Mort du duc d'Anjou. — Mésintelligence du roi et de la reine de Navarre. — Marguerite se déclare pour la Ligue et s'empare d'Agen. — Elle en est chassée par une révolte de la ville. Marguerite était rentrée à sérac, mais la mésintelligence
des deux époux ne devait que s'accentuer. Le Béarnais l'avait toujours
traitée cavalièrement malgré quelques dehors ; ce fut pis après ce qui était
survenu, et la réconciliation ne fut. jamais sincère. Il s'était servi d'elle
et de son crédit tant qu'elle avait pu lui rendre service ; tombée en
disgrâce, il la négligea et — ce que Catherine qui avait encore quelque
illusion sous ce rapport, sa lettre citée plus haut l'indique assez, ne
voulut jamais comprendre — lui garda rancune de n'être plus un instrument
pour son ambition. — La mort du duc d'Anjou, qui survint presque aussitôt,
plaça au reste Henri de Bourbon dans une situation nouvelle, en même temps
qu'elle enlevait à la reine un appui qui cependant lui était plus nécessaire
que jamais. — Dès le mois de janvier de cette année 1584, Catherine était
retournée à Château-Thierry, espérant ramener son fils. Il se décida,
descendit incognito à l'hôtel Saint-Denis et se présenta au Louvre dans la
soirée dru dimanche gras. Catherine, les larmes aux veux, le conduisit près
de son frère. Le 11 février, dit L'Estoile, Monsieur arriva de Château-Thierry à Paris en poste, où il
se donna du bon temps avec le roi ces trois jours de carnaval. La reine, sa
mère, le fit loger avec elle dans son logis des Filles-repenties[1], où se bienveignèrent le roi et lui, avec bel et moult
gracieux accueil et toute démonstration de bienveillance de part et d'autre ;
pleurant, s'entrebrassant comme fit aussi la reine leur mère, les fit
s'entrebrasser par trois fois. — Catherine préparait alors une
nouvelle expédition contre les Açores — c'est-à-dire contre l'Espagne. Une
démonstration sur la frontière de Flandre entrait dans ses projets. Grace à
son intervention. Henri III promit à son frère des hommes et de l'argent, et
le duc rentra à Château-Thierry pour activer les préparatifs de sa nouvelle
campagne[2]. — Mais ses
forces le trahirent. Une violente fièvre le prit, accompagnée d'un flux de sang
coulant par la bouche et le nez. Catherine accourut, berça encore de projets
ce moribond. Il s'agissait, de concert avec les Guises, de délivrer Marie
Stuart et de la lui faire épouser. Il fit semblant de consentir et, dès qu'il
se sentit un peu mieux, poussa de nouveau ses préparatifs de guerre. Dès le
milieu de mai, la fièvre le reprit, avec de plus graves accidents. Catherine,
qui était malade elle-même, eut encore la force de revenir et resta à Château-Thierry
jusqu'à la fin du mois[3]. De violentes saignées
remirent le duc une dernière fois sur pied. Il n'est
pas guéri, écrivait Villeroi, il a un très
mauvais mal3[4]. — Il eut alors
un singulier retour de fortune, toutes les conditions soumises aux États par
son chargé d'affaires, Des Pruneaux, ayant été acceptées. Élisabeth fit même
proposer à Henri III d'aider son frère de toutes ses forces dans sa nouvelle
expédition. Dites à la reine, répondit-il à
Castelnau, que mon frère est si mal qu'il ne peut
penser qu'à guérir[5]. — Le 2 juin, le
duc annonça pourtant qu'il allait partir et prendre le commandement de
l'armée. Mais l'envoyé des États, Noël de Caron, vit bien que tout était
inutile. Le cœur y est, écrivit-il, mais le corps ne pourra suivre. En effet, le 11
juin, à une heure de l'après-midi, il mourait d'un
grand flux de sang accompagné d'une fièvre lente, qui l'avait petit à petit
atténué et rendu tout sec et étique, — prince, dit Busbecq — qui se
trouva ainsi avoir prononcé son oraison funèbre — dont les conseils furent
trop souvent de ministres malhabiles, ne sachant pas discerner les amis des
flatteurs, une grande d'une bonne réputation ; facile à entreprendre, plus
facile à désister ; toujours inconstant, inquiet, léger ; toujours prêt à
troubler la tranquillité la mieux établie. — Le 21 juin, on ramena son corps
à Paris où il eut des funérailles royales ; mais personne ne le regretta —
hormis sa sœur Marguerite — et peut-être sa mère[6]. Henri III avait prévu ce dénouement, car dès le L6 mai il
avait fait partir le duc d'Épernon pour aller en Gascogne trouver le roi de Navarre, lui porter
lettres par lesquelles il l'admonestait, exhortait et priait, pour ce que la
vie du duc d'Alençon, son frère, était déplorée, et n'attendait-on de jour à
autre que nouvelles de sa mort, de venir à la
Cour et d'aller à la messe, parce qu'il voulait le faire reconnaître son vrai
héritier et successeur à sa couronne, lui donner grade et dignité près sa
personne, tels que méritaient les qualités de beau-frère et légitime
successeur de la couronne de France. Bruit fut qu'il était envoyé avec
200.000 écus que le roi lui avait donnés pour son voyage. Il s'en alla
accompagné de plus de cent gentilshommes, à la plupart desquels le roi donna
cent ou deux cents ou trois cents écus pour lui faire bonne et fidèle
compagnie et se mettre en bon équipage[7]. Marguerite se souciait peu de recevoir le duc d'Épernon,
se souvenant trop de la scène du Louvre où il avait accompagné et peut-être poussé
fleuri III. Elle prévint son mari qu'elle s'absenterait pour ne pas troubler
la fête. Mais Catherine s'éleva vivement contre une telle décision ; elle
écrivit à sa fille et chargea Bellièvre, qui se trouvait alors à Pamiers, de
lui faire passer sa lettre[8]. Madame, dut-il lui mander, ce
m'est et ce me sera toute ma vie un extrême regret de vous écrire pour une
occasion qui m'est, et à tous les serviteurs de cette couronne, si dure à
supporter. Vous avez perdu votre frère, qui vous aimait uniquement ; Dieu
vous a conservé la reine votre mère qui s'intéresse plus de vous que de sa
propre vie ; elle m'a commandé de vous soumettre la lettre qu'elle vous écrit
sur le refus qu'avez fait de recevoir M. d'Épernon. Si le roi votre frère en
l'envoyant ne lui eût pas commandé de vous visiter, il eût semblé à ce peuple
qu'il ne veut pas de vous au rang d'amitié que tous les gens de bien désirent
qu'il fasse. Je vous écris par le commandement de votre mère, vous suppliant
de vous conformer à ses instructions. C'est l'avis de tous vos amis à la
Cour. Donnez-moi la charge de dire au duc d'Épernon que vous lui ferez bon
accueil[9].
— Brantôme rapporte également qu'elle y fut forcée par le roi de Navarre qui fit grande chère au favori du roi et le pria de le
venir voir à Nérac. La reine avait demandé à se retirer pour éviter quelque
venin de colère et fâcherie au roi ; il la pria au contraire, sur tous
les plaisirs qu'elle lui saurait faire, de ne bouger et de l'aider à recevoir
le dit sieur d'Épernon, et mettre toute la rancune qu'elle lui portait sous les
pieds pour l'amour de lui. Elle se déguisa donc de
telle façon, s'extasie le chroniqueur, que M.
d'Épernon, venant arriver en sa chambre, elle le recueillit de la même forme
que le roi l'en avait prié, si bien que toute la chambre qui était pleine
d'une infinité d'assistants en furent émerveillés[10]. — On peut voir
ce que lui coûta cet acte de condescendance par le passage suivant d'une
lettre écrite alors à Matignon, et où elle disait : Je
vois la reine [ma mère] si affligée par la perte que nous avons faite, que certes
la crainte que j'ai de l'ennuyer et de la perdre me fait faire une force à
moi-même que je ne pensais pas être en ma puissance. Mais elle n'en
tira aucun avantage et continua à rester isolée dans une Cour dont elle
n'émit reine que de nom. — De tels incidents n'étaient pas faits pour ramener
la bonne harmonie entre les époux. Les malentendus
étaient très grands entre le roi et la reine, dit le duc de Bouillon. Henri de Navarre passait tout son temps à Pau avec la
comtesse de Gramont ; il ne faisait. que de brèves apparitions à Nérac
; et L'Estoile écrit dans une note ensuite biffée sur son manuscrit, mais
demeurée lisible : Bien que pour contenter le roi,
le dit roi de Navarre l'eût reprise comme par manière d'acquit et pour le
commandement que Sa Majesté avait sur lui, si ne fut-il jamais possible lui
persuader de coucher avec elle, seulement une nuit, la caressant assez de
belles paroles et bon visage, mais de l'autre point : dont la mère et la
fille enrageaient[11]. — Bien mieux,
il l'accusa de vouloir se défaire de lui. — Ce jour
(1er février 1585), dit encore
L'Estoile, arriva à Paris un gentilhomme du roi de
Navarre, envoyé de lui exprès pour faire plainte au roi et à la reine sa
mère, d'un secrétaire nommé Ferrand que sa femme lui avait donné, qui s'était
mis en effort de l'empoisonner, le faisant (comme il disait et soutenait) par le
conseil et commandement de sa maîtresse, laquelle on disait être fort mal
contente de son mari. — N'y a-t-il là qu'un bruit rapporté étourdiment
par L'Estoile ou plutôt n'essaya-t-on pas de rattacher cette affaire du
secrétaire Fernand à un complot d'empoisonnement tenté contre le Béarnais et
d'y mêler Marguerite[12] ? — Le 9 février,
le roi de Navarre écrivit à Matignon : J'ai averti
Sa Majesté de ce que j'ai découvert par Ferrant, secrétaire de ma femme,
auquel elle avait donné congé ; et étant venu jusqu'ici — à Pau — je ne l'eusse fait arrêter sans le propos qu'il a tenu. Je
m'assure que nul ne pourra trouver mauvais qu'en chose qui regarde la
conservation de ma personne, et pour éviter les entreprises que quelques-uns
que vous pouvez penser avaient desseignées, j'en ai usé de la sorte ; je vous
en ai voulu avertir afin que vous avez de quoi fermer la bouche à ceux qui
voudraient calomnier cette affaire[13]. Mais le 1er
avril, il doit écrire au roi que sur les avis des menées qui se faisaient
contre lui, en quoi on s'aidait de Ferrant, il le fit mener en Béarn pour
essayer d'en découvrir la vérité. Il ne s'agissait donc pas d'un assassin,
mais d'un homme au courant de quelque intrigue de Marguerite. Un passage des
Mémoires du duc de Bouillon est à rapprocher d'ailleurs des précédents textes
et les explique suffisamment : Nous voyons,
dit-il, les pratiques de la Ligue croître et
paraître de jour en jour, auxquelles évidemment la reine Marguerite
participait, et voyons un sien valet de chambre aller et venir ; je conseille
au roi de le prendre, le mener à Pau, et lui faire confesser ce qu'il
salirait. Ce fut fait, mais le roi et la reine mère furent avertis de la prise et se plaignirent tant qu'on relâcha l'homme.
