L'AMIRAL DE COLIGNY

DEUXIÈME PARTIE

 

CHAPITRE IV.

 

 

La première prise d'armes. — Les huguenots s'emparent d'Orléans. Ils traitent avec Elisabeth. — Le Havre et Dieppe sont livrés aux Anglais. — Premiers succès des protestants. — Catherine de Médicis négocie et les berne. — Les avantages du parti catholique. — Siège de Rouen. — Bataille de Dreux.

 

La nouvelle de l'hécatombe de Vassy produisit un assez fort tapage et les huguenots naturellement brodèrent sur le récit et le reproduisirent avec des détails affreux : c'était l'impiété la plus grande et la plus cruelle du monde. — Mais, on devait le voir ensuite à la Saint-Barthélemy, c'était en somme la réaction et la détente se produisant presque spontanément, au moindre prétexte. Il n'y a pas à excuser ces scènes de tueries, qui demeurent atroces. On se les explique, toutefois, si l'on veut bien se rappeler l'exaltation des sentiments de l'époque. Rien n'empêche de croire, d'ailleurs, que l'affaire de Vassy ait été un coup de force prémédité, — en tout cas prévu si les circonstances se montraient favorables ; on en était arrivé au moment où il fallait, aux uns et aux autres, des coups et du sang. De son château de Châtillon, l'amiral, toutefois, demanda justice. Condé et L'Hospital sollicitèrent également la Reine mère. Théodore de Bèze et un nommé Francourt vinrent également la trouver à Montceaux, l'un au nom des réformés, l'autre de la noblesse. Catherine les reçut avec bienveillance comme toujours, mais il n'en fut pas de même du roi de Navarre, qui chargea ceux de l'Eglise de ce qu'ils allaient en armes aux prédications, et le cardinal de Ferrare, légat du Pape, survenant, rappela la sédition de Saint-Médard, où les réformés avaient eu le rôle d'agresseurs. Les calvinistes criaient que les massacres de Sens, d'Auxerre, de Tours, Troyes et Cahors avaient été couverts par une impunité scandaleuse, et Condé avertit toutes les églises de France d'être sur leurs gardes[1]. — Le duc de Guise, qui se rendait bien compte que toute la responsabilité du fait de Vassy allait lui incomber, — coupable ou non comme on l'a prétendu, fut assez inquiet de l'attitude qu'allait prendre la Reine[2]. Mais dans les villes, à Paris surtout, il fut accueilli comme un sauveur. Il se trouvait d'un seul coup porté à la tête du parti catholique, salué comme le chef qui venait de prendre le seul parti décidément digne du pays et de l'Eglise, celui de la répression implacable des sectes. Il entra dans la capitale par la porte Saint-Denis (16 mars), avec quinze cents gentilshommes, escorté du connétable et du maréchal de Saint-André qui avaient été le prendre à Nanteuil, et fut reçu magnifiquement et avec grand appareil par les Parisiens. Le prévôt des marchands, Marlet, et les échevins se trouvèrent sur sa rouie pour le bienveigner. La foule qui emplissait les rues criait : Vive le duc de Guise ! avec plus d'entrain même que si l'on avait reçu le Roi. — Dans la rue Saint-Honoré, il croisa le prince de Condé qui revenait d'un prêche en une maison du faubourg Saint-Jacques, appelée Jérusalem avec cinq cents cavaliers, — et Théodore de Bèze armé d'une cuirasse, — mais les deux hommes se contentèrent d'échanger un salut courtois et s'éloignèrent sans autre incident[3]. Quelques jours plus tard, arriva de Montceaux le roi de Navarre qui venait rejoindre les triumvirs et pour bien marquer son adhésion au mouvement assista le lendemain (22 mars), jour de Pâques fleuries, à une procession générale[4]. La guerre civile se trouvait en fait déclarée, et il serait bien inutile de le nier, déclarée par les catholiques. C'était la réaction forcée, fatale, et les protestants qui voulaient tout mater, tout conquérir allaient trouver devant eux des gens résolus à leur faire tête. Guise, qui tenait à s'excuser juridiquement à propos de l'affaire de Vassy, publia un mémoire explicatif de sa conduite, — écrit très probablement par un secrétaire fort humaniste et qui nous a été conservé par les Mémoires-journaux[5]. — Il se rendit au Parlement, où le président Séguier et Harlay se levèrent et quittèrent la salle, paraît-il, lorsqu'il se présenta[6], ce qui n'empêcha nullement la compagnie, après quelques mots du duc, d'ordonner des poursuites contre les paysans de Vassy coupables d'avoir provoqué des troubles en assaillant son escorte à coups de pierres. En même temps, Guise leva des troupes, créa de nouveaux capitaines et fit assembler la gendarmerie.

