LA REINE MARGOT ET LA FIN DES VALOIS (1553-1615)

PREMIÈRE PARTIE. — LA FIN DES VALOIS

 

CHAPITRE VI.

 

 

Embarras du roi. — Fuite du roi de Navarre. — Henri III est forcé de traiter. — La paix de Monsieur (1576). — Les États de Blois. — Commencement de l'affaire de Flandre. — Le voyage de Marguerite à Spa.

 

Jusqu'alors Catherine avait tiré bon parti du mariage de sa fille, ayant réussi à maintenir parmi les jupes des dames de la Cour le chef naturel des huguenots. La fuite du duc d'Alençon remettait tout en question. Pour les réformés, dit d'Aubigné, c'était friandise d'avoir un fils de France pour chef. — De Dreux, le prince avait publié sa déclaration, fondée comme elles sont toutes sur la conservation et rétablissement des lois et statuts du royaume,de quoi le roi, toute la Cour et la ville de Paris furent merveilleusement troublés[1]. —Catherine offrit à Henri III de ramener le fugitif, et partit le 21 septembre accompagnée du cardinal de Bourbon et de l'évêque de Mende, après avoir eu un long entretien avec le maréchal de Montmorency, toujours détenu à la Bastille ; elle emportait une lettre de lui pour son fils. Mais le duc, averti que les seigneurs de Nevers et de Matignon assemblaient des troupes, ne l'attendit pas, et la vieille reine dut le poursuivre de ville en ville. Le 5 octobre elle entra à Blois, d'où il était parti la veille. Elle le rejoignit à Chambourg, mais le duc refusa de négocier avant qu'on eût mis en liberté les deux maréchaux de Montmorency et de Cossé ; le roi dut les élargir et les employer même pour obtenir un arrangement. Le temps pressait, car Danville s'apprêtait à soutenir le duc d'Alençon avec quatorze mille hommes dans le Languedoc. Thoré s'avança en Champagne avec cinq mille autres, qui n'étaient que l'avant-garde des troupes rassemblées en Allemagne par Condé. Enfin, l'Électeur palatin menaçait les Trois-Évêchés. Le complot, on le voit, avait été sérieusement machiné. — Le duc de Guise, gouverneur de la Champagne, alla au-devant de Thoré et le défit près de Dormans le 11 octobre, — bataille dans laquelle il reçut un coup d'arquebuse qui lui emporta une partie de la joue et de l'oreille gauche, ce qui lui valut par la suite le surnom de Balafré. Le 14 octobre, arriva la nouvelle de la prise d'Issoire par les huguenots. Le roi avait bien levé quelques troupes, mais, dit L'Estoile, les compagnies de gens de guerre, épars par toute la France, vaguaient sans aucune discipline, pillant, volant et saccageant le pauvre peuple à toute outrance et pis qu'ennemis déclarés. Enfin, le 20 novembre, Catherine conclut une trêve de six mois, à Châtellerault, où le duc d'Alençon avait consenti à la suivre, le roi s'obligeant à donner à son frère, pour sa sûreté, les villes d'Angoulême, Niort, Saumur, Bourges et La Charité. Mais la trêve ne fut point observée et Catherine revint fort mal contente. Le gouverneur de Bourges, François de Montigny de la Grange, et Ruffec, gouverneur d'Angoulême, avaient refusé de remettre leurs places au duc, malgré les ordres du roi et de la reine mère, desquels les gouverneurs faisaient fort peu de cas en ce temps de guerre, étant rois eux-mêmes ; et il fallut offrir Tours, Amboise et Blois à choisir au duc d'Alençon à la place de ce qui lui était contesté. Puis, le 1er janvier 1576, on apprit que le duc, Thoré et Simier avaient bu du vin empoisonné. C'est un artifice, écrivit Catherine à l'ambassadeur Castelnau qui négociait derechef à Londres le mariage de son fils avec Élisabeth ; il provient de ceux qui ne demandent qu'à empirer les choses. — Mais ce qui ne fut pas un artifice, c'est que le roi de Navarre, la reine mère à peine rentrée à Paris, prit à son tour le large (3 février). — Après le départ du duc d'Alençon, le roi, raconte Marguerite, ne lui avait pas montré meilleur visage, mais en faisait aussi peu de cas qu'à l'accoutumée, ce qui le confirmait en la résolution qu'il avait prise. — Elle ajoute qu'elle était malade alors d'une grosse fièvre, durant laquelle maladie, le roi mon mari, ou qu'il fut fort occupé à disposer son partement, ou qu'ayant à laisser bientôt la Cour il voulut donner ce peu de temps qu'il avait à y être à la seule volupté de jouir de la présence de sa maîtresse, Mme de Sauve, ne put avoir le loisir de me venir voir en ma chambre ; et revenant pour se retirer à l'accoutumée à une ou deux heures après minuit, couchant en deux lits comme nous faisions toujours, je ne l'entendais point venir ; et se levant avant que je fusse éveillée, pour se trouver au lever de madame ma mère, où Mme de Sauve allait, il ne se souvenait point de parler à moi, comme il avait promis à mon frère, et partit de cette façon sans me dire adieu. — Le roi, en recevant la déclaration du duc d'Alençon, lancée à Dreux, l'avait montrée à son beau-frère, qui n'eut garde de se trahir : Je sais assez, fit-il, que valent toutes ces déclarations-là ; on m'en a fait faire de telles pendant que j'étais avec le feu amiral et les autres huguenots ; Monsieur m'en dira des nouvelles et de ces gens qui le mettent en besogne. Il sera du commencement leur maitre, mais peu à peu ils en feront leur valet ; je sais qu'en vaut l'aune. Le rusé Béarnais enfin avait fait semblant d'être en mauvais ménage avec le duc et n'affecter aucunement le parti des huguenots, ayant gagné ce point par sa dextérité et bonne mine que les plus grands catholiques, voir jusques aux tueurs de la Saint-Barthélemy ne juraient plus que par la foi qu'ils lui devaient. Il paraît qu'on lui avait promis la charge de lieutenant général du royaume et qu'il eut avis par Mme de Carnavalet et Mme de Sauve, qu'on allait la donner ; au duc d'Alençon pour cimenter la paix. Il sortit de Paris pour chasser dans la forêt de Senlis, se défit de ses gardes et de ses espions, et d'une grande traite vint passer la Seine près de Poissy, gagna Châteauneuf-en-Timeraye, puis Alençon, où il abjura la religion catholique en plein prêche, et de là se retira au pays du Maine et d'Anjou. — Jusqu'à ce qu'il eût passé la Loire, dit l'Estoile, il ne dit mot, mais aussitôt après, jetant un grand soupir et levant les yeux au ciel, dit ces mots : Loué soit Dieu qui m'a délivré. On a fait mourir la reine ma mère à Paris ; on y a tué M. l'Amiral et tous mes meilleurs serviteurs ; on n'avait pas envie de me mieux faire si Dieu ne m'eût gardé. Je n'y retourne plus si l'on ne m'y traîne. Puis gaussant à sa manière accoutumée, disait : Qu'il n'avait regret à Paris que pour deux choses qu'il y avait laissées, qui étaient la messe et sa femme. Toutefois, quant à la première, qu'il essayerait de s'en passer ; mais de l'autre qu'il ne pouvait et qu'il la voulait ravoir. — C'était pour elle peut-être sa première parole aimable.