— Henri III trouva mauvais en effet qu'un Français, pris en France, eût été
soustrait à sa juridiction et transporté en une autre souveraineté ; il
exigea son élargissement, et le roi de Navarre crut de bonne politique
d'envoyer Frontenac vers Marguerite afin de lui expliquer les motifs qui
l'avaient poussé à emprisonner un de ses serviteurs. Simplement elle répondit
que si elle avait cru son mari si curieux, elle eût
fait passer par lui toutes ses dépêches. Il dut y avoir d'autres incidents pénibles à la suite
desquels le roi, sans doute poussé par Catherine, essaya derechef de
réconcilier les époux. Ce fut encore l'œuvre de Pomponne de Bellièvre secondé
par le maréchal de Matignon. Il y avait alors,
écrit Jacques de Caillière, historien du maréchal[14], un grand démêlé entre le roi de Navarre et la reine
Marguerite sa femme (1585), et qui eût causé un extrême désordre si la maréchale de
Matignon[15]
qui était souvent auprès d'elle n'eût découvert un
intrigue qu'elle avait en Espagne, duquel elle donna avis au maréchal son
mari. L'aversion que cette princesse avait de longtemps témoignée pour le roi
de Navarre devint si publique que le roi d'Espagne lui offrit de la faire
enlever et de l'emmener en sa Cour : lui faisant espérer de la démarier, à
dessein peut-être de se servir un jour du droit de cette princesse comme
fille de France, pour disputer la succession au royaume sans égard à la loi
Salique[16]. Le maréchal de Matignon, qui en avait informé le roi,
traîna le temps de l'entrevue jusqu'à ce que Bellièvre fût arrivé, que la
Cour envoyait comme médiateur de la réconciliation entre le roi et la reine
de Navarre. Enfin, les choses s'ajustèrent si à propos que l'envoyé de la
Cour se trouva au rendez-vous conjointement avec le maréchal, où l'on
commença par les plaintes de la reine contre le roi de Navarre, de sorte
qu'après une assez longue conversation la reine Marguerite consentit de
retourner avec le roi son mari, et promit de l'aimer et bien vivre avec lui[17]. — Comme le maréchal avait été l'auteur de cette
réconciliation et que madame sa femme avait donné l'important avis de
l'intrigue de la reine, dont le succès ne pouvait apporter que du trouble à
l'État et de la douleur au roi et à la reine sa mère, Leurs Majestés
témoignèrent au maréchal par leurs lettres la satisfaction qu'Elles éprouvaient
de ce service. — Ces lettres sont datées du
28 avril 1585. Mon cousin, écrit Catherine, je ne ferai point
longue lettre, car je me remettrai au sieur du Laurent, à cause de mon mal de
tête ; mais sachant que ma fille, la reine de Navarre, est en bonne
intelligence avec son mari, c'est ma parfaite et entière Guérison de les
savoir ensemble, confine Dieu et la raison le commandent. Je sais qu'il ne
vous faut rien dire, ni recommander de ce qui est sorti de cette maison, et
de ce qui est l'honneur de la race...[18] Rien n'était terminé cependant. La mort du duc d'Anjou avait réveillé la Sainte Ligue qui semblait sommeiller depuis ses premières manifestations, car désormais se posait la question de succession à la couronne. Henri III n'avait pas d'enfants et l'on pensait bien qu'il n'en aurait jamais. L'héritier désigné était le roi de Navarre ; mais huguenot et relaps, c'est-à-dire irréconciliable avec l'Église, puisque lors de la Saint-Barthélemy il avait abjuré la Réforme, et lavait reprise lorsqu'il s'était enfui de la Cour. On discutait la parenté des deux rois, car il fallait remonter de trois siècles pour les rattacher l'un à l'autre. L'ambition des Guises pouvait dès lors se faire jour. C'était là le grand secret de la Ligue, qui n'avait jamais été que leur machine de guerre. Dès l'origine du mouvement, on avait. répandu des dissertations et des généalogies pour prouver qu'ils descendaient de Charles de Lorraine, le dernier des Carolingiens, et qu'en succédant aux Valois ils ne feraient que reprendre leur héritage. Les pamphlets, libelles, manifestes foisonnaient, dirigés contre Henri III, cherchaient à le rendre ridicule et odieux[19]. On montrait en lui Hérode et toute la pourriture du siècle. Malgré sa dévotion, ses pénitences, ses confréries, tout l'appareil de foi dont il s'entourait, on suspectait son orthodoxie, traversée de trop de voluptés et de plaisirs bizarres. Les prédicateurs renchérissaient d'invectives[20], clamaient en chaire que les pénitents qu'il menait par les rues n'étaient qu'hypocrites et athéistes pour lesquels la broche tournait après la procession du vendredi saint ; qui avaient ensuite pour leur collation de nuit le petit tendron qu'on leur tenait tout prêt (1583)[21]. — Il n'en fallait pas davantage pour émouvoir le peuple qui ne l'avait jamais aimé et dont on devait exploiter habilement la mauvaise passion. Les expédients continuels qu'il était, forcé d'employer pour se procurer de l'argent, se concilier l'un ou l'autre ; son manque de parole — car trop souvent il se prononçait d'une façon et agissait de l'autre — ses vices, ses indécisions, son entourage, tout indisposait, achevait de le rendre impopulaire. — A mesure qu'on étudie ce curieux monarque, on croit comprendre au reste que parfois il cherchait à s'évader, à quitter son rôle royal, à se délivrer des charges et des ennuis du pouvoir. Excédé des complots, des partis, des compétitions, il voulait oublier en se réfugiant dans les plaisirs comme son frère Charles IX voulait gagner le repos de ses nuits par les exercices les plus violents. Mais Henri III était d'une perversion trop savante et ses goûts touchaient à la puérilité ; ses délassements pervers et puérils comme lui-même étaient abhorrés du peuple, qui n'y voyait que corruption et déchéance de la majesté royale[22]. Avec cette sorte d'ennui, d'indolence et d'indifférence qui le paralysait, on s'explique les petits chiens, les mignons, les voyages de promenade, ici ou là, sitôt les affaires expédiées. On s'explique aussi qu'au milieu de tant de factions et d'intrigues il ait perdu soit royaume. — Il avait été pourtant un des massacreurs de la Saint-Barthélemy, s'était battu contre les protestants et depuis son avènement n'avait presque point cessé de leur faire la guerre. On l'accusait de les favoriser en secret, et dans leur crainte qu'un prince huguenot n'arrivât au trône[23] les catholiques, dès la mort du duc d'Anjou, redoublèrent de défiance à son égard. — Un mois après le décès du duc, le prince d'Orange, chef réel de la république formée par les Provinces-Unies, tombait assassiné (20 juillet 1584). Les États envoyèrent bientôt des députés, sollicitant le secours du roi, offrant de se mettre sous son protectorat. Élisabeth le poussait à intervenir, décidée à payer une partie des frais de la guerre, et lui adressa une ambassade avec le comte de Warwik sous prétexte de lui remettre l'ordre de la Jarretière — en réalité pour le tirer de son inaction. C'était, selon les vues un peu courtes des Valois, la politique qu'il devait suivre ; la conquête de la Flandre, c'était l'affaiblissement de l'Espagne dont le voisinage dans la lutte pour l'hégémonie en Europe nous avait tant conté, et le rôle immédiat de la France s'indiquait nettement. Mais on détestait Henri III et tout ce qu'il pouvait entreprendre était condamné d'avance ; ses meilleures intentions étaient travesties ; la question religieuse, au reste, compliquait tout. Il se sentit impuissant et paya de vagues paroles les députés des États, les renvoya éconduits, dit L'Estoile, disant avoir assez de ses propres affaires à démêler pour s'empêcher de celles d'autrui. Il accepta l'ordre de la Jarretière que lui envoyait Élisabeth, fêta et festoya son ambassadeur, mais ne promit rien et ne fit rien[24]. — La Ligue toutefois s'agita connue si réellement il eût conclu un traité d'alliance avec les protestants. Le duc de Guise signa pour elle et pour lui, dans sa maison de Joinville, avec des envoyés de Philippe II, un traité secret pour la défense de la vraie religion tant en France qu'aux Pays-Bas, et l'Espagne s'engagea à lui fournir 50.000 écus par mois pour soutenir la guerre. Le duc, trop habile pour dévoiler encore tous ses projets, fit insérer comme clause principale de cet acte que le vieux cardinal de Bourbon, oncle du roi de Navarre et catholique fidèle, serait reconnu comme héritier de la couronne (31 décembre 1584). — Henri III n'avait que trente-trois ans et le cardinal était sexagénaire. Informé de ses prétentions, on sait d'ailleurs qu'il s'en moqua ouvertement[25]. Mais à la suite d'une assemblée calviniste tenue à Montauban (septembre 1584) le roi de Navarre, peut-être sous la pression des siens, avait cru devoir envoyer à Paris, en réponse à l'ambassade du duc d'Épernon, le comte du Val et Duplessis-Mornay, chargés de faire entendre au roi de France que tout en réservant ses droits il n'était délibéré de changer de religion pour toutes les monarchies du monde. C'était faire le jeu des Ligueurs. De suite on courut aux armes ; les partisans des Guises et du nouveau prétendant à la succession royale s'emparèrent des villes, assemblèrent partout des troupes, et le 1er