LA REINE MARGOT ET LA FIN DES VALOIS (1553-1615)

PREMIÈRE PARTIE. — LA FIN DES VALOIS

 

CHAPITRE II.

 

 

La jeunesse de Marguerite de Valois. — Les protestants. — Négociations de mariage avec le roi de Portugal. — L'union avec Henri de Navarre.

 

Marguerite avait été élevée au château de Saint-Germain. On l'avait confiée à Mme de Corton, sage et vertueuse dame, grandement affectionnée à la religion catholique et qui fut gouvernante de plusieurs reines et princesses[1]. — Mais lorsqu'éclatèrent les premiers troubles de la Réforme, Catherine se transporta avec ses enfants et toute sa cour au château d'Amboise, et Marguerite y dut rester avec son jeune frère le duc d'Alençon jusqu'en 1564, époque où la reine entreprit le voyage des provinces et se fit suivre de sa fille, qui n'avait pas douze ans. — Catherine se promettait beaucoup de cette expédition qui devait former le petit roi Charles IX, le faire connaître et imposer par sa présence le respect des édits de tolérance accordés aux huguenots ; en même temps les affaiblir et les empêcher de recommencer la guerre civile. La Cour parcourut la Champagne, la Lorraine, les deux Bourgognes, le Lyonnais, le Dauphiné ; la Provence, le Languedoc, la Guyenne et resta deux années en route. Toute l'habileté de la reine fut là mise enjeu et elle raffermit le parti catholique tout en ayant l'air de travailler à mettre le protestantisme à l'abri des outrages. Nous rencontrons ici d'ailleurs une des causes du profond ressentiment que lui vouèrent les Calvinistes. Elle leur faisait montre de condescendance et les combattait. Elle retirait leurs commandements aux officiers huguenots ; elle fortifiait les villes dont ils s'étaient trop facilement emparés ; elle faisait rendre au roi des édits qui détruisaient celui d'Amboise, accordé après la bataille de Dreux et la mort de François de Guise, — assassiné devant Orléans. — A Bar-le-Duc, où Marguerite mentionne que furent données des fêtes merveilleuses pour le baptême du prince de Lorraine, son neveu, la reine conféra longuement avec le duc Charles ; Lyon, où les réjouissances furent aussi brillantes, ce fut avec le duc de Savoie ; à Bayonne (1565) avec le duc d'Albe envoyé par Philippe II avec la petite reine Élisabeth, fille de Catherine. — On sait que des auteurs protestants ont voulu établir que le projet de la Saint-Barthélemy fut arrêté dès cette époque avec le bourreau implacable des Flandres[2]. Mais Catherine, qui espérait tout de sa politique, ne prépara pas si longtemps d'avance la tuerie de 1572. Le duc d'Albe, même avec l'appui de la reine Élisabeth, qui joua fort inconsciemment son rôle, n'obtint que des assurances vagues, et tout se termina par des fêtes et bergeries qui pouvaient mieux intéresser Marguerite et dont elle parle assez longuement dans ses Mémoires. — Il v eut un festin superbe avec ballet dans l'ile d'Aiguemeau sur l'Adour, — le service fait par des troupes de bergères habillées de toile d'or et de satin, selon les habits divers de toutes les provinces de France, et qui dansaient, chaque troupe en un pré à part à la façon de son pays, les Poitevines avec la cornemuse, les Provençales avec la volte et la cymbale, les Bourguignonnes et Champenoises avec le petit Hautbois, le dessus de violon et tabourins de village, les Bretonnes dansant leurs passe-pieds et branles-gais. Les bateaux sur lesquels était venue la Cour, avaient été accompagnés de la musique de plusieurs dieux marins, chantant et récitant des vers autour de Leurs Majestés. Après le festin, on vit entrer une grande troupe de satyres musiciens et un rocher lumineux portant des nymphes, encore plus éclairées de leur beauté et de leurs pierreries que des lumières, et tout eût été à souhait sans une pluie torrentielle qui obligea à une retraite de nuit dont la confusion apporta le lendemain autant de bons contes pour rire que ce magnifique appareil de festin avait apporté de contentement[3]. —Toutefois les grandes allégresses et magnificences faites à Bayonne et les affaires qui s'y traitèrent mirent les huguenots en merveilleuse jalousie et défiance que la fête se faisait à leurs dépens, pour l'opinion qu'ils avaient d'une étroite ligue des princes catholiques entre eux. Ce qui leur bailla occasion de remuer toutes pierres et mettre tout bois en œuvre pour en bâtir une contraire et d'inciter tous ceux de leur parti à prendre les armes[4]. — On n'ignore pas comment débuta la seconde guerre civile. Dans le courant de 1567, les calvinistes résolurent de s'emparer de la personne du roi. Ce fut le complot de Meaux. — Sur l'avis de Coligny et de Condé, Charles IX avait envoyé en Bourgogne six mille Suisses pour surveiller les troupes du duc d'Albe qui se dirigeaient alors vers les Flandres sans avoir pu obtenir de passer en France. Les huguenots feignirent de se croire menacés. La Cour était alors au château de Monceaux-en-Brie, qui appartenait à Catherine, occupée de fêtes et d'intrigues, quand le sieur de Castelnau, que Charles IX avait envoyé complimenter la duchesse de Parme et le duc d'Alpe, revint de Bruxelles avec le bruit du prochain armement. On ne le voulait point croire et le chancelier de l'Hospital dit même que c'était un crime capital de donner un faux avertissement à son prince, mêmement pour le mettre en défiance de ses sujets[5]. — Mais quatre ou cinq jours plus tard, les chemins se couvrirent d'hommes en armes et la Cour n'eut que le temps d'appeler un corps de Suisses fraîchement arrivés et de se jeter dans la ville de Meaux tandis que les protestants s'organisaient à quatre lieues plus loin, à Rozoy (27 septembre 1567). — Les Suisses, entrés dans Meaux à minuit, en partirent à trois heures du matin, se dirigeant vers Paris en bataillon carré : au milieu d'eux, ils avaient placé le roi et les dames. Quelques centaines de gentilshommes formaient la tête et la queue du convoi. Charles IX était exaspéré d'une insolence qui le réduisait à une telle extrémité et voulait qu'on se battit. Mais ceux qui l'entouraient préférèrent sagement s'en tenir à la défensive. — Les huguenots étaient au reste fort peu pour ce coup de main, cinq ou six cents chevaux, dit Castelnau, pendant que des provinces ils attendaient le reste des confédérés. Il n'y eut que des escarmouches et le roi rentra au Louvre sans encombre. Les protestants le suivirent et commencèrent à courir les environs de Paris, Condé qui les commandait envoyant des cavaliers jusqu'aux portes de la ville et s'emparant des routes. Il se cantonna à Saint-Denis n'ayant encore que six mille hommes sans artillerie, dans le dessein d'attendre la noblesse calviniste du Midi et une armée allemande que devait lui amener le fils de l'Électeur palatin. Les Parisiens sortirent pour le déloger, avant à leur tête le vieux connétable de Montmorency, qui fia tué dans la bataille (10 novembre) et quoique chassés, les calvinistes revinrent le lendemain les tambours et trompettes sonnans, et brûlèrent le village de la Chapelle, quelques moulins, et s'approchèrent jusqu'aux faubourgs et barrières de Paris. Ainsi commença cette nouvelle guerre qui ne se termina qu'après les batailles de Jarnac et de Moncontour par la fausse paix de Saint-Germain (8 août 1570).

