ESSAI D'ÉDITION CRITIQUE
Cet essai a d'abord
paru dans les Annales révolutionnaires de janvier 1918.
Le
carnet de Robespierre est un document plus connu que consulté, plus défiguré
que compris. Personne encore n'a essayé d'en donner une édition critique. Ce
calepin, formé de quarante-deux feuillets d'un papier non margé ni réglé,
dont les dix-sept premiers seulement ont été utilisés par son propriétaire
pour des notes hâtives rédigées en style d'une concision sibylline, est
conservé dans les archives de la Commission des douze, que la Convention
chargea de l'examen des papiers de Robespierre[1]. Le député Courtois, ami de
Danton et concussionnaire, qui fut le rapporteur de cette commission, s'est
bien gardé de reproduire en entier ce précieux document dans les annexes de
son fameux rapport de nivôse an III. Il savait bien qu'il était trop à l'honneur
de sa victime. Il s'est contenté d'en détacher cinq phrases, qu'il a groupées
sous le n° LIV de son factum, sous ce titre d'une correction douteuse : «
Notes extraites d'un cahier écrit entièrement[2] de la main de Robespierre » (p. 211 du
rapport). Quelques
années avant la guerre, la maison Motteroz a donné du carnet de Robespierre
une reproduction héliographique fort soignée, qui n'est pas dans le commerce,
mais qu'il est assez facile de se procurer. Cette reproduction est suivie
d'un essai de lecture qui, malheureusement, n'est pas exempt de fautes
nombreuses. L'héliographie a donné le fac-simile des phrases écrites
à. l'encre ou au crayon appuyé, mais plusieurs notes écrites au crayon léger,
à demi effacées et presque illisibles, n'ont pu apparaître sur le cliché.
J'ai essayé de les reconstituer et de les déchiffrer sur l'original. L'opérateur
de la maison Motteroz a cru que le document qu'il photographiait avait été
trouvé sur Robespierre le jour de son arrestation. C'est une chose fort
problématique si on songe que la dernière page qui, par exception, porte une
date[3], a été écrite le 7 nivôse (27 décembre
1793), c'est-à-dire
sept mois avant le 9 thermidor. Si Robespierre avait sur lui un carnet le
jour de son arrestation, ce devait être un autre carnet que celui qui nous a
été conservé. Celui-ci se termine avec l'année 1793. L'autre commençait
peut-être avec l'année 1794. Quoi
qu'il en soit, ce qui fait l'intérêt du document, c'est qu'il est proprement
un aide-mémoire. Avant de se rendre aux séances du Comité de Salut public ou
de la Convention, Robespierre couchait rapidement par écrit les points qu'il
se proposait de traiter, les questions qu'il avait à poser, les
éclaircissements qu'il désirait se procurer. Comme ces notes n'étaient
écrites que pour lui-même, il s'y livre tout entier. On voit, en les lisant
et en les commentant, quelle fut son attitude sur les principaux problèmes
qui sollicitaient le gouvernement, de septembre à décembre 1793, pendant la
période qui vit l'organisation de la Terreur, la levée en masse, le maximum,
les fabrications de guerre, le premier effort de résistance à l'invasion, le
procès des girondins, la déchristianisation, les divisions de la Montagne,
etc. Les
actes du grand Comité de Salut public sont sans doute d'une magnifique
éloquence dans leur sécheresse, mais d'une éloquence impersonnelle. Le carnet
de Robespierre nous permet de saisir l'élément psychologique, l'élément
humain qui s'y mêle. Grâce à lui, nous pouvons inscrire un nom, découvrir une
volonté déterminée sous le manteau glorieux des décisions collectives.
Robespierre nous fait entrer un moment, sinon dans la salle même des
délibérations, du moins dans l'antichambre. Nous percevons le bruit des
discussions, nous devinons l'écho des préoccupations, et de ce passé lointain
une bouffée de vie monte jusqu'à nous. 1°
Nomination des membres du Tribunal révolutionnaire[4]. 2°
Formation des Comités et premièrement du Comité des marchés[5]. 3°
Terminer l'envoi des commissaires à Brest, à Cherbourg et dans les ports en
général[6]. 4° Le
rapport du décret qui rapporte la loi sur les biens des étrangers[7]. 5° Le
décret qui ordonne que les émigrés seront jugés par
tous les tribunaux criminels[8]. 6°
Ordonner aux ministres de donner la liste de leurs commis et de leurs agents[9]. 7°
Assurer les secours des veuves et des enfans des
défenseurs[10]. 8°
Écrire sur Declaie[11]. 9°
Demander à Laurent ses renseignemens[12]. Les sermens de Pio[13]. Aff.
particulières. Goutier[14]. Crachet[15]. Dimanche,
rapp. de J. B. Lacoste[16]. L'Alsace
vendue. Hesse à
Orléans, à destituer[17]. Conspiration
de la réquisition. Disposer
avec précaution de celle des grandes villes, surtout à Paris ; n'emploier avec confiance que celle des campagnes et des
pays où le patriotisme domine[18]. Tenir
l'armée révolutionnaire prête, en rappeler les détachemens
à Paris pour déjouer la conspiration[19]. La
commission de Lyon[20]. Envoïer
Bô. Montaut, rappeler les autres, excepté Couthon et Maignet[21]. Dentzel,
Belin, traîtres à dénoncer enfin[22]. Ajournement
indéfini du décret sur le calendrier[23]. Organisation
des Comités[24]. Rapport
sur la Vendée[25]. Démasquer
la faction[26]. Bordeaux,
Lyon, Toulon. Courriers[27]. Tribunal
révolutionnaire va mal[28]. Déclarer
que la section[29] réquisitionée
n'aura pas l'honneur de servir la patrie. Avoir
deux plans dont l'un livré par les commis. Organisation du Comité. Entendre
tous les jours à heures fixes les ministres, la
police, le commandant, l'accusateur public ou un président du tribunal
criminel. Ne
recevoir aucun étranger dans le sein du Comité. Les renvoier
aux ministres, ou nommer un commissaire, ou un secrétaire pour les entendre. Annoncer
à l'Assemblée la nouvelle organisation du Comité[30]. La taxe
du tabac rompt nos relations commerciales avec l'Amérique[31]. Taxer
les gros marchands en gros de manière que les débitants puissent vendre[32]. Besoins
pressans de l'armée de la Moselle et du Rhin. Jubinal
de Lure[33]. Ier...[34]. Organisation
du Comité[35]. Infâme
violation des secrets du Comité, soit de la part des commis, soit de la part
d'autres personnages[36]. 1°
Placez-vous dans un local convenable[37]. 2°
Renouveliez vos commis. Chassez
surtout le traître qui siégeroit dans votre sein. 3°
Punissez le commis qui vous présenta à signer une lettre dont l'objet étoit d'engager[38] les détenteurs des pièces de
conspiration relatives à l'ancien régime à les brûler. Casser
l'arrêté de la municipalité qui interdit la messe et les vêpres. Il n'en
a pas le droit. C'est
un moyen de trouble[39]. Appeler
l'accusateur public. Ordonner
que chaque jour la municipalité surveillera les prisons, sans pouvoir relaxer
personne, et qu'elle sera responsable de l'évasion des prisonniers. Lui
ordonner de tenir la main à l'exécution du décret qui défend aux prévenus de
conspiration toute communication entr'eux ou avec toute autre personne. Dissolution
des f. r. r.[40]. Révocation
du décret qui établit partout des tribunaux révolutionnaires[41], du décret qui assujettit ceux
qui arrêtent à envoyer les procès-verbaux d'arrestation[42]. Demander
que Thomas Payne soit décrété d'accusation pour les intérêts de l'Amérique
autant que de la France[43]. Les pièces de Houchard et
autres[44]. Organisation du tribunal
révolutionnaire. Rabaut
est à Durfort, près de Saint-Jean de Gardonnenck, à
quatre lieues d'Anduse et à huit lieues de Nismes[45]. Blanval,
finances, Rome, Rafron, Merlin, Jagot, Laloi, Bouquier, Isoré, Gentil,
du Mont-Blanc, Lombart-Lachaux, Forestier, Enlard, Deville[46], Dumas,
chef de brigade du bataillon des Vosges à la Vendée[47]. Rappeler
tous les commissaires du Rhin et de la Mozelle[48]. Rappeler
les mauvais commissaires aux chevaux et surtout Boursault[49]. Affaire
de Lyon[50]. Tribunal
révolutionnaire[51]. Départ
de Carnot pour l'armée[52]. Conspiration
de Proli, Leclerc[53]. Forcer
les villes ci-devant rebelles par la terreur à retrouver les armes qu'elles
ont cachées. Marchand[54]. Guerre. Nord.