Je ne laissai pas d'être soupçonnée du roi, continue Marguerite, que j'étais la seule cause de ce parlement, et jetant feu contre moi, s'il n'eût été retenu par la reine ma mère, sa colère, je crois, lui eût fait exécuter contre ma vie quelque cruauté. Mais étant retenu par elle, et n'osant faire pis, soudain il dit à la reine ma mère que, pour le moins, il me fallait bailler des gardes pour empêcher que je ne suivisse le roi mon mari, et aussi pour engarder que personne ne communiquât avec moi, afin que je ne les avertisse de ce qui se passait à la Cour. — Catherine essaya encore d'arranger les choses et remontra qu'on aurait peut-être à se servir de sa fille. Elle entra chez Marguerite qui s'habillait pour voir un peu le cours du monde sur ces nouveaux accidents et fit tout pour excuser le roi, contraint de la consigner dans sa chambre. La reine de Navarre demeura quasi emprisonnée à son tour, visitée du seul Crillon[2] qui vint cinq ou six fois la voir, étonnant tellement ceux qui gardaient la porte qu'ils n'osèrent jamais le dire ni lui refuser le passage. — En attendant, les deux princes étaient dehors, ce qu'on avait toujours voulu empêcher, et les embarras du roi, dépourvu d'argent et ainsi de troupes, croissaient chaque jour. Catherine, en traitant avec le duc d'Alençon avait surtout voulu éloigner Condé qui n'attendait que l'heure d'entrer en France avec le duc Jean-Casimir, fils de l'Électeur palatin. Mais Henri III hésita tellement à donner satisfaction à son frère que les Allemands, après s'être arrêtés à Charmes, en Lorraine, envahirent le Bussigny, traversèrent la Bourgogne, et, passant la Loire du côté de La Charité, vinrent se joindre au duc d'Alençon dans le Bourbonnais. Dès les premiers jours de février, on sut qu'ils avaient rançonné Dijon pour deux cent mille francs et la Chartreuse pour douze raille, pris et saccagé Nuits. A eux trois, les princes, Condé, d'Alençon et le roi de Navarre, faisaient une armée de plus de cinquante mille hommes, dit Sully. Ce fut à Catherine que revint encore la tache ingrate de négocier avec son fils et avec les Allemands. Le roi, dit Marguerite, se voyait attaqué en Gascogne, Dauphiné, Languedoc, Poitou, et du roi mon mari et des huguenots qui tenaient plusieurs belles places, et de mon frère en Champagne, qui avait une grosse armée, composée de la plus brave et gaillarde noblesse qui fût en France[3]. La reine mère, au moment de partir, parla d'emmener Marguerite, mais Henri III préféra la garder comme otage. Le duc d'Alençon insistait et ne voulait traiter de la paix avant qu'on eût mis sa sœur en liberté. La reine ma mère voyant cette réponse, revint et représenta au roi ce que lui avait dit mon frère ; qu'il était nécessaire, s'il voulait une paix, qu'elle y retournât, mais que d'y aller sans moi, son voyage serait encore inutile ; qu'aussi de m'y mener sans m'avoir premier contentée, que j'y nuirais plutôt que d'y servir et que même il serait à craindre qu'elle eût peine à me ramener, et que je voulusse aller trouver le roi mon mari. — Henri de Bourbon, en effet, mieux conseillé depuis qu'il n'était plus sous le charme de Mme de Sauve, avait écrit à sa femme, lui faisant de grandes protestations d'amitié, la priant de le tenir averti de l'état des affaires ; et, captive encore, étroitement surveillée, elle avait trouvé moyen de correspondre. Le 13 mars, enfin, les députés des huguenots et catholiques associés étaient arrivés à Paris avec Beauvais la Nocle pour discuter les conditions de la paix[4] ; le duc d'Alençon demandait une augmentation d'apanage ; le roi de Navarre, que, la paix étant faite, il lui fut permis de se retirer avec sa femme dans ses terres de Béarn ; que le roi ratifiât le traité d'alliance fait par son bisaïeul Jean d'Albret avec le roi Louis XII, et lui prêtai secours pour recouvrer son royaume de Navarre ; qu'on lui payât les deux cent mille livres restant de la dot de sa femme et les intérêts. Il voulait en outre le gouvernement effectif de la Guyenne. Au reste, les négociations ne suspendirent pas les hostilités de la part des protestants. Les reîtres venaient courir aux environs de Paris. Les gens du roi, aussi, pillaient et saccageaient de leur côté et pour leur compte[5]. — Henri III se décida à renvoyer la reine mère accompagnée de Marguerite qu'il avait essayé de payer de bonnes paroles, s'excusant et la conviant à son amitié. Suivie de la reine de Navarre et de l'escadron volant de ses filles d'honneur, Catherine se rendit au château de Chastenay, près de Sens, où le rendez-vous était pris. Mon frère s'y trouve, reprend Marguerite, accompagné des principaux seigneurs et princes catholiques et huguenots de son armée, entre lesquels étaient le due Casimir et le colonel Poux, qui lui avaient amené six mille reîtres. L'on traita là, par plusieurs jours, les conditions de la paix, y ayant plusieurs disputes sur les articles, principalement sur ceux qui concernaient la religion. On accorda même aux huguenots des conditions plus avantageuses qu'on n'avait envie de leur tenir, le faisant, la reine ma mère, seulement pour renvoyer les reîtres et retirer mon frère d'avec eux, — qui n'avait pas moins d'envie de se séparer pour avoir toujours été très catholique et ne s'être servi des huguenots que par nécessité. Habilement, d'ailleurs, Catherine profita de la fuite du roi de Navarre pour représenter à son fils que, par le fait même, le premier rang lui échappait. Enfin, au commencement de mai, l'édit de la pacification étant résolu et dressé à Valeri, les reîtres, tant amis qu'ennemis se retirèrent vers la frontière de Lorraine, attendant qu'on fournit au duc Casimir le premier paiement, montant à 325.000 livres, des 3 millions et 600.000 livres a lui promises et accordées pour la soulte des Allemands et Suisses venus en France, pour la sûreté de laquelle somme et pour avoir si bien ruiné la France, on lui bailla une grande partie des plus précieuses bagues du cabinet du roi et trois ou quatre grands seigneurs pour Otages, sans les quarante mille livres de pension annuelle, qui lui furent accordées pour le retenir ami du roi et confédéré de la couronne de France[6]. — Le duc d'Alençon avait obtenu l'Anjou, le Berry, la Touraine et le Maine, et touchait cent mille livres ; le roi de Navarre devait avoir le gouvernement de la Guyenne ; le prince de Condé, celui de la Picardie ; les réformés, l'exercice de leur religion avec toutes ses dépendances, hormis deux lieues de la Cour et de Paris ; déclaration particulière pour le rétablissement des états et honneurs de l'amiral et de tous ceux qui ont été jugés après la Saint-Barthélemy ; et ce que les réformés commençaient à mettre en clause principalement, c'étaient les sûretés. On leur donnait donc Aigues-Mortes, Beaucaire, en Languedoc ; Cenne, la grande tour et le circuit d'icelle, en Provence ; Nyon et Serres, ville et château, en Dauphiné ; Issoire, en Auvergne ; Le Mas de Verdun et Périgueux, en Guyenne ; sans comprendre en ce rang Bourges et ce qui demeurait à Monsieur, Saint-Jean donné au prince de Condé, et Cognac qui le devait être en remplacement d'Angoulême. Tout cela — bien que nommé légèrement dans les articles généraux de la paix — recevait sa vigueur par des articles secrets, qui portaient et le nombre des gens de guerre et l'état des paiements[7]. A la réhabilitation de Coligny on ajouta enfin celle de Montgommery, et, par un rapprochement qui ne se voit que dans les époques troublées, on accola à ces noms ceux de La Mole et Coconas. — Henri III avoua tristement que cette paix lui coûtait bien cher, mais en fait, abandonné de tous, il s'était trouvé à la merci des rebelles. Il pouvait accuser de plus son indolence et son imprévoyance. — Pour payer, il taxa et emprunta, saisit même les rentes de l'Hôtel de Ville au grand mécontentement de tous, fait qui se reproduisit du reste trop souvent sous son règne ; mais, lorsqu'il voulut, faire chanter le Te Deum et puis faire feu d'allégresse par la ville, le clergé et le peuple ne voulurent entendre ni à l'un ni à l'autre. Le lendemain, le Te Deum solennel fut chanté par les chantres du roi, en la grande église Notre-Dame, mais en l'absence des chanoines, chapelains et chantres, lesquels ne s'y voulurent trouver ; puis fut fait le feu d'allégresse devant l'Hôtel de Ville, et la paix, le jour même, par six trompettes et hérauts du roi, publiée sur la Table de marbre en la Salle, et sur la Pierre de marbre en la cour du palais, avec fort peu d'allégresse des assistants et écoutants[8]. — Pour les catholiques, en effet, une telle paix, toute favorable aux protestants, était une trahison. L'opposition fut générale et se traduisit peu après par l'organisation de la Ligue.

Le duc d'Alençon avait invité sa sœur Marguerite à se faire comprendre dans le traité, lui faisant lors établir l'assignat de sa dot en terres. Mais, dit-elle, la reine ma mère me pria que je ne le permisse, et qu'elle m'assurait que j'aurais du roi ce que je lui demanderais. — Elle n'obtint pas même l'autorisation de se rendre auprès du roi de Navarre qui lui avait écrit, l'invitant à demander son congé. Catherine plaida, la larme à l'œil, prétextant d'abord que son gendre s'était remis huguenot, et, comme sa tille insistait, finit par dire que si elle revenait sans moi, que je la ruinerais ; que le roi croirait qu'elle me l'aurait fait faire et qu'elle lui avait promis de nie ramener, et qu'elle ferait que j'y demeurerais jusques à ce que mon frère y fût ; qu'il y viendrait bientôt et que soudain après elle me ferait donner mon congé. — Marguerite ne devait pas de sitôt quitter la Cour. Le roi, mis au courant des intrigues des Ligueurs, et d'ailleurs peu disposé à laisser les huguenots jouir de ce qu'à regret ou par force on leur avait accordé, commença par se réconcilier avec son frère, lequel demeura un mois ou deux à venir, pour donner ordre à renvoyer les reîtres et licencier le reste de son armée. Monsieur tenait sa cour à Bourges, dit d'Aubigné, y ayant attiré Fervaques, Hochepot, Bussy, Lafin, Simier et autres, desquels il prenait avis en ses principales affaires... Étant de nouveau pressé de se trouver aux États, comme personne de qui l'absence en un tel lieu donnerait de mauvaises pensées, Bussy, mal satisfait, lui fit refuser le voyage jusqu'à ce qu'on eut entièrement accompli les avantages à lui octroyés. Ce que le roi fit parachever de tout point, comme ne voulant rien épargner pour délier son frère du parti. Et lors la reine se servit de la reine de Navarre, sa fille, qui par ses anciennes familiarités avec Bussy le gagna, et lui son maître, pour prendre le chemin de Blois[9]. — Mais d'Aubigné précipite un peu les choses. L'entrevue des deux frères eut lieu à Olinville, près de Châtres (Arpajon), sous Montlhéry[10], terre que le roi venait d'acheter pour la reine sa femme (7 novembre) et incontinent qu'on sut leur bon accord, il fut certain, pour les huguenots et catholiques associés de la dernière guerre, que le duc allait changer de parti[11]. Le roi le reçut avec tout honneur, dit Marguerite, et fit bonne chère à Bussy aussi, qui y était. N'ayant son esprit bandé qu'a la ruine des huguenots, il se voulait servir de mon frère contre eux pour les rendre irréconciliables ; et craignant pour cette même raison que j'allasse trouver le roi mon mari, nous faisait à l'un et à l'autre toutes sortes de caresses et de bonne chère pour nous faire plaire à la Cour. Et voyant qu'en ce même temps M. de Duras était arrivé de la part du roi mon mari pour me venir quérir, et que je le pressais si fort de me laisser aller qu'il n'y avait plus lieu de me refuser, il me dit, montrant que c'était l'amitié qu'il me portait, et la connaissance qu'il avait de l'ornement que je donnais à la Cour, qui faisait qu'il ne pouvait permettre que je m'en allasse que le plus tard possible, qu'il me conduirait jusqu'à Poitiers, et renvoya M. de Duras avec cette assurance[12]. — Marguerite dut se contenter ainsi. Une des conditions du traité avait été la convocation des États généraux, qui devaient se réunir à Blois sur la fin de novembre. Les protestants s'en promettaient beaucoup, et le roi plus encore. Il demeura quelques jours à Paris, dit encore la reine, retardant à me refuser ouvertement mon congé qu'il eut toutes choses prêtes pour déclarer la guerre. Les Ligueurs, déjà, faisaient grand bruit, s'enrôlant et signant, tacitement du su du roi, montrant vouloir élire Messieurs de Guise. Il ne se parla d'autre chose à la Cour depuis Paris jusqu'à Blois, où devaient se tenir les États ; durant l'ouverture desquels le roy appela mon frère en son cabinet, avec la reine ma mère, et quelques-uns de Messieurs de son conseil. Il lui représente de quelle importance était pour son État et son autorité la ligue que les catholiques commençaient, même s'ils venaient à se faire des chefs et qu'ils élussent ceux de Guise ; qu'il y allait du leur plus que de tout autre (entendant de mon frère et de lui) ; que les catholiques avaient raison de se plaindre, et que son devoir et conscience l'obligeaient à mécontenter plutôt les huguenots ; qu'il priait et conjurait mon frère, comme fils de France et bon catholique qu'il était, de le vouloir conseiller et assister en cette affaire. Ajoutant à cela qu'il lui semblait que pour couper chemin à cette dangereuse ligue, que lui-même s'en devait faire le chef, et la faire signer à tous les princes et seigneurs, gouverneurs et autres, ayant charge en son royaume. Mon frère ne put lors que lui offrir le service qu'il devait à Sa Majesté, et à la conservation de la religion catholique. Le roi ayant pris assurance de l'assistance de mon frère, soudain fait appeler tous les princes et seigneurs de sa Cour, se fait apporter le rôle de la dite Ligue, s'y signe le premier comme chef, et y fait signer mon frère et tous les autres qui n'y avaient encore signé.

