ROBESPIERRE TERRORISTE

 

V. — DANTON ET DURAND.

 

 

Cette étude a d'abord paru dans les Annales révolutionnaires de mars-avril 1919.

 

Il n'est plus besoin aujourd'hui de prouver que Danton fut, sous la Constituante et la Législative, un agent stipendié de la liste civile. Ceux que n'aurait pas convaincus la célèbre lettre de Mirabeau à La Marck, du ro mars 1791, devront déposer leurs derniers doutes devant les déclarations que fit à la justice consulaire, sous la foi du serment, l'homme même qui fut chargé par Louis XVI de distribuer l'argent de la corruption, l'ancien lieutenant civil au Châtelet, Antoine-Orner Talon[1].

Il n'est pourtant pas sans intérêt de connaître les intermédiaires qui servirent de lien entre Danton et les fonds secrets. Il y en eut plusieurs. L'histoire de l'un d'eux éclaire d'un jour curieux certains points obscurs de la vie du démagogue révolutionnaire.

Bertrand de Moleville, qui fut ministre de la Marine sous Louis XVI, a raconté dans ses Mémoires[2] qu'au moment où il abandonna le portefeuille, en mars 1792, le roi le chargea de diriger le service politique d'espionnage et de propagande du château. Ce service, dont les directeurs avaient été avant lui Alexandre Lameth et Delessart, était alimenté par les fonds de la liste civile. Mais une autre agence d'information et de corruption fonctionnait sur les fonds secrets du ministère des Affaires étrangères et avait à sa tête un nommé Durand, que Montmorin y avait placé quand il gérait ce département sous la Constituante. La dépense de l'agence du sieur Durand se montait à 400.000 livres par an. « C'est par les mains de cet homme [Durand], précise Bertrand, que sous le ministère de M. de Montmorin, Danton avait reçu plus de 100.000 écus pour proposer on appuyer différentes motions au club des jacobins... » Après la retraite de Montmorin, Delessert continua d'employer Durand.

Bertrand raconte qu'un jour, comme il ramenait Delessert dans sa voiture au sortir du conseil, celui.ci lui confia « que l'affaire si pressée qui le ramenait chez lui était de donner 24.000 livres à une personne qui devait les remettre à Dantori, pour une motion à faire passer le lendemain aux jacobins. Je trouvai cette somme exorbitante, et, comme j'avais aussi une personne de confiance aux jacobins, j'offris à M. de Lessart d'y faire proposer et adopter, sans qu'il en coutât rien, la motion dont il s'agissait, à moins qu'elle ne fût d'une importance et d'une difficulté extraordinaire. M. de Lessart m'ayant dit quel en était l'objet, je vis qu'il était possible de donner à cette affaire une tournure patriotique pour que celui qui ferait la motion y fût lui-même trompé, et je me chargeai de la faire passer. Elle fut proposée en effet le lendemain par Dubois de Crancé, à l'instigation de la personne qui m'était affidée, et elle fut adoptée sans la moindre contradiction. »

Le récit de Bertrand de Moleville n'a pas retenu l'attention des historiens. Il n'est pas douteux cependant qu'un nommé Durand était chargé, sous les ordres de Montmorin, d'une mission de propagande et de corruption auprès des députés et des journalistes.  Quand Mirabeau, passé aux gages de la Cour, voulut se faire nommer président de la Constituante, ce Durand se remua beaucoup pour lui procurer une majorité, et on lit dans un billet que Montmorin adressait à Mirabeau, le 21 décembre 1790, la phrase suivante : « J'ai vu Durand ce matin, il me parait à peu près désespérant du succès ; il compte cependant sur 250 voix, mais il y aura 600 votans et le reste sera pour Pastoret[3]... »

Cette lettre de Montmorin, écrite au moment même, suffirait à prouver, à elle seule, l'exactitude des Mémoires de Bertrand-de Moleville en ce qui concerne les attaches de Durand avec le ministre et le rôle que celui-ci lui avait assigné. Pouvons-nous en savoir davantage ? Quel était ce Durand, haut fonctionnaire des Affaires étrangères, par les mains dé qui Danton aurait reçu, sous la Constituante, plus de 100.000 écus ?

Au lendemain du ro août, quand le Comité de surveillance de la Commune insurrectionnelle lança des mandats d'arrêt contre les deux Montmorin, cousins germains l'un de l'autre, Armani, l'ancien ministre, et Luce, le gouverneur du château de Fontainebleau, il eut bien soin de faire perquisitionner dans une maison de campagne que possédait à Houilles (Seine-et-Oise, canton d'Argenteuil) un sieur Durand, ancien employé du ministère des Affaires étrangères[4].

Ce Durand, Jean-Baptiste-Léonard,' était né à Uzerche (Corrèze), en décembre 1742. Il avait été successivement avocat au parlement de Bordeaux, vice-consul à Tarragone, consul à Cagliari, directeur de la compagnie d'Afrique au Sénégal. Au début de la Révolution, il joua un rôle politique dans le quartier de Saint-Martin-des-Champs, qui devint ensuite la section des Gravilliers. Il fut successivement grenadier du bataillon de la garde nationale, secrétaire de ce bataillon, commissaire de police, secrétaire de la section. Il présida pendant près d'une année. En 1791, il fut nommé officier municipal et il entra au bureau central du commerce, organisé au ministère de l'intérieur. La place était bonne et lui rapportait 8.000 livres.