Le général Cordelier[55]. Affaire
de Péronne[56]. Rhin. Demander
à Bouchotte ce qu'il a fait. Armer les meilleurs bataillons de la réquisition. Inventaire
des armes. Intérieur. Représentans à rappeller : Boursaut, Feraut, Rovère[57]. Représentans à envoier ailleurs. Correspondance
avec les représentans. Conspirateurs. Organisation
du tribunal. Proli,
etc., etc. Guerre. Plan
pour le Rhin. Plan
pour le Nord[58]. Départ
de Carnot. Toulon,
la Lozère, la Vendée[59]. Armer
les bons bataillons. Désarmer
les pays suspects. Intérieur. Completter l'armée révolutionnaire et la purger[60]. Organiser
le tribunal révolutionnaire[61]. Surveiller
les clubs, emprisonner et punir les contre-révolutionnaires hypocrites[62]. Réprimer
les journalistes imposteurs. Répandre
de bons écrits. Subsistances,
approvisionnemens à l'intérieur, à l'extérieur[63]. Rappel
et choix des commissaires de la Convention[64]. Demander
la liste des commissaires du Conseil exécutif, purger les bureaux. 4
points essentiels du gouvernement : 1°
Subsistances et approvisionnemens, 2°
Guerre, 3°
Esprit public et conspirations, 4°
Diplomatie. Tous
les jours, il faut se demander dans quelle situation se trouvent ces quatre
choses. Subsistances
et approvisionnemens : Ce chapitre se subdivise en
deux parties : 1° moiens de connoître,
conserver et de répartir celles qui sont dans l'intérieur. Le second à en
faire venir de l'extérieur. Guerre. Comprend la fabrication des
armes et des poudres, leur répartition, les plans de campagne, les choix des
généraux et l'emploi des nouvelles levées. Esprit
public et conspirations. Contient les bons écrits, la répression des rebelles,
l'organisation du tribunal révolutionnaire et toutes les mesures nécessaires
pour punir les conspirateurs ; le tableau de la situation des diverses
parties de la République ; la correspondance avec les autorités constituées,
avec les sociétés populaires, avec les représentans
du peuple. Il faut surtout ici un travail méthodique, dont l'une des bases seroit le degré de civisme ou d'incivisme des divers départemens. Généraux. Dugommier, général de brigade
à l'armée d'Italie[65]. Il faut
120 commissaires : 2 par chaque armée, 2 par deux départemens.
Il faut en mettre un fort avec un patriote plus faible. Il faut les
renouveler ou les changer assez fréquemment. Il faut à tous une instruction générale.
Il faut une correspondance active dirigée par le même principe et adaptée aux
localités. Demander
à Jarri[66] son projet d'organisation des
courriers et les noms des carniers sûrs, soit à la guerre, soit au Comité de
Salut public. Demander
la correspondance de Bordeaux. Boisguion et Girey[67]. Envoier
au Rhin un nouveau courrier porteur des dépêches de Saint-Just, avec une
lettre à celui-ci : « Comme
nous avons quelqu'inquiétude sur le courrier bavard
que vous nous avez envoié et qui est reparti avec
nos dépêches, nous vous envoions la lettre
ci-jointe par un second courrier, afin qu'elle vous parvienne plus sûrement.
Gardez-vous de l'impatience et de la défiance[68], nous sommes pleins de
l'énergie et de la sollicitude qui vous anime et nous vous seconderons de
toutes nos facultés. » Écrire
à Hentz de se rendre à l'armée du Nord pour prévenir la division entre les
généraux[69]. Organisation
nécessaire des courriers. Deux venant de Strasbourg ont été rencontrés voiageant tranquillement en cabriolet. Point de courriers
en avant. Désorganisation
effraïante des postes. Nommer des inspecteurs
patriotes pour les courriers. Tout courrier rapportera au Comité un reçu de
ses dépêches. Il sera tenu de se présenter au Comité au moment de son
arrivée. Pyrénées
occidentales. Faire réintégrer Dumas et les autres officiers nommés par le
gouvernement. Rappeller les représentans
à leur devoir[70]. Pyrénées
orientales. Exécuter les arrêtés déjà pris. Armes
de Bordeaux, de Marseille, de Lyon, à. distribuer aux meilleures levées,
faire passer ceux du Nord au Midi, ceux du Midi au Nord. Le bronsec est une manière de cacher les défauts des armes,
les ouvriers patriotes dénoncent cet abus contre les intrigans. Envoier
Duplay près de Calendini[71]. Principale
mesure de Salut public. Il sera nécessaire d'envoïer
dans toute la République un petit nombre de commissaires forts, munis de
bonnes instructions et surtout de bons principes, pour ramener tous les
esprits à l'unité et au républicanisme, seul moïen
de terminer bientôt la Révolution au profit du peuple. Ces commissaires
s'appliqueront surtout à découvrir et à inventorier les hommes dignes de
servir la cause de la liberté. Pour
épurer les Comités révolutionnaires, il faut se procurer la liste de tous
ceux qui les composent, leurs noms, qualités et demeures. Il faut
celle du Comité dit Central[72]. Il faut connoître
surtout les président et secrétaires de chaque Comité et faire un rapport à
ce sujet. — 2° Il
faut revoir la liste des meneurs de la contre-révolution, dans chaque pays,
indiqués par celles des commissions populaires, directoire, etc., etc., et
sévir contre tous ces hommes. 3° Il
faut poursuivre tous les députés chefs de la conspiration[73] et les atteindre à quelque prix
que ce soit. Il faut
que tous les individus connus soient promptement punis. II faut
avoir la liste circonstanciée de tous les prisonniers, décréter que ceux qui
auront donné azile aux conspirateurs, aux hors la
loi, seront punis des mêmes peines[74]. Ecrire
à Lalande[75] qu'il envoie les pièces et les notes
relatives à Perrochel[76], faire arrêter Fournier,
s'assurer si Perrochel est à l'abbaye, conférer avec le Comité de Sûreté
générale, arrêter le chirurgien Lefebvre et les correspondans
de Perrochel. Parler
à Bouchotte pour un commis. Parler
à Dumont pour Sainte-Foi[77]. Ecrire
à Brune[78] pour Girey. Appeler
l'accusateur public pour Bernard[79] et pour Perrochel. Liberté
de julien, administrateur des armes[80]. Appeler l'accusateur public
pour Lamarlière[81]. Parler
sur le rapport du Comité de Sûreté générale, demander qu'il soit plus
complet. Sauver
l'honneur de la Convention et de la Montagne, distinguer la nuance entre les
chefs de la corruption et les foibles égarés[82]. 17 frimaire, Guerre.
