Nouveau séjour de Marguerite de Valois à la Cour. — La folie d'Anvers. — Les affronts du Louvre et de Palaiseau. — Négociations entre le roi de France et le roi de Navarre au sujet de Marguerite. — Elle retourne à Nérac. La précieuse ressource des Mémoires laissés par Marguerite de Valois nous manque û partir de cette époque. Ils s'arrêtent en 1582, au moment de son départ pour la Cour, et nous feront faute, car s'il eût été curieux de l'entendre raconter elle-même la partie la plus mouvementée de son existence, elle seule aussi pouvait donner des détails assez certains sur les incidents qui suivirent pour nous permettre, avec la contre-partie. des sèches informations de chroniqueurs indifférents ou d'historiens malintentionnés, de nous en faire une idée probable. Toutefois, si les Mémoires absents n'apportent point soit témoignage, nous le retrouvons, en partie du moins et avec moins de préparation, dans ses lettres nombreuses et très diverses dès lors. Nous essayerons par elles de suppléer au récit qui ne nous est pas parvenu[1]. Les premières sont adressées au roi de Navarre, qui s'était trouvé malade à la Rochelle et à qui elle se baht d'envoyer un de ses médecins[2]. Il s'était engagé à venir voir Henri III, et Catherine travaillait toujours à les rapprocher ; dès qu'il fut remis, avec sa défiance habituelle, il reprit au contraire la route du Midi, passa en Béarn, et Marguerite qui était encore en chemin avec sa mère lui écrivit : J'ai su votre maladie et votre parlement contre l'assurance qu'il vous avait plu me commander d'en donner au roi et à la reine. Je vous supplie très humblement considérer quelle créance ils pourront prendre au reste de nies paroles en ce qui vous concernera. Ce n'est pour me donner moyen d'y faire bien vos affaires, ce qui vous portera plus de préjudice qu'à moi. Nous verrons le roi à Fontainebleau dans quatre jours et dès le lendemain je vous dépêcherai un gentilhomme pour vous avertir quelle aura été mon arrivée ; et cinq ou six jours après, je vous en enverrai un autre pour vous mander ce qu'après les premières bienvenues, où la contrainte et la dissimulation sont ordinaires, je pourrai reconnaître de la vérité de leurs volontés envers nous. — Elle mentionne ensuite ce qui lui était rapporté du mécontentement du roi au sujet des sieurs de Bacon et de Porquerres. L'un avait pris, le 8 février, le château de Minerve au diocèse de Saint-Pons et ravagé tous les environs ; l'autre détenait la ville de Lunel malgré la paix. Catherine pressait Henri III de se rendre dans le Midi pour y rétablir l'ordre et Marguerite crut devoir recommander à son mari de faire une bonne dépêche, de quoi le roi puisse recevoir du contentement et lui ôter l'envie d'y aller[3]. Une autre lettre dut être écrite peu après l'arrivée de la reine : Si vous étiez ici, dit-elle, vous seriez celui de qui les uns et les autres dépendraient. Vous regagneriez les serviteurs que vous avez, par la longueur de ces troubles, perdus, et en acquerrez plus en huit jours que vous ne feriez en toute votre vie étant eu Gascogne[4]. Mais Henri de Navarre fit la sourde oreille[5]. — Tout était changé d'ailleurs de ce que Marguerite avait connu quelques années auparavant. Catherine vieillissait et n'avait plus la décision et l'autorité de naguère. Toute la faveur était aux ducs, d'Épernon et Joyeuse. Elle trouva M. de Guise aussi vieilli et fort emmaigri, M. de Nemours — le duc de Mayenne — si étrangement engraissé qu'il en était difforme. — Son hôtel d'Anjou étant devenu la propriété de Mme de Longueville et se souciant peu sans doute de loger au Louvre, Marguerite acheta au mois de juin le logis du chancelier Birague, sis à la Cousture Sainte-Catherine, 28.000 écus[6]. — Pourtant le roi lui avait d'abord fait bon accueil, désirant se ménager son intervention pour gagner le roi de Navarre. Il le désirait fort près de lui, peut-être pour se servir de ce garçon remuant et batailleur contre le parti des Guises, et versatile, extrême en ses engouements comme en ses aversions, ne parlait alors que de rapprochement et d'amitié entre eux. Il semble même qu'il n'y eut pas d'autre motif aux pourparlers qui amenèrent le voyage de la reine[7]. Marguerite que son mari pouvait assez justement considérer comme le précieux instrument de sa fortune ; qui redoublait pour lui d'attentions prévenantes et se liait chaque jour plus étroitement à son sort ; qui lui transmettait d'utiles avis, s'inquiétait des entreprises de ses partisans et de ce qui pouvait lui advenir, était toute désignée pour mener à bien cette négociation délicate. Aussi, elle eut part de suite aux libéralités du roi. Catherine, ayant reçu de son fils le duché d'Orléans, le comté de Gien, la seigneurie de Beaugency et plusieurs autres terres, obtint pour sa fille le durite de Valois dont elle était douairière. La donation comprenait en outre les comtés de Senlis, de Clermont et d'Étampes, en échange des comtés de Quercy et de Gaure[8]. — Mais la bonne intelligence qui régnait alors entre le roi et la reine de Navarre ne devait pas durer. Cédant aux observations de Catherine qui, depuis longtemps, on peut le croire, était au courant des choses, Marguerite avait renvoyé Fosseuse. Son mari osa s'en plaindre et lui dépêcha le sieur de Frontenac, chargé de présenter son mécontentement. Marguerite cette fois ne put se tenir et lui répondit : Vous dites que ce ne me sera jamais honte de vous complaire. Je le crois aussi, vous estimant si raisonnable que vous ne me commanderez rien qui soit indigne de personne de ma qualité, ni qui importe à mon honneur où vous avez trop d'intérêt. Et si vous me demandiez de tenir une fille avec moi à qui vous eussiez fait un enfant au jugement de tout le monde, vous trouveriez que ce me serait une honte pour l'indignité que vous me feriez, et pour la réputation que j'en acquérerais. Vous m'écrivez que pour fermer la bouche au roi, aux reines ou à ceux qui m'en parleraient, que je leur dise que vous l'aimez et que je l'aime pour cela. Cette réponse serait bonne parlant d'un de vos serviteurs ou servantes, mais de votre maîtresse ! Si j'étais née de condition indigne de l'honneur d'être votre femme, cette réponse ne me serait pas mauvaise ; mais étant telle que je suis, elle me serait très malséante ; aussi m'empêcherai-je bien de la faire. J'ai souffert ce que, je ne dirai pas princesse, mais simple demoiselle ne souffrit, l'ayant secourue, caché sa faute, et toujours depuis tenue avec moi. Si vous n'appelez pas cela vouloir vous contenter, certes, je ne sais pas comment vous le pouvez entendre[9]. — Nous ne reconnaissons plus ici la Marguerite si complaisante qu'on nous avait montrée jusqu'alors[10] et s'il eut un peu de conscience, Henri de Navarre dut convenir qu'il avait été trop loin. Mais Catherine le prit encore plus mal et tança vertement son gendre : Vous n'êtes pas, disait-elle, le premier mari jeune et peu sage en pareilles choses ; mais je vous trouve bien le premier et le seul qui fasse, après un tel fait, tenir un pareil langage à sa femme. J'ai eu l'honneur d'avoir épousé le roi, mon seigneur et votre souverain ; mais la chose dont il était le plus marri, c'était quand il savait que je susse de ces nouvelles-hi, et quand Mme de Flemming fut grosse, il trouva très bien quand on la renvoya ; de Mme de Valentinois c'était, comme de Mme d'Étampes, en tout honneur. Ce n'est pas la façon de traiter les femmes de bien et de telle maison, de les injurier à l'appétit d'une putain publique, car tout le monde sait l'enfant qu'elle a fait. Vous êtes trop bien né pour ne pas savoir comment vous devez vivre avec la fille de votre roi et la sœur de celui qui commande à tout ce royaume et à vous, qui outre cela vous honore et vous aime comme doit faire une femme de bien. J'ai fait partir cette belle bête, car tant que je vivrai je ne souffrirai pas de voir chose qui puisse empêcher ou diminuer l'amitié que ceux qui me sont si proches, comme elle m'est, se doivent porter l'un à l'autre, et vous prie que après que ce beau messager de Frontenac vous aura dit le pis qu'il aura pu pour vous aliéner contre votre femme, de considérer le tort que vous vous êtes fait et retourner au bon chemin[11]. A ces tracas s'ajouta en même temps pour Marguerite l'infidélité de Chamvallon, qu'elle revit, croit-on, peu de temps après son retour, et avec lequel d'ailleurs elle n'avait jamais cessé d'être en correspondance. Soit qu'il craignît le ressentiment du roi, soit qu'il vît dans sa liaison prolongée avec la reine un obstacle à sa propre fortune, Chamvallon chercha à se dégager en prenant une femme dont le nom et la haute situation pussent lui servir de marchepied. Il épousa ainsi le 20 août 1582 Catherine de la Mark, dame de Breval, fille de Robert de là Mark duc de Bouillon. — L'année précédente, tandis qu'elle séjournait à Bagnères, Marguerite avait bien songé à le marier, mais de sa main et avec la certitude de le garder pour elle[12]. Lorsqu'elle apprit qu'il lui échappait, elle eut un accès terrible de jalousie : Il n'est donc plus de justice au ciel ni de fidélité sur la terre, lui écrit-elle. Triomphez de ma trop ardente amour ! Vantez-vous de m'avoir trompée ; riez-en et moquez vous-en avec celle de qui je reçois cette seule consolation que son peu de mérite vous sera le juste remords de votre tort... En recevant cette lettre, la dernière, je vous supplie de me la renvoyer, car je ne veux pas qu'à cette belle entrevue que vous ferez ce soir, elle serve de sujet au père et à la fille de discourir à mes dépens ( )[13]. L'état des affaires de Flandre, où les intérêts étaient divers mais n'en passionnaient pas moins, était peu