LA MARQUISE DE VERNEUIL ET LA MORT D'HENRI IV

PREMIÈRE PARTIE. — LES DERNIÈRES AMOURS DU VERT-GALANT

 

CHAPITRE IX.

 

 

Le procès. — Les interrogatoires. — Arrêt du Parlement. — Intervention du duc de Lennox. — La marquise de Verneuil se décide à plaider sa cause. — L'arrangement. — Henriette d'Entragues se retrouve en faveur. — L'accident du bac de Neuilly. — Une nouvelle maitresse, Mlle de La Haye. — Aventure de Bassompierre. — Les querelles de ménage du roi.

 

Avec l'année 1605, et tandis qu'on ballait à la cour, le Parlement avait poursuivi le procès du comte d'Auvergne, d'Entragues et de leurs complices, et avec d'autant plus d'ardeur que la reine, disait-on, s'y portait partie, et qu'Henri IV, pour ne point la contrecarrer trop en face, semblait avoir la même animosité. Mais Marie de Médicis voulait surtout flétrir dans la marquise de Verneuil celle qui avait été la maîtresse de son mari, la femme qui se prétendait des droits légitimes, — et donner à penser à celles qui pourraient lui succéder dans l'avenir, — lorsque le roi, justement, était bien loin de vouloir déshonorer Henriette. Il n'avait pu s'y résoudre d'abord, et maintenant se laissait attendrir. Malgré ses efforts, ses résolutions, ses coups de tête, le caprice éventuel d'une nouvelle femme, certes jolie, mais qui n'avait ni le bagout ni l'esprit endiablé de l'ancienne, il n'arrivait pas à se libérer, à se dégager ; la marquise de Verneuil restait la charmeresse et l'amoureuse captivante dont il ne voulait, ni ne pouvait se passer. Il essayait de l'oublier avec d'autres, et c'était elle quand même qu'il retrouvait dans leurs bras ; c'était elle qu'il poursuivait, qu'il voyait, qu'il embrassait toujours ; il n'aimait dans les autres que ce qui pouvait lui rappeler Henriette, et ces mauvaises copies le rattachaient surtout à l'original. Il ne désirait que faire ployer cette tête altière, la femme qui le traitait dorénavant en étranger, sinon en ennemi, et qui opposait sournoisement à ses fringales amoureuses la crainte de Dieu et les défenses de son confesseur. Le Parlement, qui poursuivait l'affaire surtout pour plaire à Leurs Majestés, — car on pensait bien qu'Henri IV modifierait la sentence, — avait délégué comme commissaires spéciaux : Achille de Harlay, premier président, Étienne de Fleury et Philibert de Turin, conseillers. Le procès de Morgan était resté en l'état depuis le 12 août, et il semblait urgent d'y pourvoir ; mais avec l'arrestation de Charles de Valois, la commission allait pouvoir instruire.

— J'ai fait mettre le comte d'Auvergne en un lieu où il ne pourra plus faire de mal, disait le roi à l'ambassadeur de Venise.

Mais, avec une sorte de commisération, il ajoutait : — La marquise s'est laissée embarquer dans une bien mauvaise aventure[1].

Lorsque les commissaires du reste s'étaient rendus à la Bastille (24 novembre 1604), le comte s'était contenté de leur mettre sous les yeux les lettres d'abolition qu'il avait tirées d'Henri IV au mois de juillet précédent, et avait refusé de répondre. La justice avait à cette époque des moyens de persuasion auxquels on ne résistait pas ; mais la cour, sans insister pour l'instant, avait dépêché vers le roi l'avocat général Louis Servin, avec charge de représenter que l'accusé en était à son troisième crime de lèse-majesté et s'était rendu indigne de pardon ; qu'il fallait un exemple de sévérité pour garantir sa personne, celles de la reine et du dauphin. Le roi, en somme, avait peu de tendresse pour le comte d'Auvergne ; il était las des intrigues toujours renouvelées de son beau-neveu, et répondit qu'il n'avait donné les lettres que dans l'espérance de gagner le coupable ; mais dorénavant il demandait et même exigeait qu'on fît marcher le procès. La cour ainsi rendit un arrêt qui ordonnait au comte d'Auvergne de subir l'interrogatoire, nonobstant les raisons qu'il donnait pour s'y soustraire, faute de quoi il demeurerait convaincu des faits qui lui étaient imputés. La commission ensuite interrogea le prévenu[2] :

— Combien de fois, demanda Harlay, avez-vous vu Taxis, l'ambassadeur d'Espagne ?

— Deux fois, se décida à répondre le comte ; la première fois, dans la maison d'une femme dont le nom ne m'est pas connu, derrière le petit Saint-Antoine. Entragues et moi, après avoir exposé à Taxis les dangers dont la haine de la reine menaçait la marquise ma sœur, demandâmes si, en cas de mort du roi, qui était alors très malade, un asile nous serait accordé en Espagne. Taxis nous le promit au nom de son maître.

— Vous avez vu Morgan chez la marquise ? demanda encore Harlay.

— Non, jamais !... Mais j'affirme que ma sœur n'ignorait rien de ce qui se négociait pour elle. Le jour où Morgan fut arrêté, je l'ai rencontrée dans le jardin de la reine. Elle m'a dit : Le roi sait tout par cet homme ; mais je ne crains rien, j'ai ma rémission en poche[3].

L'interrogatoire fut repris trois jours après (27 novembre) ; Harlay voulut savoir comment le comte avait appris l'arrestation de Morgan.

— Par un billet enfermé dans un paquet que m'avait envoyé ma femme. J'ai dû croire que c'était de la part de la marquise, car elle seule connaissait le motif de l'arrestation de Morgan.

Charles de Valois soutenait d'ailleurs qu'il avait à plusieurs reprises supplié sa sœur de remettre au roi la promesse de mariage et invoqua même le témoignage de Rosny auquel il en avait parlé. Il accusa enfin Mme de Verneuil d'avoir demandé au roi les clefs de la Sainte-Chapelle pour y donner rendez-vous à Taxis. Sans la mauvaise fortune qui l'avait forcé à s'éloigner, ajoutait-il, il aurait tout révélé à Henri IV.

Le 4 décembre, on fit ensuite comparaître Morgan, dont la défense, aussi bien, fut assez faible. On le questionna sur les motifs de sa liaison avec Taxis et d'Entragues, et il affirma qu'il n'avait ménagé l'amitié de Taxis que pour arriver à se faire payer par l'Espagne d'une somme de 6.000 écus qui lui était due par la reine d'Écosse, dont il avait été l'agent ; qu'il n'avait fréquenté Entragues que pour en tirer des lettres de recommandation pour le duc de Lennox, qui était puissant en Angleterre ; qu'au surplus il n'avait pu croire que ses visites chez Taxis eussent rien de criminel, et ne les avait faites que sur les conseils de Balzac et du comte d'Auvergne ; enfin il dit qu'il était étranger et exilé de sa patrie pour cause de religion, et que s'il avait commis une faute, déjà malade de sa longue détention il implorait la clémence du roi.

Ce fut enfin le tour du vieil Entragues, mais qui redevint père et retrouva du courage lorsqu'on le mit sur la sellette (14 décembre)[4], s'efforçant de tout prendre sur lui :

— Je n'ai jamais eu qu'un but, dit-il, c'était d'ôter à ma fille le sujet de vivre comme elle faisait. Tous les moyens de l'en retirer sans qu'elle le sût m'ayant manqué, l'Angleterre, les Flandres me faisant défaut, je me suis adressé à Taxis.

Dès la première séance, il avait déposé entre les mains des commissaires une copie du mémoire qu'il avait remis au roi, à Saint-Germain, le 24 juin précédent. Il y rappelait ses services passés, le peu de récompense qu'il en avait obtenu[5], le désarroi dans lequel il s'était trouvé pour caser sa famille, etc.[6], et en somme niait absolument avoir voulu se dessaisir de la promesse de mariage, surtout au profit de l'étranger. Il reconnut pourtant qu'il avait eu des entrevues, notamment à Cléry, avec des Espagnols ; il finit aussi par refuser de parler davantage devant les commissaires en déclarant que pour bien s'expliquer il lui faudrait dire des choses qui peut-être froisseraient le souverain ; il refusa même de ratifier les dires du comte d'Auvergne et de Morgan, et affirma qu'ils étaient de mauvaise foi et plutôt portés à aggraver les torts de sa fille. Mais Henri IV consulté autorisa toute liberté de parole. Entragues ainsi n'eut plus d'excuses et ses raisons du reste furent conformes à celles qu'invoquait son mémoire. Il appuyait surtout sur l'innocence de la marquise de Verneuil et tâchait de faire voir à quels expédients l'avaient réduit sa tendresse de père. Il niait enfin qu'Henriette eût connaissance de ses relations avec les Espagnols, — ce qui était peut-être excessif ! — et la preuve, ajoutait-il, qu'elle les a toujours ignorées, c'est que craignant l'animosité et les menaces de la reine, elle s'est souvent adressée au roi pour en prévenir les effets. Sa Majesté lui avait offert pour retraite le château de Caen, et si la proposition ne fut pas acceptée, c'est qu'Henri IV ne voulut jamais admettre que sa maîtresse disposât du gouvernement de la place. — Le plus difficile était de motiver son refus persistant de ne pas se dessaisir de la promesse de mariage : J'avais juré, répondit Entragues à une question que lui posait Harlay, j'avais juré à ma fille de ne la rendre qu'à elle-même. Néanmoins, à force d'instances, je l'avais amenée à la restituer ; mais quand, à Fontainebleau, j'ai offert au roi de la lui remettre : Cette promesse ne vaut rien, m'a-t-il dit, faites-en ce que vous voudrez[7]. Il affirma de nouveau que sa fille ne savait rien des conférences que le comte d'Auvergne et lui avaient eues avec Taxis, et dans une dernière séance, lorsqu'on lui mit sous les yeux une lettre tombée du portefeuille de Morgan et qui paraissait bien prouver qu'une copie de l'engagement du roi avait été expédiée en Espagne, il continua encore ses dénégations[8].

Le comte d'Auvergne dut comparaître ensuite, et fut derechef interrogé par Sillery et le président Jeannin. Ses réponses furent identiques ou presque à celles de son beau-père. Il avait seulement une tendance à charger sa sœur, sans doute à cause de la tendresse que le roi avait pour elle ; il préférait lui faire porter tout le poids du complot, toutefois qu'il eût déclaré déjà qu'elle devait être enceinte de Bellegarde, du duc de Guise ou du prince de Joinville (?). Il convint enfin que la marquise avait résolu de sortir du royaume, surtout s'il arrivait quelque accident au roi et refusa de reconnaître pour véritables les déclarations de son beau-père ou celles qui avaient été faites antérieurement par Mme de Verneuil, affirmant qu'ils ne cherchaient qu'à le perdre. Quant au traité avec l'Espagne, il le dénia, affirmant que si on le lui montrait, il signerait de suite son arrêt de mort[9].

