La
physionomie de Robespierre a été tellement défigurée depuis vingt ans par les
historiens même républicains que parler aujourd’hui des idées religieuses de l’Incorruptible
peut paraître une gageure. Robespierre,
proclame-t-on, est un cerveau étroit, un homme d’ancien régime, un froid
ambitieux qui voulait régner sur la France en lui imposant par la Terreur une
contrefaçon du catholicisme, le déisme érigé en religion d’État. Je ne
puis ici songer à étudier, textes et preuves en mains, toute la politique
religieuse de Robespierre. Il me suffira de prendre un exemple, d’examiner le
rôle exact qu’a joué Robespierre dans l’établissement du culte de l’Être
suprême, puisque aussi bien ce rôle est le point de mire habituel de tous ses
détracteurs. Que disent les historiens républicains hostiles à Robespierre ?
Ils opposent le Culte de l’Être suprême au Culte de la Raison. Le Culte de la
Raison, qu’ils louent sans réserve, aurait été la création particulière du
parti hébertiste. C’aurait été un culte panthéiste ou même athée, un
instrument d’émancipation intellectuelle. Le Culte de l’Être suprême au
contraire aurait été inventé de toutes pièces par Robespierre pour la
satisfaction de ses ambitions effrénées et de ses passions mystiques.
Ç’aurait été une tentative d’asservissement politique et de réaction
intellectuelle. Or,
l’opposition entre les deux cultes révolutionnaires, pour être classique,
n’en est pas moins fausse, Loin d’avoir été l’invention de quelques hommes :
Chaumette, Fouché, Hébert, Cloots, ou même d’un parti, le culte de la Raison
ne fut que l’aboutissement d’une série de fêtes civiques dont l’origine
remonte à la grande Fédération du 14 juillet 1790[1]. La Fête de la Raison ressembla
à toutes les fêtes antérieures. Les mêmes hymnes y furent chantées, les mêmes
cortèges s’y déployèrent, la même émotion patriotique y fit vibrer les cœurs
à la vue des mêmes symboles républicains. Ce qu’il y eut de nouveau, le 20
brumaire an IL jour où la Commune et la Convention célébrèrent la Raison à
Notre-Dame de Paris, ce ne fut pas même le lieu choisi pour la cérémonie, une
cathédrale, les églises avaient déjà vu se dérouler sous leurs voûtes des
scènes analogues, — ce qu’il y eut de nouveau c’est qu’avec cette fête
coïncide la chute du catholicisme constitutionnel, la désaffectation des
églises, l’abdication des prêtres. Mais le
renversement de l’Église constitutionnelle ne peut même pas être mis au
compte du seul parti hébertiste, puisque les Girondins eux-mêmes comme Pierre
Manuel, comme Guadet, comme Vergniaud, y avaient travaillé énergiquement
depuis la Législative. La
solennelle abdication de l’archevêque de Paris, Gobel, qui donna le branle au
mouvement de déchristianisation, ne fut pas davantage l’œuvre exclusive des
Hébertistes, puisqu’elle sortit de l’initiative de Pereira, de Proli et de
leurs amis, de ce parti des Enragés qui avait son centre dans les sociétés
populaires des sections et qui effraya un moment la Commune et la Convention
et puisque l’initiative des sociétés populaires fut secondée par des modérés
notoires, comme Thuriot, Basire et Chabot[2]. La vérité, c’est que les
Hébertistes, Chaumette, Cloots, Hébert ne firent qu’emboîter le pas aux
patriotes obscurs des sections, à la foule anonyme des sans-culottes des
faubourgs. Enfin,
c’est une constatation que M. Aulard lui- même, l’ennemi personnel de
Robespierre, a dû faire, l’Être suprême n’attendit pas d’y être autorisé par
Robespierre pour se faire adorer dans les temples de la Raison au même titre
et en même temps que la Nature, la Liberté, la Patrie, la Raison elle-même.