fait ensuite pour rasséréner les esprits. Tout y allait mal. Audenarde s'était rendu après un siège de trois mois et il y avait eu des escarmouches jusque sous les murs de Gand. Les troupes anglaises fournies par Élisabeth, mal commandées, mal pavées, se débandaient peu à peu et tuaient tous les prêtres catholiques qu'elles rencontraient sur leur chemin. Français et Flamands en étaient venus à s'accuser réciproquement de traiter en secret avec l'Espagnol. En allant à la messe chaque matin, le duc s'était aliéné bon nombre de protestants, de sorte que de la souveraineté des Pays-Bas il n'avait guère que des titres : Duc de Lothier, de Brabant, de Luxembourg, de Gueldres ; comte de Flandres, de Zélande, de Hollande, de Zutphen ; marquis du Saint-Empire, seigneur de Frise et de Malines, défenseur de la liberté belgique. Quant au pouvoir effectif, la méfiance des États ne lui en laissait que des bribes. Des renforts cependant lui arrivèrent ; L'Estoile mentionne qu'au commencement de juin 1582 il assembla ses forces, entre autres quinze cents reîtres qui passèrent au long de la ville de Reims par le Rethelois, où ils firent mille maux ; et arrivés aux Pays-Bas coururent, saccagèrent et brûlèrent l'Artois, le Hesdinois et pays voisins. On se battit, on se prit quelques villes ; cinq mille hommes furent encore amenés par le duc de Montpensier et le maréchal de Biron[14] ; mais le duc de Parme en avait cinquante mille. Il reprit le Cateau, Ninove, d'autres places en novembre. L'hiver arrêta les hostilités. Le duc d'Anjou voulut profiter de cette inaction pour faire un coup d'État et s'emparer effectivement des principales villes des Flandres. Le secret fut inviolablement gardé jusqu'au jour de l'entreprise, fixée au 17 janvier 1583 et qui réussit à Dunkerque, Ostende, Dixmude, Alost, Vilvorde, mais échoua à Gand et à Bruges. — A Anvers, le duc ayant gagné le prévôt s'était réservé d'agir lui-meure. Mais les Flamands eurent quelques soupçons. Le prince d'Orange, averti la veille d'un dessein des Français sur la ville, pria Monsieur de ne pas trouver extraordinaire qu'il fit meilleure garde. Les conjurés quand même s'emparèrent d'une porte — la porte de Kipdrop — et se répandirent dans les rues tortueuses du vieil Anvers en criant : Tue ! Tue ! Ville gagnée ! Vive la messe ! Quatre mille hommes à peu près y entrèrent ; deux mille y périrent. Monsieur, bravement, s'était retiré aux faubourgs dès les premières volées de l'artillerie que les bourgeois pointaient du côté des troupes, au dehors, en même temps que vers les rues. L'effroi se mit dans l'armée, et, dit d'Aubigné, les rues voisines de la porte furent bientôt. couvertes de morts, et l'entre-deux des portes plein à hauteur de la bascule. Ceux de Malines firent déborder les eaux en ouvrant les écluses ; beaucoup furent noyés, et le duc de Montpensier avec ses troupes n'échappa que grâce à un paysan qui indiqua un gué[15]. — La nouvelle du désastre arriva à Paris le 18 janvier et causa une consternation générale. tt Monsieur avait gagné Termonde, dit L'Estoile, avec le peu qui lui restait de son camp et suite, où il fuit longtemps mal à son aise, sans vivres ni secours.et ne sachant de quel bois faire flèche, délaissé de chacun et méprisé pour avoir fait une si folle et téméraire entreprise qu'on ne pouvait bâtir d'autre nom que de trahison[16], fort triste et ennuyé du mauvais succès de son entreprise, mais peu soucieux — à la façon de beaucoup de princes — de ceux qu'il avait perdus et de tant de brave noblesse morte pour son service, dont il fit si peu de compte qu'il deux jours de là, comme on lui discourait la façon de la mort du comte de Saint-Aignan, qu'on tenait pour un de ses grands favoris, et comment il s'était noyé : J'en suis bien marri, dit-il ; et soudain se prenant à rire : Je crois que qui eut pu prendre le loisir de contempler à cette heure-là Saint-Aignan, lui cid vu faire une plaisante grimace. — Catherine comprit mieux que son fils la portée d'une telle mésaventure. Plût à Dieu, s'écria-t-elle, que tu fusses mort ! Tu n'aurais pas été cause de la perte de tant de braves gentilshommes[17]. Henri III, peut-être fort aise à part soi, se hâta d'envoyer l'évêque de Vannes au duc Alexandre Farnèse pour s'excuser de la folie d'Anvers. Il adressa en même temps d'ailleurs le sieur de Mirambeau au sénat d'Anvers pour essayer une réconciliation de son frère avec les États[18] ; le prince d'Orange y travailla également avec un nouvel envoyé, Pomponne de Bellièvre, et un traité provisionnel fut signé à Termonde le 18 mars. — Le duc d'Anjou se retira à Dunkerque ; puis le 28 juin, à l'approche des Espagnols, s'embarqua pour Calais d'où il gagna Chaulnes en Picardie. — Henri III sentait bien qu'il n'était plus à redouter ; il était délivré d'une de ses plus grandes appréhensions car, dit un des ambassadeurs vénitiens, il craignait encore plus son frère une fois qu'il serait maître des Pays-Bas, qu'il ne craignait Philippe II[19]. — Mais la déconfiture d'Anvers, la fin rie la domination du duc en Flandre devaient avoir une autre conséquence. Depuis le retour de Marguerite, une lutte sourde d'influence s'était établie entre elle et les favoris du roi, les ducs d'Épernon et de Joyeuse — qui n'avaient guère d'amitié l'un pour l'autre, mais s'étaient entendus cependant pour détruire le crédit de la reine par un système persévérant d'insinuations injurieuses. Peut-être firent-ils entendre au roi que, bien loin de le servir, elle travaillait à empêcher ce voyage du Béarnais qui lui était tant à cœur. Elle se trouva bientôt isolée, mal avec son mari[20], en froid le plus souvent avec sa mère qui suivait l'humeur du souverain ; et la ruine du duc d'Anjou la mit à la discrétion de ses ennemis — des mignons qu'elle ne ménageait point et qui ne pouvaient que pousser le roi, déjà mortifié des railleries dont elle ne s'était jamais fait faute — gardant le ressentiment, malgré toutes les paroles dont il colorait sa pensée, de leur inimitié ancienne. — Sully raconte qu'après s'être battu en Flandre il était retourné près du roi de Navarre qui le chargea d'une mission confidentielle à la Cour — le roi d'Espagne lui proposant alors 200.000 écus pour recommencer la guerre dans le Midi ; il voulut s'adresser à la reine de Navarre pour obtenir une audience, mais fut averti par Mme de Béthune, sa parente et favorite de Marguerite, que son entremise lui nuirait plutôt qu'elle ne lui servirait, d'autant que depuis deux mois elle était très mal avec le roi, s'entr'étant fait une infinité de reproches meilleurs à taire qu'à dire, ce qui l'avait mise mal aussi avec sa mère. — Marguerite s'était en somme vengée comme une femme, par des mots. Les mœurs du roi, de ses mignons pour lesquels il avait déjà tant dépense[21] et s'était fait haïr du peuple lui fournissaient assez de prétextes. Selon d'autres leur brouille serait survenue à propos de Mme de Duras, la reine de Navarre avant pris son parti dans une querelle que lui faisait le roi pour des amourettes[22]. — Un voyage que fit Henri III à Mézières — juin 1583 — amena une trêve momentanée. Mais durant ce court intervalle. Chamvallon, tombé en disgrâce près du duc d'Anjou, revint de Flandre à Paris, sans d'ailleurs que Marguerite fût prévenue. D'après Varillas. Il aurait tiré vanité de sa liaison avec la reine ou dune bonne fortune qu'il avait obtenue dune des plus grandes dames du royaume on dit aussi qu'il avait révélé quelque confidence du duc. Chamvallon, toujours est-il, au lien de se retirer a Sedan auprès de sa femme, vint demander asile à Marguerite[23]. Toujours éprise, elle n'eut pas le courage de lui tenir rigueur, et le reçut dans son hôtel si intimement qu'on en parla. Mais son éternelle ennemie. Mme de Sauve, non contente de se partager entre d'Epernon. son nouveau favori, et le duc de Guise, prit fantaisie de Chamvallon, et le conquit si bien que Marguerite découragée voulut partir[24]. L'argent lui manqua[25]. A la fin de juin, elle tomba malade, et sa maladie devint le prétexte des plus l'adieux propos. La reine de Navarre est grosse ou hydropique, écrit Busini, ambassadeur de Toscane. — Catherine se trouvait absente alors, étant allée à Chaulnes, accompagnée du maréchal de Rais et de Pomponne de Bellièvre[26]. Elle trouva le duc d'Anjou si amaigri, si débilité par le chagrin et la maladie qu'elle se retrouva maternelle et n'eut pour lui que de douces et consolantes paroles[27]. Elle lui remit 30.000 livres pour les envoyer à Biron et payer les Suisses. Elle lui fit ont me entrevoir la possibilité d'un mariage avec sa nièce, la fille du duc de Lorraine. — Cependant Henri III était revenu. Marguerite sentit le danger de sa présence au moment où tant de mauvais bruits étaient colportés et se décida à éloigner Chamvallon : Plût à Dieu, lui écrit-elle, que sur moi seule cet orage se pût décharger. Mais vous mettre en danger, ah ! non, ma vie ; il n'y a gêne si cruelle à quoi je me soumette plutôt. Vous jugerez combien le mal me sera plus supportable que de le mettre en vous à mon occasion[28]. Mais le roi avait trouvé sa vengeance et méditait une de ces méchancetés dont il avait coutume. Poussé par les mignons, il acheta une des femmes de chambre de sa sœur, qui révéla dans tous ses détails l'intrigue avec Chamvallon, lui nomma d'anciens amants de sa maîtresse avec des dates et des circonstances. Le roi fut heureux de ces propos de domestique et les considéra comme des preuves. Une circonstance nouvelle précipita les événements. Au commencement de mai, Henri III avait envoyé le duc de Joyeuse en Italie ; il devait s'acquitter d'un vœu à Notre-Dame de Lorette pour sa femme malade, et en