Le couronnement de Marie de Médicis. — Premiers attentats contre Henri IV. — L'assassinat du roi (14 mai 1610). — Les funérailles.Le mercredi 12 mai,
rapporte l'Estoile, la reine alla à Saint-Denis en
France, accompagnée de Mgr le dauphin, de Madame, de la reine Marguerite[1], duchesse de Valois, et de plusieurs princesses et dames.
Deux heures après, le roi s'y rendit aussi avec tous les princes et seigneurs
de la Cour. Le jeudi 13, la reine fut sacrée et couronnée par M. le cardinal
de Joyeuse avec toutes les solennités, pompes, magnificences et cérémonies
qu'on a coutume de garder et observer ; grand applaudissement, cris et
réjouissances de tout le peuple, plus content de voir le doux et grave port
de Sa Majesté la reine, qui portait ce jour un visage merveilleusement
joyeux, que des riches pierreries, enseignes, brillants, grosses perles
blanches et orientales, robes de drap d'or et d'argent, somptueuses et
magnifiques, dont la reine avec ses dames et princesses étaient parées et
revêtues[2].
Et le vieux chroniqueur raconte ensuite la cérémonie, qui était bien le
triomphe de Marie de Médicis, car elle allait se trouver portée au pouvoir
avec son entourage italien au moment où elle pouvait craindre la ruine de ses
ambitions par l'amour immodéré du roi pour la princesse de Condé : Il y avait, dit-il, un
grand échafaud au milieu du chœur, assis devant le grand autel, de la hauteur
de neuf pieds ou environ, avec un haut dais, où l'on montait deux marches
couvertes d'un grand drap de pied. Là était le trône pour asseoir la reine,
couvert de velours parsemé de fleurs de lis d'or, et au-dessus un dais de
semblable parure. Le fond de l'escalier dudit échafaud était couvert de
velours cramoisi semé de broderies d'or. Il y avait d'autres échafauds à main
droite et à main gauche, tant pour les princes, chevaliers des ordres du roi,
gentilshommes et autres seigneurs, que pour les ambassadeurs, les dames et
demoiselles de la reine. La relation décrit ensuite les bancs couverts
de drap d'or pour les prélats, les accessoires du sacre, la décoration de
l'église. C'est ensuite le costume de Marie de Médicis, en surcot d'hermine, manteau, ornements de tête et autres
habits royaux, le manteau semé de fleurs de lis d'or et doublé d'hermine, la
queue longue de sept aunes, l'ornement de tête garni de pierreries, et le
surcot enrichi de diamants, rubis et émeraudes. Le cortège cependant
se mit en route, les Suisses vêtus de velours tanné,
blanc, bleu et incarnat ; les deux compagnies de cent gentilshommes en satin
tanné, avec passements d'or, ou de satin blanc pour le pourpoint et les
chausses de satin tanné ; les gentilshommes de la chambre, chambellans et
autres, en habits magnifiques ; les chevaliers du Saint-Esprit ayant tous le
grand collier de l'ordre ; des trompettes habillés de velours bleu, les
hérauts avec leurs cottes d'armes et les huissiers de la chambre avec leurs
masses. Suivaient les princes, tous vêtus de
toile d'or en diverses couleurs, le capuchon couvert de pierreries, les
cordons des toques faits de perles et de diamants ; le dauphin, vêtu de toile
d'argent, la cape de même, couverte de diamants et pierreries ; enfin venait
la reine, soutenue par deux seigneurs pour les ducs d'Orléans et d'Anjou, et
la queue de son manteau portée par la princesse douairière de Condé, la
princesse de Conti, la douairière de Montpensier et la duchesse de Mercœur ;
toutes les dames princesses et duchesses avec lesquelles Marie de
Médicis fit son entrée dans l'église. Elle fut reçue par le cardinal de
Joyeuse, le cardinal Du Perron et grand nombre d'ecclésiastiques, prélats et
abbés, et la cérémonie commença. — Nous l'abrégeons, car ce détail aujourd'hui
intéresserait peu. Ce fut le cardinal de Joyeuse qui prononça les formules du
sacre et fit les onctions requises. Il prit des mains de deux évêques
l'ampoule et la platine et ayant versé le chrême, en oignit la reine sur le chef et la poitrine en disant : Au nom du Père, du
Fils et du Saint-Esprit, cette onction d'huile te profite en honneur et
confirmation éternelle. Il prit ensuite l'anneau, que lui tendit un
autre évêque et le mit au doigt de la reine. On apporta le sceptre et la main
de justice, que le cardinal remit pareillement avec les oraisons accoutumées.
Puis ce fut la couronne qu'il posa sur les cheveux de Marie de Médicis, et
qui fut ensuite remplacée par une couronne plus légère, toute garnie de
diamants, de rubis et de perles. On ramena la reine à sa chaire et la messe
commença ; on donna la communion, puis les hérauts jetèrent à la volée des
pièces d'or et d'argent qui avaient été frappées à l'occasion du sacre ; mais
il y eut peu de cris. La cérémonie terminée, le cortège se reforma et la reine
fut ramenée à son logis[3]. Après le repas,
Leurs Majestés montèrent en carrosse et rentrèrent coucher au Louvre. — Marie
de Médicis était désormais la souveraine, ointe et sacrée par l'Église, et
Henri IV pouvait disparaître. Cette fastueuse parade, qui rappelait — quoique d'un peu loin — les somptuosités de la cour des Valois, devait avoir en effet un lendemain terrible. Durant la cérémonie de Saint-Denis, à laquelle il assistait d'une tribune, le roi, rapporte Pierre Mathieu, s'était tourné vers les échafauds qui s'élevaient jusqu'aux voûtes de l'église, et où s'entassait tout un peuple de seigneurs, d'officiers et de dames, chatoyants d'étoffes, ruisselants de joyaux et de broderies d'or, et avait dit en soupirant que cela le faisait penser au jour du Jugement, et qu'on serait bien surpris si le Juge se présentait. — Il se présenta, et son bras vint soutenir celui de Ravaillac lorsque le lendemain il frappa le Béarnais dans la rue de la Ferronnerie[4]. Depuis les débuts du règne, les attentats avaient été nombreux, comme il arrive toujours lorsque le gouvernement mécontente une partie de la nation ; la liste des projets, des tentatives d'assassinat sur Henri IV, si elle était publiée, serait assez longue, et ferait comprendre quelle était, malgré ses essais de conciliation, l'hostilité des anciens ligueurs, des Espagnols, des moines ; malgré la parade de son catholicisme, qui toujours restait suspect. Les historiographes les ont rapportés, pour la plupart, et il n'est pas inutile de les rappeler pour faire comprendre avec quel acharnement le coup fut poursuivi, préparé, renouvelé, jusqu'à sa réussite enfin, au moment où il allait reprendre la guerre et peut-être y entraîner toute l'Europe. Après avoir mentionné les attentats de Pierre Barrière[5] et de Jean Chastel[6], un pauvre garçon qui n'avait que le cul et les dents, l'Estoile, dont la source d'information est si précieuse, ajoute ainsi : Ce jour (5 janvier 1595), suivant l'avis que Sa Majesté avait eu de Bruxelles, on fit recherche d'un nommé Châteaufort, Parisien, soldat de la garnison de Bruxelles, qui avait un œil éraillé, et était venu à Paris exprès pour tuer le roi[7]. — Le samedi 7, un