La marquise de Verneuil fut interrogée la dernière. On avait perquisitionné en son absence dans ses coffres, et l'on y avait saisi quelques lettres de son père, relatives aux négociations qu'il poursuivait pour elle ; de plus, nombre de billets doux, dont quelques-uns étaient de Sigogne, ce qui amena sa disgrâce, car il en résultait bien qu'il avait été le favori du moment[10]. Aux tendres propos qu'il lui adressait, dit M. de La Ferrière, il mêlait des conseils sur la conduite qu'elle avait à tenir avec le roi son protecteur. Avait-il été payé secrètement de ses services ; ou bien, conteur égrillard et poète libertin, avait-il aidé Henriette d'Entragues à supporter les ennuis de son royal esclavage ? Avec une telle femme, toutes les suppositions sont possibles. Mais Henri IV s'arrêta à celle qui blessait le plus son orgueil ; on se rappelle le mot de Tallemant : il était toujours cocu ! et cette fois, chose pire, il se voyait trahi, trompé par l'homme dont il se croyait le plus sûr. Il lui fit donner l'ordre de retourner à son gouvernement de Dieppe et de n'en plus sortir. Sigogne, fécond en ressources, — maquignon au jeu d'amourettes, dit son rival le poète Motin, — trouva une excuse à peu près plausible ; il mit en avant, fit valoir les fonctions délicates dont il était chargé près de Mme de Verneuil : Sire, écrivit-il au roi, mon intention était innocente, et à l'heure où ma main écrivait ce qui a déplu à Votre Majesté, mon cœur pensait à le servir. L'humeur de celle avec qui j avais à traiter explique mes actions. Elle voulait des devoirs extraordinaires, un esprit qui cédât à ses volontés, et l'apparence de beaucoup d'affection à ses intérêts. Voyant qu'une inclination si forte et combattue de tant d'agitations différentes vous contraignait à l'aimer, je pensais que toutes sortes d'inventions m'étaient permises pour vous servir en vos commandements, et souvent donnant tort à Votre Majesté et la raison à celle qui en était privée, son opiniâtreté vaincue se tournait à votre contentement, etc. Sigogne suppliait enfin Henri IV d'abréger son éloignement de la Cour, où il était plus souvent qu'à Dieppe[11]. Mais ces récriminations ne touchèrent pas beaucoup le roi. — Le procès en attendant se poursuivait, et il comptait sur la crainte du châtiment pour faire plier l'orgueil indomptable de sa maîtresse. Dans l'inquiétude de sa résistance, il lui avait du reste envoyé Sillery avec charge de lui faire savoir que si elle confessait ses fautes, le monarque était tout disposé à lui pardonner et à tous ceux qu'elle désignerait. Mais ce fut encore peine perdue. Elle comparut enfin au Parlement et nia avoir eu connaissance des relations de son père et du comte d'Auvergne avec l'Espagne (17 décembre)[12] ; elle affirma n'avoir vu Taxis qu'un jour avant son départ pour Madrid[13] ; c'était avec la permission du roi et elle ne l avait entretenu qu'en présence de plusieurs dames. Aux questions qui lui furent posées ensuite sur les relations de son père et de son frère avec les Espagnols, elle répondit : Si les miens ont traité pour moi, c'est de la bouche seule du roi que je l'ai appris. De même, j'ai appris par diverses personnes que mon père, craignant pour ma vie en cas de mort du roi, avait fait demander par Taxis un lieu d'asile pour moi au roi son maître[14]. — Qui a pu vous donner de pareils soupçons sur la reine ? — De divers côtés j'ai été avertie que la reine, si le roi venait à me manquer, me ferait enfermer pour le reste de mes jours. — Qui vous a dit cela ?— Je ne nommerai pas les personnes, de crainte de les compromettre. — A-t-on traité avec l'Espagne pour vos enfants ? — Non, pour moi seule. — Voulez-vous vous en rapporter à ce que dira le comte d'Auvergne ? — Non, il s'est attaqué à mon honneur ; le roi le sait bien. — Votre père avait-il promis à Taxis de lui remettre la promesse de mariage que vous a faite le roi ? — Je n'ai jamais entendu dire qu'il ait été parlé de cette promesse à Taxis !

La marquise, avant de signer la procédure, s'adressa encore à Harlay : Suppliez Sa Majesté, dit-elle, de me faire l'honneur de me voir ! Mais Harlay refusa. Priez alors Sa Majesté de m'envoyer M. Sillery. Je l'ai déjà vu il y a huit jours. Si je lui ai répondu que je savais que mon père avait demandé pour moi un asile au roi d'Espagne, c'est que j'espérais que Sa Majesté m'interrogerait elle-même sur le fait ; puisqu'elle ne l'a pas eu pour agréable, j'affirme l'avoir ignoré. Je ne l'ai dit que pour avoir l'occasion de parler au roi. Le 3 janvier 1605, la marquise fut encore interrogée par Harlay sur la demande qu'elle avait fait des clefs de la Sainte-Chapelle. Elle en appela au propre témoignage d'Henri IV qui devait savoir qui les lui avait demandées. Par hasard, elle s'y était rencontrée avec Taxis ; mais il y avait là plus de cent personnes ; il lui eût été impossible de conférer secrètement avec lui[15]. Harlay revint ensuite sur l'histoire d'un portrait de Biron qui avait été trouvé à Verneuil ; on fit même venir l'artiste, Jean Pol, qui reconnut que le portrait avait été livré peu après la mort du maréchal ; mais il n'y avait là qu'une preuve de sympathie, non de complicité. — Henriette, en somme, se conformait scrupuleusement au célèbre précepte : N'avouez jamais. Les papiers saisis- à Malesherbes suffiraient sans doute pour établir le crime de lèse-majesté ; les accusés se chargeaient l'un l'autre, surtout le frère et la sœur, et le président Jeannin déclarait au roi que s'il eût été à la tête de l'affaire, il eût fait tomber les têtes de tous ces gens-là. Il y eut aussi des scènes pénibles lorsque vinrent les confrontations. Le 15 janvier, Entragues fut mis en présence du comte d'Auvergne. Interrogé le premier, il rappela l'affection qu'il lui avait vouée depuis sa tendre enfance en souvenir du feu roi Charles IX ; il ne s'en était dépris que lorsque le comte d'Auvergne avait accusé sa fille d'avoir cédé à diverses personnes qu'il pouvait nommer s'il en était requis. L'autre répliqua de suite : Du moment que Sigogne était résolu à tout révéler au roi, j'ai été contraint de parler aussi ; c'est la cause de la grande haine que me portent le père et la fille. Et il affirma de nouveau que sa sœur savait tout ce qui avait été traité pour elle. — On mit enfin aux prises Charles de Valois et la marquise de Verneuil :

— Quels reproches, madame, dit Harlay, opposez-vous au comte ?

— Je n'en ai que trop... Il sait ce qu'il a dit de moi à Sa Majesté ; il a voulu flétrir mon honneur, mais je ne puis en appeler qu'à sa conscience.

— Madame, reprit Harlay, tous vos reproches doivent être présentés maintenant. Demain ils ne seraient plus admis !

— Soit ! dit-elle.

Et à voix presque basse, elle précisa :

— Il a dit qu'on a vu M. le grand écuyer Bellegarde entrer chez moi après minuit : c'est le roi qui me l'a répété. Depuis ce jour, par ses écrits et ses propos, on a bien vu qu'il en voulait à mon honneur et à ma vie.

— Je regrette infiniment, répliqua aussitôt le comte, que Mme de Verneuil ait aussi mal interprété mes paroles. Sigogne m'avait affirmé qu'il révélerait tout au roi ; sans ajouter une foi trop grande à cette calomnie, j'ai pensé, étant si perfide, qu'il valait mieux que le roi en fût averti par moi-même. J'ai donc parlé dans l'intérêt seul de la marquise ; mais elle l'a pris en mauvaise part et je sais qu'elle a juré ma perte. Elle a été jusqu'à dire qu'elle ne regretterait pas la mort si mon ignominie devait suivre... Quant à ses protestations qu'elle n'a rien su du traité avec l'Espagne, rien de plus faux ; c'est elle et son père qui ont tout concerté.

— Devez-vous ajouter quelque chose encore ? demanda Harlay.

— La marquise, étant chez la reine, a tenu des propos si outrageants pour mon honneur et mon courage que la comtesse ma mère, qui se trouvait présente, a été obligée de sortir pour n'en pas entendre plus.

Henriette répondit encore :

— Sigogne m'a déclaré à Verneuil que ce n'est pas lui qui a poussé le comte d'Auvergne à parler au roi ; il m'a donc accusée de lui-même et lors de l'explication qu'il eut à Fontainebleau avec Sigogne : Je suis le plus traître des hommes, lui a-t-il dit ; mais avant trois mois je vous ferai connaître ce qui m'a forcé à vous jouer ce tour-là. Même en admettant que ce qu'il a dit de moi fût vrai, comme frère il devait plutôt rester bouche close. Aussi quand j'ai appris son arrestation j'ai éprouvé une grande joie, car c'était le seul moyen de prouver au roi la fausseté de ses accusations ; mais ni mon père ni moi n'avons comploté contre lui ; je défie quiconque de produire des témoins qui soutiendront le contraire. Je n'ai jamais tenu chez la reine les propos qui m'ont été attribués ; ma mère n'a pas été forcée de quitter l'appartement ; c'est moi la première qui ai été trouver le roi aux Tuileries[16].

Il n'y avait rien à ajouter à ces déclarations contradictoires, et le procès-verbal signé, le frère et la sœur se retirèrent[17] ; mais la discussion tournait à la dispute, les accusés se contentaient de ressasser leurs petites raisons et leurs médiocres commérages[18]. Du fait principal il n'était plus question, et il était évident qu'on ne saurait rien. — Un nouveau personnage intervint à ce moment et vint tirer Henri IV de l'embarras où il se trouvait. Le duc de Lennox, beau-frère de François d'Entragues, avait été désigné depuis quelques mois pour une ambassade extraordinaire en France, mais de lui-même il avait dit alors à Beaumont qui nous représentait en Angleterre : Si je retarde mon départ, c'est pour n'avoir pas à intervenir dans le procès de mes proches. Puis il se décida brusquement et arriva à Paris le 14 janvier 1605. Cependant Villeroy écrivait à M. de Beaumont : J'estime qu'il s'abstiendra d'intercéder pour ses parents, desquels on a si avancé le procès qu'il est en état d'être jugé cette semaine. Selon les avis que j'ai eus, ils auront tous besoin de la miséricorde du roi[19]. Mais Lennox s'employa, bien au contraire, en faveur des accusés et harcela Henri IV.

— Vous aviez donné l'assurance à Beaumont, lui reprocha Villeroy, de ne pas vous mêler de cette affaire de justice ; je m'étonne de votre insistance.

— Il est vrai, convint le duc ; mais à ce moment je pouvais croire que le roi avait de nouvelles charges contre M. d'Entragues. Depuis la première confession de l'accusé, accueillie par le roi avec beaucoup de douceur, il ne s'est rien produit de sérieux ; je pouvais penser que Sa Majesté prendrait en bonne part ce qui pourrait lui être dit pour lui conseiller la clémence ; il a toujours le droit de faire surseoir à l'arrêt contre Entragues et sa fille !

— Sans doute, mais on ne l'attribuerait ni à sa bonté, ni à votre intercession ; on incriminerait le manque de preuves et d'autres considérations dont il a été déjà trop parlé.

— Eh bien ! si Sa Majesté me refuse cette grâce, qu'elle s'attende à ne pas me trouver aussi affectionné à son service auprès du roi mon maître que je l'ai été jusqu'ici ![20]

La conversation finit sur ces paroles aigres-douces et le 1er février, Villeroy écrivait de nouveau à Beaumont : Nous touchons au dénouement ; on ne doute pas de la condamnation à mort d'Entragues et du comte d'Auvergne. Quant à la marquise, elle n'a pas été convaincue d'être mêlée aux menées de son père, mais seulement du cas d'avoir voulu sortir de Paris avec ses enfants[21].

