui jouira de la faveur et des bonnes grâces de ses maîtres, il y a eu ce règne-ci du drap en abondance et l'on s'y peut tailler de bons morceaux. 28 juin 1600. (Négociations diplomatiques avec la Toscane, t. V, p. 417.) La carrière rapide de l'Italien peu scrupuleux, en somme, sur les moyens de faire fortune, indique assez que cet avis ne fut pas donné en pure perte.

[9] BORDIER et CHARTON, Histoire de France, t. II, p. 176.

[10] Quand il fut surintendant, raconte Tallemant des Réaux, il fit par bravoure un inventaire de ses biens qu'il donna à Sa Majesté, jurant qu'il ne voulait vivre que de ses appointements, et profiter de l'épargne de son revenu, qui ne consistait alors qu'en la terre de Rosny. Mais aussitôt il se mit à faire de grandes acquisitions et tout le monde se moquait de son bel inventaire. Le roi témoigna assez de ce qu'il en pensait. Un jour Sully ayant bronché dans la cour du Louvre en le venant saluer, comme il était sur un balcon, il dit à ceux qui étaient auprès de lui qu'ils ne s'en étonnassent pas, et que si le plus fort de ses Suisses avait autant de pots de vin dans la tête, il serait tombé tout de son long. (Historiettes, t. I.) Si nous en croyons ce potinier de Tallemant, Henri IV ainsi aurait estimé Sully à sa juste valeur.

[11] La reine n'avait ni gratitude, ni reconnaissance ; tous les ministres qui l'avaient faite régente, elle les a tous chassés. (Bibl. nat. Mss Fontanieu 446-447.)

[12] BORDIER et CHARTON, op. cit., t. II, p. 178.

[13] Il dut bien reconnaître que l'air de la Cour ne lui était plus propre ; l'état des affaires et Leurs Majestés tellement disposées qu'il lui valait mieux se retirer. (L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 654.)

[14] Sully conserva sa charge, du reste tout honorifique, jusqu'en 1634. Richelieu pour l'en dépouiller le fit maréchal de France.

[15] Duc DE ROHAN, Mémoires.

[16] Cf. la Reine Margot et la fin des Valois, p. 48.

[17] L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 621. — La reine, déjà mal disposée pour les protestants, était encore poussée contre eux par sa favorite, — la Conssine, comme l'appelle le chroniqueur, — qui lui représentait que si elle voulait assurer la tranquillité du règne de son fils, elle ne devait plus souffrir l'exercice de deux religions dans le royaume, et que le malheur qui avait frappé son mari n'avait procédé que de là. D'Épernon ne parlait donc pas sans être bien informé de ses intentions.

[18] Comme dans la prospérité il avait été insolent, de même il fut lâche et failli dans l'adversité, ajoute Tallemant. Il était si haï que par plaisir on coupait les ormes qu'il avait fait mettre sur les chemins pour les orner. C'est un Sully, disait-on, faisons-en un Biron !Plus de vingt-cinq ans après que tout le monde avait cessé de porter des chaînes et des enseignes de diamants, Sully en mettait tous les jours pour se parer, et se promenait en cet équipage à la place Royale, près de son hôtel. Tous les passants s'amusaient à le regarder. A Sully, où il s'était retiré à la fin de ses jours, il avait quinze ou vingt paons et sept ou huit reîtres, de vieux reîtres de gentilshommes qui, au son de la cloche, se mettaient en haie pour lui faire honneur quand il allait à la promenade, puis le suivaient ; je pense que les paons suivaient aussi. Il entretenait je ne sais quelle garde suisse, et disait qu'on pouvait se sauver en toutes sortes de religions. Il mourut au château de Villebon et demanda à être enterré en Terre Sainte. (Historiettes, t. I.)

[19] Édit. Michaud, t. II, p. 626.

[20] Édit. Michaud, t. II, p. 631.

[21] L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 635. — Entre temps, Marie de Médicis avait envoyé à Florence pour avoir la généalogie de son favori, qu'elle avait fait marquis d'Ancre et voulait voir duc et pair de France ; mais, dit le Journal de l'Estoile, qui se fait trop souvent l'écho des racontars du temps, cela fut tenu secret et l'on n'en a rien vu de public ni d'imprimé. L'extrait qui en a couru et que l'on tient pour le plus certain touchant l'extraction paternelle seulement (car de l'aïeul et bisaïeul, il ne s'en trouve aucun mémoire, ni à Florence, ni ailleurs) est que ledit Concini est le fils d'un secrétaire du duc de Florence, lequel on a vu à Paris mendier ses repas et n'avoir de quoi acheter des souliers, même sur le seigneur Balthazar au faubourg Saint-Germain, qu'il attendait souvent, n'ayant de quoi diner, jusqu'à une heure ou deux heures après midi. De sa valeur, outre celle de la table, il n'en parle point, etc. Quant à sa femme, on a trouvé qu'elle était fille d'un menuisier, et pour le regard de son fils, maintenant abbé de Marmoustier, on l'a vu à Florence enterrer les morts. (6 février 1611. Ibid. D. 655.)

[22] Avec Marie de Médicis, le trafic des charges judiciaires avait continué de plus belle ; le président de Harlay vendit la sienne 150.000 livres, plus une promesse de 50.000 livres et 10.000 livres encore sur quelque petite pointillé et difficulté qui se trouva en la procuration ; il y eut ensuite les épingles à payer, soit 100.000 livres, si bien que le nouveau titulaire paya 300.000 livres et même davantage, ajoute l'Estoile, très au courant de ce trafic. Mais alors un seul lieutenant criminel gagnait par jour plus de 60 livres l'un portant l'autre. — Cette même année 1610, l'état du président Forget qui était mort, fut mis à l'enchère et monta à 70.000 et même 80.000 écus.

[23] Le duc de Guise épousa peu après (5 janvier 1611) Henriette-Catherine de Joyeuse, qui était fille unique du duc Henri de Joyeuse, maréchal de France, — lequel s'était fait capucin sous le nom de frère Ange, — et veuve d'Henri de Bourbon, duc de Montpensier. (L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 651 et note 1.)