Le lendemain s'ouvrirent les États (6 décembre 1576), gardés, dit d'Aubigné, de 2.000 soldats du régiment des gardes, de 1.200 Suisses, de 200 gentilshommes, sans compter les quatre compagnies des gardes du corps, les Cent-Suisses ordinaires, les gardes de la Reine, Monsieur et autres princes[13]. A la fin de novembre, on avait encore fait passer par la ville quatre régiments de pied pour loger aux bourgades les plus proches, si bien que les États se tenaient dedans une armée de 10.000 hommes de guerre. — Dès l'entrée furent poignardés dans les logis quelques gentilshommes, et cela fut attribué par les uns aux ennemis particuliers, par les autres au commandement de la reine. Le roi, sans doute par feinte, fit en ouvrant les séances une belle harangue où il évita toute allusion ic à la guerre huguenote qu'il avait promise, et sollicita le concours de tous pour rétablir la paix et l'unité dans le royaume. On demanda ensuite, car il fallait bien parler d'argent, deux millions d'or comptant au Tiers, et assignation de cent millions pour les dettes de la Couronne. — La reine Marguerite qui assistait à la cérémonie, vêtue, dit Brantôme, d'une robe d'orangé et noir, le champ noir avec force clinquant, et portant le grand voile de majesté, attira, paraît-il, l'attention davantage que les graves propos du roi son frère, encore qu'il eût dit et harangué des mieux. Toutefois, on n'était pas venu uniquement pour l'admirer, et dans les séances qui suivirent et jusqu'à la fin de février 1577 que durèrent les États, la discussion fut aigre et en somme peu favorable aux protestants. La France était lasse de concessions qui ne faisaient que grandir la force des réformés. La majorité était catholique et réclama hautement l'unité de religion, pourvu, dit L'Estoile, que cela se fit avec toute douceur et sans rentrer, s'il était possible, en guerre. — Le roi déclara donc qu'il révoquait ce qu'il avait accordé, comme par force et contraint[14]. Il négocia avec les princes huguenots, mais inutilement. Condé refusa même d'entendre les envoyés des États. Le maréchal Danville et le roi de Navarre firent des protestations en ternies généraux. Certains députés persistèrent à demander jusqu'à la fin qu'on n'employât que les voies de douceur ; ceux de Paris même représentèrent que la misère était si grande dans tout le royaume qu'on ne trouverait pas le vingtième de l'argent nécessaire pour mener la guerre durant une année seulement, et qu'il y avait deux cents villes occupées par les rebelles, dont la n'oindre occuperait un mois l'armée royale[15]. L'assemblée, après de grands débats, conclut à la rupture de l'édit, à une seule religion, à ôter tout exercice public et privé du protestantisme. Mais pour faire la guerre il fallait de l'argent, car on n'y employait que des mercenaires et surtout des étrangers, qui coûtaient gros, vivaient à nos dépens. Or le roi n'avait pas d'argent ; il n'en avait jamais. Il dut à nouveau pressurer, rançonner ses bonnes villes ; il leur demanda douze cent mille livres, et à Paris trois cent mille, qui finit par lui en accorder un tiers ; Catherine trouva même à emprunter cent mille livres à Baptiste Gondi et autres partisans italiens[16]. — Le roi ayant déclaré la guerre aux huguenots, dit Marguerite, renvoya Genissac qui depuis quelques jours était là de la part du roi mon mari pour avancer mon parlement, avec paroles rudes, pleines de menaces, lui disant qu'il avait donné sa sœur à un catholique, non à un huguenot ; que si le roi mon mari avait envie de m'avoir, qu'il se fit catholique. Toutes sortes de préparatifs se font et ne se parle à la Cour que de guerre ; et pour rendre mon frère plus irréconciliable avec les huguenots, le Roi le fait chef d'une de ses armées. Genissac m'étant venu dire le rude congé que le roi lui avait donné, je m'en vais droit au cabinet de la reine ma mère, où le roi était, pour nie plaindre de ce qu'il m'avait jusques alors abusée, m'ayant toujours empêchée d'aller trouver le roi mon mari, et ayant feint de partir de Paris pour me conduire à Poitiers, pour me faire un effet si contraire. Je lui représentai que je ne m'étais pas marié pour plaisir ni de ma volonté ; que ç'avait été de la volonté et autorité du roi Charles, de la reine nia mère et de lui ; que puisqu'ils me l'avaient donné, qu'ils ne me pouvaient point empêcher de courre sa fortune ; que j'y voulais aller ; que s'ils ne me le permettaient, je nie déroberais et irais de quelque façon que ce fût, au hasard de ma vie. Le roi me répondit : Il n'est plus temps, ma sœur, de m'importuner de ce congé. J'avoue ce que vous dites, que j'ai retardé exprès pour vous le refuser du tout ; car depuis que le roi de Navarre s'est refait huguenot, je n'ai jamais trouvé bon que vous y allassiez. Ce que nous en faisons, la reine nia mère et moi, c'est pour votre bien. Je veux faire la guerre aux huguenots et exterminer cette misérable religion qui nous a fait tant de mal ; et que vous qui êtes catholique et êtes ma sœur, fussiez entre leurs mains comme otage de moi, il n'y a point d'apparence. Et qui sait si, pour nie faire une indignité irréparable, ils voudraient se venger sur votre vie du mal que je leur ferai ? Non ! Non !vous n'irez point ; et si vous tachez à vous dérober comme vous dites, faites état que vous aurez et moi et la reine ma mère pour cruels ennemis, et que nous vous ferons ressentir notre inimitié autant que nous en aurons de pouvoir.

Marguerite, perplexe, prit l'avis des principaux de la Cour, de ses amis et amies, et on lui conseilla, dit-elle, d'obtenir au moins de s'éloigner ; même qu'il me serait plus honorable de trouver, s'il était possible, quelque prétexte pour sortir du royaume, ou sous couleur de pèlerinage, ou pour visiter quelqu'une de mes parentes. Mme la princesse de la Roche-sur-Yon était de ceux que j'avais assemblés pour prendre leur avis, qui était sur son partement pour aller aux eaux de Spa. Mon frère aussi y était présent, qui avait amené avec lui Mondoucet, agent du roi en Flandre, qui depuis était revenu et avait représenté au roi combien les Flamands souffraient à regret l'usurpation que l'Espagnol faisait sur le roi de France de la domination et souveraineté de Flandre ; que plusieurs seigneurs et communautés des villes l'avaient chargé de lui faire entendre combien ils avaient le cœur français et que tous lui tendaient les bras. Mondoucet, voyant que le roi méprisait cet avis, n'ayant rien en la tête que les huguenots, s'adressa à mon frère... qui n'aimait qu'à entreprendre choses grandes et hasardeuses, étant plus à conquérir qu'a conserver. Pour cette cause, il s'était mis au service de mon frère, qui le renvoyait en Flandre sous couleur d'accompagner Mme de La Roche-sur-Yon aux eaux de Spa ; et voyant que chacun cherchait quelque prétexte apparent pour me pouvoir tirer hors de France durant cette guerre, il dit tout bas à mon frère : Monsieur, si la reine de Navarre pouvait feindre avoir quelque mal à quoi les eaux de Spa pussent servir, cela viendrait bien à propos pour votre entreprise de Flandre, où elle pourrait frapper un grand coup. Mon frère le trouva fort bon et fut fort aise de cette ouverture, et soudain s'écria : Ô reine, ne cherchez plus ; il faut que vous alliez aux eaux de Spa. Je vous ai vu autrefois un érysipèle au bras ; il faut que vous disiez que lors les médecins vous l'avaient ordonné, mais que la saison n'y était pas si propice ; qu'à cette heure c'est leur saison, que vous suppliez le roi vous permettre d'y aller[17].