Au milieu (les événements de cette triste période, l'histoire générale fait à peine mention de la princesse Marguerite, qui ne rapporte elle-même d'ailleurs, clans ses Mémoires, que les intrigues du duc d'Anjou qui la cajole pour l'attirer de son parti et user de ses bons offices près de la reine leur mère. Les enfants de Catherine machinaient déjà Mun contre l'autre. — Après la bataille de Jarnac et la prise de la Charité, le due d'Anjou s'était avancé avec l'armée royale jusqu'en Touraine. La Cour alla le rejoindre, puis vint au siège de Saint-Jean-d'Angély, où Marguerite se trouva malade d'une grande fièvre et du pourpre[6]. Les troupes délogeant après la capitulation, on l'emporta dans des brancards jusqu'à Angers. — L'année précédente elle avait été du voyage de Metz, lors des négociations avec l'Allemagne, à laquelle on proposait une alliance offensive et défensive contre les protestants, cimentée par le mariage du roi avec une des filles de l'empereur Maximilien, — et où elle fut remarquée, dit-on, Il pour l'indépendance de son allure. La reine-mère séjourna trois mois à Metz, durant lesquels se donna la bataille de Jarnac, et elle aussi fut assez sérieusement malade[7]. — Il avait alors été question pour Marguerite, qui prenait de l'âge et devenait jolie, d'un fils de l'empereur, Rodolphe, roi de Hongrie[8], puis de don Carlos, fils de Philippe II, de même qu'on avait parlé de la sœur du roi d'Espagne, dona Juana, pour Charles IX lorsqu'il n'était encore que duc d'Orléans[9]. Mais le projet d'un mariage entre la princesse et le jeune roi de Portugal, don Sébastien, donna lieu à de longues et curieuses négociations. Dès l'époque de François II, Nicot, ambassadeur à Lisbonne, avait fait une première ouverture, et don Sébastien auquel il avait remis un portrait de Marguerite avait paru très impressionné par sa précoce beauté[10]. Catherine considérait alors le mariage de sa fille en Portugal comme une suite du mariage de Charles IX avec une fille de l'empereur Maximilien. 'Elle supposait même si peu rencontrer un obstacle de ce côté qu'avant invité Fourquevaux, ambassadeur en Espagne, à négocier avec Philippe II, oncle du roi de Portugal, elle lui envoya le 30 juillet 1569 les pouvoirs nécessaires pour traiter des deux mariages en même temps[11]. La dot de Marguerite devait être de 400.000 écus, mais il devait essayer de n'en donner que 100.000. — Philippe II parut d'abord bien disposé. L'ambassadeur de Lisbonne à Madrid disait n'attendre que ses pouvoirs pour conclure. Le 5 septembre ils n'étaient pas arrivés. Fourquevaux s'en étonnant, le roi d'Espagne se mit à rire et l'assura qu'en ce retardement il n'y avait finesse quelconque ni faute de bonne volonté. Il allégua la peste qui régnait alors à Lisbonne et retardait l'expédition des affaires. Le 12, Fourquevaux retourna à l'audience ; rien n'était venu de Portugal. Philippe excusa son neveu en expliquant que son conseil d'État était tout composé de jeunes gens et qu'il n'y est demeuré homme qui sache bonnement le style ni la manière dont il faut user à traiter dudit mariage. Catherine trouva suspectes ces lenteurs ; les villes de Portugal, consultées s'étaient toutes — sauf Coïmbre et Porto — prononcées pour l'union avec Marguerite ; on disait que Philippe traînait lui-même les choses, négociant sous main le mariage de son neveu avec Élisabeth d'Autriche afin de réduire le roi de France à demander clona Juana, sa sœur. — Enfin, le mariage de Charles IX fut arrêté le 17 janvier 1570 ; il épousait Élisabeth, et ses noces eurent lieu le 26 novembre de la même année, à Mézières. — La cour de France allait retirer ses pouvoirs à Fourquevaux lorsque arrivèrent de Lisbonne de très. curieuses nouvelles. Le jeune roi de Portugal était dominé par deux Théatins, neveux du cardinal de Portugal, qui craignaient de perdre leur crédit s'il épousait Marguerite[12]. Catherine, intriguée, demanda de nouveaux détails sur ce futur gendre. Il a seize à dix-sept ans, répondit Fourquevaux, il est blond et gras ; il passe pour être variable, bizarre, obstiné et de l'humeur du feu roi don Carlos. Les uns disent qu'il est apte à avoir des enfants, d'autres l'en jugent incapable et le détournent du mariage ; car se marier serait avancer ses jours. Tous s'accordent à croire qu'il ne vivra pas. Et Malicorne, envoyé en Portugal ajoute : Il porte un livre de saint Thomas pendu à sa ceinture. Mais les obstacles ne venaient pas uniquement du côté de don Sébastien. Marguerite, qu'on voulait lui unir, y était fort peu disposée. Sa grande passion, toutefois qu'elle s'en défende et affecte de montrer qu'il n'y eut là qu'une invention du duc d'Anjou conseillé par Du Gast[13], était le duc de Guise, que les contemporains lui ont aussi bien donné pour amant : Elle l'aimait déjà et l'on eut assez de peine d'en divertir son affection. — Le duc avait alors vingt ans et s'était révélé comme un des plus brillants capitaines de l'armée royale. Il avait commandé les catholiques à Jarnac et défendu Poitiers contre l'amiral Coligny. Les Guises affectaient hautement la prétention de le marier avec Marguerite, et il était échappé au cardinal de Lorraine de dire que Claude de France avant bien épousé l'aîné de sa maison, la cadette pouvait être recherchée du plus jeune : et il aurait ajouté que pour le fait il lui constituerait deux cent mille livres de rentes. Ces propos huent répétés à l'ambassadeur d'Espagne, don Francis de Alava, qui les transmit à Philippe II, et par Fourquevaux revinrent à Catherine. Elle alla sen expliquer avec le cardinal, qui était malade alors et ne quittait pas son hôtel : Je suis peinée, dit-elle, qu'un tel bruit ait été porté si loin, pour le tort que cela peut faire à ma fille. Est-il vrai que vous ayez fait valoir le bien et le revenu de votre maison ?[14] Le prélat se défendit assez mollement et la reine garda ses doutes. Mais Henri de Guise, encouragé secrètement par Marguerite, dit-on, ne se retira pas. Grâce à la complaisance d'une des filles de la reine, Mlle de la Mirande, une correspondance suivie s'échangeait entre eux. La princesse ajoutait quelques lignes de sa main aux lettres que le duc recevait de Mlle de la Mirande, et par la même voie, le duc répondait non moins tendrement[15]. Elle avait logé toutes les affections de son cœur en ce prince qui avait des qualités si attrayantes, dit Dupleix, qu'elle n'aima jamais le roi de Navarre[16]. — Elle avait eu avec lui, écrit à son tour Davila, des privautés plus grandes qu'il ne fallait ; leur intimité était si publique même que le bruit courait qu'ils avaient contracté un mariage secret (4)[17]. Fourquevaux, cependant, avait fini par avoir une réponse. Le 22 avril 1570, le cardinal Espinosa le fit venir et lui déclara que le Portugal avait envoyé un refus. Le roi était trop jeune pour se marier. Les bruits de rapprochement avec les calvinistes avaient aussi rendu les Portugais plus exigeants, finesse diplomatique dont on voit peu le sens. Ils demandaient que la France renonçât à la navigation des Indes et voulaient encore remettre le mariage à dix ans. — Toutefois on le désirait tellement à la Cour de Catherine que des négociations favorisées par le pape et la bienveillance apparente du roi d'Espagne continuèrent quelques mois encore. Pour le duc de Guise, Du Guast avait intercepté une de ses lettres à Marguerite et l'avait fait mettre sous les yeux de Charles IX. Le roi, dans un de ces accès de colère frénétique auxquels il était sujet, décida de se débarrasser de ce prétendant peu scrupuleux, et chargea même son frère bâtard, Henri d'Angoulême, de l'assassiner. L'ayant appelé, il lui dit : De ces deux épées que tu vois, il y en a une pour te tuer, si demain que j'irai à la criasse, tu ne tues le duc de Guise. Il fut réglé ensuite qu'on dépêcherait le duc sous prétexte de quelque dispute[18]. Mais prévenu secrètement par Entragues, confident du roi, selon Mongez, par Marguerite elle-même, d'après une autre version, il ne parut pas. Il se présenta seulement au Louvre quelques jours après. — Que venez-vous faire ici ? lui aurait dit le roi, qui mit la main sur la garde de son épée. — Guise répondit qu'il venait pour le service de Sa Majesté. —a Je n'ai pas besoin de votre service, lui cria le roi. Le due s'inclina sans répondre et se retira. C'est alors que, jugeant la partie trop compromise, il épousa la princesse de Porcien, Catherine de Clèves, veuve d'Antoine de Croy, sur le conseil d'Anne d'Est, sa mère[19].