Nord. Jourdan et Ernouf suspects par leur inaction et leur correspondance. On
annonce une nouvelle 'tentative sur Dunkerque. Il faut se défier de la
contre-révolution religieuse dans ce pays. Dufresse[83] et l'armée révolutionnaire sont
inquiétans.. Toulon. Dugommier excite la défiance par la manière
dont il s'est conduit avec le général anglois[84]. La
Vendée, tout est à changer. La Mozelle. Victoire manquée parce que cette armée, qui a un
bon général en chef, n'a point de généraux de division[85]. Intérieur.
Troubles religieux à apaiser dans le département de la Somme. Y envoïer un représentant sage et patriote[86]. Tribunal
révolutionnaire à surveiller, organisation à réformer. Représentans
à changer. 7 nivôse. Dévoiler
la double intrigue[87]. Statuer
sur Girard[88]. Rapport
sur le tribunal révolutionnaire[89]. Accusateur
public à m.[90]. Affaire
de l'Orient[91]. Panthéon
pour le jeune hussard[92], pour Gasparin et Bayle[93]. Rapport
du décret en faveur des femmes des conspirateurs[94]. Quand
on lit sans parti pris et de sang-froid ces notes précises et sèches que
Robespierre jetait au jour le jour sur son carnet, dans ces mois terribles de
septembre à décembre 1793, on ne peut manquer d'être frappé de la résolution
froide et lucide de leur auteur comme de l'ampleur de son action. Robespierre
fait vraiment figure de chef de gouvernement. C'est lui qui réglemente
l'activité Comité de Sale public, qui divise méthodiquement les affaires qui
lui sont soumises, qui lui trace un plan de travail, bref qui organise le
nouveau pouvoir central. Rien
n'échappe à son attention sévère et justement soupçonneuse. Il ne s'occupe
pas seulement, comme on le dit parfois, de la politique générale, de l'esprit
public qu'il faut vivifier, des complots qu'il faut déjouer et réprimer, il
porte sa vigilance sur toutes les branches de l'administration, sur la
diplomatie et l'armée comme sur les services administratifs, sur la justice
comme sur les approvisionnements, sur les hommes et sur les choses. Il
embrasse d'un regard vaste et sûr tout le champ du combat révolutionnaire,
l'avant et l'arrière, la France et l'étranger. Cet homme qu'on dit abstrait
apparaît, dans le déshabillé de ses notes journalières, un esprit précis et
pratique, ferme et sensé, profondément pénétré des réalités, essentiellement
français. Il voit les ensembles et les domine, ce qui ne l'empêche pas de
descendre dans le détail même minutieux. Il s'informe soigneusement des
hommes à qui l'autorité est confiée, il rectifie sur eux son jugement par les
données de l'expérience, ainsi sur Dugommier, sur Jourdan. Il est le
contrôleur universel perpétuellement en éveil. Et
surtout il a le cœur rempli de pitié et de tendresse pour les humbles. Il
songe aux familles des défenseurs, il se penche sur tous ceux qui souffrent
et qui peinent. Comme
je comprends que le thermidorien Courtois n'ait pas cru devoir produire à la
lumière un document si honorable pour la mémoire du grand homme d'État, qui
fut l'âme du gouvernement révolutionnaire ! Si je
ne connaissais l'esprit borné des académiciens -d'aujourd'hui et leur délire
réactionnaire, je m'étonnerais des appréciations étranges que le carnet de
Robespierre a suggérées à l'un d'eux, il y a quelque trente ans. M. Henri
Welschinger, pour ne pas le nommer, a écrit en 1883, dans un article du Correspondant,
que le carnet de Robespierre était « la manifestation la plus évidente
de son rêve de dictature », qu'il permettait de prouver que les
accusations de Barbaroux, de Louvet, de Vergniaud, de Camille Desmoulins, de
Danton, de tous ses adversaires, étaient fondées ! » Et l'aimable « historien »
d'accumuler les injures les plus basses et les suppositions les plus
saugrenues, dont il n'a même pas le mérite de l'invention, puisqu'il les
emprunte à l'honnête Courtois ! Je rougirais de discuter pareilles pauvretés.
Il me suffit de constater que M. Welschinger n'a pas été plus en état de
dater convenablement le document qu'il n'a été capable de le comprendre. Il croit, en effet, que Robespierre a commencé son carnet en mars 1793, quand il suffit d'un moment d'attention pour se rendre compte que sa première page date au plus tôt du milieu de septembre. Mais l'histoire académique ne ressemble pas à l'autre, qui donne ses preuves. M. Welschinger ne découvre-t-il pas « le caractère faux-fuyant de Robespierre dans son écriture petite, serrée et boiteuse, qui ressemble à celle de Mme Du Barry » ? On aime à rire sous la coupole. |
[1]
Archives nationales, F⁷ 4436.
[2]
Courtois a voulu dire que toutes les notes du carnet sont autographes, mais on
pourrait comprendre, à la façon dont il s'exprime, que le carnet est
entièrement couvert d'écriture.
[3]
Deux pages seulement sont datées, la page 16, qui est du 17 frimaire, et la
dernière.