Comme bien on pense, Durand, absorbé par des occupations plus importantes, considérait comme une sinécure son emploi au bureau du commerce. Il n'y faisait que de très rares apparitions. Le rigide Roland, redevenu ministre au ro août, le mit en demeure d'exercer réellement ses fonctions. Durand répondit, le 14 août, qu'il était retenu à la campagne par un accès de goutte, mais qu'il se rendrait à son poste aussitôt rétabli, avec l'intention de continuer ses fonctions aussi longtemps que ses services seraient agréables[5]. Deux jours après cette lettre, il était perquisitionné.

Il ne faisait pas bon d'avoir été l'ami ou la créature des ministres déchus. La perquisition faite à Houilles avait prouvé, ce qu'ore' soupçonnait déjà, l'intimité de Durand avec les Montmorin, qu'il recevait dans sa, maison de campagne. Roland supprima l'emploi du fonctionnaire négligent et suspect et défendit de lui payer désormais aucun traitement à partir du 15 août[6].

Cette révocation était l'annonce de nouveaux ennuis plus graves. A la fin de septembre 1792, le terrible Comité de surveillance de la Commune, le même qui avait présidé aux massacres de septembre, lançait un mandat d'arrêt contre Durand. Perquisitionné de nouveau à sa maison de Houilles, il se cachait chez des amis pour échapper à l'arrestation. Mais, en même temps, il s'efforçait de quitter la France avec une mission officielle en bonne et due forme. Il ne faisait en cela que suivre l'exemple de Talleyrand, que le crédit de Danton avait fait charger d'une vague mission diplomatique en Angleterre. Le même Danton avait fait délivrer un passeport à Talon, qui put trouver un refuge de l'autre côté du détroit. Durand, qui avait sur Danton les mêmes droits que Talon ou que Talleyrand, réussit comme eux. Le 28 septembre, il obtint du ministre de la Guerre, Servan, un pouvoir ainsi conçu : « M. Durand partira pour Toulon et s'embarquera pour la Corse à bord de l'escadre destinée à l'expédition [de Sardaigne]. Il aura une commission du pouvoir exécutif avec tous les pouvoirs nécessaires pour conduire et diriger ladite expédition, dont le général Paoli sera le chef militaire[7]. » Il s'agissait d'un projet de conquête de la Sardaigne, dont la réalisation ne fut tentée que plusieurs mois plus tard.

Si on songe que cette mission fut confiée à Durand juste au moment où il était poursuivi par la Commune et réduit à se cacher, on sera peut-être en droit de supposer qu'il devait disposer, dans les régions 'gouvernementales, d'une très haute influence qu'il n'est pas difficile de deviner.

Quand Théodore Lameth avait voulu faire élargir son frère Charles, arrêté dans la Seine-Inférieure, et son ami Adrien Duport, arrêté dans le Loiret, il s'était adressé à Danton et à Servan, qui s'étaient montrés empressés à le servir ; quand Talleyrand et Talon, menacés par la Commune, avaient eu besoin d'un passeport, Danton leur avait été secourable[8], n'avons-nous pas le droit de supposer que Durand avait pris la même voie pour obtenir cette opportune mission en Sardaigne ? Ce qu'il y a de sûr, c'est que Durand avait sur la reconnaissance de Danton une hypothèque an moins aussi certaine que celle dont pouvaient disposer les Lameth.

Malheureusement pour lui, Durand obtenait un peu tard sa mission in extremis. Deux jours à peine s'étaient écoulés depuis que Servan avait donné sa signature que, le 1er octobre, le Comité de surveillance de la Commune venait donner lecture à la barre de la Convention d'une lettre par laquelle l'intendant de la liste civile, Laporte, avait réclamé, le 3 février précédent, au trésorier de cette même liste civile, Septeuil, une somme de r 500.000 livres destinée à corrompre les membres du Comité de liquidation de la Législative au moment où cette Assemblée allait avoir à se prononcer sur les pensions de la maison du roi. Au moyen de l'argent qu'il réclamait, Laporte espérait faire imputer au budget de l'État des pensions qui auraient dû normalement être acquittées par la cassette royale. Les révélations du Comité de surveillance provoquèrent un vif débat. Un ancien membre du Comité de liquidation, Robert Lindet, attesta que Laporte avait réellement intrigué pour faire mettre à la charge de la nation les pensions militaires de la maison du roi. Il avait réussi à faire nommer un rapporteur qui avait conclu dans ce sens. Mais le Comité s'était ressaisi et, devant l'opposition de ses collègues, le rapporteur avait renoncé à son rapport.

Au cours du débat, un des membres de la députation de la Commune reprit la parole pour dire qu'ils ne venaient pas seulement inculper les membres de l'ancien Comité de liquidation, mais beaucoup d'autres individus encore qui avaient eu leur part des largesses de la liste civile. Il exhiba des reçus et des bons qui prouvaient que des paiements importants avaient été faits à des journalistes et à des policiers. « Tous les bons, dit-il, sont signés Louis. »

Girondins et Montagnards, partisans et adversaires de la Commune, s'affrontèrent ; les uns, comme Reubell, Vergniaud, Louvet, Barbaroux, soutinrent que la Commune n'avait pas le droit d'apporter des dénonciations vagues, des soupçons sans preuves ; les autres, comme Chabot, Merlin (de Thionville), Panis, Marat, Billaud Varenne, prirent au contraire sa défense et réclamèrent l'impression des pièces accusatrices. Finalement, sur la motion de Barbaroux, la Convention nomma une commission extraordinaire de vingt-quatre membres pour inventorier les archives du Comité de surveillance de la Commune et les faire transporter à la Convention. La commission des vingt-quatre ainsi constituée eut le pouvoir de décerner des mandais d'arrêt contre les personnes désignées dans les pièces.