Marguerite, dans ses Mémoires, raconte autrement les choses, il le faut bien penser. Don Sébastien ayant envoyé des ambassadeurs Pour la demander, le roi d'Espagne intervint, les siens ne devant pas s'allier hors de sa maison, et le mariage fut rompu. Elle affirme également que le duc d'Anjou, qui ne pouvait souffrir les Lorrains, la brouilla avec Catherine dés qu'il supposa qu'elle avait de l'inclination pour le duc de Guise[20], et qu'elle ne prouva le contraire qu'en faisant agir sa sœur Claude pour décider le mariage du duc avec la princesse de Porcien. Mais Marguerite de Valois, digne fille de Catherine sous ce rapport, ne fut pas toujours sincère dans ses écrits. Le duc d'Anjou ayant rencontré Henri de Guise peu après son mariage, lui aurait dit : Gardez-vous bien de revoir ma sœur et de penser à elle, car je vous tuerais[21]. A ses familiers, il déclara de même que si le duc portait encore les yeux sur Marguerite, il se déclarait renégat et mécréant s'il ne lui donnait de la dague dans le cœur de manière à lui faire mordre la terre. — L'union portugaise avait été néanmoins abandonnée car Charles IX, à bout de patience, écrivit à Fourquevaux : — S'il y a un prince qui ait occasion de se plaindre, c'est moi, me voyant si indignement traité que l'on ne me veut tenir ce qu'on m'avait promis. Est-ce là l'assurance que le roi catholique m'avait donnée, que mon mariage ne se parachèverait pas que celui de ma sœur ne se fît par même moyen ? Et maintenant il en remet la longueur et la faute sur ceux qui sont à l'entour de son neveu le roi de Portugal. Je veux être éclairé, et je veux que vous mettiez le roi catholique en propos de l'étrange façon qu'on use à mon endroit[22]. Insolemment la cour de Lisbonne répondit en octobre 1570 : Le roi est trop jeune et Madame peut bien attendre. — Charles IX ne pensa pas de même. Quelques jours après, dit Marguerite, il se parla du mariage du prince de Navarre et de moi. La reine ma mère, étant à table, en parla fort longtemps avec M. de Méru[23], parce que la maison de Montmorency étaient ceux qui en avaient porté les premières paroles. Sortant de table, il me dit qu'elle lui avait dit de m'en parler. Je lui dis que c'était chose superflue, n'ayant volonté que la sienne ; la vérité, je la suppliais d'avoir égard combien j'étais catholique, et qui me fâcherait fort d'épouser personne qui ne fût de ma religion. Après, la reine, allant à son cabinet, m'appela et me dit que messieurs de Montmorency lui avaient proposé ce mariage, et qu'elle voulait bien savoir ma volonté. Je lui répondis n'avoir ni volonté ni élection que la sienne, et que je la suppliais de se souvenir que j'étais fort catholique. Mais la question religieuse troublait. sans doute moins la princesse qu'elle ne veut dire ; elle ne se sentait aucun penchant pour Henri de Béarn et n'en éprouva jamais. Il n'y avait là, aussi bien, qu'une affaire de politique, et la Cour bientôt s'y attacha fermement. — Après la mort du prince de Condé, tué à Jarnac, la reine Jeanne d'Albret, devenue le principal appui des protestants, leur avait présenté pour chef son fils, Henri de Bourbon, ce petit Béarnais qui devait devenir Henri IV. On le nomma généralissime, avec le fils de Condé, plus figé que lui d'une année, pour second, et Coligny comme garant de ses actes. — La paix de Saint-Germain n'avait laissé que des défiances et l'on a douté longuement qu'elle ait été sincèrement accordée par les catholiques. Quatre places de sûreté avaient été laissées aux calvinistes et ne devaient revenir au roi qu'après deux ans ; ils récusaient en tout ou partie les parlements dont il leur plairait de se plaindre ; ils pouvaient exercer librement leur culte hors de Paris et de la résidence de la Cour ; ils seraient admis à tous les emplois et charges. — Les auteurs des divers partis, étudiant les causes et la préparation du complot qui fut exécuté le jour de la Saint-Barthélemy, ont estimé diversement ces concessions[24]. Le P. Daniel[25], assure que la pacification de 1570 ne fut et ne put être franchement accordée[26]. Papyre Masson[27], écrivain catholique, la considère comme un acte de finesse qui ne servit qu'à augmenter l'insolence des sectaires. M. Lavallée[28] la croit franche, mais en remarquant avec raison qu'elle constituait un État dans l'État, qu'elle admettait deux drapeaux, deux lois, deux gouvernements, et que la France catholique se crut trahie. M. Fauriel[29] la dénonce comme le produit évident de la ruse et de la perfidie la plus noire. M. Coquerel[30] estime que Charles IX était sincère dans son désir de pacifier le royaume. Telle est aussi l'opinion de M. Ranke[31] et celle de M. A. Schœffer, écrivain protestant, partisan éclairé des idées de M. Soldan, auquel on doit un des meilleurs ouvrages sur la question[32]. On ne finirait pas de citer, car il y a des bibliothèques entières. J'ajoute pour mémoire l'Histoire de France de Bordier et Charton, que j'ai sous les yeux, et où l'on montre Catherine de Médicis préparant de longue-main son odieux forfait, et Les Noces vermeilles de Daniel Ramée, favorable aux protestants, mais qui hésite à voir dans la Saint-Barthélemy autre chose qu'un triste événement amené par des circonstances contre lesquelles nul ne pouvait véritablement lutter. — C'est, il semble bien, la note juste. Si rien n'excuse un crime comme le massacre du 24 août 1572, on se l'explique aisément si l'on revoit de près l'histoire de cette malheureuse époque et le rôle exact joué par le parti calviniste. Il y avait là non seulement une faction religieuse, mais politique ; le protestantisme était intolérant et agressif, en perpétuel complot contre la famille royale et la sûreté de l'État. Ses prises d'armes et ses attentats sont moins connus sans doute que la tuerie générale ordonnée par Charles IX mais il suffit de consulter les auteurs contemporains pour constater qu'ils usaient depuis longtemps de moyens semblables. Nous avons indiqué le sac de Niort (1568). Dès 1561, ils effrayent Nîmes, malgré l'indulgence ou plutôt la complicité des magistrats, vident les couvents et spolient les églises. Un mois avant l'affaire de Vassy, qui servit de prétexte à la guerre de 1562, Languet, un des chefs huguenots, écrivait à l'électeur de Saxe qu'en Gascogne et dans le bas Languedoc, ainsi qu'en Provence et jusqu'aux Pyrénées, à quarante lieues à la ronde, nul prêtre romain n'osait se montrer. Au moment où leurs demandes étaient écoutées, ils massacraient à Montpellier environ deux cents personnes, pillaient la cathédrale et interdisaient le culte aux alentours, mettaient à sac les églises de Montauban, de Castres et de biens d'autres lieux[33]. Calvin lui-même les appelait des furieux poussés par des démons. Languet convient dans une de ses lettres que les catholiques s'efforcent d'amener une paix mutuelle, et c'est alors que de Bèze, le bras droit de Calvin, le conseiller de Coligny, annonce (novembre 1561) de nouveaux troubles comme imminents. Avant l'échauffourée de Vassy, Stuckins, envoyé de Zurich au colloque de Poissy, avait déclaré dans une lettre qu'en Normandie comme en Gascogne les protestants avaient aboli la messe[34]. — Ils s'y efforcèrent en effet. En 1563, trente-cinq villes sont prises, les églises dépouillées, les images brisées ; les Cévennes, le Vivarais, presque tout le Comtat-Venaissin se révoltent. Condé Mime les violences, mais il utilise le pillage et se sert du butin ; la spoliation de l'église Saint-Martin de Tours donna plus de douze cent mille livres, sans compter les pierres précieuses. Le duc de Guise et le connétable de Montmorency consentant à se retirer, de Bèze et d'autres pasteurs disent à Condé que Dieu l'a choisi pour détruire l'idolâtrie des papistes et rétablir la pureté de l'Église. Coligny est d'avis qu'il faut surprendre l'armée du roi. Un traité est conclu avec Élisabeth d'Angleterre ; au Havre, à Rouen, à Dieppe il y aura des garnisons anglaises, et l'on prend l'engagement de rendre Calais[35]. En cette année de détresse, ce ne sont d'ailleurs que pillages et massacres. En moins de trois semaines, les protestants se trouvent partout les maîtres, car les catholiques ne s'attendaient pas à la guerre. Orléans est une des premières cités qu'ils envahissent, ravagent et pillent[36]. Au Mans, ravage des églises, incendies et massacres ; à Troyes, ce sont des atrocités inouïes[37] ; à Tours, meurtres et mutilations de prêtres, églises saccagées, viols, maisons dévastées. A Bayeux, les prêtres et même simplement les catholiques sont égorgés ou pendus. La désolation enfin fut telle que le Parlement de Paris arrêta, le 13 juillet, qu'il serait Bei te de s'équiper en armes contre ceux qui se réuniraient pour piller les villes, villages et églises. Mais les huguenots s'inquiétaient peu de tels arrêts. A Venez, petite ville du Languedoc, plus de deux cents prisonniers catholiques sont massacrés et jetés dans les puits. A Lyon, les religionnaires avaient essayé déjà, en 1561, d'entrer par force (nuit du 4 au 5 septembre) ; ils furent repoussés. Mais lorsque l'année suivante la trahison du comte de Sault, gouverneur, leur eut livré la ville, ce ne fut qu'exécutions, massacres et ravages exécutés avec une sorte d'ordre et systématiquement. Article 3, spécifia une ordonnance qu'ils rendirent, il ne se dira plus de messe ; article 4 : chacun sera libre dans sa religion, et, en vertu de cette tolérance, les tombeaux sont ouverts, les reliques jetées au vent, les prêtres et religieux précipités dans les puits[38]. Le baron des Adrets présidait aux dévastations et aux assassinats. La chasse contenant le corps de saint Just fut prise, les statues des saints abattues, l'église de Saint-Irénée et les sanctuaires de Fourvières saccagés. A Montbrison, on montre encore la tour d'où il faisait précipiter les catholiques. — Ce sont les litanies de la guerre civile. — En 1564, lors du voyage de la Cour dans le Dauphiné, le Lyonnais et le Languedoc, l'état du pays était si pitoyable qu'il semblait que des bandes de sauvages avaient passé par là. Et le Vénitien Marc Antoine Barbaro, après son ambassade de 1563, écrit : L'administration était sans règle, la désobéissance et la turbulence dans les peuples, la révolte et l'impiété parmi les grands. C'étaient des tumultes continuels, des meurtres et ravages sans fin ; le droit de prêcher dans les villes avait été accordé par des hommes suspects d'hérésie, ce qui fut cause de tout le mal ultérieur. Condé était séditieux et pervers[39].

