Régence de Marie de Médicis. — Les États de 1614 — Derniers actes de la reine Marguerite. — Sa mort. — Jugement porté sur elle par Richelieu et Conclusion. La reine Marguerite s'était tenue à l'écart des querelles si vives engagées par les deux dernières maîtresses du roi, la marquise de Verneuil et la comtesse de Moret. La marquise lui avant fait demander une entrevue par Mme de Salignac, elle prit pour excuse qu'il lui fallait avoir l'assentiment du roi[1]. Elle se tint également en dehors des luttes qui signalèrent les premières années de la régence. Marie de Médicis lui en sut gré, et le témoigna en l'invitant à boutes les grandes cérémonies de la Cour, où elle eut son rang et sa place[2]. On la vit ainsi au baptême du second fils de Henri IV, Gaston, dont elle fut marraine ; au sacre de Louis XIII, qu'elle présenta la veille à la confirmation en compagnie du prince de Condé (octobre 1610) ; à sa déclaration de majorité et au carrousel qui suivit sur la place Royale. — Une des dernières fêtes qu'elle donna fut, en 1612, la réception et le bal dont elle eut le coûteux honneur lorsque le duc de Pastrana, fils de Ruy Gomez et de la princesse d'Eboli, vint demander la main de la princesse Élisabeth pour le futur roi d'Espagne, Philippe IV, et où elle parut vêtue d'une robe en toile d'argent aux longues manches ouvertes en arcades, coiffée de perles enroulées dans ses cheveux avec des diamants et portant au col une rivière étincelante[3]. Louis XIII avait confirmé la reine Marguerite dans la jouissance de ses domaines, et dès les premiers jours de la régence elle reçut Marie de Médicis dans sa maison d'Issy, car l'on raconte que l'Italienne, revenant de chez elle fort accompagnée (8 juillet 1610), il y eut une pauvre et simple femme du faubourg Saint-Germain qui commença à crier assez haut, tant que la reine l'entendit : Plût à Dieu, madame, qu'on eût fait aussi bonne garde de notre pauvre roi comme on fait de vous ! Nous ne serions pas dans la peine où nous sommes[4]. Pourtant, la reine Marguerite vieillissait, se faisait chenue malgré ses perruques blondes. C'était vraiment une vieille femme, dont l'esprit même n'était plus si lucide et qui portait le poids de ses traverses anciennes. La persécution et les menaces de son frère, dit Dupleix qui reprend de nouveau sa thèse ; les effrois qu'elle en reçut, l'appréhension qu'elle eut ensuite que ses fautes n'obligeassent son mari d'attenter à sa vie et la solitude en laquelle elle vesquit durant vingt ans, la troublèrent si fort qu'elle entra en une extrême défiance de tout le monde, de sorte que s'es fâcheries et terreurs continuelles la rendirent hypocondriaque. Mais ces faiblesses ne paraissaient au commencement qu'en certains objets connus à ses domestiques ; depuis son dernier voyage à la Cour ils ne furent que trop divulgués, elle-même les faisant connaître à tout le monde. — Sur la fin de ses jours, ajoute Tallemant des Réaux, elle aima un musicien nommé Villars. Il fallait que cet homme eût toujours des chausses troussées et des bas d'attache, quoique personne n'en portât plus. On l'appelait vulgairement le roi Margot. — Ce Villars était un chanteur, et, Malherbe écrit à Peiresc qu'elle le mena un jour dans le jardin des Tuileries pour le faire entendre à la reine[5]. Se trouvant malade, elle avait fait vœu de se rendre à Notre-Dame de Senlis ; elle y alla en litière