L'arrêt du Parlement fut en effet rendu le lendemain ; il déclarait Charles, bâtard de Valois et comte d'Auvergne, François de Balzac, sieur d'Entragues et Thomas Morgan atteints et convaincus du crime de lèse-majesté au premier chef ; la condamnation portait qu'ils seraient privés de leurs honneurs et biens, et auraient la tête tranchée en place de Grève. Henriette d'Entragues, contre laquelle il devait être plus amplement informé, devait être en attendant menée sous bonne et sûre garde au couvent de Beaumont-lez-Tours, et devait y rester sous peine d'être déclarée convaincue du crime à elle imputé, avec défense de parler à toutes autres personnes qu'aux religieuses (2 février 1605)[22]. — Mais l'arrêt ne fut pas immédiatement exécutoire, le roi ayant fait défense de passer outre. Son unique préoccupation était de savoir sous quelle impression se trouvait la marquise depuis le prononcé du jugement. Selon son habitude, il voulut consulter Sully qu'il fit venir et emmena sur le balcon de la première galerie du Louvre. Le ministre qui jugeait froidement répondit net aux questions que lui posait Henri IV, qu'à son avis, si Mme de Verneuil croyait à un dépit amoureux, elle avait l'esprit assez fin et le cœur trop fier pour s'effrayer du résultat, sachant bien qu'il n'y avait là que des menaces et qui ne seraient suivies d'aucun effet. D'autre part, si elle pensait que le roi n'avait plus pour elle aucune affection, elle filerait doux et emploierait tous les moyens de le fléchir, même les supplications, ayant foi dans la force de ses larmes et la voix de leurs enfants. — Henri IV alors pria Rosny de tenter encore une démarche auprès de la marquise ; mais cette fois il refusa net en déclarant qu'il lui fallait surtout éviter le mécontentement de la reine. Il ajoutait du reste qu'il ne voulait pas davantage prêter aux médisances qui couraient sur son compte. Les potins, en effet, ne laissaient pas de faire entendre — et c'était bien un peu vrai — qu'en allant chez Mme de Verneuil il n'avait d'autre but que de trahir la confiance de Marie de Médicis au profit de son maître, et pour un peu encore, on l'eût traité d'entremetteur. — Le complot en somme avait été flagrant, malgré les dénégations des accusés ; malgré leur défense qui n'offrait qu'une suite de mensonges. Le roi, il est vrai, avait paru d'abord décidé à faire un exemple ; mais ces belles résolutions ne duraient guère chez Henri IV lorsqu'il avait le souvenir des anciennes amours aussi bien que la perspective des nouvelles, et avant même le jugement, on sait qu'il avait fait prévenir sous main la marquise qu'elle obtiendrait son pardon si elle le demandait. Elle eût pu se fier, en effet, à la parole du monarque, toujours prêt à absoudre dès qu'un cotillon était en jeu. Mais elle se drapa dans sa dignité et répondit net qu'elle n'avait jamais offensé le roi et que quand il n'y avait pas d'offense, il ne pouvait y avoir de pardon[23]. Toutefois, le vieil amoureux, s'entêtant dans son idée, ne voulait pas en avoir le démenti. Il avait poussé la complaisance jusqu'à s'entendre avec le chevalier du Guet, afin qu'il le vînt trouver porteur des sollicitations d'Henriette. Mais elle n'accepta pas non plus ce procédé qui sauvegardait son orgueil, ou plutôt son amour-propre. Elle cria que le chevalier du Guet était un méchant homme ; qu'elle ne lui avait rien demandé et que ce qu'il rapportait était faux. Le lendemain du jour où avait été prononcé l'arrêt, fête de la Chandeleur, le roi enfin sortait pour se rendre à la messe, lorsque Mme d'Entragues, la vieille Marie Touchet, vint se jeter à ses pieds avec sa troisième fille et implorer sa miséricorde[24]. Touché de leur désespoir, a-t-on dit, Henri IV les releva doucement et répondit qu'il s'efforcerait de faire voir qu'il était un bon roi. Il promit de réunir son Conseil le jour même pour résoudre la question du pardon, et déjà porté à l'indulgence en souvenir des bons moments d'autrefois, les yeux brouillés de larmes, il dit aux deux femmes : Priez Dieu qu'il veuille bien inspirer le Conseil, et moi aussi, qui vais présentement à la messe pour cet effet. — Mais le Conseil n'avait pas les mêmes raisons que le roi pour absoudre. A l'unanimité, il déclara qu'il fallait exécuter l'arrêt. Henri IV restait indécis, comprenant enfin ce qu'avait d'odieux cette procédure contre une femme, si coupable fût-elle, envers qui il avait eu incontestablement les premiers torts. Aussi lorsque le duc de Lennox vint le solliciter, il se hâta de prendre ce bon prétexte et écrivit à M. de Beaumont : J'ai voulu avoir égard à sa recommandation, qu'encore que j'eusse délibéré de n'interrompre et empêcher le cours ordinaire de la justice pour les conséquences d'un tel fait, pour le gratifier et l'obliger d'affectionner davantage le bien de mon service, et surtout la conservation de la bonne amitié entre moi et son maître, j'ai fait surseoir la prononciation du jugement de mort donné contre le comte d'Auvergne, le sieur d'Entragues et Morgan, et pareillement celui qui touche la marquise par lequel le Parlement a ordonné qu'il sera plus amplement informé des cas desquels elle est accusée, de quoi ledit Lennox s'est déclaré s'en ressentir grandement, d'autant que j'ai dit aux parents desdits prisonniers que j'ai fait cette grâce en faveur du duc[25].

Henriette elle-même comprit qu'une plus longue résistance serait inutile ; elle se décida enfin à le solliciter. C'était la démarche qu'attendait impatiemment Henri IV et à quoi avait tendu toute cette comédie judiciaire, le coup de pouce qui devait faire pencher la balance. La lettre qu'elle lui adressa est du reste un chef-d'œuvre de diplomatie féminine :

Peut-être, écrivait-elle, Votre Majesté s'offensera de voir hors de ma prison cette lettre, après avoir commandé de ne pas laisser sortir celle qui l'envoie. Mais puisqu'on permet ordinairement et même aux plus coupables de dire ce qu'ils désirent, je vous supplie, sire, avoir pour le moins agréable de me donner cette liberté d'écrire en me plaignant, au lieu de celle que je perdis en aimant. Je ne demande pas de me pouvoir justifier avec des paroles, puisque mes actions passées rendent suffisant témoignage de mes desseins, et que votre jugement 'même vous fait assez arbitre de mes justes raisons. Je requiers seulement qu'il soit loisible à ma douleur de vous faire entendre me s plaintes, et vraiment il est bien raisonnable, puisque Votre Majesté veut que je souffre cette douleur, qu'elle endure au moins que je la dise, afin qu'elle puisse dire après que je ne l'ai pas méritée. Un temps fut que Votre Majesté recevait de moi de doux baisers, au lieu des propos amers qui lui viennent maintenant, et des soupirs d'amour au lieu des sanglots d'affliction. J'étais toujours collée à votre bouche, et, mieux encore, à votre âme ; que si parfois je m'en séparais pour soupirer mes amours, mes soupirs vous étaient les plus doux et les plus favorables qui puissent conduire au port la félicité la plus désirée ; et si j'ouvrais la bouche pour vous dire quelque chose, il vous semblait que le ciel s'ouvrait pour vous recevoir. Mais tous ces contentements passés se sont maintenant changés en dégoûts ; et je crois que je n'eusse jamais possédé ce grand bien que je ne méritais pas, si ce n'est pour souffrir aussi ce grand mal que je ne mérite aucunement, et n'eusse été la plus heureuse de mon siècle, sinon pour être ensuite la plus malheureuse ; malheureuse véritablement puisque je suis tombée d'un lieu si haut où l'amour m'avait logée, sans que l'amour déloge de ma pensée en aucune sorte ; malheureuse puisque les cieux permettent que ma condition se change, encore que mon affection ne soit changée. J'aime comme auparavant ; je brûle avec autant d'ardeur qu'auparavant, mais non avec autant de félicité que je ressentais avant cette dernière amertume, parce que celui qui m'aimait plus que sa propre vie ne recherche à cette heure que ma mort, ou s'il ne la désire pas, il la cause.

Vous n'eûtes jamais de l'amour pour moi, ou si vous en avez eu, il n'était guère ardent ; ou s'il l'a été, pour le moins suis-je assurée que ce cœur tout immuable aux dangers est fort muable à son amour. Nos petits enfants, nonobstant leur peu d'âge, ne laissent pas d'avoir beaucoup de ressentiment et de douleur, entendant ma juste plainte avant que d'avoir connaissance d'eux-mêmes. Il semble que vous devez avoir compassion de moi en l'ayant d'eux. Si vous ne voulez pas que je doive ma liberté à mon innocence, pour le moins que ce soit à votre bonté, de même que je vous suis redevable de votre amour passé, plus qu'à mon mérite. Ainsi, libre de la sorte, je serai plus esclave de Votre Majesté, et beaucoup plus sa prisonnière, lorsque je le serai le moins[26].

Avec son amphigouri, qui était bien de l'époque, sa sensiblerie presque larmoyante, la lettre d'Henriette eut l'effet qu'elle désirait. Le roi la délivra de pur et à plein[27], dit l'Estoile, et elle eut la liberté de se retirer à Verneuil, encore que jamais elle ne s'abaissât jusqu'à demander pardon, qui était tout ce qu'Henri IV requérait d'elle. Pour sauver la face, il attribua toutefois aux démarches du duc de Lennox la grâce qu'il était si heureux de consentir, — chose, écrivit-il à M. de Beaumont, que j'eusse fait difficulté d'accorder à un autre pour la qualité du crime ; mais j'ai voulu obliger le duc pour le respect du roi son maître[28]. Peu après (21 août), il expédiait en faveur du comte d'Auvergne et de Balzac d'Entragues des lettres de réhabilitation en leurs biens et bonne renommée, et une ordonnance commuant leur peine en emprisonnement perpétuel. — Restait Morgan, simple comparse dans l'affaire, et auquel en fin de compte on n'osa en faire porter tout le poids. On lui pardonna sous la condition qu'il quitterait le royaume, et en somme il s'en tirait à bon compte[29]. Peu après, Henri IV, excessif dans l'indulgence quand il en prenait le chemin, ou plutôt aiguillonné, dans cette histoire, par l'idée dé faire plaisir à Mme de Verneuil dont il était toujours féru, permit à Entragues de se retirer à Malesherbes, où il devait tenir prison, et seul, en fin de compte, le comte d'Auvergne resta à la Bastille[30]. Sur ce dernier encore et pour excuser l'indulgence dont il était l'objet, le roi prétendit que sou prédécesseur Henri III le lui avait fortement recommandé avant de mourir. On put dire ainsi, avec le poète Bertaut, que l'amour avait vaincu la mort[31], toutefois que la clémence du monarque ait produit en général un assez mauvais effet. Après cet étalage d'un procès presque scandaleux, on prétendit qu'il ne l'avait intenté que pour obliger Entragues et le comte d'Auvergne, qui pressaient Henriette de s'éloigner de la Cour, à cesser leurs manœuvres. — Il avait cependant cherché d'autres distractions après sa maîtresse intérimaire la comtesse de Moret, poupée sans intelligence, corps sans âme et dont Mornay pouvait dire : c'est une belle femme, mais ce n'est pas un esprit qui lui puisse donner du travail[32], et venait d'essuyer une nouvelle défaite. Il avait songé à une fille du duc de Mayenne, Catherine de Lorraine, duchesse de Nevers ; mais offensée de ses propos galants, celle-ci en fit part à son mari. Le duc de Nevers prit assez mal la chose et envoya un gentilhomme des siens se plaindre au roi en son nom. Henri IV ne put que s'excuser, mais on raconte qu'il garda rancune à la duchesse. — Croiriez-vous, disait-il à ses familiers, cette fausse prude a tout répété à son mari ; elle est plus discrète quand elle donne des rendez-vous à Bellegarde. Bellegarde était, paraît-il, fort avant dans les bonnes grâces de la dame ; mais l'insuccès du roi, qui n'aurait éprouvé aucun scrupule, une fois de plus, à remplacer M. le Grand, devait profiter à la marquise de Verneuil. — Toujours sous le coup de l'arrêt rendu par le Parlement, qui avait ordonné en ce qui la concernait une plus ample information, elle s'adressa directement au Béarnais pour obtenir d'être délivrée de cette perpétuelle menace. Le moment était bien choisi et Henri IV qui avait accordé la grâce du père en comptant bien reprendre ses amours avec la fille, ne se fit pas autrement désirer : — Notre procureur général, écrivit-il, a eu assez de temps pour rapporter de nouvelles charges. Depuis, les actions de Mme de Verneuil ont donné à tous complet témoignage de son innocence, et comme elle n'a rien tant désiré que d'être justifiée du fait dont elle a été prévenue ; comme aussi elle ne s'est méconnue de l'affection particulière dont nous l'avons honorée, il serait injuste de rester toute sa vie dans l'incertitude. Nous souvenant de l'amitié que lui avons portée et des enfants que nous avons eus d'elle, et suffisamment éclairé de ce qui s'est passé en cette affaire, par l'avis de notre Conseil, nous avons voulu et voulons que toutes poursuites et recherches cessent entièrement et que la marquise soit en pleine liberté de sa personne et biens ; nous imposons silence à tous nos procureurs généraux présents et à venir et donnons mandement à nos féaux gens de notre cour du Parlement d'enregistrer les présentes lettres[33].

Il n'osait pas d'ailleurs renouer ouvertement avec sa maîtresse, et lui permit seulement d'aller voir ses enfants à Saint-Germain. Elle lui demanda l'autorisation de revenir habiter Paris comme naguère ; mais il refusa encore, indisposé par les intrigues de son pseudo-beau-père, Entragues, qui continuait de Malesherbes ses intelligences avec le dehors, l'Espagne surtout, et même s'employait pour faire sortir de la Bastille son beau-fils le comte d'Auvergne. On avait trouvé dans le bois, près de la résidence de Balzac, des poulies et des cordages que l'on pensa bien devoir servir à une évasion ; on sut même le nom du marchand qui avait fourni ces engins, mais Entragues interrogé nia effrontément comme de coutume et imagina vingt prétextes pour expliquer la présence de ce matériel. Rien n'était démontré au surplus, et l'on ne crut pas devoir insister ; la captivité du comte d'Auvergne fut seulement resserrée. Le cordier, interrogé, parla d'un M. de Giez, qui avait fait chez lui diverses acquisitions ; mais M. de Giez, interrogé à son tour, ne reconnut rien et Balzac d'Entragues, amené enfin devant le Grand Prévôt refusa absolument de répondre. Il remit seulement un nouveau mémoire justificatif, parlant de travaux qu'il avait en projet. On finit par envoyer au prévôt une commission l'autorisant à faire parler l'accusé, mais l'accusé persista dans ses dénégations, — peut-être le roi n'ayant pas autorisé jusqu'au bout le questionnaire, — et l'on voulut bien se contenter en fin de compte des explications qu'il donnait.