Catherine, cependant, peu rassurée sur ce qui allait survenir, était allée s'enfermer au château de Melun avec le jeune Roi[7]. Le prévôt des marchands la suppliait de ramener Charles IX, et en attendant obtint de faire distribuer aux bourgeois les armes déposées chez le gouverneur, le cardinal de Bourbon. Condé se hâta de sortir de Paris avec une poignée d'hommes, en s'écriant qu'il ne fallait plus rien espérer que de Dieu et des armes et proposa à la Reine de le rejoindre à Orléans[8]. Mais elle ne dépassa pas Fontainebleau, continuant à négocier avec les deux factions et tandis que le prince gagnait La Ferté-sous-Jouarre, où devaient se réunir les plus notables du parti, le duc de Guise, qui faisait agir et parler le roi de Navarre selon les nécessités de sa politique, contraignait la Reine mère à rentrer à Melun, puis à Vincennes et au Louvre, où le connétable l'avait précédée[9]. Les triumvirs avaient ainsi l'appui de l'autorité royale et les apparences de la légalité. — Il n'y avait pas là, du reste, de quoi émouvoir longuement le parti adverse, mais quand même l'amiral, perplexe sur la résolution à prendre, avait abondamment discuté avec d'Andelot, Odet, Briquemaut, Boucard, Genlis et, quelques autres, qui tous se trouvaient à Châtillon quand le messager du prince y parvint. D'Aubigné, qui rapporte l'entretien comme s'il s'y était trouvé, dit que Coligny les avait étonnés de ses craintes et affirme que ce fut sa femme, en un discours de nuit, qui l'avait sommé de monter à cheval et d'entrer en campagne[10]. L'amiral se rendit à ses raisons après de nobles paroles et alla retrouver les autres à Meaux, où le 29 mars, Condé célébra la Cène. Mais on peut croire qu'il se fût moins fait prier s'il avait dû avoir le commandement général des forces protestantes. Grâce à l'édit de janvier, aux violences des triumvirs, à des larmes mi-sincères, mi-feintes que versaient Catherine et le jeune Roi, les huguenots avaient encore une apparence de droit. Ils s'armaient pour défendre leur croyance, la majesté royale méconnue[11], — ce qui devait être dorénavant le sempiternel refrain de leurs manifestes — et de tous côtés leur arrivait la gentilhommerie protestante, — plus de cinq cents personnes en quatre jours, dit La Noue[12]. Catherine avait écrit à Coligny pour se plaindre de ce rassemblement. II répondit qu'il était accompagné de quelques voisins et amis et que si d'aventure il s'en était vu de sa compagnie d'armes, ceux de Guise allaient le trouver de même à armes découvertes ; qu'il était averti que le duc le menaçait fort et se tenait sur ses gardes, mais n'avait nullement levé sa compagnie de sa garnison, toutefois qu'il n'eût fait que ce qui avait été fait par d'autres. La lettre se terminait par des dénégations, comme de n'avoir jamais fait faire un serment à sa compagnie sans parler du Roi, et des protestations[13]. Près de Catherine encore à Fontainebleau, se tenait alors un des meilleurs amis des Châtillon, le sieur de Soubise, qui insistait au nom de Condé et des autres chefs réunis à Meaux, pour qu'elle suivit enfin le conseil donné par l'amiral et d'Andelot, de gagner Orléans et rejoindre les troupes qu'allait y rassembler Condé. Catherine tergiversait et les triumvirs eurent le temps d'accourir. — Le conseil assemblé au Louvre, les Guise proposèrent immédiatement de prendre les armes. Une vive discussion s'ouvrit à ce propos entre le connétable et L'Hospital, qui finit par être exclu de la réunion et se retira dans sa terre de Vignay[14], où il devait rester en disgrâce. — Catherine, tout en affectant une grande indépendance, n'osait s'opposer aux triumvirs ; elle comptait toujours sur quelque revirement d'opinion qui la tirerait d'embarras ; en attendant, elle se mit contre les réformés, désavoua Condé et ne tint plus aucun compte de l'édit de janvier. Toutefois, les huguenots affectèrent de faire remonter la responsabilité de ce changement aux triumvirs et à Antoine de Bourbon. — Condé, après avoir célébré la Cène à Meaux, le jour de Pâques, vint enfin passer le pont de Saint-Cloud avec trois cents argoulets et un millier de gentilshommes ; il eut bientôt avis que M. de Guise s'était emparé de la Cour ; d'autres renforts arrivèrent aux protestants, et après avoir gagné Artenay, le prince courut avec 1.500 chevaux occuper Orléans dont d'Andelot venait de surprendre une porte (1er avril 1562). Ses troupes entrèrent sans résistance, vers 11 heures du matin, et trouvèrent les rues pleines de coreligionnaires qui chantaient les psaumes à pleine voix[15]. — Condé descendit près l'Estappe, à la maison appelée la Grande Maison, où vinrent ceux de la justice et de la ville qui présentèrent leurs compliments et demandèrent la permission d'informer Sa Majesté de l'arrivée de Sa Seigneurie[16]. Mais l'argent, les hommes manquaient pour entreprendre une campagne sérieuse. Ce fut Coligny qui se chargea de négocier avec l'Angleterre, avec lord Cecil, pour en obtenir des secours[17]. — Jusqu'alors il s'était en somme tenu à l'écart ; on le sentait dirigeant les conspirations et les prises d'armes ; mais il n'était jamais explicitement nommé. Désormais, il se démasque ; il semble ainsi avoir été porté par les circonstances lorsqu'il constituait en somme la véritable tête dirigeante du parti huguenot. L'extrême habileté de cet homme a été de se tenir à l'écart jusqu'au moment où il s'est trouvé à découvert, — et après la disparition de Condé — appelé à tenir la première place. — Des lettres en même temps furent envoyées aux princes d'Allemagne avec des agents du prince chargés d'expliquer sa conduite, — Téligny au duc de Savoie, d'Erlach aux cantons suisses réformés. Condé prit le titre de Protecteur de la Maison et Couronne de France et publia (11 avril) un manifeste déclarant qu'il ne considérait plus le Roi comme libre ; qu'il était toujours prêt à obéir à son frère le roi de Navarre et que si la Reine ordonnait aux Guise et à leurs commettants de poser les armes, il ferait aussitôt de même ; que si on le forçait à la guerre, il la ferait bonne, mais ne s'en reconnaissait pas l'auteur et n'en prenait pas la responsabilité. Avec le concours empressé des ministres, il faisait faire également des levées d'argent et d'hommes dans les églises réformées, et signait avec l'amiral, d'Andelot et les principaux du parti, les Rohan, les La Rochefoucauld, les Gramont, le prince de Porcien, Montgommery, Soubise, Genlis, de Mouy, de Piennes, d'Esternay, — un pacte ou traité d'association pour l'honneur de Dieu, dit Castelnau, la liberté du Roi, de ses frères, de la Reine sa mère et la conservation des édits[18]. — Mais les princes protestants d'Allemagne, s'ils envoyèrent volontiers des ambassadeurs pour traiter de la paix, ne voulaient pas donner d'autre secours. Ils adressèrent à la Cour un gentilhomme, qui fut tellement promené que tout s'en alla en fumée ; en Suisse on fut d'avis d'empêcher les levées d'hommes pour l'un aussi bien que l'autre parti, et Catherine déclara d'ailleurs (7 avril) que le Roi et elle étaient parfaitement libres. Lorsque se discuta, enfin, dans une assemblée tenue à Soleure, la question des levées pour le roi de France, les représentants des cantons évangéliques appuyèrent les agents de Condé dans leur opposition et il fallut l'intervention des ambassadeurs du Pape et du roi d'Espagne pour empêcher le fruit de ces remontrances[19]. A Orléans, toutefois, les réformés s'organisaient, réunissaient leurs contingents, des approvisionnements et des munitions ; certains fournissaient des dons volontaires ; leurs effectifs, dans les premiers jours de mai, atteignaient quelques milliers d'hommes qui furent organisés par l'amiral[20]. D'autres villes enfin avaient été prises par les réformés ou se soulevaient en leur faveur : Blois, Tours, Le Mans, dont l'évêque fut chassé ; Rouen, Le Havre, Dieppe, Caen, Poitiers, Bourges, Lyon, — et il y avait eu des troubles dans le Midi, en Gascogne, en Provence et en Dauphiné. Les huguenots, en somme, n'attendaient qu'une occasion. — Charles IX et Catherine, aux mains du parti catholique, protestèrent en déclarant que le bruit de leur captivité était une fausse et mensongère calomnie et, le 14 avril, firent présenter au Parlement, par le duc de Guise et le connétable, une déclaration royale qui proscrivait l'exercice public de la nouvelle religion à Paris et dans la banlieue, tout en la laissant subsister dans les provinces. Quelques jours après (21 avril), ils firent adresser à Condé une lettre par le Parlement, ayant plutôt le caractère d'une admonestation menaçante. Catherine, du reste, ne cessait de négocier ; mais le prince réclamait des garanties pour lui et ses amis ; il y avait eu de nouveaux troubles à Orléans et ailleurs ; partout où les protestants se trouvaient en force, les églises étaient profanées, les autels renversés ; c'était partout le pillage et le massacre, la destruction des images, des livres, des vases précieux[21]. Les courages étaient tellement animés qu'ils avaient lâché la bride à toute sorte de désordres et de licence, malgré que le prince et l'amiral s'employassent pour maintenir l'ordre[22]. Coligny, en même temps, essayait de détacher son oncle le connétable du parti catholique et lui écrivit (6 mai) une longue lettre où il essayait de le faire entrer en suspicion des Guise, sans d'ailleurs rien obtenir de son entêtement[23]. Pour Catherine, elle espérait toujours ramener le prince et l'amiral. Le Roi, disait-elle, leur a envoyé dernièrement des conditions qu'ils ne peuvent qu'accepter s'ils sont bien avisés. Mais la Reine ne voulait pas comprendre qu'elle avait affaire à des gens dont le siège était fait. Les réformés répétaient toujours qu'ils agissaient pour le Roi, se répandaient en protestations et ne cédaient pas Coligny écrivit encore à Catherine (11 mai 1562) sur des conditions qu'avait apportées l'abbé de Saint-Jean de Laon. Au manifeste de Condé répondit un manifeste des triumvirs[24] et les réformés, pour bien marquer qu'ils prétendaient agir au nom de la royauté, adoptèrent la casaque et l'écharpe blanche des Valois, forçant ainsi leurs adversaires à prendre la casaque et l'écharpe rouge, qui étaient au roi d'Espagne ; mais on eut soin dès lors de ménager Condé qu'on espérait détacher des protestants, et à la rigueur rendre suspect aux autres chefs du mouvement.

