AUTOUR DE ROBESPIERRE

 

CHAPITRE X. — ROBESPIERRE À LA COMMUNE LE 9 THERMIDOR.

 

 

On croit connaître la Révolution et, quand on l’étudie dans les documents originaux, on s’aperçoit très vite qu’elle est presque ignorée. Les légendes les plus légèrement bâties se transmettent fidèlement d’historiens en historiens.

Il n’y en a pas de plus accréditée que celle qui explique la défaite finale de la Commune au 9 thermidor par les prétendus scrupules légalitaires de Robespierre. Robespierre aurait refusé obstinément, pendant des heures, de signer un appel aux armes qu’on lui présentait.

Lisons le plus récent récit du 9 thermidor, celui que M. G. Pariset vient de faire paraître dans la grande Histoire de France publiée sous la direction d’Ernest Lavisse.

« A la Commune, on discutait, on correspondait, mais sans agir. Pourtant, après la nouvelle du décret de mise hors la loi et l’arrivée de Couthon, Robespierre s’était enfin décidé à intervenir. Au nom de qui ? avait-il demandé, par un dernier scrupule de légalité. — Au nom du peuple, lui avaient répondu Couthon et ses amis. Et il signait une proclamation lorsque sa main fut interrompue (par l’irruption des troupes conventionnelles) à la troisième lettre de son nom[1]. »

C’est la version classique qu’on se passe de main en main depuis plus d’un siècle.

M. Pariset ne parle pas autrement que M. Aulard : « Si la Commune, écrit ce dernier, avait tant tardé à marcher sur la Convention, c’est que Robespierre avait refusé de se mettre à la tête du mouvement. Il parla, n’agit pas, refusa même de signer un appel aux armes, non qu’il manquât de courage, mais il voulait une sorte d’insurrection légale, dont les éléments lui faisaient défaut. Obsédé par ses partisans, il prit la plume et traça les trois premières lettres de son nom.

« Est-ce à ce moment que les troupes de la Convention débouchèrent sur la place de Grève ? Quand Léonard Bourdon, accompagné de quelques gendarmes, pénétra à l’Hôtel de Ville, il trouva Robespierre étendu par terre, la mâchoire fracassée d’un coup de pistolet[2]. »

M. Aulard lui-même n’a fait que résumer le récit plus complet d’Ernest Hamel dans son Histoire de Robespierre.

« Lerebours, dit Hamel, rédigea et écrivit de sa main l’appel suivant à la section des Piques, celle de Robespierre :

COMMUNE DE PARIS.

Comité d’exécution.

[Le 9 thermidor.]

Courage, patriotes de la section des Piques, la liberté triomphe ! Déjà, ceux que leur fermeté a rendus formidables aux traîtres sont en liberté ; partout le peuple se montre digne de son caractère. Le point de réunion est à la Commune [dont] le brave Henriot exécutera les ordres du Comité d’exécution qui est créé pour sauver la Patrie.

[LOUVET, PAYAN, LEREBOURS, LEGRAND, RO][3].

 

« Puis, continue Hamel, Lerebours signa ; avec lui signèrent Legrand, Louvet, Payan. Il s’agissait de faire signer Robespierre, assis au centre de la table, à la table du conseil, entre le maire Fleuriot-Lescot et l’agent national Payan. Longtemps, Saint-Just, son frère et les membres du comité d’exécution le supplièrent d’apposer sa signature au bas de cet appel énergique ; mais en vain. « Au nom de qui ? » disait Maximilien. « Au nom de la Convention, répondit Saint-Just ; elle est partout où nous sommes. » Il semblait à Maximilien qu’en sanctionnant de sa signature cette sorte d’appel à l’insurrection contre la Convention, il allait jouer le rôle de Cromwell, qu’il avait si souvent flétri depuis le commencement de la Révolution, et il persista dans son refus. Couthon, tardivement arrivé, parla d’adresser une proclamation aux armées, convint qu’on ne pouvait écrire au nom de la Convention ; mais il engagea Robespierre à le faire au nom du peuple français, ajoutant qu’il y avait encore en France des amis de l’humanité et que la vertu finirait par triompher. La longue hésitation de Maximilien perdit tout. »

Et Hamel, convaincu que cette hésitation dura plusieurs heures et paralysa la Commune, nous explique ensuite que Barras et Léonard Bourdon eurent le temps de réunir des troupes, de propager la défection parmi les défenseurs de l’Hôtel de Ville : « Léonard Bourdon, à la tête de sa troupe, put pénétrer sans obstacle dans l’Hôtel de Ville par le grand escalier du centre et parvenir jusqu’à la porte de l’Égalité. Il était alors un peu plus de deux heures du matin. En ce moment Robespierre, vaincu par les obsessions de ses amis et songeant, un peu tard, à la gravité des circonstances, se décidait enfin à signer l’adresse à la section des Piques. Déjà il avait écrit les deux premières lettres de son nom Ro, quand un coup de feu, parti du couloir séparant la salle du conseil général de celle du corps municipal, retentit soudainement. Aussitôt on vit Robespierre s’affaisser, la plume lui échappa des mains, et, sur la feuille de papier où il avait à peine tracé deux lettres, on peut remarquer de larges gouttes de sang qui avaient jailli d’une large blessure qu’il venait de recevoir à la joue[4]. »

La scène est dramatique, et c’est peut-être pour son intérêt littéraire qu’elle a été tenue pour exacte par tous ceux qui ont écrit après et d’après Ernest Hamel. La pièce, sur laquelle se lisent les deux premières lettres du nom de Robespierre, porte encore vers son milieu, en bas de la page, une tache ovale d’environ 2 centimètres de hauteur. Tache de sang pour Hamel, pour M. Lenôtre, qui en a donné le fac-similé, pour tous ceux qui regardent cette relique avec les yeux de la foi[5].

Et pourtant, à qui relit cette pièce sans parti pris, le récit d’Ernest Hamel ne peut que suggérer des doutes impérieux.

Quoi ! Robespierre aurait hésité plusieurs heures à signer ces quelques lignes. Elles ne sont pas proprement un appel aux armes, comme le dit M. Aulard, pas plus qu’une proclamation, comme le croit M. Pariset. Elles sont simplement une lettre d’avis qui débute par un cri de joie : « Courage, patriotes de la section des Piques, la liberté triomphe ! Déjà ceux que leur fermeté a rendus formidables aux traîtres sont en liberté... » Ces phrases ont un sens très simple. Ceux qui les ont écrites ont voulu annoncer à la section des Piques une bonne nouvelle qui la réjouira et qui lui donnera du cœur, la nouvelle que les représentants patriotes qui avaient été mis en prison ont été délivrés et qu’ils sont réunis à la Commune. Ils ajoutent : « Le point de réunion est la Commune, dont le brave Henriot exécutera les ordres du Comité d’exécution qui est créé pour sauver la Patrie. » Qu’est-ce à dire ? Sinon qu’ils avertissent en même temps leurs amis et partisans et de la délivrance d’Henriot et de la formation du Comité d’exécution. Il n’y a rien là qui témoigne d’une situation angoissante ou désespérée. La lettre a été écrite, non pas dans les derniers moments, quand la Commune se voyait abandonnée par ses troupes et menacée d’être cernée, mais, au contraire, dans les premiers instants de la confiance, quand rien n’était désespéré, après l’arrivée des conventionnels proscrits et le retour d’Henriot délivré.

Des lettres semblables, presque conçues dans les mêmes termes, furent écrites par le Comité d’exécution aux municipalités voisines de la capitale, à celle de Chois y, à celle de Bercy[6]. On demanda à Robespierre de mettre son paraphe au bas de la lettre destinée à la section des Piques, parce que c’était là qu’il avait son domicile et qu’il comptait le plus d’amis. Pourquoi aurait-il répondu par un refus, pourquoi aurait-il demandé anxieusement au maire Fleuriot, à l’agent national Payan, à Saint-Just : au nom de qui il pouvait signer cette lettre ? Et comment Saint-Just lui aurait-il déclaré qu’il pouvait signer au nom de la Convention ? On ne fait pas tant de façons pour signer un faire-part, un avertissement.