et Villars, associé au vœu de sa maîtresse, partit dès quatre heures du matin et fit la route à pied. — Ce fut, a-t-on dit, le dernier de ses amants ; niais est-ce trop supposer que de ne voir qu'une affection maternelle et toute platonique entre ces jeunes hommes, l'écuyer Bajaumont, le roi Margot, ses familiers et ses proches, et cette femme qui avait plus de soixante ans et que l'on a tant fait pour rendre odieuse ? — Ses donations, ses institutions pieuses l'occupaient sans doute davantage. Le 3 août 1610, dit L'Estoile, la reine Marguerite fit le pain bénit magnifique à Saint-Étienne-du-Mont, ayant voulu honorer de sa présence la célébrité de la fête de la dite église qui était ce jour ; auquel même elle posa de sa main la première pierre au fondement d'un portail qu'on y bâtissait, et y donna mille écus. — Quant à ses Augustins déchaux, elle les congédia au commencement de 1613, trouvant qu'ils ne chantaient ni assez bien ni assez longuement les louanges divines, et leur substitua les Augustins réformés de la province de Bourges, qui furent dits les Petits-Augustins pour les distinguer des Grands-Augustins dont la maison était voisine[6]. En 1614, elle assista encore à la procession des États et à leur séance d'ouverture. Elle prit là un refroidissement dont elle ne put se remettre. Déjà, elle avait dû s'aliter lors d'un pèlerinage qu'elle avait fait à Chartres en 1605, après son retour d'Usson, et l'année suivante avait souffert d'une pleurésie qui l'avait clouée de longs mois dans sa maison d'Issy[7]. Dès lors, elle ne fit que languir. — Elle ne cessa point, au reste, de s'intéresser aux affaires de l'État, et l'on a d'elle une longue lettre au cardinal de Sourdis, archevêque de Bordeaux, qui présidait l'assemblée du clergé, et où elle l'invite à intervenir près des députés afin de donner au roi plus de commodité dans la réforme financière que tous demandaient alors sans vouloir rien faire pour y contribuer[8]. — Dans les premiers jours de mars 1615, on tenait son état pour désespéré ; mais cela ne retarda pas d'une heure un de ces ballets de la Cour qu'elle avait tant aidé à remettre à la mode. Sur la fin du mois, il y eut une légère amélioration et Malherbe put écrire à son ami Peiresc : La reine Marguerite commence à se porter mieux ; connue elle a été hors d'espérance, on la tient aujourd'hui hors de crainte. Ses affaires étant toujours aussi niai conduites, elle vendit ou engagea pour 32.000 livres payées comptant les châtellenies de Béthisy et de Verberie, dans son duché de Valois, à Louis Féron, écuyer, seigneur de Villers[9]. — Ce fut son dernier acte de suzeraine. Le 26 mars, l'évêque de Grasse, qui était son grand aumônier, l'avertit que sa fin était proche et elle le récompensa en lui faisant don de son argenterie. Le 27, elle signa encore un codicille en faveur des Augustins et, après avoir reçu les sacrements, elle mourait à onze heures du soir. — Elle allait avoir soixante deux ans. On dit qu'au moment de la mort toute notre vie nous remonte du cœur et passe en tableaux successifs devant nos yeux en un éblouissement suprême. Peut-être la vieille reine revit-elle les jours lointains de sa jeunesse et son entrée, toute jeune fille, avec le roi Charles IX dans la cité de Metz, parmi les dames en peliçons de fourrures aux longues manches pendantes jusqu'à terre, les gentils, hommes aux pourpoints de