Il faut rappeler cependant quelle était alors la constitution municipale de Paris et des grandes villes du royaume, et la place qu'y tenaient les confréries bourgeoises pour comprendre quelle devait être l'opposition au mouvement calviniste. Le système des mairies et prévôtés, organisé par les ordonnances de Louis XI, avait alors remplacé, aum oins dans les villes importantes, les anciennes communes. L'élection avait été conservée et, de plus, les bourgeois avaient leurs armes, leurs capitaines, leur guet, leur police, leurs chaînes, leurs barricades, leurs fonds et leur maison commune. Les privilèges des villes murées ne faisaient que s'accroître ; elles fermaient leurs portes aux archers pillards, aux arquebusiers, et le Roi lui-même n'y pouvait pénétrer avec étendards et troupes qu'avec l'autorisation des officiers municipaux. Chaque ville enfin possédait ses confréries, ayant libertés et droits ; le peuple se fractionnait en petites sociétés toutes protégées par leur vieille charte, pourvues de gardes, patron, bannière. Les maîtres de tous les états, fiers de leurs couleurs, de leurs prérogatives séculaires, marchaient aux grandes processions, sortaient avec le pistolet, l'arquebuse ; le dimanche, lors de la montre ou revue, ils élisaient leurs capitaines, leurs quarteniers, cinquanteniers et dixainiers ; chaque métier avait un magistrat de son choix. Sous Henri II, un édit avait réglé ainsi le mode d'élection du prévôt des marchands, des échevins et officiers de la ville de Paris : le Roi envoyait d'abord mandement d'élire aux seize quarteniers ; ceux-ci appelaient près d'eux les cinquanteniers, les dizainiers avec huit notables, qui nommaient les échevins. Les élections se faisaient de vive voix et le scrutin devait être attesté par le quartenier présent, lequel pouvait être désigné comme échevin pourvu qu'il habitât Paris. La capitale avait vingt-quatre échevins qui devaient être choisis : sept parmi les notables bourgeois, sept parmi les marchands non mécaniques et dix parmi les officiers en charge de Cour, maîtres des requêtes et maîtres des comptes. La garde bourgeoise était chargée de, la surveillance des portes et remparts ; l'échevinage avait souveraine autorité de police ; les quarteniers devaient faire la description de leur quartier ; déclarer les noms de leurs centeniers et dixainiers ; les services que les maîtres et serviteurs pouvaient faire ; les bâtons dont ils devaient s'aider. Les maîtres des métiers répondaient de tous ceux qui étaient placés sous leur bannière ; ils déclaraient leur âge, leur lieu de naissance, leur taille et corpulence[25]. — C'était déjà la toute-puissance de la bourgeoisie. Le mouvement huguenot avait au contraire un caractère féodal sur lequel on n'a pas assez insisté. Certains historiens, pour flatter le caractère démocratique de notre époque, ont appuyé surtout sur le côté républicain, antiroyaliste du mouvement protestant[26]. Mais la république protestante, en France du moins, si elle était venue à terme, eût été fort peu la démocratie ; c'était surtout un mouvement de la noblesse contre la centralisation, le pouvoir du Roi. — D'ailleurs, si les catholiques avaient déclaré la guerre, les protestants s'y attendaient depuis longtemps. Le soulèvement avait été préparé de longue date et l'affaire de Vassy ne lui avait servi que de prétexte. — Les réformés furent enfin chassés de Paris (27 mai)[27] et dans l'intention de les déloger d'Orléans, — dont la position centrale sur la Loire servait à assurer les communications entre les sectaires du Nord et ceux du Midi, — l'armée royale, avec 4.000 hommes de pied et 3.000 lances s'avança jusqu'à Châteaudun, nominalement commandée par le roi de Navarre, mais avec le connétable et surtout le duc de Guise pour la direction effective[28]. L'armée protestante, sortie d'Orléans, avait 6.000 hommes d'infanterie environ, avec Gramont, le vicomte de Rohan et d'Andelot, mais peu de cavalerie, presque toute de gentilshommes, du reste aguerris et braves. — Catherine, qui craignait justement les suites du conflit, essaya pourtant de nouvelles négociations. Elle fit offrir à Condé de se rencontrer avec le roi de Navarre ; mais l'entrevue qui eut lieu à Toury n'eut aucun résultat[29]. Le prince réclama inutilement pour obtenir l'éloignement des triumvirs, puis dans une reprise des conférences promit de remettre Beaugency qu'occupaient les réformés[30], et finalement, Guise, entraînant le connétable et le maréchal de Saint-André, se retira à Châteaudun. Condé fut conduit à Talcy, près de Catherine, bientôt rejoint par l'amiral, Genlis, le prince de Porcien, La Rochefoucauld, Rohan, Soubise, Gramont. La Reine les reçut amicalement comme toujours, leur parla avec bienveillance et déclara enfin que rien ne pouvait être réglé avant la majorité du Roi[31]. Temporiser, promettre, c'était, on le sait, le fond de sa politique et Condé fut assez dupe de sa comédie pour s'écrier qu'avec les siens, il préférait momentanément s'éloigner de France, et suppliait Sa Majesté de le trouver bon. Mais rentrés au camp et rapportant d'aussi bizarres conclusions, les chefs huguenots furent assez mal accueillis. Condé, peu mécontent au fond de se voir forcer la main, prit prétexte de la présence du duc de Guise à Châteaudun, de prétendues lettres qui avaient été interceptées, et déclina l'arrangement[32]. Pour rendre la rupture définitive, les huguenots essayèrent même un coup de main sur La Ferté-Alais (2 juillet). Divisés en deux corps avec Condé et Coligny, recouverts de chemises blanches par-dessus leurs armures, ils n'arrivèrent toutefois que le jour déjà haut près des troupes royales et durent se replier sur Lorges. Condé alla ensuite enlever Beaugency, remis aux catholiques, et dont le pillage, la dévastation, restèrent un des plus tristes épisodes de cette guerre fratricide[33]. L'armée protestante dut se replier ensuite sur Orléans. Le premier moment de surprise était passé et l'on se rendait compte que les religionnaires ne devaient leurs avantages qu'à leur audace ; qu'ils étaient malgré tout en trop petit nombre pour tenir en échec les forces organisées du royaume. Leur acharnement à détruire sous le nom d'images les monuments précieux de la religion et de l'histoire excitait la colère des masses d'abord indifférentes. A leur tête, on savait qu'ils avaient mis des soudards féroces comme le baron des Adrets, et telle était la stupidité des bandes qu'ils avaient armées que les chefs, même Condé, n'arrivaient pas à se faire obéir, à empêcher des dilapidations stupides comme celles qui avaient eu lieu à l'église Sainte-Croix d'Orléans. L'armée royale, pendant cela, recevait continuellement des renforts et l'on n'avait tant négocié que pour leur laisser le temps d'arriver ; 6.000 Suisses entraient en ligne avec le colonel Freulich ; vingt enseignes de lansquenets avec le Rhingrave ; six cornettes de reîtres avec Rockendorf. Elle enleva Blois (4 juillet), reprit Angers, marcha sur Poitiers et sur Tours, passa même sous Orléans sans que les huguenots déjà démoralisés songeassent à présenter la bataille. Les soldats, réunis d'abord aux cris de : Dieu est bon capitaine ! et qui escomptaient des succès rapides, désertaient maintenant par bandes, et Condé lui-même devait sauter à cheval et galoper jusqu'à deux lieues de la ville pour les rejoindre, les ramener, quitte à apprendre le lendemain qu'ils étaient de nouveau sur les champs. Les ressources, du reste, manquaient et l'on avait inutilement battu monnaie au coin du Roi avec les métaux volés dans les églises, essayé de vendre les biens ecclésiastiques. Les ministres qui prétendaient tout diriger dans une guerre faite au nom de Dieu, étaient pour le prince, les chefs des troupes calvinistes un cruel embarras. Il y eut bientôt la peste[34], de nouvelles difficultés pour le ravitaillement et Condé se trouva réduit à séparer ses troupes, envoya Soubise à Lyon, le prince de Porcien en Champagne, La Rochefoucauld à Angoulême, Duras en Guyenne, Montgommery en Normandie avec Morvilliers. — Il ne restait plus aux protestants qu'à obtenir le secours efficace de l'étranger, — à solliciter l'intervention de l'Angleterre.

A son avènement[35], Elisabeth Tudor avait trouvé l'Etat en guerre avec la France. Durant les négociations de Cateau-Cambrésis, Philippe II qui nourrissait encore à son propos des intentions autant matrimoniales que politiques auxquelles, du reste, il lui fallut assez rapidement renoncer, avait refusé toute proposition qui ne lui donnerait pas satisfaction pour Calais et s'était même engagé à continuer la guerre six années encore pourvu que l'Angleterre s'engageât à ne point traiter sans lui. Elisabeth, cependant, avait cru plus sage d'agir seule ; elle consentit à l'occupation de Calais par la France et aussi bien ne pouvait-elle l'empêcher — durant un laps de huit ans et accepta une indemnité de 500.000 couronnes[36]. Les deux partis spécifiaient qu'en cas de violation, le traité deviendrait nul ; les torts venant de la France, elle perdrait le droit de retenir Calais ; venant de l'Angleterre, elle devait renoncer à toute restitution. — La guerre civile éclata et l'ambassadeur d'Angleterre, Throckmorton, ne se fit pas faute d'assister les huguenots. Les relations, on peut dire criminelles, car il s'agissait d'amener l'occupation du sol français par l'étranger, du prince de Condé et de Gaspard de Châtillon avec les représentants d'Elisabeth sont attestées par des documents multiples, conservés aux archives anglaises et malgré les restrictions des coupables, les prétextes invoqués, — la cause de Dieu les nécessités de la religion ! — les faits restent flagrants, indubitables et nets. Après les premières ouvertures de Coligny, on sait ainsi qu'un gentilhomme attaché à la personne de Condé, Bouchavannes, s'était rendu à la Cour séjournant à Vincennes, sous prétexte des négociations de Talcy, mais en réalité chargé d'entretenir Throckmorton des subsides qui avaient été demandés à Elisabeth[37]. Le nouveau vidame de Chartres, Jean de Ferrières[38], avait été député ensuite vers la reine anglaise avec Robert de la Haye, qui avait partagé en 1560 la captivité de Condé, et il avait été prescrit aux deux négociateurs de ne reculer devant aucun sacrifice pour assurer au parti l'appui actif de l'Angleterre. Ils allèrent trouver lord Cecil et demandèrent un renfort de 10.000 hommes et un prêt de 300.000 couronnes[39]. — Elisabeth, en sa qualité de huguenote, était assez disposée, on peut le croire, à soutenir les réformés de France ; mais son sens pratique d'Anglaise lui indiquait aussi quel avantage elle pouvait tirer des circonstances. Son avarice s'épouvanta d'abord de ces demandes imprévues, puis conseillée par lord Cecil, poussée par Throckmorton, par son favori Dudley, elle s'engagea à avancer 100.000 couronnes et à débarquer 6.000 hommes sur les côtes de Normandie. Elle eut soin de spécifier, par exemple, qu'on lui remettrait la ville du Havre, comme gage de l'argent, et aussi la restitution de Calais[40]. — Tel fut le traité d'Hampton-Court (20 septembre) dont une première rédaction fut arrêtée dès le mois d'août entre lord Cecil et le vidame de Chartres[41] et qui fut signé par Briquemaut[42] sur les instances pressantes de l'amiral. — L'ambassadeur de France, Paul de Foix, instruit du complot, s'était aussitôt rendu chez le secrétaire d'Etat, lord Cecil, et le traité de Cateau-Cambrésis à la main avait rappelé la clause qui concernait Calais et demandé l'extradition des rebelles. Mais on négligea de tenir compte de ses remontrances. Des officiers anglais étaient allés reconnaître les fortifications du Havre et de Dieppe. Les huguenots, qui s'étaient déjà rendus maîtres des deux places et d'une grande partie de la Normandie, se hâtèrent de les livrer[43] et Elisabeth inonda la province de proclamations où elle déclarait que ses intentions, à l'égard de son bien-aimé frère le roi de France n'étaient pas hostiles ; que l'envoi de ses troupes n'était fait que pour protéger ses coreligionnaires contre la tyrannie des Guise (2)[44] et qu'elle était assurée que son bien-aimé frère ne manquerait pas de lui savoir gré des sacrifices qu'elle croyait devoir faire[45].