[4]
Par décret du 5 septembre 1793, le tribunal révolutionnaire avait été divisé en
quatre sections. C'est le 26 septembre que la Convention arrêta, sur la
présentation des Comités de Salut public et de Sûreté générale, la liste des
citoyens destinés à compléter les quatre sections du tribunal réorganisé.
[5]
Le 13 septembre, un membre de la Convention avait accusé le Comité des marchés
de tout paralyser et d'être cause du dénuement des soldats. Danton avait
demandé le renouvellement de tous les comités, celui de Salut public excepté.
La Convention avait décrété que le Comité de Salut public lui présenterait la
liste des membres qui composeraient les comités renouvelés. Le 16 septembre,
Saint-André fit adopter la liste des nouveaux membres du Comité des marchés.
C'est entre ces deux dates du 13 et du 16 septembre que Robespierre a écrit ces
phrases au début de son carnet.
[6]
Le 15 septembre, la Convention décréta que le député Gillet en mission à
l'armée des côtes de Brest, continuerait d'y exercer les fonctions qui lui
avaient été confiées, malgré le congé qui lui avait été accordé. Le 22
septembre, le Comité envoya Prieur de la Marne et Saint-André à l'escadre de
l'amiral Morard de Galles, qui croisait à Quiberon.
[7]
Le 7 septembre, la Convention avait voté, à la demande du département de Paris,
le séquestre des biens appartenant aux sujets ennemis, mais elle avait suspendu
le décret dès le lendemain, à la grande indignation des jacobins, qui
protestèrent à la barre le 13 septembre. On voit que les jacobins étaient
d'accord avec Robespierre. Le 30 septembre, Delaunay d'Angers fit un rapport
sur la question au nom des Comités réunis du commerce, de Salut public, des
finances et de la Commission dite des Cinq. n conclut contre
le séquestre. Mais le 9 octobre, Robespierre et Billaud-Varenne obtinrent de la
Convention la remise en vigueur du décret du 7 septembre. (Pour plus de
détails, voir notre livre La Révolution et les Etrangers.)
[8]
Le 23 septembre, le ministre de la Justice Garat consulta la Convention sur la
question de savoir si les tribunaux criminels pouvaient juger les émigrés
arrêtés dans leur département. Sur la proposition de Merlin (de Douai), la
Convention décréta sur-le-champ que les émigrés rentrés, qui ne seraient pas
justiciables des tribunaux militaires, seraient jugés par le tribunal criminel
du département dans lequel ils auraient été arrêtés. Il est probable que
Robespierre voyait des inconvénients à ce décret.
[9]
Le 13 septembre, le Comité de Salut public avait ordonné la destitution d'un
certain nombre de fonctionnaires employés dans les administrations militaires.
Robespierre en prit sans doute prétexte pour réclamer l'épuration du personnel
des autres services.
[10]
Il s'agit de l'application des décrets des 4 mai et 6 juin 1793, entravés par
la mauvaise volonté des, autorités locales. (Voir dans ma Victoire en l'an
II, p. 203, le chapitre sur les Allocations). Le 5 nivôse,
Robespierre fera voter un nouveau décret augmentant d'un tiers le chiffre des
secours et pensions, et abrégeant les formalités pour les toucher...
[11]
Le général Declaye (ou Declaie),
commandant la place de Cambrai, avait été accusé de trahison par Lacoste et
Peyssard, après une sortie malheureuse qu'il avait ordonnée entre Apres et
Avesnes-le-Sec. (Voir leur lettre dans les Arasions parlementaires, séance du
15 septembre). On voit que la réponse que leur fit le Comité (recueil Aulard,
t. VI, p. 463) fut inspirée par Robespierre. Declaye
fut d'ailleurs déclaré irréprochable après enquête (arrêté du Comité de Salut
public, du 29 octobre 1793)
[12]
Laurent (du Bas-Rhin) avait dénoncé, le 22 septembre, un acte arbitraire commis
par Xavier Audoin, adjoint du ministre de la Guerre, qui avait nommé le fils de
Fouquier-Tinville à une sous-lieutenance dans le 4•
régiment de chasseurs à cheval, alors que les représentants à l'armée du Rhin
avaient déjà pourvu à cette place. La Convention avait fait droit à la
réclamation de Laurent. On voit que Robespierre désire se documenter auprès de
ce dernier, qui était de passage à Paris.
[13]
Cette phrase, écrite au crayon léger, manque dans l'héliographie Motteroz. Le
chevalier Pio, ancien attaché à l'ambassade de Naples à Paris, révoqué en 1790,
avait joué un rôle important dans les milieux jacobins de la capitale. Il avait
collaboré au journal de Marat et dénoncé furieusement le ministre des Affaires
étrangères Lebrun, ainsi que Proly. On trouvera sur lui des renseignements dans
un article des Annales révolutionnaires (janvier 1919).
[14]
On lit dans les papiers du Comité de Sûreté générale, à la date du 27 septembre
2793 (Archives nationales, DXLIV), la dénonciation suivante : « Le citoyen
Goutier a déclaré au Comité qu'il est à sa connoissance
le nommé Audille, employé dans les bureaux de la
Convention où il a été placé par les Brissotins. Il tient les propos les plus
contre-révolutionnaires contre les patriotes de la Montagne, notamment Danton,
Marat, Partis et Robespierre, et dit que ce dernier a présidé au massacre des
prisons, vomit toutes les horreurs contre les jacobins de toutes les sociétés
populaires, en disant que ce sont des brigands, des anarchistes et des
désorganisateurs. Il est de toute justice de purger les bureaux d'un tel
contre-révolutionnaire. Le déclarant demande que son nom ne soit point connu.
Goutier. Pour copie conforme : Boucher Saint-Sauveur. Un certain André Goutier,
délégué de l'Assemblée primaire de Mondragon (Vaucluse) à la Fédération du 10
août, avait réclamé et obtenu l'indemnité de déplacement allouée à tous les
fédérés. (Voir aux Archives parlementaires la séance du 15 août 1793).
Est-ce de lui qu'il est question ? Robespierre était en relations assez
étroites avec Agricole Moureau, l'oncle du jeune Viala, qui jouissait en
Vaucluse d'une influence considérable dans le parti montagnard.
[15]
Crachet, homme de loi à Saint-Omer et administrateur
du district de cette ville, était artésien comme Robespierre. Un arrêté du
Comité de Salut public, en date du 17 octobre 1793, nomma sort fils «
inspecteur général des chevaux pour la maladie de la morve ». On voit que cette
nomination fut due à Robespierre, selon toute apparence.