Le récit d’Ernest Hamel ne pèche pas seulement contre la vraisemblance, il pèche, chose plus grave, contre les textes et contre les faits.

La lettre adressée à la section des Piques a une histoire qui en éclaire le sens et la portée.

Deux jours après les événements, à la séance du 11 thermidor, Barère visa le document dans le rapport qu’il présenta à ses collègues de la Convention, et il l’invoqua non contre Robespierre, mais contre Lerebours, le commissaire aux secours publics, qui avait quitté son poste auprès du gouvernement pour se joindre ù la Commune rebelle. Barère s’exprime en ces termes :

« [Lerebours] y prend place [à la Commune], il y délibère, il est membre du Comité d’exécution et il écrit plusieurs lettres aux sections. Celle-ci est arrêtée, elle était adressée à la section des Piques, sur laquelle logeait Robespierre. Voici la lettre, sur laquelle sont écrites les deux lettres RO, premières lettres du nom de ce conspirateur cruel et artificieux. La voici cette infâme lettre, qui ne voit dans le danger de la République que les fonctionnaires d’une Commune et dans les dangers révolutionnaires d’autre point de réunion que la Maison commune. La nation n’est rien pour ce commissaire traître[7]... » Et c’est tout le commentaire de Barère.

Quoi ! Si, comme le veut la légende, la lettre avait été recueillie sur la table où Robespierre venait de s’affaisser l’avant-veille, la mâchoire brisée, si elle avait porté la trace du sang du traître, si sa signature n’avait été abrégée que par l’heureuse arrivée des troupes conventionnelles, si de cette signature avait dépendu le triomphe de l’ordre ou, de l’insurrection, Barère, qui savait si bien prendre le ton pathétique, se serait-il exprimé comme il l’a fait ? Il constate que Robespierre n’a signé que de la première syllabe de son nom, et il ne profite pas de l’occasion pour le taxer de lâcheté I Il ne dit rien de la tache de sang. Et, comment en parlerait-il quand il assure que le document n’a pas été trouvé à l’Hôtel de Ville, mais « arrêté » dans sa transmission ?

Nous pouvons éclairer le texte de Barère d’un témoignage décisif.

On lit, à la date du 15 thermidor, dans le procès- verbal inédit du Comité révolutionnaire de la section des Piques :

Un membre demande la parole et dit : Il est essentiel pour l’honneur et le patriotisme des membres du Comité que les Comités du Salut public et de Sûreté générale, surtout étant complétés, sachent que l’infâme lettre adressée au Comité par la Commune révoltée n’a point été arrêtée, comme l’a dit le citoyen Barère dans son rapport ; c’est une erreur. Cette lettre a été reçue par notre Comité, et c’est lui qui l’a envoyée aux Comités réunis de Salut public et de Sûreté générale ; comme il est prouvé par le bulletin, dans lequel cette lettre était renfermée, et par le reçu qui a été rapporté. Les Comités réunis en ont sous les yeux la preuve matérielle.

Un des membres du Comité révolutionnaire s’est présenté ce matin à ce sujet chez le citoyen Barère, qui a promis de rectifier cette erreur dans le procès-verbal[8].

 

Je n’ai pas retrouvé au procès-verbal de la Convention la rectification ainsi annoncée. Mais il n’est pas douteux que les choses se sont passées comme le dit le membre du Comité révolutionnaire de la section des Piques. Les lettres, ou plutôt les bulletins, que ce Comité fit tenir aux Comités de la Convention pendant la nuit du 9 au 10 thermidor, existent encore, et on lit dans l’un d’eux :

Le Comité croit devoir envoyer [aux deux Comités réunis de Salut public et de Sûreté générale] deux lettres de la ci- devant Commune adressées au Comité qui ne s’est point laissé influencer par cette perfidie et n’a voulu communiquer qu’avec les Comités réunis de Salut public et de Sûreté générale. Ce sont les mêmes lettres que celles ci-jointes qui ont été brûlées cette nuit en assemblée générale. Les Comités observeront que, dans la plus grande lettre, on lit au bas ce commencement de mot Ro. Cette initiale a révolté le Comité.

 

C’est donc le 10 dans la matinée que le Comité de la section des Piques a fait parvenir aux vainqueurs la lettre que Barère, dans son rapport du lendemain, désignera comme un témoignage accablant contre Lerebours. Et remarquons que la lettre en question n’a pas été envoyée à un seul exemplaire. Il y en eut sans doute une toute semblable pour le Comité civil de la section. Celle-ci fut brûlée en autodafé.

Mais pourquoi le Comité révolutionnaire, qui dit avoir été révolté à la lecture de cette pièce, ne l’a-t-il pas fait parvenir sur-le-champ, dans la nuit même, aux conventionnels ? Pourquoi a-t-il attendu au lendemain ? Il n’est pas difficile d’en deviner la raison. Le 10 thermidor, les vengeances ont commencé contre les complices de Robespierre. La section des Piques est soupçonnée plus que les autres, car « le tyran » y habitait et y comptait de nombreuses amitiés. Le secrétaire du Comité révolutionnaire, un certain Moutonnet, sent la suspicion qui pèse sur lui. Il redoute l’arrestation et le tribunal révolutionnaire. Il s’empresse de se justifier et de donner des gages. Il demande à ses collègues du Comité révolutionnaire d’attester son loyalisme, et ceux-ci, qui sont sans doute aussi compromis que lui- même, s’exécutent. On lit dans le procès-verbal du 18 thermidor :

Le citoyen Moutonnet prie le Comité de vouloir attester que, dans les journées des 9 et 10 thermidor, il était secrétaire du Comité et qu’en cette qualité et comme organe dudit Comité, il a écrit, signé et envoyé le bulletin de correspondance avec les Comités réunis de Salut public et de Sûreté générale[9].

Le Comité atteste en conséquence que le citoyen Moutonnet était secrétaire du Comité les 9 et 10 thermidor et, qu’en cette qualité, et comme organe du Comité, il a écrit, signé et envoyé les bulletins de correspondance avec les Comités réunis de Salut public et de Sûreté générale. Le Comité atteste en outre que le citoyen Moutonnet a prouvé, dans les journées des 9 et 10 thermidor, son attachement sincère à la Convention et sa haine pour les scélérats. Le Comité regarde calomnieuses les dénonciations faites contre le citoyen Moutonnet au Comité civil par Montallier et Mangin et qu’extrait du présent procès-verbal sera délivré au citoyen Moutonnet pour lui valoir ce que de droit... Lhullier, président ; Garnier, secrétaire.

 

Et pourtant, le thermidorien Courtois, qui a tenu en mains les papiers des sections, a apprécié assez sévèrement, dans son rapport de floréal an IV, l’attitude du Comité révolutionnaire de la section des Piques et de son secrétaire Moutonnet.

Je ne saurais juger, dit-il, la conduite du Comité révolutionnaire [de cette section]. Il n’a produit que des pièces insignifiantes. Quant à l’assemblée générale, si l’on en croyait ce qui se trouve dans les papiers des Jacobins et un billet signé Moulin, cette section aurait promis de fraterniser avec cette société devenue complice des rebelles. A n’en croire que le procès-verbal de l’assemblée, elle s’est conduite tout à la fois avec délicatesse et énergie ; mais en rapprochant tous les faits, et malgré l’assertion du Comité révolutionnaire démentie par le procès-verbal même de la section, il est constant qu’elle ne s’est réunie qu’à deux heures du matin et qu’elle a pris toutes les précautions possibles pour ne se prononcer qu’avec la certitude des événements favorables à la Convention, à qui elle s’est ralliée. La force armée a été se ranger près de la Convention. Un nommé Moutonnet, membre du Comité révolutionnaire, m’a paru jouer dans cette journée I e rôle le plus équivoque[10].