L'argent d'Elisabeth, en tout cas, devait arriver juste, car les affaires des huguenots décidément allaient mal. Tandis que d'Andelot se rendait en Allemagne pour lever et presser la marche d'un corps de lansquenets et de reîtres, toutes les places de la basse Loire et du Poitou avaient été enlevées par l'armée royale. Bourges, qui servait à établir les communications d'Orléans avec les réformés du Lyonnais et du Dauphiné, avait été investi. Les protestants en étaient réduits à harceler les assiégeants, enlever les convois[46] et il n'y avait plus qu'à mettre Orléans en état de défense. La ville, dit le duc d'Aumale, n'était fermée que d'un mauvais mur sans flancs, sans bon fossé ni contrescarpe, mais on le garnit de ravelins et autres travaux[47] ; les îles de la Loire furent soigneusement fortifiées ; la garnison comprenait environ vingt-deux enseignes de gens de pied[48], soit trois ou quatre mille hommes restés avec Condé comme volontaires ; six mille hommes qui étaient arrivés de Bourges lorsque la ville avait capitulé ; quatre ou cinq cents gentilshommes et trois mille bourgeois armés et capables de tenir le rempart. — La nouvelle du débarquement des Anglais et de l'occupation des villes normandes arriva au moment où le siège allait être résolu et, il faut le dire, produisit même parmi les réformés un immense mouvement d'indignation. C'était le temps revenu des querelles néfastes entre Bourguignons et Armagnacs, la porte ouverte à l'ennemi implacable contre lequel on avait soutenu la guerre de Cent ans, et malgré les placards, les pamphlets, lettres, manifestes avec lesquels on essaya d'en pallier l'effet, l'occupation du Havre fut tenue pour ce qu'elle était réellement : une trahison. Plusieurs des chefs huguenots, Morvilliers, Renault, Gamaches se retirèrent, ne voulant pas servir désormais une cause déshonorée par de tels expédients. Mais, par le fait, le siège d'Orléans devenait secondaire et le gouvernement de la Reine devait d'abord pourvoir au plus pressé, — empêcher les Anglais de mettre le pied définitivement en France et de se fortifier dans leur nouvelle conquête. Catherine de Médicis, qui n'avait jamais été très influencée par les protestations amicales d'Elisabeth[49], songeait surtout à profiter du moment pour rapprocher les deux partis dans l'intérêt commun de la défense. Le duc de Guise, en même temps, s'adressait au prince de Condé, essayait de lui faire comprendre ce qu'avait d'odieux la conduite des réformés. Il lui offrait la paix, le libre exercice de la religion, tout ce que les huguenots vainqueurs auraient pu exiger si la guerre leur avait été favorable, le suppliant d'unir ses forces aux siennes pour chasser les Anglais du royaume. Condé s'obstina ou n'osa pas reculer et rejeta la proposition. Un corps de quinze cents chevaux et trois mille cinq cents hommes de pied resta avec le maréchal de Saint-André et le duc de Nevers, gouverneur de Champagne, pour surveiller Orléans et les troupes que d'Andelot devait ramener d'Allemagne, et l'armée catholique vint investir la place de Rouen, où commandaient Montgommery et Briquemaut et qui opposa une résistance opiniâtre[50]. La ville fut rigoureusement investie pour empêcher les Anglais d'y introduire aucun secours[51] ; les compagnies colonnelles, dévouées à d'Andelot et qui n'avaient peut-être aucune idée de ce qu'était le protestantisme, défendirent âprement le fort Sainte-Catherine, qui fut néanmoins emporté après plusieurs assauts. Le fort pris et détruit, sur son emplacement, sur le mont Saint-Hilaire, sur les fourches de Bihorel, Guise fit placer de l'artillerie, qui vint battre les remparts, et les tranchées bientôt arrivèrent jusqu'aux fossés de la place. C'est dans une de ces tranchées que fut tué le roi de Navarre, venu au siège avec la reine Catherine, le petit roi Charles IX et l'escadron volant des demoiselles, dont faisait partie sa maîtresse Rouhet. II s'était installé, par bravade, devant les arquebusiers des remparts, en défaisant l'aiguillette de son haut de chausses, lorsqu'il reçut une arquebusade à l'épaule. On l'emporta à Darnétal. Les filles de la Reine venaient souvent le visiter, à dessein de le divertir. Il mourut enfin dans les bras de la demoiselle Rouhet, à bord d'un navire sur lequel il remontait la Seine, après avoir écouté les exhortations d'un prêtre et d'un ministre,sceptique comme il avait vécu,et sans qu'on pût savoir s'il était catholique ou protestant[52]. Le 25 octobre, enfin, Rouen fut emporté d'assaut et, du haut du rempart, le duc de Guise fit une harangue aux capitaines et aux soldats, les priant et admonestant tous de considérer qu'ils étaient Français et que c'était l'une des principales villes du royaume, par quoi il priait d'affection les seigneurs, capitaines et soldats de ne se débander point, ni entrer en aucunes maisons, ni piller, ni prendre aucune chose sur les habitants, et promettait de faire donner une paye franche aux dits capitaines et soldats[53]. Mais le pillage était trop dans les habitudes du temps ; les paroles du duc ne surent l'empêcher et les gens de Cour, demeurés pendant l'action sur le mont Sainte-Catherine, furent peut-être les plus ardents à la curée. Le sac dura huit jours. M. de Cros, capitaine des vieilles bandes pris parmi les vaincus et qui avait livré Le Havre dont il était gouverneur pour Coligny, fut passé par les armes ; mais Montgommery parvint à s'échapper sur une galère qui franchit à toute vitesse les obstacles disposés sur le fleuve.

Ce n'était d'ailleurs qu'un premier succès. Burie et Montluc avaient également dispersé à Vergt, dans le Périgord, des troupes que Duras voulait conduire à Orléans. Mais Montauban, Grenoble tenaient toujours. La Rochefoucauld avait essayé de prendre Saint-Jean-d'Angély et avait dû lever le siège pour aller recueillir les débris des bandes de Duras, et comme victoire à leur actif, les huguenots ne pouvaient guère se vanter que de quelques assassinats à Orléans et d'avoir capturé les bagages du légat, qui se rendait alors au concile de Trente[54]. Les protestants eurent toutefois un regain d'espoir lorsqu'ils apprirent l'arrivée de d'Andelot[55], malade de la fièvre et porté dans une litière, mais qui avait réussi à traverser la Bourgogne avec ses troupes allemandes en évitant Nevers et Saint-André qui l'attendaient en Champagne. La Rochefoucauld amena de plus ses gentilshommes et les restes des bandes de Duras. Condé alla joindre les reîtres sous Pithiviers, qui fut enlevé à la force (11 novembre). L'argent, d'ailleurs, manquait ; les bourgeois de Genève, pressentis, n'avaient donné qu'une honnête réponse et ceux d'Orléans d'assez maigres subsides, si bien qu'en attendant la subvention d'Angleterre, il fallait laisser le soldat vivre sur le pays. Mais Condé, tout en continuant à négocier avec Catherine, jalouse de l'autorité que prenaient définitivement les Guise depuis la mort du roi de Navarre, voulait marcher sur Paris. L'armée royale était toujours à Rouen et le prince espérait sinon entrer dans la capitale, du moins l'insulter et l'effrayer avant le retour des catholiques. Mais il lui fallait consulter les autres chefs, tenir compte de leur avis et avec une armée ne dépassant pas 14.000 hommes dont 6.000 cavaliers, un coup d'audace pouvait seul réussir[56]. On se borna à de petites expéditions et à prendre des villes de minime importance, Etampes[57], La Ferté-Alais, Dourdan, Montlhéry. Le siège mis devant Corbeil fut levé sur une dépêche de la Reine invitant Condé à se rendre auprès d'elle, à Vincennes[58]. Le rendez-vous était donné pour le 26 novembre, au Port-à-l'Anglais ; mais Catherine se trouvant attardée, le prince flaira un piège et se retira ; l'amiral se rencontra seul avec le connétable[59] et une conférence qui eut lieu le lendemain à la Saussaye entre le prince et Montmorency n'amena pas un meilleur résultat. Déjà, du reste, Guise ralliait l'armée royale. Montpensier et Lanzac amenaient à marches forcées des troupes espagnoles et la cavalerie victorieuse à Vergt. Condé pensa brusquer les choses et le 28 installa ses troupes au-dessus de Montrouge et sur les routes de Bourg-la-Reine, de Vaugirard et d'Arcueil. Son avant-garde se déploya dans le faubourg Saint-Victor, couvert à peine de tranchées et de quelques ouvrages en terre, et le prince commanda une charge qui fit ployer une troupe de 1.200 arquebusiers et 600 lances et ne fut arrêtée que par Philippe Strozzi avec 600 arquebusiers qui défendirent l'enclos d'un moulin. Les jours suivants se passèrent en canonnades dont riait le peuple de Paris, toujours caustique. Des négociations furent encore reprises, mais se passèrent en atermoiements, finasseries ; furent rompues le 5 décembre, recommencées deux jours plus tard, et sur la nouvelle de la défection de Genlis qui venait de passer dans le camp opposé, ce qui amena des méfiances et récriminations, Condé se retira sur Palaiseau (10 décembre). — Guise avait pendant ce temps reçu des renforts et se décidait à prendre l'offensive. Les protestants, au reste, pouvaient être suivis à la trace rien que par les ravages de leurs auxiliaires allemands qui avaient incendié leurs quartiers et des villages sur la route. — Condé suivit la route de Chartres et après avoir renforcé la garnison d'Etampes songeait à un nouveau coup de main sur Paris. Mais l'amiral s'y opposa[60], craignant d'être coupé d'Orléans. Il cherchait, d'autre part, à se rapprocher de la Normandie, où il pensait trouver l'argent d'Elisabeth. Le comte de Warwick devait amener au Havre l'artillerie dont les huguenots manquaient et surtout un bon renfort d'infanterie anglaise. Son avis l'emporta. Condé informa Warwick de la résolution prise, le pressant de passer la Seine à Honfleur et de venir le rejoindre[61]. Throckmorton avait, du reste, obtenu que les places prises sur les bords de la Seine seraient remises aux Anglais. — L'armée ainsi marcha sur Ably, Collardon, Maintenon et Auneau, ayant Dreux à sa droite et Châteauneuf à 'sa gauche. Elle passa l'Eure à Maintenon (17 décembre), ses Allemands encombrés de chariots, la petite artillerie si mal attelée qu'il fallait continuellement s'arrêter pour réparer les équipages. Mais les catholiques étaient sur l'autre rive et avaient occupé Dreux, décidés à barrer la route. Dans la nuit du 18, Montmorency fit passer la rivière en deux endroits à son artillerie et aux troupes, et Condé, pris à l'improviste, ne put même pas les reconnaître, ni s'emparer des villages construits sur la rive de l'Eure et où il aurait pu s'appuyer. L'amiral avait soutenu qu'il "n'y aurait pas de bataille et imposé son opinion comme d'habitude[62]. Le 19 au matin, mais très tard, il arriva avec sa troupe sans harnois sur le dos ni armes en tête. Des coureurs l'avertirent que l'armée royale était en vue, et tandis que les hommes d'armes faisaient haut le bois, il s'avança avec Condé sur une hauteur pour reconnaître l'ennemi, établi derrière le village de Nuisement, à une lieue environ de la route qu'ils suivaient. D'Andelot, malade de la fièvre et enveloppé d'une robe fourrée, avait tenu à les accompagner. Ils jugèrent que dans le désavantage de leur position, il valait mieux essayer d'éviter la bataille, et Condé fit reprendre à ses troupes la direction de Tréon, où il pensait se retrancher. C'était d'ailleurs découvrir son flanc droit. Le connétable s'avançait avec 16.000 hommes et 22 canons, mais peu de cavalerie et qui fut répartie par petits groupes entre les corps de troupes[63]. Les canons envoyèrent quelques volées aux argoulets qui couvraient la droite du prince et ceux-ci tournèrent bride immédiatement. L'engagement devenait inévitable, malgré les prévisions de l'amiral, qui donnait à ce moment encore ses ordres de retraite et se vit forcé d'accourir au secours de Condé, mais avec tant de précipitation que plusieurs de ses gentilshommes ne purent prendre la cuirasse et se battirent en pourpoint. Le connétable vit ces hésitations ; ses boulets enlevaient quelques files dans les rangs ennemis ; avec sa présomption coutumière, il jugea qu'une seule charge allait les culbuter et tomba de suite sur les protestants. L'artillerie huguenote essayait cependant de répondre, mais ne se composait que de quatre pièces, les autres étant parties pour Tréon avec les bagages ; après quelques salves, on la fit taire et l'on en vint aux mains. Les troupes mises en rang par les huguenots étaient, au reste, mauvaises manœuvrières, ayant trop d'éléments improvisés, si bien qu'au début de l'action, Condé avec sa bataille se trouva plus proche de l'ennemi que l'amiral conduisant l'avant-garde. Il était déjà plus de midi. Le prince s'avançait au trot avec quatre cents lances françaises et négligeant Saint-André et l'avant-garde sur sa gauche, alla tomber sur le centre et le terrible corps des Suisses. C'était toujours la tactique enfantine du moyen âge : aller droit devant soi et taper à tour de bras. Le duc de Guise, qui s'était placé avec ses gentils hommes au centre de l'avant-garde, entre les Espagnols et les vieilles bandes, sans vouloir assumer un commandement dans l'armée, conseillait de laisser passer cette furie[64]. Damville, sans l'écouter, accourut avec trois compagnies d'hommes d'armes et les chevau-légers, et presque entouré par la cavalerie allemande, dut se replier sur l'aile droite Un de ses frères, Montberon, fut tué, d'Aumale blessé grièvement, piétiné par les chevaux des reîtres que venait de lancer Condé, l'épaule brisée et l'os du bras presque mis à nu. Coligny, dès le combat engagé, avait cependant réuni 400 lances françaises et six cornettes de reîtres et chargé la gendarmerie du connétable. Montmorency avait eu son cheval tué sous lui ; il en avait monté un autre et avait reçu un coup de pistolet qui, lui avait cassé la mâchoire, tant qu'il avait dû se rendre au prince de Porcien. C'était déjà la déroute pour les catholiques, toutefois que le gros bataillon des Suisses qui restaient au nombre de 5.000, percé, décimé, traversé quatre fois par la cavalerie protestante, continuait de tenir, serrant les rangs, recevant encore le choc des lansquenets qu'il repoussait en désordre[65]. Les piques brisées, ils se défendaient des tronçons et à coups de pierres, et il fallut encore cinq charges de la cavalerie protestante pour les enfoncer. Ils se retirèrent à petits pas, vinrent s'aligner à gauche de l'avant-garde, couverts enfin par Gontaut-Biron, qui s'avançait avec la cavalerie légère. — Cette fois, les huguenots crurent au succès ; ils poursuivaient les fuyards ; poussaient jusqu'aux bagages qu'ils commençaient à piller. L'amiral, que les siens félicitaient, comprit cependant que la partie restait douteuse. Il montra les troupes massées autour du duc de Guise, derrière le village de Blainville, et Sans cesser de mâchonner le cure-dent qu'il avait toujours à la bouche :