jésuite nommé Guignard, régent au collège de Paris, homme docte, âgé de trente-cinq ans ou environ, fut, par arrêt du Parlement, pendu et étranglé en la place de Grève, et son corps ars et consumé en cendres, après avoir fait amende honorable en chemise, devant l'église Notre-Dame. Venu au lieu du supplice, il dit qu'il mourait innocent et que jamais les jésuites n'avaient procuré ni approuvé la mort de roi quelconque[8]. — Le mardi 10, fut pendu le vicaire de Saint-Nicolas-des-Champs, pour avoir dit, tenant un couteau, qu'il voulait faire encore un coup de Saint-Clément, et autres sots propos, pour lesquels, encore qu'il s'en excusât sur le vin dont il avait trop pris, la cour l'envoya au gibet[9]. — Le samedi 25, furent défaits en effigie, en la place de Grève, un jésuite nommé Varades, avec le curé de Saint-André-des-Ars et son vicaire... pour avoir donné conseil et méchamment induit le traître Pierre Barrière à commettre le très abominable et détestable parricide, par lui reconnu et confessé en la personne du roi ; pour la punition duquel ont été condamnés à être tirés et démembrés, leurs membres rompus et jetés au feu[10]. Le mercredi 1er mars, le roi eut avis d'une entreprise dressée contre sa personne par sept hommes qui étaient à Paris, dont six avaient été pratiqués par les jésuites et le septième par le pape, lequel avis, en apparence Sa Majesté négligea, mais en effet fut cause qu'il ne s'alla point promener à la foire... Le jeudi 2, un jeune compagnon, natif de Sens, qui de prêtre s'était fait capitaine de la Ligue, et sous le nom de capitaine Merleau ravageait et volait autour de Montereau-fault-Yonne, fut pendu à Paris, chargé outre ses voleries ordinaires d'avoir eu quelque mauvais dessein contre la personne du roi[11]. — Le vendredi 16 février 1596, un avocat d'Angers, nommé Jean Guédon, fut pendu et son corps rédigé en cendres, accusé d'être venu exprès pour tuer le roi. Il avait été pris, il y avait environ un an, comme il passait par Chartres[12]. — Le lundi 9 septembre, fut pendu à Meaux un Italien, pensionnaire du cardinal d'Autriche à vingt-cinq écus par mois, qui était pratiqué pour tuer Sa Majesté avec une arbalète de nouvelle façon. Henri IV voulut lui parler, et demanda si ce n'était pas lui qui, une fois, en Franche-Comté, lui avait tenu l'étrier pour monter à cheval. L'Italien le reconnut et le roi lui demanda derechef s'il ne se souvenait pas des moyens qu'il lui avait voulu donner pour prendre un fort, dont son -Conseil n'avait pas été d'avis. Ce qu'il reconnut encore, et le roi se tournant vers ceux qui l'environnaient, leur dit : Je vous dirai bien plus, et crois qu'il lui en souvient bien, c'est qu'il m'y fit perdre cent vingt chevaux, que j'avais envoyés pour sonder un gué ; et j'étais perdu si j'y eusse été comme ce coquin m'en avait fait venir la volonté[13]. — On trouve ensuite le chartreux Pierre Ouin, qui complotait lui aussi de tuer le monarque ; un jacobin flamand, Ridicoux, envoyé parle nonce du pape à Bruxelles ; un autre jacobin, Argier, et le capucin Langlois, — tous trois exécutés à Paris le 3 avril 1599. Pendant les premiers jours de mai furent faites ensuite des recherches dans tous les cabarets et hôtelleries de Paris, en conséquence d'une lettre écrite à Henri IV par un capucin de Milan appelé père Honorio, dans laquelle Sa Majesté était avertie d'un attentat projeté sur sa personne par un méchant garnement parti de Milan pour ce faire, disait-on ; et que ce misérable fut trouvé et mis en prison[14]. Après le mariage italien, la naissance de Louis XIII, les tentatives furent moins nombreuses pour se défaire du Béarnais, et c'est à peine si l'on mentionne qu'à Bordeaux, au Château-Trompette, on avait emprisonné un prêtre et un gentilhomme qui avaient projeté de tuer Henri IV avec une arbalète qui avait un pan de long[15] ; que le roi revenant de la chasse, à la fin de 1605, fut touché au manteau, sur le Pont-Neuf, par un homme nommé Jean de l'Isle[16], ou l'histoire d'une femme Nicole Mignon qui fut arrêtée par le prévôt de l'hôtel, comme sorcière et soupçonnée d'avoir voulu empoisonner Sa Majesté[17]. — En 1608 encore (3 mai) fut décapité en place de Grève un gentilhomme de Normandie nommé Saint-Germain, de la maison de Raquevilles, pour avoir, par charmes et sorcelleries et quelques piqûres d'une image de cire, voulu attenter à la personne du roi. Un chirurgien, très expert en son art, mais grand sorcier, fut pendu avec lui comme complice. Il portait une grosse chevelure grise et la barbe jusqu'à la ceinture. La femme du gentilhomme fut décapitée en effigie, ayant corrompu le guichetier de la prison et s'étant retirée en Flandre[18]. — A ce moment, du reste, les grands projets du roi avaient réveillé l'hostilité de ses ennemis. S'il n'y avait plus guère de factieux, en France, il y avait toujours des mécontents ; l'exemple fait sur Biron avait appris aux grands que les conspirations ne seraient plus tolérées ; mais le parti hostile au monarque, l'étranger qui pouvait craindre ses armes victorieuses rencontrèrent leur homme dans la personne de François Ravaillac, et le coup si souvent manqué se trouva, cette fois, pleinement réussir. C'était un homme de haute et puissante stature, l'air rêveur et mélancolique, mais d'assez douce conversation, dit Germain Brice, les épaules larges, le poil tirant sur le roux noir[19], les yeux gros et enfoncés dans la tête ; une sorte de fou mystique, couvert d'amulettes ; un visionnaire, hanté de rêves sanglants. Il était originaire de l'Angoumois, avait été clerc, valet de chambre, maître d'école, solliciteur de procès, et rien qui vaille[20]. Il était arrivé à Paris un peu avant le sacre de la reine, et d'abord était descendu à l'hôtellerie des Trois-Croissants, faubourg Saint-Jacques. L'endroit était trop éloigné ; il traversa la Seine et chercha un logis sur la rive droite, où du reste presque toutes les auberges étaient pleines. Près des Quinze-Vingts, rue Saint-Honoré, il entra dans un cabaret dit les Cinq-Croissants[21] ; on ne le reçut pas davantage ; mais il s'empara d'un couteau traînant sur une table, une sorte de poinçon à manche blanc, la lame effilée et tranchante, qu'il enleva pendant que la servante avait le dos tourné[22]. Il sortit ensuite et parvint à se loger au coin de la rue Saint-Honoré et de la rue Saint-Vincent, à l'hôtellerie des Trois-Pigeons, en face de Saint-Roch[23] ; il n'y séjourna pas du reste, car pris de doute sur sa mission, — de remords peut-être, — il quitta Paris, gardant toujours son couteau dans un sac en sa pochette et reprit le chemin d'Angoulême. Il s'arrêta devant l'Ecce Homo du faubourg d'Étampes, et après avoir longtemps réfléchi, rompit la pointe de son couteau d'environ un pouce à une charrette, puis sentit sa volonté se raffermir soudain, parce qu'il avait entendu dire que le roi ne convertissait point ceux de la religion prétendue réformée ; qu'il voulait