Après le complot avorté de Meaux, les calvinistes renouvelèrent, dépassèrent même en certains endroits les excès de 1562. L'incendie de Paris[40], ville de papistes, avait été résolu. A Soissons, on pille et dévaste[41]. A la fin de septembre 1567, dit Sismondi[42], forcé de rendre justice à ses coreligionnaires, les huguenots se rendirent maîtres de Montauban, Castres, Montpellier, Nîmes, Viviers, Saint-Point, Uzès, Pont-Saint-Esprit et Bagnolles ; partout ils chassèrent les prêtres, moines et religieux. Ils dépouillèrent les sanctuaires de leurs ornements et quelquefois ils démolirent les églises. Montluc les contint un moment par une guerre à outrance ; mais il assiégea vainement la Rochelle, qui fut leur boulevard jusqu'au jour où Richelieu la rendit à la monarchie. De cette ville s'élançaient des corsaires qui battaient l'Océan, pillaient les marchands papistes et conduisaient en Angleterre, d'où ils recevaient des secours, les dépouilles des églises de France, qu'ils vendaient à vil prix[43]. Condé semblait le-roi du Midi ; il avait droit de vie et de mort, confisquait et distribuait des terres, levait des impôts et des hommes, négociait avec l'étranger ; il visait, disait-on, à être roi ; des monnaies auraient été frappées avec cette légende : Ludovicus XIII, dei Gratia, Francorum Rex Primus Christianus[44]. — Quoi qu'il en soit de ce fait et de la proclamation du même prince à Saint-Denis, il faut mentionner encore, dit M. Gandy, l'affreuse boucherie de Nîmes qui fut appelée la Michelade[45] : — Les huguenots dressent une liste de proscription, ils tirent de l'hôtel de ville les catholiques qu'ils y ont enfermés et les conduisent dans la cour de l'évêché. Là commence le massacre ; les corps sont jetés dans un puits au fond de la cour — les puits jouent un grand ride dans ces tueries bibliques, — et tout ce qu'ils avaient sur eux est enlevé. Le carnage, éclairé aux torches, dura toute la nuit et continua le lendemain. Ce jour-là, les maisons des catholiques sont recherchées ; ceux qu'on arrête sont égorgés et jetés au puits. Bien qu'il ait plus de sept toises de profondeur et quatre pieds de diamètre, il est presque comblé de corps, cadavres ou mourants. Cent cinquante personnes suivant les uns, trois cents selon d'autres furent assassinées. — Au reste, même après la paix de Longjumeau et celle de Saint-Germain, les agissements des calvinistes continuèrent. En 1568 ils se soulevèrent de nouveau. Il v eut des cruautés, des sacrilèges et des ravages dans l'Angoumois, le Poitou et la Saintonge. Montgommery mit le feu aux quatre coins d'Orthez (Béarn) et passa aux armes presque tous les catholiques ; dans le pays même, tous les biens d'église furent saisis et séquestrés. Jeanne d'Albret s'en servit pour entretenir ses garnisons et ses ministres. — Peu de temps après (1571) toute superstition et idolâtrie était bannie ; tous devaient aller au prêche sous peine d'amende et de prison. Beaucoup de villes, comme Aurillac, furent saccagées après s'être rendues.

On nous excusera d'avoir insisté. Il est toujours nécessaire, lorsqu'on se trouve amené à parler de la Saint-Barthélemy, même incidemment, de montrer qu'il n'y eut point là un acte isolé, un événement certes odieux, mais sans précédents et sans lendemain, où les catholiques se montrèrent les impitoyables massacreurs de ceux qui avaient le tort grave de ne point professer la même religion et ne réclamaient que tolérance. Il n'y faut voir au contraire qu'un épisode de la lutte engagée depuis plus de dix ans par les calvinistes, mal venus à se poser en martyrs après ce qu'ils avaient fait et perpétré dans toutes les parties du royaume où ils se trouvèrent les maîtres. La liberté de conscience, que nous ne comprenons guère encore aujourd'hui, n'était d'ailleurs acceptée par personne au seizième siècle. L'extermination des hérétiques était reconnue et revendiquée comme un acte indispensable par les protestants mêmes, et il s'en faut de beaucoup qu'ils aient lutté simplement pour conquérir le droit de ne pas aller à la messe. Ceux qui ne veulent pas que les hérétiques soient mis à mort, dit Théodore de Bèze, sont tout autrement coupables que ceux qui réclament l'impunité des parricides... Pour commencer, il voulait tuer tous les prêtres. Calvin demande qu'on tue les jésuites et, si cela ne peut se faire commodément, qu'on les chasse ou au moins qu'on les écrase sous les mensonges et les calomnies. Minorité intolérante et agressive, les protestants ne visaient en somme qu'à conquérir la France et à la faire protestante. Ils voulaient non la liberté de leur religion mais la suppression du catholicisme et des formes sociales qui lui étaient traditionnelles. Leurs synodes nationaux, on le sait, établissaient en principe qu'il était légitime de prendre les armes. Leur premier soulèvement, qui avait pour prétexte d'arracher François II aux Guises, devait leur donner le gouvernement de la France ; ils prêchaient l'insurrection conditionnelle, et Coligny, en présentant une requête pour obtenir la liberté de conscience dans chaque ville, disait qu'il pouvait l'appuyer de cent cinquante mille hommes. La Réforme, enfin, c'était la coalition avec l'étranger, et ils l'introduisirent jusqu'au cœur de la France. La suprématie était dans les vœux et les principes des calvinistes et tous les moyens leur semblaient bons pour l'obtenir. — On ne doit pas s'étonner ainsi lorsqu'on apprend qu'à Nîmes, en 1572, il y eut une assemblée générale où ils dressèrent les plans d'une république ; en 1573, les Etats Anduze jettent les bases d'une association républicaine en France et l'on y jure la confédération des églises reformées. En 1611 même, à l'assemblée de Saumur, certains huguenots donnèrent le plan d'une constitution républicaine ; le duc de Rohan, selon le témoignage de Fontenay-Mareuil, songeait à tout hasarder et périr, ou faire une république comme le prince d'Orange[46]. C'est une démocratie roulée d'aristocratie, disait Tavannes en parlant de l'Estat Huguenot, une république dans la monarchie, de laquelle elle fomentera la ruine, parce que l'un de ces gouvernements ne peut subsister ni demeurer en sûreté sans la ruine de l'autre. — Il faut ajouter que le parti était organisé fortement, et organisé cousine une société secrète. — Dans chaque province, dit l'ambassadeur Correro, dont nous résumons les indications, ils avaient un chef qui contrebalançait l'autorité du gouverneur du roi, si toutefois le gouverneur lui-même n'était pas des leurs. Sous ce chef, il y avait un grand nombre de subordonnés à des degrés divers. Venaient ensuite les ministres...[47] Les protestants, dit M. Th. Lavallée, avaient leurs rôles de recettes et de soldats, leurs magasins d'armes, leurs rendez-vous, leurs chefs, leurs assemblées et leurs négociations secrètes avec les étrangers ; ils étaient prêts pour un soulèvement général[48].