Le rapprochement se produisit enfin avec Henriette, et ce fut, paraît-il, à l'occasion de l'accident quasi burlesque qui resta nommé du bac de Neuilly. — Le roi revenait de Saint-Germain en carrosse avec Marie de Médicis, la princesse de Conti, les ducs de Vendôme et de Montpensier. La reine était à la portière et le roi couché du long en dedans, s'y étant mis pour dormir. La compagnie n'avait pas voulu mettre pied à terre à cause de la pluie qu'il faisait ce jour-là ; mais en entrant dans le bac, deux des chevaux prirent peur et renversèrent le carrosse dans le fleuve, qui à cet endroit était étroit et profond, sur la nacelle attachée au bac qui s'enfonça, mais empêcha le carrosse de couler à pic. Les gens qui suivaient à cheval se jetèrent de suite à l'eau tout habillés et bottés, l'épée au ceinturon, pour venir au secours du roi ; mais il était bon nageur, ne courait aucun danger et sorti de la Seine, s'y rejeta même, dit-on, pour aller au secours de sa femme et du duc de Vendôme. André de Viviane de la Châtaigneraye se trouva juste à point du reste pour la repêcher ; il l'empoigna par les cheveux et la sortit de l'eau. Les autres personnages se tirèrent aisément de ce mauvais pas[34], mais comme on avait couru un danger en somme assez grave, on rendit publiquement grâces à Dieu, qui avait tiré Leurs Majestés du danger. La Châtaigneraye reçut de la reine une enseigne de pierreries de la valeur de 4.000 écus ; il eut une pension annuelle et ensuite elle le fit capitaine de ses gardes[35]. — Mais la marquise de Verneuil était accourue à la nouvelle de cet accident avec une belle envie de s'esclaffer. Reçue secrètement par le roi[36], elle déclara net qu'elle était au regret de ne pas s'être trouvée présente, car le voyant hors de danger, elle aurait crié :La reine boit ! Marie de Médicis apprit le propos et sentit renaître le ressentiment que la disgrâce de sa rivale avait temporairement apaisé. Elle s'enferma dans ses appartements et fit dire à Henri IV qu'elle n'en sortirait pas tant qu'Henriette resterait à Paris[37]. — Pour avoir la paix, le roi dut ainsi faire retourner la marquise à Verneuil, mais avec regret, car il ne pouvait décidément renoncer à son ancienne passion. — Le procès des Entragues terminé, se sentant glisser de l'indulgence au pardon, il était prêt à renouer avec celle dont l'humeur enjouée, les plaisantes reparties lui étaient un soulagement lorsqu'il quittait son intérieur maussade. Henriette médisait volontiers des dames de la Cour, et cela surtout amusait le monarque dans sa bouche spirituelle et grâce à ses expressions toujours pittoresques et fines. Lorsqu'elle fut repartie, il voulut obtenir de sa femme, — en récompense de ce sacrifice temporaire ! — qu'elle tolérât le retour à Paris de la marquise qui ne se serait montrée à personne. Mais la reine gardait son ressentiment :

— Non ! répondit-elle encore, car cette créature est si hardie et si ambitieuse qu'elle n'aurait pas de repos qu'elle n'eût obtenu de vous voir en public ; je ne puis tolérer cet affront...

Et elle alla jusqu'à défendre aux dames de sa Cour de fréquenter chez Mme de Verneuil, sous peine de se voir fermer la porte de ses appartements. Elle était prête alors à faire de nouvelles couches et le roi ne voulut pas insister. — Il avait repris sa correspondance avec Henriette, qui se voyant assurée d'un retour d'affection ne s'occupa guère du mécontentement de l'Italienne[38]. Elle redevint la femme délicieuse qu'elle savait être dans ses bons jours, et la passion sénile du monarque, avivée par le souvenir, donna de nouveaux rejetons. Bien mieux, Henriette vit revenir le temps des libéralités anciennes ; la mort du poète Desportes, qui était abbé de Tiron, rendait libres de nombreux bénéfices ; il en pourvut incontinent le jeune Verneuil. Lorsqu'elle voulut le faire définitivement renoncer aux charmes de Mme de Moret, il tergiversa, hésita quelque peu[39] et pour lui faire prendre patience, lui adressa Sillery, qui devait lui remettre une assez forte somme. Mon inclination et toutes mes résolutions me portent tellement à vous aimer, écrivait-il ensuite (20 octobre), qu'il faudrait de grands efforts d'ingratitude pour m'ébranler[40]. Et trois jours après : Hors de votre présence, je n'ai pas plus de joie qu'il y a de salut hors de l'Église. Il s'annonçait pour le mardi suivant à Marcoussis : Vous prêtant la moitié de mon carrosse, ajoutait-il, le vôtre serait déchargé, et en échange, vous me prêteriez la moitié de votre lit. Henriette ayant ajourné ce rendez-vous, le 3 novembre il écrit encore : J'aurai le contentement de vous voir demain sans faillir. Je le désire plus que vous, car je vous aime plus que vous ne m'aimez. Faites la malade, ayez votre manteau blanc et vous résolvez de payer la bienvenue dès l'arrivée. Je finis, baisant mes petits garçons[41].

Mais vouloir fixer Henri IV, c'était vouloir fixer l'inconstance même. Ceux qui l'avaient marié autrefois et s'étaient promis d'en finir avec ses histoires de femmes, s'étaient lourdement trompés ; le caractère ne change pas ordinairement chez l'homme dès un certain âge, et, après comme avant, ce furent les mêmes caprices et les mêmes passionnettes. Tandis qu'il renouait avec Mme de Verneuil, et semblait en être plus entiché que jamais, il s'éprenait d'une demoiselle de La Haye ou des Essarts qu'il menait partout où il allait, dit l'Estoile, et avec laquelle, sous prétexte de chasse, il vint s'enfermer à Chantilly, que le connétable de Montmorency avait mis à sa disposition[42]. Ce ne fut guère plus qu'une passade, du reste, et Henriette ne daigna même pas s'en montrer jalouse. Lorsqu'il la vint voir, elle se contenta d'une allusion discrète : Vous avez de mauvais fourriers, dit-elle ; ils vous logent à la haye, au vent et à la pluie[43].

Elle avait eu raison de ne pas s'émouvoir, car Henri IV fut vite las de cette nouvelle conquête. Il reprit sa correspondance et ses relations avec la marquise de même qu'avec Mme de Moret, qu'il n'avait pas voulu quitter, et il arriva vers ce moment une aventure assez plaisante : après le voyage de Sedan, où il avait été réduire le duc de Bouillon, il avait expédié Bassompierre, qui était assez souvent son messager, avec des lettres pour Henriette et pour la comtesse de Moret. Bassompierre, pressé de voir Marie d'Entragues, qui était sa maîtresse, se rendit d'abord chez Mme de Verneuil, sa sœur, où il pensait la trouver. On a raconté, entre parenthèse, qu'il avait eu un fils de Marie d'Entragues, qui s'était efforcée, selon l'exemple de son aînée, de lui arracher, elle aussi, une promesse de mariage[44]. Elle s'était trouvée de même dans les bonnes grâces du roi lors de sa brouille avec Henriette, bien qu'on n'insiste pas autrement sur les suites de ce caprice. Après avoir salué ces dames et fait sa commission, le gentilhomme eut l'imprudence de dire qu'il se rendait de là chez Mme de Moret, et qu'il devait également lui remettre une lettre d'Henri IV. C'en fut assez pour piquer la curiosité de la marquise, qui voulut voir absolument la correspondance que le Béarnais entretenait avec cette rivale. Habilement, elle fit demander par sa sœur, à Bassompierre, de prendre connaissance de la lettre. L'autre n'osa refuser et Mme de Verneuil finit par décacheter le pli. Elle le lut et le rendit au porteur, — ne contenait-il sans doute rien de bien intéressant ! — avec cette indication qu'un homme qu'elle connaissait et qu'elle nomma pourrait faire en une heure un cachet semblable à celui qui était sur la lettre, et qu'une fois refermée, il n'y paraîtrait plus. Bassompierre se fia à cette assurance et le lendemain dépêcha son valet de chambre pour faire exécuter le cachet. Mais le malheur voulut qu'on l'adressât justement au graveur du roi, Turpin, qui reconnut son travail et pris de défiance empoigna le valet par le collet de son manteau. Ce valet était un gaillard solide qui eut vite fait de se libérer ; mais avec le cachet, il laissa aux mains du graveur son chapeau et son manteau, tant qu'il revint en hâte avertir son maître, qui se trouva perplexe. Bassompierre fit cacher son domestique, — car, s'il eût été pris, dit-il lui-même, il eût été pendu deux heures après, — et se rendit chez la comtesse de Moret. Il n'avait qu'à payer de toupet, et raconta qu'en pensant avoir un poulet que lui envoyait une dame, il avait malencontreusement ouvert celui que le roi lui avait confié ; par crainte de se faire soupçonner il tort, il avait voulu faire refaire le cachet, mais s'était adressé au graveur du roi, et cet homme, pris de soupçons avait retenu la lettre. Si la comtesse voulait l'avoir, elle devait donc l'aller réclamer à Turpin, le graveur en question, qui en était dépositaire. — Mme de Moret accepta ce récit et envoya chez Turpin, mais qui s'était déjà débarrassé de la lettre, l'ayant remise à Séguier, président de la Tournelle. C'était une autre complication, et qui chagrina Bassompierre. Il ne connaissait nullement Séguier qui avait déjà une réputation de sévérité fortement établie, mais venait par chance d'envoyer la missive en litige à M. de Loménie. Bassompierre, ici, devait être plus à son aise. Il avait fréquenté chez Mme de Loménie et eut l'idée d'aller voir sa femme pour la prier d'intercéder dans cette méchante affaire. — Il la trouva fort occupée ; elle avait à rédiger, disait-elle, une lettre pour son mari, concernant une singulière aventure. Bassompierre eut l'idée que cette singulière aventure pourrait bien avoir quelque rapport avec la sienne et insista pour en savoir davantage. On avait voulu contrefaire le cachet du roi, lui expliqua enfin Mme de Loménie ; celui qui avait été envoyé au graveur s'était enfui, mais on avait saisi la lettre dont il était porteur, qu'elle envoyait à son mari pour qu'il demandât au roi, près duquel il se trouvait, à qui elle devait être remise ; on espérait ainsi découvrir le fond de l'affaire, et Mme de Loménie ajoutait encore qu'elle donnerait bien 2000 écus pour y voir clair dans cet imbroglio. — Bassompierre soupira de plaisir, et lui offrit de l'éclairer à meilleur compte. Il recommença l'explication déjà fournie à Mme de Moret. Mme de Loménie le crut sur parole et après l'avoir sermonné, promit d'apaiser toutes les colères, toutefois à condition qu'il irait le lendemain à Villers-Cotterêts, où était le roi ainsi que M. de Loménie et porterait un contre-rapport qu'elle se mit à rédiger aussitôt. — Bassompierre accepta, comme on pense. Il passa chez Mme de Verneuil pour prendre sa réponse ; chez Mme de Moret ensuite, qui répondit de même, bien que n'ayant rien reçu, et s'en alla trouver Henri IV, qui ne fit que rire d'une aventure dont il ne pouvait pas soupçonner le sens véritable[45].