avril le cardinal de Bourbon publia un manifeste portant que ce royaume très chrétien ne souffrira jamais régner on hérétique, attendu que les sujets ne sont tenus de reconnaitre à soutenir la domination d'un prince dérogé de la foi catholique et relaps, étant le premier serment que fassent nos rois, lorsqu'on leur met la couronne sur la tête, maintenir la religion catholique, apostolique et romaine, sous lequel serinent ils reçoivent celui de fidélité de leurs sujets, et non autrement[26]. Marguerite profita de l'occasion qui s'offrait. Outragée par son frère, rebutée et publiquement trompée par son mari, elle se déclara pour la Ligue, c'est-à-dire contre Henri III qu'elle haïssait et contre Henri de Béarn qu'elle ne pouvait plus voir. Elle pensait avoir tout à craindre de la nouvelle favorite, la comtesse de Guiches, qui avait succédé à Fosseuse sans doute après bien d'autres. Elle accusait Ségur d'avoir voulu l'enlever et la conduire prisonnière à Pau[27]. A propos du secrétaire Ferrand dont on a vu plus haut le roi de Navarre se plaindre un peu à la légère au roi de France et à Catherine, le bruit courait que l'accusation n'avait été portée que pour lui arracher des révélations sur la conduite de la reine avec Chamvallon. La comtesse de Guiches, dit M. de la Ferrière, excitait peut-être le Béarnais à répudier Marguerite expliquant dans la même affaire que Ferrand. L'accusation fut portée au Conseil, et c'est sans doute à cet épisode douloureux que se rapporte une phrase de d'Aubigné dans ses Mémoires, disant qu'il eut à défendre la reine quand on voulait la faire mourir[28]. Cette guerre à outrance entre la femme légitime et la maîtresse était arrivée à tel point que Marguerite avant demandé au roi d'aller faire ses l'agiles à Agen, il ne fit aucune objection, heureux d'une trêve momentanée : C'est bien fait, ma mie, répondit-il en souriant, allez et priez Dieu pour moi ! La prise d'armes de la Ligue avait été fixée à la fin de mars ; ce fut le moment que choisit la reine, résolue de se mettre du mouvement et peut-être d'en profiter pour son élévation personnelle si les circonstances étaient favorables. Dans le désarroi et l'incertitude des partis, il se rencontrait des enthousiastes, en effet, comme Brantôme, pour poser sa candidature éventuelle au trône, et qui l'auraient acceptée en dépit de la loi Salique pour souveraine à l'exemple d'Élisabeth d'Angleterre, plutôt qu'un roi protestant. — La manière dont elle s'empara d'Agen qu'elle avait choisi pour place de retraite apparaît d'ailleurs une merveille d'astuce et de diplomatie patiente[29]. La ville était de son apanage et, lors des démêlés de l'affaire de Palaiseau, elle y avait séjourné assez longuement et pour se rendre les habitants favorables avait constitué une rente de 500 livres au collège des jésuites alors en fondation ; elle avait demandé et obtenu le départ de la compagnie du capitaine d'Oraison, qui tenait la cité pour Henri III et dont les exactions étaient devenues insoutenables. Lorsqu'elle partit pour retourner à Nérac, elle donna encore 1.200 livres pour aider à bâtir la chapelle du collège, et pour la remercier les consuls, portant la robe rouge et le chaperon, l'avaient accompagnée, assistés des jurats, depuis son logis jusqu'aux portes de la ville. — Les relations amicales avaient continué ensuite entre la reine et ses bons sujets les bourgeois d'Agen et, lors de la visite du duc d'Épernon, le château de Nérac s'étant trouvé fort dépourvu, c'est à eux qu'elle avait eu recours, louant chez les estaguyers dix-sept douzaines de plats et empruntant vingt-quatre nappes et vingt-quatre douzaines de serviettes, non sans que les préteurs assurassent, du reste, le retour des objets confiés par les plus minutieuses précautions. — Le 19 mars 1585, elle arriva presque seule ; quelques darnes étaient dans son carrosse et cieux ou trois cavaliers l'escortaient. Elle alla descendre dans une maison du meilleur quartier de la ville, appartenant à la veuve de Pierre de Cambefort, important bourgeois d'Agen[30] et dans la soirée survinrent par groupes ses officiers, ses dames, les gentilshommes de sa maison, tout son train qui la venait rejoindre. Le lendemain et jours suivant sec furent d'autres gentilshommes, la noblesse catholique des environs ; on entrait à la foule et la reine eut presque aussitôt une petite Cour. — La ville, centre catholique, ne s'étonna pas d'ailleurs ; on trouva tout naturel qu'elle se fût éloignée de son mari huguenot ; Marguerite dépensait beaucoup, montrait de la piété, faisait d'abondantes aumônes et ce nouveau séjour allait être une source de prospérité. — Agen sans être une place de premier ordre était difficile à investir ; isolée au sud par la Garonne, a l'ouest par des ravins, elle était suffisamment défendue par ses remparts du moyen âge où l'on comptait vingt et une tours, des ouvrages en terre et des gabionnades aux points les plus exposés. Depuis le retrait de la compagnie d'Oraison, les habitants faisaient eux-mêmes garde bourgeoise, et la seule crainte qu'on éprouvât dans la ville était d'être surpris un jour ou l'autre par le Béarnais. Matignon qui surveillait les gestes du roi de Navarre encourageait ce sentiment de défiance et n'épargnait ni visites, ni messages pour maintenir la ville sous l'autorité du roi. Aussi quand le prince huguenot était signalé au dehors, chevauchant pour quelque expédition, on doublait la garde des portes, on redressait les ponts-levis et ce n'était qu'après avoir assuré la défense que les consuls, bien ft contre-cœur, se décidaient à sortir et allaient lui faire la révérence. — Matignon, dès qu'il sut Marguerite dans la place, redoubla ses exhortations aux Agenais, redoutant de voir Henri de Béarn en prendre prétexte pour entrer et s'y établir, peut-être aussi un coup de main de la Ligue[31]. Mais de la reine, personne n'eut de suspicion. Jusqu'à Pagnes (21 avril) elle continua ses exercices de piété, animant la ville de sa présence, de ses officiers, de sa Cour, et lorsqu'elle représenta aux consuls qu'elle désirait assurer sa garde et sécurité contre le roi de Navarre, ils la laissèrent organiser deux compagnies d'hommes d'armes, ne dépendant que d'elle, et qu'elle plaça sous les ordres des sieurs d'Aubiac et de Ligardes. Catherine, loin de s'attendre au départ de sa fille à ce moment, la croyait au mieux avec son mari et s'en félicitait. Un message de Pomponne de Bellièvre lui ouvrit les veux : Madame, écrivit-il de Paris à la vieille reine alors occupée à négocier avec les Guises, arriva hier ici un enseigne de la compagnie du maréchal de Matignon ; il m'a dit que la reine votre fille s'est retirée à Agen, non que M. le maréchal estime que la dite darne veuille faire à Agen chose qui doive déplaire à Vos Majestés, mais elle s'y réfugie pour estimer qu'elle n'est plus en sûreté à Nérac, sachant la mauvaise volonté de la comtesse de la Guiche et le pouvoir qu'elle a sur le roi... M. de Bajourdan est entré au dit Agen avec sa compagnie de gens d'armes et le maréchal de Matignon a envoyé une compagnie de gens de pied pour la sûreté de la dite dame qui se trouve fort dépourvue de moyens[32]. — Bellièvre fut même si persuadé qu'il n'y avait rien davantage qu'il écrivît encore : Je n'ai pas manqué de représenter à M. de Clervaut le tort que le roi de Navarre se fait de préférer l'amitié de la comtesse à celle de sa femme, qui a été contrainte de se retirer à Agen pour se préserver de la comtesse qui entreprend sur sa vie[33]. Mais lorsqu'il fut mieux averti, il invita Catherine à prier son gendre le duc de Lorraine de détourner les Guises d'assister la reine de Navarre dans une guerre entreprise contre le gré du roi. Il était trop tard alors, et Marguerite avait déjà fait partir son secrétaire Choisnin avec une lettre et des instructions pour le duc de Guise. Choisnin remit la lettre et garda les instructions qu'il utilisa plus tard[34]. Catherine, dont les informations étaient si peu certaines, se lamentait de cette nouvelle aventure ; le 22 mai, elle écrit à Villeroi : Avec ces troubles, je reçois tant d'ennui des lettres qui font mention de ma fille que je m'en suis cuidée mourir depuis que je suis en deçà, ne se passant pas un seul jour que je n'en aie quelque nouvelle alarme, qui m'afflige si fort que je ne me sentis jamais en telle peine. Ce que l'on tient pour certain et qu'elle ne peut nier, elle a écrit à mon fils le duc de Lorraine ; j'ai vu les lettres, pour le prier de la recevoir en son pays. Ce sont des afflictions si grandes que je me sens comme hors de moi. Dans une lettre précédente (27 avril), elle lui disait : Faites ce que vous pourrez afin que ma fille puisse être secourue de quelque argent, car à ce que j'entends elle est en si grande nécessité, n'avant pas moyen d'avoir de la viande pour elle[35]. — Mais Henri III montra plus de défiance, car il écrivit à Matignon : Je désire que vous vous acheminiez à Agen le plus tôt possible, car j'ai été averti que ma sœur a délibéré de sen assurer, et que déjà elle se vante qu'elle l'a