même temps le roi et la reine lui baillèrent aussi présents pour faire à la Belle-Dame en leur nom. Enfin, il devait aller à Home, qui était surtout l'occasion du voyage, chargé de plusieurs négociations avec le pape, dont la principale concernait l'aliénation des biens du clergé[29]. — Or, un courrier que lui envoyait le roi avec une longue lettre de sa main et renfermant, dit Varillas, des choses odieuses sur la conduite de sa sœur fut attaqué en route par quatre hommes masqués ; sur le refus qu'il fit de remettre sa dépêche, ils lui cassèrent la tête[30]. Le coup fut attribué de suite à la reine de Navarre, et qu'il le crût ou non, Henri III en prit prétexte pour lui faire publiquement une scène scandaleuse. Jusqu'alors, leur inimitié n'avait guère dépassé le seuil du Louvre. On rendait à Marguerite les honneurs habituels, et en décembre 1582 L'Estoile nous la montre assistant avec le roi et les reines, sa mère et sa belle-sœur, à une procession générale où furent portées la châsse de Sainte-Geneviève et les reliques de la Sainte-Chapelle, et que Henri III fit faire pour une solennelle conclusion des prières de cette année, à ce qu'il plût à Dieu donner à la reine sa femme lignée qui pût succéder à la couronne de France. Mais il fallait au roi lin affront public. Catherine prête à partir pour la Fère où s'était rendu le duc d'Anjou[31] séjournait à Passy, où le roi qui faisait construire à Madrid une église pour sa nouvelle confrérie des ermites la voyait tous les jours, s'étant déchargé sur elle des soins du gouvernement ; pourtant on peut croire qu'elle ne sut rien de ses intentions malveillantes, car tout en étant peu disposée pour Marguerite[32], elle eût empêché celte sottise et cette honte. Bien des fois elle avait ramené son fils, fût-ce par politique, à de meilleurs sentiments envers les siens. Mais en son absence, des qu'elle s'écartait du Louvre, les mignons reprenaient toute leur influence[33]. Le 7 août, il devait y avoir un grand bal il la Cour. La reine Louise étant aux eaux de Bourbon-Lancy, Henri III pria Marguerite tic la remplacer et de faire les honneurs. Sans défiance, la reine de Navarre accepta et vint prendre place sous le dais royal. Mais ù l'heure la plus animée du bal, on vit s'en approcher le roi, suivi du duc d'Épernon et de ses favoris habituels. Et là, debout, à haute voix pour que toute l'assistance fût instruite, il lui reprocha ses amours avec Chamvallon ; il l'accusa d'avoir eu un enfant de lui et lui nomma tous les amants qu'on lui attribuait1[34]. — Marguerite, stupéfiée, l'écouta immobile et muette, ne trouvant rien pour se défendre, et le dernier mot du roi fut un ordre de bannissement : — Vous n'avez que faire ici, cria-t-il, allez rejoindre votre mari et partez demain ![35] Les Nouveaux Mémoires de Bassompierre[36], ouvrage apocryphe mais que l'on pense avoir été rédigé sur un manuscrit du maréchal, donnent des détails un peu différents sur cette affaire et que l'on ne peut reproduire que sous réserve. Leurs Majestés, selon Bassompierre, avaient été fort mécontentes du refus de Marguerite de les accompagner à Villers-Cotterêts, en Champagne et à Laon, et de sa persistance à rester à Paris sous prétexte de se soigner d'un mal de rate. Elles se récriaient contre les assiduités de Chamvallon et les galanteries des dames de Duras et de Béthune. Le conflit se serait encore aggravé par des propos offensants de part et d'autre, et le roi et la reine-mère avant refusé à Marguerite l'entrée du Louvre, elle exhala son ressentiment par des plaintes et des sarcasmes. Elle se serait échappée jusqu'à dire qu'elle ne se mêlait point de la vie de son frère avec ses mignons et qu'il devrait bien ne pas s'inquiéter de ses rapports autrement honnêtes avec ses courtisans ; qu'elle s'étonnait que sa mère accueillit des bruits de ville diffamant sa fille, puisque personne n'avait éprouvé autant de dommages qu'elle de la malignité publique ; ensuite, que les femmes de sa suite ne se gouvernaient pas plus mal que celles de la reine-mère, Mme de Sauve, par exemple, dont elle encourageait les pratiques ouvertes dans l'intérêt de ses intrigues ; finalement, que ne s'occupant pas des actions des autres, elle désirait qu'on ne s'occupât pas des siennes, n'en devant compte qu'au roi de Navarre. Elle ajoutait que son long séjour à Paris n'avait point été volontaire, mais bien forcé par les affaires du roi son mari, qui l'avaient appelée et retenue ; qu'elle était désireuse de l'aller retrouver dès qu'elle aurait disposé son équipage et touché de l'argent, ce qui demandait trois ou quatre jours. — Une audience qu'elle sollicita ensuite lui fut refusée, et ce fut Villequier, rapportant l'ordre de s'éloigner de Paris avant le départ du roi pour Lyon, sans allocation d'argent, qui lui prêta quatre mille écus pour subvenir à son voyage. Comme on l'a pu voir, il y a beaucoup de choses dans ce récit, qui sont en contradiction avec le caractère et les façons habituelles de la reine. D'ailleurs, si l'on peut apprécier diversement sa conduite, l'acte commis par Henri III et qui causa un scandale énorme n'en était pas moins odieux. Ce n'était guère à lui, dont les mœurs étaient la satire et la risée de tout son royaume, de s'ériger brusquement en censeur et en moraliste. Mais il était un peu comédien et pouvait jouer bien des rôles. — Dans la nuit, une troupe d'hommes masqués cerna le logis de Chamvallon et le fouilla de fond en comble ; prudemment il avait pris la fuite, et Busbecq rapporte qu'il se réfugia en Allemagne. Le lendemain, 8 août, Marguerite, tout son train de maison en désarroi, quitta Paris, répétant qu'il n'y avait jamais eu deux princesses aussi malheureuses que la reine Marie Stuart et elle. Ce n'était pas tout, au reste. Pendant qu'elle Binait à Bourg-la-Reine, ayant pris la route du Midi pour gagner Vendôme, le roi passa dans son coche fermé sans daigner hi saluer. Elle alla coucher à Palaiseau, dit L'Estoile, où il la fit suivre par soixante archers de sa garde sous la conduite de Larchant, qui la vint chercher jusques dans son lit, et prendre prisonnières la dame de Duras et la demoiselle de Béthune, qu'on accusait d'incontinence et d'avortements procurés. Furent aussi par le même moyen arrêtés le seigneur de Lodon, gentilhomme de sa suite, son écuyer, son secrétaire, son médecin et autres qu'hommes que femmes, jusques au nombre de dix, et tous menés à Montargis où le roi lui-même les interrogea et examina sur les déportements de la dite reine sa sœur[37]. — Ce qu'Henri III voulait obtenir, c'était surtout la continuation de ce qu'il avait avancé, que la reine de Navarre avait accouché récemment et mis au monde un enfant qui ne pouvait être de son mari. Mais il ne recueillit que des dénégations, preuve assez certaine qu'il n'y avait là qu'une injure toute gratuite[38]. — Enfin, le roi, continue L'Estoile, n'ayant rien pu découvrir par la bouche des dits prisonniers et prisonnières, les remit en liberté et licencia la reine de Navarre sa sœur pour continuer son chemin vers la Gascogne : et ne laissa pourtant d'écrire de sa main au roi de 'Navarre comme toutes choses s'étaient passées. Catherine fut outrée à la nouvelle des humiliations infligées à sa fille et dépêcha de suite l'archevêque de Langres à Henri III pour obtenir la liberté de quelques prisonniers qu'on avait conduits à la Bastille[39] ; mais le roi exigea que Mme de Duras et Mlle de Béthune ne retournassent point auprès de leur maîtresse que l'on croyait réfugiée à Vendôme[40]. — Sans appui et sans ressources, Marguerite avait écrit à sa mère une lettre désespérée, où éclate toute sa détresse : — Madame, disait-elle, puisque l'infortune de mon sort m'a inclinée de telle misère que je ne sais s'il se peut que vous désiriez la conservation de nia vie, au moins puis-je espérer que vous voudrez la conservation de mon honneur, pour être tellement uni avec le vôtre et celui de tous ceux ou celles à qui j'ai cet honneur d'appartenir que je ne puis recevoir de honte et qu'ils n'y soient participants ; qui me fait, Madame, vous supplier en cette considération ne vouloir permettre que le prétexte de ma mort se prenne aux dépens de mon honneur et réputation et vouloir tant faire, non pour moi mais pour tous ceux à qui je touche de si près, de tenir la main à ce que mon honneur soit justifié, et qu'il vous plaise, Madame, aussi que j'aie quelque dame de qualité et digne de foi, qui puisse durant ma vie témoigner l'état auquel je suis, et après ma mort assiste quand l'on m'ouvrira pour pouvoir par la connaissance de cette dernière imposture faire connaître à chacun le sort que l'on m'a fait par devant. Je ne dis pas ceci, Madame, pour retarder l'exécution de l'intention de mes ennemis, et ne faut qu'ils craignent que pour cela il leur manque prétexte pour me faire mourir, car si je reçois cette grâce de vous j'écrirai et signerai tout ce que l'on voudra inventer sur autre sujet à cet effet[41]. Il y avait là un accent de sincérité qui dut émouvoir la vieille reine. La situation de Marguerite était affreuse, et Catherine elle-même n'y pouvait apporter grand remède. Chassée sous le coup d'une accusation infamante, renvoyée vers un mari qui ne ressentait pour elle ni amitié ni amour et ne devait considérer que la blessure de son amour-propre, elle allait être de longs mois la princesse errante, au jouet des négociations et aux petites combinaisons de la politique. — Le premier montent passé, Henri III se sentit d'ailleurs en mauvaise posture. Il avait écrit à son beau-frère que la vie scandaleuse des dames de Duras et de Béthune l'avait fait résoudre à les éloigner de sa sueur comme une vermine très pernicieuse