 

Courtois, qui écrit à plus d’un an d’intervalle, ne cherche Pas, dans son rapport, à élargir les suspicions. Bien au contraire ! Il atténue les responsabilités, il s’efforce visiblement de donner l’impression que la grande majorité des sections est restée fidèle à la Convention. Ernest Hamel, qui a consulté, aux archives de la préfecture de police, les pièces émanant de la section des Piques, est persuadé que Courtois a été au-dessous de la vérité. Ce n’est pas à deux heures du matin, comme il le dit, mais dès neuf heures du soir, que l’assemblée générale de cette section s’est réunie, et Hamel ajoute que « l’assurance de la mise en liberté des députés proscrits y fut accueillie vers onze heures avec des démonstrations de joie ; qu’on y proposa de mettre à la disposition de la Commune toute la force armée de la section et que la nouvelle du dénouement tragique et imprévu de la séance du conseil général vint seule glacer l’enthousiasme[11] ».

Les procès-verbaux du Comité civil de la section des Piques qui subsistent permettent de préciser davantage.

Un ami de Robespierre, François-Pierre Garnier-Launay, juge au tribunal révolutionnaire, qui habitait sur la section, rue Caumartin, n° 736, fut dénoncé, dès le 11 thermidor, par un citoyen Robert, pour sa conduite aux Jacobins l’avant-veille. Aux Jacobins, il avait fait la motion, le 9 au soir, d’envoyer une députation à la Commune afin de l’inviter à fermer toutes les barrières de Paris, si elles ne l’étaient pas encore. Il avait proposé aussi d’entretenir avec la Commune une correspondance fréquente au moyen de députations envoyées d’heure en heure. Ses propositions avaient été adoptées. Puis Garnier s’était rendu au Comité civil de la section des Piques, et il avait essayé de l’entraîner dans la rébellion. Le procès-verbal du Comité civil, rédigé après coup* relate ainsi son intervention :

Le citoyen Garnier-Launay est venu audit Comité et a dit qu’il fallait ordonner qu’une partie de la force armée de la section se porte à la Commune, ajoutant que cela venait d’être dit aux Jacobins et qu’il y avait déjà plusieurs sections qui s’y étaient portées. Le Comité, l’ayant entendu, lui répondit qu’il ne connaissait point de Jacobins, tant qu’il n’avait point d’ordre de la Convention et qu’il ne donnerait point d’ordre à la force armée.

Le citoyen Garnier-Launay, ayant entendu la lecture de la lettre de la Commune qui annonçait que la liberté était retrouvée et, par post-scriptum, que Robespierre était en liberté, il demanda copie de cette lettre pour la porter aux Jacobins. Le Comité refusa. Il a persisté en disant qu’il allait en prendre connaissance pour aller en faire part de suite aux Jacobins ; il a répété plusieurs fois qu’il reconnaissait dans les signataires de cette lettre la Commune du 10 août, et, sur le refus constant que le Comité lui a fait de la copie de cette lettre, il lui a demandé au moins qu’il lui en soit donné le texte, ce qui lui a été pareillement refusé...[12]

 

Il semble que le procès-verbal, si truqué qu’on le sente, nous aide à pénétrer plus avant. La lettre de la Commune, qui enthousiasma Garnier-Launay par la bonne nouvelle qu’elle contenait, n’est-elle pas identique à celle que Moutonnet transmit le lendemain aux Comités de la Convention et dont Barère fit état dans son rapport ? Cette lettre annonçait que « la liberté était retrouvée », et c’est bien ainsi que débute le célèbre document qu’Ernest Hamel considérait comme un appel aux armes : « Courage, patriotes de la section des Piques, la liberté triomphe ! »

Le procès-verbal du Comité civil ajoute que la lettre dont Garnier-Launay voulait prendre copie pour la porter aux Jacobins annonçait « par post-scriptum » que Robespierre était en liberté. Par cette expression post-scriptum, qu’il ne faut pas sans doute prendre à la lettre, le rédacteur n’aurait-il pas entendu viser le paraphe Ro qui est au bas du document ? Et n’est-ce pas cette syllabe qui provoqua le transport de Garnier ?

Ce qui est certain, c’est que deux lettres de la Commune ont été envoyées, le matin du 10 thermidor, par la section des Piques aux Comités de gouvernement. « La plus grande des deux », dit le bulletin d’envoi, était celle qui portait la griffe de Robespierre. C’est sûrement celle-là dont Garnier-Launay demanda copie.

Le procès-verbal, rédigé après la défaite, prétend que le Comité repoussa les demandes et les conseils de l’ami de Robespierre. Mais, au dire de Courtois, l’assemblée générale de la section eut une tout autre attitude. « Si l’on en croyait ce qui se trouve dans les papiers des Jacobins et un billet signé Moulin, cette section aurait promis de fraterniser avec cette société devenue complice des rebelles. »

Peu importe d’ailleurs. Quelque opinion que l’on ait sur le degré du loyalisme de la section des Piques, le fait reste et démolit entièrement la légende si complaisamment développée par Ernest Hamel et si aveuglément acceptée par tous ceux qui ont écrit après lui. La lettre à la section des Piques, que Robespierre aurait, pendant plusieurs heures, refusé de signer, n’est pas restée sur le bureau du Comité d’exécution de la Commune. Elle n’a pas été tachée du, sang de Maximilien. Elle est bel et bien arrivée à destination, et elle n’a pas suffi à assurer la victoire de la Commune rebelle.

Mais, à quelle heure cette lettre a-t-elle été écrite, à quelle heure est-elle arrivée à la section des Piques ?

Interrogé, le 18 frimaire an III, par le juge Bidault, au moment où il allait être traduit avec Fouquier-Tinville devant le tribunal révolutionnaire, Garnier-Launay déclara que, le 9 thermidor, il avait quitté les Jacobins entre neuf heures et neuf heures trente du soir, qu’il s’était rendu ensuite à son domicile, puis à sa section. Si on accepte sa déclaration, c’est après dix heures du soir qu’il dut vraisemblablement paraître au Comité civil de sa section[13]. Or, c’est à peu près à la même heure que la Commune décida de créer un comité d’exécution.

La lettre en bas de laquelle Robespierre apposa les premières lettres de son nom a dû être un des premiers écrits du Comité d’exécution. Elle a dû parvenir à la section des Piques entre dix heures trente et onze heures environ, et cette heure correspond exactement avec celle que donnent les documents consultés par Ernest Hamel et qui relatent l’explosion de joie provoquée a l’assemblée de cette section par la nouvelle de la délivrance des députés proscrits.

Comme cette question d’heure est capitale, il nous faut serrer le problème de plus près.

Pour dater chronologiquement les événements, lions vivons d’abord le procès-verbal du conseil général de la Commune, qui commence le 9 thermidor, « à cinq heures et demie du soir », et se termine avec l’irruption des troupes conventionnelles, le 10 thermidor, « sur les deux heures et demie du matin[14] ». En dehors de ces mentions initiale et finale, aucune heure n’est indiquée dans le corps du document qui nous donne simplement la succession des faits. Mais, pour repérer ceux-ci, nous pouvons utiliser les nombreux témoignages dispersés dans les papiers des sections et, par cette méthode comparative, il est permis d’atteindre une précision relative.

La première question à élucider est celle de savoir à quelle heure Robespierre aîné parut à la Commune et siégea au Comité d’exécution.

Une chose est certaine, c’est qu’il y fut précédé par son frère Augustin.

Les cinq députés frappés du décret d’arrestation, les deux Robespierre, Couthon, Saint-Just et Lebas, furent d’abord conduits au Comité de Sûreté générale, c’est-à- dire dans les dépendances du local de la Convention. Ils venaient à peine d’y arriver, vers les cinq heures de l’après-midi, quand le général de la garde nationale, Henriot, avec ses aides de camp, essaya de les délivrer. Henriot força les portes à coups de bottes, mais, bientôt entouré par les gendarmes des tribunaux, il eut le dessous, fut garrotté et enfermé dans la même pièce que les députés déjà arrêtés[15]. L’huissier du Comité, un certain Chevrillon, fit passer ensuite les députés dans le local du secrétariat, où il leur fit servir à dîner. Le dîner terminé, vers sept heures du soir, ils furent conduits chacun dans une maison d’arrêt séparée[16]. Robespierre aîné au Luxembourg, Robespierre jeune à Saint-Lazare, puis à La Force, Lebas à la maison de justice du département, Saint-Just aux Écossais et Couthon à La Bourbe.