Marguerite, cette fois, nous donne réellement ses motifs et ceux du duc d'Anjou. S'il avait rompu avec ses anciens alliés, c'est que des propositions sérieuses lui étaient venues du côté des Flandres et qu'il n'entrevoyait plus rien à tenter en France. Il s'était laissé séduire par la perspective d'une couronne ducale, et, afin de se ménager l'appui de Henri III, avait accepté le commandement d'une partie des forces destinées à agir contre les protestants[18]. Il fallait, en Flandre, lui préparer la voie. Marguerite comprit de suite ce qu'on attendait de sa finesse, et pour ce frère qu'elle aimait tendrement se décida à tenter l'aventure. Quel qu'ait été le degré de leur intimité, — nous reviendrons plus loin sur cette question, — il était celui des trois qu'elle avait toujours préféré. Elle-même raconte comment naquit leur amitié durant la maladie de Charles IX : Étant à Saint-Germain, mon frère d'Alençon employait toutes sortes de recherches et moyens pour se rendre agréable à moi, afin que je lui jouasse amitié, car jusques alors, pour ce qu'il avait toujours été nourri hors de la cour, nous ne nous étions guère vus et n'avions pas grande familiarité. Enfin, m'y voyant conviée par tant de soumissions et de subjections et d'affection qu'il me témoignait, je me résolus de l'aimer et embrasser ce qui lui concernait ; mais toutefois avec telle condition que ce serait sans préjudice de ce que je devais au roi Charles, mon bon frère, que j'honorais sur toutes choses. Il me continua cette bienveillance, nie l'ayant toujours témoignée jusques à la fin. — François d'Anjou, s'il a mauvaise figure dans l'histoire, ne semble pas non plus d'ailleurs avoir payé de mine. Il avait si mauvaise grâce que rien plus, dit Sully, à cajoler les dames, danser et courir la bague. Il avait le visage mangé par la variole au point qu'il semblait avoir deux nez[19], était phtisique comme Charles IX, et comme lui devait mourir avec des vomissements et des sueurs dé sang. Mais Marguerite, peut-être, l'aima d'autant mieux qu'il était plus disgracié de nature. Ce sont là des délicatesses de femme, et elle n'eut jamais pour lui que du dévouement et de la tendresse.

Catherine, qui sans doute était déjà au courant de l'intrigue dont le voyage de Spa fournissait le prétexte, approuva et fit semblant d'en retenir les raisons apparentes[20] ; la question de convenance lui parut très soutenable ; le roi même fut assez content, dit la reine de Navarre, de m'avoir pu empêcher d'aller trouver le roi mon mari, qu'il haïssait lors plus qu'aucun au monde. Il dépêcha un courrier à don Juan d'Autriche, qui commandait pour le roi d'Espagne en Flandre, pour le prier de laisser passer librement sa sœur au pays de son autorité, tant que chacun sembla conspirer pour la réussite de l'entreprise. — Marguerite était d'ailleurs un instrument merveilleux pour de telles négociations, et l'on a pu très justement la considérer comme une des femmes les plus remarquables du seizième siècle. Elle réunissait en elle tous les dons et tous les défauts des Orléans-Valois. Elle avait pris la noblesse de la démarche et le grand air royal de son frère Henri III, et nulle reine, même, n'eut mieux qu'elle cette attitude royale, — ne fut davantage une reine. De Louis XII elle rappelait les mœurs douces et faciles, et son aveuglement pour ceux qu'il aimait. De son grand-père, François Ier, c'était la vanité et tout l'amour de la gloire ; de son père, l'affabilité, les airs et les manières populaires, — et aussi la légèreté, l'inconstance, les caprices et les passions ; des Valois en général, elle tenait le goût des sciences, des arts, une grande facilité pour l'étude des langues et des lettres[21]. Du reste, astucieuse comme sa mère, dissimulée, dénuée de certains scrupules, vive et emportée sous son regard voluptueux et tendre, elle s'abandonnait trop à son sens et portait dans tout ses instincts de grandeur, — instincts tantôt généreux et tantôt bizarres, — mais qu'elle voulait satisfaire quand même. La politique intrigante de Catherine, avec elle, ne fut presque toujours que de l'intrigue, et son caractère fut plus avisé que politique, tout d'entraînement, du moment et de l'occasion. Par fierté, elle écoutait trop ces bouffées d'humeur qui osent, bravent, provoquent, et habitua, ses contemporains à voir en elle une de ces femmes hardies que l'audace amène à la licence et dont l'effronterie trouvait plaisir dans le mépris de l'opinion[22]. — Quels qu'aient été ces qualités et ces défauts, toutefois, c'est à partir de ce moment que sa personnalité se dégage ; jusqu'alors, elle disparaissait dans les événements généraux et s'y trouvait au plus mentionnée ; maintenant, nous allons la voir agir par elle-même, comme souveraine et comme femme, que ce soit ou non à son avantage, et son début fut ce voyage de Spa où elle se révéla avec les qualités maîtresses d'un diplomate.

Elle ne partit pas immédiatement. Son frère passa quelques jours à l'instruire des offices qu'il désirait d'elle, puis la quitta, de Gien pour La Charité dont l'armée royale allait faire le siège. La ville se rendit le 2 mai et fut saccagée. — Le 28 mai seulement, le jour même où le duc d'Anjou, continuant la campagne, commençait le siège d'Issoire[23], la reine de Navarre se mettait en route avec la princesse de La Roche-sur-Yon, Mme de Tournon, sa dame d'honneur, Mme la marquise de Mouy, Mlle d'Atrie, Mlle de Tournon, sept ou huit autres filles, le cardinal de Lenoncourt[24], évêque d'Auxerre, l'évêque de Langres, le marquis de Mouy et les gens de sa maison. — J'allais, dit-elle, en une litière faite à piliers doublés de velours incarnadin d'Espagne, en broderie d'or et de soie nuée, à devise ; cette litière vitrée et les vitres toutes faites à devises, y ayant ou à la doublure ou aux vitres quarante devises toutes différentes, avec les mots en espagnol et italien sur le soleil et ses effets. Derrière sa litière, venaient celles de la princesse de La Roche-sur-Yon et de Mme de Tournon, dix filles d'honneur à cheval avec leur gouvernante, et six carrosses ou chariots où était le reste de la compagnie. Marguerite passa par la Picardie, où les villes avaient commandement du roi de la recevoir selon ce qu'elle avait l'honneur de lui être, et, étant arrivée au Catelet, Louis de Berleymont, évêque de Cambrai, envoya au-devant d'elle pour savoir l'heure de son départ afin de la venir attendre à l'entrée de ses terres. — Elle devait arriver le soir même ; mais un accident de voiture, survenu fort à propos, lui permit de passer la nuit dans l'hôtellerie du bourg, où justement était arrivé le matin un seigneur affligé, par sympathie sans doute, d'un érysipèle au visage, le duc de Guise, dissimulant ainsi sa balafre, et que, toujours amoureuse, la princesse introduisit dans sa chambre[25]. Dans ses Mémoires, elle a passé cet incident sous silence comme bien d'autres aventures, et se garde bien de dire qu'en route elle avait dominé un tel rendez-vous. — A Cambrai, l'évêque la reçut, bien accompagné de gens qui avaient les habits et l'apparence de vrais Flamands. Il y eut festin et bal, mais l'évêque se retira avant le souper, se dérobant aux séductions de la reine. Elle gagna au moins le gouverneur, Baudoin de Gavre, seigneur d'Inchy, qui se hâta de rendre ou plutôt de vendre la place au duc d'Anjou lorsqu'il fut devenu le chef des confédérés dans les Pays-Bas. Le gouverneur de Cambrai fut du reste si bien capté par Marguerite qu'il voulut l'accompagner jusqu'à Namur on l'attendait don Juan d'Autriche. — De Cambrai, la compagnie se rendit à Valenciennes, où M. le comte de Lalain, M. de Montigny, son frère et plusieurs autres seigneurs et gentilshommes, jusqu'au nombre de deux ou trois cents, vinrent la prendre. Marguerite, qui donne des impressions assez justes dans le cours de son voyage sur les choses qu'elle vit, remarqua à Valenciennes les fontaines et les horloges avec industrie propre aux Allemands, qui étaient grande merveille à nos Français, ne leur étant commun de voir des horloges représenter une agréable musique de voix avec diverses sortes de personnages. — M. de Lalain, cette ville étant de son gouvernement, dit-elle[26], fit fête aux seigneurs et gentilshommes de ma troupe, remettant à Mons de traiter les dames, où sa femme, sa belle-sœur et toutes les plus apparentes et galantes dames de ce pays-là m'attendaient pour me recevoir. — Le comte de Lalain était d'ailleurs à moitié gagné d'avance, la domination de l'Espagnol lui ayant toujours été odieuse, et en étant très offensé depuis la mort du comte d'Egmont qui lui était proche parent. — A Mons, il logea chez lui la reine de Navarre, qui s'y trouva avec la comtesse sa femme, Marguerite de Ligne et bien quatre-vingts ou cent daines du pays ou de la ville, qui l'accueillirent e non comme princesse étrangère, mais comme si j'eusse été leur naturelle dame, le naturel des Flamandes étant d'être privées, familières et joyeuses. Elle fut même si bien fêtée et cajolée à Mons, qu'elle y resta huit jours, ne perdant pas son temps, car elle s'entendit de suite avec le comte et la comtesse de Lalain. Cambrai et le Hainaut assurés, c'était en somme le chemin ouvert jusqu'au cœur de la Flandre. Marguerite, finement, engagea du reste le comte de Lalain à parler lui-même au gouverneur de Cambrai. — Je ne voulus, dit-elle, découvrir la parole que j'en avais, mais lui dis que je le priais de s'y employer, ce qu'il pourrait mieux faire que moi, étant son voisin et ami ; et lui avant assuré de l'état qu'il pouvait faire de l'amitié et bienveillance de mon frère, nous résolûmes qu'à mon retour, je m'arrêterais chez moi, à La Fère[27], où mon frère se rendrait, et que là, M. de Montigny viendrait traiter de cette affaire.