velours bariolé d'incarnat, les argoulets et les arquebusiers aux corselets et aux morions d'acier. Peut-être ce fut le duc de Guise, Bussy, La Môle, morts si tragiquement, son triomphal voyage de Flandres ou les jours tristes de Cariai et d'Usson ? Tant de choses s'étaient accomplies et tant d'événements avaient marqué sa vie. Elle était la dernière de sa race ; elle emportait dans la tombe tout ce qui restait de la magnificence des Valois et, il faut bien le dire encore, la plus grande partie de ses secrets. Avec la reine Marguerite, c'est un monde qui achève de mourir. — Le lendemain, Malherbe écrit : M. de Valves a été la voir. Pour moi je la tiens pourvue, car il y a une presse aussi grande qu'a un ballet, et il n'y a pas tant de plaisir. La reine a dit qu'elle veut payer ce que légitimement elle devra, et que si elle ne le faisait, elle aurait peur qu'on ne vînt la tourmenter la nuit. Elle fait cas que les dettes n'iront qu'a 400.000 livres ; mais l'on tient qu'elle doit plus de 200.000 écus. Ce matin, la chambre de la reine était si pleine de créanciers qu'on n'y pouvait tourner. Ce fut tout ce qui intéressa, dans cette mort, le sec poète que nous a vanté Boileau. Le jugement définitif devait être porté par Richelieu, le ministre absolu de Louis XIII, et nous ouvrons ici ses Mémoires qui donnent avec la hauteur de vues qu'on pouvait attendre, sur cette femme et cette reine, l'impression que nous devons garder, nous qui n'éprouvons plus rien des passions de ce temps aboli et des haines des sectes défuntes : Le 27 de mars, trois jours après
que le Roi eut congédié les députés des États, la reine Marguerite passa de cette
vie en l'autre. Elle se vit la plus grande princesse de son temps, fille,
sœur et femme de grands rois et, nonobstant cet avantage, elle fut depuis le
jouet de la fortune, le mépris (les peuples qui lui devaient être soumis, et
vit une autre tenir la place qui lui avait été destinée. Ses noces, qui
semblaient apporter une réjouissance publique, et être cause de la réunion
des deux partis qui divisaient le royaume, furent au contraire l'occasion
d'un deuil général et d'un renouvellement d'une guerre plus cruelle que celle
qui avait été auparavant : la fête en fut la Saint-Barthélemy ; les cris et
les gémissements de laquelle retentirent par toute l'Europe ; le vin du
festin, le sang des massacrés ; la viande, les corps meurtris des innocents
pêle-mêle avec les coupables. Elle voit son mari en danger de perdre la vie ;
on délibère si l'on doit le faire mourir. Elle le sauve. Est-il hors de
péril, la crainte qu'il a d'y rentrer fait qu'il la quitte et se retire en
ses États. Il se fait ennemi du roi son frère ; elle ne sait auquel des deux
adhérer : si le respect de son mari l'appelle, celui de son frère et de son
roi et celui de la religion la retiennent. L'amour enfin a l'avantage sur son
cœur ; elle suit celui duquel elle ne peut être séparée qu'elle ne le soit
d'elle-même. Cette guerre finit quelquefois, mais recommence incontinent
après, comme une fièvre qui a ses relâches et ses redoublements. Il est
difficile qu'en tant de mauvaises rencontres il n'y ait pas entre eux quelque
mauvaise intelligence ; les soupçons, nés des mauvais rapports, fort
ordinaires à la Cour, et de quelques occasions qu'elle lui donne, séparent
l'union de leurs cœurs comme la nécessité du temps fait celle de leurs corps.