du tout à sa dévotion ; à quoi je vous prie remédier et n'en sortir point qu'avenant que ma dite sœur y veuille séjourner longuement, et qu'elle et ma dite ville dépendent de ma disposition ; étant chose que j'ai très à cœur pour l'assiette et l'importance de la place, à laquelle donc je -vous prie pourvoir si bien que j'en reçoive contentement, et néanmoins vous y conduire avec votre accoutumée prudence afin de n'effaroucher personne[36]. — Les consuls enfin furent avertis par Biron qui avait laissé dans la ville deux couleuvrines, et leur écrivit de son château qu'aucuns faisaient état de mettre ses canons aux champs et les priant de l'assurer qu'ils ne sortiraient pas de l'enceinte. Tous ces avis furent donnés en pure perte. Le prétexte pour agir, ont écrit les historiens, fut la bulle d'excommunication lancée par le pape coutre Henri de Béarn et le prince de Condé. Mais ni la Ligue ni Marguerite n'attendirent la bulle qui d'ailleurs ne fut donnée que le 9 septembre. Le pape Grégoire XIII, dit L'Estoile, n'avait jamais adhéré à la levée des armes de la Ligue, et peu de jours avant sa mort (10 avril) avait dit au cardinal d'Est que la Ligue n'aurait ni bulle, ni bref, ni lettre de lui jusques à ce qu'il vit clair dans leurs brouilleries. Son successeur, Sixte-Quint, d'humeur plus batailleuse, en jugea autrement ; mais en somme il ne fit que sanctionner le fait accompli. Lorsque la reine Marguerite eut réuni ses deux compagnies d'hommes d'armes, accueilli piétons et cavaliers qui sur un mot d'ordre sans doute donné d'avance arrivaient journellement, entraient la nuit même et à cachette, elle se sentit assez forte pour imposer sa volonté, et le 15 mai convoqua à l'évêché les trois ordres, M. l'évêque, M. Blasimont, prieur de saint-Caprasy, le présidial et les consuls, les sergents de quartier et jusques au moindre caporal[37]. Mais ce n'était plus la pénitente quasi fugitive qui demandait asile et confort aux magistrats et à la ville d'Agen. Elle siégea, entourée des gentilshommes et officiers de sa maison. C'était la reine de Navarre, fille de France et comtesse d'Agenais qui assemblait son peuple pour lui donner ses ordres. Elle représenta que le maréchal de Matignon avait conspiré contre elle, qu'elle avait tout à craindre du roi son mari et que la guerre était proche, et conclut en demandant qu'on lui remit les clefs de la ville et la citadelle de la porte dut Pin dont elle voulait changer la garnison. Il v eut quelques protestations des consuls qui firent observer que la ville était assez forte pour se garder elle-mente et qu'elle y était en sûreté. Mais la reine répliqua qu'elle était dame et maîtresse du pays ; que l'Agenais était son bien et qu'elle entendait le régir et gouverner dorénavant comme elle le croirait nécessaire. — Les compagnies de Ligardes et d'Aubiac occupaient la place devant l'évêché. Agen s'emplissait de troupes. Le conseil se sentit comme prisonnier et céda. Il livra les clefs, et Marguerite se fit prêter serment aussitôt par les notables. — Quant à la ville même, elle ne bougea pas, intimidée ou indifférente, et ce changement brusque d'autorité ne causa aucun trouble. La porte du Pin, dont il est plusieurs fois question dans ce récit, était située à l'opposé de la Garonne, à l'extrême pointe nord de la ville. C'était cette porte, Banquée de deux grosses tours et surmontée d'un corps de garde, qui avait été convertie en citadelle par le roi de Navarre lorsqu'il avait occupé Agen en 1577 ; des ouvrages défensifs y avaient été élevés aussi bien vers le dedans que vers le dehors ; détruits par les bourgeois, ils avaient été rétablis par le maréchal de Matignon dans l'intérêt de la défense, et c'était la clef de la place de ce côté. Quatre autres portes s'ouvraient encore dans le rempart : la porte Saint-Georges, du côté de Bordeaux ; la porte Neuve, sur la route de Toulouse ; les portes du Long-Pont et de Saint-Antoine par où l'on descendait sur la grève de la Garonne qu'on appelait le Gravier, et d'où l'on gagnait le bourg du Passage situé sur l'autre rive. Le point culminant et le plus fort de la ville était au courent des Jacobins, tout près de la porte du Long-Pont, et entre cette dernière et la porte Neuve s'étendait le plus beau quartier d'Agen, celui des gens de robe et des riches marchands, où se trouvait la maison Cambefort dont la reine avait fait sa résidence. — Maîtresse de la ville, elle remplaça la garde bourgeoise par ses propres troupes. Les partisans lui arrivaient de tous côtés et, en quelques jours, 1.200 hommes occupèrent la cité. C'était plus qu'elle n'en pouvait tenir, et l'on dut loger dans la banlieue neuf compagnies nouvelles. Lignerac, bailli des montagnes d'Auvergne, lui avait amené un corps de cavalerie levé dans le Quercy. Elle lui donna le commandement des forces militaires, avec le vicomte de Duras puer lieutenant, installa un véritable gouvernement dans la ville, et ce que sa mère déplora davantage encore dès qu'elle en eut avis, y fit entrer Mme de Duras et Mlle de Béthune, soit le même entourage qui avait amené, deux années auparavant, l'esclandre de Palaiseau[38]. Mais Marguerite voulait vivre désormais pour elle, non toujours à la volonté des siens. Sur la fin de ce mois, mentionne laconiquement L'Estoile (mai 1585), la reine de Navarre se déclare de la Sainte Ligue et se jette dans Agen, où elle fait venir le seigneur de Duras avec forces pour garder la dite ville, et lui assister contre l'effort du roi, de son mari et de tous ceux du parti contraire. — Ce qu'elle voulait surtout et que ne dit point le chroniqueur, c'était se rendre maîtresse de ses domaines. Ligneras, dont elle avait accepté les services et qui a été compté parmi ses amants heureux[39], se saisit de l'Agenais en son nom et y proclama son autorité. Audacieux et entreprenant, dit M. de La Verrière, il s'était jeté tête baissée dans cette liaison où l'ambition devait, jouer le principal rôle. Elle-même, se sentant si forte, crut pouvoir le prendre de haut avec son mari ; elle ne l'appela plus que le prince de Béarn et signa ses actes : Marguerite de France[40]. Mais lorsqu'il fallut en venir aux coups, ses armes furent malheureuses. En juillet elle échoua dans deux tentatives sur Tonneins et Villeneuve-d'Agen. Mézeray dit qu'elle s'empara de la première place, mais que la garnison qu'elle y avait laissée fut aussitôt investie et taillée en pièces par le roi de Navarre[41]. L'attaque de Villeneuve fut un pire désavantage pour la reine. La ville était divisée en deux parties par le Lot sur lequel passait un pont fortifié de trois tours servant de portes deux aux extrémités et la troisième, formidable, véritable forteresse reposant sur les piles épaisses de l'arche centrale. Les compagnies de la reine s'emparèrent de la rive gauche et de la première tour située de ce côté ; mais le consul, un vieillard nommé Nicolas Cieutat, seigneur de Pujols et premier citoyen héréditaire de Villeneuve, avait armé les habitants de la rive droite, plus résolus à se défendre. Marguerite, d'après Mézeray, demanda une entrevue à cet bomme qui n'osa refuser par peur de manquer de respect à l'épouse de son roi ; il assembla les siens, leur fit jurer de ne pas se rendre et remit à son fils Arnaud la garde du pont. D'autres le font sortir pour présenter des remontrances à la reine, ou prisonnier dans une rencontre[42]. — Marguerite le reçut avec déférence ; mais ses officiers le traitèrent en rebelle, simulant la rigueur pour obtenir la reddition de la ville et le condamnèrent à mort s'il n'obligeait son fils à livrer les portes. On le conduisit vers le pont ; on lui mit le poignard sous la gorge ; puis, comme il restait silencieux, on s'adressa au fils lui-même, l'exhortant à délivrer le vieux consul. Arnaud Cieutat, feignant de mal entendre, fit signe d'approcher à ceux qui parlaient et, sortant brusquement avec quelques compagnons déterminés, mit en fuite les gardes donnés à son père et le délivra. Tous deux rentrèrent en triomphe dans Villeneuve, dit Mongez, au grand dépit des assiégeants, et Cieutat, non content d'avoir échappé au danger qui le menaçait, voulut encore faire lever le siège. Au point du jour il fit sortir des trompettes par une porte opposée et les envoya sur la route du Périgord. Leurs fanfares qui montaient dans le vent matinal l'aidèrent à répandre le bruit de l'arrivée du roi de Navarre. La reine, effrayée, décampa pour regagner Agen et le jeune Cieutat, chargeant son arrière-garde par les rues des quartiers évacués, lui infligea des pertes sérieuses[43]. — Mais cette histoire aurait besoin d'être appuyée sur des témoignages moins suspects que celui de Mézeray qui en demeure la source principale, et nous concevons plutôt que Marguerite guerroya fort peu par elle-même. Sur ce terrain elle n'était pas de force. Le vicomte de Duras, pour provoquer un soulèvement en Béarn, fit partir ou emmena trois compagnies qui furent entièrement détruites par le roi de Navarre ; cinq autres compagnies occupèrent Valence-d'Agen, sans arriver à réduire un fort où s'étaient