déclarer la guerre au pape et transférer le Saint-Siège à Paris. — Il aiguisa la pointe de son couteau et revint sur ses pas[24]. Dans la capitale, il alla rôder autour du Louvre, et laissa passer le sacre de Marie de Médicis. Le matin du 14, enfin il se décida. Henri IV, du reste, a-t-on rapporté, avait le pressentiment de sa fin. Nous savons ce que disent Sully et Bassompierre ; des avertissements nouveaux lui étaient venus ; des lettres étaient arrivées de Cambrai, d'Anvers, d'autres villes des Flandres, où l'on parlait de la mort du roi trois jours, quatre jours, dix jours même avant qu'elle fût arrivée. A Cologne, à Maëstricht, huit jours avant le meurtre, on criait dans les rues qu'il avait été tué, et l'on indiquait l'instrument : un large couteau. Une missive d'Allemagne alla jusqu'à désigner à Villeroi la nature du complot et le jour de l'exécution qu'on attendait de même en Zélande[25]. On avait prédit au roi qu'il mourrait dans un carrosse[26] ; son fils, M. de Vendôme, l'avertit de même que sa constellation le menaçait d'un danger[27], et s'en fut prévenir la reine qui supplia son mari de ne pas sortir du Louvre. Mais il passa outre. Il se moqua du médecin et astrologue La Brosse qui avait donné ce conseil à M. de Vendôme, en disant : La Brosse est un vieux matois, qui a envie d'avoir de votre argent, et vous un jeune fol de le croire[28]. — Plus troublé qu'il n'en voulait avoir l'air, il avait cependant prié Dieu extraordinairement ce jour-là, et s'était même fait apporter ses Heures dans son lit ; il était allé ensuite aux Tuileries selon sa coutume, puis avait entendu la messe aux Feuillants[29]. Ravaillac, de son côté, avait été à la messe à Saint-Benoît ; il avait vainement essayé de s'approcher du roi au Louvre, et l'avait suivi de même au couvent de la rue Saint-Honoré. Après le dîner, Henri IV fut quelque temps dans le cabinet de la reine, où il dit et fit mille bouffonneries avec Mlle de Guise et Mme de La Chastre ; Mlle de Guise sortit pour aller solliciter un procès et le roi rentra dans son appartement pour se mettre au lit et dormir. Ne trouvant pas le sommeil il se releva et se mit à la fenêtre, et portant la main à son front, s'écria : Mon Dieu ! j'ai là dedans quelque chose qui me trouble fort... Je ne sais ce que j'ai ; je ne puis sortir d'ici. Il demanda à l'exempt de service quelle heure il était ; quatre heures sonnaient à Saint-Germain-l'Auxerrois. L'exempt lui dit : Sire, je vois Votre Majesté ennuyée et toute pensive ; il vaudrait mieux prendre un peu l'air, cela la réjouirait. — Soit, répondit Henri IV ; faites apprêter mon carrosse ; j'irai à l'Arsenal voir le duc de Sully qui est malade et se baigne aujourd'hui[30]. — Il allait au-devant de son destin. Avant de sortir, toutefois, il retourna chez la reine qui voulut le retenir ; il délibéra longtemps s'il sortirait et répéta encore : Irai-je ? N'irai-je pas ? Il sortit deux ou trois pas, puis retournant, dit à Marie de Médicis : Ma mie ! irai-je encore ? et fit de nouveaux doutes d'aller ou de demeurer. Enfin, il se résolut : Je veux parler à M. de Sully, fit-il ; je ne dormirais pas tranquillement ! et ayant plusieurs fois baisé la reine, il lui dit adieu ; mais entre autres choses qu'on a remarquées, on sait qu'il ajouta : Je ne ferai qu'aller et venir, et je serai ici tout à cette heure[31]. Comme il fut en bas, où attendait son carrosse, il trouva M. de Vitry, son capitaine des gardes, qui voulait l'accompagner ; mais il refusa et l'envoya au Parlement pour diligenter les apprêts qu'on faisait pour l'entrée de la reine. Il fit demeurer de même ses gardes au Louvre et ne conserva que quelques gentilshommes et des valets de pied. En montant en voiture il demanda quel jour du mois on était. L'un dit : Sire, le 13. L'autre affirma qu'on était le 14, ce qui était vrai. Entre le 13 et le 14, dit le roi. — Dans le carrosse, il se mit au fond, à gauche, avec M. d'Épernon à main droite ; auprès de lui, à la portière, étaient M. de Montbazon et M. de La Force ; à la portière du côté de M. d'Épernon étaient M. le maréchal de Lavardin et M. de Créqui ; au-devant, M. le marquis de Mirebeau et M. de Liencourt, premier écuyer. Le véhicule avait été ouvert de chaque côté, ses ridelles de cuir relevées, à cause du beau temps et parce que le roi voulait voir les préparatifs, arcs de triomphe, rochers artificiels, porteaux, théâtres, devises, inscriptions d'honneur, figures et fictions tirées de la Bible et des fables, qu'on faisait dans Paris pour l'entrée de la reine[32]. Les bourgeois de Paris avaient levé pour la cérémonie des troupes de parade ; mouleurs de bois, crieurs de vin, passeurs d'eau, mesureurs de charbon, porteurs de blé, livreurs de sel s'étaient équipés pour figurer dans le cortège avec les six corps marchands, drapiers, épiciers, merciers, pelletiers, bonnetiers et orfèvres. Les maçons, menuisiers, charpentiers, peintres et sculpteurs, les tailleurs, chapeliers, gantiers, brodeurs, teinturiers en fil de soie, raccoutreurs de bas d'étame ; les tapissiers et nattiers ; les gainiers, boursiers, éperonniers, taillandiers, achevaient à peine leur besogne au moment de laisser la place aux cuisiniers, pâtissiers et poissonniers, et l'on disait que les étoffes manquant sur place, tant la consommation avait été grande, on avait dû demander en Italie 2.000 aunes de toile d'argent, et 800 aunes de velours cramoisi. — L'animation de la ville, avec tous ces préparatifs, aurait réjoui le roi s'il n'avait été si préoccupé. Arrivé à la Croix-du-Trahoir, on lui demanda quel chemin il voulait prendre. Il commanda que la voiture eût à traverser les Innocents pour gagner l'Arsenal. Le carrosse ainsi sortit de la rue Saint-Honoré et s'engagea dans la rue de la Ferronnerie, qui longeait le cimetière, rue fort étroite à l'époque et qu'il était depuis longtemps question d'élargir[33]. Des voitures l'encombraient, — on a même dit intentionnellement, — entre autres un chariot de vin et un autre chargé de foin. Le carrosse dut raser les boutiques des marchands de ferraille, — des quincailleux, dit Malherbe, — qui se trouvaient adossées au mur des Innocents, et enfin s'arrêta près de la rue de la Lingerie, devant la Salamandre[34]. Une partie des valets alors l'abandonna pour passer par le cimetière et rejoindre au bout de la rue de la Ferronnerie ; deux seulement restèrent, mais l'un s'avança pour aider au dégagement de la rue, et l'autre se baissa pour renouer sa jarretière. Quelques gentilshommes qui suivaient à cheval s'étaient mis en arrière. Ce fut l'instant dont profita Ravaillac, qui guettait le Béarnais depuis le matin. Lorsqu'il sut qu'il avait demandé son carrosse, il lui échappa de dire : Je te tiens ; tu es perdu. Il suivit l'équipage et dans l'embarras de la rue de la Ferronnerie, s'approcha pour voir de quel côté Henri IV était assis. Il monta sur une borne que la voiture touchait presque, puis sur l'essieu de la