et non supportable auprès de princesse de tel lieu. Le roi de Navarre ne savait rien encore et le remercia, un peu ironiquement, du soin qu'il avait pris de la réputation de sa femme : Il y a longtemps, répondit-il, que le bruit de la mauvaise et scandaleuse vie de Mmes de Duras et de Béthune était venu jusqu'à moi ; mais je considérais que ma femme ayant cet honneur d'être près de Vos Majestés, je ferais quelque tort a votre bon naturel si j'entreprenais d'être plus soigneux de loin que Vos Majestés de près. J'étais résolu, quand ma femme prendrait son chemin vers moi, de la prier de s'en défaire avec le moins de bruit qu'elle pourrait. Il n'est pas besoin que je vous dise que je la désire extrêmement ici ; elle n'y sera jamais assez tôt venue[42]. — Mais il était difficile de colorer d'un honnête prétexte l'affront qu'avait subi la reine de Navarre. Les commentaires allaient leur train. Busbecq écrit que Henri de Béarn pourrait bien refuser de la recevoir, auquel cas le roi la fera renfermer dans une étroite prison pour mettre fin à ses désordres, — et ce lourd Allemand ajoute d'ailleurs : Il est à craindre d'un autre côté, que si elle se justifie auprès de son mari, elle ne nuise beaucoup à la concorde entre eux et à la tranquillité publique, car la volonté, l'esprit et la malice ne lui manqueront point[43]. — L'Estoile dit également : Du depuis, le roi ayant songé à la conséquence d'une telle affaire, et à ce que le roi de Navarre résoudrait là-dessus, joint que la renommée en était jà bien avant épandue jusques aux nations étrangères, fit nouvelles lettres et dépêches, par lesquelles il le priait de ne laisser pour ce qu'il lui avait mandé de reprendre la reine sa sœur, car il avait appris que tout ce qu'on lui avait fait entendre était faux, et qu'on avait par faux rapports innocemment chargé l'honneur de ladite reine. A. quoi le roi de Navarre ne fit autrement réponse, et s'arrêtant aux premiers avis qui lui avaient été donnés, qu'il savait certainement contenir vérité, s'excusa fort honnêtement et cependant se résolut de ne la point reprendre. — Le Béarnais, informé de l'algarade de Palaiseau, avait en effet réuni son Conseil qui délibéra sur le parti à prendre. On envoya Du Plessis-Mornay (17 août 1583) qui joignit le roi à Lyon, en route pour les bains du Bourbonnais et de la part du roi de Navarre lui demanda deux choses : l'une de lui vouloir déclarer la cause de son indignation, qui l'avait porté à telles indignités contre sa sœur, vu qu'a la moindre femme du monde on n'ôte point l'honneur qu'elle ne Fait premièrement perdu ; l'autre de lui vouloir, en tout cas, et comme le chef de la famille faire justice, et connue bon maître conseiller ce qu'en une affaire aussi perplexe il aurait à faire. — Le roi, sans répondre directement, se rejeta sur le cas des daines de Duras et de Béthune ; mais Du Plessis-Mornay répliqua qu'il n'était pas venu pour plaider leur cause ; que le roi son maitre ne lui avait pas fait ce tort de l'envoyer en leur faveur ; qu'il était question de la reine et que si elle avait commis faute d'un tel affront, il lui en demandait justice ; sinon qu'il le suppliait de la faire de ceux qui étaient auteurs de ce mauvais conseil, au déshonneur de la maison royale et sienne[44]. Henri III cherchait à pallier et déguiser les choses ; mais Du Plessis lui dit hardiment qu'a il n'avait point été fait pour être déguisé, en plein midi, sur un grand chemin, connu dedans et dehors. — De qui tenez-vous tous ces vilains bruits, demanda encore le roi. L'ambassadeur, pour montrer que le roi de Navarre était bien instruit, lui détailla tout, ajoutant qu'il avait charge en somme de dire à Sa Majesté qu'Elle avait trop fait ou trop peu ; trop, si la faute était moins qu'extrême ; trop peu si estimant la reine digne de perdre l'honneur, il la laissait survivre. Le roi ne savait plus que répondre ; il dit en hésitant qu'il se tenait obligé au roi de Navarre de la procédure qu'il avait suivie, mais qu'il avait une mère et un frère, intéressés dans cette affaire comme lui, auxquels il en voulait communiquer ; qu'aussitôt qu'il aurait pris les eaux avec la reine sa femme, qu'on leur ordonnait pour avoir lignée, il irait a Paris de là dans l'octobre suivant, résoudrait le roi de Navarre ; qu'il attendait de lui ce devoir de bon sujet, de faire trouver bonne celle réponse à son maître. — Du Plessis-Mornay vit de suite qu'il n'en tirerait rien de mieux. Il insista cependant selon ses ordres : Ce sera bien long, dit-il ; le trait est dans la blessure, vous ne l'en arracherez pas. La reine votre sœur est en chemin pour rejoindre le roi son mari. Que dira la chrétienté, Sire, si le roi de Navarre la reçoit, l'embrasse sans scrupule, la lui renvoyant ainsi barbouillée ? — Quoi, dit Henri III, sinon qu'il recevra la sœur de son roi ! Que Veut-il moins faire ? — Du Plessis insistant encore, il offrit d'envoyer un personnage important qui donnerait au roi de Navarre des explications satisfaisantes[45]. Il se résolut aussi à faire intervenir Catherine, qui demeurait sa grande ressource dans les cas difficiles. La reine-mère avait envoyé deux cent mille livres à Marguerite qui était à bout de ressources et elle avait pu ainsi gagner Plessis-lès-Tours., Votre fille n'en partira pas, écrivit de Paris Bellièvre à Catherine, sans voir bien clair à sa sûreté. Il faudra du temps pour consolider la plaie et l'on ne fera pas faire au roi de Navarre ce que l'ou pense. Encore qu'il demande conseil, il ne s'ensuit pas qu'il s'oblige à le suivre[46]. — Bellièvre venait d'avoir un entretien avec M. de Clervaut, un des familiers du Béarnais, qui lui avait dit : Le roi devrait rappeler sa sœur à la Cour et la traiter avec de grands égards afin qu'elle y fût honorée et respectée[47]. — Bellièvre pensait de même, car il était à craindre que le temps ne rendit cette affaire plus difficile encore. — Marguerite cependant était arrivée à Poitiers ; puis en septembre et octobre elle continua son voyage. Mais à Jarnac, elle reçut une lettre du roi de Navarre lui intimant l'ordre de ne pas entrer dans ses États avant qu'une pleine et entière satisfaction lui fût donnée. — Elle finit par se rendre à Agen et s'y installa, attendant la fin de cette détestable comédie. — Henri de Béarn, épris de la belle Diane d'Audoins, comtesse de Gramont, dont on disait qu'elle l'avait ensorcelé, n'avait aucune haie de la revoir, et les choses demeurèrent en l'état. Catherine avait d'ailleurs bien d'autres ennuis. Elle savait que des messages fréquents s'échangeaient entre son gendre, Danville et le duc d'Anjou, et que Ségur et Pardaillan de la part du roi de Navarre avaient été envoyés en Angleterre. Ces menées ne tendaient qu'il une nouvelle prise d'armes ; le duc pouvait. s'y laisser entraîner. Elle accueillit les ouvertures de l'assis au sujet de l'infante d'Espagne ; écrivit même à Langlée, qui avait remplacé Saint-Couard auprès de Philippe II : Je suis bien aise de voir ce chemin ouvert ; il faut absolument retenir mon fils par un bon commencement[48]. Au même moment, Biron, sans rien préciser, l'ayant prévenue qu'il redoutait une nouvelle escapade du duc, elle partit pour Château-Thierry où il s'était retiré, emmenant Mme de Salive et Mlle d'Atrie. L'une, paraît-il, se chargea du duc lui-même ; l'autre de d'Avrilly, son nouveau favori[49]. Mais cette galante diversion ne changea rien aux idées du prince. On lui avait mis en tête que le roi, le voyant mal avec Élisabeth et les Flamands, voulait lui retirer ses apanages. Catherine écrivit Villeroi pour obtenir de Henri III qu'il désavouât de telles intentions ; puis fit part au duc du projet de mariage avec l'infante, s'offrant pour solliciter une trêve du duc de Parme. Mais l'Espagnol exigeait d'abord qu'on lui rendît Cambrai ; la reine y tenait autant que son fils et, en attendant mieux, s'engagea à ravitailler la place[50]. Du côté de la Navarre, les négociations n'avançaient guère. Après Duplessis-Mornay, le roi étant revenu à Saint-Germain, on lui dépêcha d'Aubigné, qui parla à ce qu'il prétend avec une telle hardiesse qu'il fut bien aise de revenir sain et sauf. Il fallait cependant arranger cette sotte affaire. Henri III, conseillé par Catherine, en chargea Pomponne de Bellièvre[51], le plus habile diplomate de son royaume, et les instructions qui lui furent remises sont datées du 18 octobre 1583. — La reine Marguerite étant pour retourner à Nérac, y est-il dit, le roi et la reine auraient désiré que Mme de Duras et Mlle de Béthune ne l'accompagnassent pas, tant pour avoir senti que le roi de Navarre n'avait agréable qu'elles fussent auprès de la reine, que pour n'avoir leurs Majestés trop de satisfaction et contentement de leurs déportements. Néanmoins, leurs Majestés furent averties que ces deux dames avaient quitté Paris après la reine de Navarre, et prenaient le chemin qu'elle tenait comme si elles eussent délibéré de la rejoindre. La reine Catherine aurait alors prié le roi d'envoyer après elles et les contraindre au commandement qui leur était fait. Ou n'aurait ainsi nullement voulu arrêter la reine Marguerite ; on ne lui fit nulle insolence, et le roi prie son beau-frère de n'ajouter foi fi ceux qui lui ont rapporté le contraire. De même, le roi prie le roi de Navarre ne croire que les dites dames de Duras et de Béthune lui aient rien dit de sa femme, qui a son honneur en telle recommandation que requiert le sang royal dont elle est issue et la bonne et vertueuse nourriture qu'elle a eue par l'exemple de la reine sa mère. D'ailleurs, parmi les personnes arrêtées, une femme de chambre nommée Barbe, étant grosse et prête à accoucher, fait laissée à