La commission se mit sur-le-champ au travail et, dès sa première séance, le 2 octobre, elle lançait contre Durand un mandat d'amener[9]. Durand continua à se cacher Le 4 octobre, on perquisitionna chez sa maîtresse, la citoyenne de Linards, originaire de la Haute-Marne, qui habitait rue Royale, butte Saint-Roch. Elle convint qu'elle était en relations habituelles avec Durand depuis neuf ans déjà. Elle ajouta que son ami l'avait quittée la veille à la campagne, vers huit heures et demie du matin, et qu'elle ne l'avait plus revu.

On perquisitionnait le, même jour à la villa de Durand, à Houilles, et à une maison qu'il possédait à Courbevoie. On ne trouvait rien. Le 5 octobre, la commission ayant appris que Durand avait sollicité de la municipalité de Courbevoie un passeport pour le Havre, la commission convertit son mandat d'amener en mandat d'arrêt[10]. Le 19 octobre, la commission« désignait deux de ses membres, Drouet et Valazé, pour lever les scellés.

, Brusquement, Durand sortit de sa retraite. Il se présenta volontairement à la commission le 29 octobre, et y subit un interrogatoire. Barbaroux, qui présidait, lui présenta des bons du roi qui portaient sa signature. Il reconnut qu'il avait vu M. de Septeuil à Versailles, mais une fois ou deux seulement. Il protesta que la signature Durand, qu'on lui présentait sur les bons du roi, n'était pas la sienne, et il demanda qu'on fît la comparaison de l'écriture avec celle des rapports qu'il avait envoyés au ministre quand il était encore consul à Cagliari. Il ajouta que ce n'était pas la première fois qu'il était victime d'une fâcheuse homonymie. Quand il avait présidé la section des Gravilliers, déjà il avait eu à se plaindre d'une confusion du même genre. Il termina enfin en exhibant le pouvoir qu'il tenait de Servan pour une mission de confiance en Sardaigne. La commission procéda sur-le-champ à la vérification des écritures. Elle accepta les explications de Durand, sans chercher à approfondir ses relations avec Montmorin et avec Septeuil, sans contrôler ses affirmations relatives à la confusion de noms dont il avait argué, sans procéder à la moindre expertise ni à la moindre enquête. Elle prononça séance tenante l'acquittement du prévenu. Il est difficile de savoir si elle ne subit pas certaines influences ou si elle n'a pas cru, ou feint de croire, que Durand était un homme utile à l'État, qu'il fallait rendre au ministre de la. Guerre qui l'employait.

Durand relâché, il ne fut plus question cependant de l'envoyer en Sardaigne. Il chercha à se faire oublier. Il se rendit dans son pays natal, à Uzerche, et y séjourna du 8 décembre 1792 au 20 février 1793. La municipalité d'Uzerche certifiera un an plus tard, le 29 septembre 1793, à la demande de sa femme Marthe-Marguerite Hugé, qu'il s'était bien conduit pendant ces quelques semaines et qu'il avait édifié ses compatriotes par son civisme. Le club d'Uzerche certifiera de même, le 9 octobre 1793, que Léonard Durand assistait régulièrement à ses séances, et lui décernera le titre de vrai républicain[11].

Mais, à cette date, les tribulations avaient recommencé pour l'ancien agent et ami de Montmorin. Le 7 octobre 1793, le Comité de Sûreté générale avait donné l'ordre d'arrêter « le nommé Durand, demeurant faubourg Saint-Honoré, n° 62, à côté de la maison ci-devant Bourbon, près de la rue des Moulins, n° 25[12]. » C'est là qu'eut lieu, le jour même, la perquisition par les soins de l'officier de paix Niquille. La citoyenne Roch de Linards fit observer au policier que l'appartement lui appartenait et que le citoyen Durand, malade, était au lit. Le citoyen Durand n'en fut pas moins écroué huit jours plus tard à la prison de La Force.

De cette maison d'arrêt, il adressa, le 5 du deuxième mois, autrement dit le 26 octobre, une demande de mise en liberté au Comité de Sûreté générale. Son mémoire est intéressant, parce qu'il -nous fait connaître les raisons de son arrestation. Cinq chefs d'accusation avaient été dressés contre lui :

1° Il aurait fait quelques voyages en Angleterre pendant la Révolution ;

2° il aurait été lié avec las Lameth ;

3° Il aurait eu connaissance, plusieurs jours auparavant, du projet du massacre des républicains au Champs-de-Mars, après le retour de Varennes, et il n'aurait pas averti les patriotes du danger qui les menaçait ;

4° Il n'aurait rien fait pour la Révolution ;

5° Enfin, il aurait été un des agents chargés, par la liste civile, de corrompre les patriotes.

Sur le premier chef, il niait catégoriquement. Depuis 1788, il n'était pas sorti de Paris, sauf pour se rendre à Uzerche en décembre 1792.