Le roi avait conservé, du reste, une certaine affection pour Marie d'Entragues, devenue ensuite la douée amie du gentilhomme, et l'on rapporte encore à ce propos une aventure où il fut mêlé. Henri IV, on le sait, était jaloux, et il était encore entretenu dans ce sentiment par plusieurs rivaux de Bassompierre, et principalement le duc de Guise. Sur l'assurance que Marie d'Entragues se moquait d'eux tous, et préférait Bassompierre, le roi fit surveiller sa maison, rue de la Coutellerie. Ce jour-là, le futur maréchal avait soupé chez M. le Grand[46], et une grosse pluie d'orage était tombée pendant le repas. Il emprunta un manteau à son hôte et ainsi drapé se rendit vers onze heures chez sa maîtresse, sans faire attention que le manteau portait la croix du Saint-Esprit[47]. Les espions apostés se hâtèrent d'aller avertir le duc de Guise qu'un jeune chevalier venait de s'introduire chez Mme d'Entragues par une porte dérobée[48]. Guise envoya aussitôt ses valets de chambre pour reconnaître le gentilhomme quand il sortirait. Bassompierre les aperçut toutefois, et remonta le manteau sur sa figure, tant que les envoyés, trompés par la croix du Saint-Esprit, rapportèrent que c'était M. le Grand, puisqu'il n'y avait que lui à la Cour, de jeune chevalier, capable d'avoir cette bonne fortune. — Bassompierre, dès le matin, se hâta de prévenir Mlle d'Entragues de l'espionnage dont il avait été l'objet, et l'engagea vivement à se tenir sur ses gardes. M. de Guise, de son côté, s'était rendu chez le grand écuyer, mais ne fut pas reçu ; Bellegarde était fatigué d'une rage de dents et avait fait défendre sa porte. Guise fut ainsi confirmé dans ses idées et pensa qu'un homme qui avait fait l'amour toute la nuit ne pouvait être éveillé si tôt. Il alla chez Bassompierre et sans s'inquiéter de ce qu'il était encore au lit, prenant un repos qui sans doute n'était pas inutile : Je vous prie, fit-il, mettez une robe de chambre, car je veux vous dire un mot ! Bassompierre pensa qu'il était pris et déjà s'apprêtait à se défendre quand le duc de Guise s'écria : Que diriez-vous si M. le Grand était mieux que vous et que tout le monde dans l'esprit de Mlle d'Entragues, et mieux que dans son esprit, dans son lit encore ? L'autre répondit qu'il n'en croyait rien ; mais Guise insista, affirmant qu'on avait vu Bellegarde sortir de chez la demoiselle, et pour preuve fit avancer un de ses valets qui répéta le dire de son maître. Bassompierre restait quelque peu interloqué, cherchant le mot de l'énigme, lorsque se retournant, il aperçut le manteau de la veille étalé sur une forme[49]. C'était ce vêtement, emprunté la veille, qui avait fait toute l'erreur. Délibérément il alla s'asseoir dessus, refusant même de se promener avec Guise qui l'en priait, jusqu'à ce qu'il eût trouvé l'occasion de faire enlever le maudit manteau par son domestique. Il se mit alors à déblatérer, à gémir sur l'infidélité des femmes, leur inconstance et leur fourberie, en commençant par Mlle d'Entragues. Mais une fois Guise éloigné, il dépêcha vers sa maîtresse pour lui faire part de ce nouvel incident. Marie d'Entragues avait l'esprit caustique et pointu de la famille Elle se plut à perpétuer l'erreur générale ; elle invita M. le Grand à souper et lui fit faire si bonne chère qu'elle le trompa lui-même. Questionné le lendemain sur cette bonne fortune, il s'en défendit si mollement que la jalousie du roi et du duc de Guise se tourna de ce côté. Mlle d'Entragues lui dit même à ce propos : Puisque M. de Guise a cette opinion, faisons semblant qu'il y a de la finesse entre nous deux. Mais Bassompierre put continuer ses amours, et n'était tenu qu'à quelques précautions. — Pourtant, on avait eu soin de prévenir la mère, Marie Touchet, l'engageant à mieux surveiller sa fille. Un matin, voulant cracher et levant le rideau de son lit, elle vit que celui de la demoiselle était découvert et vide. Elle se leva doucement et vint dans sa garde-robe, où elle trouva ouverte la porte, qu'elle pensait condamnée, de l'escalier dérobé. Elle se mit à crier, raconte encore Bassompierre, et sa fille à sa voix de se lever en diligence et venir à elle. Moi cependant je fermai la porte et m'en allai, bien en peine de ce qui arriverait de cette affaire, qui fut que sa mère la battit ; qu'elle fit rompre la porte pour entrer en cette chambre du troisième étage où nous étions la nuit, et fut bien étonnée de la voir meublée de beaux meubles de Zamet, avec plaques et flambeaux d'argent. Alors tout notre commerce fut rompu ; mais je me raccommodai avec la mère par le moyen d'une demoiselle nommée d'Azy, et lui demandai tant de pardons, avec assurance que nous n'avions point passé plus outre que le baiser, qu'elle feignit de le croire. Elle s'en vint à Fontainebleau et moi aussi, mais sans oser parler à Mlle d'Entragues qu'en cachette, parce que le roi ne le trouvait pas bon[50].

Le roi avait eu d'ailleurs d'autres déboires, d'abord avec Mlle de La Haye. Cette prétendue novice avait commencé par être la maîtresse de M. de Beaumont, ambassadeur en Angleterre, que M. de la Boderie venait de remplacer. Ils avaient échangé, paraît-il, de nombreuses lettres, mais elle ne lui pardonna pas leur rupture, et se croyant plus en faveur qu'elle n'était, elle entreprit de critiquer la conduite qu'il avait tenue pendant sa dernière ambassade. M. de Beaumont comprit de suite d'où venait le coup, rien qu'à la mine allongée du roi. Pour toute vengeance, il lui fit remettre les lettres de son ancienne maîtresse. Édifié de la sorte, Henri IV n'eut que l'idée de rompre. Le roi, écrit Malherbe, a cassé son train qui était en cette ville. Mais pour gagner du temps, Mlle de La Haye ou des Essarts l'avertit qu'elle était enceinte. Le Béarnais l'envoya au Pressoir, petite maison à deux lieues de Fontainebleau, et en effet elle y accoucha de deux filles.

Il n'avait pas non plus beaucoup d'agrément avec Mme de Moret[51]. Joinville qu'on avait envoyé se battre jadis avec les Turcs, à peine rentré à la cour s'était amouraché de Jacqueline de Beuil, qui d'ailleurs ne fit pas une longue résistance[52]. Le roi, informé de l'aventure, s'en ouvrit de suite à Rosny : Quoique je suis parti mal d'avec elle, écrivait-il, je ne laisse pas d'être curieux de savoir la vérité d'un bruit qui court ici, que le prince de Joinville la voit. Apprenez-en la vérité et me la mandez dans un billet que je brûlerai comme vous ferez de celui-ci. Il chercha ensuite à surprendre les amoureux ; mais Bassompierre les avait avertis et ils se tinrent sur leurs gardes. Toutefois Henri IV exila de nouveau Joinville qui dut partir pour Nancy. Il est en ce moment en Lorraine, écrit le ministre d'État Puiseux à l'ambassadeur La Boderie, et bien empêché de sa personne. C'est acheter cher ses passions. S'il va à Londres, il vous suffit de savoir qu'il n'a pas été sage[53]. Mais ce galant à peine éloigné, Mme de Moret en prit un autre, un gentilhomme breton nommé Grandbois, qui était proche parent du grand écuyer Bellegarde. Elle ne semble pas y avoir mis beaucoup de prudence, d'ailleurs, car Malherbe, toujours au fait des intrigues de la Cour, écrit (2 septembre 1607) : On a défendu à son jeune amoureux de la voir. Le roi enfin lui tint rigueur, tant qu'il se trouva presque forcé de revenir à Mme de Verneuil. — Pour éviter de nouvelles chicanes avec la reine, il n'avait pas voulu encore lui permettre le séjour de Paris, mais il attendait une occasion favorable. Sur la fin de mars 1605, le jeune Verneuil avait pris la rougeole à Saint-Germain. Henri IV manda aussitôt à la mère : Le sujet du mal de notre fils est assez apparent pour votre voyage[54]. Et comme elle tardait : Vous avez perdu, écrit-il encore, le beau temps qui vous donnait moyen sans incommodité de me voir. Je le désirais, à la vérité, avec passion et avec raison d'État pour vous. Vous avez témoigné l'indifférence où vous me tenez par vos faibles raisons ; que votre intérêt soit donc la cause de faire que je vous voie. Le Maire vous dira les raisons pour lesquelles il est nécessaire, etc.[55]. Le roi, qui avait légitimé les deux enfants d'Henriette, essayait en effet d'obtenir alors pour le garçon l'évêché de Metz, qu'on disait valoir 100.000 livres de rentes, à la mort du cardinal Charles de Lorraine ; mais le pape refusa d'abord les dispenses nécessaires. Villeroy enfin envoya un négociateur exprès nommé Valerio, qui termina l'affaire à la satisfaction de la marquise[56]. — Le léger froissement qui avait marqué la reprise d'une correspondance suivie entre les amants était aussi bien oublié lorsque le roi lui écrivait : Je ne puis passer un jour sans vous faire souvenir de moi, qui vous aime peut-être plus que je ne devrais. Je ne m'en repens pas, mais au contraire je veux vous aimer plus que je ne fis jamais ; mais aussi je le veux être de vous sans exception ni modification, etc.[57]. Après la délivrance de la reine, qui était accouchée le 25 avril de l'enfant qui devait être Gaston d'Orléans[58], il se hâta d'accourir à Paris où Henriette d'Entragues était venue l'attendre. Ils passèrent une dizaine de jours ensemble, tant que l'ambassadeur de Venise écrivit ensuite, en rendant compte de l'incident : Elle lui a demandé trois choses : sa rentrée à la Cour ; la garde de ses enfants ; enfin la ville de Metz, dont son fils est évêque, comme place de sureté[59]. Mais le roi se montra peu pressé de lui donner satisfaction. Chez Henri IV, le plus souvent, tout se passait en paroles. La marquise songeait encore à marier sa fille au fils du connétable ; il se trouva pourtant qu'aux premières ouvertures qui lui furent faites, Montmorency opposa un refus formel, — et dans des termes surtout blessants pour la mère, qui d'ailleurs s'en prit au roi et furieuse repartit pour Verneuil. — Henri IV lui écrivit, se plaisant à lui rappeler leurs amours passées. — Mon cher cœur, votre mère et votre sœur sont chez Beaumont, où je suis convié de dîner demain ; je vous en manderai des nouvelles. Un lièvre m'a mené jusqu'aux rochers de Malesherbes, où j'ai éprouvé que des plaisirs passés douce est la souvenance. Je vous ai souhaitée entre mes bras, comme je vous y ai tenue. Souvenez-vous-en en lisant ma lettre ; je m'assure que cette mémoire du passé vous fera mépriser tout ce qui vous sera présent ; pour le moins en feriez-vous ainsi en traversant les chemins où j'ai tant passé vous allant voir... Mes chers amours, si je dors, mes songes sont de vous, si je veille, mes pensées seront de même. Recevez, ainsi disposée, un million de baisers[60].

Souvenez-vous ! Ne croirait-on pas entendre déjà la chanson de M. et Mme Denis ? L'incorrigible Béarnais ne pouvait se souvenir qu'il allait avoir cinquante-cinq ans, bien qu'il ait parlé quelquefois de son âge comme pour s'en faire un titre d'amour[61]. Il se croyait toujours au temps lointain de sa jeunesse et ne voulait pas comprendre que pour lui le moment était passé de rechercher le parfait bonheur. Mais Henriette n'en était pas à la période des souvenirs. Pour elle, d'ailleurs, rester la maîtresse du roi n'avait jamais été qu'un pis aller, et, on l'a beaucoup dit, un calcul. Dépitée de ne pouvoir s'attaquer directement au mari dans le naufrage définitif de ses ambitions, elle s'en prit une fois de plus à la femme, — à la reine, qu'elle exécrait et qui du reste le lui rendait bien. Sa langue acérée n'eut plus de retenue. Ses mots naturellement furent rapportés et Marie de Médicis eut une reprise de colère contre cette perpétuelle rivale, tant qu'avec les potins, et chacun prenant parti, la Cour se trouva de nouveau divisée en deux camps, — en rivalité derechef pour les femmes.