La Flandre était alors la proie offerte à toutes les convoitises, à toutes les ambitions. On y voit passer l'un après l'autre don Juan d'Autriche ; un futur empereur, l'archiduc Mathias ; le duc Jean-Casimir et le prince de Condé. Don Juan y trouvera la mort, tous les autres n'y recueilleront que de la honte. — Deux grands partis se partageaient alors le pays : le parti national et catholique, défendant ses libertés et ses franchises contre le despotisme étroit de Philippe II le parti protestant et démocratique, s'appuyant sur la Zélande et la Hollande, reconnaissant pour chef le prince d'Orange, Guillaume le Taciturne. Habile et profond politique, Guillaume se servait de toutes les ambitions, tenait dans sa main toutes les intrigues, et ne poursuivait qu'un but, l'affranchissement de son pays. La haine commune de l'étranger reliait entre eux ces deux partis. Découragé par de récents revers, Philippe II venait d'envoyer don Juan d'Autriche dans les Flandres, non pour combattre, mais pour traiter. Le 1er janvier, don Juan avait signé l'humiliant traité qu'on appela l'édit perpétuel. Les franchises des Pays-Bas étaient maintenues, le droit de lever l'impôt remis aux États qui en revanche promettaient de reconnaître don Juan pour leur gouverneur lorsque les derniers Espagnols auraient évacué les provinces[28]. Mais on savait que ce n'était là qu'une trêve et le prince allait le montrer bientôt. — Le comte de Lalain avec toute la noblesse, continue Marguerite, me conduisit le plus avant qu'il put, bien deux lieues de son gouvernement... Ayant fait peu de chemin, je trouvai don Juan d'Autriche accompagné de force estaffiers, mais seulement de vingt ou trente chevaux, ayant avec lui de seigneurs : le duc d'Arscot, M. d'Havrach, le marquis de Varambon et le jeune Balançon, gouverneur pour le roi d'Espagne du comté de Bourgogne qui, galants et honnêtes hommes étaient venus en poste pour se trouver là à mon passage. Des domestiques de don Juan, n'y en avait de nom ni d'apparence qu'un Ludovic de Gonzague, qui se disait parent du duc de Mantoue. Le reste était de petites gens de mauvaise mine, n'y ayant nulle noblesse de Flandre. Il mit pied à terre pour me saluer dans ma litière, qui était relevée et toute ouverte. Je le saluai à la française, lui, le duc d'Arscot et M. d'Havrach. Après quelques honnêtes paroles, il remonta à cheval, parlant toujours à moi jusques à la ville, où nous ne pûmes arriver qu'il ne fût soir, pour ne m'avoir les dames de Mons permis de partir que le plus tard qu'elles purent, même m'ayant amusée dans ma litière plus d'une heure à la considérer, prenant un extrême plaisir à se faire donner l'intelligence des devises. L'ordre fut toutefois si beau à Namur — comme les Espagnols sont excellents en cela — et la ville si éclairée que les fenêtres et les boutiques étant pleines de lumière, l'on voyait luire un nouveau jour.

Don Juan connaissait déjà Marguerite. Il avait paru à la Cour, se rendant de Milan en Flandre, dans une de ces fêtes que la reine Catherine prenait tant de plaisir à organiser, mais au grand regret de la reine mère, n'était venu qu'incognito, travesti en Maure. Brantôme, qui rapporte le fait, assure qu'il n'avait voulu que voir Marguerite qu'il avait longuement admirée, dansant avec le roi son frère, et avait déclaré qu'il la mettait au-dessus des Italiennes et des Espagnoles, toutefois que sa beauté plus divine qu'humaine fut plus faite pour damner les hommes que pour les sauver. — Il avait alors trente-deux ans, était joli homme et dans toute la gloire de sa victoire de Lépante, et passait pour aimer beaucoup les femmes. La reine pouvait donc le croire tout à son service, et, si elle devait bien penser qu'il n'aiderait pas ses projets, ne doutait nullement qu'il lui fit bon accueil. De fait, elle séduisit et enchanta tous les capitaines espagnols de son armée : La conquête d'une telle beauté, disait le refrain d'une de leurs chansons soldatesques, vaut mieux que celle d'un royaume. Mais dans le luxe que don Juan déploya pour la recevoir, dans les fêtes qu'il lui donna, la galanterie ne fut pour rien. Le politique l'emporta sur l'amoureux[29]. — Le soir, poursuit Marguerite, don Juan fit servir moi et mes gens dans les logis et les chambres, estimant qu'après une si longue journée il n'était raisonnable de nous incommoder d'aller à un festin. La maison où il me logea était accommodée pour me recevoir, et l'on avait trouvé moyen d'y faire une belle et grande salle et un appartement pour moi de chambres et de cabinets, le tout tendu des plus beaux, riches et superbes meubles que je pense jamais avoir vu, étant toutes les tapisseries de velours ou de satin, avec des grosses colonnes faites de toiles d'argent, couvertes de broderies de gros cordons et de godrons de broderies d'or ; et au milieu de ces colonnes, de grands personnages habillés à l'antique, et faits de la même broderie. — M. de Lenoncourt, s'étant rendu familier du duc d'Arscot, apprit que ces étoffes avaient été envoyées au prince par un pacha du grand seigneur dont il avait eu les enfants prisonniers à Lépante et les avait rendus sans en prendre de rançon ; le pacha lui avait alors fait présent d'un grand nombre d'étoffes de soie, d'or et d'argent, qui lui arrivant à Milan, où l'on approprie mieux telle chose, il en avait fait faire ces tapisseries ; et pour la souvenance de la glorieuse façon de quoi il les avait acquises, il fit faire le lit et la tente de la chambre de la Reine, en broderies de batailles navales, représentant la victoire qu'il avait gagnée sur les Turcs.

Le matin venu, don Juan nous fit ouïr une messe à la façon d'Espagne, avec musique, violons et cornets ; et allant de là au festin de la grande salle, nous dinâmes, lui et moi seuls en une table, la table du festin où étaient les dames et seigneurs éloignée de trois pas de la nôtre, où Mme de Havrach faisait les honneurs pour Don Juan ; lui se faisant donner à boire à genoux par Ludovic de Gonzague. Les tables levées, le bal commença, qui dura toute l'après-dînée. Le soir se passa de cette façon, don Juan parlant toujours à moi, et me disant souvent qu'il voyait en moi la ressemblance de la reine sa signora, qui était la feue Reine ma sœur, me témoignant par tout l'honneur et courtoisie qu'il pouvait, qu'il recevait très grand plaisir de me voir là. — Les bateaux où je devais aller par la rivière de Meuse jusqu'à Liège ne pouvant être sitôt prêts, je fus contrainte de séjourner le lendemain, où avant passé toute la matinée comme le jour de devant, l'après-dînée nous mettant dans un très beau bateau sur la rivière, environné d'autres bateaux pleins de hautbois, cornets et violons, nous abordâmes en une île où don Juan avait fait apprêter le festin, dans une belle salle faite exprès de lierre, accommodée de cabinets autour, remplis de musique et hautbois et autres instruments, qui dura tout le long du souper. Les tables levées, le bal ayant duré quelques heures, nous nous en retournâmes dans le même bateau qui nous avait conduit jusque-là, lequel don Juan m'avait fait préparer pour mon voyage[30].