Fontainebleau et depuis a déclaré et juré que les bruits qui couraient contre l'honneur du la reine étaient faux et controuvés[52]. Bellièvre s'arrêta d'abord à Podensac on était Matignon et tous deux décidèrent avant toutes choses que, par mesure de prudence, il fallait doubler les garnisons de Dax, Condom et Agen. Matignon avait déjà augmenté la garnison de Bazas. C'était une complication nouvelle car le roi de Navarre, en représailles de l'affront subi par sa femme, s'empara de Mont-de-Marsan (21 novembre). C'est là que Bellièvre le vit le lendemain ; il ne gagna rien du reste et le roi dit nettement qu'il ne reprendrait Marguerite que si les garnisons des villes voisines de Nérac étaient retirées[53]. L'affaire, dès lors, ne devait plus être qu'un marchandage, et la conduite du Béarnais avec sa femme, en tout temps, nous avertit assez qu'il n'y avait plus même là une question de convenance, mais le désir de tirer bon parti de l'aventure. — Mis en demeure de retourner à Bordeaux, sans meilleure réponse, Bellièvre s'excusa près de la pauvre reine Margot : J'arrivai à Mont-de-Marsan, dit-il, à deux heures de nuit, et tous les propos que j'eus du roi furent plaintes, et surtout de ce fait de Bazas. Je m'excusai sur ce que, ces choses n'étant pas avenues par moi, il fallait qu'elles fussent traitées par M. de Matignon ; je remontrai au roi qu.il savait bien l'affaire pour laquelle j'étais venu. Il répondit que, pour le moment, il ne pouvait penser à autre affaire, mais qu'à mon retour tout se négocierait mieux. Je n'ai pas moyen de forcer les volontés d'un tel prince ; j'ai souffert ce coup tel qu'il me l'a voulu donner. Je vous supplie, Madame, de ne me l'imputer à faute de bonne volonté. M. de Birague, qui n'avait pas encore pu voir le roi votre mari, est resté à Mont-de-Marsan[54]. — Les lettres du capitaine Charles de Birague, s un de ces Italiens à l'esprit souple dont Catherine aimait à se servir, nous sont parvenues en partie. Il laissa le roi de Navarre récriminer ; puis : C'est vous, sire, qui ayez forcé la main au roi en vous emparant de Mont-de-Marsan, et vous avez renvoyé M. de Bellièvre sans réponse. Refuser de recevoir votre femme de quatre jours seulement sous prétexte de Bazas qui n'y touche en rien, c'est la déshonorer et faire penser que ce fut plutôt pour la mépriser que autrement et ce n'est pas le moyen que le roi fasse quelque chose pour vous. — Il ajoute, dans la même lettre adressée à Catherine : Il me sembla qu'il était quasi en peine, car il me dit qu'il envoyait un gentilhomme à Votre Majesté pour y satisfaire ; que je fisse que la reine, fille de Votre Majesté, vous recoin-mandat ses affaires, et que moi je fisse bon office. Je lui expliquai que la reine et moi nous ferions ce que nous pourrions[55]. — Le gentilhomme qu'envoya le roi de Navarre fut Pierre de Malras, baron d'Yolet, e qui vint trouver le roi, dit L'Estoile, pour supplier Sa Majesté de la part de son mai Ire, de vouloir faire lever de la ville de Bazas et autres lieux voisins les garnisons que le maréchal de Matignon y avait mises. La reine-mère lui parla, continue le chroniqueur, et se plaignit fort du mauvais traitement que recevait sa fille, enjoignant audit d'Yolet lui dire le mécontentement qu'elle en avait, avec tout plein de paroles aigres et fâcheuses, entremêlées de menaces au cas qu'il ne la reprit. A quoi le dit d'Yolet fit réponse assez bravement qu'il les ferait entendre à son maître, mais qu'il le connaissait pour prince qui ne se maniait pas à coups de bâton. — Le roi de Navarre, pourtant, avait promis de revoir Bellièvre et remit pour Marguerite une lettre dont les ternies étaient bien adoucis : Il importe, disait-il, quand nous nous rassemblerons, que ce soit de plein gré ; vous ferez, à mon avis, fort bien d'en faire instance à la reine votre mère, et lors je ferai paraître à tous que je ne fais rien par force. Aussi je ne crois rien sur les calomnies. C'est, ma mie, ce que je puis vous dire pour le présent. Sans ces brouillons qui ont troublé les affaires, nous aurions le contentement d'être ensemble à cette heure[56]. — il fallait d'ailleurs préparer Henri III à une transaction ; on la prévoyait nécessaire et Catherine pour l'y mieux disposer lui fit écrire par sa fille, qui n'avait plus alors qu'à se soumettre en attendant des jours meilleurs : Madame, dit-elle dans sa réponse à la reine-mère[57], suivant le commandement qu'il vous a plu me faire par plusieurs de vos lettres et le conseil que m'a donné M. de Bellièvre, que m'avez commandé de croire, j'écris au roi. Vous savez, madame, combien de fois j'ai recherché sa bonne grâce. Dieu veuille que, celle-ci, j'y sois plus heureuse. Puisqu'il ne m'a pu aimer par les mérites de mon service et de nia très humble affection, j'espère qu'ores que je suis accablée de tant de maux et d'ennuis, il m'aimera par pitié. Je ne doute point qu'il puisse faire beaucoup de bien comme il m'a fait de mal, lorsqu'il lui plaira me faire ressentir l'un comme il m'a fait éprouver l'autre. Outre qu'il montrera son bon naturel, il obligera une personne qui a l'honneur d'être sa sœur, qui de son naturel était très inclinée à l'honorer et aimer avant qu'il lui eût plu récompenser mon affection de sa haine, laquelle il me peut, s'il lui plaît, montrer être cessée, en faisant que le roi mon mari reconnaisse qu'à mon occasion il ne reçut que bien, et ne permettra que la paix se rompe, en laquelle j'estime ma vie attachée...[58] Les négociations au reste s'éternisaient. Monsieur de Bellièvre, écrit encore Marguerite sur
la fin de décembre, je vous avais envoyé un laquais
à Bordeaux pour savoir la réponse que Prallon vous avait rapportée, et voyant
qu'il n'est revenu, je crains qu'il ne vous ait trouvé, avant depuis su
qu'étiez avec le roi mon mari, auquel j'envoie ce porteur pour recevoir ses
commandements sur la résolution qu'il aura prise avec vous, vivant avec tant
d'ennui que je ne puis avoir repos cille je ne me voie hors de ce purgatoire,
que je puis bien nommer ainsi, ne sachant si vous me mettrez en paradis ou en
enfer ; mais quoi que ce soit, il est très malaisé que ce soit pis que ce que
depuis six mois l'on me fait éprouver[59]. — Mais la
résolution du Béarnais ne variait point et son entêtement devait avoir raison
de ses adversaires ; il voulait d'abord se débarrasser des troupes de
Matignon. Si je pensais, manda Henri III à
Bellièvre, que mon dit frère fût en vérité mû des
craintes et considérations qu'il met en avant contre les dites garnisons, je
m'efforcerais de le contenter et passerais dès à présent par dessus toutes
les raisons qui me retiennent de ce faire, car tant sen faut que mon
intention soit d'attenter à sa personne, que je désire plus que lui-même lui
ôter toute occasion de se défier de ma lionne volonté. Il ne
maintenait donc ses troupes que par raison de prudence jeté moi-même en défiance de la volonté de mon dit frère[60]. — Le roi de
Navarre, le sentant fléchir, tint bon dès lors : Aussitôt
que j'apprendrai que les garnisons seront ôtées suivant l'intention du roi,
je partirai pour aller à Nérac et y recevoir ma femme. (8 février.) Tirez
de Condom et d'Agen les deux compagnies qui y ont été mises, afin que je
puisse mieux, à mon plaisir, recevoir ma femme à Nérac. (Fin février.) — M. de Clairvaut avait en
effet obtenu de la lassitude de Henri III que les garnisons d'Agen et de
Condom seraient retirées et celle de Piazas limitée à cinquante chevaux. Le
roi de Navarre, auquel il fit part du fait, l'invita à en informer sa femme.
Mais le malheur l'avait rendue défiante. Puisque M.
de Clervaut, écrit-elle à Matignon avec lequel elle entretenait alors
une correspondance amicale, est venu de la part du
roi m'apporter l'assurance de sa résolution de me revoir bientôt, je pense
avoir occasion de croire que je verrai une prompte fin aux lenteurs qui m'ont
apporté tant de peine. Je crois qu'il y a des personnes qui n'ont l'esprit
bandé qu'à accroitre et entretenir le mal, et moi, misérable, je porte la
peine de tout. — Dans le commencement de l'année, elle avait pris sur
elle d'écrire à son mari pour le presser de conclure un arrangement commandé
par leur intérêt mutuel, et lui avait adressé en même temps son chancelier
Pibrac, rentré en grâce au milieu de ces événements pénibles, et La Mothe-Fénelon,
dont l'intégrité était reconnue, tous deux chargés de plaider sa cause. Ils vous diront, expliquait-elle, que la reine s'est délibérée de faire sortir la garnison
d'Agen. Je vous supplie, monsieur, que votre retardement ne rompe une si
bonne délibération, et que je puisse avoir cet heur que je souhaite tant, de
vous voir, ce que je prie Dieu qui puisse avec votre consentement avenir[61]. Pibrac fut chargé
de prononcer devant Henri III une harangue qui nous a été conservée et dans
laquelle le roi de Navarre récapitulait ses griefs[62]. Mais la maladie
du duc d'Anjou, sa fin de plus en plus certaine, firent davantage. Le roi
désirait se rapprocher de son beau-frère. La Huguerye et le capitaine de
Livarro indiquent de plus une des causes principales qui déterminèrent Henri
de Béarn à entrer en accommodement : Ceux de son
parti, dit La Huguerye, avaient refusé de
l'assister et cette affaire et avaient répondu ouvertement qu'ils ne
prendraient pas les armes pour cela[63]. Et Birague dit
à son tour : Les ministres protestants lui conseillaient
de reprendre sa femme, et s'il y avait guerre à cause d'elle, beaucoup n'étaient
pas disposés à le soutenir[64]. Mornay lui-même,
qui montra toujours beaucoup de déférence pour Marguerite, avait écrit au roi
pour lui persuader de s'accorder avec elle. Il retarda encore un peu, puis
s'exécuta[65].