— Il reste cette grosse nuée, fit-il, qui va bientôt fondre sur nous !

Guise, impassible, avait suivi toute l'action, en effet, sans s'émouvoir des réflexions et même des sarcasmes de ceux qui se trouvaient près de lui. Certains disaient qu'il voulait laisser accabler le connétable. Damville, auquel il restait à peine une poignée d'hommes et qui venait de voir tomber son père, le suppliait de charger : — Il n'est pas temps, mon fils ! fit-il encore. — Il vit ainsi les lansquenets battus, puis les reîtres et la gendarmerie huguenote s'épuiser devant la résistance des Suisses. Alors son visage s'illumina de joie et il se redressa, debout sur les étriers : Maintenant ! fit-il, ces gens-là sont à nous et la bataille est gagnée !...

En effet, aux troupes fraîches qu'il avait tenues en réserve, l'ennemi n'avait plus rien à opposer. Brusquement, il détacha sur la droite deux cents chevaux avec quelques-arquebusiers sous les ordres de la Brosse. Damville et Saint-André enlevèrent leur cavalerie qui marcha sur Blainville, formant une sorte de croissant avec les Espagnols et les Gascons et balayant tout ce qui restait des réformés. Toute l'infanterie allemande de Condé se trouva défaite, lui-même blessé à la main et soutenant à peine son cheval atteint d'une arquebusade. Il s'élança quand même avec l'amiral au secours des reîtres, mais qui refusèrent de s'arrêter, déclarant qu'ils ne pouvaient faire volte-face sans avoir rechargé leurs pistolets, et continuèrent leur retraite au trot[66]. Poursuivis par la cavalerie royale, les reîtres furent rejetés dans un bois au sud de Blainville. Condé, roulé sous son cheval, dut se rendre à Damville. D'Andelot avait bien rallié quelques lansquenets, mais ne put les décider à combattre ; il s'échappa avec peine et gagna Tréon. L'artillerie était déjà prise, l'infanterie prisonnière ou en déroute. L'amiral, pourtant, dans l'espoir de délivrer Condé et de rompre les escadrons du duc de Guise, essaya un retour offensif avec 1.500 ou 1.600 chevaux de la cavalerie protestante, des reîtres qui avaient enfin rechargé leurs pistolets. Une charge furieuse fit plier les catholiques et le maréchal de Saint-André fut pris et tué[67]. Mais le duc de Guise avait encore en réserve les vieilles bandes françaises qui s'élancèrent au pas de course, couverts par de nombreux arquebusiers dont le feu arrêta enfin les protestants. La bataille durait depuis cinq heures et la nuit, venait. L'amiral se retira sur Neuville, laissant à l'arrière-garde les débris de la compagnie de Condé avec Bouchavannes, et le duc de Guise, après l'avoir un moment suivi, revint coucher à Blainville[68]. — La première bataille sérieuse entre les deux partis avait peut-être coûté la vie à neuf mille hommes, et pour les protestants c'était une défaite[69].

 

 

 



[1] DE LA NOUE, Discours politiques et militaires, 1587.

[2] Guise s'inquiétait encore de ce qu'allait penser son nouvel allié le duc de Wurtemberg, auquel il écrivit plusieurs lettres dont une seule, datée du 22 mai. se trouve insérée dans les Mémoires-journaux (édit. Michaud, p. 491). On en tonnait une autre, du 10 avril, avec post-scriptum autographe, que conservent les archives de Stuttgard. (Original, carton 65c, n° 53 a.)

[3] Le 17e de mars, arriva à Paris M. le cardinal de Bourbon pour être gouverneur, et en cette qualité se rendit au Louvre, et pour la force lui fut donné le maréchal de Brissac et de Termes, avec M. d'Avanson et de Selve pour le conseil. Son pouvoir fut reçu et publié en la cour du Parlement à Paris, le 18 en suivant, lequel allait jusqu'à faire mener le canon si besoin était. Du gouvernement, par ce moyen, fut ôté M. de Montmorency, fils allié de M. le connétable, lequel favorisait fort le parti des nouveaux évangélistes et foulait les catholiques. Le gouvernement de M. le cardinal de Bourbon fut fort agréable au peuple... Le dimanche du jour de Pâques, les huguenots avaient préparé leur lieu de Popincourt pour y faire la Cène, dont averti, M. le cardinal de Bourbon manda quérir Malot et La Rivière, ministres, et leur fit défense de par le Roi de faire ladite Cène, etc. (Journal de Bruslart ; Mémoires de Condé, t. I.)

[4] PASQUIER, Lettres.

[5] C'est le Discours en vrai de ce qui s'est passé à Vassy, etc. (Mémoires-journaux, p. 473.)

[6] Henri MARTIN.