Mais déjà le département de police de la Commune avait fait parvenir à tous les concierges des maisons d’arrêt l’ordre suivant :

Au citoyen concierge de la maison d’arrêt de...

Nous t’enjoignons, citoyen, sous ta responsabilité, de porter la plus grande attention à ce qu’aucune lettre ni autres papiers ne puissent entrer ni sortir de la maison dont la garde t’est confiée, et ce jusqu’à nouvel ordre. Tu mettras de côté avec soin toutes les lettres que les détenus te remettront. Il t’est pareillement défendu de recevoir aucun détenu ni de donner aucune liberté que par les ordres de l’administration de police.

Les administrateurs de police : Henry Lelièvre, C. Bigant, Quenel[17].

 

L’ordre ne fut pas exécuté par tous les concierges. Alors que celui du Luxembourg refusait de recevoir Robespierre aîné, celui des Écossais écrouait Saint- Just, celui de la maison de justice du département recevait Lebas et le mettait au secret ; celui de la Bourbe accueillait Couthon, et, comme il n’avait pas de « secret », il l’installait sur un lit dans son greffe. Quant à Robespierre jeune, refusé à Saint-Lazare, faute de place, il était transféré à La Force et écroué à son tour.

Les administrateurs de police, qui siégeaient dans un local attenant à la mairie, bâtiment assez éloigné de l’Hôtel de Ville et situé le long du quai des Orfèvres, s’empressèrent de prendre leurs dispositions pour délivrer les prisonniers.

Ils n’eurent pas besoin d’intervenir pour Robespierre aîné. Celui-ci avait trouvé à la porte du Luxembourg un officier municipal qui fit honte à son escorte, composée de deux gendarmes et d’un huissier de la Convention, d’avoir porté la main sur « l’ami du peuple ». L’escorte, ayant trouvé porte close, se décida à conduire Robespierre à la mairie pour demander des ordres. Robespierre y fut reçu par des démonstrations de joie et des cris de : « Vive la République ! Vive Robespierre ! » Les administrateurs de police lui firent une place au milieu d’eux. II était alors sur les huit heures et demie. On voyait encore jour en cette soirée orageuse de juillet[18].

Un quart d’heure plus tard, Robespierre jeune était arraché à la prison de La Force et conduit directement à l’Hôtel de Ville par deux administrateurs de police accompagnés d’une force armée.

Lebas fut maintenu plus longtemps en prison, parce que son geôlier, Blanchelaine, opposa une résistance opiniâtre aux administrateurs de police. Saint-Just fut délivré vers le même temps. Mais Couthon ne quitta La Bourbe (ou Port Libre) que le dernier de tous, entre minuit et une heure du matin[19].

Des cinq conventionnels proscrits, Robespierre jeune est le seul qui se rendit tout de suite et sans se faire prier à la séance de la Commune. Aussitôt arrivé à l’Hôtel de Ville, il harangua les assistants : « Le citoyen Robespierre jeune, dit le procès-verbal, prononce un discours dans lequel il déclare avoir été arrêté, non par la Convention nationale, mais par des lâches qui conspirent depuis cinq ans. Son discours est vivement applaudi. » Deux témoins qui étaient présents à la Commune, l’officier municipal Guyot, dans un mémoire apologétique daté du 7 fructidor, et le notable Fréry, qui fut interrogé le 10 thermidor par le Comité de surveillance de la section Guillaume-Tell, nous ont transmis l’essentiel de ses paroles.

Fréry, qui se trouvait dans la grande salle de la Commune, entre huit et dix heures du soir, entendit Robespierre jeune qui disait « qu’il fallait respecter la Convention nationale et la ménager, parce que, si elle manquait, nous serions perdus ; mais il s’est plaint de quelques membres qu’il a nommés et désignés pour avoir été trompé par eux jusqu’au dernier moment, qu’il se félicitait d’être parmi des hommes qui voulaient la liberté et le salut du peuple[20] ».

L’officier municipal Guyot, sans pouvoir affirmer si elles furent prononcées par Robespierre aîné ou par Robespierre jeune, résume ainsi les paroles qu’il entendit : « Il parla d’une faction qui voulait asservir le peuple, égorger les patriotes, ouvrir le Temple et en tirer le jeune Capet. Il nomma les factieux : Collot d’Herbois, Bourdon de l’Oise, Amar, Dubarran, Rhul et deux ou trois autres, dont j’ai oublié les noms ; il mêla à ce discours perfide l’éloge de la Convention nationale, prouva que le peuple serait perdu s’il se séparait d’elle (Malheureux, et tu ralliais contre elle les magistrats du peuple !), mais que la Convention nationale n’était pas cette poignée de factieux qu’il venait de nommer, qui empruntaient le nom de la Convention pour faire des arrestations arbitraires, des proclamations liberticides, etc., etc. Il ajouta, pour prouver la fausseté d’un ordre ou d’une proclamation qu’on venait d’apporter du Comité de Salut public, que David, dont on y avait faussement apposé la signature, était en ce moment malade et alité[21] »

C’est bien Robespierre jeune et non Robespierre aîné qui prononça cette harangue habile qui visait à isoler la Convention des chefs du complot de thermidor. Fréry dit expressément que, pendant qu’il était présent, entre huit heures et dix heures et demie, Robespierre n’était pas à la Commune, mais se trouvait toujours à l’administration de police, près de la mairie.

Et nous n’aurions pas le témoignage de Fréry que le procès-verbal officiel de la Commune suffirait à établir le fait. On lit dans ce document, immédiatement après la mention du discours de Robespierre jeune, les lignes suivantes :

Le citoyen maire demande qu’une députation soit chargée d’aller chercher Robespierre aîné et de lui observer qu’il ne s’appartient pas, mais qu’il doit être tout entier à la patrie, au peuple. On demande que des commissaires soient nommés.

 

Robespierre aîné, à l’inverse de son frère, avait donc fait des difficultés pour se rendre à l’Hôtel de Ville. Scrupules légalitaires ? Est-ce bien sûr ? Ou plutôt tactique ?

Robespierre se souvenait que Marat, lui aussi, avait été traduit au tribunal révolutionnaire et qu’il en était revenu triomphant, et que son acquittement avait été le signal de la chute prochaine de la Gironde. Pourquoi n’aurait-il pas le même bonheur que Marat ? Des traditions orales recueillies par les premiers historiens de la Révolution attestent que les hommes des Comités craignaient l’acquittement de leur ennemi. En refusant d’accepter Robespierre dans sa prison, le concierge du Luxembourg n’aurait pas seulement obéi aux ordres des administrateurs de police de la Commune, il aurait exécuté les instructions secrètes du Comité de Sûreté générale, qui tenait à avoir le prétexte de mettre hors la loi un homme qu’il était redoutable de faire juger. Quoi qu’il en soit, Robespierre fut surpris par la brusque rébellion de la Commune, qu’il n’avait pas prévue. Amené à l’administration de police, il refusa d’abord d’en sortir.

Mais cela ne l’empêchait pas de conseiller ses gardiens. Les administrateurs de police écrivirent sous sa dictée à l’agent national Payan ce billet que Courtois a publié :

Nous te donnons avis, citoyen, que nous croyons qu’il est instant qu’on ferme les barrières, si elles ne le sont pas ; qu’on envoie à la poste, que l’on mette les scellés sur toutes les presses des journalistes, et qu’à cet effet on en donne l’ordre aux commissaires de police, et les journalistes en arrestation, ainsi que les députés traîtres ; c'est l'avis de Robespierre et le nôtre. Signé : Tanchon, Faro, E. Bigant, Quenel[22].

 

Ce billet révélateur a dû être écrit très peu de temps après l’arrivée de Robespierre à l’administration de police, puisqu’on ignorait encore que la Commune avait fait fermer les barrières. Il ne semble pas, d’ailleurs, que les conseils des administrateurs de police, même appuyés par Robespierre, aient été suivis. Je n’ai vu nulle part que la Commune ait pris possession de la poste ni des imprimeries, ni qu’elle ait fait main basse sur les journalistes.