Ce fut encore Sully, — à son dire, — qui se trouva chargé de pacifier les esprits, et bon gré, mal gré, dut reprendre son rôle ingrat de médiateur. Il alla chez la reine, dont la Galigaï commença du reste par lui refuser la porte, et la trouva enfin occupée à rédiger pour son mari une longue lettre, où elle exposait ses griefs, toujours les mêmes et que le monarque pourtant devait bien connaître. La lettre écrite, Marie de Médicis la montra au ministre, qui la trouva trop agressive et, après une longue discussion, pensa bien faire en en dictant une autre. Il l'envoya ensuite à Henri IV, alors à Chantilly, mais qui fut quand même mécontent et ne le cacha guère. Il en écrivit à Rosny, d'ailleurs, le priant de rechercher qui pouvait être l'auteur de cette lettre, car, disait-il, elle avait été dictée. Lorsqu'il fut de retour enfin, il le vint voir et la discussion porta de suite sur la missive en question. Le ministre lui demanda ce qu'il y trouvait à y reprendre : Comment ! s'écria le roi, c'est une lettre très bien faite, pleine de raisons, d'humilités et de soumissions, mais qui me mord en riant, et me pique en me flattant ; tellement qu'en particulier, je n'y saurais rien reprendre, mais en gros elle me fâche, et me fâcherait encore plus si elle était publiée. Et il affirmait que c'était vraisemblablement l'œuvre non de la reine, mais d'un de ses familiers. Sully n'eut d'autre ressource que de se nommer. Il alla chercher le brouillon de la lettre qu'il avait conservé, comme en général toutes ses paperasses[62], et l'humeur du roi tomba de suite. Il lui fit seulement un long discours que Rosny, dans sa rédaction, agrémenta de plaintes contre les Concini, et le chargea finalement de dire à Mme de Verneuil qu'elle eût à se tenir tranquille et mieux surveiller sa langue, si elle ne voulait pas être privée de ses enfants et enfermée dans un cloître. Il devait encore exhorter Marie de Médicis à plus de retenue, et, ajoute-t-il bien à dessein, l'engager à se débarrasser de Concini et de sa femme[63]. Ce fut d'ailleurs peine perdue ; querelles et bouderies continuaient dans l'intérieur royal, dont trop de personnes étaient intéressées à maintenir les dissentiments. Sully a surtout incriminé ici : Mme d'Angoulême, la comtesse de Sault, Mmes de Raigny et de Chanlivault, le commandeur de Sillery, Marillac, le médecin Duret, un médecin juif et d'autres encore, plus qualifiés et qu'il ne nomme pas. — Mme de Verneuil était toujours en faveur sur la fin de cette année 1608, si nous nous en rapportons à la correspondance du roi qui lui écrit beaucoup durant cette période, récriminant quelquefois, mais toujours aussi passionné : Je donnerai le reste de la journée à mon contentement, qui sera de vous aller voir, vous baiser et vous embrasser, dit-il à ce moment[64] ; et ailleurs : Croyez que je vous aime plus chèrement que tout ce qui est au monde ; en étant sage, vous me pourrez conserver en cet état[65]. Bien mieux, il montre presque de la confiance. Mon cœur, je porte envie à ce porteur de ce qu'il jouira de votre présence. Je pars avec regret de vous laisser, plus que je n'avais fait de quatre ans. Je commence à croire que vous m'aimez ; pour moi, mon cœur, ne doutez pas que je vous aime mieux que tout le reste du monde. Je vous le jure et vous le témoignerai par les effets[66]. Les reproches, il est vrai, viennent ensuite : Si votre amour est de l'échantillon que vous m'avez envoyé, mes affaires iront bien, mais depuis quelques ans, vous me l'avez fait trouver de la taille du vidame du Mans[67], long et maigre. Je vous supplie, augmentez mon contentement au lieu de le troubler. Vous le pouvez, vous le devez ; il faut que vous le vouliez[68]. Et une autre fois : Vous dites que vous ne savez plus que faire pour me contenter. Vous n'avez pas seulement essayé, ni répondu à la première plainte que porte ma lettre. Vous êtes une moqueuse, et au partir de là, vous dites que vous me connaissiez bien. Vous vous êtes si mal trouvée de me vouloir mener à la baguette que vous vous devriez être faite sage. Vous me menacez de vous en aller à Verneuil ; faites ce qu'il vous plaira. Si vous ne m'aimez pas, je serai fort aise de ne vous point voir. Si vous dites m'aimer, c'en est un mauvais témoignage de vous en aller quand j'arrive... Je serai jeudi à Paris, aussi mal satisfait de vous, si vous ne changez de style, que je fus jamais[69]. La réponse sans doute ne fut pas satisfaisante, car il écrit encore, après quelques jours : Vous montrez bien, mon cher cœur, votre naturel par votre lettre, qui au lieu d'estimer et chérir les démonstrations de mon affection, les appelez : appâts pour tromper. Ainsi perdrai-je toute ma vie les devoirs que je vous rendrai, même celui-ci, pour qui ce porteur va vers vous. Dieu veuille que non, que dorénavant vous me payiez selon mon mérite[70]. — Son mérite ! Henriette le connaissait trop, ayant gardé la rancune de ses déceptions, et il pouvait déclamer à son aise : J'ai témoigné assez de soin de vous quand vous vous en êtes rendue digne, les marques vous en demeurent ; et vous m'avez ôté ce que vous m'aviez baillé de plus cher. Ce sera à votre première vue que je vous montrerai que je ne puis perdre la bataille, ni contre les hommes, ni contre les femmes. Venez demain à Charenton... Je suis tout malade et prendrai médecine demain pour samedi jouir de votre présence, que je tiens plus cher que ne méritez. Je vous donne le bonsoir, etc.[71].

Mais ses reproches, on peut le croire, n'avaient pas de portée, car il écrit encore : Vous vous êtes méprise dans votre lettre, car vous dites que je suis votre cher cœur et que vous n'êtes pas le mien. Je ne vous ôtai jamais rien et vous m'avez privé de tout ce que vous pouviez ; voilà une raison où il n'y a pas de réponse. N'alambiquez point votre esprit à en chercher, car il vaut mieux se taire que de ne rien dire qui vaille. Pour moi, je vous aime si chèrement que moi-même ne suis rien au prix. Je vous le jure, mes chères amours, mais ne me pensez pas nourrir de pierres après m'avoir donné du pain ; jugez mon âge, ma qualité, mon esprit et mon affection, et vous ferez ce que vous ne faites pas. Bonjour, mon tout, et un million de baisers[72]. — Henriette avait dû chercher à s'excuser, pour ne pas tout perdre et selon ce système de tergiversations qu'elle semble avoir adopté, cherchant d'autre part à renouer le fil des conspirations anciennes, car il écrit encore : Vos belles paroles sont bien reçues de moi quand les effets vont devant, mais quand elles ne sont que pour couvrir vos manquements, je les reçois comme trompeuses. Je trouvai ce matin à la messe des oraisons en espagnol entre les mains de notre fils ; il m'a dit que vous les lui aviez données. Je ne veux pas qu'il sache seulement qu'il y ait une Espagne ; et vous vous en êtes si mal trouvée que vous devriez désirer que la mémoire en fût perdue. Je ne fus, il y a longtemps, si mal édifié de vous que je suis ; je crois que vous ne vous en souciez guère. Ce que je désirais vous voir était pour donner un grand coup à nos affaires, car j'ai découvert beaucoup de choses ; mais puisque vous avez d'autres considérations, gouvernez-vous comme il vous plaira[73]. Une dernière lettre, enfin, peut se rapporter à ce moment, et semblerait presque une lettre de rupture si l'on ne savait que Mme de Verneuil resta — maîtresse intermittente désormais, mais qu'il ne se résignait pas à perdre — presque jusqu'à la fin dans les bonnes grâces du monarque : Ce n'est pas paresse qui vous prive de mes nouvelles, écrit-il, mais la croyance que cinq années m'ont, comme par force, imprimé que vous ne m'aimez pas : Vos effets ont, durant ce temps-là, été si contraires à vos paroles et à vos écrits, et, disons plus, à l'amour que vous me devez, qu'enfin votre ingratitude a accablé ma passion, qui a plus résisté que n'eût su faire dans tout autre. Vous ressouvenant combien de peines j'en ai porté, s'il vous reste tant soit peu d'affection, vous devez en avoir du regret. Je tiens en une chose de la divinité, que je ne demande que la conversion, non la mort. C'est à vous à parler français là-dessus ; que j'entendrai toujours fort volontiers, étant ma langue d'inclination. Si vous avez le diable au corps, attendez là ; si quelque bon diable vous possède, venez à Marcoussis, où, étant plus près, les effets s'en connaîtront mieux[74].

Mais Henriette d'Entragues, volontaire et fantasque, n'avait plus sur le roi, malgré toutes ses déclamations, son pouvoir des anciens jours. On le voit, dès 1607, par une histoire que rapporte l'Estoile (18 juin), de deux domestiques d'un certain Carrel, avocat en la cour, qui tuèrent pour voler, dans la maison de leur maître, la servante qui était grosse. Mme de Verneuil s'était employée pour obtenir une commutation de peine à ces drôles qui avaient été condamnés à mort. Mais le beau temps des complaisances pour ses beaux yeux et la joie de ses sourires était bien passé. Les deux individus, malgré ses démarches, furent roués en place de Grève[75].

 

 

 



[1] Bibl. nat. Dépêche des ambassadeurs vénitiens, filza 42.

[2] Cf. Bibl. nat. Mss fr. 16550, 18436, 23369.

[3] Bibl. nat. Fonds Dupuy, n° 32, f° 47.

[4] Nous ne parlons maintenant que du procès des comtes d'Auvergne et d'Entragues et de la marquise de Verneuil. Elle et son père n'ont pas encore été interrogés, mais j'estime qu'on y procédera bientôt. (Lettre de Villeroy, 13 décembre 1604. — Bibl. nat. Correspondance diplomatique de M. de Beaumont, ambassadeur en Angleterre, n° 3506.)

[5] Tout n'était pas inexact dans les doléances de Balzac, — peu intéressant lui-même sans doute et de fidélité douteuse ; mais on sait qu'à côté de quelques privilégiés, comme Sully, qui s'étaient amplement garni les mains, le nombre était grand de ceux qui avaient combattu pour le monarque, s'étaient plus ou moins dévoués à sa cause, et la paix faite crevaient littéralement de misère ; on les voyait rôder, capitaines sans troupes, soldats sans argent, dépenaillés, besogneux, faméliques autour du Louvre, en quête des bribes de la munificence royale — tels de pauvres chiens efflanqués à la quête d'un os — et, il faut bien le dire, un des pires travers de Henri IV — et en même temps sa grande force — fut l'ingratitude, l'absence complète de sens moral, l'indifférence. Il n'avait nul égard pour les services rendus, on l'a vu déjà pour Biron ; le résultat acquis, il avait délibérément écarté les amis des mauvais jours. Ceux qui s'étaient fait trouer la peau pour qu'il fût roi de France n'avaient fait, semble-t-il, que leur devoir ; il les avait oubliés dans la prospérité, et l'on pourrait même dire : il les méprisait, ne les récompensait pas, — ou à peine ; il attendait simplement leur mort en les payant de bonnes paroles.

[6] Cf. Appendice, n° 1.

[7] Bibl. nat. Fonds Dupuy, n° 32.

[8] Un traité avec la ratification du roi catholique existait cependant. Il était cousu dans une des basques du pourpoint d'Antoine Chevillard, qui était trésorier général de la gendarmerie de France, cousin et confident direct de la famille Touchet. Il jouait aux cartes avec Henriette, qui l'appelait familièrement papa Chevillard, lorsqu'il fut arrêté et conduit à la Bastille. Nous avons rapporté qu'en prison il détruisit le traité dont il mangea les morceaux, — fait attesté par son petit-fils, Amelot de la Houssaye. (Mémoires historiques, politiques et littéraires, t. IV, p. 145.)

[9] Le samedi 29 janvier (1605), dit L'Estoile, le comte d'Auvergne fut mandé à la cour (du Parlement), où l'on disait qu'il en avait plus dit qu'on ne lui en avait demandé. Il dit tout en sortant qu'il était le plus mal avisé de tous, mais le moins méchant. La marquise y ayant été aussi mandée s'en excusa sur ce qu'elle avait été saignée ; ce qu'elle avait fait (ainsi qu'on disait) tout exprès. (Édit. Michaud, t. II, p. 382.)

[10] La marquise, dit encore Sully, voulait, en supposant une correspondance avec un amant dont Sigogne jouait le personnage, piquer la jalousie du roi. On pourrait s'arrêter sur cette boutade du ministre, car, en voulant accabler Mme de Verneuil, il semble bien plutôt que, — relativement ! il la justifie. — Cf. L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 380. — C'est à la marquise de Verneuil que semble se rapporter, bien plutôt qu'à la comtesse de Moret, à laquelle on en a fait généralement honneur, l'Inventaire de la Nymphe au petit museau, que le même L'Estoile a inséré dans son Recueil, n° 3 ; édit. Jouaust, t. XI.

[11] H. DE LA FERRIÈRE, op. cit., p. 279-281.

[12] Dès le 7 décembre, un arrêt du Parlement avait été porté contre Thomas Morgan, le comte d'Auvergne et la marquise de Verneuil. (L'ESTOILE, Recueil, n° 1, p. 362, édit. Michaud, t. II, p. 380.) Vu, par la Cour, les Grande Chambre, Tournelle et de l Édit assemblées, l'information faite par les commissaires par elle députés, à la requête du procureur général du roi, à Thomas Morgan, Anglais, prisonnier en la Conciergerie du Palais, avec les pièces et procédures concernant la conspiration contre l'État dont il est accusé, conclusion du procureur général du roi, tout considéré, ladite cour a ordonné que le comte d'Auvergne, prisonnier au château de la Bastille, sera amené ès prisons de la Conciergerie du Palais, et le sieur d'Entragues et la marquise de Verneuil sa fille, pris au corps et amenés prisonniers en ladite compagnie pour être ouïs et interrogés sur ce qui résulte desdites interrogations ; répondre aux conclusions du procureur général du roi, et être contre eux procédé ainsi que de raison. Et à faute de pouvoir les appréhender, seront ajournés à trois brefs jours, leurs biens saisis et annotés. Et sera le présent arrêt exécuté par vertu de l'extrait d'icelui. Fait en Parlement, le 7 décembre 1604. Signé : VOISIN. Mais l'affaire traîna jusqu'au début de février, l'année suivante.

[13] Le manuscrit 16550 (Bibl. nat.) indique que la marquise de Verneuil avait souvent soupé avec Taxis, Entragues et le comte d'Auvergne, et, après le souper, faisaient retirer tous les gens pour demeurer ensemble, traitant et conférant.