roue d'arrière, et frappa brusquement. Le roi, à ce moment, avait la main gauche sur l'épaule de M. de Montbazon ; de l'autre, il s'appuyait sur d'Épernon qui lisait une lettre. Henri IV s'écria : Ah ! je suis blessé ! et M. de Montbazon lui demandant : Qu'est-ce, Sire ? il répondit encore : Ce n'est rien ! Ce n'est rien ! mais les derniers mots, il les dit si bas qu'à peine on les put entendre. L'assassin avait donné un second coup de couteau qui avait traversé le poumon et coupé l'artère ; il voulut frapper encore, mais n'atteignit que la manche de M. de Montbazon. Le roi, du sang plein la bouche, avait joint les mains et il était mort[35]. Mais, chose singulière et qui peut bien donner à réfléchir, aucun des seigneurs qui se trouvaient dans le carrosse — ils étaient cinq, sans parler des deux qui se trouvaient sur le devant — ne voulut convenir qu'il avait vu poignarder le roi. On l'avait frappé entre leurs bras, appuyé sur l'un et l'autre ; d'Épernon ni Montbazon n'avaient rien vu. Ravaillac aurait pu jeter son couteau, s'en aller tranquillement, dit très bien l'Estoile, nul ne l'aurait inquiété. Mais il se tenait là comme pour se faire voir et pour se glorifier de son crime. — Le carrosse cependant s'était arrêté, le cocher ayant perdu la tête. Les officiers du roi s'étaient jetés sur son corps, le couvrant de baisers[36]. Saint-Michel voulut tirer l'épée pour dépêcher l'assassin comme autrefois on avait éventré Jacques Clément, le meurtrier d'Henri III, et l'un des valets voulut lui prêter secours. Mais d'Épernon les arrêta : Ne frappez pas, cria-t-il, il y va de votre tête ![37] On arrêta seulement Ravaillac et il fut enfermé à l'hôtel de Retz. Cependant l'émotion dans le voisinage, était indescriptible. Il fallut crier au peuple que le roi n'était que blessé, et qu'on portât du vin. Les portières de la voiture furent abattues et elle retourna au Louvre[38]. La nouvelle de l'attentat courait du reste de proche en proche. Les boutiques se fermaient, raconte l'Estoile ; chacun criait, pleurait et se lamentait, grands et petits, jeunes et vieux, car Paris avait fini par aimer ce Gascon roublard, paillard, vantard, qui avait les défauts et les qualités de la race, mais savait au besoin parler net et faire respecter le droit de la nation. — Vers cinq heures, enfin, la reine causait dans son cabinet[39] avec Mme de Montpensier quand une rumeur grandissante attira son attention ; on criait : Au vin ! Au chirurgien ! comme c'était l'habitude en cas d'accident. Inquiète, elle ouvrit elle-même la porte de la chambre de son mari qu'elle traversa follement, et arrivée dans le grand cabinet[40], s'arrêta anxieuse, écoutant, cherchant à deviner quel était le cortège qui gravissait si lourdement l'escalier. C'était l'escorte du roi, — du roi qu'on rapportait mourant, ou plutôt déjà mort ; auquel Petit, son premier chirurgien, prodiguait des soins bien inutiles, et dont on avait assis le corps dans un fauteuil[41]. Montbazon, Vitry, le marquis de Noirmoutiers, d'autres officiers encore le placèrent sur un lit ; Marie de Médicis s'était précipitée avec des cris, des sanglots, tout un désespoir bruyant de femme et d'Italienne, faisant retentir tout le Louvre de pleurs et gémissements extraordinaires [42] ; mais dans le moment, le chancelier de Sillery entra, tenant par la main le petit prince qui n'était déjà plus le dauphin. — Monsieur, s'écria la reine, le roi est-il donc mort ? — Madame, répondit assez durement Sillery, en France le roi ne meurt pas !... Il lui montra l'enfant, et ajouta plus doucement : — Voilà le roi, madame ! A cinq heures du soir, cependant, il n'y avait qu'au Louvre et aux Augustins, où le Parlement tenait séance, — le palais étant alors préparé pour les fêtes du couronnement de Marie de Médicis, — qu'on sût la mort d'Henri IV. Les ducs de Guise et d'Épernon firent monter la noblesse à cheval pour aller dire dans Paris que le roi n'était que blessé. Le lieutenant civil eut ordre de fermer les portes de la ville ; d'empêcher les émotions et attroupements. Ensuite, d'Épernon se rendit au Parlement, toujours accompagné du duc de Guise, tenant l'épée à la main, mais dans son fourreau, et dit à Messieurs qu'ils devaient donner ordre à la sûreté de l'État, et nommer la reine régente, vu le bas âge de son fils. Le discours fut fait d'un ton comminatoire qui intimida ; la Chambre délibéra aussitôt et la Régence fut proclamée[43]. Une députation avec le président Blanc-Mesnil et dix conseillers eut charge de se transporter au Louvre pour informer Marie de Médicis de cette décision. Mais avec les mouvements de troupes, les gardes qui occupaient le Pont-Neuf, la rue Dauphine et environnaient les Augustins, elle eut assez de mal à passer. La nouvelle de la mort d'Henri IV, enfin, se répandit dans la capitale ; on ferma partout, craignant l'émeute ; on accusait tout haut l'Espagne d'avoir préparé le coup, — et peut-être n'avait-on pas tort, — et la reine dut envoyer des troupes pour protéger l'ambassade, devant laquelle on s'assemblait avec des cris et des menaces[44]. Mais tout le fait de la guerre en projet en somme était rompu. Marie de Médicis, au fond bonne Espagnole, allait se trouver à la tête du pays ; le roi n'était encore qu'un enfant ; derrière lui se tenait la cabale des seigneurs, d'Épernon, Guise, le comte de Soissons, Condé, — tous ceux qui espéraient pêcher en eau trouble, recommencer les cabales de la Ligue et peut-être les guerres de la féodalité. — Quelques jours avant sa mort, Henri IV disait à Bassompierre : Vous ne me connaissez pas maintenant, vous autres, mais je mourrai un de ces jours, et quand vous m'aurez perdu, vous connaîtrez ce que je valais et la différence qu'il y a de moi aux autres hommes. Il se vantait sans doute. Mais à la vérité on avait tout à craindre d'un changement ; ce fut la grande raison sans doute des regrets populaires, exagérés peut-être par les écrivains royalistes qui se manifestèrent à sa mort. Du reste, on peut toujours dire que ce n'est qu'après la disparition des hommes qu'on leur rend une impartiale justice. — Il n'y avait rien à faire, toujours est-il, sinon de belles funérailles à celui qui n'était plus. Mais surtout on put constater que si la mort d'Henri IV était une véritable catastrophe pour nombre de gens, — ses anciens amis les huguenots d'abord, — bien d'autres pouvaient s'en réjouir, que les circonstances inopinément venaient favoriser. Le 15 de mai, lendemain de la mort, le corps du roi, en attendant, fut ouvert, en présence, dit l'Estoile, de vingt-six médecins qui le trouvèrent si bien conditionné, hormis les poumons, qui étaient aucunement intéressés, mais peu, qu'il pouvait encore vivre trente ans. Les entrailles furent portées le 18 mai à Saint-Denis et une escorte de 400 cavaliers accompagna le cœur qu'on envoya ensuite au collège de la Flèche[45]. Puis la dépouille du monarque fut déposée sur un lit de parade qu'on