Henri III put écrire à Matignon : Je sais comme de
Bellièvre a conduit l'affaire de ma sœur au point que je le pouvais désirer,
dont je suis content. Je vous remercie d'y avoir tant contribué de votre
femme que vous aviez envoyée vers ma sœur et qui l'a si bien assistée[66]. — Quelques
jours après la réconciliation, Bellièvre fut encore chargé de chapitrer
Marguerite, surtout pour ce concernait son entourage. Je vous prie lui dire avant votre partement, écrivit Catherine, et lui remontrer toutes les choses que vous savez mieux que
je ne le puis dire, qui méritent d'être considérées et faites par telles
personnes comme elle est, et aussi pour s'accompagner de gens d'honneur,
hommes et femmes ; car autre que notre vie ne nous fait honneur ou déshonneur
; la compagnie que nous avons-nous y sert beaucoup, et principalement aux
princesses qui sont jeunes et qui pensent être belles. — Et la vieille
reine, qui savait faire la moraliste à l'occasion et connaissait aussi bien
que personne ce qu'elle ne pratiquait pas, termine crument : Surtout qu'elle ne fasse plus cas de celles à qui son mari
fera l'amour, car il pensera qu'elle sera bien aise qu'il aime autre chose,
afin qu'elle en puisse faire même : qu'elle ne souffre plus qu'il fasse
l'amour dans sa maison à ses femmes et filles : jamais femme qui aime son mari
n'aimera sa putain[67]. La réunion des deux époux eut lieu enfin le 13 avril au Port-Sainte-Marie. Marguerite arriva la première. Le roi étant survenu l'embrassa sans dire un mot : puis rentrant tous deux dans l'habitation où était descendue la reine, ils montèrent dans une chambre du premier étage : après s'être montrés à la fenêtre, ils se retirèrent au fond de l'appartement et y restèrent une demi-heure. Enfin la reine remonta dans sa litière : le roi la suivit à cheval. Durant la route il lui parla familièrement ; puis dit à Birague, qui donne ce récit : Êtes-vous content de moi ?[68] Ils arrivèrent à Nérac vers quatre heures. et Michel de la Huguerye qui fut témoin de ce retour, l'a raconté dans ses Mémoires, en quelques phrases nettes et qui dénotent une singulière clairvoyance[69] : Peu après que j'eus laissé le sieur du Pin[70], le roi et la reine sa femme arrivèrent, et furent tous deux seuls se promenant en la galerie du château jusques au soir, où je vis celle princesse fondre en larmes incessamment, de telle sorte que quand ils furent à table où je les voulus voir — c'était fort tard, à la chandelle en ce temps-là —, je ne vis jamais visage plus lavé de larmes ni veux plus rougis de pleurs. Et me fit cette princesse grande pitié, la voyant assise près du roi son mari, qui se faisait entretenir de je ne sais quels discours vains par des gentilshommes qui étaient à l'entour de lui, sans que ni lui ni nul autre quelconque parlait à cette princesse, qui me fit bien juger ce que du Pin m'avait dit, que c'était par force qu'il l'avait reçue. Et soudain qu'ils furent levés de table, je me retirai sans que le roi m'eût vu, prévoyant que cette réconciliation-lit ne durerait guère, et que tel traitement ferait prendre à cette princesse nouveau parti au trouble qui allait éclore[71]. |
[1] On ignore si les Mémoires de Marguerite de Valois sont complets tels que nous les connaissons, ou si la suite en a été perdue. Varillas affirme à deux reprises qu'ils s'étendaient au delà et il semble bien que la reine avait projeté de les écrire en entier, car dans sa dédicace à Brantôme elle l'informe qu'elle doit rectifier sur plusieurs points ses assertions, notamment quand vous parlez d'Agen et aussi de la sortie de ce lieu (le château d'Usson) du marquis de Canillac ; or il s'agit de faits qui se rapportent aux années 1585 et 1587. — On a pensé assez justement que cette seconde partie des Mémoires contenait, pour plusieurs, des choses plutôt désobligeantes et que, simplement, on la supprima.
[2] Bibl. nat., fonds Dupuy, 217, f° 18 ; Ph. LAUZUN, Itinéraire, 210.
[3] GUESSARD, Mémoires et lettres de Marguerite de Valois ; Revue rétrospective, 1838.
[4] GUESSARD, Mémoires et lettres de Marguerite de Valois ; autogr. coll. Dupuy, 217, f° 19.
[5] Dans une troisième lettre, elle insiste encore sur le voyage du Béarnais, qui avait envoyé au roi M. de Clervaut : Bien lui a-t-il commandé et à moi encore plus expressément de vous écrire l'envie qu'il avait que vous vinssiez, assurant que vous feriez beaucoup plus aisément vos affaires vous-même que par autrui ; et pour ce qu'il s'en va aux bains où il ne veut avoir compagnie, il m'a commandé vous écrire que trouverez la reine ma mère et toute la Cour à Saint-Maur. J'espère qu'il sera de retour dans trois semaines pour le plus tôt. GUESSARD, loc. cit. Autogr. coll. Dupuy, t. 217, f° 7.
[6] L'ESTOILE, édit. Michaud, t. I, p. 148.
[7] A une lettre du roi de France qui le pressait de venir, Henri de Navarre répondit enfin comme l'avait pressenti Bellièvre : Monseigneur, je ne pourrais représenter à Votre Majesté le contentement que j'ai eu des lettres qu'il vous a plu m'écrire : esquelles me faites cette faveur de m'assurer de plus en plus de votre bonne grâce et bienveillance. Le plus grand honneur que je puisse avoir, c'est d'être près de Votre Majesté pour pouvoir déployer mon cœur devant Elle par quelques bons services. Mais une chose me retarde d'avoir cet heur si tôt, qui est que je désirerais, premier que partir d'ici, emporter ce contentement avec moi d'avoir éteint en cette province toute semence de troubles et altérations, pour n'avoir cc malheur et regret quand je serai près de Votre Majesté qu'il y advint encore quelque folie. Et pour parler franchement, quelque peine que nous y ayons prise, M. le maréchal de Matignon et moi, je ne vois encore cela si bien et si heureusement accompli qu'il serait à souhaiter. — Suivent de longs et minutieux détails sur l'état des provinces de la France méridionale, de nouvelles promesses et protestations de respect. Lettres missives, t. I, p. 484. — Duplessis-Mornay s'attribue d'ailleurs la rédaction de cette longue lettre. Bibl. nat., supp. du fonds fr., vol. 1009-4. Cf. Ph. LAUZUN, Itinéraire.
[8] Dr BOURGEOIS, Histoire de Crépy (Mémoires du Comité archéologique de Senlis, 1867-1871) ; Claude CARLIER, Histoire du duché de Valois, 1764. — Sur une des portes du château de Crépy existent encore les monogrammes de Marguerite et du roi de Navarre.
[9] Autogr. coll. Dupuy, t. 217, fo 21. Cf. GUESSARD, Mémoires et lettres de Marguerite de Valois.
[10] Il faut rapprocher de cette lettre le portrait de Marguerite tracé par Brantôme, qui est peut-être plus véridique qu'on ne le pense. Voyez, par exemple, la conversation avec Mme de Dampierre.
[11] Bibl. nat., coll. Dupuy, t. 111, f° 8, autog. — Cf. Lettres de Catherine de Médicis, t. VIII, p. 36. — Frontenac avait dit tout haut dans Paris que si Fosseuse s'en allait, le roi de Navarre ne viendrait jamais à la cour. A cela, dit encore le reine-mère, vous pouvez connaître comme il est sage et affectionné à votre honneur et réputation, que d'une folie de jeunesse en faire une conséquence du bien et repos de ce royaume. Je vous prie n'ajouter foi aux artifices dont tous usent pour vous empêcher de venir. Et elle l'engage encore à se rapprocher de son fils, comme mère qui vous aime, étant certaine que en votre vie n'entrera plus de contentement que recevrez du roi et de toute cette compagnie. — 12 juin 1582.
[12] Mémoires et lettres de Marguerite de Valois, édit. GUESSARD, p. 448 ; H. DE LA FERRIÈRE, Trois Amoureuses du seizième siècle. — La reine lui proposait une veuve, belle, honnête femme, ayant 30.000 livres de rente et 200.000 francs à la Banque, marché équivoque, mais qui n'étonne point lorsque l'on sait le peu de scrupule de ce temps.
[13] Mém. et lettres, édit. GUESSARD. — On a douté de l'authenticité des lettres à Chamvallon, publiées par M. Guessard dans l'édition de la Société de l'Histoire de France, et que Sainte-Beuve disait écrites en un style de haute métaphysique et de pur Phœbus ; M. Ch. Caboche, dans la très longue notice de l'édition Charpentier (Mém. de Marguerite de Valois, 1860), demande s'il n'y aurait point là plutôt un passe-temps qu'elle se serait permis durant ses loisirs, à Usson, un de ces exercices qu'elle essaya plus d'une fois au milieu de ses familiers hommes de lettres — On peut faire remarquer du reste que ces lettres ne sont pas autographes ; elles se trouvent dans un manuscrit de l'Arsenal faisant partie d'une collection intitulée : Recueil de Conrard.
[14] Biron, après une année de disgrâce, avait été nommé gouverneur de Picardie. D'après les lettres de Busbecq, il semble qu'à ce moment le duc obtint un concours actif de son frère. Le 15 décembre, Busbecq écrit que le maréchal et le duc de Montpensier ont pris leur chemin le long de la mer et doivent passer au-dessus de Bruges. — Biron n'avait avec lui que huit mille hommes d'infanterie et mille cavaliers, ayant purgé l'armée de tous les gens inutiles, — Lettres de Busbecq, dans CIMBER et DANJOU, Archives curieuses, t. X.
[15] D'AUBIGNÉ, Hist. universelle, t. VI, p. 3T5 ; cf. SULLY, DE THOU.
[16] Le duc essaya d'abord de rejeter la faute sur ceux d'Anvers ; on accusa aussi Biron d'avoir conseillé l'entreprise ; puis on convint qu'on s'était trompé, qu'il l'avait toujours blâmée au contraire. Lettres de Busbecq, Archives curieuses, t. X.
[17] CIMBER et DANJOU, Lettres de Busbecq, Archives curieuses, t. X.
[18] Il se plaignait aussi à son ambassadeur, Castelnau-Mauvissière, que les troupes anglaises envoyées en Flandres, au lieu de venir en aide au duc d'Anjou, gênaient ses mouvements et tenaient les gués des rivières pour l'empêcher de passer. — 14 février 1583. Mm. fr. 3308, f° 64.
[19] Bibl. nat., Ambassadeurs vénitiens, Filza 12, p. 438.
[20] Il dut cependant, après la querelle survenue au sujet de Fosseuse, se produire un rapprochement entre les époux, et elle n'avait pas renoncé à le faire venir si l'on s'en rapporte à une lettre du commencement de 1583 où, après avoir rapporté amicalement qu'on essayait de le desservir auprès du roi qui craignait également que son beau-frère ne fut empêché de se rendre -à la Cour, elle ajoute : Je l'assurai fort que non. Il me commanda de vous l'écrire et me dit qu'il vous écrirait incontinent qu'il serait revenu de la chasse où il est allé pour trois jours, non sans vous y souhaiter infiniment, et à une musique qui s'est faite dans le Louvre, qui a duré toute la nuit, tout le monde aux fenêtres à l'ouïr et lui qui dansait dans sa chambre, se plaisant beaucoup plus à de tels exercices qu'il n'a accoutumé. Et, si j'osais vous le dire, vous quitteriez l'agriculture et l'humeur de Timon pour venir parmi les hommes. Le temps n'y fut jamais si propice, pour les raisons que j'écris à M. de Ségur. Dans une lettre précédente, elle lui recommandait d'ailleurs de prendre ses sûretés. Autogr., coll. Dupuy, t. 217, f° 13. Édit. GUESSARD, Mém. et Lettres, etc.