La Commune se borna d’abord à une politique d’attente et de défense, alors que Robespierre lui recommandait, par ce billet, l’audace et l’action. Quand elle apprit que Henriot à son tour était emprisonné dans le local du Comité de Sûreté générale, elle nomma pour prendre le commandement à sa place un général provisoire, Giot, vieille baderne sans initiative ; elle concentra les canonniers des sections avec leurs canons sur la place de la Maison commune ; elle chargea enfin Coffinhal d’aller délivrer Henriot, à l’aide d’un détachement de canonniers et de gendarmes à cheval.

Il pouvait être neuf heures du soir[23] quand Coffinhal pénétra en trombe dans les locaux du Comité de Sûreté générale, enleva Henriot à ses gardiens et entraîna à sa suite tous les postes qui protégeaient la Convention, jusqu’aux gendarmes des tribunaux. La Convention, restée sans défenseurs, était à la merci de Coffinhal et d’Henriot. Les membres du Comité fuyaient éperdus. « Citoyens, s’écriait Collot, qui présidait la Convention, voici l’instant de mourir à notre poste ! » Mais les vainqueurs, au lieu de terminer l’opération, se bornèrent à ramener Henriot à l’Hôtel de Ville. Rien ne leur aurait été plus facile pourtant que de s’emparer des membres des Comités et d’imposer leur volonté à une assemblée terrifiée. L’occasion perdue ne se retrouva plus.

La nouvelle de la délivrance d’Henriot parvint presque aussitôt à la Commune. C’est à ce moment qu’elle décida de former un Comité d’exécution de neuf membres et que Robespierre jeune prononça son discours. Quand il eut terminé, la Commune envoya une délégation de six membres à la mairie pour inviter Robespierre aîné à imiter son frère en venant assister à sa séance.

En chemin, le chef de cette délégation, Michel Lasnier[24], rencontra Henriot et Coffinhal qui rentraient suivant les quais. Il les invita à se joindre à lui. Ils acceptèrent. Mais leurs efforts à tous furent infructueux, ils revinrent à la Commune sans Robespierre. L’échec de leur mission est ainsi mentionné dans des lignes raturées sur le procès-verbal :

Le citoyen Lasnier, qui a été député vers le citoyen Robespierre, qui a chargé Coffinhal de... (sic) annonce que Coffinhal est chargé de confirmer au conseil qu’on le laisse entre les mains de l’administration.

 

Henriot et Coffinhal parlèrent après Lasnier. Il était dix heures environ[25].

Le refus de Robespierre était une cruelle déception pour les membres de la Commune. Sans Robespierre l’insurrection manquait de chef.

Que se passa-t-il ensuite ? Combien de temps Robespierre resta-t-il encore à la mairie ?

Si on prenait à la lettre le procès-verbal de la Commune, il ne serait entré à l’Hôtel de Ville que vers une heure du matin, en même temps que Couthon, Saint- Just et Lebas[26].

Couthon avait raisonné comme Robespierre. Il s’était soumis au décret de la Convention. Il voulait comparaître devant le tribunal révolutionnaire. Il avait été surpris par l’insurrection. Deux administrateurs de police étaient venus le trouver dans sa prison pour lui rendre la liberté. Il les éconduisit. La déclaration du concierge de La Bourbe relate qu’il ne sortit, sur une nouvelle intervention des administrateurs de police, que vers une heure après minuit[27].

Mais, depuis longtemps déjà, Robespierre aîné s’était enfin décidé à quitter la mairie pour l’Hôtel de Ville. S’il est exact, comme le dit le procès-verbal officiel, qu’il ne parut à la séance du conseil de la Commune qu’après une heure du matin et en compagnie de ses collègues, il ne faudrait pas en conclure qu’il était resté jusque-là à l’écart. A côté de la grande salle où siégeait te conseil, il y en avait une autre, plus petite, qui était réservée en temps ordinaire aux délibérations du corps Municipal. C’est dans cette salle, dite de l’Égalité, que siégeait le Comité d’exécution depuis neuf heures et demie du soir environ, et c’est dans la salle de l’Égalité que se rendit Robespierre presque aussitôt après l’échec de la mission qu’était venu remplir auprès de lui Michel Lasnier accompagné de Coffinhal et d’Henriot.

Vers dix heures et demie, le citoyen Chappin, canonnier de la section de Bon-Conseil (c’est-à-dire du faubourg Saint-Antoine), vint annoncer à la Commune que les Comités se préparaient à rassembler les troupes pour cerner l’Hôtel de Ville et que le décret de mise hors la loi allait être voté contre les chefs de la révolte[28]. L’heure décisive avait sonné.

C’est alors vraisemblablement que le Comité d’exécution fit parvenir à Robespierre ce billet laconique qui a été publié par Courtois[29] :

Le Comité d’exécution nommé par le Conseil a besoin de tes conseils. Viens-y sur-le-champ. Voici les noms des membres : Châtelet, Coffinhal, Lerebours, Grenard, Legrand, Desboisseaux, Arthur, Payan, Louvet.

Signé : Payan, le maire de Paris Lescot-Fleuriot, Moenne, substitut.

 

Cette fois Robespierre s’exécuta. Il vint siéger au Comité d’exécution. Il pouvait être entre dix heures et demie et onze heures du soir.

Sa présence à l’Hôtel de Ville à partir de ce moment est attestée par plusieurs témoignages. Le citoyen Camus, membre de la Commune, déposera, le 10 thermidor, devant le Comité de surveillance de la section Guillaume-Tell, qu’il avait quitté la séance de la Commune vers minuit et qu’il avait vu, avant son départ, les deux Robespierre, Lebas et Dumas[30]. « Les deux Robespierre, ajoute-t-il, ont engagé le peuple à soutenir la liberté. »

Le marchand fripier Juneau déclarera, le 10 thermidor, devant les nouveaux administrateurs de police nommés par les thermidoriens, qu’il avait été frappé, la veille, dans la grande salle de la Commune, parce qu’il avait voulu protester quand il avait entendu les officiers municipaux prêcher le mépris de la Convention. Aussitôt il avait été saisi par un vieux gendarme, dépouillé de ses armes et de son chapeau et maltraité. C’était Robespierre qui avait proposé qu’on le mît en prison, et Robespierre avait même crié : « Assommez-le, assommez-le ![31] » Juneau ne précise pas l’heure où l’incident s’est produit, mais il résulte du contexte que ce serait vers onze heures.

Peut-être Juneau a-t-il confondu Robespierre jeune avec Robespierre aîné[32]. Mais voici Longueville-Clémentière qui, grâce à ses fonctions d’agent du Comité de Sûreté générale, avait eu souvent l’occasion d’approcher les deux Robespierre et ne pouvait les prendre l’un Pour l’autre. Il nous dit, dans l’écrit apologétique qu’il rédigea le 17 brumaire an III, que, vers une heure du matin, s’étant rendu à la Commune, il y fut reconnu, saisi par deux gendarmes et conduit dans la salle de l’Égalité, où se trouvaient Coffinhal, Henriot, Lebas, les deux Robespierre. Il ne nomme ni Couthon ni Saint-Just.

Couthon, malgré les instances de la Commune, n’aurait peut-être pas consenti à quitter sa prison s’il n’avait reçu cet appel :

Couthon, tous les patriotes sont proscrits, le peuple tout entier est levé ; ce serait le trahir que de ne pas te rendre avec nous à la Commune, où nous sommes actuellement. Signé : Robespierre aîné, Robespierre jeune, Saint-Just[33].

 

Les Conventionnels réunis au Comité d’exécution n’attendirent pas Couthon pour agir. Leur première pensée fut d’essayer de neutraliser l’action des décrets et des proclamations de la Convention afin de retenir les sections autour de la Commune. Je suis persuadé que la fameuse lettre écrite à la section des Piques fut envoyée une des premières.