Sur le second, il prétendait qu'il n'avait jamais été l'intime des Lameth : t Je les ai connus aux jacobins, -dont ils étaient membres ainsi que moi, et quels sont les patriotes qui ne les ont point connus ? e A l'époque où Charles Lameth avait été blessé en duel par le comte de Castries, le 11 novembre 1792, il lui avait rendu quelques visites, en compagnie des meilleurs patriotes. Mais il avait rompu avec eux toutes relations quand ils étaient devenus suspects.

Des Lameth, Durand, passait à Danton par une transition naturelle : « Sur le troisième [chef], je déclare que mes principes reconnus, à la municipalité, éloignaient toute confidence des mesures qu'on voulait prendre, je n'en fus instruit que le vendredi soir[13] et, si l'opposition vigoureuse que j'y mis ne prévalut pas, ce ne fut pas ma faute ; la journée du samedy fut employée à instruire les plus chauds patriotes des dangers qu'ils couraient. Je me rendis chès Danton, chès Santerre, chès Charpentier, notaire, et plusieurs autres, dont je ne me rappelle pas les noms. Je les avertis des dispositions prises et je me retirai à la campagne le même jour. Telle fut ma conduite à cette époque, et si le Comité le révoque en doute, les patriotes que j'ai servi ne me refuseront pas leur témoignage. »

En effet Santerre écrivit, au bas du mémoire de Durand, cette apostille : « Le troisième article dont est question au présent mémoire, est vrai. Le surplus démontre d'une manière positive que Durand est patriote. Il n'i (sic) a point de doute que nous ne devions écraser les ennemis de la république, mais aussi de vous faire jouir les patriotes avantages qui dépendent de nous. Je dois à Durand la liberté, petit-être la vie, et la république lui doit des deffenseurs. Le Comité de Salut publique eu de Sûreté générale lui doit sa liberté. Je la lui demande parce que je sais que lui offrir à rendre justice est remplir envers lui un devoir de républiquain. SANTERRE, brasseur et général. »

Danton étant absent — il avait elfe Patis pour Arcis-sur-Aube le 12 octobre —, son beau-frère, le notaire Charpentier, atteste en son lien et place le civisme de Durand : « Je certifie que le citoyen Durand m'est venu avertir, la veille de l'affaire. du Champ-de-Mars, de son résultat, qu’étant allé chez Danton l’n avertir, je l’y trouvai, que ce fut lui qui détermina Danton à passer le dimanche à la campagne, où je fus avec lui et le citoyen Legendre. J’ai toujours cru et je crois encore que le citoyen Durand est bon patriote et partisan de la Révolution. CHARPENTIER. »

Ces textes furent définitivement un point d'histoire qui a son prix. Danton avait pris une part importante l'agitation antidynastique qui suivit la fuite du roi à Varennes. Il avait rédigé avec Brissot la célèbre pétition qui demandait à la Constituante « le remplacement de Louis XVI par les moyens constitutionnels ». Il avait parti avec ses amis, Legendre, Verrières, Lefebvre, Chrétien, au milieu du rassemblement dont le Champ-de-Mars avait été le théâtre le 16 juillet, pour protester contre le vote de la Constituante qui innocentait le roi. Il avait harangué la foule du haut d'un des cratères de l'autel de la patrie, Mais, le lendemain, quand les manifestants, que sa parole ardente avait excités, s'étaient de nouveau rendus au Champ-de-Mars pour signer la pétition, Danton et ses amis étaient restés invisibles. A l'heure du danger, le matin du dimanche sanglant, ils s'étaient éclipsés à la campagne. Nous savions déjà, par un curieux mémoire du conventionnel Sergent, que c'était sur les avis d'un agent d'Alexandre Lameth que le démagogue avait quitté prudemment Paris avec son état-major[14]. Mais le mémoire de Sergent, écrit tardivement[15], avait en outre l'inconvénient d'être un témoignage isolé. Testis usus, testis nullus. Les défenseurs de Danton ne se faisaient pas faute d'invoquer l'adage juridique pour écarter ce témoin gênant. Cette dernière ressource leur est maintenant refusée.

Mais les déclarations de Durand et les certificats de Legendre et de Charpentier nous permettront encore de dégager tout à l'heure d'autres conclusions. „

Poursuivant sa défense, Durand énumérait ensuite ses états de services patriotiques. Il rappelait son rôle dans sa section, à la municipalité, où il avait été membre du comité des recherches — la police révolutionnaire était en bonnes mains ! —, aux jacobins, où il était très assidu s, et dont il fut secrétaire — les papiers du club étaient en sûreté ! —. Il ajoutait qu'il était père de trois enfants, tous au service de la République.