[16]
Il faut lire : rapport de J.-B. Lacoste (député du Cantal). Une lettre
des représentants à l'armée du Rhin, J.-B. Lacoste, Guyardin
et J.-B. Milhaud, datée de Kemps, le 18 septembre, et
lue à la Convention le 25 septembre, avait annoncé un échec des Français qui
n'avaient pas réussi à franchir le Rhin, en nombre, près de Huningue, par suite
de la trahison des bateliers. C'est probablement après la lecture de cette lettre
que Robespierre écrit sur son carnet : « L'Alsace vendue ». Le Comité
destitua le général Landremont, commandant de l'armée. Le 25 septembre, il
écrivit aux représentants pour les inviter à surveiller les officiers suspects
et à prévenir les trahisons. (Le général d'Arlande
avait passé à l'ennemi peu de temps auparavant). Lacoste et Mallarmé vinrent à
Paris. La Convention les renvoya à l'armée par décret du 6 octobre. Le 6
octobre était un dimanche. C'est sans doute ce jour-là que J.-B. Lacoste fit
son rapport au Comité. Le 13 octobre, Robespierre lui envoya des pièces
concernant un complot qui avait pour but de livrer Strasbourg.
[17]
Le ci-devant prince allemand Charles de Hesse fut relevé de son commandement à
Orléans, le 13 octobre 1793. Robespierre se défiait des étrangers et surtout de
ceux qui affectaient un patriotisme exagéré, comme c'était le cas de Hesse.
Voir sur celui-ci le livre de M. A. Chuquet.
[18]
Le 15 octobre, le Comité de Salut public ordonna au ministre de la Guerre de
former promptement et de discipliner les bataillons de réquisition. Les jeunes
bourgeois des villes, enrôlés dans la levée en masse, n'étaient partis qu'à
regret, et on les soupçonnait d'intentions contre-révolutionnaires.
[19]
Courtois a publié cette phrase en la détachant dé celle qui précède, de manière
à faire croire que « la conspiration » que Robespierre voulait déjouer
était une conspiration de députés, et qu'il avait eu l'intention d'attenter à
la représentation nationale. Le 15 octobre, à la demande de Jourdeuil, adjoint
au ministre de la guerre, un décret autorisa le transfert à Versailles des
escadrons de l'armée révolutionnaire en garnison à Beauvais. Il fallut un
décret parce que Versailles était situé à l'intérieur du périmètre
constitutionnel de 30.000 toises, dans lequel aucune troupe ne pouvait pénétrer
sans une autorisation législative.
[20]
Le 5 octobre, Barère donna lecture à la Convention d'une lettre de
Dubois-Crancé et Gauthier, en mission devant Lyon. Le Comité estima que leur
conduite dans les opérations du siège était empreinte de faiblesse et décida
leur rappel, qui fut décrété le lendemain par la Convention.
[21]
Bô ne fut pas envoyé à Lyon, mais à l'armée des Ardennes, par décret du 10
octobre. Montaut fut envoyé à Lyon avec Collot d'Herbois et Fouché, par décret
du 9 brumaire (30 octobre 1793). Laporte et Châteauneuf-Randon ne furent pas
rappelés.
[22]
Le 4 octobre, on avait lu à la Convention une lettre de Dentzel, représentant,
enfermé dans Landau assiégé. Dentzel se plaignait du général Delmas, dont il
demandait la destitution. Après la lecture le cette lettre, Duroy déclara que
Dentzel lui était suspect, et la Convention vota le renvoi au Comité de Salut
public. — Un Belin était député de l'Aisne à la Convention. Il est peu probable
que ce soit lui que Robespierre ait visé dans cette note.
[23]
Le calendrier républicain avait été décrété le 5 octobre 1793, sur la
proposition de Romme. On voit que Robespierre eut l'intention de s'opposer à
l'exécution du décret qui fut le signal de la déchristianisation.
[24]
Le 6 octobre, le Comité de Salut public proposa la liste des membres qui
devaient être adjoints au Comité des marchés et de ceux qui devaient former le
Comité d'instruction publique.
[25]
Le 11 octobre, la Convention chargera le Comité de Salut public de lui faire un
rapport sur la mésintelligence qui régnait en Vendée entre certains généraux et
certains représentants du peuple.
[26]
Quelle faction Robespierre avait-il en vue ? Est-ce la faction qui avait
persécuté Rossignol ? la faction de Philippeaux et de Bourdon (de l'Oise) ?
[27]
Le 13 octobre 1793, le Comité de Salut public adopta un règlement relatif aux
trente courriers qui lui étaient attachés.
[28]
A la séance du 5 octobre 1793, le président de la Convention avait fait lire
deux lettres par lesquelles Fouquier-Tinville réclamait des pièces pour
commencer le procès des girondins et celui de Marie-Antoinette. Est-ce à cet
incident que fait allusion la réflexion de Robespierre ?
[29]
Ce mot est barré dans le texte. Cette phrase obscure doit répondre aux
préoccupations que causait à Robespierre le mauvais esprit de la réquisition
des villes.
[30]
Je ne vois pas que cette communication ait été faite à la Convention. Le Comité
arrêta, dans sa séance du 22 octobre, plusieurs des mesures réglementaires
proposées par Robespierre.
[31]
Robespierre était très désireux de ne pas jeter les États-Unis et la Suisse
dans le conflit à côté de nos ennemis. Il ménageait le gouvernement de
Washington et écoutait volontiers les suggestions de son représentant à Paris,
l'ambassadeur Gouverneur Morris.
[32]
Le 27 octobre 1793, les Comités réunis de Salut public, du commerce et
d'agriculture arrêtèrent que le tableau du maximum accorderait 5 p. 100 de
bénéfice au marchand en gros et 10 p. 100 au marchand détaillant.
[33]
Cette phrase au crayon léger n'est pas apparue dans la phototypie Motteroz. Je
n'ai pas réussi à me renseigner sur ce personnage.
[34]
Un mot illisible, peut-être « soin » ?
[35]
Le 26 octobre 1793, le Comité de Salut public décida de diviser son nouveau
local en bureaux. Le 9 brumaire (30 octobre), il invita le ministre de
l'Intérieur à procéder à leur ameublement.
[36]
Le 26 octobre 1793 (5 brumaire), le Comité éloigna Hérault de Séchelles de ses
délibérations, en le chargeant d'une mission pour le Haut-Rhin. Voir sur cet
épisode nos articles : L'histoire secrète du Comité de Salut public, et Hérault
de Séchelles était-il dantoniste ? dans la seconde série de nos Etudes
robespierristes.
[37]
Courtois a vu dans cette phrase la preuve que Robespierre avait le projet de
dissoudre la Convention. Rapport, p. 36.
[38]
Ici quatre mots rayés : le Comité à faire.
[39]
Le 3 frimaire, la Commune, en l'absence de Chaumette, avait pris un arrêté qui
ordonnait la fermeture immédiate de toutes les églises de Paris encore
ouvertes. L'arrêté fut rapporté, le 8 frimaire, à la demande de Chaumette. (Sur
ces faits, voir mon livre La Revolution et l'Église, p. 133 et suiv.).
[40]
Il faut sans doute lire : des femmes républicaines révolutionnaires dont
le club fut fermé à cette époque par un décret de la Convention qui interdit
tous les clubs de femmes.