Lebas, qui avait eu sous sa surveillance l’École de Mars au camp des Sablons, écrivit à son commandant Labretèche :

Un complot affreux vient d’éclater ; je suis au nombre des représentants fidèles que les conspirateurs ont fait arrêter. Mes soupçons sur la destination du camp sont réalisés. C’est à toi de t’opposer à ce qu’on ne l’abuse pas au point de s’égorger lui-même en marchant sous les étendards des traîtres. Le peuple t’observe ; il est déterminé à se sauver. Songe à lui être fidèle[34].

 

Des lettres, c’était peu de chose. L’action directe dans les sections parut préférable. Le Comité d’exécution demanda au Conseil général de lui adjoindre vingt- quatre citoyens pris dans son sein pour faire exécuter ses ordres[35]. Le conseil mit douze de ses membres à la disposition du Comité, et ces douze membres se rendirent sur-le-champ dans les sections pour arrêter les défections qui menaçaient depuis que le décret de mise hors la loi était connu[36].

Le Comité d’exécution se décida enfin à prendre la seule mesure qui aurait été efficace, si elle avait été prescrite en temps utile, quand Robespierre l’avait conseillée aux administrateurs de police vers neuf heures du soir ; il ordonna l’arrestation des membres des Comités qui dirigeaient la Convention.

La Commune révolutionnaire du 9 thermidor, destinée par le peuple et pour le peuple à sauver la patrie et la Convention nationale, attaquées par d’indignes conspirateurs,

Arrête que les nommés Collot d’Herbois, Amar, Léonard Bourdon, Dubarran, Fréron, Tallien, Panis, Carnot, Dubois- Crancey (sic), Vadier, Javogue, Dubarran, Fouchet (sic), Granet, Moyse Bayle seront arrêtés pour délivrer la Convention de l’oppression où ils la retiennent.

Le Conseil déclare qu’elle donnera une couronne civique aux généreux citoyens qui arrêteront ces ennemis du peuple ; Déclare que les mêmes hommes qui ont renversé le tyran et la faction Brissot, anéantiront tous ces scélérats désignés qui ont osé plus que Louis XVI lui-même, puisqu’ils ont mis en état d’arrestation les meilleurs citoyens. Payan[37].

 

Cet arrêté fut complété par un autre ainsi conçu :

La Commune révolutionnaire ordonne, au nom du salut du peuple, à tous les citoïens qui la composent, de ne reconnaître d’autres autorités qu’elle, d’arrêter tous ceux qui abusent de la qualité de représentant du peuple, font des proclamations perfides et mettent hors la loi ses défenseurs ;

Déclare que tous ceux qui n’obéiront pas à cet ordre suprême seront traités comme ennemis du peuple[38].

 

Mais ces résolutions vigoureuses, prises du reste à la demande des Jacobins[39], ne purent être exécutées. Le temps manqua pour les coucher sur les feuilles volantes sur lesquelles le secrétaire du conseil inscrivait le procès- verbal au fur et à mesure. Elles n’existent qu’en minutes.

Nous savons à quoi s’occupait le Comité d’exécution dans les derniers instants, après l’arrivée de Couthon, grâce à la déposition des deux gendarmes Muron et Javois, qui accompagnèrent le paralytique depuis La Bourbe jusqu’à l’Hôtel de Ville. « Dès que Couthon fut entré, disent-ils, trois ou quatre membres l’entraînèrent, et deux ou trois lui présentèrent des papiers et de l’encre. Robespierre et Couthon dirent à haute voix : Nous ne pouvons pas écrire à nos armées au nom de la Convention ni de la Commune, attendu que ce serait arrêté, mais bien au nom du peuple français et que cela prendrait beaucoup mieux, et, à l’instant, Couthon se mit à écrire sur ses genouils (sic) en disant : Les traîtres périront, il y a encore des humains en France et la vertu triomphera. »

Robespierre prit la main du gendarme Muron et leur dit à tous deux : « Descendez donc à linstant sur la place et mettez le peuple en humeur et émouvez les esprits[40] ! »

La déposition des deux gendarmes, qui est exactement contemporaine des faits, est confirmée dune façon intéressante par le témoignage un peu postérieur dun agent du Comité de Salut public pour les manufactures darmes, H.-G. Dulac, qui s’était faufilé à lHôtel de Ville, dit-il, pour espionner au profit de la Convention : « Les deux Robespierre étaient [dans la salle des séances], l’un à côté du président Lescot- Fleuriot et l’autre auprès de Payan, agent national. Couthon y fut porté u,n instant après ; et, ce qui est à remarquer, c’est qu’il était encore suivi de son gendarme. En arrivant, il fut embrassé par Robespierre, «te., etc., et ils passèrent dans la chambre à côté, où je pénétrai. Ce fut là où le premier mot que j’entendis de Couthon fut : Il faut de suite écrire aux armées. Robespierre dit : Au nom de qui ? Couthon répondit : Mais au nom de la Convention, n'est-elle pas toujours où nous sommes ? Le reste n'est qu'une poignée de factieux que la force armée que nous avons va dissiper et dont elle fera justice. Ici Robespierre l’aîné sembla réfléchir un peu ; il se baissa à l’oreille de son frère, ensuite il dit : Mon avis est qu'on écrive au nom du peuple français. Il prit aussi dans cet instant la main du gendarme entré #vec Couthon et il lui dit : Brave gendarme, j'ai toujours aimé et estimé votre corps ; soyez-nous toujours fidèles ; allez sur la porte et faites en sorte de continuer à aigrir le peuple contre les factieux[41]. »

Dépositions intéressantes, car elles nous apprennent qu’à cette heure-là, à une heure du matin, les Conventionnels proscrits commençaient à rédiger une proclamation aux armées. Non seulement Robespierre aîné ne faisait aucune objection, mais il poussait à la révolte. S’il se demandait avec Couthon au nom de qui la proclamation devait être rédigée, ce n’était pas du tout, — les phrases rapportées ne prêtent à aucune équivoque, — parce qu’il craignait d’enfreindre la légalité, mais uniquement parce qu’il cherchait la meilleure formule. Pas la moindre trace d’hésitation ou de scrupules.

Mais les canonniers et les gardes nationaux rassemblés sur la Grève depuis six heures du soir s’impatientaient de leur longue inaction. Beaucoup n’avaient pas pris le temps de dîner quand le tocsin avait sonné. Ils s’égaillaient dans les débits du voisinage. En vain Henriot leur fit distribuer quelques litres de vin et promit de les indemniser de leur temps passé sous les armes. Us se demandaient pourquoi on les avait convoqués. Les émissaires Je la Convention les travaillaient, et les plus timides ou les plus mécontents s’échappaient en sourdine. Les officiers conféraient entre eux depuis qu’ils connaissaient le décret qui mettait la Commune et les députés hors la loi. Celles des sections où les partisans de la Convention prenaient le dessus se hâtaient de rappeler discrètement leurs hommes et leurs canons. La place de Grève se vidait peu à peu. Le Comité d’exécution, quand il s’en aperçut, ordonna d’éclairer la façade de l’Hôtel de Ville pour faciliter la surveillance. Les défections continuèrent. Un des derniers bataillons fidèles, celui du Finistère, composé de manouvriers, se mit en marche à son tour, vers deux heures du matin, pour retourner au faubourg Saint-Marcel.

A dix heures du soir, presque toutes les sections étaient représentées par les détachements massés devant la Commune. Par contre, il n’y avait pour ainsi dire personne devant la Convention. A deux heures du matin, ce fut l’inverse. La Commune est presque abandonnée et les cours des Tuileries se garnissent de canons et d’hommes armés.

Quand Léonard Bourdon, à la tête d’un groupe de gendarmes et du bataillon des Gravilliers qu’il avait réussi à entraîner, se présenta devant l’Hôtel de Ville, d n’éprouva pas plus de résistance à pénétrer jusque dans la salle de l’Égalité que quelques heures auparavant Coffinhal n’en avait éprouvée à forcer les portes du Comité de Sûreté générale. Mais l’irruption de Léonard Bourdon ne fut si brusque que parce que la trahison la facilita. Un aide de camp d’Henriot, Ulrick, avait livré le mot d’ordre des troupes de la Commune au juge de paix de la section des Gravilliers, Martin, qui le fit connaître à Léonard Bourdon[42]. Les troupes conventionnelles, grâce au mot d’ordre, purent passer sans encombre à travers tous les postes en se présentant comme des troupes amies.