Nous avons de très nombreux discours qui furent prononcés dans les temples de
la Raison. Les déclarations panthéistes, à plus forte raison athées, y sont à
l’état d’exception. Nous ne pouvons pas prétendre connaître mieux l’histoire
que les contemporains qui l’ont faite et qui l’ont vécue et les contemporains
n’ont pas distingué entre les deux cultes révolutionnaires qu’ils appellent
indifféremment des mêmes noms. Le Culte de l’Être suprême ne fut pour eux que
la suite revue et corrigée du culte de la Raison. C’était le même culte, la
même institution qui se continuait et se perfectionnait. Ce sont
les ennemis de Robespierre, anciens hébertistes, anciens dantonistes qui,
après coup, pour justifier leur conduite au 9 thermidor, ont essayé de
représenter leur victime sous la caricature d’un dictateur se servant de
l’idée religieuse comme d’un moyen de domination. Ce sont eux qui ont parlé
les premiers du pontificat de Robespierre. L’Incorruptible sera-t-il donc
toujours jugé sur le témoignage de ses implacables ennemis ? Une
simple remarque ruine la calomnie : jamais le prétendu dictateur ne fut plus
discuté, plus combattu, plus impuissant qu’au lendemain du jour où
s’établissait le culte de l’Être suprême ! Au lendemain de la fête du 20
prairial l’opposition se dresse contre lui jusque dans le Comité de Salut
public. La fête elle-même, par les perfidies faciles auxquelles elle prêta
sur ses intentions, nourrit cette opposition qui avait d’autres causes que des
désaccords religieux, mais des causes que cette opposition ne pouvait pas
toutes avouer. Chose
curieuse ! Les mêmes historiens, qui ne veulent voir le Culte de l’Être
suprême que par les yeux des thermidoriens, ne regardent le Culte de la
Raison que par les yeux de Robespierre. Emporté par l’ardeur de la lutte
contre les Hébertistes, Robespierre avait représenté leurs chefs comme des
prédicateurs d’athéisme et l’athéisme lui faisait horreur, non seulement
parce qu’il croyait à la nécessité sociale de la foi en Dieu, mais surtout
parce qu’il craignait que cette prédication ne détruisît chez un peuple mal
préparé jusqu’aux bases -de la vie morale. Les craintes de Robespierre
étaient exagérées, ses accusations mal fondées. Les fêtes de la Raison ne
furent nullement des fêtes athées. Leurs -organisateurs, dont toute
l’ambition se bornait à remplacer la messe catholique par une messe civique,
ne croyaient pas que la foule pût se passer d’un culte quelconque. Ils
n’étaient pas plus avancés pour la plupart, pas plus laïques, à notre sens,
que Robespierre lui-même. Les uns et les autres avaient éprouvé, à la
suppression de tout culte, une sorte d’effroi moral. C’est le mot de l’un
d’eux, le montagnard Baudot. L’erreur
des historiens tient encore à la méthode ou plutôt à l’absence de méthode
avec laquelle ils ont abordé l’étude d’une question où il est déjà si
difficile d’être impartial, car elle tient étroitement à nos pensées les plus
intimes, à nos propres raisons de vivre ; jusqu’à présent les cultes
révolutionnaires n’ont été étudiés que du point de vue politique, jamais du
point de vue religieux. Historiens de droite et de gauche n’eut considéré le
culte de la Raison que comme une entreprise \ de parti. Ils ont confondu son
histoire avec celle des Hébertistes. Ils ont fait de même du culte de l’Être
suprême un chapitre de l’histoire de Robespierre et du parti Robespierriste.
Ils ont dénié à l’un et à l’autre de ces cultes le sentiment religieux, qui
les animait au moins aussi profondément que les anciennes églises déjà
fossilisées. L’erreur
des historiens se comprend jusqu’à un certain point. Les cultes
révolutionnaires ne ressemblaient pas aux autres Cultes. L’essentiel n’y
était pas une croyance surnaturelle. La religion, dont ils étaient
l’expression sensible, est une religion sans mystères, sans révélation, sans
fétiches, une religion dans laquelle l’acte d’adoration, la foi, s’applique
non à un objet mystique, mais à l’institution politique elle-même, à la
Patrie comme on disait, c’est-à-dire à la société juste et fraternelle, régie
par de bonnes lois, à la patrie conçue comme source et instrument de bonheur,
de bonheur moral comme de bonheur matériel. La foi révolutionnaire, étant
liée à la Révolution elle-même, refléta fidèlement toute la vie politique de
ce temps tragique. Ce n’est pas une raison pour lui refuser le caractère
religieux, parce qu’elle s’applique en effet à un objet politique. Une foi
qui prend l’homme tout entier, qui l’élève au-dessus des vulgarités de
l’existence pour le rendre capable de dévouement et de sacrifice, encore
qu’elle s’applique à un idéal laïque, est une foi au moins aussi respectable
que toutes celles qui s’appliquent à des opérations magiques. J’ai
honte d’y insister. Mais l’opinion d’après laquelle Robespierre serait le
créateur du culte de l’Etre suprême ne résiste pas à l’examen. L’essentiel
dans la religion révolutionnaire, c’était l’adoration de la République, de la
Liberté, de l’Égalité, mots neufs dont le prestige était encore tout entier ;
le reste, la métaphysique, était accessoire. Sans doute, une certaine
conception de la société ne va pas sans une conception correspondante de
l’Univers. Les convictions politiques agissent et réagissent sur les
convictions philosophiques et réciproquement. Or, la grande majorité des
Conventionnels et la presque unanimité des Français croyaient en Dieu. Cela
ne les empêchait pas de croire en la Patrie, en la Patrie qui était pour eux
beaucoup moins le sol national que la société idéale où devait s’abriter un
jour le genre humain. Robespierre, en mettant le culte républicain sous le
couvert de l’Être suprême, ne faisait que traduire le sentiment général et ce
fut la raison de l’enthousiasme qu’il souleva. Il n’y
avait pas dans la proposition qu’il soumit à la Convention, le 18 floréal an
II, la moindre nouveauté, la moindre part d’invention, même d’initiative
personnelle. Ce n’était pas sur sa motion que la déclaration des droits de
l’Homme qui précède la Constitution votée en juin 1793 avait été placée sous
les auspices de l’Être suprême. Depuis cette date, c’est-à-dire depuis un an,
l’Être suprême était dans la Constitution. Il faut toute la passion de M.