La Reine se remit en route le lendemain au milieu des compliments des Espagnols ; mais aussitôt les désagréments commencèrent. Mlle de Tournon, une des filles d'honneur, se trouva soudain malade et mourut à Liège quelques jours après ; à Huy, première ville de l'évêché, un débordement de la rivière faillit submerger toute la compagnie. — Cependant l'évêque de Liège, Gérard de Groesbek, reçut magnifiquement Marguerite et lui céda même son propre palais, que la reine trouva beau et commode, accompagné de très belles fontaines et de plusieurs jardins et galeries ; le tout tant peint que doré, accommodé avec tant de marbre, qu'il n'y a rien de plus magnifique. — La ville, ajoute-t-elle, est plus grande que Lyon et presque en même assiette, la rivière de Meuse passant au milieu, — très bien bâtie, n'y ayant maison de chanoine qui ne paraisse un beau palais ; les rues larges et grandes, les places belles accompagnées de très belles fontaines ; les églises ornées de tant de marbre qu'elles en paraissent toutes ; les horloges faites avec l'industrie d'Allemagne, chantant et représentant toute sorte de musique et de personnages. — Les eaux de Spa n'étaient plus qu'à trois ou quatre lieues ; les médecins conseillèrent de les faire apporter à Liège, assurant qu'elles seraient aussi bonnes, et d'autant qu'à Spa il n'y avait rien pour se loger. La compagnie demeura donc, visitée de plusieurs dames et seigneurs allemands. On fit un beau service à Mlle de Tournon, qui était morte de douleur, parait-il, frappée par le délaissement d'un homme qu'elle aimait. Puis le temps se passa en promenades, bals et festins. Marguerite avait accompli sa mission et pouvait revenir. Jamais ambassadeur, au milieu des réceptions et des fêtes, n'aurait su plus habilement venir à bout de ses projets. Mais si la traversée de la Flandre n'avait été pour la reine de Navarre qu'une sorte de voyage triomphal, son retour devait ressembler presque à une fuite. — Henri III, sur lequel le duc d'Anjou comptait pour l'aider, fut repris de crainte ; il prévint secrètement les Espagnols du but véritable de Marguerite, et, d'accord avec le roi de France, les Espagnols décidèrent de s'assurer de sa personne. — Voulant partir pour retourner, reprend la reine, Mme d'Havrach arriva, qui s'en allait retrouver son mari en Lorraine, qui nous dit l'étrange changement qui était survenu à Namur et en tout ce pays-là depuis mon passage ; que le jour même que je partis, don Juan montant à cheval passa devant la porte du château de Namur, lequel il ne tenait encore ; et feignant par occasion vouloir le voir s'en était saisi (24 juillet 1577), et outre ce, s'était saisi du duc d'Arscot, de M. d'Havrach et d'elle ; que toutefois après plusieurs remontrances et prières. il avait laissé aller son beau-frère et son mari[31], la retenant, elle, jusques alors, pour lui servir d'otage de leurs déportements, et que tout le pays était en feu et en arme. — La reine de Navarre devait donc passer entre les mains des uns et des autres, les Espagnols ou les huguenots, qui se défiaient également de ses intrigues. Le duc d'Anjou lui avait envoyé un gentilhomme nommé Lescar, par lequel il lui mandait que Dieu lui avait fait la grâce de si bien servir le roi qu'il avait pris toutes les villes qu'il lui avait commandé d'attaquer, et chassé les huguenots de toutes les provinces pour lesquelles son armée était destinée ; qu'il était revenu à la Cour à Poitiers, où le roi était durant le siège de Brouage pour être plus près de l'armée de M. de Mayenne[32] ; mais que comme la Cour est un Protée qui change de forme à toute heure, il l'avait trouvée toute tournée, et que l'on avait fait aussi peu de cas de lui que s'il n'eût rien fait pour le service du Roi ; que Bussy, à qui le Roi faisait bonne chère avant que partir[33], et qui avait servi en cette guerre de sa personne et de ses amis, jusques y avoir perdu son frère à l'assaut d'Issoire, était aussi défavorisé et persécuté qu'il avait été du temps de Le Gast ; qu'on leur faisait tous les jours à l'un et à l'autre des indignités ; que les mignons qui étaient auprès dit roi avaient fait pratiquer quatre ou cinq des plus honnêtes hommes qu'il eut, pour quitter son service et se mettre à celui du roi ; avait su de bon lieu que le roi se repentait fort d'avoir permis ce voyage de Flandre et que l'on tâcherait de me faire quelque mauvais tour en haine de lui, ou par les Espagnols ou par les huguenots, pour se venger du mal qu'ils avaient reçu de lui, leur ayant fait la guerre après l'avoir assisté.

Marguerite se trouva fort ennuyée, voyant, dit-elle, que même les principaux de ma compagnie étaient affectionnés ou aux Espagnols ou aux huguenots ; Mgr le cardinal de Lenoncourt ayant autrefois été soupçonné de favoriser le parti des huguenots, et M. d'Escarts, duquel Mgr l'évêque de Lisieux était frère, ayant aussi été suspect d'avoir le cœur espagnol. En ces doutes, je ne m'en pus communiquer qu'à Mme de la Roche-sur-Yon et à Mme de Tournon, qui connaissant le danger où nous étions et voyant qu'il nous fallait cinq ou six journées jusqu'à La Fère, me répondent que Dieu seul nous pouvait sauver ; que je me recommandasse bien à lui, et que pour elles, encore que l'une fut malade et l'autre vieille, que je ne craignisse à faire de longues traites. — J'en parlai à l'évêque de Liège, qui me servit certes de père et me bailla son grand-maître avec ses chevaux pour me conduire si loin que je voudrais. Et comme il était nécessaire d'avoir un passeport du prince d'Orange, j'y envoyai Mondoucet, qui lui était confident et se sentait un peu de cette religion. Il ne revient point ; je l'attends deux ou trois jours, et crois que si je l'eusse attendu, j'y fusse encore. Étant conseillé de M. de Lenoncourt et du chevalier Salviati, mon premier écuyer[34], qui étaient d'une même cabale, de ne partir point sans passeport, je me (boutai qu'on me dresserait quelque autre chose de bien contraire. Je me résolus de partir le lendemain matin. Eux, voyant que, sous ce prétexte, ils ne me pouvaient plus arrêter, le chevalier Salviati, intelligent avec mon trésorier, qui était aussi ouvertement huguenot, lui fait dire qu'il n'avait point d'argent pour payer les hôtes, — chose qui était fausse, car étant à La Fère, je voulus voir le compte, et se trouva de l'argent que l'on avait pris pour le voyage, de reste encore pour faire aller ma maison plus de six semaines — et fait que l'on retient mes chevaux, me faisant avec le danger, cet affront public. Mme de la Roche-sur-Yon, ne pouvant supporter cette indignité, et voyant le hasard où l'on me mettait, prêta l'argent nécessaire ; et eux demeurant confus, je passe après avoir fait présent à Mgr l'évêque de Liège d'un diamant de trois mille écus, et à tous ses serviteurs de chaînes d'or ou de bagues, et vins coucher à Huy — à six lieues de Liège — n'ayant pour passeport que l'espérance que j'avais en Dieu.

Marguerite était encore sur les terres de l'évêque. Mais, dit-elle, la ville était tumultueuse et mutine, — comme tous ces peuples-là se sentaient de la révolte générale des Pays-Bas, — ne reconnaissant plus son évêque à cause qu'il vivait neutre, et elle tenait le parti des États. De sorte que, sans reconnaître le grand-maître de l'évêque de Liège, qui était avec moi, avant l'alarme que don Juan s'était saisi du château de Namur, soudain que nous filmes logés, ils commencent à sonner le tocsin et traîner l'artillerie par les rues. et la braquer contre mon logis, tendant les chaînes afin que nous ne pussions joindre ensemble, nous tenant toute la nuit en ces altères[35] sans avoir moyen de parler à aucun d'eux, étant tout petit peuple, gens brutaux et sans raison. Le matin, ils nous laissèrent sortir, ayant bordé ton te la rue de gens armés. — Nous allantes de là coucher à Dinant, où par malheur ils avaient fait, ce jour même les bourgmestres ; tout y était en débauche, tout le monde ivre, point de magistrats connus ; et pour empirer davantage notre condition, le grand-maître de l'évêque leur avait autrefois fait la guerre et était tenu d'eux pour ennemi mortel. Cette ville, quand ils sont clans leurs sens rassis, tenait pour les États ; mais lors, ils ne tenaient pas seulement pour eux-mêmes et ne connaissaient personne. Soudain qu'ils nous voient approcher avec une grande troupe comme était la mienne, les voilà alarmés. Ils quittent les verres pour courir aux armes, et tout en tumulte, au lieu de nous ouvrir, ils ferment la barrière. J'avais envoyé un gentilhomme devant, avec les fourriers et maréchal des logis ; mais je les trouvai tous arrêtés là, qui criaient sans être entendus. Enfin, je me lève debout dans ma litière et ôtant mon masque, je fais signe au plus apparent que je veux lui parler ; étant venu je le priai de faire faire silence, afin que je pusse être entendue. Ce qu'étant fait, avec toute peine, je leur représente qui j'étais et l'occasion de mon voyage ; que tant sans faut que je leur voulusse apporter du mal, je ne voudrais pas seulement leur donner de soupçon ; que je les priais de me laisser entrer, moi et mes femmes, et si peu de mes gens dans la ville qu'ils voudraient pour cette nuit, et que le reste ils le laissassent dans le faubourg. J'entrai ainsi avec les plus apparents, au nombre desquels fut le grand-maître de l'évêque de Liège, qui par malheur fut reconnu comme j'entrais en mon logis, accompagné de tout ce peuple ivre et armé. Lors ils commencent à lui crier injures et à vouloir charger ce bonhomme, qui était un vieillard vénérable de quatre-vingts ans, ayant la barbe blanche jusqu'à la ceinture. Je le fis entrer dans mon logis, où ces ivrognes faisaient pleuvoir les arquebusades contre les murs qui n'étaient que de terre. Voyant ce tumulte, je demande si l'hôte de la maison n'était point là dedans. Il s'y trouve de bonne fortune. Je le prie qu'il se mette à la fenêtre et qu'il me fasse parler aux plus apparents, ce qu'a toute peine il veut faire. Enfin, avant assez crié par les fenêtres, les bourgmestres viennent, si saouls qu'ils ne savaient ce qu'ils disaient. Les assurant que je n'avais point su que ce grand-maître fut leur ennemi, leur remontrant de quelle importance leur était d'offenser une personne de ma qualité, qui était amie de tous les principaux seigneurs des États, et que je m'assurais que M. le comte de Lalain et tous les autres chefs trouveraient fort mauvais la réception qu'ils m'avaient faite ; oyant nommer M. de Lalain, ils se changèrent tous et lui portèrent plus de respect qu'à tous les rois à qui j'appartenais. Le plus vieil d'entre eux me demande en souriant :et bégayant si j'étais l'amie de M. de Lalain ; et moi, voyant que sa parenté me servait plus que celle de tous les potentats de la chrétienté, je lui réponds : Oui, je suis son amie et sa parente aussi. — Lors ils me font la révérence et me baisent la main, et m'offrent autant de courtoisie comme ils m'avaient fait d'insolences, me priant de les excuser et me promettant qu'ils ne demanderaient rien à ce bonhomme de grand-maître et qu'ils le laisseraient sortir avec moi[36].