Toutefois, Catherine de Médicis, dont c'était la politique de bascule et de tergiversations, avait eu pour eux des complaisances que les catholiques n'approuvaient nullement. Les ambassadeurs des puissances voisines, témoins de sa conduite, la jugeaient le plus souvent avec une sévérité qui nous étonne. Bien qu'avec l'arrière-pensée d'en être un jour maîtresse, on peut donc croire qu'après la paix de Saint-Germain elle ait sérieusement essayé de rapprocher les deux religions, — et de même que Charles IX ait sincèrement voulu la pacification de son royaume. La guerre durait depuis 1562 et ruinait tout. s C'était, dit Castelnau, comme une rage et un feu qui bridait et embrasait la France. s Il était vraiment l'heure de se reprendre, de se faire des concessions mutuelles. — Une lettre adressée à Mandelot, gouverneur de Lyon, par le roi, en date du 3 mai 1572, atteste qu'il avait voulu et qu'il voulait toujours l'édit de pacification[49]. Ses Lettres à La Mothe-Fénelon, ambassadeur en Angleterre (1570), témoignent également de sa bonne foi[50]. Il exprima ses désirs de paix et de conciliation avec non moins de franchise dans sa réponse aux ambassadeurs des princes de l'Église qui étaient venus le complimenter sur son mariage. — Catherine même semblait bien disposée pour les huguenots, qui restaient armés cependant et se montraient délicats et farouches ; Coligny, venu à la Rochelle avec les princes de Béarn et de Condé, y demeura obstinément, s'excusant de n'assister point au mariage du roi, et ne vint à Paris qu'en octobre 1571. — La paix de 1570, toutefois, devait avoir d'autant moins un caractère d'astuce qu'elle était l'œuvre du tiers-parti, — où figuraient les Montmorency, Cossé, Biron — les politiques — et qui, avec ses principes de temporisation avait les tendresses de Catherine. A Rouen, Charles IX avait fait punir des gardes qui avaient eu une collision avec les protestants. Il appelait le traité de Saint-Germain son traité et sa paix[51]. En janvier 1571, c'est le maréchal de Cossé qu'il charge de s'entendre avec les chefs protestants sur l'interprétation et l'exécution de l'édit. Il reçut amicalement les députés La Noue et Téligny — qui épousa bientôt après la fille de Coligny, — Briquemaut et Cavagne[52], conseiller au parlement de Toulouse, que les protestants envoyaient, et fit droit en grande partie à leurs plaintes. La cour paya 150.000 écus aux reitres allemands qui avaient ravagé le pays ; on ôta les garnisons des villes du Midi ; on permit aux huguenots de lever entre eux des subsides ; on enleva les armes des milices bourgeoises. Coligny fut comblé d'honneurs et de présents ; Charles IX lui rendit toutes ses charges et lui permit de s'entourer d'une garde de cinquante gentilshommes, le dédommagea des pertes qu'il avait subies pendant la guerre et lui fit don de 100.000 livres. Il entra dans Paris avec l'amiral à sa droite, et, à sa requête, fit détruire une pyramide élevée près du marché des Innocents, sur l'emplacement de la maison d'un sectaire, qui avait tenu là une réunion interdite. Coligny fut alors de tous les conseils ; on expliquait, on faisait exécuter l'édit comme il l'entendait. Le parti catholique en même temps, les Guises, le duc d'Anjou, tombaient en disgrâce. S'ils sont irréductibles, disait le roi, on les enverra faire leur cas à part. Il en arriva à se plaindre à l'amiral ou à son gendre Téligny[53], des intrigues de sa mère, de la dissimulation de son frère d'Anjou, du fanatisme du duc de Montpensier, oncle de Henri de Guise, de l'esprit espagnol du comte de Retz et de l'infidélité de ses secrétaires d'État. — La politique suivie à l'extérieur était de même toute favorable aux protestants. Catherine négociait le mariage du duc d'Anjou d'abord, du jeune duc d'Alençon ensuite avec la reine Élisabeth d'Angleterre, comme contre-partie de l'union de sa fille Marguerite avec Henri de Navarre ; les relations avec l'Allemagne protestante, avec les Flandres et l'Espagne, tout indique une diplomatie de conciliation. C'était le frère de l'amiral, le cardinal de Châtillon, qui avait pris l'initiative — assez singulière, étant donné les idées des protestants — du mariage du duc d'Anjou[54]. C'est Coligny qui rassemble dans le port de La Rochelle, avec l'agrément du roi, une flottille qui doit aller surprendre les possessions espagnoles des Antilles. La flotte partit, mais fut battue et détruite. — Au reste, dès 1570, la cour s'était éloignée du pape, du roi d'Espagne, de toutes les souverainetés catholiques, pour se rapprocher des États réformés. Le maréchal de Montmorency fait conclure avec l'Angleterre (29 avril 1572) un traité de défense mutuelle surtout dirigé contre l'Espagne et favorable à la révolte des Pays-Bas ; Louis de Nassau, émissaire du prince d'Orange, vient conseiller à la Cour, en 1571 de soutenir les Gueux de Flandre et de Néerlande, et l'amiral fit de cette entreprise son affaire de prédilection ; il osa dire au Conseil, selon Bellièvre, que si Sa Majesté ne voulait faire cette guerre, elle se pouvait assurer de l'avoir bientôt en France avec ses sujets[55]. Charles IX enfin paraissait entrer entièrement dans les vues de l'amiral. Il lit faire de nouveaux armements à la Rochelle et à Bordeaux, envoya de l'argent au prince d'Orange et donna des ordres, ou son assentiment pour assembler des troupes qui furent mises sous le commandement de La Noue et de Genlis afin de secourir les Flandres. — Le mariage de Marguerite et du prince de Béarn, navre également du tiers parti, devait être le gage de la réconciliation entre catholiques et protestants. Biron Lavait négocie en 1571[56] et l'Espagne et l'Italie s'y opposèrent vainement[57]. Le cardinal Alexandrin fut sans profit envoyé de nome pour empêcher cette union qu'on trouvait scandaleuse et faire aboutir le mariage de Portugal. Dans une audience secrète, le roi lui déclara que de puissantes raisons d'État l'obligeaient à marier sa sœur au prince de Navarre ; c'était l'avis des princes et des hommes sages de son royaume, car Henri de Bourbon avait de grandes qualités et il céderait facilement à la vérité catholique ; quant à lui, il n'avait pas d'autre moyen de se venger des hommes dont la fourberie et la scélératesse avaient tourmenté et affaibli son royaume. — Ce mariage, en effet, venait à l'encontre de celui que préconisaient certains religionnaires, du prince de Navarre avec Élisabeth, et qui devait leur donner l'appui de l'Angleterre. — Jeanne d'Albret, cependant, après avoir paru toute disposée, avoir sollicité même l'agrément du roi, éternisait les pourparlers, demandant que la ville de Lectoure, occupée par les catholiques, lui fût rendue et que son fils ne vint qu'au dernier moment pour l'office qu'on ne peut faire par procuration. Après que la majorité de son Conseil eut donné un avis favorable, elle ne borna plus ses restrictions qu'à quelques détails concernant la religion et le culte ; il y eut des retards aussi parce qu'on ne pouvait s'entendre sur le lieu et les dispositions, Charles IX exigeant que le mariage fût consacré à Paris, par des prêtres catholiques, tandis que la reine de Navarre voulait qu'il eût lieu dans un autre endroit, par des pasteurs réformés. Pie V et son successeur Grégoire XIII refusèrent, au reste, les dispenses que nécessitaient à double titre la différence de religion des futurs époux et leur parenté à un degré que prohibaient les canons. Partie de Nérac en novembre 1571, la reine de Navarre, après avoir longuement séjourné à la Rochelle, arriva à Tours le 10 février 1572. Le 14, elle était à Chenonceaux, où Catherine l'attendait, l'ayant précédée d'un jour. — C'est au cours des entrevues qui eurent lieu entre ces deux femmes artificieuses que les choses se compliquèrent[58]. Catherine, selon les auteurs protestants, traita Jeanne d'Albret d'une manière dédaigneuse et chercha à l'empêcher de conférer avec le roi ; elle faisait naître des obstacles frivoles par lesquels elle semblait se moquer de la reine de Navarre et qui étaient en contradiction avec les promesses qu'on lui avait faites. Le roi, au contraire, lui témoigna une grande affection et du respect, et lorsqu'elle manifesta la crainte que le pape n'accordât point la dispense, Charles IX aurait répondu : Non, ma tante, je vous honore plus que le pape et aime plus ma sœur que je ne le crains. Je ne suis pas huguenot, mais je ne suis pas sot aussi. Si monsieur le pape fait trop la bête, je prendrai moi-même Margot par la main et la mènerai épouser en plein prêche[59]. — Tout n'est point faux, d'ailleurs, dans ce qu'indiquent les historiens du parti. Les lettres de Jeanne d'Albret nous donnent quelques circonstances de ces négociations ; la reine se plaint d'être bernée, moquée, traitée de façon cavalière en somme, et si l'on ne connaissait la duplicité foncière de Catherine, il y aurait lieu de s'étonner. Elle désirait ce mariage, mais elle voulait que son gendre devint catholique. Jeanne d'Albret cherchait à gagner sa future belle-fille, à lui faire promettre de prendre la religion de son mari. C'était à qui ne céderait pas. La princesse lui fit honneur et bonne chère, répondit en termes généraux d'obéissance et, au demeurant, n'accorda rien. Au témoignage de la reine de Navarre, elle semblait très surveillée, tant qu'elle fit la discrète et se renferma.