Aulard pour supposer qu’André Pomme, le député de Cayenne, qui réclama dès le
mois d’avril 1793 le maintien de l’Être suprême dans le préambule : de la
déclaration des droits, qu’André Pomme était un agent de Robespierre. M.
Aulard s’exprime ainsi : [En avril 1793] « Robespierre n’osa pas encore
se mettre en avant et ce fut un obscur député de Cayenne, André Pomme, qui
tâta l’opinion. Son échec ajourna le dessein de l’incorruptible au moment où
il croyait ses adversaires supprimés ou domptés[3] ». André Pomme était si
peu robespierriste qu’il s’abstenait dans le scrutin par appel nominal sur la
mise en accusation de Marat, alors que Robespierre non seulement votait
contre mais protestait à la tribune contre l’accusation. L’hypothèse de M.
Aulard n’est qu’une pure insinuation dénuée de toute vraisemblance. Comment
peut-il nous représenter Robespierre comme nourrissant, dès avril 1793, non
seulement le dessein d’établir le culte de l’Être suprême, mais de supprimer
les dantonistes, alors qu’à cette date Robespierre marchait d’accord avec
Danton, alors qu’il ne s’agissait encore que de combattre les girondins ?
Mais M. Aulard pose en principe que Robespierre était un tartuffe fort habile
à cacher son jeu ! Qui donc l’a ainsi renseigné sur les arrière-pensées de
Robespierre, quelle voyante ? car enfin les documents ne nous disent rien de
pareil. Si la motion d’André Pomme ne fut pas votée dès avril 1793, la
Convention l’adopta en juin de la même année, c’est-à-dire un an avant que
Robespierre la reprit à son compte en floréal an II ! Si M.
Aulard avait été moins aveuglé par son parti pris, il aurait compris que
Robespierre, en floréal an II, loin de prendre une initiative personnelle, ne
faisait que traduire un vœu nettement exprimé par la Convention elle-même, un
vœu qu’exigeait d’ailleurs la situation politique. En
floréal an II, le Comité de Salut public vient de triompher non sans peine de
la double opposition des dantonistes et des hébertistes exécutés en germinal.
Il s’efforce d’empêcher le retour des divisions contre lesquelles il avait dû
lutter depuis plusieurs mois. Il fait supprimer les ministres, qui sont
remplacés par des commissions placées dans sa main. Il se subordonne plus
étroitement les représentants en mission : « afin, disait Couthon le 17
germinal, de maintenir entre eux l’unité des mouvements et les ramener tous
au centre du gouvernement. » C’est cette unité d’action à réaliser qui
préoccupe le Comité et la Convention elle-même. Or, les représentants en
mission se plaignaient dans leur correspondance que les mesures relatives aux
cultes manquaient d’ensemble et d’uniformité. Ils réclamaient un décret
général qui réglementerait partout les conditions de la déchristianisation et
l’établissement des fêtes républicaines. Il ne fallait pas que l’unité fût
seulement dans le gouvernement, il fallait qu’elle fût aussi dans les mesures
d’exécution, il fallait plus encore qu’elle fût dans les cœurs, dans les
esprits, dans le pays. Le Comité de Salut public se décida à faire droit au
désir très souvent manifesté par la plupart des représentants en mission. Le
17 germinal, Couthon — et non Robespierre, mais, pour M. Aulard, Couthon et
Robespierre c’est tout un, comme tout à l’heure André Pomme et Robespierre —
Couthon annonça à la Convention que le Comité de Salut public proposerait à
bref délai « un projet de fête décadaire dédiée à l’Éternel, dont les
hébertistes n’ont pas ôté au peuple l’idée consolante ». Les paroles de
Couthon provoquèrent les applaudissements. Personne ne fit la moindre
objection. Pour
comprendre la joie avec laquelle la Convention accueillit le projet de
Couthon, il ne faut pas seulement se souvenir que l’Assemblée était déiste en
grande majorité, il faut se rendre compte des nécessités que présentait la
situation religieuse. La
déchristianisation était à cette date déjà assez avancée, mais non achevée.