[14] Don Luis de Verquelo avait promis de venir à quinze lieues proche de la frontière pour retirer ladite dame et ses enfants, le roi venant à lui manquer. (Bibl. nat., mss 16550.)

[15] Bibl. nat. Fonds Dupuy, n° 32, p. 63-75.

[16] Cf. Procès criminel du sieur d'Entragues (Bibl. nat. Mss p. 18436) ; Procès criminel de la marquise de Verneuil (ibid., 4056, 18436, 23369) ; Procès fait au sieur d'Entragues par le comte d'Auvergne (ibid., n° 16550) ; Procès fait à la marquise de Verneuil par le comte d'Auvergne (ibid.) — Arch. des Aff. étr. France, n° 766 (1604-1606) ; Procès criminel du comte d'Auvergne, de M. d'Antragues, de la marquise de Verneuil et de Thomas Morgan, Anglais. — Le Journal de l'Estoile a conservé des Stances faites du temps que la marquise était prisonnière ; pièce signée de Coullomby. (Édit. Jouaust, t. XI, p. 173.) C'est une longue pièce, sans valeur du reste, où Henriette d'Entragues prend, la nom de Caliston ; elle se plaint, mais espère en la douceur du prince Aristarque (le roi) ; en tenue galante, elle va l'implorer pour son fils, son père et son frère. Aristarque se laisse toucher et lui répond que, captive, elle ira victorieusement annoncer à tous le pardon ; mais, pour se dégager du filet où le retiennent les beaux yeux de Caliston, il jure fidélité à Junon (la reine). — C'est à des choses aussi insipides que s'attardaient les poètes (!) de l'époque.

[17] Bibl. nat. Fonds Dupuy, n° 32, f° 98.

[18] Entragues se plaignait surtout de trois ennemis de sa fille La Varenne, Concini et Sigogne (?).

[19] Bibl. nat. Correspondance diplomatique de Beaumont, n° 3508, f° 93.

[20] Bibl. nat. Fonds fr., n° 3508, f° 120.

[21] Bibl. nat. Fonds fr., n° 3508, f° 120. — Le lundi, dernier du mois (janvier), note de son côté l'Estoile, la marquise vint (au Parlement), portant encore le bras en écharpe, parlant résolument comme de coutume, sans aucunement s'étonner ; elle se défendit fort bien et contenta Messieurs, etc. (T. II, édit. Michaud, p. 352.)

[22] L'arrêt condamnait la marquise à être rasée et confinée entre quatre murailles. (DREUX DU RADIER. Cf. Bibl. nat. Fonds fr., mss 16550.)

[23] L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 381.

[24] Les Entragues, outre Henriette, marquise de Verneuil, avaient encore deux filles ; c'étaient Gabrielle-Angélique, que Moréri suppose avoir épousé le duc d'Épernon, et Marie de Balzac, qui fut la maîtresse de Bassompierre. On pense que c'est cette dernière qui vint avec Mme d'Entragues supplier Henri IV pour son père et sa sœur. (Note des anciens édit. de L'ESTOILE, t. II, p. 382.)

[25] Bibl. nat. Fonds fr., mss 3511.

[26] Bibl. nat. Mss. fr. 6144, f, 27 verso à 29 recto. — Copie.

[27] V. les actes des 19 et 20 mars ; 15 avril 1605.

[28] Bibl. nat. Mss fr. 3511.

[29] Si nous nous en rapportons à un texte de l'Estoile, Morgan se compromit une seconde fois (1608) et fut mis à la Bastille, accusé de communiquer avec don Pedre et se trouver au conseil qui se tenait en sa maison avec les ambassadeurs d'Espagne et de l'archiduc. Bruit était qu'il avait impétré de Sa Majesté de lui pouvoir parler, et qu'il lui avait révélé de grands secrets d'Espagne, et entre les autres que les traités des mariages proposés de l'infante avec M. le dauphin, et du prince d'Espagne avec Madame n'étaient que prétextes et amusements pour lui faire faire la paix ou la trêve en Flandre, et artifices de l'Espagnol pour, par là, mieux parvenir à ses desseins. Tout cela sont des bruits... Quant à Morgan, chacun le tient pour un fol comme il est, un babillard et un causeur, chercheur de bonnes tables et repues franches ; que, par son indiscrétion et légèreté, on met à tous coups en cage pour lui apprendre à parler, qui est la cause qu'on dit que le roi (lequel le connaît bien) aura peu d'égard à son rapport et déposition. (T. II, p. 484.)

[30] Il devait y rester douze ans qu'il employa à cultiver les lettres, sans d'ailleurs produire quoi que ce soit, — si l'on excepte le mémoire que nous donnons à l'appendice. Sa femme le visitait de temps à autre, et le chroniqueur rapporte : Le vendredi 28 avril 1606, le roi, revenant de son voyage de Sedan, rentra à Paris par la porte Saint-Antoine, et avait près de lui M. de Rosny, qui l'entretenait et lui montrait les belles dames ; et entre autres lui montra la comtesse d'Auvergne à une fenêtre de la Bastille, laquelle Sa Majesté salua fort courtoisement, comme il fit aussi de la comtesse de Moret, en la rue Saint-Antoine, et plusieurs autres belles dames. (L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 397.) Le comte d'Auvergne ne fut tiré de prison qu'en 1616 par la régente qui voulait l'opposer aux seigneurs révoltés, et comme plus tard Turenne, il se retrouva un des soutiens du trône.

[31] Cf. H. DE LA FERRIÈRE, Henri IV, p. 302. — L'Estoile encore donne à ce propos des vers latins qui furent faits à propos de cette aventure :

Mors et amor dubio Henricæ de funere certant

Et voti causas reddit uterque sui.

Jactat Amor formam et molles commendat ocellos ;

Mors scelus et miserce crimina nota refert.

Sub Jove res acta est, ccecum qui pectore toto

Vulnus alit, victo judice vicit Amor.

Une variante de cette épigramme, qui existe à la bibliothèque d'Orléans, a été publiée par M. L. Jarry :

Lex et amor dubio Henricæ de funere certant

Et voti causas reddit uterque sui,

Laudat amor formam, et molles commendat ocellos ;

Lex scelus et rniseTæ crimina nota nefert

Sub Jove lis pendet, tacitum qui pectore toto

Vulnus alit ; victo judice, vicit amor.

(Henriette d'Entragues, etc.)

[32] DUPLESSIS-MORNAY, Correspondance, t. IX.

[33] Lettres enregistrées le 16 septembre 1605. (Bibl. nat. Cinq cents Colbert, n° 15, p. 121 ; Mss fr. 18436, copie.) — Cette même année 1605 vit la mort de Th. de Bèze (23 octobre) ; il avait quatre-vingt-six ans et plus, (L'ESTOILE, t. II, p. 388.)

[34] Cf. Journal de Jean Héroard, 1868, t. I, p. 192, 9 juin 1606. — La reine, dit l'Estoile, but plus qu'elle ne voulait ; mais la Châtaigneraye la prit par les cheveux et la tira de peine. Cet accident guérit le roi d'un grand mal de dents qu'il avait, et le danger passé, il s'en gaussa, disant que jamais il n'avait trouvé meilleure recette ; au reste qu'il avait mangé trop salé à dîner et qu'on avait voulu le faire boire après. (Édit. Michaud, t. II, p. 399.)

[35] On peut rappeler que c'est à la suite de cet accident que la reine sollicita de son mari la construction du pont de Neuilly, qui fut d'abord un pont de bois à péage, reconstruit en 1639, et enfin de 1768 à 1774 remplacé par le pont actuel, dû à l'architecte Perronet. Les travaux d'appropriation du fleuve durèrent jusqu'en 1780. Pendant longtemps, dit M. VUAGNEUX (Courbevoie et ses environs), on put voir sur la porte d'une maisonnette du bord de l'eau une fleur de lis rappelant que le propriétaire, un batelier de la Seine, avait contribué au sauvetage d'Henri IV et de Marie de Médicis. (Cf. abbé A. PIQUEMAL, Etudes sur la ville et paroisse de Courbevoie, chap. X.)

[36] Selon une autre version que donne M. L. Jarry, le rapprochement pourrait avoir été quelque peu postérieur. On sait qu'Henri IV aimait beaucoup les enfants ; il s'occupait d'eux encore plus que leurs mères. On a cité ses billets à Mme de Monglat, leur gouvernante, l'un où il l'engage, sur la demande d'Henriette, à sevrer leur fille, qui avait alors deux ans ; il prie la reine Marguerite de lui prêter sa litière pour le déplacement de son fils et en informe Mme de Monglat qu'il autorise à envoyer les enfants à la marquise, si elle le désire, et à la voir elle-même. — En juillet 1606, la fillette eut la variole ; le roi prescrivit de l'isoler des autres enfants et recommanda les plus grandes précautions. Henriette voulut venir soigner sa fille et eut ainsi occasion de revoir le père ; la glace, dès lors, fut rompue.

[37] Elle fut quinze jours sans lui parler, dit M. DE LESCURE. (Les Amours d'Henri IV, p. 377.)

[38] Je ne songe qu'à vous plaire, écrit-il (6 octobre 1606), et à affermir notre amour. Il fait beau ici, mais partout, hors auprès de vous, je m'ennuie si fort que je n'y puis durer. Trouvez un moyen que je vous voie en particulier, et que, devant que les feuilles tombent, je vous les fasse voir à l'envers. (Orig. autog. Bibl. nat. Fonds Béthune. Mss 9128, f° 39. — Lettres-Missives, t. VII, p. 12.)

[39] Elle s'en ira bientôt, écrit-il ; mais n'en dites rien, car on mande à Paris tout ce que vous dites. (Bibl. nat. Orig. autog. Fonds Béthune. Mss 9128, f, 35. — Lettres-Missives, t. VII, p. 12.)

[40] Bibl. nat. Original autographe. Fonds Béthune, ibid., f° 10. — Lettres-Missives, t. VI, p. 19.

[41] Bibl. nat. Original autographe. Fonds Béthune. Mss 3639, f° 37. — Lettres-Missives, t. VI, p. 944. — C'est une allusion égrillarde dont le sens est assez clair. On a du reste fait remarquer que la correspondance avec Henriette, plus nombreuse à partir de ce moment, est aussi plus grivoise qu'au premier temps de la liaison.

[42] Mlle de La Haye a couru hier bravement le cerf. On parle de sa faveur fort diversement. Quoi qu'il en soit, son train est dressé. Le roi l'a meublée de tapisseries et de vaisselle d'argent. Pour l'argent et les présents, les uns disent 2.000 livres, les autres 3.000. (MALHERBE, Lettres, édit. Lalanne, t. III.)

[43] L'ESTOILE, édit. Michaud, t. II, p. 417 (fin mars 1607).

[44] Selon d'autres textes, cette aventure se placerait avant leur liaison ; Bassompierre faisait la cour à Marie d'Entragues, mais jusqu'alors sans réciprocité.

[45] Mémoires de Bassompierre, édit. Michaud, p. 46-47.

[46] On pense généralement qu'il s'agit ici du grand écuyer Bellegarde, mais qui était né en 1563 et aurait eu alors quarante-deux ou trois ans. La relation de Bassompierre en parle comme d'un jeune chevalier, et l'attribution reste douteuse.

[47] L'ordre du Saint-Esprit, créé par Henri III.

[48] Il y avait une entrée secrète par laquelle, rapporte Bassompierre, j'entrais au troisième étage du logis, que Mme d'Entragues n'avait point loué, et sa fille, par un degré dérobé de la garde-robe, me venait trouver, lorsque sa mère était endormie. (Mémoires, édit. Michaud, p. 47.)

[49] Siège, banc, Dict. de Trévoux.

[50] Mémoires de Bassompierre, édit. Michaud, p. 47-48. — Tallemant des Réaux donne quelques détails sur cette liaison du maréchal et le rôle d'Henri IV, qui semble avoir été berné comme dans plusieurs circonstances analogues : Bassompierre, dit-il, eut l'honneur d'avoir quelque temps le roi pour rival. Testu, chevalier du Guet, y servait Sa Majesté. Un jour comme cet homme venait parler à Mlle d'Entragues, elle fit cacher Bassompierre derrière une tapisserie, et disait à Testu qui lui reprochait qu'elle n'était pas si cruelle à Bassompierre qu'au roi, qu'elle ne se souciait non plus de Bassompierre que de cela, et en même temps, elle frappait d'une houssine qu'elle tenait à l'endroit où son galant était caché. Je crois pourtant, ajoute l'auteur, que le roi en passa son envie, car un jour il la baisa, je ne sais où, et Mlle de Rohan, sur l'heure, écrivit ce quatrain à Bassompierre :

Bassompierre, on vous avertit,

Aussi bien l'affaire vous touche,

Qu'on vient de baiser une bouche

Dans la ruelle de ce lit.