[41]
Le 22 brumaire (22 novembre), à la demande du département d'Eure-et-Loir, la
Convention avait chargé le Comité de Salut public d'examiner la question de
savoir s'il ne conviendrait pas d'établir dans chaque département un tribunal
révolutionnaire. Déjà certains représentants en mission avaient donné aux
tribunaux criminels ordinaires la mission de juger révolutionnairement. (Ainsi
Barras et Fréron. Voir E. Poupé, Le tribunal
révolutionnaire du Var.)
[42]
Le 27 du premier mois (18 octobre 1793), Lecointre, préludant à la campagne des
Indulgents contre la Terreur, avait fait décréter que les comités
révolutionnaires ne pourraient faire arrêter personne sans motiver leurs
décisions, qu'ils seraient tenus de communiquer sous trois jours au Comité de
Sûreté générale de la Convention. Le troisième jour du deuxième mois (24
octobre), Louis, du Bas-Rhin, proposa, au nom du Comité de Sûreté générale, de
rapporter ce décret. Il fut soutenu par Robespierre et le décret fut rapporté.
[43]
Le 5 nivôse, Barère fit décréter qu'aucun étranger ne serait admis à
représenter le peuple français. Thomas Payne, Anacharsis Cloots et Dentzel
furent ainsi expulsés de la Convention et bientôt mis en arrestation.
Gouverneur Morris avait desservi Payne auprès de Robespierre. (Voir notre livre
: La Révolution et les Etrangers). Payne s'était compromis dans la
politique défaitiste des Dantonistes.
[44]
Houchard fut traduit devant le tribunal révolutionnaire par décret en date du
24 octobre 1793.
[45]
Robespierre était mal informé. Le 15 frimaire, Amar annonça à la Convention que
les deux Rabaut venaient d'être arrêtés au faubourg Poissonnière, à Paris.
[46]
Le 10 octobre 1793, sur le rapport de Saint-Just, la Convention avait décrété
que le gouvernement de la France était révolutionnaire jusqu'à la paix. L'art.
14 du décret stipulait qu'il serait créé « un tribunal et un juré (sic) de
comptabilité », dont les membres nommés par la Convention auraient pour mission
de poursuivre tous ceux qui avaient manié des deniers publics depuis la
Révolution. On peut se demander si la liste inscrite ici n'était pas celle des
députés qui, dans la pensée de Robespierre, devaient composer la chambre
ardente révolutionnaire imaginée par Saint-Just. La présence de Raffron, qui
avait demandé à plusieurs reprises l'institution d'un tribunal censorial, le
laisserait croire. Rétablir dans cette liste plu-, sieurs noms mal orthographiés
: Romme, Raffron.
[47]
Il s'agit sans doute de Dumas (Jean-Louis) qui figure à l'État militaire
de 1793, comme lieutenant-colonel du 3e bataillon de volontaires du département
des Vosges.
[48]
Le 29 octobre, par un arrêté de la main de Robespierre, le Comité de Salut
public avait chargé le député Hentz d'une mission d'enquête à l'armée de la
Moselle. Peu après ; le 22 octobre, le Comité nommait Hoche au commandement de
l'armée de la Moselle. Le 28 octobre, il décidait d'envoyer de nouveaux
représentants à l'armée du Rhin, pour remplacer Ruamps,
Milhaud, Lacoste, Mallarmé, Borie et Niou. Lacoste fut maintenu dans sa mission
par le décret du x3 brumaire (3 novembre) et il eut pour collègues Lémane, Baudot, Ehrmann.
[49]
Les commissaires à la levée extraordinaire de chevaux avaient été nommés à la
séance du 8 octobre x793. Le député Boursault, ancien directeur de spectacle, y
était désigné pour la Bretagne. Le 25 brumaire (15 novembre 1793), le Comité
adressa, aux commissaires à la levée des chevaux, une circulaire pour les
inviter à agir avec zèle et célérité. Boursault fut dénoncé à la Convention, le
27 novembre, par l'assemblée électorale du département de Paris, qui lui
reprocha de vivre avec opulence, alors qu'il était en état de faillite. Le
Comité de Sûreté générale fut chargé d'enquêter sur son cas.
[50]
Le 9 brumaire (30 octobre), la Convention approuva, sur le rapport du Comité,
les actes des représentants à Lyon, qui avaient établi une commission pour
juger les rebelles. Le même jour, le Comité ordonna au ministre de la Guerre de
faire passer à Lyon un détachement de l'armée révolutionnaire, et délégua
Collot d'Herbois en mission extraordinaire dans la ville.
[51]
Par décret du 8 brumaire (29 octobre), le tribunal criminel extraordinaire fut
appelé révolutionnaire.
[52]
Carnot partit pour l'armée du Nord après la séance du 5 octobre. Il ne fut de
retour que le 20 octobre. Dans l'intervalle il avait assisté, aux côtés de
Jourdan, à la bataille de Wattignies (15 et 16 octobre).
[53]
Le belge Proli, qu'on disait bâtard du prince de Kaunitz, avait été dénoncé par
Fabre d'Eglantine comme agent de l'étranger. Il fut arrêté le 12 octobre, mais
remis en liberté aussitôt par l'intervention de ses protecteurs Hérault de
Séchelles et Collot d'Herbois. Théophile Leclerc (de Lyon ou d'Oze), un des
chefs du parti des Enragés, rédigeait le journal L'Ami du peuple, qui cessa de
paraître à la fin de septembre,
[54]
Le Comité de Salut public prit, le 10 octobre, un arrêté pour rappeler un de
ses commissaires en mission à Senlis. Le recueil Aulard, où les fautes de ce
genre sont habituelles, appelle ce commissaire Murhard.
Il s'agit de Marchand, qui avait été chargé, avec Clémence, de comprimer un
soulèvement révolutionnaire qui avait éclaté dans cette région (arrêté du
Comité en date du 21 septembre 2793). Marchand fut rappelé parce qu'il avait
commis un abus de pouvoir en arrêtant un citoyen Le Meignan.
[55]
Le général Cordelier avait commandé une division à Wattignies.
[56]
Il s'agissait d'eau-de-vie destinée aux troupes, qu'on disait empoisonnée. Le
Ir octobre, Barère, Hérault et Robespierre écrivirent aux représentants à
l'armée du Nord, pour leur demander de faire une enquête.
[57]
Féraud, en mission à l'armée des Pyrénées occidentales, avait été attaqué aux
Jacobins. Le département des Hautes-Pyrénées prit sa défense. (Voir aux
Archives parlementaires la séance du 7 octobre). Rovère était en mission en
Vaucluse. Il fut accusé avec vraisemblance de spéculer sur les biens nationaux
et de s'enrichir à l'abri de ses fonctions.
[58]
Voir la séance du Comité de Salut public du 22 octobre.