Mais Marguerite n'était point quitte encore. Le matin venu, comme je voulais aller à la messe, l'agent que le roi tenait auprès de don Juan, lequel était fort espagnol, arrive, me disant qu'il avait des lettres du Roi pour me venir trouver et me conduire surement à mon retour ; qu'à cette cause il avait prié Don Juan de lui bailler Barlemont avec une troupe de cavalerie pour me faire escorte et me mener à Namur, et qu'il fallait que je priasse ceux de la ville de laisser entrer M. de Barlemont qui était seigneur du pays, et sa troupe ; ce qu'il faisait à double fin : l'une pour se saisir de la ville pour Don Juan, l'autre pour me faire tom. ber entre les mains de l'Espagnol. Je me trouvai lors en fort grande peine. Le communiquant à M. de Lenoncourt, nous avisâmes qu'il fallait savoir de ceux de la ville s'il n'y avait point quelque chemin par lequel je pusse éviter cette troupe de M. de Barlemont, et baillant ce petit agent, nommé Du Bois, à amuser M. de Lenoncourt, je passe en une autre chambre où je fais venir ceux de la ville, où je leur fais connaître que s'ils laissent entrer la troupe de M. de Barlemont, ils étaient perdus ; qu'il se saisirait de la ville pour don Juan ; que je les conseillais de s'armer et, se tenir prêts à leur porte, montrant contenance de gens avertis et qui ne veulent se laisser surprendre ; qu'ils laissassent entrer seulement M. de Barlemont et rien davantage. Leur vin du jour précédent étant passé, ils prirent bien mes raisons et me crurent, m'offrant d'employer leurs vies pour mon service et me baillant un guide pour me mener par un chemin auquel je mettais la rivière — la Meuse — entre les troupes de don Juan et moi, et les laisserais si loin qu'ils ne me pourraient plus atteindre, allant toujours par maisons ou villes tenant le parti des États. Je les envoie faire entrer M. de Barlemont tout seul, lequel étant entré, leur veut persuader de laisser pénétrer aussi sa troupe. Mais oyant cela ils se mutinent, de sorte que peu s'en fallut qu'ils ne le massacrassent, lui disant que, s'il ne la faisait retirer hors de la vue de leur ville, qu'ils y feraient tirer l'artillerie ; ce qu'ils faisaient afin de me donner le temps de passer l'eau. M. de Barlemont étant entré, lui et l'agent Du Bois font ce qu'ils peuvent pour me persuader d'aller à Namur, où don Juan m'attendait. Je montre de vouloir faire ce que l'on me conseillerait, et après avoir ouï la messe et fait un court dîner, je sors de mon logis accompagnée de deux ou trois cents de la ville en armes, et parlant toujours à M. de Barlemont et à l'agent Du Bois, je prends mon chemin droit à la porte de la rivière, qui était au contraire du chemin de Namur. Eux s'en avisant me dirent que je n'allais pas bien, et moi les menant toujours de paroles, j'arrivai à la porte de la ville ; je double le pas vers la rivière et monte dans le bateau, y faisant promptement entrer tous les miens, M. de Bade-mont et l'agent Du Bois me criant toujours que ce n'était pas l'intention du roi, qui voulait que je prisse par Namur. Nonobstant leurs crieries nous passons l'eau, et pendant, que l'on passait à deux ou trois voyages nos litières et nos chevaux, ceux de la ville, pour me donner du temps amusent par mille crieries et mille plaintes M. de Barlemont et, l'agent Du Bois, les arraisonnant en leur patois sur le tort que don Juan avait d'avoir faussé sa foi aux États et rompu la paix, et sur les vieilles querelles de la mort du comte d'Egmont, et le menaçant toujours que si sa troupe paraissait auprès de la ville, qu'ils feraient tirer l'artillerie. Ils me donnèrent ainsi le temps de m'éloigner, en telle sorte que je n'avais plus à craindre cette troupe, guidée de Dieu et de l'homme qu'ils m'avaient baillé.

Le soir, la reine logea dans un château nommé Fleurines[37], qui était à un gentilhomme tenant le parti des États. Mais il y eut encore un incident. M. de Fleurines n'y était point lorsque la compagnie se présenta ; il n'y avait que sa femme, et comme nous fûmes entrés dans la basse-cour, la trouvant ouverte, elle prit l'alarme et s'enfuit dans son donjon, levant le pont et résolue, quoique nous lui puissions dire, de ne point nous laisser entrer. En même temps, une compagnie de trois cents hommes de pied, que don Juan avait envoyés pour nous couper le chemin et se saisir du château, sachant que j'y allais loger, paraissait sur un petit haut, à mille pas de là. Ayant vu la reine et sa suite pénétrer dans la première cour, ils pensèrent que déjà tout le monde se trouvait en sûreté, et se logèrent a à un village là auprès, espérant mieux faire le lendemain. Heureusement, et comme Marguerite se tenait dans la cour a qui n'était fermée que d'une méchante muraille et d'une méchante porte qui eut été bien aisée à forcer, parlementant toujours avec la châtelaine, M. de Fleurines arriva ; il avait déjà vu la reine de Navarre près de M. de Lalain, et d'ailleurs était envoyé pour l'accompagner, le comte ne pouvant alors quitter l'armée dont il était chef. M. de Fleurines avait aussi une compagnie suffisante sans doute, car les Espagnols, dont Marguerite ne parle plus, ne se hasardèrent point. Nous ne passâmes plus, dit-elle, par aucune ville où je ne fusse honorablement et paisiblement reçue. La reine regretta seulement de ne pas revoir Mons et la comtesse de Lalain, mais dut traverser Nivelles, à sept grandes lieues de là. Elle l'informa seulement de son passage par un homme de ce gentilhomme qui me conduisait, et Mme de Lalain, tandis que le comte était avec l'armée des États, vers Anvers, lui envoya de nouveau des personnes de qualité pour l'aider à passer la frontière, d'où je lui envoyai, pour se souvenir de moi, une robe des miennes, que je lui avais ouï fort estimer quand je la portais à Mons, qui était de satin noir toute couverte de broderie de canon, qui avait coûté 1.200 écus.

Marguerite avait encore à passer le Cambrésis, qui était mi-parti pour l'Espagnol et pour les États. Elle alla loger au Cateau où elle eut avis que quelques troupes huguenotes devaient l'attaquer entre la frontière de France et de Flandre ; ce que n'ayant communiqué qu'à peu de personnes, une heure avant le jour, je fus prête. Envoyant quérir nos litières et chevaux pour partir, le chevalier Salviati faisait le long, comme à Liège ; mais elle laissa là la belle litière dorée, monta à cheval avec les premiers prêts et arriva au Catelet. Elle gagna ensuite La Fère dont le château avait été mis en état de défense par le connétable de Montmorency, décidée à y rester jusqu'à la conclusion de la paix. Ce fut le dernier incident de ce voyage commencé triomphalement dans les illuminations et les fanfares, et qui finissait par une course tragi-comique après laquelle la reine de Navarre dut être peu fâchée de prendre du repos.

 

 

 



[1] L'ESTOILE, édit. Jouaust, t. I, p. 88.

[2] Louis de Berton des Balbes de Crillon, chevalier de Malte, qui fut lieutenant-colonel général de l'infanterie française et l'un des plus célèbres capitaines de Henri IV. Il était des amis de Bussy avec lequel il s'était d'abord battu.

[3] Le dimanche 4 mars (1576), le roi, dit L'Estoile, reçut de divers endroits grandes plaintes des vols et exactions que faisait sa gendarmerie par faute de payement, et lettres de M. du Maine, abandonné de toutes ses troupes, tant de pied que de cheval, qui s'étaient retirées les unes vers Monsieur et les autres vers le roi de Navarre, ce qu'ayant entendu, Sa Majesté, étant au Louvre, comme il s'allait mettre à table, dit ces mots : J'ai si grande horreur d'entendre les choses qu'on me mande, et si grande pitié de l'affliction et oppression de mon pauvre peuple, que pour y pourvoir je me délibère d'avoir la paix, voire à quel prix que ce soit, et me dussé-je dépouiller de la moitié de mon royaume. Cf. Mémoires de Marguerite de Valois, édit. elzévirienne, p. 73 et suivantes.

[4] Les négociations furent longues et mouvementées. Ceux du Conseil entrèrent en si grande contention et hautes paroles avec les députés, pour les hautes et exorbitantes demandes qu'ils faisaient, qu'ils se levèrent et s'en allèrent de part et d'autre comme si tout eut été rompu. Mais M. de Montpensier arrivant à Paris le 22 (mars) venant d'avec Monsieur, apaisa ces grandes colères et fut cause que le 24, les seigneurs de Laffin et de Micheri, avec le seigneur de Beaufort de la part du roi, allèrent trouver Monsieur à Moulins... Le 9e d'avril, le duc de Nemours étant au conseil, entra en hautes paroles avec Beauvais la Nocle, jusques à lui dire que s'il eut été en la place du roi, il l'eût envoyé en lieu où il eût parlé plus bas... Le roi, s'adressant à M. de Nemours, lui tint ce propos : Mon cousin, s'il y a quelqu'un d'offensé en cette procédure, c'est moi ; et toutefois vous voyez que je patiente ; mon silence vous devrait avoir appris à vous taire... L'ESTOILE, édit. Jouaust, t. I, p. 123-125.

[5] Le peuple était mangé de deux partis, dit L'Estoile, car si en l'un il y avait bien des larrons, il n'y avait pas faute de brigands de l'autre.

[6] L'ESTOILE, édit. Jouaust, t. I, p. 129.

[7] D'AUBIGNÉ, Histoire universelle, t. V.

[8] L'ESTOILE, édit. Jouaust, t. I, p. 131.