Abordant enfin le grief principal, celui d'avoir été l'agent de la liste civile, il s'exprimait ainsi : « Sur le cinquième [chef], ma deffense est bien simple, on m'accusait d'être l'agent de la liste civile et le distributeur de ses grâces, je fus acquitté honorablement de tous ces faits par une commission de vingt-quatre membres de l'Assemblée, dont je déclare que je ne connaissois aucun des membres qui la composoient, pas même de vue. Le Comité avoit contre moi les préventions les plus fortes. Elles disparurent sur les explications que je lui donnai et sur les preuves multipliées de mon innocence. J'ai sçu depuis que le citoyen Poulain-Grandpré était celui des membres de la commission qui avait mis le plus de chaleur et d'acharnement dans les interrogatoires qu'il me fit, le citoyen Drouet tenoit la plume. Je partis peu de jours après pour mon département. J'en revins à la fin de février et je n'ai eu d'autres liaisons depuis cette époque qu'avec les députés de la Montagne. »

Le temps n'était plus où la recommandation de Danton était une sauvegarde toute-puissante. Attaqué dans la presse et jusqu'aux jacobins, dénoncé comme suspect d'intrigues royalistes au sein même du Comité, le tribun fatigué s'était momentanément retiré de la scène politique et terminait sa lune de miel à Arcis-sur-Aube avec sa seconde femme. Le Comité de Sûreté générale ne trouva pas la justification de Durand suffisante. Sur son mémoire, on lit cette apostille : « 11 brumaire (1er novembre). Le Comité a arrêté qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur la demande du citoyen Durand. VADIER. » Le signataire Vadier était un des plus acharnés adversaires de Danton, qu'il appelait ce « turbot farci ».

Si le Comité suivit Vadier, il faut avouer qu'il ne manquait pas pour cela de bonnes raisons. II pouvait s'étonner que, pour repousser l'accusation d'avoir été le distributeur des fonds secrets, Durand se fût borné à invoquer un moyen de forme, en rappelant le non-lieu prononcé au mois d'octobre précédent par la commission parlementaire des vingt-quatre. Le Comité, composé de Montagnards, devait être en défiance contre cette commission, qui n'avait été instituée que pour dessaisir le Comité de surveillance de la Commune, et dont les girondins avaient formé la grande majorité. S'il se reporta, comme c'est probable, au procès-verbal de la séance où fut interrogé Durand, il fut certainement frappé de la précipitation qui avait présidé b. l'instruction. Les dénégations de Durand avaient été acceptées comme argent comptant, presque sans contrôle. La commission n'avait fait citer aucun témoin qui aurait pl la renseigner sur les relations de l'inculpé avec Septeuil, trésorier de la liste civile, et avec les Montmorin et Delessart. Manifestement, on avait étouffé l'affaire. Il n'est même pas jusqu'à la brusque réapparition de Durand, qui se cachait depuis des semaines, qui ne parut un coup monté. La confrontation des signatures s'était faite à vue d'œil, rune la préalable expertise des gens de l'art et sur une unique série de documents. Les homonymes, sur lesquels Durand avait rejeté les responsabilités, n'avaient pas été recherchés ni cités. La commission des vingt-quatre avait eu hâte de clore l'incident.

Aucune de ces réflexions et constatations ne dut échapper à Vadier et à ses collègues, quand ils prirent la décision de rejeter le mémoire de Durand et de maintenir celui.ci sous les verrous. Il paraît, c’est Durand lui-même qui nous l'apprend, que sa conduite, au moment du massacre du Champ-de-Mars, leur restait particulièrement suspecte. Comment Durand avait-il pu connaître à l'avance les projets meurtriers de la Cour et des Lameth contre les démocrates, s'il n'avait pas eu des relations étroites avec les réacteurs ?

Durand écrivit de nouveau au Comité de Sûreté générale : « Citoyens, à la suite du mémoire que j'ai déjà présenté, je vais donner de nouvelles explications sur la conduite que j'ai tenue à l'époque de l'événement du Champ-de-Mars. Il parait que ce fait est le seul qui prolonge ma détention. Le rassemblement, qui devait avoir lieu au Champ-de-Mats, était publiquement connu plusieurs jours avant celui de l'indice-tien. Je fus instruit le vendredi soir de la résolution prise de publier la loi martiale. Je m'opposai vigoureusement à cette mesure de rigueur, J'en Os sentir toute l'horreur, mais ma voix ne prévalut pas et j'en fus désolé. Que pouvais-je faire dans ces circonstances ? Je me dis à moi-même : Il faut avertir les plus chauds patriotes des dangers qui menacent le peuple, afin qu'ils l'écartent s'il est possible, et je les avertis. Je me rendis ensuite à la campagne et je m'éloignai de Paris pour ne pas être forcé de me trouver à une scène encore incertaine, mais dont la possibilité me faisoit horreur, elle répugnoit à mon cœur et à mes principes. Je ne voulois pas en partager l'ignominie et je n'avois pas d'autre moyen de m'en garantir ; en effet, on ne manqua pas de m'envoyer chercher le dimanche matin et, à mon retour, je fus publiquement blâmé sur mon absence. Ce fut alors que je renouvelai ma protestation, et j'ose dire qu'à cette époque, il y avait du courage à désapprouver les dispositions du jour... Je n'ai jamais été le confident des mesures secrètes qu'on a pu prendre... »

Les procès-verbaux de la Commune, publiés par M. Sigismond Lacroix, attestent en effet que Durand ne parut pas aux séances du vendredi 15 et du samedi r6 juillet, mais ils fournissent aussi la preuve que Durand ne parut pas davantage à la séance-du 17 juillet, jour du massacre. Son nom ne se retrouve sur les procès-verbaux qu'à partir du 20 juillet. S'il revint à Paris le matin du 17 juillet, ce ne fut pas, comme il le dit, pour s'élever au conseil contre la proclamation de la loi martiale, ce fut uniquement pour prévenir Danton du danger qui le menaçait et pour lui conseiller d'imiter sa propre prudence en quittant la capitale. Puisqu'il n'avait pas paru à la Commune les jours précédents, il n'avait pu être informé de ce qui se tramait que par une autre source, et Sergent nous dit en effet que les deux hommes qui vinrent avertir Danton lui déclarèrent qu'ils avaient été chargés par Alexandre Lameth lui-même de faire cette démarche[16]. Or, Alexandre Lameth était, à cette date, le chef du bureau politique de la liste civile.