Elle parle comme on la fait parler, dit la vieille protestante. — Les prétentions de Jeanne d'Albret, aussi bien, allaient croissant. Elle réclamait le gouvernement de la Guyenne, de l'Armagnac et d'une grande partie de la Gascogne ; de plus, comme dot de Madame, tout le littoral entre Bayonne et la Rochelle. Ces divers pays, unis à la Navarre, auraient assuré à Henri de Bourbon la possession d'une des meilleures parties du royaume. — Les négociations s'étant aigries entre les deux reines, on eut recours à des intermédiaires. Jeanne d'Albret 'prit pour conseils son chancelier Francourt, La Noue et le comte de Nassau, et le ll avril, le contrat fut signé ; le roi dotait Marguerite de 300.000 écus à cinquante-quatre sols tournois pièce ; elle renonçait en faveur de son frère à tous les droits qu'elle avait ou pouvait avoir sur les biens paternels ou maternels, et le lendemain des noces elle avouerait et ratifierait cette renonciation avec la permission et autorité de son mari. Catherine promit deux cent mille livres, les ducs d'Anjou et d'Alençon chacun vingt-cinq mille, qui devaient être employées à l'achat de rentes sur la maison de ville de Paris[60]. Mais tout cela ne fut jamais payé, paraît-il, ou ne le fut qu'imparfaitement. Le douaire fut réglé à quarante mille livres de rente, avec le château de Vendôme meublé pour demeure. Quant à Jeanne d'Albret, elle laissait à son fils l'usufruit et jouissance de la haute et basse comté d'Armagnac, et lui abandonnait douze mille livres de douaire qu'elle avait sur le comté de Harle. Le cardinal de Bourbon renonçait aussi, par amitié pour son neveu, à tous les droits qui pouvaient lui appartenir en qualité de Bourbon, le reconnaissant pour ainé et véritable héritier de la maison.

Henri de Navarre n'étant attendu à la Cour que pour le milieu de mai — c'était on l'a vu, la volonté de sa mère qu'il ne vint qu'an dernier moment, — le roi se retira à Chambord, la reine-mère à Chenonceaux et Jeanne d'Albret à Vendôme.

La princesse Marguerite, dont le sort venait d'être ainsi régie, malgré l'indifférence que lui montra toujours son mari, était une des plus jolies filles de celte Cour des Valois qui en réunissait tant. Elle allait avoir vingt ans. Elle avait pris la dignité du maintien, le grand air, les façons d'élégance qui en devaient faire la femme la plus séduisante de son temps. Elle savait si bien s'habiller, dit Brantôme, et si curieusement et richement accommoder, tant pour le corps que pour la tête, que rien n'y restait pour la rendre en sa pleine perfection. Elle était de bonne taille et plutôt forte, et tous les contemporains, même ceux qui la dénigrent sont unanimes à reconnaître sa beauté, qui faisait honte à celle du ciel. Le même Brantôme nous la montre en 1571, à une procession de Blois, avec une lourde robe en drap d'or frisé, si sûre d'elle-même qu'elle dédaignait de porter le masque, comme toutes les autres dames si bien que chacun perdit ses dévotions pour la regarder mieux. — La reine de Navarre la trouva belle et avisée et de bonne grâce, mais nourrie en la plus maudite et corrompue compagnie qui fut jamais[61]. — Nous n'avons point de portrait d'elle à l'époque de son mariage, mais le dessin aux crayons de couleur que possède la Bibliothèque nationale et qui fut fait l'année suivante nous la représente à peu près telle qu'elle devait être alors[62]. Elle est coiffée, sur des cheveux blonds frisés[63] d'un petit bonnet à aigrette garni de grosses perles, qui lui donne une physionomie éveillée, un peu malicieuse, et dont les yeux intelligents retiennent. La lèvre supérieure est fine, avec un pli de moquerie en coin, la lèvre inférieure plus grosse et marquée, signe de dédain et aussi de sensualité. Les sourcils sont fins et, élevés, le nez droit et fort, le visage arrondi, — traits qui se retrouvent dans tous les portraits de la famille, — chez Catherine, chez Charles IX, chez le duc d'Alençon, même en partie chez Henri III. On lui accorde encore l'éclat du teint, la finesse, la transparence de la peau ; elle avait de la grâce, de l'esprit, même de l'étourderie ; e la nature avait mis ses plus rares esprits à la façonner e, dit Brantôme, et en résumé c'était une jolie personne, de figure un peu enfantine, et qui dut être convoitée par plus d'un. — Mais il faut indiquer ici que la reine de Navarre, protestante rigide et de sèche morale, qui ne tarit point sur la dépravation du milieu, ne fait aucune mention à son propos des bruits malveillants qui furent si bien accrédités plus tard. Le mariage fait, elle pense que son fils devra s'éloigner de suite et emmener la princesse. Je ne voudrais pour chose au monde que vous y fussiez pour y demeurer... Je désire vous marier et que vous et votre femme vous vous retiriez de cette corruption. Tout ce qu'elle reproche à la future reine Margot, c'est de se farder et serrer extrêmement[64]. — Quant à ses sentiments, sur son mariage, Marguerite les a soigneusement cachés. Elle n'en parle alors que comme d'un événement ordinaire, et c'est bien longtemps après qu'elle aura la franchise de dire : J'ai reçu du mariage tout le mal que j'ai jamais eu, et je le tiens pour le seul fléau de ma vie ; je ne m'étonne pas si Jupiter a haï sa sœur. Ah ! que l'on ne die pas que les mariages se fassent, au ciel : les Dieux ne commirent une si grande injustice...[65]

 

 

 



[1] HILARION DE COSTE, Éloges et vies des reines et dames illustres, Paris, 1647. — C'était Charlotte de Vienne, quatrième femme de Joachim de Chabannes, sénéchal de Toulouse et chevalier d'honneur de la reine Catherine.

[2] Les lettres du duc d'Albe établissent au contraire que le parti espagnol qui poussait à la destruction des huguenots trouva la Cour de France fort ennemie de tels projets. Cf. Papiers d'État du cardinal de Granvelle, et G. GANDY, la Saint-Barthélemy (Revue des questions historiques). — Il faut se rappeler aussi l'impression que fit sur le duc la nouvelle du massacre ; seul de toute la cour de Philippe II il ne se méprit pas sur Catherine et répéta à qui voulut l'entendre que c'était une chose furieuse, légère et mal pensée. Cf. H. DE LA FERRIÈRE, les Projets de mariage de la reine Élisabeth, et les dépêches de Saint-Gouard. Bibl. nat., fonds fr., n° 1607.

[3] Mémoires de Marguerite de Valois, édit. de L. Lalanne, qui place par erreur l'entrevue de Bayonne en 1569.

[4] Mémoires de Castelnau, VI, 1.