Cependant ses trois frères meurent l'un après l'autre dans la misère de ces
guerres ; son mari succède à la couronne ; mais comme elle n'a point de part
en son amitié, il ne lui en donne point en son bonheur. La raison d'État le
persuade facilement à prendre une autre femme pour avoir des enfants qu'il ne
pouvait espérer avoir de celle-ci. Mais au lien que les moindres femmes
brûlent tellement d'envie et de haine contre celles qui tiennent le lieu
qu'elles estiment leur appartenir, qu'elles ne les peuvent voir, ni moins
encore le fruit dont Dieu bénit leurs mariages, elle au contraire fait
donation de tout son bien au Dauphin que Dieu donne à la reine, et l'institue
son héritier comme si c'était son propre fils ; vient à la Cour, se loge
vis-à-vis du Louvre, et non seulement va voir la reine, tuais lui rend
jusqu'à la fin de ses jours tous les honneurs et. devoirs d'amitié qu'elle
pouvait attendre de la moindre princesse. L'abaissement de sa condition était
si relevé par la bonté et les vertus royales qui étaient en elle, qu'elle
n'en était point en mépris. Vraie héritière de la maison de Valois, elle ne
fit jamais don à personne sans s'excuser de donner si peu, et le présent ne
fut jamais si grand qu'il ne lui restât toujours un désir de donner davantage
; et s'il semblait quelquefois qu'elle départît ses libéralités sans beaucoup
de discernement, c'était qu'elle aimait mieux donner à une personne indigne
que manquer de donner à quelqu'un qui l'eût mérité. Elle était le refuge des
hommes de lettres, aimait à les entendre parler ; sa table eu était toujours
environnée, et elle apprit tant en leur conversation qu'elle parlait mieux
que femme de son temps, et écrivait plus élégamment que la condition
ordinaire de son sexe ne portait. Enfin, comme la charité est la reine des
vertus, cette grande reine couronnait les siennes par celle de l'aumône,
qu'elle départait si abondamment à tous les nécessiteux, qu'il n'y avait
maison religieuse dans Paris qui ne s'en sentît, ni pauvre qui eût recours à
elle sans en tirer assistance. Aussi Dieu récompensa avec usure, par sa
miséricorde, celle qu'elle exerçait envers les siens, lui donnant la grâce de
faire une fin si chrétienne que, si elle eut sujet de porter envie à d'autres
durant sa vie, ou en eut davantage de lui en porter à sa mort[10]. Nous avons peu à ajouter à ces nobles périodes. Marguerite de Valois, cependant, est une figure presque aussi complexe que sou frère Henri III — avec lequel d'ailleurs elle eut plus de ressemblance qu'elle ne le pensait elle-même — et l'on comprend la divergence des appréciations qui ont été portées à son égard. On en peut dire beaucoup de bien et beaucoup de mal, car si elle eut des qualités véritables — par insouciance, entraînement passionnel, mépris de l'opinion — par la conviction que son sang royal la mettait au-dessus de certaines règles et qu'elle pouvait beaucoup se permettre, elle prêta trop a la critique et mit une sorte de complaisance à lui fournir ses mots et ses diatribes. Chez elle, les contradictions de la nature humaine sont si apparentes qu'on en est souvent choqué ; mais les traverses de sa vie, son éducation, le conseil détestable de la parenté et de l'entourage, sa situation longtemps équivoque excusent et expliquent bien des choses. Promise aux destinées les plus brillantes et maintenue en tutelle ; mariée contre ses inclinations et délaissée presque au lendemain de ses noces ; instrument de fortune et d'intrigue que toutes les ambitions aux prises prétendaient se soumettre et rejetaient selon l'aventure ; abandonnée en même temps à tous les mensonges et à toutes les tentations d'une Cour dont la galanterie demeura fameuse, elle put s'oublier elle aussi, écouter son caprice, fût-il porté sur des hommes indignes d'elle, et leur livrer sinon toujours son âme, le charme et la joie d'une beauté devant laquelle s'agenouillaient toutes les adorations. La vie de presque toutes les grandes dames d'alors est aussi pleine de hasards et c'est la seule concession que nous puissions faire à la légende de la reine Margot. Engagée parmi tant d'intrigues et de partis, elle se trouva recueillir, amassée sur elle avec le temps, l'animadversion de ceux qui se crurent desservis, qui la rencontrèrent comme un obstacle ou ne tirèrent point de son crédit ce qu'ils s'en promettaient d'abord. Poursuivie par un frère tout puissant, dont les griefs demeurés incertains se traduisirent par des actes d'inimitié continue, il faut admirer qu'elle ait déjoué en fin de compte sa haine et sa malveillance ; et honnie, rejetée de celui dont elle avait suivi la fortune, se soit trouvée assez forte encore et gardant assez de prestige pour qu'il