Plus on scrute les explications de Durand, plus on les trouve suspectes, plus son identité avec le Durand des Mémoires de Bertrand de Moleville et de la correspondance de La Marck apparaît certaine.

Au moment même où Durand s'efforçait, de' sa prison de La Force, de convaincre le Comité de Sûreté générale de la sincérité de son civisme, le procès de Bailly s'ouvrait devant le tribunal révolutionnaire. Les républicains n'avaient pas pardonné au premier maire de Paris la proclamation de la loi martiale dans la journée du 17 juillet. Ils le considéraient comme le véritable auteur du massacre.

Jean-Baptiste-Léonard Durand se dit qu'en demandant à être entendu au procès et qu'en chargeant de son mieux 'l'ancien maire, dont il avait été le collaborateur, il parviendrait peut-être à intéresser en sa faveur le Comité de Sûreté générale, qui refusait jusque-là de l'entendre. Le calcul se trouva bon.

Durand déposa, le 19 brumaire, à la barre du tribunal révolutionnaire. Il affirma qu'il avait été question, à la Commune, de déployer le drapeau rouge[17] trois ou quatre jours avant le 17. Il se serait opposé de tout son pouvoir à cette mesure, et il serait parti à la campagne en manière de protestation. Bailly lui en avait fait des reproches après le massacre : « J'observe que les mesures de la loi martiale avoient été discutées et arrêtées dans le conseil municipal. L'accusé ici présent fut de l'avis de la publier si le rassemblement avoit lieu...[18] »

Bailly se borna à répondre que Durand confondait les faits et les dates. Les procès-verbaux de la Commune prouvent que Bailly disait la vérité.

Bailly fut condamné à mort, mais Durand, pour la seconde fois, fut élargi. Un arrêté du Comité de Sûreté générale, en date du 8 frimaire, ordonna sa mise en liberté[19]. A cette date, Danton était revenu d'Arcis-sur-Aube, rappelé à Paris par le scandale Chabot, qui éclata le 26 brumaire. Le retour de Danton fut-il pour quelque chose dans la mesure prise en faveur de Durand ? Peut-être, si on songe qu'au début de frimaire Fabre d'Eglantine était tout-puissant au sein du Comité et qu'il était chargé, de concert avec Amar, d'instruire l'affaire Chabot.

Quoi qu'il en soit, Durand ne recommença d'être inquiété qu'au moment même où Danton et ses amis étaient définitivement abattus. La coïncidence est curieuse.

Le 24 ventôse, il avait apporté dans l'instruction du procès des Hébertistes un témoignage favorable au général Boulanger, que Robespierre protégeait. Il avait déclaré. au juge Coffinhal qu'il était en relations avec Boulanger, s qu'il était venu quelquefois chez lui avec sa femme et sa fille, qu'il l'avait toujours regardé comme un excellent patriote, brûlant de l'amour de la liberté, que Boulanger lui avait toujours dit qu'il fallait soutenir la Convention, se rallier autour d'elle... que, dans sa conversation, on s'apercevait qu'il n'aimait pas Ronsin, qu'il critiquait même ses opérations de Lyon[20] et la manière dont il menait son état-major...[21] »

Boulanger fut sauvé. Mais, trois semaines ne s'étaient pas écoulées que Durand était de nouveau incarcéré, par ordre du Comité de Sûreté générale, le 17 germinal an II[22], le lendemain même du `supplice de Danton ! On lit dans son dossier la note que nous reproduisons plus loin. Elle porte cette apostille : « Note remise par Garnerin [agent au Comité de Sûreté générale] de la section des Arcis, Je 28 germinal an II Le Bas. » Le robespierriste Le Bas, qui a signé cette apostille, fut sans doute chargé du rapport sur l’arrestation de Durand, et la note 4e Garnerin a pour nous cet intérêt de nous faire connaître non seulement l'opinion des robespierristes sur l'ancien agent de Montmorin et de Delessart, mais aussi le sentiment de l’ancien secrétaire de la commission des vingt-quatre, qui en fut le rédacteur[23],

« Durand, dit-il, étoit l'agent intermédiaire de la liste civile pour la distribution, aux principaux agens de corruption du gouvernement, des sommes qu'elle donnoit à l’exécution de ses projets perfides contre la représentation nationale.

« Dans tous les bons du Roy, qui se trouvent dans les pièces qui proviennent de la commission extraordinaire des vingt-quatre à l’appuy du procès, qui toutes sont déposées au Comité de Sûreté générale, on retrouve toujours Durand :

« Donné à Durand, 30 mille livres ;

« Donné à Durand, 20 M. M. ;

« D. à Durand, 40 M. L. ;

« Il y a un procès-verbal de l'interrogatoire de Durand qui démontre qu'il étoit véritablement l'agent de la Cour. Toute la commission étoit disposée à le faire arrêter Quoique sa signature ne soit pas absolument conforme aux reçus au dos de ces bons, on sembloit convaincu d'une certaine ressemblance qui laissait le violent soupçon que la signature donnée au cy-devant Roy étoit contrefaite.