[5] Mémoires de Castelnau, VI, 1.

[6] Ma fille m'a fait une belle peur, écrivit Catherine à la duchesse de Nemours, lui voyant le pourpre et que Chapelain et Castelan — médecins du roi et de la reine — en étaient morts, n'ayant que Milon qui l'a bien guérie et sauvée ; elle est bien faible et bien maigre. Bibl. nat., fonds fr. N° 3227, p. 80. Cf. Documents inédits, Lettres de Catherine de Médicis, t. III.

[7] Catherine avait été atteinte d'une fièvre pestilentielle et du charbon, pris en allant visiter les religions des femmes cantine il y en a beaucoup en cette ville là, lesquelles avaient été infectées de cette contagion, de quoi elle fut garantie miraculeusement. Mém. de Marguerite de Valois. — Sur le séjour de Charles IX et de Catherine de Médicis à Metz, voyez le travail de Ch. ABEL (Mémoires lus à la Sorbonne, 1866), et La célèbre et magnifique entrée de Charles neuvième... faite en la ville de Metz, Paris, 1569.

[8] Le P. HILARION DE COSTE.

[9] Elle était beaucoup plus âgée que le roi, et Catherine dit à ce propos : Mon fils veut une femme et non une seconde Mère, en ayant assez d'une.

[10] Le portrait de Madame a tellement contenté ceux de cette cour, qu'il n'est possible de mieux. On m'a fait entendre de chez le roi que sitôt qu'il le vit, il le baisa et accola et oncques depuis ne s'en voulut dessaisir. (Lettre à Catherine de Médicis.) — Dans une autre lettre il dit que C'est un très beau jeune prince et qu'on lui fait des contes merveilleux de l'opinion qu'il a prise de Madame Marguerite. — Le même jour, Nicot écrit au roi : J'observai en lui parlant les traits de son visage, de son parler, de toute sa contenance, que croissant en âge il sera un peu malaisé à gouverner, et qu'il tiendra de la sévérité ou de la cruauté et sera hautain plutôt que autrement, et telle est l'opinion de plusieurs qui l'ont bien vu. Il s'enquiert de Messieurs et Mesdames et s'arrête plus longuement sur Mine Marguerite, ayant entendu les grâces dont Dieu l'a pourvue, et j'étais averti qu'il aimait bien en entendre parler. (Bibl. de Saint-Pétersbourg. Documents français.)

[11] Pour toute l'histoire du mariage du roi de Portugal, cf. les dépêches de Fourquevaux, à la Bibl. nat. ; les résumés de H. DE LA FERRIÈRE, Trois amoureuses du seizième siècle, et Ch. DE MOUY, Grands seigneurs et grandes dames du temps passé ; Un Ambassadeur français à la cour de Philippe II. — Les lettres de Fourquevaux ont été publiées par M. le chanoine Douais, Paris, 1877.

[12] Bibl. nat., dépêches de Fourquevaux, n° 10752.

[13] Louis Bérenger, seigneur de Du Gast ou Du Guast, ouvre la liste de cette longue suite de favoris qui eurent une influence si désastreuse sur le futur Henri III. Insolent et hautain, dit de lui l'historien DE THOU, il n'y avait pas de prince qu'il respectât, pas de femmes et des plus nobles qu'il n'outrageât. — Un portrait de Louis Bérenger est conservé aux Estampes dans les crayons du seizième siècle. Il a le front bombé, la barbe rousse, courte et taillée en pointe, les lèvres minces et dédaigneuses ; l'expression dominante de cette physionomie, c'est l'audace et l'astuce. Cf. LA FERRIÈRE, Trois amoureuses du seizième siècle.

[14] Bibl. nat., fonds fr., n° 3326, p. 4.

[15] Arch. nat. Coll. Simancas.

[16] DUPLEIX, Histoire ; Cf. DE THOU, MÉZERAY, Pierre MATHIEU.

[17] DAVILA, Histoire des guerres civiles, trad. de l'italien, Amsterdam, 1574, liv. 5 ; Discours merveilleux ; Mémoires de l'État de France, f° 19.

[18] MONGEZ, Histoire de Marguerite de Valois, p. 31. — Cf. Pierre MATHIEU. — Le discours merveilleux dit aussi que Catherine poussait Charles IX à faire tuer le duc de Guise.

[19] H. DE LA FERRIÈRE, Trois amoureuses du seizième siècle. — Ce mariage fut célébré à la hâte, dit Mongez, et sans aucune pompe ; de là, toute la Cour put aisément conclure combien la liaison de ce duc avec Marguerite était étroite et intime, puisqu'il avait fallu pour la rompre des moyens aussi prompts et aussi décidés. Toutefois, le duc de Guise aurait fait encore à la princesse une cour assidue jusqu'à son mariage avec le roi de Navarre.

[20] Voyant le temps de l'invention qu'il avait fabriquée pour me ruiner, mon frère lui dit [à la reine Catherine] que je devenais belle et que M. de Guise me voulait rechercher, et que ses oncles aspiraient à me le faire épouser ; que si je venais à y avoir de l'affection, il serait à craindre que je lui découvrisse tout ce qu'elle me dirait ; qu'elle savait l'ambition de cette maison-là, et combien elle avait toujours traversé la nôtre... En cet état je vins de Saint-Jean-d'Angély à Angers, malade de corps, mais beaucoup plus malade de l'âme, où pour mon malheur je trouvai M. de Guise et ses oncles arrivés ; ce qui réjouit autant mon frère, pour donner couleur à ses artifices, qu'il me donna d'appréhension d'accroître ma peine. Lors mon frère, pour mieux conduire sa trame, venait tous les jours à ma chambre, y menant M. de Guise qu'il feignait d'aimer fort. Et pour l'y faire penser, souvent en l'embrassant, il lui disait : Plût à Dieu que tu fusses mon frère. A quoi M. de Guise montrait ne pas entendre... Tous les jours on disait à la reine quelque chose de nouveau sur ce sujet pour l'aigrir contre moi et me tourmenter, de sorte que je n'avais un seul jour de repos ; car, d'un côté le roi d'Espagne empêchait que mon mariage ne se fit, et de l'autre M. de Guise étant à la Cour servait toujours de prétexte à me faire persécuter, bien que ni lui ni ses parents ne m'ont jamais parlé et qu'il y eût plus d'un an qu'il avait commencé la recherche de la princesse de Porcian. Mais parce que ce mariage-là trainait, on en rejetait toujours la cause sur ce qu'il aspirait au mien. Ce que voyant, je m'adressai d'écrire à ma sœur, Mme de Lorraine, qui pouvait tout en cette maison-là, pour la prier de faire que M. de Guise s'en allât de la Cour et qu'il épousât promptement la princesse de Porcian, sa maitresse ; lui représentant que cette invention avait été faite autant pour la ruine de M. de Guise et de toute sa maison que pour la mienne. Mémoires de Marguerite de Valois, édit. elzévirienne, p. 21-23.

[21] H. DE LA FERRIÈRE, Trois amoureuses du seizième siècle : Marguerite de Valois.

[22] Bibl. nat., dépêches de Fourquevaux, n° 10752, p. 739.

[23] Charles de Montmorency, fils puiné du connétable Anne, plus tard duc de Danville, puis amiral de France et connétable.

[24] Pour la discussion des opinions multiples émises à ce sujet, j'ai cru devoir suivre l'excellent travail de M. C. GANDY, La Saint-Barthélemy, ses origines, son vrai caractère, ses suites, dans la Revue des Questions historiques, 1866.

[25] Hist. de France, t. X.

[26] C'est aussi le sens d'une conversation de Catherine avec l'ambassadeur florentin Petrucci, que rapporte M. Abel DESJARDINS, Charles IX, deux années de règne, Douai, 1873.

[27] Hist. de Charles IX, ap. Archives curieuses, t. VIII, p. 333.

[28] Histoire des Français.

[29] Essai sur les événements qui ont préparé et amené la Saint-Barthélemy, 1838.

[30] Précis de l'Histoire de l'Église reformée de Paris, 1862.

[31] Histoire de France, t. I.

[32] La France et la Saint-Barthélemy, trad. de l'allemand, 1855.

[33] Voyez les Lettres de Languet, historien du parti, passim.

[34] M. G. GANDY et les auteurs qu'il cite.

[35] Traité du 20 septembre 1562, dans LÉONARD, Recueil des traités, t. II, p. 571.

[36] Symphorien GUYON, Histoire d'Orléans, 1650.