[7] Elisabeth écrivait à Throckmorton qu'elle avait l'intention de soutenir Catherine ainsi que l'amiral afin de les affermir dans leurs bonnes intentions. Elle n'avait que des paroles amicales pour Condé ; pour l'amiral des propos admiratifs : — Vous direz à l'amiral que la sagesse et la constance dont il a fait preuve jusqu'ici et tout l'ensemble de sa conduite ont mérité d'être et sont en grande recommandation par le monde. Nous voudrions que vous l'assurassiez autant de notre bon vouloir que s'il était notre propre parent. (Calend. of State pap. The queen to Throckmorton, 31 mars.) L'amiral, d'accord avec Calvin, cherchait d'ailleurs à obtenir pour Catherine (c'est-à-dire alors pour les Réformés) l'appui des princes étrangers : l'Electeur palatin, le duc de Wurtemberg, les cantons évangéliques de la Suisse. Mais ses démarches eurent peu de résultat. — Les protestants déplorent que la Reine, mal conseillée, soit alors entrée en défiance et écoutant les détracteurs de l'amiral pendant sa retraite l'ait tenu à l'écart ainsi que ses frères. Condé, sur lequel elle comptait alors, ne pouvait que se consumer en stériles efforts dans l'isolement où elle le laissait du concours de Coligny. Mais il n'est pas très sûr que Catherine n'ait pas surtout cherché à diviser ces compères. Condé, d'ailleurs, ne pouvait guère disposer à Paris, au témoignage de La Noue, que de 300 gentilshommes et autant de soldats, 600 écoliers et quelques bourgeois volontaires (Discours). C'est alors qu'il sortit de la capitale. Il voulait d'ailleurs conduire sa femme à La Ferté-sous-Jouarre pour ses couches, et avertit l'amiral et d'Andelot qu'il prendrait son chemin par Meaux afin d'aviser ensemble à ce qu'ils auraient à faire. (BÈZE, Histoire ecclésiastique, t. II, p. 5.)

[8] Il écrivit à l'amiral que César n'avait pas seulement passé le Rubicon mais qu'il était déjà rentré à Rome et que ses étendards commençaient à branler par la campagne. (LA NOUE, Discours.)

[9] Montmorency, en rentrant à Paris, avait fait saccager en sa présence les lieux de réunion que l'édit de janvier accordait aux huguenots, ce qui lui avait valu le sobriquet de capitaine brise-bancs (D'AUBIGNÉ). Brûle-bancs, dit BRANTÔME, t. I, p. 314.

[10] Il demanda à sa femme si elle se sentait la force de tout supporter et même la ruine de leurs enfants. Elle répondit que ce n'était pas pour opprimer les autres qu'il prenait les armes, mais pour sauver de la tyrannie ses coreligionnaires dont les souffrances ne la laissaient pas dormir en paix. Dieu lui avait donné les talents d'un capitaine ; son devoir était de les employer ; s'il négligeait de le remplir, quelque jour elle témoignerait contre lui devant le trône de Dieu. (L. RANKE, Histoire.) Les huguenots, en somme, ont toujours voulu présenter Coligny comme un fidèle serviteur de la royauté qu'il avait combattue malgré lui, — un bon Français qui avait été forcé de se battre contre la France.

[11] M. MIGNET, Journal des Savants, 1860, p. 97. M. Franck PUAUX (Histoire de la Réformation française) va jusqu'à dire qu'ils étaient en état de légitime défense.

[12] On a même dit convoqués, quoique La Noue en ait douté. (Discours édit. Buchon, p. 277.)

[13] Bibl. nat., mss. fr. 20461, f° 217.

[14] A quatre lieues d'Etampes.

[15] Comte DELABORDE, Gaspard de Coligny. — L'amiral, malgré qu'il voulût s'en défendre, pouvait bien, disait Antoine de Bourbon, avoir la plus grande part dans ce triste début de la guerre civile. (BAGUENAULT DE PUCHES5E, Revue des questions historiques, t. XXV.)

[16] D'Estrées, de Chémeaux, l'évêque de Valence furent envoyés par Catherine vers les révoltés ; Condé de même congédia les sieurs de Gonnor et de Fresnes qui venaient de la Cour lui apporter l'ordre de se rendre immédiatement auprès du Roi avec son train ordinaire. Il leur déclara qu'ayant l'honneur d'être du sang de Sa Majesté, il ne pouvait croire que le Roi lui ordonnât de séparer ses forces quand le duc de Guise, son ennemi, le premier avait pris les armes et restait en ce même état à la Cour. — Throckmorton à Elisabeth, 10 avril 1562 (State pap.).

[17] L'amiral à Cecil, Orléans, 11 avril (Calend. of State pap.).— C'est alors que l'on nous présente surtout la figure traditionnelle de Coligny, principal officier de la couronne et digne chef de parti pour ses bonnes et grandes qualités ; et d'autant qu'il avait quelque apparence de tenir sa religion plus étroitement que nul autre, il tenait en bride comme lin censeur les appétits immodérés des jeunes seigneurs et gentilshommes protestants par une certaine sévérité qui lui était naturelle et bienséante. (HOTMAN, édit. de 1665.) — Ce fut encore Coligny qui appuya le sieur de Séchelles envoyé vers Elisabeth d'Angleterre, toujours pour expliquer que les réformés entendaient maintenir l'honneur de Dieu, la liberté et l'autorité de la Reine réduite en une honteuse captivité. — Throckmorton insista sur les avantages d'une intervention anglaise, où l'on pourrait occuper un ou plusieurs points du territoire français en échange du secours donnés aux réformés, — Calais, Dieppe ou Le Havre, même les trois places s'il était possible.

[18] Liv. III, chap. VIII. Un des originaux de cet acte existe encore aux archives de Berne ; vol. Evangelische abscheiden, von ann. 1559 bis ann. 1577. — En même temps, les huguenots, qui n'ont jamais été en peine de mentir, faisaient répandre un prétendu pacte conclu entre les triumvirs, le Saint-Siège, le Roi et les princes catholiques, avec l'approbation du concile de Trente. Le roi d'Espagne était Chef de cette ligue qui visait la destruction de toutes les sectes et l'extinction de la maison de Bourbon. (Duc D'AUMALE, op. cit., t. I, p. 131.)

[19] En même temps qu'ils sollicitaient, si non des secours du moins l'intervention de l'étranger, les huguenots se plaignaient que les catholiques allassent hors de France faire des levées de troupes : — Vous ne permettrez pas qu'on tire de vos pays gens loués pour être bourreaux des chrétiens, est-il écrit au landgrave de Hesse (19 mai). Bibl. nat., mss. fr., vol. 10190.

[20] LA NOUE, Discours.

[21] Un fait indique quelle était alors l'intolérance des sectaires. Pierre de La Ramée (Ramus), principal au collège de Presles, fit abattre dans la chapelle, tous les symboles de la foi catholique. Ce fut un scandale horrible et le Parlement dut intervenir par des arrêts.

[22] Pasquier ajoute : Où le huguenot est le maître, il ruine toutes les images, démolit les sépulcres et tombeaux, même celui des rois, enlève tous les biens sacrés et voués aux églises. En contre-échange, le catholique tue, meurtrit, noye tous ceux qu'il connaît de cette secte et en regorgent les rivières.

[23] Bibl. nat., mss. V. Colbert, vol. 24, f°, 111-112 ; Mémoires de Condé, t. III, p. 441. — Condé et Coligny avaient fait venir à Orléans Eléonore de Roye et Mme l'amirale. La princesse, qui était enceinte, fut attaquée en chemin et son escorte assaillie à coups de pierres et de bâtons par des paysans qu'excitaient leur curé, tant que de frayeur elle accoucha avant terme au village de Gandelu.

[24] 4 mai 1562. — Les triumvirs demandaient au Roi de déclarer par édit perpétuel qu'il ne voulait autoriser, approuver ni souffrir en son royaume aucune diversité de religion ni d'Eglise, assemblées, ministères ni ministres ecclésiastiques, etc. Ils offraient de se retirer en leurs maisons s'il leur était commandé, en exil perpétuel, ayant ce contentement d'avoir rendu à Dieu, au Roi, à la patrie et à leurs consciences l'honneur et service et tout autre fidèle office qu'ils devaient, protestant devant Dieu qu'ils ne voulaient que le salut du Roi et du royaume.

[25] Georges PICOT, Recherches sur les quarteniers, cinquanteniers et dixainiers de la ville de Paris, dans les Mémoires de la Société de Paris et de l'Île de-France, t. I, 1875. — L'organisation quasi-militaire de Paris lui permettait d'ailleurs de porter secours dans l'occurrence aux villes voisines. Le 19 octobre 1552, dans l'assemblée tenue à l'hôtel de ville, le prévôt des marchands proposa ainsi de secourir Compiègne, menacée par les Impériaux, et de l'aider d'artillerie, d'hommes et d'argent ; le conseil arrêta qu'il serait levé 500 hommes de pied et qu'on imposerait sur chaque personne opulente 25 livres tournois. — Des grandes villes comme Lyon, Marseille, Toulouse, avaient une organisation analogue à celle de Paris, avec d'autres noms pour les magistratures et des qualifications spéciales.

[26] Toutefois, les habitudes d'examen et de critique où la religion nouvelle avait pris naissance ; la constitution do ses églises sur le pied d'une égalité universelle ; les mœurs austères qu'affectaient ses adeptes ; les haines qu'inspiraient les gouvernements persécuteurs, tout concourait à donner à la Réforme, à mesure qu'elle prenait des forces, une teinte républicaine. En Guyenne, les ministres prêchaient publiquement que si les catholiques se mettaient de leur religion, ils ne payeraient aucun devoir aux gentilshommes, ni au Roi aucunes tailles que ce qui lui serait ordonné par eux. Aucuns prêchaient que les rois ne pouvaient avoir aucune puissance que celle qu'il plairait au peuple ; autres que la noblesse n'était rien plus qu'eux ; et de fait, quand les procureurs des gentilshommes demandaient les rentes à leurs tenanciers, ils leur répondaient qu'ils leur montrassent en la Bible s'ils devaient payer ou non (MONTLUC). D'ailleurs, dans les conventicules, on ne parlait du Roi qu'avec mépris et il était souvent question de remplacer les Valois sur le trône par quelque autre famille. Même il y eut, en certains endroits, une sorte de Jacquerie contre la noblesse.