On sait la suite. Robespierre aîné se tira dans la bouche un coup de pistolet et ne réussit qu’à se briser quelques dents[43]. Lebas, maniant son arme d’une main plus sûre, ne se manqua pas. Robespierre jeune, désespéré de la blessure de son frère, se jeta d’une fenêtre sur la place, où on le releva la cuisse brisée. Saint-Just, stoïque et dédaigneux, se laissa emmener sans mot dire. Couthon se blessa gravement à la tête en descendant l’escalier de la mairie. De toute la Commune, seuls Coffinhal et Lerebours parvinrent à s’échapper, et Coffinhal fut repris quelques jours plus tard.

Robespierre jeune, qui respirait encore, fut transporté sur une chaise au Comité civil de la section de la Maison Commune. Aux questions qu’on lui posa il répondit qu’on lui avait rendu un bien mauvais service en le tirant de sa prison[44]. Cette suprême réflexion nous révèle la raison des hésitations de ces hommes et de leur manque de décision dans les premiers moments de l’insurrection. Ils n’avaient pas fait entrer dans leurs calculs cette révolte immédiate et spontanée de la Commune et des Jacobins. La lutte qu’ils avaient engagée contre les Comités de la Convention était une lutte parlementaire, qu’ils avaient pensé résoudre par des moyens parlementaires. Quand, le 8 thermidor au soir, Robespierre était venu relire aux Jacobins son dernier discours, il n’avait voulu que se procurer leur appui moral, jusque-là irrésistible, en prévision de la séance du lendemain, où il espérait ressaisir la majorité. S’il avait cru la partie désespérée au point de vue parlementaire, nul doute qu’il aurait agi autrement. Ce n’était pas un homme de désordre, mais ce n’était pas non plus un niais que le scrupule légalitaire paralysait. Contre la Législative autant que contre le roi, il avait préparé ouvertement la journée du 10 août, traçant le programme de l’insurrection, écrivant les pétitions des Fédérés, appelant les Jacobins à la révolte. De même, au 31 mai, il avait lancé lui-même l’appel aux armes et justifié devant la Convention, au moment même, l’ultimatum des insurgés. Un an plus tard, il n’était pas si usé par la vie parlementaire et par la pratique du gouvernement pour qu’il ait répugné absolument à renoncer à se servir de ce levier populaire qu’il avait par deux fois manié avec résolution et succès. Non ! au 9 thermidor, ce n’est pas le scrupule légalitaire qui étouffa ses initiatives et paralysa sa volonté. Il se trompa sur la situation politique. Il ne crut pas possible la coalition des terroristes de la Montagne, ses ennemis, avec les modérés de la Plaine, qui jusque-là l’avaient suivi. Il n’eut pas connaissance du complot qui se noua dans la nuit. Il fit confiance à la Convention. Il ne lui vint pas à l’esprit qu’il ne pourrait plus remonter à cette tribune, où son éloquence avait remporté tant de brillants succès ; il n’imagina pas que sa voix serait étouffée sous la sonnette du président et les clameurs des conjurés et qu’il serait décrété d’arrestation sans qu’il lui fût permis d’esquisser sa défense.

Après ce coup de surprise, il ne devina pas que la seule nouvelle de son arrestation suffirait à provoquer, par un réflexe immédiat, la révolte de la Commune et des Jacobins. Les insurrections précédentes, auxquelles il avait pris part, avaient toutes été préparées et annoncées. Celle-ci éclatait comme un coup de foudre. Il n’en vit pas du premier coup l’étendue et la portée. Et cela s’explique jusqu’à un certain point. N’avait-il pas assisté impuissant, dans le local du Comité de Sûreté générale, à l’échec de la tentative d’Henriot pour le délivrer, lui et ses compagnons ? Henriot n’avait-il pas été garrotté sous ses yeux à cinq heures de l’après-midi ?

On s’imagine les réflexions que durent échanger entre eux les cinq députés, pendant qu’ils prenaient leur repas au Comité, avant leur départ pour la prison. Ils durent s’entendre alors sur une ligne de conduite commune. L’échec d’Henriot ne semblait leur laisser aucun espoir d’être délivrés par la force. Ils n’eurent pas de peine à se résoudre à une résistance passive et légale, qui aurait du moins l’avantage, pensaient-ils, de donner à leurs partisans le temps de préparer une revanche. Ils ne comprirent que peu à peu la véritable situation, quand on vint les tirer de leurs prisons. Mais ils étaient dispersés. Ils ne pouvaient plus se concerter pour modifier d’accord leur résolution première.

Conduit à la mairie vers les neuf heures du soir, Robespierre, en l’absence de ses compagnons, n’osa prendre sur lui de rompre le pacte tacite dont ils étaient convenus. Mais déjà, nous l’avons vu, il inspirait aux administrateurs de police qui l’environnaient les résolutions vigoureuses qui eussent sauvé la partie si elles eussent été immédiatement adoptées par la Commune et appliquées. Mais l’offensive qu’il suggérait, l’arrestation des membres des Comités, fut écartée et ajournée. La Commune voulait bien défendre Henriot, Payan les députés proscrits contre les coups de force des terroristes. Elle n’osait pas encore ordonner l’assaut contre les Comités. Il lui suffisait de se soustraire à leurs coups. Elle n’eut pas la hardiesse de les prévenir quand elle le pouvait.

La mise hors la loi fit cesser l’indécision de Robespierre et des députés, ses amis. Ils se rendirent tous, l’un après l’autre, au Comité d’exécution, pour prendre leurs responsabilités et essayer de sauver le mouvement déjà compromis. Comment Robespierre aurait-il refusé d’adresser à sa fidèle section des Piques une syllabe d’encouragement ? Je ne me charge pas d’expliquer pourquoi sa signature est abrégée au bas de la lettre écrite par Lerebours. Mais, de toutes les hypothèses qu’on a faites pour en rendre compte, la plus inadmissible est celle qui représente Robespierre hanté par le scrupule légalitaire ou par quelque crainte inavouée. La lettre à la section des Piques fut expédiée. Elle parvint à sa destination de bonne heure, certainement avant onze heures du soir. C’est ce qui résulte de toute évidence de l’examen attentif des pièces de comparaison. Si Robespierre avait eu du regret après avoir signé, il aurait rayé sa signature, il aurait empêché l’expédition. S’il n’en fit rien, c’est que toutes les conjectures qu’on a faites sur ses prétendues hésitations à ce moment sont erronées.

On voit cependant comment est née la légende. Elle s’est greffée sur la conversation qu’il eut avec Couthon au moment où celui-ci commençait à rédiger une proclamation aux armées qui ne nous est pas parvenue. Au nom de qui ? a-t-il dit. Mais il a répondu tout de suite : au nom du peuple français. Il cherchait simplement la bonne formule, et il la trouva sur-le-champ.

S’il a été finalement vaincu, alors qu’il avait pour lui les Jacobins, la grande majorité des sections et la Commune, c’est qu’il commit une erreur de jugement. Bien qu’il connût l’immoralité de ses ennemis et leur absence totale de scrupules, il ne crut pas possible qu’ils entraîneraient l’Assemblée. Leur mauvaise réputation fut même pour quelque chose dans son aveuglement. Et quand, surpris par l’événement, il se trouva prisonnier, il ne fit pas assez de fond sur la puissance de sa popularité pour prévoir la révolte immédiate des autorités de Paris. L’arrestation d’Henriot, faite sous ses yeux, acheva de le confirmer dans cette illusion funeste. Il mit dès lors tout son espoir dans le Tribunal révolutionnaire, et il se dit qu’il fallait gagner du temps par une résignation provisoire. Quand il fut détrompé, l’absence et la dispersion de ses compagnons entravèrent sa décision. Il était déjà trop tard quand il se rendit enfin au Comité d’exécution. Là il se donna tout entier ù la lutte. Les résolutions vigoureuses qu’il avait conseillées étaient déjà couchées sur le papier, quand la trahison d’un subalterne livra le mot d’ordre à Léonard Bourdon et permit aux troupes conventionnelles de s’introduire par surprise jusque dans la salle même où il délibérait.