ait pensé avantageux de traiter avec elle, de lui reconnaître une situation et des droits. Le pays enfin pouvait lui être reconnaissant d'avoir su accorder ses intérêts propres et les nécessités d'un ordre nouveau et dans lequel il espérait, car sans son aveu il n'eût rien été fondé de durable. Nous avons indiqué les raisons plus immédiates qui influèrent sans doute pour la déterminer. Mais on peut dire aussi qu'elle vit plus loin, au delà, et Marie de Médicis qui profita de son abdication n'aurait peut-être pas eu le courage de ce sacrifice. C'est sur cela qu'il faut insister au moment de conclure, puisque la plupart des écrivains, les romanciers surtout, lorsqu'ils l'ont mise en scène, nous l'ont montrée si différente. Certes, peu de femmes, au milieu de ce drame fatidique qui se déroula sur la France à la fin du seizième siècle, et avec tant d'événements et d'aventures, furent plus désignées pour fournir un personnage de roman ; et nous aimons encore à évoquer cette petite reine Margot de la fin de Charles IX, dont le cœur bavardait si inconsciemment, dansant par les hautes salles du Louvre avec le jeune duc d'Alençon la pavane d'Espagne ou le pazzemeno d'Italie ; nous voyons toujours cette jolie figure désolée, emportant de ses mains blanches la tête exsangue du pauvre La Môle, et plus tard faisant entrer Chamvallon dans le lit qu'elle avait fait garnir de draps de soie noire pour y ébattre leurs amours. Mais il n'y eut pas chez elle que la princesse galante ; il y eut aussi la reine, qui tenta de servir les intérêts des siens, de son mari, de son pays — une femme sérieuse et dévouée, et qui fut aussi une bonne et charmante femme ; et n'est-ce pas, après tout, le sens définitif de certains actes où l'on ne croirait voir en premier qu'une recherche habile d'intérêt personnel ? la reconnaissance de Henri IV comme roi de France, l'adhésion au divorce, la renonciation au titre de reine que Marguerite proposa après la conspiration de Biron, sa présence au sacre de Marie de Médicis, aussi bien que la donation de ses terres faite à Louis XIII avec la condition exclusive qu'elles ne sortiraient plus du domaine de la couronne — il y eut la princesse qui, malgré ses défaillances, garda le sens royal, et dans l'effroyable crise où menaçait de sombrer la France, se souvint que, d'abord, le Roi était la personnification de l'État et, par le fait, de la Patrie. — Nous ne faisons point le moraliste, et cela suffit pour que, du reste, nous ne lui tenions pas rigueur. Déposé dans la chapelle des Augustins, le corps de Marguerite de Valois, reine de France et de Navarre, fut ensuite porté à Saint-Denis et placé dans la chapelle que Catherine avait fait élever hors d'œuvre et qui fut détruite à la Révolution. L'avocat Louis Servin, qui avait plaidé pour elle au Parlement, composa son épitaphe[11] qui fut gravée par les Augustins auxquels elle avait légué son cœur. — La reine leur avait livré tout ce qu'elle possédait, et même un peu de ce qu'elle ne possédait pas, dans le Grand et le Petit Pré-aux-Clercs ; ils n'avaient eu qu'à prendre et ne s'en étaient pas fait faute. Le couvent et l'église s'étaient bâtis si grands tous deux que l'Autel, premier motif de la fondation, s'y perdit, pour ainsi dire[12]. Après la mort de la vieille souveraine, on l'oublia. — Quant à son hôtel, il fut vendu le 11 mai 1622 pour désintéresser ses créanciers[13]. On l'avait divisé en trois lots. Il n'en reste plus rien aujourd'hui que peut-être les quelques débris signalés au numéro 6 de la rue de Seine. Mais le pavillon d'Issy est toujours debout ; augmenté de deux ailes, il est devenu, par une destinée singulière, la succursale du grand séminaire de Saint-Sulpice. Le parc chanté par Michel Bouteroue demeure intact, et les jeunes séminaristes se promènent encore dans les allées de charmes plantés par la reine Marguerite. — Renan, qui y passa quatre années, a consacré dans ses Souvenirs de jeunesse de délicieuses pages à la maison d'Issy, et indique les transformations que dut subir la profane demeure de la dernière des Valois dans sa décoration galante pour devenir la pieuse maison d'éducation des jeunes prêtres et l'antichambre de l'Église. — Mais au fait, au soir de sa vie, elle eut approuvé un tel changement. Elle avait voulu racheter par des fondations et des aumônes les dissipations mondaines de sa jeunesse ; le clergé, qui fit son panégyrique, lui apportait le pardon que l'Église accorde toujours la pécheresse repentante ; et c'est sans doute un pur oubli de la reine si, directement, la maison d'Issy ne lui a pas été léguée. FIN DE L'OUVRAGE |
[1] Lettre au roi, 9 avril. Autog. coll. Dupuy, t. 217, f° 106. Édit. Guessard, p. 405.