« Barbaroux demanda l'ajournement de la meure de la commission, sous prétexte qu’il avait de faits à apporter contre lui. Il demanda à examiner les pièces, il les emporta chès lui, il fit tant d'efforts que, deux jours après, il détermina la commission à son élargissement.

« Ensuite elle voulut revenir sur cette affaire. Durand profita du tems où il était déjà parti avec une mission du ministre des affaires étrangère ou de Bournonville[24].

« Durand étoit l'homme de Lafayette : Duplain le libraire[25] connoît toute sa vie très particulièrement.

« Durand n'avoit pas un sol. Il est infiniment riche,

« Il avoit à cette époque pour maîtresse une femme qui fesoit excessivement de dépenses.

« Tous ces faits se retrouvent aux procès-verbaux de son interrogatoire. Je m'offre à faire la recherche dans les papiers de la commission des vingt-quatre. Le Durand, dont il est question ici, a été officier municipal, consul de France. Il est de la section des Gravilliers. »

Il est dommage que la dispersion des papiers de la commission des vingt-quatre ne nous permette pas de vérifier d'une façon précise le contenu de cette note de son ancien secrétaire Garnerin. Mais il semble bien que les vraisemblances en confirment l'exactitude.

Le Durand qui remit 100.000 écus à Danton sous la Constituante, au dire de Bertrand de Moleville, le Durand de la lettre de Montmorin à La Marck, est évidemment le même qui hébergeait à sa maison de campagne de Houilles, en août 1792, l'un des Montmorin, le même que le vertueux Roland révoqua de sa place de membre du bureau du commerce, le même que le Comité de surveillance de la Commune regardait comme suspect, le même qui donnait à Danton de si bons conseils le matin du massacre du Champ-de-Mars, le même qui obtenait du concussionnaire Servan, si opportunément, à la fin de septembre 1792, une mission en Sardaigne qui fut toute fictive, le même qui fut arrêté pendant l'absence de Danton à Arcis, en octobre 1793, et remis en liberté au retour de Danton, en novembre, le même qui déposa contre Bailly et qui témoigna en faveur du général Boulanger, commandant en second de l'année révolutionnaire, le même enfin que les robespierristes firent incarcérer au lendemain même du jour où Danton montait sur l'échafaud. Danton et Durand sont unis devant l'histoire.

Plus heureux que Danton, Durand garda sa tête sur les épaules. Il vivait encore en 1807, et la biographie de Leipzig, parue cette année-là, note qu'il avait publié, en 1802, un Voyage au Sénégal « ou mémoires historiques, philosophiques et politiques sur les découvertes, les établissements et le commerce des Européens dans les mers de l'océan Atlantique, depuis le cap Blanc jusqu'à la rivière de Sierra Leone inclusivement, suivis de la relation d'un voyage par terre de l'île Saint-Louis à Galam, et du texte arabe de trois traités de commerce faits par l'auteur avec des princes du pays[26]. »

Durand avait fait plusieurs voyages dans l'intérieur et négocié avec les rois nègres. A son retour en France, il fit naufrage sur la côte d'Écosse et perdit une grande quantité d'objets curieux qu'il rapportait d'Afrique.

La biographie de Leipzig ajoute enfin que Durand fut chargé, sous le Directoire, d'une mission secrète près la cour de Turin. On voit, en effet, dans les Actes du Directoire, publiés par M. Debidour, que, par une délibération secrète du 25 pluviôse an IV, un sieur Durand, qui n'est pas autrement désigné, fut chargé de se rendre, non pas à Turin, mais au Valais, pour se mettre en rapports avec un mystérieux espion qui s'offrait à dénoncer les complots des royalistes à l'intérieur de la république.

Si ce Durand est le même que le nôtre, l'ancien agent secret de la Cour n'aurait éprouvé aucune répugnance à mettre ses talents au service du gouvernement des régicides. Mais, pouvons-nous dire quel gouvernement aurait servi Danton, s'il avait réussi, comme Durand, à échapper à la Terreur[27] ?

 

 

 



[1] Nous avons publié dans les Annales révolutionnaires, t. VII, p. 98-zoo, les principaux extraits de l'interrogatoire que subit, le 5 vendémiaire an XII, Antoine-Orner Talon, devant Pierre Fardel, magistrat de sûreté du Xe arrondissement de Paris. L'interrogatoire, préparé par le Grand Juge, avait été revu et approuvé au préalable par le Premier Consul. Sur la fortune de Danton, voir la première série de nos Etudes Robespierristes.

[2] T. I, p. 346-355.

[3] Correspondance de Mirabeau avec La Marck, éditée par Bacourt, t. II, p. 410. Mirabeau fut élu président le 29 janvier 1791.

[4] TUETEY, Répertoire des sources manuscrites de l'histoire de Paris pendant la Révolution, t. VII, n° 1308. Le procès-verbal de perquisition, daté du 16 août, dit que Montmorin avait quitté Houilles pour Paris le 11 août.

[5] TUETEY, t. VII, n° 1484.

[6] TUETEY, t. VII, n° 1488. Voir les n° 1508 et 1509.