plaça au milieu d'une vaste chambre où chacun allait le voir, la face découverte, vêtu d'un pourpoint de satin blanc, avec un bonnet de velours rouge brodé d'or. Un grand coussin, également brodé, placé sur le corps, portait la couronne, le sceptre et la main de justice. Autour du lit se succédaient les religieux et prêtres des monastères de Paris, débitant les Vigiles des morts et chaque jour cent messes, tant hautes que basses[46]. Enfin, après quinze ou seize jours, on descendit le corps en grand honneur et cérémonie, et il fut déposé dans son cercueil. Sur un lit de parade, en haut d'une estrade élevée de quatre marches, on plaça son effigie au vif, le buste en cire du roi, adapté à un mannequin et revêtu de son costume d'apparat. — C'est ici, en effet, que se place un des plus curieux usages de l'ancienne monarchie. Aux obsèques du roi de France, on avait coutume de faire figurer sa représentation vivante et frappante, que confectionnaient les premiers ouvriers de l'époque. Le défunt était reproduit avec sa tenue habituelle, sa ressemblance absolue, et assistait en somme à ses propres obsèques[47]. Lors du trépas d'Henri IV, son effigie, a-t-on rapporté, avait été vêtue premièrement d'une chemise de toile de Hollande ; par-dessus on avait mis une camisole de satin rouge cramoisi, doublée de taffetas de même couleur. Ensuite venait le manteau royal, de velours violet cramoisi, semé de fleurs de lis d'or ; au col on lui avait passé l'ordre du Saint-Esprit et sur la tête il avait un petit bonnet de velours cramoisi brun avec la couronne royale garnie de pierres précieuses. Les pieds étaient chaussés de bottines en velours rouge, semées de fleurs de lis d'or, avec des semelles en satin de même couleur[48]. Ce mannequin avait les mains jointes. A l'heure du repas, panetiers, échansons, maîtres d'hôtel lui présentaient les plats. L'aumônier disait le Benedicite devant les seigneurs debout, puis on emportait les victuailles qui étaient distribuées aux pauvres. — Le 25 juin, le petit roi Louis XIII, accompagné de tous les princes et seigneurs, et de la plupart des gentilshommes de sa cour, alla solennellement donner de l'eau bénite au corps de son père. La queue de son manteau violet était portée par le prince de Conti, le comte de Soissons, les ducs de Guise, de Joinville et d'Elbeuf. Trois jours après, les vingt-quatre crieurs jurés de Paris conviaient enfin le peuple à assister le lendemain aux obsèques de très haut, très puissant et très excellent prince Henri le Grand, roi de France et de Navarre, trépassé en son palais du Louvre. — Ces obsèques durèrent trois jours, avec une opulence incomparable. Ce fut l'apothéose dans la mort, et comme si toute la France se fût réunie pour honorer son roi et le porter en terre (29 juin 1610). — Sur toute la rue Saint-Honoré, que suivit le cortège pour se rendre à Notre-Dame, les maisons étaient closes, tendues de voiles de deuil ; des chandelles et des cierges brûlaient aux fenêtres. Les portiques et arcs de triomphe, dressés pour l'entrée de Marie de Médicis, avaient été couverts de draps noirs, et la foule était si grande qu'on s'entretuait pour voir le cortège. En avant marchaient les archers-arbalétriers de la ville, avec les arquebuses et hallebardes couchées contre terre ; les ordres mendiants, capucins, minimes, augustins, carmes, feuillants ; cinq cents pauvres vêtus de noir et tenant chacun une torche ardente ; les vingt-quatre crieurs jurés ; le chevalier du Guet, précédant sa compagnie ; puis les sergents, procureurs, notaires du Châtelet ; le lieutenant criminel, les conseillers de ville et les quartiniers ; la cour des aides et la Chambre des comptes, qui même se gourmèrent et firent à coups de poing pour la question de préséance. Derrière eux venaient : le clergé des paroisses de Paris, les religieux des abbayes, régents, docteurs, bacheliers vêtus de rouge, messagers-jurés et maîtres de poste. Puis c'était la maison du roi ; les pages de l'écurie vêtus de serge, les joueurs de hautbois, flûte, fifre, tambours, qui battaient piteusement sous le voile noir les cornettes et violes. Derrière encore marchaient les officiers du régiment des gardes ; le grand prévôt de l'hôtel avec ses archers portant les escopettes et hallebardes sous le bras ; le capitaine de la porte du logis ; les officiers des Cent-Suisses et les deux compagnies de deux cents gentilshommes d'honneur ; le service personnel du roi, représenté par cent soixante officiers de sa maison, les médecins-chirurgiens, valets de chambre et de garde-robe. Huit trompettes précédaient M. de Rhodes, grand maître des cérémonies, qui portait le pennon du roi. Le cercueil suivait, reposant sur un chariot d'armes couvert de velours noir et portant vingt-quatre écussons de France. Deux charretiers, le chapeau rabattu, tête nue, conduisaient chacun des six chevaux qui le traînaient. L'escorte était de douze pages, qu'accompagnaient M. de Praslin et M. de Vitry, capitaines des gardes. Venaient ensuite cinq écuyers en larges robes de deuil tenant les pièces dites d'honneur : les éperons dorés, le gantelet, l'écu de France, la cotte d'armes et le heaume ; dix-sept évêques et archevêques ; les ambassadeurs, le nonce du pape ; les cardinaux de Soubise et de Sourdis, précédant le cheval de bataille du roi, couvert d'une- housse de violet azuré, ne laissant guère voir que ses yeux[49]. Enfin, c'était le Grand Ecuyer, monté lui aussi, et portant l'épée royale dans son fourreau de velours noir semé de fleurs de lys d'or ; et l'effigie soutenue par les hannouarts, — les vingt-quatre jurés porteurs de sel — et qui tenait dans la main droite le sceptre, dans la gauche la main de justice. Les présidents du Parlement l'escortaient et à ses côtés marchaient le comte de Saint-Pol, représentant le grand maître de la maison du roi, avec le bâton royal, couvert de velours noir, et le chevalier de Guise, représentant le grand chambellan, qui portait la bannière de deuil. La famille était représentée, en grand deuil, par les princes de Conti et de Joinville, le comte de Soissons, les ducs de Guise, d'Elbeuf, d'Épernay et de Montbazon. La noblesse et quatre cents archers de la garde terminaient le cortège, dont le défilé dans la cathédrale dura jusqu'à neuf heures du soir. — L'office célébré, la suite des cérémonies fut renvoyée au lendemain. Une messe fut alors chantée solennellement par l'évêque de Paris et de nouveau cette cohue chamarrée se remit en route pour Saint-Denis. Elle n'atteignit la vieille abbaye qu'à dix heures du soir. Enfin, le troisième jour, la messe dite par le cardinal de Joyeuse et l'oraison funèbre prononcée par l'évêque d'Angers, Charles Miron, on descendit le cercueil dans le caveau des rois, devant le maître-autel. — Il y devait dormir son dernier sommeil jusqu'aux profanations de 1793[50]. |
[1] La reine Margot, femme divorcée d'Henri IV, qui avait dû, bien malgré elle se trouver présente.