réfugiés les habitants[44]. Une autre tentative sur Saint-Mazard, petite bourgade de l'Armagnac[45] (19 août), échoua également. Marguerite, exposée à une attaque des huguenots ou de l'armée de Matignon, — qui sur l'ordre de Henri III essaya même de surprendre la ville, — se renferma dans Agen et en fit clore toutes les issues, sauf la porte Saint-Antoine, la moins exposée à une surprise ; encore ne l'ouvrait-on que le soir et en présence d'un officier de la reine. On cantonna les troupes dans la cité et dans la juridiction, où leur présence se lit de plus en plus lourde, et la situation de Marguerite devint bientôt assez précaire. Elle avait fait des approvisionnements d'armes, de chevaux, de munitions ; la garnison était nombreuse et, bien commandée, pouvait longtemps se défendre. Mais l'argent manquait ; l'Espagne, à qui le duc de Guise avait demandé un subside de 50.000 écus pour la reine, n'envoyait rien ; ce fut inutilement qu'il écrivit à Mendoça que sans son aide propre elle serait expulsée d'un pays qui était le principal foyer de la Réforme ; inutilement qu'il supplia Philippe II d'intervenir, afin, disait-il, que celle que nous avons établie comme un obstacle à son mari ne soit abandonnée de ses gens[46]. — Or, il fallait payer les troupes, subvenir aux frais énormes et à l'entretien d'une Cour que les comptes de cette année 1585 portent à deux cent trente-cinq personnes, sans parler des pages[47]. Les ressources de la reine étant insuffisantes, elle avait saisi les deniers des tailles et du taillon ; elle imagina ensuite de faire vivre ses soldats aux dépens des huguenots dont les maisons furent pillées, mises à sac ; mais ils étaient en petit nombre à Agen et cela fut bientôt dépêché. On chargea les habitants, on créa des impôts, et sous forme d'emprunt ou de subvention les plus aisés durent verser jusqu'à dix écus par jour ; plusieurs s'enfuirent abandonnant maison et famille ; mais on mettait les soldats chez eux, saccageant, vendant les meubles, faisant toute insolence dont ils se pouvaient aviser ; ceux qui retardaient de payer étaient traités de même ; d'aucuns furent emprisonnés, maltraités et leur bien vendu. — Sans doute, on accusait de ces exactions, plutôt qu'elle-même, le conseil intime de Marguerite dont Mme de Duras était l'aine ; mais, comme il arrive toujours, elle devait porter le poids des fautes qu'elle laissait commettre. Il n'y avait, du reste, aucune discipline parmi ses troupes ; les désordres étaient de tous les jours ; dès le début de l'occupation, trois soldats violèrent une femme en présence de son mari qu'ils avaient garrotté ; pour faire un exemple, on les décapita (14 juin) et leurs tètes furent suspendues aux potences de la porte du Pin. On ne put empêcher néanmoins le pillage des convois, au dehors, et que les paysans ne fussent dépouillés de leurs récoltes ; des bateaux qui remontaient la Garonne avec un chargement de blé furent arrêtés et retenus, et les consuls qui cependant devaient assister avec leur grand costume, mi-partie rouge et noir, aux fêtes officielles qu'ordonnait la reine, déclinèrent toute responsabilité, avouant humblement que toute l'autorité était entre ses mains. Les protestants des villes voisines, Puymirol, Layrac, vinrent alors courir aux environs et achever le ravage des champs sous couleur de venger leurs coreligionnaires, si bien que les consuls et jurats, avec l'évêque et le prieur de Saint-Caprais, se rendirent près de la reine et lui demandèrent d'adoucir le sort des huguenots d'Agen, afin d'ôter tout prétexte à ces dégâts, préserver au moins les dernières ressources. — Les vivres quand même manquèrent, et la disette fut telle qu'en hâte on faucha, quinze jours avant leur maturité, les blés échappés au pillage. Puis ce fut la peste, qui cette aimée-là désola tout le Midi, et en six mois, à Agen seulement, enleva de quinze à dix-huit cents personnes. Marguerite d'abord ma le mal, en disant qu'il n'y avait là qu'eue fourberie inventée pour la faire partir. Mais beaucoup, et des principaux de la ville, voulaient s'éloigner, quitter ce foyer d'infection ; le conseil intime ne le permit pas, car c'étaient des bourgeois notables et de trop bon rapport, et les portes furent si étroitement gardées que rien ne passa plus, ni hommes ni choses, non pas seulement les petits meubles pour envoyer la famille aux champs. Malgré les mesures prises, le dévouement des consuls, les prières et messes solennelles, les ravages dès lors furent terribles. Grâce aux négociations de Catherine, pourtant, la Ligue
après voir pris quelques villes[48], semé manifestes
et libelles, crié et fait d'amples démonstrations, s'était provisoirement
accordée avec Henri III. On signa le traité de paix de Nemours par lequel le
roi s'engageait à interdire aux calvinistes l'exercice de leur culte et à les
forcer d'abjurer sous six mois ou sortir du royaume ; à bannir immédiatement
tous leurs ministres, et le roi se rendant au Parlement pour faire enregistrer
la révocation des anciens édits obtint un regain de popularité. A sa sortie,
on cria : Vive le Roi !, dont on fut fort
étonné, dit L'Estoile, car il y avait longtemps qu'on ne lui avait fait tant
de faveur. Mais c'était surtout la Ligue qui triomphait. Le pis, ajoute le chroniqueur, c'est que le roi était à pied et la Ligue à cheval, et que
le sac de pénitent qu'il portait n'était à l'épreuve comme la cuirasse qu'ils
avaient sur le dos. — Le 22 juillet, il dut envoyer messire Philippe de Lenoncourt, abbé de Barbeau et de
Reliais, avec le président Ballard, Jean Prevost, curé de Saint-Séverin, et
Jacques Cueilly, curé de Saint-Germain en ambassade au roi de Navarre, pour
tacher de le réduire à la religion romaine, afin d'éviter la fureur de la
guerre qui allait fondre sur lui et ceux de son parti et religion[49]. Mais, continue
L'Estoile, à la e queue de ceux qu'on envoyait ainsi, il y avait une armée e.
Bien mieux, la vieille Catherine se mettait du parti des Guises depuis
qu'elle avait la persuasion que le roi n'aurait pas d'enfants, décidée a
faire passer la couronne a son petit-fils, Charles de Lorraine, plutôt qu'au
roi de Navarre, pour lequel elle n'avait jamais eu de tendresse et qu'elle
détestait de plus en plus[50]. La situation de Marguerite de Valois, tenant dans Agen pour le parti catholique, semblait ainsi plutôt favorable. Le 23 juillet, on avait crié à son de trompettes dans toute la juridiction la paix faite entre le roi et les princes. Le 17 août, On proclama l'édit qui fut juré solennellement au présidial — ancien château de Monrevel, situé à l'intérieur de la ville — et sur la grande place. On se rendit aux vêpres de la cathédrale où fut chanté le Te Deum en présence de la reine et de toute sa Cour, et l'on alluma des feux de joie. Un des articles du traité de Nemours déchargeait les princes attachés à la Ligue de toute recherche pour faits de guerre accomplis dans les derniers mouvements, et. malgré les instructions du roi, bien aise de servir a la fois sa rancune contre sa sœur et contre les fauteurs de l'Union, lequel, dit L'Estoile, était indigné en son cœur, quoi qu'il le dissimulât, que les Guisards surprenaient journellement les principales et plus importantes villes de son royaume, y mettant gouverneurs à leur dévotion et en disposant pleinement cousine s'ils eussent été rois et propriétaires d'icelles, la reine pouvait croire que l'armée de Matignon ne l'attaquerait pas. Par contre, c'était la rupture définitive avec le parti huguenot, et dans la guerre qui allait commencer elle se trouvait exposée aux premiers coups. — Sur l'avis de ses capitaines, elle résolut de se fortifier à la fois contre le roi de Navarre et contre ses sujets, dont, le mécontentement ne faisait plus de doute, en élevant une citadelle qui devait rendre formidable le front de la ville vers Nérac et la Garonne, d'autre part dominerait Agen et le tiendrait sous le feu de l'artillerie. Cette citadelle, couverte de fossés profonds, allait enclore le quart, et même selon d'autres le tiers de la ville[51], dont elle comprenait les parties les plus élevées, avec le couvent des Jacobins comme point culminant. C'était l'endroit même qu'avait choisi le Béarnais pour y élever une forteresse lorsque le maréchal de Biron, sur la plainte des habitants, l'était venu déloger. Dans le projet qui avait été soumis à la reine Marguerite, l'esplanade devait s'étendre jusqu'à son logis et elle comptait faire percer une voie droite pour se rendre de chez elle aux Jacobins. Trois grandes plates-formes ou éperons devaient défendre les approches de l'enceinte. Un ingénieur nommé de Rives dirigea les travaux, et l'on commença par les terrassements des éperons et la mise en état des fossés. — Ce furent de terribles corvées pour le peuple d'Agen, de la banlieue, qui devait travailler aux douves. Marguerite ne payait point ceux qu'elle employait ainsi et tout au plus faisait-elle distribuer du pain et du vin aux paysans qu'on avait réquisitionnés. Après les terrassements exécutés sur le Gravier, on entreprit, à l'intérieur