[37] COURTALON, Topogr. hist. de la ville et diocèse de Troyes, apud PRAT., Hist. de l'Église gallicane.

[38] Pour les excès des protestants à Lyon, voir Discours des premiers troubles advenus à Lyon, par Gabriel SACONAY, præcenteur et compte de l'église de Lyon, témoin oculaire. Lyon, 1569, in-12. — De Tristibus Franciæ, libri quatuor ex Bibliothecæ Lugdunensis codice, Lyon, 1840 (note de M. G. GANDY, Revue des Questions historiques).

[39] Relations des Ambassadeurs vénitiens, t. II, p. 66-73.

[40] L'inimitié du peuple de Paris contre les huguenots était connue de longue date : Il y allait de la vie et saccagement des maisons. Régnier de la Planche raconte même que certains garnements, inquiétés de leurs dettes, suivaient leurs créditeurs, et les trouvant aux rues égarées, n'avaient plutôt crié : Au luthérien ! Au christaudin ! qu'ils ne fussent non seulement quittes de leurs dettes, mais le plus souvent revêtus de la dépouille de leurs créanciers.

[41] Abbé PÉCHEUR, Annales du diocèse de Soissons, t. V.

[42] Histoire des Français, t. XVIII.

[43] MONTLUC, Commentaires, anno 1568 ; Michel DE CASTELNAU, VII, 2.

[44] Le fait a été très discuté et demeure douteux ; cf. le Dictionnaire historique de Prosper MARCHAND, au mot Bourbon, p. 127, édit. de 1758 ; la dissertation de Secousse, au t. XVII des Mémoires de l'Acad. des Inscriptions, etc.

[45] MESNARD, Histoire de Nîmes, t. V, p. 16.

[46] Fontenay-Mareuil, dans la coll. Michaud, 2e série, t. V. — Voyez Histoire des assemblées politiques des Reformés en France, 1859 ; Henri MARTIN, t. IX, etc. — Remarque curieuse à faire, la façon de désigner le parti protestant se modifia et le nombre des mots à y employer diminua, pourrait-on dire, à mesure que décroissait son importance politique. C'est d'abord : ceux de la religion prétendue reformée ; puis : ceux de la religion prétendue ; Saint-Simon ne les appelle plus, dédaigneusement, que : ceux de la religion.

[47] Relations des Ambassadeurs vénitiens. Doc. inédits sur l'Hist. de France, t. II, 1838.

[48] Th. LAVALLÉE, Histoire des Français. — Après la Saint-Barthélemy, on trouva entre les mains des trésoriers huguenots 500.000 écus destinés à solder les reitres qui étaient venus quelques années auparavant au secours du parti. BOUTARIC, Bibl. de l'École des Chartes. — Divisés en vingt-quatre églises, les huguenots levaient 800.000 livres de contributions annuelles, susceptibles d'être aisément doublées et triplées ; la facilité qu'ils avaient de mettre sur pied en un mois autant de troupes que le roi en aurait mis en quatre, devait être encore pour Charles IX un motif d'inquiétude légitime. B. ZELLER, Saint-Barthélemy, 39.

[49] Correspondance du roi Charles IX et du sieur de Mandelot, pendant l'année 1572, publiée par M. Paulin Paris, 1830.

[50] Correspondance diplomatique de Bernard de Salignac de La Mothe-Fénelon, ambassadeur de France en Angleterre de 1568 à 1575, publiée par M. Teulet, 1838-1840, et H. DE LA FERRIÈRE, Le seizième siècle et les Valois.

[51] SULLY, Économies royales.

[52] Briquemaut et Cavagne, chanceliers de la cause, furent exécutés après la Saint-Barthélemy. Le roi, dit Brantôme, assista à l'exécution ; et d'autant qu'il était nuit, il fit allumer des flambeaux et les tenir près de la potence pour les mieux voir mourir et contempler leur visage et contenance. Edit. Buchon, I, p. 561. — Briquemaut avait soixante-dix ans.

[53] L'ESTOILE, édit. Michaud et Poujoulat, t. I, p. 24-25.

[54] Tavannes dit que c'était pour éloigner le duc d'Anjou du royaume.

[55] CAVEIRAC, Dissertation sur la Saint-Barthélemy ; dans CIMBER et DANJOU, Archives curieuses, t. VII, p. 5,88.

[56] On a dit que c'était de sa propre initiative que Jeanne d'Albret avait parlé du mariage de son fils avec Marguerite de Valois. Ma tante, écrit le roi le 2 décembre 1571, m'a envoyé M. de Beauvais et m'a rappelé la promesse faite par mon père Henri II au roi son époux. J'y ai volontiers consenti. Mais cette lettre, il faut le remarquer, est datée de la fin de 1571, époque à laquelle les négociations de Biron avaient tout préparé. Une partie de la correspondance du maréchal est à la Bibliothèque de Saint-Pétersbourg, Documents français. Cf. l'analyse qu'en donne M. H. DE LA FERRIÈRE dans les Archives des Missions scientifiques, 2e série, t. III, 1865.

[57] Lorsqu'il fut question du mariage avec Henri de Navarre, le pape Pie V tenta de reprendre les négociations avec le Portugal. Il envoya à Lisbonne don Loys de Torres, dont la mission n'eut d'ailleurs aucun succès. On en rejeta encore la Faute sur les deux Théatins, et à son retour, passant par Madrid, don Loys dit à Fourquevaux : Ils ont fait prendre les femmes en horreur au jeune roi ; le pape aurait dit les rappeler à Rome. (Dép. de Fourquevaux, n° 10752, p. 735.)

[58] Jeanne d'Albret, on peut le voir par sa correspondance, avait toujours manifesté une grande déférence pour Catherine de Médicis ; elle reconnaissait son intelligence aussi bien que son autorité, et avait pour elle des flatteries, des mots qui ne viennent jamais sous sa plume quand elle écrit à d'autres. Elle l'avait acceptée pour protectrice, spécialement lorsque la reine-mère avait pris, d'elle-même, sa défense auprès du pape, et même au milieu des troubles et tics difficultés de la guerre n'avait cessé de lui écrire respectueusement comme à sa bonne dame et maîtresse. — Cf. les Archives des Missions scientifiques, loc. cit., où M. de la Ferrière a publié quelques-unes de ses lettres, très curieuses, conservées à la bibliothèque de Saint-Pétersbourg.

[59] Cf. L'ESTOILE, édit. Michaud et Poujoulat, t. I, p. 24.

[60] Nicolas BORDENAVE, Histoire de Béarn et de Navarre (édit. de la Société de l'Hist. de France) ; cf. Mémoires de l'Estat de la France sous Charles IX, 1572 ; La Popelinière, même année, et MONGEZ, Hist. de Marguerite de Valois, p. 72-73.

[61] Lettres de Jeanne d'Albret, 8 mars 1572 (dans l'Annuaire-Bulletin de la Société de l'Histoire de France, 1835).

[62] Ce portrait, le plus connu de tous ceux que l'on possède de Marguerite de Valois, a été reproduit merveilleusement dans le recueil de G. NIEL, Portraits des personnages les plus illustres du seizième siècle, Paris, 1851, t. I. — Cf. les portraits du musée de Chantilly.

[63] Marguerite était brune, et c'est par coquetterie qu'elle affectionnait cette sorte de coiffure qui l'avantageait, parait-il, et qu'elle conservait encore, modifiée, dans sa vieillesse. — Cf. dans la troisième partie le portrait qu'en donne Tallemant des Réaux. — La cour de Catherine se coiffait en raquette et adopta des petits bonnets surmontés d'une aigrette. Les hommes tournaient leurs mèches en boucles et rouleaux appelés bichons, d'où vient l'expression : se bichonner. F. NICOLAY, Hist. des mœurs, t. II, p. 521.

[64] Pour la beauté de Madame, j'avoue qu'elle est de belle taille ; mais aussi elle se serre extrêmement. Quant à son visage, c'est avec tant d'aide que cela me fâche, car elle s'en gâtera ; mais en cette Cour le fard est presque aussi commun comme en Espagne. (Lettre à M. de Beauvais.) L'Estoile nous montre également Marguerite de Valois diaprée et fardée comme de coutume, ce qu'on appelait à la Cour accoutrée à son avantage, près du lit où se mourait la princesse de la Roche-sur-Yon (avril 1578).

[65] Mémoires et lettres de Marguerite de Valois, édit. de la Société de l'Histoire de France, p. 470.