[59]
Le 22 octobre, le Comité écrivit à Châteauneuf-Randon, alors en mission à Lyon,
de se rendre dans la Lozère pour réprimer les troubles causés par la levée de
la première réquisition.
[60]
Le 9 brumaire (30 octobre), Barère fit voter un décret assujettissant l'armée
révolutionnaire aux lois militaires ordinaires. « Quelques malveillans,
dit-il, ont insinué aux citoyens qui la composent que cette force était
instituée pour donner des places, des récompenses à des patriotes, et qu'elle
ne devait pas être tenue sur un pied aussi strict que les autres armées. » Le
23 brumaire, le Comité prit un important arrêté sur l'organisation de l'armée
révolutionnaire.
[61]
Le 10 brumaire (3r octobre), la municipalité parisienne renouvela la demande
qu'elle avait déjà faite à la Convention, le 6 octobre, d'un tribunal
révolutionnaire qui suivrait l'armée de ce nom et qui punirait les accapareurs.
Un membre du Comité de législation posa diverses questions à ce sujet, dans la
séance du 20 brumaire (10 novembre).
[62]
Les contre-révolutionnaires hypocrites désignent, dans l'esprit de Robespierre,
les faux patriotes qui poussaient aux mesures extrêmes, autrement dit
l'avant-garde hébertiste dirigée par Proli.
[63]
Le 4 octobre, le Comité ordonna au Conseil exécutif de lui présenter les moyens
les plus sûrs et les plus prompts de se procurer des grains à l'étranger. Voir
les séances du Conseil exécutif des 6 et 8 octobre. Lé maximum général avait
été voté le 29 septembre.
[64]
Le 8 brumaire (29 octobre), un décret rappela les représentants dont la mission
dans les départements était terminée. Le même jour, Barère fit décréter que les
représentants rappelés, qui ne seraient pas de retour dans le délai de quinze
jours, seraient considérés comme démissionnaires. Le 13 brumaire (3 novembre),
un nouveau, décret, proposé par Barère, rappela tous les représentants chargés
de la levée de la première réquisition : « Quand les commissaires, dit Barère,
restent trop longtemps dans un département, les administrations
s'engourdissent, parce qu'ils les rendent inactives. »
[65]
Robespierre jeune, en mission à l'armée d'Italie, avait fait un vif éloge de
Dugommier, dans sa lettre du z3 octobre. Peu après, le 3 novembre, Dugommier
fut chargé, par le Comité, de diriger le siège de Toulon. Robespierre aîné
chanta ses louanges aux Jacobins, le 3 frimaire (28 novembre), et déclara qu'il
avait été nommé général de brigade à la recommandation de Marat.
[66]
Jarri ou Jarry, courrier du Comité, est souvent nommé
dans la correspondance de Le Bas, qui l'employa dans sa mission d'Alsace. (Voir
Le Conventionnel Le Bas, par Stéfane-Pol).
[67]
Girey-Dupré, ami de Brissot et rédacteur au Patriote français, et Bois-Guyon,
ci-devant adjudant-général du général Beysser,
avaient été arrêtés à Bordeaux, le 2 brumaire, par ordre des représentants Ysabeau et Tallien. (Voir la lettre de ceux-ci au Comité,
en date du 3 brumaire).
[68]
Ces mots « et de la défiance » ont été barrés après coup par Robespierre.
Saint-Just et Le Bas avaient été délégués en mission extraordinaire à l'armée
de Rhin, au lendemain de la perte des lignes de Wissembourg, par arrêté du
Comité, en date du 17 octobre 1793.
[69]
Le 13 brumaire, Robespierre écrivit à Hentz, en mission à l'armée des Ardennes,
pour l'inviter à se rendre à l'armée du Nord, afin d'aplanir la rivalité qui
s'était élevée entre Duquesnoy et Jourdan, au sujet de leur mérite respectif
dans le gain de la bataille de Wattignies. La lettre de Robespierre est
analysée dans le catalogue de la vente d'autographes Victorien Sardou, n° 128.
[70]
Le 10 brumaire (31 octobre), les représentants à l'armée des Pyrénées
occidentales avaient écrit au Comité qu'ils avaient maintenu au commandement en
chef le général Muller, nommé par eux, et qu'ils n'avaient pas installé le
général Dumas, nommé à cette fonction par le Conseil exécutif. Le 12 brumaire
(2 novembre), le Comité arrêta que les états-majors des armées des Pyrénées
orientales et occidentales seraient épurés. Le 10 frimaire (30 novembre), le
Comité nomma Dumas au commandement d'une division de 10.000 hommes, envoyée de
l'armée des Pyrénées occidentales en Vendée.
[71]
Un Calendini, officier sous les ordres de Lavalette, commandant à Lille, avait
été persécuté par le général Lamarlière. J'ignore de quelle mission il avait
été chargé. Le Duplay, qui est ici nommé, doit être le célèbre menuisier chez
qui logeait Robespierre.
[72]
Il s'agit sans doute de Comité de surveillance (ou de Salut public) du
département de Paris, qui comprenait la plupart des membres de l'ancien Comité
révolutionnaire central, qui avait préparé l'insurrection des 31 mai et 2 juin.
[73]
Courtois a reproduit cette phrase pour prouver que Robespierre voulait détruire
la Convention. Le contexte montre qu'il s'agit des députés compromis dans
l'insurrection fédéraliste. On sait que Robespierre a sauvé les 73 députés
girondins qui s'étaient bornés à protester contre le 31 mai.
[74]
La Convention avait mis hors la loi les députés girondins qui étaient allés
soulever les départements (décrets des 8, 28 juillet et 30 octobre 1793). Dans
son rapport du 23 ventôse, sur les factions de l'étranger, Saint-Just donnera
satisfaction à Robespierre, en faisant voter les deux articles suivants : «
Art. 8. Les prévenus de conspiration contre la République, qui se seront
soustraits à l'examen de la justice, sont mis hors la loi. — Art. 9. Quiconque
les recélera chez lui ou ailleurs sera regardé et puni comme leur complice. »
[75]
Un Lalande figure dans la liste de patriotes écrite de la main de Robespierre
et publiée dans les Papiers inédits, t. II, p. 8. Il écrivit à
Robespierre, de Coutances, le 7e jour de la 3e décade du 1er mois (29 octobre
1793), une longue lettre qui figure aux Papiers inédits, I, p. 159 sq.,
pour dénoncer la femme La Chapelle, nièce de l'évêque de Bayeux, De Cheylus. Cette femme habitait à Paris, rue Turenne, n° 156,
et elle correspondait, sous le couvert du député de l'Ardèche, Saint-Martin,
qui habitait dans la même maison, ainsi que Perrochel. D'après Lalande,
Perrochel, homme de beaucoup de talent, aurait été un des chefs du fédéralisme
dans le Calvados. La femme La Chapelle aurait été la maîtresse du député
Saint-Martin.