de l'enceinte, l'esplanade des Jacobins et les fossés qui allaient isoler la citadelle du côté de la ville. C'était tout un quartier qu'il fallait abattre ; une rue des mieux bâties, qui allait du couvent A la Porte-Neuve, fut jetée bas ; les rues du Mortier, de l'Ave-Maria furent entamées ; la rue de Garonne coupée par le retranchement. La reine avait bien acheté quelques maisons, mais elle était incapable de les paver ; pour la plupart, on s'était passé de formalité, et les propriétaires étaient contraints d'abattre eux-mêmes leurs bâtisses dont les matériaux ne leur restaient même pas, car chacun en venait prendre. Cinquante maisons furent ainsi détruites en quelques jours et une cinquantaine d'autres ne valaient guère mieux quand l'émeute éclata. — Ruinés, pillés, soumis à toutes les vexations et à tous les caprices, les bourgeois d'Agen, après avoir regretté leur liberté ancienne, se décidèrent à la reconquérir. La désertion se mettait parmi les troupes de Marguerite, mal ou point payées ; mais il en restait assez cependant pour tenir la ville. Vaincus, les bourgeois risquaient d'être traités en rebelles et soumis à une plus dure tyrannie ; vainqueurs, ils devaient redouter la politique incertaine du roi qui trouverait peut-être mauvais qu'ils eussent pris les armes contre une Fille de France et pourrait les sacrifier aux vengeances de la Ligue, protectrice hutte-puissante de la princesse. — Ils s'abouchèrent avec Matignon qui n'avait d'ailleurs jamais cessé d'être en relations avec les consuls et de les pousser à la révolte[52]. Mais le maréchal se souvenait de la mésaventure de son prédécesseur, Biron, abandonné au ressentiment altier de Marguerite pour l'avoir canonnée dans Nérac et, craignant un retour de fortune, n'eût garde d'agir ouvertement. Les envoyés d'Agen rapportèrent seulement une pièce qui couvrait formellement de l'autorité royale les faits qui allaient s'accomplir : Suivant commandement à nous fait par Sa Majesté, vous donnons pouvoir et puissance de remettre la ville en sa première liberté et obéissance dudit seigneur ; prendre et saisir les forts d'icelle, chasser et expeller par force et avec armes si besoin est les capitaines, soldats et autres gens de guerre qui y sont, et nous y donner entrée pour la tenir en l'obéissance de Sa Majesté. Et par précaution, avec une certaine ironie en la circonstance, le document ajoute : Le tout portant tout honneur, respect et avec le très humble service qui est dû à la reine de Navarre, ses dames et filles[53]. — Sur le mécontentement du peuple, dit à son tour Brantôme, M. le maréchal de Matignon prit occasion de faire entreprise sur la ville, ainsi que le roi, en ayant su les moyens, lui commanda avec grande joie, pour aggraver sa sœur, qu'il n'aimait, de plus en plus de déplaisirs. Par quoi l'entreprise qui, pour la première fois avait été faillie, fut menée si dextrement par mon dit sieur maréchal et les habitants que la ville fut prise. — Le 25 septembre quelques habitants, jusqu'au nombre de trente, se saisirent de la porte du Pin[54]. C'était de bon malin et la surprise fut complète ; les capitaines de la reine s'y portèrent aussitôt avec les troupes ramassées en hôte et attaquèrent la porte avec une telle furie que des trente hommes qui l'occupaient dix-huit s'enfuirent ; mais les autres s'étant barricadés continuèrent à combattre en attendant du secours. La ville fut aussitôt en tumulte, officiers, gentilshommes, bourgeois et peuple courant aux armes ; la citadelle inachevée et le couvent des Jacobins qui en était comme le réduit furent investis, assiégés par une foule hurlante qui se ruait à l'assaut, décidée à chasser les oppresseurs et à massacrer tout ce qui s'opposait à soit passage. Les pères étaient toujours dans le couvent ; mais on l'avait aménagé en place de guerre ; des approvisionnements y étaient entassés ; des armes et des poudres emplissaient les anciens dortoirs des novices ; des canons étaient en batterie sur les voûtes de l'église. Les assaillants avaient déjà emporté le corps-de-garde lorsqu'une formidable explosion se produisit, sans doute par suite d'un accident de la lutte ; le couvent presque entier sauta ou fut incendié, ensevelissant les combattants sous les ruines[55]. A la porte du Pin, la bataille continuait cependant ; les compagnies de la reine avaient réussi à y mettre le feu ; des défenseurs, l'un avait été tué et deux autres blessés, et l'on s'arquebusait depuis quatre heures quand Étienne de Nort, sieur de Franc, un des affidés de Matignon, survint avec des troupes fraîches ; les compagnies lâchèrent pied et ce ne fut plus, dans les rues d'Agen, qu'une poursuite et une tuerie. — Quant à la reine, elle avait tout ignoré du complot et ne savait qu'ordonner ; dans le désordre et l'affolement qui s'emparèrent de sa Cour, il fallut que Lignerac prit la résolution de la faire sortir par la porte la plus proche[56] demeurée libre, en évitant de droite et de gauche les points occupés par les bourgeois. Prise entre une ville en révolte et l'armée de Matignon qui s'avançait, exposée à être livrée au roi ou à son mari — car elle put craindre encore que le roi de Navarre se trouvât de l'entreprise — la pauvre reine, tout ce qu'elle put faire, dit Brantôme, fut de monter en trousse derrière un gentilhomme et Mme de Duras derrière un autre et se sauver de vitesse. — Le Divorce satyrique devait insister avec joie sur cet incident de la déroute d'Agen : Les habitants, présageant une vie insolente d'insolents succès, lui donnèrent occasion de partir avec tant de hâte qu'à peine se put-il trouver un cheval de croupe pour l'emporter, ni des chevaux de louage, ni de poste pour la moitié de ses filles, dont plusieurs la suivaient à la file, qui sans masque, qui sans devantier, et telles sans tous les deux, avec un désarroi si pitoyable, qu'elles ressemblaient mieux à des garces de lansquenets à la route d'un camp qu'a des filles de bonne maison. — Ainsi, ce fut un sauve-qui-peut général ; filles et dames d'honneur, gentilshommes, capitaines, hommes d'armes, tous s'enfuirent, et le royaliste L'Estoile, qui relate le fait avec quelque variante, est ici d'une âpreté et d'une concision singulières : En ce temps-là (2 octobre 1585), les bourgeois de la ville d'Agen ne pouvant plus supporter les tyrannies et indignités de la Ligue, sous le commandement et conduite de la reine de Navarre, s'élèvent contre elle, battent, chassent et tuent les gens de guerre qui lui assistaient, la contraignent sortir de leur ville, et sans le maréchal de Matignon l'eussent jetée par-dessus les murailles, nonobstant son rang et qualité, étant furieusement mutinés contre elle pour le mauvais traitement qu'ils eu avaient reçu. Ainsi finit à Agen la domination de Marguerite de Valois. |
[1] C'était l'Hôtel de la reine, élevé sur l'emplacement de cette communauté qui y avait été installée par Louis XII (1499).
[2] Le 21 février, Monsieur s'en retourna à Château-Thierry. On disait qu'il cette entrevue le roi l'avait gratifié d'un présent de 100.000 écus, qui lui feraient plus de bien que les collations de Paris et de Mme de Sauve, qui l'avaient trop échauffé. L'ESTOILE, édit. Michaud, t. I, p. 170.
[3] Elle en revint le 1er juin et fit apporter par eau les plus précieux meubles de son fils abandonné des médecins et de tout humain secours. Il disait que depuis qu'il avait été à Paris voir le roi son frère, il n'avait point porté de santé, et que cette vue et la bonne chère qu'on lui avait faite lui contaient bien cher. L'ESTOILE, édit. Michaud, t. I, p. 172.
[4] On publia même qu'il avait été empoisonné. BUSBECQ, lettre 38.
[5] Bibl. nat., fonds fr., n° 3308 ; Négociations avec la Toscane, t. IV, p. 498-508.
[6] Dès les premières nouvelles de la maladie du duc d'Anjou, Marguerite avait manifesté son inquiétude. Mon cousin, écrit-elle à Matignon (29 mars), la peine en quoi je suis de la maladie de mon frère ne m'a pas permis de demeurer plus longtemps sans envoyer vers lui, et vous supplie me vouloir tant obliger de me mander ce que vous en apprendrez. Bibl. nat., man. fr., 3325, autographe. — A la mort du duc, toute la Cour de la reine Margot prit le deuil, et elle-même fit tendre sa chambre de noir,
[7] L'ESTOILE, édit. Michaud, t, I, p. 171. Le roi de Navarre alla à la rencontre du duc d'Épernon jusqu'à Saverdun, à quelques lieues de Pamiers, puis se rendit à Pau où il le reçut dans les premiers jours de juillet 1584. Lettres-missives, t. I, p. 672.
[8] Elle écrivait à Bellièvre : Je vous prie de dire à la reine ma fille qu'elle ne soit cause de m'augmenter mon affliction et qu'elle veuille reconnaître le roi son frère comme elle doit et ne fasse chose qui l'offense, comme je sais qu'il se ressentira l'être si elle ne reçoit M. d'Épernon. Je lui en écris bien au long, m'assurant que si elle le voit, elle se remettra aussi bien avec [le roi] qu'elle y fut jamais, ou en ne le faisant, elle me donnera beaucoup d'ennui par le mal qu'elle se fera. Lettres de Catherine de Médicis, t. VIII.
[9] Bibl. nat., fonds fr., 15981, p. 346.