[27] Par un édit du roi de Navarre ; lettre de Catherine de Médicis, Bibl. nat., mss. fr. 6626, f. 18.

[28] Quinze enseignes de Suisses arrivaient par la Bourgogne ; on attendait encore 1.200 reîtres allemands et quelques compagnies espagnoles du Pays-Bas.

[29] Seul de tous ses amis, parait-il, l'amiral avait blâmé la résolution de Condé d'entrer de nouveau en pourparlers avec la Reine. (Duc D'AUMALE, op. cit., t. I, p. 14.) Il lui conseillait d'attaquer l'armée royale, numériquement plus forte, mais moins bien organisée, moins solide, et qui attendait encore des renforts de l'étranger.

[30] Condé écrivit au roi de Navarre une longue lettre conciliante et dont le résultat fut une entrevue à Artenay, on Beauce ; les catholiques demandèrent Beaugency et Condé comme otages.

[31] C'était d'ailleurs le désir de Condé lui-même : Je désire que nous soyons réservés au temps que le Roi sera en majorité, auquel temps nous obéirons à ce qui lui plaira nous commander. (Lettre du 19 mai à la Reine. BÈZE, Histoire ecclésiastique, t. II, p. 71 ; Mémoires de Condé, t. III, p. 413.) — Lors (les conférences de Talcy, les chefs huguenots se faisaient suivre d'un corps de troupes et Coligny appuya sur la nécessité de maintenir l'édit de janvier.

[32] Condé refusa les conditions de la Reine comme contraires à la gloire de Dieu. — Aux conférences qui se tinrent entre les chefs huguenots, l'un d'eux, Boucard, dit : J'ai déjà cinquante ans sur la tête et me fâcherait fort de me voir en pays étranger me promener avec un cure-dents en la bouche, et que cependant quelque petit affété, mien voisin, fit le maître dans ma maison et s'engraissât du revenu... Robertet, envoyé par la Reine pour savoir leurs conclusions, put l'avertir ainsi qu'il faudrait autre chose que du papier pour les mettre dehors.

[33] La discipline la plus sévère avait d'abord été établie dans l'armée protestante, et l'amiral ne pouvait manquer de faire appliquer ses fameuses Ordonnances de 1551. On n'entendait parmi le camp ni blasphèmes ni impiétés ; rien n'était pris sans argent ; on défendait le jeu et les femmes ; on prescrivait la prière matin et soir. Mais à Beaugency, tous les excès se retrouvèrent ; ceux de la religion ne furent pas plus épargnés que les autres. — Les auteurs protestants toutefois ont surtout insisté sur l'humanité dont les leurs ont fait preuve à cette époque dans tous les lieux où ils ont été obligés de prendre des mesures contre les catholiques. Condé, soutenu par Coligny, admonestait même le farouche baron des Adrets. (Cf. Bibl. nat., mss. fr. 10190 ; Lettre de Calvin, 13 mai 1562 ; Correspondance française, t. II, p. 468.)

[34] Le fils aîné de Coligny, Gaspard, mourut alors de la fièvre ardente et les autres enfants de l'amiral, avec ceux de d'Andelot, furent envoyés d'Orléans à Châtillon-sur-Loing ; peu après y mourut également la fille aînée de d'Andelot.

[35] COBBET, Lettres sur la Réforme.

[36] Environ trois millions de notre monnaie.

[37] Throckmorton à la Reine, 23 juillet 1562. Calendar of State pap. Depuis longtemps, dit l'historien Froude, les huguenots projetaient de livrer à Elisabeth, pour obtenir sa protection, quelques villes de Normandie et de Bretagne (History of England, t. VII, p. 261).

[38] Cousin germain et héritier du vidame François de Vendôme, dont la mort a été rapportée plus haut et l'un des plus infatigables négociateurs du parti protestant. Il fut plus tard fait prisonnier en guerroyant sur mer contre les catholiques, et mourut enchainé à fond de cale d'une galère (1586). (Duc D'AUMALE, op. cit., t. I, p. 152.)

[39] Une lettre en termes convenus, adressée à Condé, a été publiée par Forbes (II, 35). Le prince y est désigné comme le neveu ; la Reine comme la tante : la guerre comme un procès et un corps de 1.000 hommes comme un document à produire au tribunal. Cf. LINGUARD, Histoire d'Angleterre, t. II, p. 1167.

[40] La place du Havre devait être entièrement livrée aux Anglais et celui qui y commanderait pour Elisabeth aurait le pouvoir de limiter le nombre des Français, même de la religion, qui seraient admis à résider dans la ville. Il était dit que le présent traité ne pouvait préjudicier au droit de la Reine sur Calais. Cf. FORBES, A Full view of the public transactions in the reign of queen Elisabeth, in-f°, t. II. — Coligny, dit le duc d'Aumale, pour obtenir l'aide de l'Angleterre, livre le Havre et Dieppe, et s'engage à ouvrir Calais. (Histoire des Princes de Condé, t. I. Pièces et documents, p. 420, 428, 433.) La politique de l'Angleterre était toujours d'intervenir dans les affaires des autres Etats pour y susciter des troubles. (STEVENSON, Calend.) Le comte de Bedford avait eu ainsi pour mission de nouer des relations intimes avec le roi de Navarre, le prince de Condé et l'amiral ; d'empêcher la réunion d'un concile général et d'entraver tout mariage de Marie Stuart avec un prince étranger.

[41] Articles présentés à la reine d'Angleterre par le prince de Condé, août 1562. (Duc D'AUMALE, op. cit., p. 379.) — Une autre convention reproduite dans l'ouvrage du duc d'Aumale (ibid., p. 380), contient les articles entre la Majesté de la Reine et M. le vidame de Chartres touchant la manière de délivrer la ville du Havre au sieur Poymings, capitaine de Portsmouth. Cette convention avait été faite d'accord avec la nouvelle administration du Havre, dont les élus, Jehan Feray et Laroque, passèrent en Angleterre pour traiter avec Elisabeth. Le vidame de Chartres resta en otage jusqu'à l'accomplissement de ces diverses conditions.

[42] Briquemaut, lorsqu'il fut exécuté après la Saint-Barthélemy, était un vieillard de soixante-dix ans et les protestants ne pouvaient manquer de rapporter sa mort d'une façon édifiante. Ils ont omis cependant de rappeler qu'il était l'auteur du traité d'Hampton-Court, qui avait ramené les Anglais en France. Nous rencontrerons souvent de ces négligences volontaires, peu importantes, semble-t-il d'abord, mais qui tendent le plus souvent à dénaturer le rôle et le caractère des personnages.

[43] Condé et Coligny essayèrent plus tard d'effacer la tache que ce traité devait infliger à leur réputation. Ils prétendirent n'avoir pas connu la portée des engagements pris en leur nom envers Elisabeth et accusèrent le vidame de Chartres d'avoir outrepassé leurs intentions. Mais au moment où le traité se signait, ils avaient conscience de leur mauvaise action et auraient voulu en atténuer les conséquences : — Ils m'ont expressément prié de dire à Votre Majesté, écrivait Throckmorton, que cela serait une grande note d'infamie et qu'ils seraient bien mal vus dans ce royaume, si Votre Majesté était par leur moyen introduite dans le Havre, Dieppe et Rouen avec six mille hommes, uniquement pour garder ces places et chasser ainsi le Roi de la fleur du duché de Normandie. (Duc D'AUMALE, op. cit., p. 163.) — L'amiral, surmontant ses répugnances naturelles, convient M. Delaborde, se résigna à appeler l'étranger. — Il faut rappeler que Coligny était gouverneur du Havre depuis 1560 et avait pris en personne possession de son gouvernement. Mme l'amirale l'accompagnait et les élus lui avaient fait présent d'un perroquet et de confitures des îles, alors fort recherchées. (A.-E. BORÉLY, Histoire de la ville du Havre et de son ancien gouvernement, t. II.)

[44] Le duc de Guise ne laissa pas sans réponse les déclarations hypocrites qui le concernaient et écrivit à l'ambassadeur d'Angleterre : Il semble que la Reine votre maîtresse, par la publication de choses de cette nature qu'elle laisse imprimer, rejette toute sa colère et son indignation sur moi et ma maison. Je ne veux rien alléguer pour notre défense ; mais je désire que vous lui disiez qu'outre qu'il appartient peu aux princes d'offenser des personnes respectables et de qualité, par des écrits et libelles diffamatoires, nous avons eu l'honneur de faire alliance par mariage avec la maison d'Angleterre dont elle est descendue ; qu'ainsi elle ne peut nous deshonorer ni nous discréditer sans s'attaquer elle-même, en considérant que nous descendons de sa maison comme elle de la nôtre. Lorsqu'elle aura passé un peu plus d'années dans le monde, elle apprendra peut-être à avoir plus d'égards pour les personnes qui ont l'honneur de lui être alliées, qu'elle n'en a actuellement. FORBES, t. II, p. 258.