[76]
Le nommé Perrochel, ancien membre des Jacobins, avait été arrêté et emprisonné
à l'abbaye, comme compromis dans le mouvement fédéraliste. (Tuetey, Répertoire,
t. X, n° 707. M. Tuetey a imprimé Perrochet par une
faute de lecture). Le chirurgien Lefèvre avait été dénoncé au Comité de Salut
public du département de Paris, comme prêchant le fédéralisme. Il fut envoyé à
Sainte-Pélagie. Une des correspondantes de Perrochel, la veuve Fournier, née de
La Chapelle-Caylus, fut arrêtée également et conduite à la Petite-Force.
[77]
Sainte-Foy, ancien surintendant des finances du comte d'Artois et agioteur
notoire, avait été traduit au Comité de Sûreté générale par ordre des
représentants Lejeune et Roux. Un arrêté du Comité de Sûreté générale, en date
du 4 frimaire, l'écroua à la Conciergerie. (Tuetey, Répertoire, t. X, n°
985).
[78]
Brune, le futur maréchal, commandait le détachement de l'armée révolutionnaire
dans la Gironde.
[79]
Ce mot est barré.
[80]
Le 16 frimaire (6 décembre), le Comité de Salut public invita le Comité de
Sûreté générale à rendre la liberté au citoyen Julien, administrateur de la
fabrication des armes, détenu depuis longtemps à la maison d'arrêt de la
section de Popincourt. L'arrêté est de la main de Robespierre.
[81]
Lamarlière avait été décrété d'accusation par la Convention, le 35 juillet
1793, à la suite d'un rapport de J.-B. Saint-André. Le 53 brumaire, Barère
avait annoncé à la Convention que Fouquier-Tinville avait écrit au Comité que
le général Favart, commandant à Lille, était cité pour déposer dans le procès
de Lamarlière. Barère fit décréter que Favart resterait à Lille et enverrait sa
déposition par écrit. Lamarlière fut condamné à mort le 6 frimaire.
[82]
Le 28 brumaire, Amar, au nom du Comité de Sûreté générale, avait présenté un
rapport succinct sur la conspiration dénoncée par Chabot et Basire, quelques
jours auparavant. Amer avait été chargé du rapport définitif. Robespierre
prépara de son côté un rapport sur la question où il accablait t les chefs de
la conspiration s, Julien de Toulouse, Delaunay, le baron de Batz, et où il
s'efforçait de représenter Chabot et Basire comme « des faibles égarés ». Ce
rapport, qui ne fut pas adopté par les Comités, a été imprimé dans les pièces
trouvées dans les papiers de Robespierre et imprimées en exécution du décret du
3 vendémiaire an III, pièce n° XVIII.
[83]
Dufresse, ancien acteur, ami de Danton, devenu général à Lille sous Lavalette,
avait été déjà arrêté par ordre de Lamarlière, à la fin de juillet, puis remis
en liberté. Le 19 frimaire, Bourdon (de l'Oise) l'accusa d'être sans mœurs,
d'avoir été l'agent de Dumouriez et de pousser aux mesures extrêmes pour lasser
le peuple de la Révolution.
[84]
Les représentants à Toulon venaient d'écrire au Comité que le général Dugommier
avait traité, avec trop de prévenance, le général anglais O'Hara fait
prisonnier. Voir Chuquet, Dugommier, p. 119-120.
[85]
Le 16 frimaire (6 décembre), avait été donné lecture à la Convention d'une
lettre des représentants à l'armée de la Moselle, racontant les efforts
infructueux de Hoche contre Kaiserslautern, les 8, 9 et 10 frimaire.
On voit que Robespierre continue à penser beaucoup de bien de Hoche et qu'il
attribue son insuccès à la médiocrité de ses lieutenants.
[86]
Le 16 frimaire (6 décembre), on donna lecture à la Convention d'une lettre
d'André Dumont, représentant dans la Somme, qui racontait une tentative
insurrectionnelle provoquée par les prêtres à Amiens. Déjà Robespierre avait
blâmé les violences d'André Dumont contre le culte. (Voir E. Hamel, Histoire
de Robespierre, t. III, p. 213). On voit qu'ici il songe à le faire
rappeler. Il n'y réussit pas d'ailleurs.
[87]
La double intrigue était celle des ultra-révolutionnaires ou hébertistes, d'un
côté, et celle des titra-révolutionnaires ou indulgents, de l'autre, tous
ligués contre le Comité de Salut public. Robespierre la dénonça dans un rapport
au Comité, qui ne fut publié qu'après sa mort. (Papiers inédits, t. II,
p. 21.)
[88]
Il existe dans les Papiers inédits trouvés chez Robespierre (t. III, p. 133),
une lettre du conventionnel Girard, député de l'Aude, qui demande à Robespierre
son appui pour obtenir un congé d'un mois.
[89]
Le 5 nivôse, Robespierre avait fait décréter que le Comité de Salut public
présenterait, dans le plus bref délai, un rapport sur les moyens de
perfectionner l'organisation du tribunal.
[90]
Il faut lire sans doute « à mander ».
[91]
Le 7 nivôse, le Comité approuva les mesures prises par Julien fils, son agent
dans le Morbihan. Julien avait dénoncé l'équipage de l'Orion, qui avait crié :
Vive le roi 1 (Voir la correspondance de Julien, publiée par son petit-fils
Edouard Lockroy, sous le titre : Une mission en Vendée, p. 156.)
[92]
Le 8 nivôse, Robespierre prononça l'éloge de Bara et demanda pour lui les
honneurs du Panthéon, ce qui fut décrété.
[93]
Le 10 frimaire, une députation des sociétés populaires de Vaucluse était venue
apporter à la Convention le cœur du représentant Gasparin, mort à Orange dans
sa mission. Un membre avait demandé pour Gasparin les honneurs du Panthéon. La
Convention renvoya la proposition au Comité d'instruction publique. — Pierre
Baille, en mission à Toulon, était tombé aux mains des rebelles. Le bruit
courut qu'il avait été supplicié, et le 5 frimaire (25 novembre), le jour même
où la Convention expulsait les restes de Mirabeau du Panthéon, Merlin de
Thionville faisait décréter que le Comité d'instruction publique présenterait
un rapport sur la mort de Baille et de son collègue Beauvais, « afin de
présenter leur mémoire à la reconnaissance publique ».
[94]
Le 22 frimaire (22 décembre 1793), une députation de femmes des suspects
détenus était venue demander à la Convention la liberté de leurs maris. La
pétition, inspirée par les indulgents, avait été renvoyée au Comité de Sûreté
générale. Le 6 nivôse, Barère avait proposé, au nom des deux Comités, la
formation d'une commission de cinq membres chargés d'examiner les motifs
d'arrestation des suspects et de prononcer sur leur cas. Robespierre combattit
la proposition qui fut ajournée.