[21]
On disait que le roi avait déjà donné à ses mignons six millions de livres, (BUBESCQ, Lettres,
1583). — Chose certaine, en 1587, le Parlement lui reprocha d'avoir plus levé
de deniers en France depuis qu'il était roi que n'avaient fait en deux cents
ans auparavant dix rois ses prédécesseurs ; et ce qui était le pis, on ne
savait pas où tout était allé ni ce qu'il était devenu, le peuple ne s'en étant
aucunement senti soulagé ni amendé. (L'ESTOILE, t. III, édit. Jouaust, p. 45.) — Les
libéralités de Henri III sont du reste assez bien indiquées par cette anecdote
de son secrétaire Benoise, qui fut ensuite maitre des comptes : Benoise ayant un jour oublié son portefeuille, le roi
l'ouvrit et y trouva un morceau de papier sur lequel, pour essayer sa plume, il
avait écrit : Trésorier de mon épargne. Le roi y ajouta : Vous
donnerez au sieur Benoise, secrétaire de mon cabinet et dont je suis content,
la somme de mille écus, et signa. Benoise étant revenu pour achever son
travail avec le roi, et bien agréablement surpris à la vue de ce billet, en fit
son remerciement d'une manière si touchante et si agréable que le roi reprenant
la plume ajouta un zéro, qui porta la somme à 30.000 livres. DE LA PLACE, Recueil,
t. V, p. 55. TALLEMENT
DES RÉAUX, Historiettes.
[22] Mémoires de la Huguerye. — C'était Marguerite de Gramont, fille d'Antoine de Gramont, vicomte d'Aure, et qui avait épousé Jean de Durfort. vicomte de Duras, chambellan du roi de Navarre. — Elle était fort galante et avait conquis les bonnes grâces de la reine Marguerite. Lettres missives, t. I. p. 573 — Dupleix, dont nous aurons à parler plus loin assez longuement, dit que Marguerite avait un jour porté des paroles d'amour incestueux à la reine Louise. De quoi le roi fut très sensiblement outré contre elle et contre son frère. Les pires ennemis de la reine Margot ne l'avaient pas encore présentée comme une entremetteuse.
[23] Comme il n'était pas bien venu auprès du roi, à cause que les favoris ne regardaient pas de bon trie ceux qui s'étaient déclarés pour le duc d'Anjou, il s'attacha au service de la reine de Navarre, et les favoris en prirent occasion de publier que l'amour en était la seule cause. VARILLAS, Hist. de Henri III, liv. VII. — Il faut rapprocher de ces propos le passage suivant des Anecdotes de M. DU VAIR : Comme Chamvallon se venait marier et qu'il n'était encore qu'à Dunkerque, Monsieur dépêcha M. du Vair pour d'autres affaires en France, et fit qu'un des garçons de la chambre lui donna une lettre de la part de M. Bodin pour rendre à Chamvallon, ce qu'il fit innocemment sans savoir ce que c'était ; et c'était une lettre sans signature, par laquelle on l'avertissait d'avoir été accusé par Salcède et, lui mandait-on de venir en diligence, croyant de pouvoir le faire assassiner en chemin ; mais il avait une fort bonne compagnie qui fit peur aux meurtriers ; et, arrivant à la cour, trouva que Bodin ne savait rien de la lettre. Monsieur le prévint, tout en riolle, disant qu'il pensait aller jouir de sa maîtresse, mais qu'il avait bien pris la baye.
[24] H. DE LA FERRIÈRE, Trois Amoureuses du seizième siècle.
[25] Elle ne peut rejoindre son mari, retenue ici par le manque d'argent. (Négociations diplomatiques avec la Toscane, IV, p. 465.) — D'après une lettre de Catherine, en date du 25 juin, il lui était promis 50.000 livres sur les arrérages de sa pension, et la reine-mère cherchait à se procurer de quoi la payer.
[26] Sur la fin de mai, il avait été question déjà d'un voyage de Catherine, que devait accompagner Marguerite, vers Calais et Boulogne, pour voir le duc d'Anjou. Lettres, t. VIII.
[27] Elle conféra avec lui et le réconforta de ses pertes le mieux qu'elle put, ledit seigneur ayant toujours été, depuis sa déroute d'Anvers, en fort mauvais état, et ses affaires bien décousues. L'ESTOILE, édit. Michaud, t. I, p. 163.
[28] Mém. et lettres de Marguerite de Valois, édit. GUESSARD, p. 434 ; Recueil de Conrard, V, p. 149.
[29] L'ESTOILE, BUSBECQ.
[30] VARILLAS ; Lettres de BUSBECQ ; MONGEZ, Histoire de Marguerite de Valois. Le roi était en route pour les eaux quand le courrier fut tué ; il revint précipitamment à Paris, bouleversé, tant la divulgation de sa dépêche pouvait avoir de conséquences. Il devait donc y avoir là autre chose que des potins sur sa sœur et les Guises avaient sans doute bien plus d'intérêt à s'en emparer.
[31] En quittant Chaulnes, le duc était revenu à son point de départ, la Fère. Catherine alla lui faire une seconde visite. On lui avait écrit qu'il s'était détaché entièrement d'Élisabeth ; c'était chose grave, car la reine anglaise passait pour vouloir se rapprocher de l'Espagne. Il lui affirma le contraire et Catherine se hâta d'avertir outre-Manche l'éternelle fiancée pour éviter de nouvelles complications et ne parla plus de l'union projetée avec la princesse de Lorraine. — Durant le séjour de la reine-mère, Biron amena 5.000 hommes de troupes aguerries, dont 2.000 Suisses. Cette petite armée qui pouvait facilement se grossir devint une source d'inquiétudes pour Philippe II. Pour empêcher une réconciliation avec les Flamands, il prescrivit à Tassis, son ambassadeur en France, d'insinuer de nouveau à Catherine qu'il serait disposé à donner une de ses filles au duc. — H. DE LA FERRIÈRE, les Projets de mariage de la reine Élisabeth, p. 275. — L'Estoile indique de son côté que la reddition de Dunkerque avait été faite selon le bruit courant, par l'intelligence secrète de Monsieur avec le roi d'Espagne, duquel il toucha de l'argent qui lui vint fort à propos pour la peine où il en était. — Édit. Michaud, t. I, p. 163.
[32] Le 31 juillet, elle écrit à Bellièvre qu'elle est avertie que la reine de Navarre a envoyé un homme exprès au duc d'Anjou pour le gagner et détourner s'il est possible de la bonne volonté qu'il montre avoir de se conformer aux intentions du roi et lui faire prendre quelque mauvaise résolution. Lettres de Catherine, t. VIII. — Marguerite cherchait sans doute une diversion de ce côté.
[33] On a cru longtemps que Catherine se trouvait éloignée de Paris. Ses lettres sont datées de Passy, du 30 juillet au 9 août ; le 8, elle écrit à Matignon et mentionne seulement que le roi est parti pour Olinville et Fontainebleau. — Catherine d'ailleurs habitait le plus souvent, non le Louvre, mais cet hôtel de la reine, depuis hôtel de Soissons, qu'elle avait fait construire par Jean Bullant.
[34] Le roi a reproché publiquement à sa sœur ses intrigues et ses dérèglements, lui nommant tous les amants qu'elle a eus depuis son mariage, l'accusant d'avoir eu un fils d'un commerce adultère, et précisant tellement les dates et les lieux qu'il semblait avoir été témoin des faits qu'il citait. (Busbecq.) Varillas, après avoir raconté le retour de Chamvallon et les bruits colportés par les mignons, dit encore : Le roi à qui l'on ne pouvait alors rien dire de si honteux pour sa sœur qu'il ne le crût, ajouta tant de foi à ce bruit qu'il chassa Chamvallon d'auprès d'elle, sans se mettre en devoir de prévenir, par quelque prétexte, le contre-coup de cet éloignement qui rejaillirait sur elle. Histoire de Henri III, liv. VII.
[35] Comte DE LA FERRIÈRE, Trois Amoureuses. L'Estoile dit seulement que la reine partit par commandement du roi, réitéré plusieurs fois, lui disant que mieux et plus honnêtement elle serait près de son mari qu'en la Cour de France où elle ne servait de rien C. BAGUENAULT DE PUCHESSE, Le renvoi par Henri III de Marguerite de Valois, Revue des Questions historiques, liv. d'octobre 1901 ; Négociations diplomatiques avec la Toscane ; Lettres de BUSBECQ, MONGEZ, etc. Busbecq ajoute même qu'elle eut ordre de délivrer la Cour de sa présence contagieuse.
[36] Les Nouveaux Mémoires de Bassompierre, recueillis par le président Hénault. Paris, 1803.
[37] DUPLESSIS-MORNAY (Mémoires) place la scène entre Palaiseau et Saint-Clair, à quatre lieues de Paris. D'après une des versions qui nous sont parvenues, Marguerite fut démasquée ainsi que les daines de sa suite par un officier allemand nommé Solern ou de Solre, qui devait s'assurer que Chamvallon n'était pas avec elle, puis conduite à l'abbaye de Ferrières près de Montargis. Selon d'autres, Larchant arrêta à Chevreuse les dames de Duras et de Béthune qui s'étaient échappées de l'hôtel de Nesle où elles avaient d'abord cherché refuge près de la duchesse de Nevers, amie de Marguerite, qu'elles devaient rejoindre à Chartres, et on leur aurait même donné des coups et des soufflets. Le roi attendait ses prisonnières à l'abbaye de Ferrières avec un prévôt qui les interrogea chacune en particulier sur la vie, les mœurs et déportements de leur maîtresse, et reçut leurs dépositions par écrit. Cf. MONGEZ ; L. DE SAINT-PONCY, Histoire de Marguerite de Valois ; D'AUBIGNÉ, Histoire universelle, t. VI, p. 170-171, notes.
[38] Dans la Harangue que fut chargé plus tard de prononcer Pibrac pour le roi de Navarre quand sa femme reçut un mauvais traitement an Bourg-la-Reine, près Paris. (Arch. curieuses, t. X,) il est dit également que les prisonniers subirent six ou sept interrogatoires ; qu'on leur fit signer leurs dépositions et que pour se venger ils publièrent partout ces particularités. Dans les Livres de trésorerie de Marguerite, il n'est d'ailleurs question à ce moment ni de voyage secret, ni d'absence de Paris, ni même de maladie, à plus forte raison d'accouchement. La reine était innocente de ce qu'on lui mettait dessus, put bien écrire Brantôme, je le sais.