[2] Cf. édit. Michaud, t. II, p. 577.
[3] Un détail indique la grossièreté de l'époque. Le roi, content de cette cérémonie, ajoute l'Estoile, devança la reine au retour et s'en alla dans sa chambre, où il se mit à la fenêtre, et comme elle passait au-dessous ne trouva rien de mieux que de lui jeter de l'eau ; gaminerie, espièglerie sans doute, pour ce barbon poivre et sel, mais à propos de quoi nous ne trouvons guère à nous extasier. Un enfant qui se permettrait une telle sottise, aujourd'hui, recevrait une paire de taloches.
[4] Pendant le couronnement, la pierre qui couvrait l'entrée du sépulcre des rois se cassa d'elle-même, dit Richelieu ; le lendemain, Henri IV était mort. (Mémoires, édit. Michaud, t. I, p. 53.)
[5] Le samedi 25 mai 1591, mentionne Jean Vaultier, un jeune apprenti d'un orfèvre de Paris, venu exprès pour tuer le roi, fut pris prisonnier ; son procès fait, fut pendu et son corps mis en quatre quartiers aux avenues de cette ville de Senlis. (A. BERNIER, op. cit., p. 224.) Un jésuite de Lyon et deux prêtres de Paris, impliqués dans l'affaire de Pierre Barrière, furent poursuivis, mais seize mois plus tard et exécutés en effigie, car ils avaient eu le temps de se réfugier à Rome, à la suite du cardinal Cajetan.
[6] Le précepteur de Jean Chastel, jésuite, fut pendu, le corps brûlé et les cendres jetées à l'eau. (A. BERNIER, op. cit., p. 296.)
[7] L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 254. — Le chroniqueur ajoute, du reste : Il faisait dangereux à Paris pour ceux qui avaient quelques marques à l'œil, car on s'en saisissait, et il y eut quelques-uns d'appréhendés entre lesquels se trouva un des gens du baron de Choupes, et un moine qui avait l'œil éraillé fut pris prisonnier dans le Louvre, et tout après relâché.
[8] L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 254.
[9] L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 254-255.
[10] L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 255.
[11] Le jeudi 19 janvier 1596, fut rompu tout vif un Espagnol qui confessa avoir été envoyé exprès de la part du roi d'Espagne pour tuer le roi. (J. VAULTIER, apud BERNIER, op. cit., p. 328. L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 260.)
[12] L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 270.
[13] L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 277.
[14] L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 303.
[15] L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 347 et 351.
[16] Cet homme avait un couteau, mais il passa pour fou et fut condamné à une prison perpétuelle. (LA BARRE-DUPARCQ, op. cit., p. 230, note.)
[17] C'était la femme d'un cuisinier et depuis quelque temps elle avait travaillé de faire placer son mari dans la cuisine du roi afin d'y avoir ses entrées et empoisonner quelques mets. Elle ne réussit pas et s'adressa au comte de Soissons grand maître de France, et ayant trouvé un jour l'occasion de lui parler, lui dit qu'il était en lui d'être le plus grand prince du monde. Le comte, étonné de cette proposition, lui dit de revenir et avertit le roi qui désigna M. de Loménie pour assister en tiers au colloque, et que l'on fit cacher dans un cabinet. La femme étant revenue, le comte la mena dans sa chambre, et là elle dit qu'en empoisonnant le roi, il serait le maître et que c'était pour cela qu'elle cherchait quelqu'un qui voulût introduire son mari dans les cuisines. Le comte la fit mettre entre les mains du prévôt de l'hôtel, où elle fut interrogée et mise à la question, et le sieur de Loménie lui ayant été présenté, qui répéta ce qu'elle avait dit, elle finit par avouer son crime. Elle fut brûlée vive en place de Grève. (L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 316.) 2 juin 1900. — On avait même voulu empoisonner le roi avec une fourchette creuse.
[18] Les registres du Parlement ne mentionnent pas moins de vingt arrêts pour crime de régicide rendus pendant les seize années du règne d'Henri IV.
[19] La barbe rousse et les cheveux quelque peu dorés ; il était toujours habillé à la flamande et traînait une épée.
[20] C'était un petit-cousin de Poltrot de Méré, qui avait tué devant Orléans le duc François de Guise. (Lettre de Nicolas Pasquier, citée par l'Intermédiaire des chercheurs, t. XLII, n° 908, col. 940-941.)
[21] A la hauteur du n° 163 actuel.
[22] Le couteau de Ravaillac a disparu, dit-on, bien qu'une version en attribue la possession à la famille de Caumont-La Force. (Cf. Ed. BEAUREPAIRE, la Chronique des rues, p. 254 ; E. ORVILLE, Notice sur les armes et armures anciennes figurant à l'exposition rétrospective militaire, Paris 1902.
C'était un couteau large et pointu, en forme de baïonnette et emmanché d'une corne de cerf. (MALHERBE, édit. Lalanne, t. III. Lettre à Peiresc.)
[23] L'hôtel des Trois-Pigeons faisait face à l'hôtel Gaillon, que le portail de Saint Roch a remplacé. (E. BEAUREPAIRE, la Chronique des rues, p. 253.)
[24] Archives nationales, U, 800. Bibl. nat. Mss 25565, 23374 ; Bibl. de l'Arsenal, mss 2841 et 6376. Cf. Procès du très méchant et détestable parricide Ravaillac, Paris, 1858.
[25] Nicolas Pasquier, l'Estoile, Mézeray (Histoire de la mère et du fils, ouvrage attribué) indiquent également ces rumeurs. On pensait bien que l'Espagne ne laisserait pas le roi mettre ses menaces de guerre à exécution ; l'ambassadeur de Hollande, d'Arsens, crut même devoir prévenir Marie de Médicis, qui eut elle-même des présages, a-t-on affirmé, car elle songea qu'on assassinait son mari sur le degré du Louvre. Henri IV enfin aurait vu en rêve une maison de la rue de la Ferronnerie qui lui tombait sur le corps ; il s'en voulait dépêtrer et sauver, mais ne pouvait, tant qu'il demeura accablé sous icelle. On a ajouté la prédiction d'un astrologue nommé Thomassin, qui le conjura de se méfier du mois de mai 1610 jusqu'à lui désigner le jour et l'heure qu'il devait être tué ; d'autres disaient que si Sa Majesté persistait dans son entreprise, elle y perdrait la vie, et que ses deux fils périraient. On l'engageait surtout à ne pas sortir le 14, parce qu'il y avait grand danger. Foscarini, ambassadeur de Venise, confia du reste à la reine de Navarre, — la reine Margot, — qu'après la mort du roi on avait trouvé dans ses papiers une lettre de la princesse de Condé le prévenant qu'on en voulait à sa vie ; mais depuis vingt ans il vivait dans la perspective d'un meurtre. La vie avec de telles craintes, disait-il, est pire que la mort ; je suis dans la main de Dieu, et ce qu'il garde est bien gardé. (Cf. F. COMBES, Lectures historiques à la Sorbonne, t. II, p. 300-304.)
[26] SULLY, Œconomies royales, t. II.