[10] La comédie put donner le change sur les sentiments véritables de la reine, car Mme de Noailles, une de ses dames d'honneur, écrivit à Catherine (5 août 1584) : Madame, s'en retournant le sieur de La Roche trouver Votre Majesté, j'ai bien voulu par lui vous faire entendre des nouvelles de la reine de Navarre votre fille, qui se porte bien, la grâce à Dieu, et même [mieux] depuis qu'elle a été assurée de votre santé. Le roi son mari arriva samedi et M. d'Épernon aussi (4 août). La reine de Navarre votre fille lui a fait fort bonne chère, sachant Madame que vous l'auriez bien agréable, comme le dit La Roche vous pourra dire. Le roi de Navarre à son retour a fait fort bonne chère à la reine sa femme, et lui a tenu tant d'honnêtes propos qu'elle en a beaucoup de contentement. Et en P. S. : Madame, depuis ma lettre écrite, M. d'Épernon a parlé si longuement à la reine de Navarre votre fille qu'elle m'a dit qu'elle était fort contente de lui. Il m'a dit aussi le semblable et s'en retourne aussi content qu'il pouvait désirer. — Bibl. nat., fonds fr., 15568, p. 233. Cf. TAMISEY DE LARROQUE, Documents inédits pour servir à l'histoire de l'Agenais, 1875, et Ph. LAUZUN, Itinéraire.
[11] Si la note de L'Estoile porte bien l'exagération ordinaire des propos qu'il recueille, on peut croire que Marguerite devait surtout se désoler de ne pas avoir d'enfants, car sa situation en cuit été bien affermie. En septembre de cette année 1584 elle se rendit aux eaux d'Encausse en Comminges, qui avaient colonie celles de Bagnères la réputation de favoriser ou de disposer à la grossesse. Elle resta là dix-neuf jours. Dans une lettre à Matignon, elle se plaint de la saleté et de l'incommodité des logis. — Bibl. nat., fonds fr., 3325 (ancien 8828), p. 89, autographe ; cf. Ph. LAUZUN, Itinéraire.
[12] Busbecq qui rapporte le fait ne parle pas de la reine de Navarre ni de ce secrétaire. Un scélérat, dit-il, a voulu empoisonner le roi de Navarre ; mais soit que le poison n'eût pas assez de violence ou que la constitution du prince fût trop forte, le venin n'ayant pas fait son effet, ce malheureux a voulu le tuer d'un coup de pistolet. Le meurtrier ayant manqué son coup a été arrêté et mis en prison, les fers aux pieds et aux mains... Le roi a sur-le-champ envoyé un de ses conseillers d'Etat pour assister de sa part à la question et au procès de cet homicide. Lettre du 6 mars 1585. CIMBER et DANJOU, Archives curieuses, t. X.
[13] Lettres missives, t. II, p. 7.
[14] Histoire du maréchal de Matignon, gouverneur et lieutenant général pour le roi en Guyenne, etc. Paris, 1661, in-f°.
[15] Françoise du Lude, fille de Jean, comte du Lude et d'Anne de Batarnai. Cf. Revue des Questions historiques, 1870.
[16] Il faut noter, indique d'autre part M. L. de Saint-Poncy (Histoire de Marguerite de Valois), que Philippe II avait offert au roi de Navarre la main de sa fille avec promesse de rompre son mariage — sans doute à la condition qu'il se fit catholique.
[17] Marguerite aurait alors écrit au roi : Mon seigneur et frère, j'ai entendu par M. de Bellièvre la charge qu'il vous a plu lui donner pour me remettre avec le roi mon mari, en quoi il m'assure qu'il n'a rien oublié pour effectuer votre bonne intention et bonne volonté, dont je vous remercie très humblement, vous suppliant y continuer et me conserver en votre bonne grâce comme votre très humble et très obéissante servante, sœur et sujette. Bibl. nat., fonds fr., 15571, f° 217, autographe. Cf. Revue des Questions historiques, 1870.
[18] J. DE CAILLIÈRE, Histoire du maréchal de Matignon. Si ces incidents se rapportent à l'année 1585, on doit faire remarquer encore que la lettre de Catherine ne peut être du 28 avril ; à cette date elle savait que Marguerite et le roi de Navarre n'étaient plus ensemble. M. Ph. Lauzun a pensé que l'historien du maréchal de Matignon avait confondu les événements de 1584, avec ceux de 1585 ; la lettre citée, celle de la reine de Navarre semblent se rapporter aux négociations de l'année précédente (cf. la lettre de Henri III citée plus haut). Toutefois le récit de Jacques de Caillière permet de croire aussi qu'il y eut autre chose et qu'une seconde tentative de rapprochement entre les époux fut nécessaire. C'est que depuis un an les idées de Marguerite avaient bien changé ; en 1584, elle ne demandait qu'à retourner à Nérac ; en 1585, elle s'occupa surtout d'en sortir.
[19] Il y avait longtemps déjà qu'on le tournait en dérision, et en février 1579 L'Estoile dit que les écoliers le contrefaisaient avec ses mignons, portant à la foire Saint-Germain de longues fraises et chemises de papier blanc, et criaient en pleine foire : A la fraise on connaît le veau !
[20] On l'accusait d'avoir dit en regardant la couronne d'épines de la Sainte-Chapelle : Jésus-Christ avait la tête bien grosse ! CHATEAUBRIAND, Analyse.
[21] En cet an 1580, dit ailleurs L'Estoile, le roi, nonobstant la peste et la guerre qui travaillaient son pauvre peuple de tous les côtés, ne laissait pas d'aller voir les nonnains, et ne bougeait de leurs couvents et abbayes à leur faire l'amour !
[22] Aux seconds États de Blois, si tragiques, un de ses premiers soins fut de faire donner la comédie par les Gelosi. Les députés goûtèrent peu l'attention et se crurent insultés.
[23] Busbecq, qui se fait l'écho de tous les bruits populaires, écrit le 25 avril 1585 : Les Guises redoutent un mariage du duc d'Épernon avec Catherine de Navarre ; le duc serait alors fait connétable et il y aurait réconciliation entre les deux rois. L'année précédente, lors du voyage du duc d'Épernon, il disait de même : Le roi offre au roi de Navarre la lieutenance générale du royaume. 23 juillet 1584.
[24] Catherine penchait cependant pour la guerre, et il fut question de l'entreprendre en son nom, comme l'expédition des Tercères. BUSBECQ. — Sur la fin de décembre 1584, elle avait obtenu aussi que le roi prit Cambrai et le Cambrésis, en sa protection et sauvegarde. L'ESTOILE.
[25] Voir l'anecdote dans L'ESTOILE, édit. Michaud, t. I, p. 175. La conversation rapportée entre le roi et le cardinal aurait eu lieu à Gaillon, dans la galerie du château. — Le cardinal de Bourbon, proclamé roi par la Ligue après l'assassinat de Henri III sous le nom de Charles X, mourut peu de temps après à Fontenay-le-Comte, où les royalistes le détenaient. Henri IV, étant venu le voir pendant sa maladie, lui dit avec ce ton de bonhomie gouailleuse qui lui était familier : Prenez courage, mon oncle ; il est vrai que vous n'êtes pas encore roi, mais le serez possible après ma mort.
[26] Déclaration des causes qui ont meu Monseigneur le cardinal de Bourbon et les Princes, pairs, prélats et seigneurs, villes et communautés catholiques de ce royaume de s'opposer à ceux qui veulent subvertir la religion et l'État (1585). CIMBER et DANJOU, Archives curieuses, t. XI. — Busbecq, à propos du cardinal, écrit le 25 avril : Il a quitté l'habit ecclésiastique pour celui de cavalier, dans lequel il affecte un faste que plusieurs regardent comme une extravagance. Il est persuadé qu'il est de son intérêt, du respect qu'il doit au Saint-Siège et de l'attachement qu'il porte à sa religion, qu'il est de sa naissance et de sa dignité d'empêcher qu'après la mort du roi nul autre prince qu'un catholique ne succède à la couronne. CIMBER et DANJOU, t. X.
[27] Lettres de Henri IV, 28 juin 1585.
[28] D'Aubigné, dit M. de la Ferrière, eut le courage et la loyauté de défendre Marguerite, qui certes ne l'aimait pas. Lorsque la reine de Navarre fut revenue auprès de son mari, écrit l'auteur des Tragiques, cette princesse s'était réconciliée avec tous les serviteurs de mon maitre hormis moi ; ce qui n'empêcha pas que, dans un conseil où je fus appelé, je ne fisse changer, par mes remontrances, les avis qui allaient tous à la faire mourir ; de quoi le roi son mari me remercia très fort. D'AUBIGNÉ, Mémoires, édit. Buchon, p. 495. — Plus loin il rapporte que le roi avait fait une promesse de mariage à la comtesse de Guiches — il en devait faire à bien d'autres ! — et qu'il eut à l'en déconseiller. — Cette affaire du secrétaire Ferrand est d'ailleurs restée des plus obscures.
[29] Voir pour toute la fin de ce chapitre : La ville d'Agen pendant les guerres de religion du seizième siècle, par G. THOLIN, Revue de l'Agenais, 1891, et surtout l'excellent travail de M. Francisque HABASQUE, la Domination de Marguerite de Valois à Agen, d'après les pièces d'archives, dans le Bulletin historique et philologique du Comité des travaux historiques, 1890. Cf. Ph. LAUZUN, Itinéraire de Marguerite de Valois en Gascogne.