[39] D'après les Nouveaux Mémoires de Bassompierre, c'était un écuyer de la reine, nominé Butti, ami de Chamvallon, un valet de chambre et un musicien joueur de luth. Ils restèrent incarcérés près de trois mois.
[40] Les livres de comptes ont permis d'établir un itinéraire où il n'est question de Vendôme, ni chose à remarquer, d'un crochet par Montargis. De Palaiseau (10 août) Marguerite gagna Ablis, puis Chartres (13 août) ; le 21, elle était à Chateaudun, le 22 à Marchenay (Marchenoir),le 23 à Blois, le 25 à Amboise, le 26 à Plessis-lez-Tours, le 31 à Chinon.
[41] Bibl. de Saint-Pétersbourg ; cf. H. DE LA FERRIÈRE, Archives des Missions scientifiques, 1865, et PH. LAUZUN, Archives hist. de la Gascogne, fasc. 11. 1886, Lettres inédites de Marguerite de Valois. — Elle recommande ensuite à la reine-mère ses pauvres officiers qui n'ont pu être payés par la nécessité où elle s'est trouvée depuis beaucoup d'années. — Il faut indiquer une fois pour toutes que les lettres de Marguerite sont très rarement datées et que leur placement est toujours un peu arbitraire.
[42] Lettres-missives, t. I, p. 571, 12 août 1583 ; cf. Mémoires de Philippe de Mornay, t. IV, supplément, p. 175, Amsterdam, 1651. — M. Ph. Lauzun a élevé des doutes sur l'authenticité de cette lettre, sans toutefois que ses raisons nous semblent décisives.
[43] Dans une autre lettre datée du 4 décembre, Busbecq revient sur cette idée : Ceux qui connaissent le caractère de cette princesse assurent qu'elle saura bien se venger d'un aussi grand affront.
[44] On essaya en effet de rejeter l'affaire de Palaiseau sur des subalternes. D'Aubigné rapports, lorsqu'il fut envoyé à son tour, que la reine prête à monter en carrosse pour aller trouver Monsieur redescendit pour lui parler, et dit qu'elle ferait mourir de ces coquins et marauds qui avaient offensé sa fille. Histoire, t. VI, p. 172.
[45] DUPLESSIS-MORNAY, Mémoires, t. II, cf. Relation de ce qu'avait fait M. Duplessis-Mornay auprès du roi Henri III, y estant envoyé par le roi de Navarre. Bibl. nat., fonds Brienne, vol. 295, f° 229-231.
[46] Bibl. rat. fonds fr. 15891, p. 316 ; cf. Lettres de Catherine de Médicis, t. VIII, appendice.
[47] Bibl. rat. fonds fr. 15891, p. 316.
[48] H. DE LA FERRIÈRE, les Projets de mariage de la reine Élisabeth, p. 276-278.
[49] Négociations diplomatiques avec la Toscane, t. IV, p. 406.
[50] Lettres de Catherine de Médicis, t. VIII ; H. DE LA FERRIÈRE, les Projets de mariage, etc.
[51] Le roi, dit Busbecq, a envoyé Bellièvre au Navarrais pour chanter en son nom la palinodie et raccommoder le mari avec la femme. Le roi se repent d'avoir noté son propre sang par un mouvement de colère ; il s'excuse maintenant de ce qu'il a cru trop légèrement de faux rapports... Il est constant qu'il ne se laissa emporter que parce qu'il crut que sa sieur avait trempé dans la mort de ce courrier dont j'ai parlé, qu'il envoyait au duc de Joyeuse. 4 décembre 1583. CIMBER et DANJOU, t. X.
[52] Lettres de Catherine de Médicis, t. VIII, appendice. — Une partie de la correspondance de Bellièvre est en copie au fonds Brienne, t. 295 et en originaux fonds fr. 4736 et 15981. — L'Estoile rapporte que Henri III envoya Bellièvre avec mandement exprès et lettres écrites et signées de sa main par lesquelles il enjoignait à son beau-frère de ne faillir de meure promptement à exécution sa volonté. Entre les autres traits qui étaient dans les dites lettres du roi, celui-ci en était un : Qu'il savait comme les rois étaient sujets à être trompés par faux rapports, et que les princesses les plus vertueuses n'étaient pas bien souvent exemptes de la calomnie, même pour le regard de la feue reine sa mère, qu'il savait ce qu'on en avait dit et combien On en avait toujours mal parlé. Le roi de Navarre, ayant vu ces lettres, se prend à rire, et en présence de toute la noblesse qui était là, dit à M. de Bellièvre : Le roi me fait beaucoup d'honneur par toutes ses lettres ; par les premières il m'appelle cocu et par ses dernières fils de putain. Je l'en remercie. Édit. Michaud, t. I, p. 164.
[53] Bibl. nat. fonds p. 15891, p. 330. Cf. Ce que monsieur de Bellièvre a dit au roi de Navarre pour lui persuader de reprendre la royne sa femme ; la réponse du roy de Navarre au sieur de Bellièvre et la réplique du sieur de Bellièvre. Bibl. nat. fonds Brienne, n° 295, f° 247-256, et man. fr. 233314 f° 63.
[54] Bibl. nat. fonds fr. 15981, p. 393. — En réponse à cette lettre de Bellièvre, Marguerite écrivit : J'ai appris par M. de Lésignan ces garnisons nouvelles qui sont venues bien à propos pour ceux qui désirent tenir mes affaires en longueur. Je vous supplie, excusez les aigreurs qu'auriez pu remarquer et ne vous lassez de bien faire et pour le service du roi et pour tirer de peine une misérable qui ressentira éternellement une si grande obligation, et par la dépêche que vous ferez, ce qu'il pourrait y avoir d'aigreur, selon votre prudence accoutumée, je vous supplie l'adoucir. M. de Lésignan m'a dit force honnêtes paroles de la part du roi mon mari qui me prie de ne m'ennuyer point de ces longueurs et de ne les prendre en mauvaise part, que ce n'est faute de bonne volonté ni d'amitié en mon endroit, mais que je dois désirer pour notre bien et honneur de tous deux qu'il en soit ainsi, et que soudain que vous aurez donné ordre à ce qu'il vous a dit, qu'il me verra et m'écrira par le seigneur Charles [de Birague]. Bibl. nat. fonds fr. 15907, p. 764. Cf. Lettres de Marguerite de Valois à Pomponne de Bellièvre, publiées par M. Tamisey de Larroque (Annales du Midi, 1897).
[55] Bibl. imp. de Saint-Pétersbourg ; cf. comte H. DE LA FERRIÈRE dans les Archives des Missions scientifiques, 1865.
[56] HALPHEN, Lettres inédites de Henri IV ; Lettres-missives, t. IX, p. 190-191.
[57] Une lettre de Catherine de Médicis en date du 21 novembre 1583 mentionne la réponse de Marguerite et sa lettre au roi ; c'est ce qui nous a permis de placer ici ces deux pièces qui nous avaient semblé d'abord un peu plus anciennes. Sire, dit-elle à Henri III, si les malheurs ne tombaient que sur moi je serais seule misérable ; mais considérant qu'ils sont communs, bien qu'ils soient différents, cette différence ne m'est tant reprochable comme doit être la malice de ceux qui, par leurs calomnies voudraient, baptiser mon malheur exécrable, ce qui n'est pas, Sire. Votre jugement soit donc mon juge équitable. Quittez la passion et vous plaise de considérer ce que, pour vous obéir, m'a fallu endurer. Encore que je sois votre sœur et servante, et vous mon seul confort, j'espérais en la bonté de vous comme roi chrétien, et que Dieu, lequel vous servez si bien, conservera en vous la pitié que vous devez à tous, etc. Coll. Dupuy, t. 217, p. 187 ; édit. GUESSARD, p, 296.
[58] Autog. coll. Béthune, vol. 8888, p. 197 ; édit. GUESSARD, p. 295.
[59] Bibl. nat. fonds fr. 15907, p. 769 ; cf. LAUZUN, Itinéraire. Les fonds français et Dupuy de la Bibliothèque nationale comprennent de nombreuses lettres de Marguerite relatives aux négociations de son retour à Nérac.
[60] Lettres-missives de Henri IV, t. I, p. 624 ; lettre du roi Henri III, janvier 1584.
[61] Lettre publiée par M. FEUILLET DE CONCHES, Causeries d'un curieux, t. III, p. 109.
[62] CIMBER et DANJOU, Archives curieuses, t. X.
[63] Mémoires, t. II.
[64] Bibl. de Saint-Pétersbourg : cf. H. DE LA FERRIÈRE, Deux années de mission, p. 33.
[65] Je ne pouvais arriver à Nérac que samedi ou dimanche, qui est le temps des dévotions : j'ai trouvé bon ce que ma femme ma mandé, d'attendre jusqu'après Pâques. — 1er avril. — Cependant, Marguerite écrit encore à Bellièvre : Je vous supplie si vous êtes encore à Bordeaux m'obliger tant de m'écrire ce que vous aurez appris pour mes affaires, de quoi la longueur m'accable tellement que je pense que j'en demeurerai sous le faix. La lettre qu'il a plu à la reine m'écrire m'a beaucoup consolée comme celle aussi que je reçois de vous, qui acquiert sur moi une si grande obligation qu'il est impossible que j'en perde jamais la souvenance. Ceux de la religion de ces contrées disent que le roi mon mari sera dans peu de jours à Nérac, où il fait accommoder quelque citadelle, et que, étant achevée, il m'y viendra recevoir. TAMISEY DE LARROQUE, Annales du Midi, 1897.
[66] J. DE CAILLIÈRE, Histoire du maréchal de Matignon, p. 165.
[67] Lettres de Catherine de Médicis, t. VIII, p. 180 ; lettre du 25 avril 1584.
[68] Bibl. de Saint-Pétersbourg ; cf. H. DE LA FERRIÈRE, Trois Amourettes du seizième siècle.
[69] T. II, p. 315. Michel de la Huguerye avait été envoyé en mission à la Cour de Navarre par le prince de Condé.
[70] Il s'agit de ce même secrétaire du roi de Navarre avec lequel la reine avait eu des difficultés à Pau.
[71] Marguerite, qui avait à remercier tous ceux qui s'étaient entremis pour elle, affecta cependant d'être satisfaite. Madame, écrivit-elle à sa mère, Yolet vous dira l'honneur et la bonne chère que j'ai reçus du roi mon mari et mon ami, et le contentement auquel je suis. — TAMISEY DE LARROQUE, Annales du Midi, 1897. — Mais le récit de La Huguerye indique assez que la réalité était moins brillante.