[27] C'était la croyance de l'époque. Catherine de Médicis avait autrefois consulté la science noire sur le sort de ses enfants ; un magicien au château de Chaumont lui avait montré dans un miroir magique la suite de ceux qui devaient régner, et Henri IV comme leur successeur. (BERTHEVIN, Recherches sur les derniers jours des rois de France, 1825, p. 90.) De mauvais bruits, du reste, couraient dans la capitale. On disait : Le tueur du roi est ici, et l'on allait jusqu'à donner son signalement : un grand diable d'homme, puissant et gros de membres ; le poil tirant sur le roux noir et vêtu de vert. (Causes célèbres, Procès Ravaillac.)
[28] On sait que l'incident qui met en cause La Brosse a été démenti par les anciens éditeurs de l'Estoile. (Cf. la note assez longue insérée au tome II de l'édit. Michaud. D. 584-585.)
[29] MALHERBE, Lettres, t. III.
[30] L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p 579-585.
[31] MALHERBE, Lettres, 29 mai 1610. Entre autres périls auxquels il avait échappé antérieurement, on a signalé, outre celui du bac de Neuilly, dont nous avons parlé plus haut, la chute de sa voiture, qui dégringola dans un ravin, en 1597, à Mouy, en Picardie. (Cf. Lettres de Nicolas PASQUIER.)
[32] L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 585.
[33] Cinquante-six ans auparavant, le même mois et le même jour, Henri II avait signé des lettres patentes ordonnant l'élargissement de cette rue, qui était la croisée de la ville et le passage du roi pour aller de son château du Louvre à sa maison des Tournelles. (Cf. les Ordonnances et édits faits par le Roi très chrétien Henri, deuxième du nom, Paris, 1557, in-f°, p. 129, verso.) — Mais les Tournelles avaient été démolies après la mort d'Henri II et les choses étaient restées en l'état.
[34] Contre la boutique du Cœur couronné d'une flèche dit Malherbe. Mais il est très difficile d'en connaître aujourd'hui l'emplacement exact. Lors de la reconstruction de la rue, sous Louis XIV (1669), on traça une croix de Malte rouge sur la maison qui remplaçait le Cœur couronné. Cette croix, encore visible en 1880, a depuis disparu sous le badigeon administratif. (G. CAIN, Promenades dans Paris.) Elle était sur le numéro 8, le numéro 11 actuel, selon d'autres (l'Eclair, 10 avril 1903), et à la hauteur du deuxième étage. Une inscription placée sur l'ancien numéro 3, du fait d'un particulier :
Henrici magni recreat præsentia cives
Quos illi æterno fœdere junxit amor,
au-dessus d'un buste du roi a été recueillie par le musée Carnavalet, l'immeuble ayant été démoli en 1866. — En 1904 enfin, M. P. Lacombe insista près de la Commission du Vieux Paris, pour qu'une inscription nouvelle fût placée sur le numéro 14, c'est-à-dire le plus près possible de la rue de la Lingerie. (Cf. la Correspondance historique et archéologique, n° 124-125, p. 133.)
[35] On raconta ensuite que l'archevêque d'Embrun avait exhorté et confessé le roi au Louvre, qui, tout mort qu'il était, éleva les yeux et les mains, témoignant par là qu'il mourait vrai chrétien et bon catholique. (L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 578.) La bêtise humaine ainsi ne perd jamais ses droits.
Bien mieux, le bruit se répandit en province que l'archevêque d'Embrun, Honoré du Laurens, se serait trouvé par hasard près du carrosse royal, lorsque le roi fut frappé, et lui aurait donné l'absolution. (Cf. Ch. DE RIBBE, Une famille... au seizième siècle, Paris, 1867, p. 117.)
[36] Mss Fontanieu, 454-455.
[37] Le duc d'Aumale — sans doute celui qui mourut dans les Pays-Bas en 1619 ou 1620 (MORÉRI) — raconta plus tard que d'Epernon voyant frapper le roi lui aurait donné lui-même un coup de couteau pour l'achever. Notice sur la vie, etc., dans l'édit. Didot du Grand Alcandre, p. 180, note.
[38] C'est à ce moment que se place un incident singulier : Le baron de Courtemer courait prévenir Sully à l'Arsenal, lorsqu'il croisa dix ou douze, hommes armés, dont deux à cheval, qui criaient à haute voix : Qu'il meure ! qu'il meure ! Ils voulurent se jeter sur Ravaillac, mais le baron de Courtemer les repoussa l'épée à la main, et ils se perdirent dans la foule accourue de toutes les rues voisines. (Cf. MATHIEU dans Archives curieuses de l'histoire de France, 2e série, t. XV.) Quels étaient ces hommes ? se demande M. de La Ferrière. Venaient-ils aussi pour tuer le roi, et, la besogne faite, prenant Ravaillac pour un des leurs, voulaient-ils s'en défaire pour s'assurer l'impunité. Nous verrons plus loin les hypothèses qui, à ce propos, ont été faites. (Cf. MATHIEU, Histoire d'Henri le Grand, in-f°. D. XXII.)
[39] Aujourd'hui représenté par l'antichambre des salles grecques. (E. BEAUREPAIRE, le Louvre et les Tuileries, p. 40.)
[40] La partie du Salon des sept cheminées la plus rapprochée de la Salle des Bijoux. (E. BEAUREPAIRE, le Louvre et les Tuileries, p. 40.)
[41] Ce fauteuil carré, couvert de velours rouge, est, dit-on, oublié aujourd'hui dans une petite salle de la bibliothèque de l'Institut, rapporté du Louvre lors du déménagement de l'Académie française, qui s'y trouvait d'abord installée. (E. BEAUREPAIRE, la Chronique des rues, p. 254.)
[42] Elle reçut la nouvelle de la mort du roi, affirme d'autre part Saint-Simon, avec une présence d'esprit, un dégagement et une indécence qui firent scandale (Parallèle). Le manuscrit Fontanieu 446-447 dit seulement : L'étonnement fut grand du peu de douleur qu'elle témoigna de la mort du roi.
[43] Archives nat. Parlement de Paris : Déclaration des Chambres assemblées à la nouvelle de la mort d'Henri IV et déclaration de la régence en faveur de Marie de Médicis (14 mai 1610). X1B 899. Copie. L'original est au musée des Archives, n° 778. — MÉZERAY, Histoire...
[44] Voyez ce que dit M. F. Combes, Lectures historiques, t. II, 1885, l'Assassinat d'Henri IV et la diplomatie étrangère, p. 299 et s. Son argumentation a été résumée au chapitre suivant.
[45] Henri IV avait légué son cœur aux jésuites de la Flèche, à la demande de son favori Fouquet La Varenne ; avant la Révolution, dans la chapelle du Prytanée militaire, commencée par le roi, se voyaient à l'extrémité des collatéraux deux cœurs de métal doré, renfermant l'un le cœur du Béarnais, l'autre, celui de Marie de Médicis. En 1793, on brûla ces dépouilles, dont un habitant de la ville recueillit toutefois les cendres qui furent enfermées en 1814 dans une boîte de plomb doré aussi en forme de cœur et replacées dans une niche du croisillon de gauche.
Voici, d'autre part, le procès-verbal d'autopsie du roi, publié par Guillemeau. (Œuvres de chirurgie, Rouen, 1647) :
Rapport de l'ouverture du
corps du roi défunt Henri le Grand, IVe de ce nom, roi de France, qui a été
faite le 15e jour de mai, en l'an 1610, à 4 heures du soir ; ayant été blessé
le jour précédent d'un couteau, étant dans son carrosse, dont il serait décédé
incontinent, après avoir dit quelques paroles et jeté le sang par la bouche.