Il sut du moins racheter ses erreurs par un beau geste. Il ne voulut pas tomber vivant aux mains des « brigands » triomphants. Et, s’il fut déçu, là aussi, son geste reste. Il avait retenu quelque chose de ces Romains que ses maîtres du collège Louis-le-Grand lui avaient appris à admirer dans le Conciones.

 

 

 



[1] La Révolution, par G. Pariset, p. 242.

[2] Histoire politique de la Révolution, p. 499.

[3] J’ai rétabli entre crochets, d’après le fac-similé de l’original publié, en 1908, par G. Lenôtre et Marty, les mots passés par Ernest Hamel.

[4] Histoire de Robespierre, 1867, pp. 788-790.

[5] Le document fit partie de la collection de Rousselin de Saint-Albin, qui fut le secrétaire de Barras. Celle-ci passa ensuite entre les mains de M. Georges Duruy. Elle est à présent au musée Carnavalet. On en trouvera la reproduction photographique dans les mémoires de Barras, t. I, p. 195.

[6] Voir dans le Rapport de Courtois, floréal an IV (pp. 56 et 122), les lettres adressées aux municipalités de Choisy et de Bercy. Ici le ton est plus pressant. On invite les municipalités à amener leurs canons. C’est un conseil qu’on n’avait pas eu besoin de donner à la section des. Piques, dont les canonniers étaient déjà sur la place de Grève.

[7] Procès-verbal officiel de la Convention, t. XLII, p. 256.

[8] Archives nationales, F⁷ 4778.

[9] Un arrêté des deux Comités avait ordonné aux comités de surveillance des quarante-huit sections de rendre compte « ce soir et demain, d’heure en heure, des événements qui peuvent survenir dans leur section ». L’arrêté est aux Archives, F⁷ 4779, sous forme d'affiche in-4°.

[10] Rapport de Courtois, floréal an IV, p. 159.

[11] Histoire de Robespierre, t. III, p. 778.

[12] Archives nationales, F⁷ 4778.

[13] Archives nationales, W 80.

[14] Ce document précieux a été publié in extenso par Bûchez et Roux, dans leur Histoire parlementaire de la Révolution, t. XXXIV, pp. 45-56.

[15] Rapport du brigadier de gendarmerie Joannolle, daté du 9 thermidor au soir (Archives nationales, F⁷ 4432). Joannolle commandait le poste du Comité de Sûreté générale.

[16] Attestation de Chevrillon, citée par Courtois, p. 66, note. Ordre du Comité de Sûreté générale, Archives nationales, F⁷ 4432.

[17] Voir les déclarations des guichetiers en annexes du Rapport de Courtois.

[18] Voir les dépositions concordantes des domestiques de Lescot- Fleuriot aux annexes du Rapport de Courtois.

[19] Déposition du concierge de Port-Libre, dans Courtois.

[20] Archives nationales, W 79.

[21] La brochure de Guyot est aux Archives nationales, F⁷ 4432. Plusieurs arrêtés des Comités qui ont été imprimés portent en effet le nom de David. L’arrêté dont il est question ici est sans doute celui qui faisait défense aux chefs de légion d’obéir aux ordres d’Henriot.

[22] Rapport de Courtois, pièce annexe n° 13. C’est moi qui souligne.

[23] « Sur les neuf heures du soir », dit le brigadier Joannolle (Archives nationales, F⁷ 4432). « Sur les huit heures et demie du soir environ », dit l’agent du Comité, Longueville Clémentière, dans sa brochure du 17 brumaire an III (Archives nationales, W 79).

[24] Lasnier a raconté sa mission devant l’assemblée générale de sa section, dont le procès-verbal mentionne ses paroles (section du Luxembourg ou de Mucius Scævola) (Archives nationales, F⁷ 4432).

[25] Déclaration de Berger, de la section de la Cité (Archives nationales, F⁷ 4432).

[26] On lit, en effet, vers l’avant-dernière page du procès-verbal : « Robespierre, Couthon, Saint-Just, Lebas se présentent au conseil général. Ils y sont reçus par les plus vifs applaudissements. »

[27] Pièce annexe n° 35 du Rapport de Courtois.

[28] D’après les papiers des sections conservés aux Archives nationales, la mise hors la loi de la Commune fut connue vers onze heures à la section du Luxembourg ; vers minuit, à la section de Bondy ; à minuit demi à la section des Tuileries ; vers minuit, au Bonnet-Rouge et au pont-Neuf, etc...

[29] Dans son premier rapport (nivôse an III), p. 183.

[30] Archives nationales, W 79.

[31] Courtois, Rapport du floréal an IV, p. 197.

[32] On lit pourtant dans le procès-verbal de la section des Invalides : « Un membre de comité civil a rapporté qu’il venait de la Commune, qu’il y a vu Robespierre à la tribune et que son discours décelait un coupable. » (Archives nationales, F⁷ 4432).

[33] Deuxième rapport de Courtois, p. 282. Courtois note que ce billet est écrit de la main de Robespierre jeune.

[34] Courtois, deuxième rapport, p. 68.

[35] La minute de cet arrêté se trouve aux Archives nationales, F⁷ 4433.

[36] Ces douze citoyens étaient Lacour, de Brutus ; Mercier, du Finistère ; Leleu, des Invalides ; Miellé, des Quinze-Vingt ; d’Azard, des Gardes françaises ; Cochois, de Bonne-Nouvelle ; Aubert, de Poissonnières ; Barel, du faubourg du Nord ; Gibert, même section ; Jault, de Bonne-Nouvelle ; Simon, de Marat, et Gency, du Finistère (Courtois, p. 111). Les papiers des sections relatent la lutte longtemps indécise qui s’engagea, dans chacune d’elles, entre les partisans de la Commune et ceux de la Convention, entre minuit et deux heures du matin.

[37] Archives nationales, F⁷ 4432. Il existe une première ébauche de cet arrêté, également de la main de Payan : « Le peuple veut sauver la Patrie, il veut sauver la Convention nationale qui peut (tout) avec le peuple et rien sans le peuple. Il sçait que la Convention a été trompée Par des traîtres, par des conspirateurs. Le peuple les accuse, il demande leur arrestation, il l’obtiendra. Cette mesure seule sauvera la république. Voici les noms des conspirateurs : Collot d’Herbois, Barère, Amar, Léonard Bourdon. Le peuple les désigne, le peuple les demande. Il est souverain. »

On remarquera que le nom de Barère, qui figure dans cette première minute, a disparu du texte définitif, mais qu’en revanche beaucoup d’autres noms ont été ajoutés. On se demandera si la disparition du nom de Barère n’est pas due à l’influence de Robespierre, qui avait souvent pris sa défense.

[38] Minute non signée (Archives nationales, F⁷ 4433).

[39] C’est ce qui résulte du procès-verbal de la Commune, dans Bûchez et Roux, t. XXXIV, p. 55.

[40] Archives nationales, F⁷ 4432.

[41] Le récit de Dulac existe en deux états distincts, d’abord sous forme de lettre adressée au Comité de Sûreté générale en date du 6 frimaire an III (Archives nationales, F⁷ 4432) ; ensuite sous forme de lettre adressée à Courtois qui l’a publiée dans son rapport (p. 207). Cette dernière lettre est datée du 7 thermidor an III. Entre les deux versions, les variantes sont sans importance.

[42] Voir le rapport de. Courtois, p. 140, et les papiers de la section des Gravilliers (Archives nationales, F⁷ 4432).

[43] La version du suicide a pour elle tous les témoignages datant du moment même. Courtois l’a adoptée. L’histoire du coup de feu du gendarme Merda (ou Méda) est très suspecte.

[44] Interrogatoire de Robespierre jeune dans Courtois, Rapport, p. 205.