Bassompierre répondit avec le sans-gêne du temps qu'on lui avait baisé bien autre chose et qu'il tenait la rime à la disposition de l'épistolière. Henri IV dit un jour au P. Cotton : Que feriez-vous si on vous mettait coucher avec Mlle d'Entragues ?Je sais ce que je devrais faire, sire, dit-il ; mais je ne sais ce que je ferais. — Il ferait le devoir de l'homme, dit Bassompierre, et non celui de P. Cotton.

[51] Avant Mme de Moret on indique parmi les maîtresses du roi : Mlle de Sourdis, qui devint comtesse d'Estanges ; Mme Quélin, dont l'intrigue se placerait vers 1606, — le conseiller Quélin, sous Louis XIV, se vantait d'être le fils d'Henri IV, — et Mlle de Guise, cette fille du Balafré qui devint ensuite la princesse de Conti ; on sait qu'on lui attribue le pamphlet qui a pour titre : les Amours du Grand Alcandre, et elle était, en effet, bien placée pour être renseignée. Selon les potins, Henri IV aurait encore courtisé la duchesse de Montpensier et la duchesse de Nevers, dont il a été parlé plus haut et même le Mss Fontanieu 446-447, p. 177, indique des querelles avec Marie de Médicis, à propos d'une femme appelée Fontlebon ou Sontlebon, qui peut-être n'a pas laissé d'autres traces.

[52] Le roi sut leurs relations et les reprocha à Mme de Moret ; elle déclara qu'il ne devait pas en prendre ombrage, car elle ne voulait que se faire épouser. Henri IV se tourna alors vers la mère du prince, Catherine de Clèves, et même se répandit en menaces, disant que Joinville avait été des complices de Biron et avait failli aller à la Bastille, et, ajoutait-il, il devait au moins tenir ce qu'il avait promis à la comtesse de Moret. Catherine de Clèves demandant ce qu'il pouvait avoir promis : De l'épouser, reprit le roi, et ce n'est qu'à ce prix que je veux bien oublier sa faute... Qu'on épouse ma maîtresse, à la bonne heure ; mais qu'on s'en tienne à en être le galant, c'est ce que je ne souffrirai pas. Si je pardonne au prince, c'est parce qu'il est votre fils et que vous êtes ma parente ! (Catherine de Clèves était, en effet, cousine du roi par Fr. de Clèves, duc de Nivernais, et Marguerite de Bourbon, qui était la tante du monarque.) Mais la duchesse de Guise le prit de haut, et sans doute n'avait-elle pas tort ; la dispute s'échauffant, Henri IV voulait faire arrêter Joinville, et tout ce qu'obtinrent ses parents, en fin de compte, fut qu'il sortirait du royaume pour n'y jamais revenir. Selon une version qu'a adoptée M. de la Barre-Duparcq, le prince avait signé avec l'Espagne, — sans doute au moment de la conspiration des Entragues, — et promis de soulever la Champagne et la Bourgogne. Il ne rentra en France du reste qu'après la mort du roi. Cependant, en janvier 1608, le roi voulut bien légitimer Antoine de Bourbon, comte de Moret, né en 1607, et lui donner les abbayes de Savigny, de Saint-Étienne de Caen, de Saint-Victor de Marseille et de Signy. Ce fut du reste un homme de valeur, qui se battit sous Louis XIII et fut tué au combat de Castelnaudary (1632), à l'âge de vingt-cinq ans.

[53] L'Estoile rapporte de son côté : Le prince de Joinville (Claude de Lorraine, quatrième fils du duc Henri et depuis duc de Chevreuse) sort de la cour et se retire à Saint-Dizier, place forte de, son gouvernement. Disgracié de Sa Majesté pour soupçon de quelques amourettes entre lui et la comtesse de Moret, sujet ordinaire et trop commun aujourd'hui des disgrâces de notre Cour. (T. II. p. 417, édit. Michaud.)

[54] Vous saurez par ce porteur la santé de notre fils. M. Héroard dit que ce n'est qu'un rhume... (19 mars). (Bibl. nat. Suppl. fr. 1009-4, copie.) Je vous fais ce mot... pour vous dire que la rougeole est sortie de notre fils. Ne doutez pas qu'il ne soit secouru comme moi-même... Je serais bien aise de vous voir devant que partir... (Bibl. nat., ibid., 26 mars.) Mon cher cœur, ne soyez pas en peine de nos enfants ; pour le fils il se porte bien et a commencé à se réjouir aujourd'hui ; je ne le vis jamais plus fou. Pour la fille, elle se lève déjà et dans deux jours elle ne s'en sentira plus... Ne doutez pas que j'en aye du soin et que quand ils ne seraient pas miens, pour l'amour de vous seule, je les chérirais à l'égal de mes autres enfants. Je meurs d'envie de vous voir... Bonsoir, mon âme, je te baise les tétons un million de fois. (Bibl. nat., orig. Suppl. fr. Mss 1009-4. Commencement d'avril 1608. Lettres-Missives, t. VII, p. 500, 502, 508.)

[55] Bibl. de l'Arsenal. Mss Histoire, 179, t. II. Orig. autog. Lettres-Missives, t. VII, p. 508.

[56] Lettre de Villeroy à Sully, 29 mars 1608.

[57] 12 avril. (Bibl. de l'Arsenal, Orig. autog. Mss hist. 179, t. II. Lettres-Missives, t. VII, p. 518.)

[58] La progéniture même légitime de Henri IV était assez nombreuse, si l'on considère qu'il ne fut que dix ans en ménage, et sur le tard. Après le premier-né, Louis XIII, on trouve un deuxième fils qui mourut de suite ; Gaston, duc d'Orléans, plus trois filles : Élisabeth, Christine et Henriette. Henriette épousa Charles Ier, roi d'Angleterre, qui fut décapité à White-Hall en 1649. (RICHELIEU, Mémoires, édit. Michaud, t. I, p. 8. Cf. Bibl. nat. Mss Colbert, t. XII, n° 20 ; Louise BOURGEOIS, les Six couches de Marie de Médicis, avec note et éclaircissements du docteur Chéreau. Paris, in-8°, 1875.)

[59] Bibl. nat. Fonds ital., filza 42.

[60] 22 mai 1608. (Collect. J. Deville, autog. Lettres-Missives, t. VII, p. 557.)

[61] Réservez-vous de me chérir à mon arrivée et de me bien flatter, car j'ai cinquante-quatre ans (13 décembre 1607). (Bibl. nat. Suppl. fr. Mss 1009-4. Lettres-Missives, t. VII, p. 397.)

[62] Voyez la lettre donnée intégralement au t. II des Œconomies royales, p. 226 de l'édit. Michaud.

[63] SULLY, t. II, édit. Michaud, p. 225-229. — Selon les écrits du temps, Henri IV, lassé des continuelles scènes de ménage que lui faisait sa femme, aurait enfin songé à l'éloigner et lui assigner une résidence spéciale. Les racontars du ministre, concernant les intentions du roi pour Henriette d'Entragues, sont d'autre part contredits par une lettre d'Henri IV, qui lui mande à ce moment : Mon cher cœur, j'arrivai hier soir à cinq heures. Je n'ai trouvé aucune altération. Bonneuil qui était venu le matin voulait parler à ma femme de mes voyages à Verneuil. Elle lui a dit : Le roi a toute puissance, je n'en veux rien savoir. Elle a en cela suivi le conseil de M. de Sully, de rompre tous les discours qu'on lui voudrait faire. Nous partirons vendredi d'ici ; si vous vouliez venir jeudi soir, j'aurais ce bien de vous voir devant que partir. Je remets cela à votre volonté. Aimez-moi bien, mes chères amours, etc. (Bibl. de l'Arsenal. Orig. autog. Mss hist. 179, t. II. Lettres-Missives, t. VII, p. 594.) Quelques jours après il écrit encore : Ils ont bien fait le diable vers ma femme. Je vous verrai demain et vous conterai tout. Je veux faire des miennes, c'est pourquoi je ne désire pas qu'en ce temps-là vous soyez ici, afin que l'on ne vous cause de rien... Préparez-vous à partir demain car mardi je jouerai mes jeux et vous verrez si je suis le maître. Je vous donne le bonsoir, etc. (Bibl. de l'Arsenal. Orig. autog. Mss hist. 179, t. II. Lettres-Missives, t. VIII, p. 595.)

[64] Bibl. de l'Arsenal. Orig. autog., sans date (1608). Mss hist. 179, t. II, Lettres-Missives, t. VII, p. 658.

[65] Bibl. de l'Arsenal. Orig. autog., sans date (1608). Mss hist. 179, t. II. Lettres-Missives, t. VII, p. 659. — Il répondait encore vers la mi-septembre à une lettre d'Henriette qui sans doute lui demandait de lui envoyer ses enfants : J'ai montré votre lettre à ma femme, lui demandant avis de ce que je répondrais ; je la regardais au visage, si je verrais de l'émotion quand elle lisait votre lettre, comme d'autres fois j'avais vu quand l'on parlait de vous ; elle me répondit sans aucune altération que j'étais le maître, que je pouvais ce que je voulais, mais qu'il lui semblait que je devais vous contenter en cela. Tout le reste du soir elle fut joyeuse, et parlâmes par reprises de vous, et me dit, riant, que si la princesse de Conti lui avait vu lire votre lettre, elle serait bien en peine, car elle se tourmentait tellement de tout qu'elle ne s'ébahissait si elle était aussi maigre. Envoyez donc votre carrosse et ce qu'il faut pour les mener ; ils seront mercredi à Chaillot, etc. (Bibl. de l'Arsenal. Orig. autog. Mss hist. 179, t. II. Lettres-Missives, t. VII, p. 604.)

[66] Bibl. de l'Arsenal, Orig. autog. sans date (1608). Mss hist. 179, t. II. Lettres-Missives, t. VII, p. 659.

[67] Nicolas d'Argennes, qu'on appelait alors M. de Rambouillet. (MORÉRI.)

[68] Bibl. de l'Arsenal. Orig. autog., sans date (1608). Mss hist. 17a t. II. Lettres-Missives, t. VII, p. 662.

[69] Lettres-Missives, t. VII, p. 664.

[70] Lettres-Missives, t. VII, p. 664.

[71] Bibl. de l'Arsenal. Orig. autog. sans date (1608). Mss hist. 179, t. II. Lettres-Missives, t. VII, p. 664.

[72] Bibl. de l'Arsenal. Orig. autog. sans date (1608). Mss hist. 179, t. II. Lettres-Missives, t. VII, p. 664.

[73] Bibl. de l'Arsenal. Orig. autog. sans date (1608). Mss hist. 179, t. II. Lettres-Missives, t. VII, p. 665.

[74] Lettres-Missives, t. VII, p. 266.

[75] L'Estoile spécifie que l'un des assassins n'avait que dix-huit ans et que la servante était grosse de leur fait. Ils furent condamnés par sentence du Châtelet. Sa Majesté était importunée de leur faire grâce, au moins de commuer leur peine en celle des galères, par lettres de la marquise de Verneuil et par le sieur de Palaizeau, qui était le parrain de l'un d'eux. Le roi avait d'abord écouté ces sollicitations, puis, après quelques jours, il se ravisa et la sentence fut exécutée. (Édit. Michaud, t. II, p. 428-429.) — Lorsque l'ambassadeur d'Angleterre, qui retournait en son pays, vint en 1609 prendre congé du roi, on rapporte que la reine fit présent à sa femme d'une ovale enrichie de pierreries (un cadre) valant 2.000 écus ; la reine Marguerite lui donna une enseigne également de pierreries valant 800 écus ; la princesse de Conti un diamant de 1 500 écus et la marquise de Verneuil une horloge estimée 600 écus. (Ibid., p. 539.) — C'est encore d'Henriette d'Entragues qu'il est question dans l'anecdote suivante que rapporte le vieux chroniqueur : Deux commis de Montauban, l'un appelé Fioubert et l'autre Billard, se battirent en ce temps pour l'honneur de la marquise, et s'assignèrent en duel sur le pré, vers les Bons-Hommes ; auquel Billard, qui la soutenait contre Fioubert qui l'avait appelée putain, eut deux doigts de la main coupés par ledit Fioubert qui se trouva plus vaillant qu'il ne pensait et finalement Fioubert fut envoyé à la marquise, entre les mains de laquelle il fut mis pour en faire ce qu'elle voudrait. Mais il eut de si bons intercesseurs que ladite marquise lui pardonna, sans toutefois le vouloir voir ni ouïr parler ; il en fut quitte pour la peur dont il cuida mourir. (Ibid., p. 484.)