S'est trouvé par les médecins
et chirurgiens soussignés, ce qui suit :
Une plaie au côté gauche,
entre l'aisselle et la mamelle, sur la deuxième et troisième côte d'en haut,
d'entrée du travers d'un doigt, coulant sur le muscle pectoral vers la dite
mamelle, de la longueur de quatre doigts, sans pénétrer au dedans de la poitrine.
L'autre plaie, au plus bas
lieu, entre la 5e et la 6e côte au milieu du même côté, d'entrée de deux
travers de doigt, pénétrant la poitrine, et perçant l'un des lobes du poumon
gauche, et de là coupant le tr 'ne de l'artère veineuse à y mettre le petit
doigt, un peu au-dessus de l'oreille gauche du cœur : de cet endroit, l'un et
l'autre poumon a tiré le sang, qu'il a jeté à flots par la bouche, et du
surplus se sont tellement remplis qu'ils s'en sont trouvés tout noirs comme
d'une ecchymose.
Il s'est trouvé aussi quantité
de sang caillé en la cavité de la dite poitrine et quelque peu au ventricule
droit du cœur ; lequel ensemble les grands vaisseaux qui en sortent étaient
tous affaissés de l'évacuation, et la veine-cave au droit du coup, fort près du
cœur, a paru noircie de la contusion faite par la pointe du couteau.
Par quoi tous ont jugé que
cette plaie était seule et nécessaire cause de la mort.
Toutes les autres parties du
corps se sont trouvées fort entières et saines, comme tout le corps était de
bonne température et de très belle structure.
Fait à Paris, le jour et an que dessus. Médecins du roi : A. PETIT, A. MILON, DE LORME, REGNARD, HÉROARD, LEMAISTRE, FALAISEAU, DE MAÏERNE, HUBERT, LAMIRRHE, CARRÉ, AUBÉRI, YVELIN, DE LORME le jeune, HAUTIN, PENA, LUSSON, SÉQUIN. Chirurgiens du roi : MARTEL, PIGRAY, GUILLEMEAU, REGNAUD, GARDÉ, PHILIPPES, JARVET, DELANOUE, JOUBARD, BÉRART, BACHELIER, ROBILLARD.
[46] Le procureur général ayant été au Louvre au soir du 14 mai, entra par erreur dans la chambre où le corps du roi mort était étendu sur un lit, la face couverte d'un linceul, vêtu de satin noir ; autour étaient des flambeaux et des religieux qui commençaient les Vigiles. Lui ayant jeté de l'eau bénite, le visage plein de larmes, il alla voir la reine, puis le nouveau roi. (L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 587.)
[47] Le cérémonial en usage pour les funérailles des rois de France était fixé depuis des siècles. Le corps, après avoir été embaumé, était placé dans un cercueil de plomb recouvert d'un grand drap d'or ; il restait ainsi dans une salle du palais durant un laps de dix à vingt jours pendant lesquels on confectionnait son effigie au vif, d'après un moulage pris sur le corps. Cette effigie en cire et qui figurait aux obsèques était placée dans un lit de parade, où un mannequin d'osier, vêtu des habits du roi et auquel on adaptait la tête et les mains, représentait le personnage mort. Pour les funérailles d'Henri IV, la grande salle basse du Louvre, ou salle des Cariatides, fut tendue de tapisseries d'or et de soie et transformée en chapelle ardente. L'effigie au vif y fut exposée du 10 au 21 juin. (E. BEAUREPAIRE, le Louvre et les Tuileries.) — Trois bustes avaient été exécutés en prévision des obsèques ; l'un par Guillaume Dupré ; le second par Jacquet de Grenoble, et le dernier par Michel Boudin. Le premier servit aux funérailles et dut être détruit ; celui de Guillaume Dupré est entré au musée de Chantilly ; l'autre, de Michel Boudin, est au musée Carnavalet. La base du buste du roi est en terre cuite. — En Angleterre, pays de traditions et où existait un usage analogue, on con serve dans une vitrine de l'abbaye de Westminster un certain nombre de mannequins ayant servi aux funérailles des souverains et des grands hommes de la nation, et qui figurent la reine Elisabeth, la reine Anne, Charles II, Guillaume III et la reine Marie, Buckingham, le général Monk, Nelson, etc.
[48] Le Mercure français, t. I.
[49] Plus de deux mille fleurs de lis d'or recouvraient le caparaçon, le chanfrein et les rênes. (L. LE GRAND, Registre des délibérations du bureau de la ville de Paris (1605-1610), Hist. générale de Paris. — T. XIV. Paris 1908.)
[50] On sait que la sépulture d'Henri IV à Saint-Denis fut violée à cette époque, en même temps que celles des autres rois, reines, princes, princesses et grands personnages inhumés dans l'abbaye, dit le procès-verbal. Le corps du premier Bourbon était bien conservé et si reconnaissable, qu'il fut possible d'en prendre un moulage. On le laissa dans le passage des chapelles basses, enveloppé de son suaire, qui était également intact. Prud'homme, dans son Miroir de Paris, ajoute même : Henri IV fut placé sur une pierre, debout, et livré aux insultes de la populace ; une stupide commère lui reprocha d'avoir été roi et lui donna un soufflet qui le fit tomber par terre ; mais chacun put le voir du 12 au 14 octobre où il fut porté dans le chœur et ensuite jeté dans une fosse creusée sur l'emplacement de l'ancien cimetière des Valois. Le rapport du commissaire prend soin d'indiquer que le crâne scié contenait, à la place de la cervelle, de l'étoupe enduite d'une liqueur extraite d'aromates qui répandait une odeur tellement forte qu'il était presque impossible de la supporter (26 octobre 1793). — On indique encore que lorsque le cercueil fut ouvert, un soldat vint couper avec son sabre une partie de la moustache du roi et dit en la plaçant sur ses lèvres : Désormais, je n'en aurai pas d'autres. Selon une version différente, c'était un morceau de la barbe et ce soldat aurait dit : Moi aussi, je suis soldat français ; désormais, je suis sûr de vaincre les ennemis de la France. Le même fait a d'ailleurs été mentionné pour Turenne, et il doit y avoir confusion. Mais on a indiqué qu'en mars 1865 il fut vendu un reliquaire provenant de la collection Pourtalès et qui renfermait une partie de la moustache d'Henri IV, trouvée tout entière lors de l'exhumation du corps à Saint-Denis. Un moulage du masque pris après la mort fut trouvé également en 1793 au Garde-Meuble de la Couronne ; il a été déposé au musée des Antiquités de Rouen, galerie Langlois. — C'était d'ailleurs le premier corps tiré des caveaux et avec les autres qu'on alla chercher les jours suivants (du 14 au 25 octobre), ce furent des scènes de sauvagerie révoltante ; certains de ces cadavres étaient entièrement noirs, tel celui de Louis XIV ; le grand Dauphin était en putréfaction liquide. La puanteur dans l'église était si grande qu'on était obligé d'y tirer des coups de fusil ; il sortait des corps une vapeur noire et épaisse qu'on chassait à force de vinaigre et en brûlant de la poudre.
Un frère bâtard du roi, qui était archevêque de Rouen, le suivit de près dans la tombe. Il mourut en juin 1610.