[9] D'AUBIGNÉ, Histoire universelle, t. V. Il est à remarquer que l'historien protestant ne fait aucune allusion à la soi-disant intimité qui aurait existé entre le duc et la reine de Navarre ; bien mieux, il indique que l'on employa l'influence qu'elle pouvait avoir encore sur son amant, Louis de Clermont.

[10] Le lundi 5e de novembre (1576) le roi et la reine, sa femme, de Paris vinrent coucher à Olinville, où le mercredi 7e à deux heures après-midi, M. le duc vint en poste, peu accompagné, trouver le roi son frère, et se firent à l'arrivée fort grandes carresses. — Le vendredi 9e, le dit seigneur duc vint à Paris aussi en poste, et alla descendre aux Augustins, où il tint sur fonts de baptême le fils de M. de Nevers. Et le dimanche 11e s'en retourna avec la reine de Navarre sa sœur bien aimée, retrouver le roi à Olinville. L'ESTOILE, édit. Jouaust, t. I, p. 160.

[11] Or, quelques belles promesses que l'on eût faites au roi de Navarre et prince de Condé, de faire exécuter loyalement tout ce qui leur avait été promis par la paix, si est-ce qu'ils n'eurent pas plutôt licencié leurs étrangers, qu'ils ne vissent bien que Monsieur avait été gagné et devenu leur plus contraire ennemi, tellement que par les inexécutions du traité et les mauvais traitements que recevaient eux et ceux de la religion, ils se trouvèrent forcés de revenir aux armes dès la fin de l'année 1576. SULLY, Économies royales.

[12] Le jeudi 20 septembre, le seigneur de Duras vint à Paris, envoyé par le roi de Navarre pour quérir la reine sa femme ; dont il s'en retourna éconduit sous couleur de certaines affaires qu'elle avait à Paris. (L'ESTOILE.) Henri III ne laissa partir que sa belle-sœur Catherine de Bourbon, que Fervaques était venu chercher (29 mai). Cf. L'ESTOILE, édit. Jouaust, t. I, p. 133.

[13] D'AUBIGNÉ, Histoire universelle, t. V.

[14] De quoi avertis le roi de Navarre, le prince de Condé et le maréchal Danville, font leurs préparatifs de munitions et d'hommes pour la guerre qu'ils disent ouverte, fortifiant la ville de La Charité, montant à cheval, battant la campagne, et prennent villes et châteaux de toutes parts, et font tous actes d'hostilité comme en guerre ouverte ; dont le roi, la reine et les trois États demeurent tout étonnés. L'ESTOILE, édit. Jouaust, t. I, p. 165.

[15] On blâma Versoris, avocat du Tiers, qui offrait le corps et les biens, tripes et boyaux, jusqu'à la dernière goutte de sang et jusqu'à la dernière maille du bien. L'ESTOILE, édit. Jouaust, t. I, p. 167.

[16] Avec les taxes et emprunts ce furent les créations de charges et d'offices qui indisposèrent contre Henri III. Il en vint à publier un édit qui érigeait tous les hoteliers et cabaretiers de sort royaume en état et offices formés, et, dit L'Estoile, revint ce nouvel impôt pour la ville de Paris à 100.000 écus et pour tout le royaume de France à plus de 500.000, qui furent avancés par des Italiens, inventeurs de tels subsides et plus tôt donnés, dissipés et mangés que levés : tant était bon le ménage des deniers et finances du roi. Bientôt ce fut le tour du clergé : Au commencement d'octobre (1578), le roi au lieu de la décime et demie qu'il avait remise aux ecclésiastiques peu de jours auparavant, envoya aux abbés, prieurs et bénéficiers aisés, lettres signées de sa main, par lesquelles il les priait, chacun d'eux particulièrement, de lui prêter certaine somme de deniers, comme au chapitre de Paris, in globo, 1.200 écus ; à Mariau, chanoine et fort riche bénéficié, 500 écus ; à un autre, 300 écus ; et ainsi des autres. Dont sourdit grand murmure et mécontentement. L'ESTOILE, édit. Jouaust, t. I, p. 271-272.

[17] Mémoires de Marguerite de Valois, édit. elzévirienne, p. 84-86.

[18] Le roi de Navarre écrivait alors : Monsieur est avec ceux de la Ligue pour nous donner des étrivières. Correspondance de Henri IV, t. I, p. 139.

[19] L'Estoile rapporte qu'après la surprise d'Anvers on fit sur lui ce quatrain :

Flamans, ne soiés étonnés

Si à François voiés deux nez,

Car par droit, raison et usage,

Faut deux nés à double visage.

Edit. Michaud, t. I. p. 167.

Le duc de Bouillon fait de mène un portrait peu flatté du duc d'Anjou, mais où il lui accorde cependant quelques qualités : s Il était d'une stature moyenne, noir, le teint vif, les traits du visage beaux et agréables ; son esprit doux haïssait le mal et les mauvais, aimant la cause de la religion... Il eut la petite vérole en telle malignité qu'elle le changea du tout, l'ayant rendu méconnaissable, le visage lui étant demeuré tout creusé, le nez grossi avec difformité, les yeux apetissés et rouges, de sorte que d'agréable et beau qu'il était, il devint un des plus laids hommes qui se voyaient et son esprit n'était plus si relevé qu'auparavant. Il était pourtant causeur et spirituel, qualités qu'eurent tous les enfants de Catherine. Un portrait de la Bibliothèque nationale, publié par M. G. CIEL, Portraits des personnages les plus illustres, etc., le montre vicieux et malingre.

[20] Sully dit que Catherine haïssait et se voyait haïe du due François, alors duc d'Alençon, — qui voulait supplanter son frère Henri d'Anjou et la désautoriser. Elle cherchait à le marier — c'est ce fameux mariage avec Élisabeth qui ne devait jamais aboutir non plus que nul autre pour la reine anglaise, — et dès avant la mort de Charles IX à l'envoyer en Flandre où elle l'adressa vers le prince d'Orange, le comte Ludovic et autres principaux révoltés des Pays-Bas, afin qu'ils le voulussent élire chef de leurs armes et de leurs desseins, et finalement leur prince au cas qu'il les délivrerait de la sujétion d'Espagne, et leur fit faire tant de belles promesses qu'elle leur fit prendre goût à cette proposition. (Économies royales.)

[21] BRANTÔME, MONGEZ, etc. Nul n'a parlé avec plus de complaisance que Brantôme de la toilette qui donnait à Marguerite un si redoutable prestige ; de la frivolité littéraire qui lui créait un monde d'écrivains, poètes, idéologues et autres ; de la fierté de son humeur qui lui faisait affronter de si cruelles haines : c'est à ses yeux convenance de condition et de beauté, distinction d'esprit, élévation de cœur. Ch. CABOCHE, Mémoires de Marguerite de Valois, introduction, p. LXXXII.

[22] Ch. CABOCHE, Mémoires de Marguerite de Valois, introduction.

[23] Issoire fut pris d'assaut le 12 juin, tandis qu'on parlementait, et pillé comme La Charité ; on y tua et brûla, et Monsieur et les seigneurs de sa compagnie furent assez empêchés à sauver l'honneur des femmes et filles. L'ESTOILE, édit. Jouaust, t. I, p. 190.

[24] Ph. de Lenoncourt ne fut cardinal qu'en 1586 ; Marguerite écrit beaucoup plus tard.

[25] Bulletin de la Société académique de Laon, t. XIV, 1864.

[26] Philippe, comte de Lalain, était grand bailli du Hainaut.

[27] La châtellenie de La Fère appartenait à la maison de Bourbon. Le roi de Navarre, par son contrat de mariage, en avait concédé la jouissance à sa femme avec l'entière disposition de tous les offices et bénéfices. Voir DUMONT-CERPS, Diplomatique, t. V, p. 215.

[28] Comte H. DE LA FERRIÈRE, les Projets de mariage de la reine Élisabeth, p. 195-196.

[29] Comte H. DE LA FERRIÈRE, les Projets de mariage de la reine Élisabeth, p. 197-198.

[30] Mémoires de Marguerite de Valois, édit. elzévirienne, p. 103-105.

[31] Charles-Philippe de Croy, marquis d'Havrach, était frère de Philippe III, sire de Croy, duc d'Arschot ; tous deux descendaient de Philippe II, sire de Croy, duc d'Arschot.

[32] C'était la seconde armée destinée par Henri III à combattre les huguenots ; elle assiégeait Brouage et de là devait passer en Gascogne faire la guerre au roi de Navarre. Mais Brouage ne capitula que le 20 août 1577, après un siège de près de cinq mois. Cf. D'AUBIGNÉ.

[33] Au commencement de mai (1577), Bussy d'Amboise, auquel Monsieur avait baillé la ville d'Angers en garde, pilla les pays d'Anjou et du Maine, même les faubourgs du Mans, et, avec 4.000 arquebusiers qui se tirent tous riches de butins, saccagea plus des 25 lieues de pays. Ce qu'ayant entendu, le roi envoya par devers lui à Angers les seigneurs évêque de Mende et M. de Villeroy, avec lesquels il vint effrontément trouver Sa Majesté à Tours, et sut si bien excuser cette hostilité publique et tyrannie exercée contre ses sujets, témoignée et avérée par une infinité de personnes, qu'il est retenu de Sa Majesté comme l'un de ses plus fidèles serviteurs, et continué en ses charges et pensions, dont tout le peuple murmure fort. L'ESTOILE, édit. Jouaust, t. I, p. 188.

[34] Fr. Salviati, chevalier de Malte, grand maitre de l'ordre de Saint-Lazare.

[35] Inquiétudes, craintes.

[36] Mémoires de Marguerite de Valois, édit. elzévirienne, p. 118-121.

[37] Florennes, à trois lieues de Dinant.