[7] Archives nationales, F⁷ 4696. Un certain Peraldi était adjoint à Durand dans cette mission. Servan était le protecteur du fournisseur d'Espagnac, également protégé par Danton. (Voir notre étude sur Servan et les premiers marchés d'Espagnac dans les Annales révolutionnaires, 1918, t. X, p. 533.)

[8] Voir notre article : Danton dans les mémoires de Théodore Lameth, dans les Annales révolutionnaires, 1913, t. VII, p. 1-34, et l'interrogatoire de Talon déjà cité.

[9] On lit dans l'inventaire des papiers transmis par Le comité de surveillance de la Commune à la commission des 24 et transcrit dans le registre des délibérations de la commission, à la date du 2 octobre 1792 : « 4° une liasse de 7 pièces relatives à Durand présumé être l'ancien officier municipal de ce nom, antérieurement vice-consul d'Afrique. Les 6 premières de ces pièces consistent en quittances données et en bons quittancés par Durand sur la liste civile, à des époques rapprochées, dont la plus ancienne est du 25 juin 1791 et la plus récente du 1er aoust 1792 ; les sommes portées dans ces différentes quittances s'élèvent au total de 575.000 livres. La 7e pièce est un billet présumé être écrit de la main de Laporte, alors intendant de la liste civile, non daté, signé, ni adressé. Ce billet fait soupçonner que Durand était chargé d'une commission secrète relativement à un employ de fonde provenant de la liste civile » (Archives nationales, F⁷ 2201).

[10] Archives nationales, F⁷ 2201.

[11] Jean-Baptiste-Léonard Durand, ancien consul en Afrique demeurant rue Mêlée, n° 68, figure sur la liste des jacobins de Paris, publiée par M. Aulard dans son Recueil, t. I, p. XVII.

[12] Archives nationales, F⁷ 4696. Tous les détails, dont la source n'est pas indiquée, proviennent de ce dossier. Le mandat d'arrestation de Durand est signé de M. Bayle, Le Bas, Amar et David.

[13] Le massacre eut lieu le dimanche.

[14] Voir mon livre Le Club des Cordeliers pendant la crise de Varennes. p. 132.

[15] Il a été publié dans la Revue rétrospective en 1834. M. Sigismond Lacroix en a donné des extraits au tome II de la 2e série de ses Actes de la Commune, p. 663-667.

[16] Sergent nomme, parmi ces deux hommes, Lefebvre, qui était également très lié avec les Lameth. Le nom de l'autre émissaire, qu'il dit avoir oublié, est certainement Durand.

[17] On déployait le drapeau rouge au moment de faire les sommations.

[18] Bulletin du tribunal révolutionnaire, t. II, n° 8°, p. 318.

[19] TUETEY, Répertoire, t. X, n° 1020.

[20] Les fameuses mitraillades ordonnées par Collot d'Herbois et Fouché.

[21] TUETEY, Répertoire, t. X, n° 2269.

[22] TUETEY, Répertoire, t. XI, n° 1059.

[23] « Jean-Baptiste-Olivier Garnerin, ci-devant secrétaire de la commission des vingt-quatre, déposa [au procès de Marie-Antoinette], qu’ayant été chargé de faire l’énumération et le dépouillement des papiers trouvés chez Septeuil, il a vu parmi lesdits papiers un bon d'environ 80.000 l., signé Antoinette, nu profit de la ci-devant Polignac..., etc. » (Moniteur, réimpression, t, XVIII, p. 191.)

[24] Garnerin a confondu Servan et Beurnonville.

[25] Le publiciste Duplain, qui avait été le voisin de Danton, cour du Commerce, fut condamné à mort le 22 messidor an II.

[26] Deux volumes avec atlas.

[27] Le mari de la petite-fille de Danton, Louis-André Menuet banquier à Arcis-sur-Aube, fut maire de cette ville sous le second Empire et sous l'ordre moral. Voir l'article : La descendance de Danton, dans les Annales révolutionnaires, t. V, 1912, p. 669-673.

Depuis que ces lignes ont été écrites, le livre de M. Raymond Guyot sur Le Directoire et la paix de l'Europe m'a appris (p. 139-142) que le Durand que le Directoire chargea d'une mission secrète auprès du gouvernement piémontais était bien le nôtre (Jean-Baptiste-Léonard, ancien consul à Cagliari). Le ministre des relations extérieures Delacroix, qui avait été son collègue au contrôle général sous Turgot, l'avait recommandé au Directoire, parce qu'il était lié, disait-il, « avec plusieurs personnages prépondérants à la cour de Turin ». Durand partit le 1er frimaire an IV, avec un crédit de 30.000 francs sur les dépenses secrètes. Il s'aboucha à Saint-Maurice en Valais avec un prêtre nommé Lazzari, qui était aumônier du roi Victor-Amédée e lui fit des propositions de paix qui furent repoussées. Durand repartit pour Paris le 20 pluviôse (30 janvier 1796). M. Guyot ajoute qu'il avait fait bonne impression aux Piémontais par son esprit droit sa belle figure et ses manières gracieuses ». Il serait mort en 18x2 au cours d'un voyage en Espagne.

La mission secrète dont parle M. Guyot est antérieure à celle dont Durand fut chargé le 25 pluviôse an IV, et que nous ne connaissons que par le recueil de M. Debidour,