[30] Marguerite n'eut pas d'autre logis tant que dura son séjour à Agen, et c'est à tort qu'on lui a donné pour résidence le palais des comtes devenu ensuite l'évêché — ou le convent des Jacobins, qui était du reste la plus forte maison de la ville. — La maison Cambefort, à pignons aigus et tourelle, dont le façade précédée d'une vaste cour donnait dans la rue de l'Ave-Maria (plus tard rue des Colonels Lacuée) fut détruite en 1857 pour faire place aux dépendances du lycée. M. Ph. Lauzun en a publié deux dessins, dans l'Écho de Gascogne, 5 mars 1889, et dans l'Itinéraire de Marguerite de Valois en Gascogne ; un autre dessin est conservé au musée d'Agen. Cf. Fr. HABASQUE, loc. cit.
[31] La guerre commencée entre la Ligue et les huguenots, les consuls d'Agen tinrent le 4 avril avec la Jurade une réunion où ils décidèrent qu'ils interdiraient l'entrée de la ville au roi de Navarre ; que toutes les provisions disponibles et denrées alimentaires qui pourraient se trouver dans la banlieue seraient réquisitionnées ; qu'on doublerait la garde des portes ; enfin que chaque matin, à six heures, ils se réuniraient à la maison commune pour gérer les affaires de la cité. — Archives municipales, FF 39 ; Ph. LAUZUN, Itinéraire.
[32] Bibl. nat., lettres de Bellièvre, fonds fr., 15981 ; Lettres de Catherine de Médicis, t. VIII, appendice. Ce dernier renseignement donné par Bellièvre n'était pas exact. La reine de Navarre est à Agen, écrit Matignon ; je crains fort que cette ville ne se perde. J'avais dit à la reine de Navarre que, s'il lui plaisait, je lui envoirais une compagnie de gens de pied au lieu de celle de Boisjourdan que le roi n'y peut entretenir. Elle m'a fait réponse qu'elle n'en veut, que la ville en a assez. Le roi de Navarre et la dite reine ne dissimulent plus l'inimitié qui est entre eux, etc. Bordeaux, dernier avril 1585. Bibl. nat., fonds fr., 15569, p. 176. Archives historiques de la Gironde, XIV. — Si la ville avait eu une garnison, Marguerite n'aurait pu s'en emparer comme elle le fit quelques jours plus tard.
[33] Bibl. nat., lettres de Bellièvre, 18 avril ; Lettres de Catherine de Médicis, t. VIII, appendice. — Les seigneurs de Clairvaut et de Chassincourt étaient alors les agents du roi de Navarre auprès de Henri III.
[34] Mémoires et lettres de Marguerite de Valois, édit. GUESSARD, p. 364. H. DE LA FERRIÈRE, Trois Amoureuses. Par lettres-patentes datées de Fontainebleau, 1er juillet 1582, Marguerite avait chargé Choisnin, son conseiller et secrétaire, de l'administration de ses biens.
[35] Bibl. de Saint-Pétersbourg ; Archives des Missions, 1865 ; Lettres de Catherine, t. VIII.
[36] J. DE CAILLIÈRE, Histoire du maréchal de Matignon ; lettre du 3 mai 1585.
[37] Cf. un curieux passage de B. de Labenazie, chanoine et prieur de l'église collégiale d'Agen, et l'un des collaborateurs des frères Sainte-Marthe pour leur Gallia Christiana, publié par M. Tamisey de Larroque, d'après l'Histoire de la ville d'Agen et pays d'Agenais, 2 vol. in-4° manuscrits, dans la Revue des Questions historiques, janvier 1870.
[38] Lettre du 28 mai 1585. On me dit qu'elle fait fortifier Agen et y a des gens de guerre. — Le 15 juin, elle écrit encore à Bellièvre : Je vois que Dieu m'a laissé cette créature pour la punition de mes péchés, aux afflictions que tous les jours elle me donne ; c'est mon fléau en ce monde. Je vous assure que j'en suis si affligée que je ne sais quel remède y trouver. Lettres de Catherine de Médicis, t. VIII.
[39] M. L. LALANNE dans la préface de la Ruelle mal assortie, pièce attribuée à Marguerite (édit. Aubry), et dans la notice de l'édition elzévirienne a omis ce compère dans la liste cependant établie avec complaisance des amants qui lui sont attribués.
[40] Négociations diplomatiques avec la Toscane, t. IV, p. 613.
[41] A la suite de cette affaire, le roi de Navarre écrivit : Si ceux de la Ligue ne font mieux que ce qu'ils ont fait jusqu'ici, je leur conseille qu'ils ne s'en mêlent point (4 juillet). Lettres missives, t. II, p. 82.
[42] SAMAZEUILH, Histoire de l'Agenais ; CASSANY-MAZET. Histoire de Villeneuve (1837). — Selon M. Tholin (Revue de l'Agenais), les troupes de Matignon auraient appuyé la résistance de Villeneuve.
[43] MONGEZ, Histoire de Marguerite de Valois ; L. DE SAINT-PONCY, Histoire de Marguerite de Valois, t. II ; Fr. HABASQUE, la Domination de Marguerite de Valois à Agen, Bulletin historique, etc.
[44] G. THOLIN, Revue de l'Agenais, 1891 ; Le capitaine Belsunce vient d'arriver qui me dit que ceux de Valence ont cinq compagnies d'Agen dedans leur ville. Les habitants tiennent un fort et ne peuvent supporter de voir manger leur bien. Lettres-missives, t. II, p. 122-123.
[45] Gers, à 12 kilomètres en aval de Lectoure ; le roi de Navarre écrit le 20 août : Ceux d'Agen ont essayé de surprendre Saint-Mazard... Ils ont laissé des armes et des chevaux, et là dedans ils sont tous catholiques. Ils se sont fortifiés et retranchés au passage d'Agen, de sorte que sans nombre de gens on ne les pourrait avoir. A mon retour de Béarn j'espère parler à eux. Lettre au maréchal de Matignon, Lettres missives, t. II, p. 122-123.
[46] 14 septembre. Archives nationales, collection Simancas, K. 1563, B. 56, pièce 119.
[47] Archives nationales, KK 174, f° 111-184.
[48] Presque toutes les provinces, dit Busbecq, sont en balance pour se déclarer ; la plupart des villes sont infidèles au roi et les autres refusent de recevoir des garnisons. Le roi ne sait de quel côté tourner ; il se voit environné d'ennemis ouverts et il n'a auprès de sa personne que peu d'amis, faibles et impuissants. Lettre du 25 avril 1585. — Busbecq exagère d'ailleurs. Le roi avait encore nombre de partisans, mais ne sut pas se décider à agir. Son intention demeura d'être exécutée quand il le pouvait faire, dit le Procès-verbal de Nicolas Poulain, à la suite du Journal de L'Estoile ; et quand il l'a voulu, il ne l'a pas pu. Édit. Jouaust, t. III.
[49] De Thou, qui est entré dans d'assez grands détails sur cette négociation, a conservé la réponse du roi de Navarre au discours de M. de Lenoncourt pour l'engager à changer de religion dans l'intérêt de la succession au trône, et à suspendre au moins pendant six mois tout exercice de la religion réformée. Il dit d'une manière évasive qu'il ne se refusait pas de se faire instruire et de changer s'il était dans le mauvais chemin, non plus que de se soumettre à la décision d'un concile libre, comme il l'avait souvent déclaré, et qu'il importait peu pour la tranquillité de l'État qu'il suspendit pour un temps l'exercice de la religion protestante, car elle avait jeté en France des racines trop profondes, à l'abri des précédents édits, Rom pouvoir espérer que celui que les factieux venaient d'extorquer à Sa Majesté fût capable de l'exterminer ainsi en un instant. Il écrivit ensuite à Henri III, fit des protestations de dévouement et de respect. Ce fut d'ailleurs toujours sa politique, temporiser et promettre ; derrière le roi il y avait le Gascon.
[50] De fait, était le bruit tout commun que par l'intelligence qu'elle avait avec les Guisards, ils avaient commencé les derniers troubles et émotions, esquels elle les favorisait et leur soutenait le menton de toute sa puissance, en intention de priver ceux de Bourbon de la couronne de France et la faire tomber dans la maison de Lorraine, sur la tête des enfants de madame Claude de France sa fille. L'ESTOILE, édit. Michaud, t. I, p. 188.
[51] M. G. Tholin (la Ville d'Agen pendant les guerres de religion) dit que les travaux commencèrent dès le mois de juin. Il est certain que par l'importance qu'on leur donne, ils demandèrent plus de temps qu'il en est indiqué. Mais sans doute ce fut après la proclamation de l'édit qu'on les poussa et que les Agenais en prirent ombrage.
[52] Par la correspondance du roi de Navarre on sait qu'il s'entendait alors avec Matignon pour agir contre Marguerite ; elle avait échappé déjà à un complot dont l'objet était de l'enlever et la remettre à son mari.
[53] Archives municipales d'Agen, EE, 59. Pouvoir remis aux Agenais de délivrer la ville, enregistré au greffe de la sénéchaussée le 29 septembre 1585. Cf. Fr. HABASQUE, loc. cit.
[54] Les noms de ces premiers combattants sont conservés par les archives et les chroniques d'Agen ; c'étaient tous notables, jurats, anciens consuls et non la populace des jours d'émeute.
[55] Cf. Ph. LAUZUN, Les couvents d'Agen avant 1789, Revue de l'Agenais, 1886. — La relation de Labenazie ajoute : Le père de Réchac, jacobin, dans la Vie de Saint-Dominique, dit que la reine Marguerite, fuyant la poursuite de son mari, vint dans Agen et qu'elle se réfugia dans le couvent des Jacobins qui était alors la plus forte maison de la ville ; que ce couvent fut barricadé et garni de poudres, mais qu'un des soldats du roi de Navarre qui était entré mit le feu aux poudres qui emportèrent tout le noviciat ; les novices et deux des pères furent écrasés sous les ruines... Il fut tué en cette action et cette petite guerre soixante bourgeois. Revue des questions historiques, janvier 1870.
[56] La Porte Neuve.