[45] Il est intolérable que les Guise massacrent les sujets du Roi et entravent par force, dans la chrétienté l'exercice de la religion, afin de diminuer le pouvoir de l'Angleterre à leur propre profit. Sa Majesté a donc mis sous les armes un certain nombre de ses sujets dans le but de protéger contre la tyrannie et la destruction une partie des Français, et de conserver au Roi la possession de plusieurs de ses villes. — Manifeste d'Elisabeth. FORBES, t. II, p. 258.

[46] Pendant le siège de Bourges, Coligny attaqua, près de Châteaudun, un fort convoi de munitions escorté de quatre compagnies de gendarmes et de plusieurs enseignes d'infanterie. L'escorte battue et dispersée, on détruisit les poudres et approvisionnements. Les huguenots ramenèrent en même temps l'ambassadeur Throckmorton qui venait d'obtenir son rappel sous prétexte qu'il n'était plus en sûreté dans Paris, et au retour de son audience de congé avait si bien choisi sa route qu'il rejoignit les calvinistes. Throckmorton fut reçu avec de grands honneurs à Orléans et malgré les réclamations du gouvernement français, malgré le blâme au moins officiel d'Elisabeth, resta avec l'armée protestante qu'il suivit jusqu'à la bataille de Dreux. Sir Thomas Smith fut nommé à sa place.

[47] Même les femmes avaient été obligées d'y travailler et de porter la hotte. Toutefois, le connétable disait des fortifications d'Orléans qu'il ne voulait que des pommes cuites pour les abattre.

[48] Th. DE BÈZE, op. cit., t. II, p. 102.

[49] Elisabeth, avant de faire occuper les villes normandes, avait dépêché successivement à Paris deux ambassadeurs extraordinaires, sir Henry Sidney et sir Peter Meautys ; ils devaient assurer la régente de l'amitié de leur souveraine et lui offrir ses bons offices pour le rétablissement de la paix, tout en excluant la médiation d'aucun autre prince ou potentat. Mais Sidney et Meautys eurent grand'peine à traverser la France et plusieurs fois arrêtés n'arrivèrent pas à la Cour sans péril. Catherine refusa d'admettre que la reine anglaise pût s'interposer entre le Roi de France et ses sujets ; elle annonça qu'au besoin le roi d'Espagne assisterait puissamment son fils et l'aiderait à rétablir l'ordre dans le royaume si Condé et Coligny ne se montraient pas plus raisonnables. State pap. ; duc D'AUMALE, op. cit., p. 159.

[50] A Rouen, c'étaient les magistrats Mêmes, du parti huguenot, qui avaient imploré l'appui de la reine d'Angleterre, offrant de se livrer, eux, la ville et tout le pays (8 septembre 1562) et se reconnaissant les sujets d'Elisabeth ; les manants et habitants envoyèrent même une délégation en Angleterre, et pour attirer les Anglais firent valoir les revenus de la ville et de la province. Cf. A.-E. BOBÉLY, Histoire de la ville du Havre et de son ancien gouvernement, t. II, p. 42.

[51] Il n'y entra que 200 Anglais qui se firent tuer sur la brèche. (J. LINGARD, t. II, p. 468.)

[52] H. FORNERON, les Ducs de Guise, t. I, p. 357.

[53] CASTELNAU. Cf. E. LE PARQUIER, le Siège de Rouen en 1562, in-8°, 1907.

[54] Les chefs catholiques qui ne cherchaient qu'à diviser les reformés, affectaient de traiter toujours Condé avec des égards qui étaient systématiquement refusés aux autres, et dans une série d'arrêts rendus contre les Châtillon et leurs adhérents et qui les décrétait de pris. de corps (juillet et août 1562) le Parlement de Paris avait exclu de la sentence la personne du prince, qui était déclaré prisonnier des rebelles. (Revue des Sociétés savantes, 1867, p. 326 et suivantes.)

[55] Condé et Coligny avaient déjà songé aux mesures à prendre si d'Andelot n'arrivait pas avec des renforts. L'amiral devait rester à Orléans et le prince s'échapper sous un déguisement et voyager de nuit pour aller solliciter l'assistance des luthériens d'Allemagne.

[56] D'autres documents donnent à Condé 11.000 hommes, dont 4.000 cavaliers.

[57] Catherine essaya à ce moment de nouvelles négociations par le sieur de Gonnor, que Coligny traite de cousin, et quand l'armée des réformés fut arrivée à Etampes la Reine l'amusa pour avoir le temps de fortifier les faubourgs de Paris. En même temps (16 novembre) le Parlement condamnait l'amiral, d'Andelot, La Rochefoucauld, Montgommery et autres à mort comme rebelles et criminels de lèse-majesté au premier chef. (Mémoires de Condé, t. IV, p. 114.)

[58] Saint-Mesures, premier écuyer de la Reine, offrait de sa part à Condé la lieutenance générale du royaume, et pour les siens le rétablissement de l'édit de janvier avec des modifications que l'on devait débattre dans l'entrevue. (Throckmorton to Elisabeth, 22 novembre. Calend. of State pap.)

[59] L'entrevue de Coligny et du connétable dura deux bonnes heures Montmorency ne voulant entendre parler de l'exercice de la religion, et l'amiral répétant qu'il perdrait plutôt mille vies que de quitter ce point. (BÈZE, Histoire ecclésiastique, t. II, p. 195.)

[60] Elisabeth, informée des incertitudes de Condé par Throckmorton qui ne le quittait plus, écrivit au prince en l'engageant de se montrer plus déférent pour les avis de l'amiral (Elisabeth à Condé, 4 décembre, State pap.) Après divers pourparlers, Condé, sur les conseils de Coligny, se décida à marcher sur la Normandie et à divertir le camp de l'ennemi du siège d'Orléans. (BÈZE, Histoire ecclésiastique, t. II, p. 227.) — Le 16 décembre, à Saint-Arnoul, sur la route de Chartres, il écrivit à la reine anglaise pour lui faire part des négociations entamées et rompues.

[61] 14 décembre ; Calend. of State pap.

[62] Coligny avait en somme quelque peu l'outrecuidance de son oncle. Il se refusait à croire qu'on oserait l'attaquer, n'avait rien prévu, rien préparé, et la bravoure folle de la gentilhommerie huguenote devait être impuissante à réparer ses fautes. — A Dreux, les protestants avaient à peu près 13.000 hommes, dont 5.000 cavaliers.

[63] L'armée royale comptait 14.000 fantassins et 2.000 cavaliers. L'aile droite, commandée par le maréchal de Saint-André, était composée de dix-neuf compagnies de gens d'armes, quatorze enseignes d'Espagnols, vingt-deux de vieilles bandes françaises et onze de lansquenets ; elle avait quatorze canons. Damville et le duc d'Aumale soutenaient la gauche de l'avant-garde avec leurs deux compagnies d'ordonnance et la cavalerie légère. Le centre était formé par la grosse phalange des Suisses répartis en vingt-deux enseignes, et débordait légèrement la gauche de l'avant-garde. Ils avaient huit canons. Le connétable, avec ses gens d'armes, se tenait entre eux et dix-sept enseignes de Picards et de Bretons (probablement légionnaires) que flanquait la cavalerie de Sansac formant l'extrême-gauche. (Duc D'AUMALE, op. cit., t. I, p. 192.)

[64] Guise était armé d'une cuirasse milanaise damasquinée d'argent, recouverte d'une cotte de treillis noir. Mais par précaution, son écuyer Varicarville était exactement armé et vêtu comme lui.

[65] Parmi les Suisses, il y avait d'ailleurs des protestants comme il y avait eu des catholiques dans l'infanterie qui défendait le fort Sainte-Catherine de Rouen.

[66] Les Allemands préféraient se porter sur les riches abbayes du Berry, où ils pourraient recueillir, sans risques et sans danger, du butin pour leurs chariots.

[67] Saint-André fut pris en attaquant vers le soir avec une cinquantaine de cavaliers une troupe de huguenots qui battait en retraite. Les protestants étaient commandés par un homme nommé Bobigny que le maréchal, parait-il, avait offensé. Pour l'empêcher de prendre la fuite, Bobigny lui fit retirer ses éperons et l'obligea à l'accompagner sur un cheval de suite. L2 maréchal se crut sauvé en voyant passer le prince de Porcien ; il lui cria que c'était à lui qu'il se rendait, et le supplia de l'emmener. Bobigny ne voulant pas disputer avec le prince de Porcien cassa la tête du maréchal d'un coup de pistolet. Cf. MÉZERAY, Histoire, t. II, p. 890.

[68] Condé, après la bataille, coucha avec le duc de Guise avant d'être conduit à Dreux. (BRANTÔME.)

[69] Le nombre des morts à la bataille de Dreux est resté très incertain par le nombre même des témoignages qui le rapportent. De Thou, qui parle de 8.000 morts dans les deux armées, ajoute que les protestants n'avouèrent que 3.000 manquants, sans compter il est vrai 1,500 lansquenets que Guise prit dans Blainville et renvoya chez eux. Coligny, écrivant au comte de Warwick et à Elisabeth (21 et 22 décembre). ne voulut avouer qu'une perte de 80 à 100 chevaux (Calend. of State pap.). Au rapport de Throckmorton, ce furent les vainqueurs qui souffrirent le plus et les troupes auxiliaires allemandes se conduisirent fort mal. Le due de Guise, qui renvoya un grand nombre de prisonniers allemands, eut soin d'abord de leur enlever leurs armes. L'amiral, écrivant en Angleterre, présente d'ailleurs la bataille presque comme une victoire des calvinistes ; mais obligé de raconter la prise de Condé, il demande quand même des secours. C'est ce que M. Delaborde appelle un récit fidèle. Cf. LA FERRIÈRE, le Seizième siècle et les Valois.