[2] H. DE LA FERRIÈRE, Trois Amoureuses du seizième siècle.
[3] Jean NIGAUT, le Grand Bal de la reine Marguerite, etc., 1612 ; cf. H. DE LA FERRIÈRE, Trois Amoureuses du seizième siècle.
[4] L'ESTOILE, édit. Jouaust, t. X, p. 322.
[5] Lettres à Peiresc, édit. Blaise, Paris, 1822.
[6] E. BEAUREPAIRE, la Chronique des rues, p. 236.
[7] Mémoires et lettres, édit. Guessard, p. 397 et 428.
[8] Cf. Revue des questions historiques, livraison de janvier 1870, p. 258-261 ; lettre du 17 novembre 1614.
[9] Dr BOURGEOIS, Crépy-en-Valois, ses seigneurs, etc., dans Mémoires de la Société archéologique de Senlis.
[10] Mémoires du cardinal de Richelieu, édit. Michaud, t. I, p. 92-93.
[11] Cette épigraphe fort longue a été donnée en entier par M. L. DE SAINT-PONCY, Histoire de Marguerite de Valois, t. II. Le Dictionnaire de Moréri reproduit également ces vers, art. Marguerite de France :
Margaris alma soror, consors, et filia Regum,
Omnibus hic moriens (proh dolor !) orba fuit.
Pars ferro occubuit, pars altera cœsa veneno,
Tudor est solio parvula sella gravi :
Prævisis obiit mater vexata procellis,
Par natæ mæror præstitit inferias.
[12] E. BEAUREPAIBE, la Chronique des rues, p. 235. — A sa mort, Marguerite avait vivement recommandé à Louis XIII et à sa mère ses nouveaux protégés. Elle leur avait promis une église qu'elle n'eut pas le temps de faire construire, et ce fut Anne d'Autriche qui en posa la première pierre le 15 mai 1617. Elle fut consacrée à Saint-Nicolas de Tolentin. Les bâtiments et l'église des Petits-Augustins devinrent pendant la Révolution et l'Empire le Musée des monuments français, et en 1820 on les abattit pour faire place à l'École des Beaux-arts. Le vaisseau de l'église, sur le portail de laquelle on a appliqué la façade du château d'Anet, a seul été conservé. H. L. BORDIER, les Églises et monastères de Paris, p. 61. Quant à la chapelle des Louanges, elle fut enclavée dans la construction de 1617 et garde encore le nom de chapelle de Marguerite de Valois ou salle Michel-Ange.
[13] Un Inventaire des meubles, joyaux, livres et manuscrits de la reine Marguerite, État des rentes et créances, a été signalé comme existant à Lyon entre les mains de M. Alp. de Boissieu, correspondant de l'Institut, descendant de Jean de Boissieu, conseiller et secrétaire de la reine. Intermédiaire, t. XI, p. 650, 1879.