Les représentants en mission avaient invité les prêtres à abjurer et
transformé les églises désaffectées en temples républicains. Ils s’étaient
efforcés, avec l’aide des sociétés populaires, de remplacer le dimanche par
le décadi et de faire oublier l’ancienne messe par un office civique. Leurs
mesures n’avaient pas été concertées. Elles étaient assez différentes les
unes des autres. Ici on rendait le repos du décadi obligatoire sous peine
d’amende pour les simples particuliers. Là on tolérait le repos du dimanche.
Ici le décadi était férié par les soins de la société populaire, là le culte
républicain avait pour prêtres les officiers municipaux. Ici, on nommait pour
évangéliser les campagnes des missionnaires républicains, d’ordinaire au
nombre de 12, en souvenir des 12 apôtres du sans- culotte Jésus. Là on
publiait des rituels civiques, des offices des décades, des semaines
religieuses patriotiques (Le Décadaire du Haut-Rhin, les Documents
de la Raison, etc.).
— Ici, on adorait les martyrs de la liberté, Marat, Chalier, Le Pelletier,
Brutus, là on considérait cette adoration comme superstitieuse. On pratiquait
couramment des baptêmes, des mariages, des enterrements avec un cérémonial
laïque, mais ce cérémonial variait. Il y avait à faire disparaître ccs
différences, à réglementer, à organiser le culte républicain qui avait grandi
jusque-là au hasard. Il y avait aussi à le légaliser en quelque sorte. Le
calendrier républicain, institué en octobre 1793, n’était qu’un squelette. Il
fallait consacrer chaque décadi à une cérémonie civique particulière. Il
fallait distinguer les fêtes nationales des simples fêtes décadaires. Il y
avait lieu de systématiser des tentatives incohérentes et décousues. On se
disait que le catholicisme ne serait définitivement vaincu que s’il était
remplacé par un système équivalent, aussi bien coordonné, aussi uniforme,
aussi réglé. Depuis
plusieurs mois, le Comité d’instruction publique avait été invité à
différentes reprises à préparer un projet de décret qui apporterait à la
célébration des fêtes civiques l’ordre qui leur manquait. Le comité s’était
mis au travail. En ventôse an II, un député de l’Oise, Mathieu, présente en
son nom un travail d’ensemble. Il proposait d’instituer d’une part cinq fêtes
nationales consacrées à rappeler les époques mémorables de la Révolution : 14
juillet, 10 août, 6 octobre, 21 janvier, 31 mai, et, d’autre part, autant de
fêtes spéciales qu’il y avait de décadis dans l’année. Chacune de ces fêtes
décadaires serait « placée sous les auspices de l’Être suprême et
consacrée à une vertu particulière ». Elle se composerait de discours et
d’hymnes exécutées dans « les temples de la Raison » et d’exercices
militaires et gymniques. Les instituteurs seraient tenus d’y conduire leurs
élèves. La
Convention entendit le rapport de Mathieu et décida que son projet serait
renvoyé au Comité de Salut public pour l’exécution. C’était en effet au
gouvernement, c’est-à-dire au Comité de Salut public, à prononcer le dernier
mot dans une affaire de cette importance. Dès le 17 germinal Couthon annonça,
nous l’avons vu, que le Comité de Salut public s’était saisi du projet de
Mathieu et qu’il allait rechercher les moyens de le réaliser. Ce
simple historique nous montre que, contrairement aux affirmations de M.
Aulard, ce ne fut pas Robespierre qui, de sa propre initiative, proposa
l’établissement du culte de l’Être suprême. Il restera aux ennemis de
Robespierre la ressource de prétendre que la Convention qui ordonnait au
Comité d’instruction publique de préparer l’organisation des fêtes
décadaires, que ce Comité qui s’exécutait, que Mathieu qui déposait son
rapport en son nom, que Couthon qui lui donnait l’adhésion du Comité de Salut
public, n’étaient que des marionnettes que le Pontife faisait mouvoir dans
l’ombre ! Pour
l’historien qui s’en tient aux textes et que la haine n’anime pas, les choses
se présentent d’une façon toute naturelle. Le Comité de Salut public chargea
Robespierre du rapport à présenter sur le projet élaboré par Mathieu, parce
que, depuis plusieurs mois, Robespierre était chargé de tous les rapports
concernant la politique générale. Robespierre
se borna à s’approprier — presque sans y rien changer — le projet de Mathieu,
mais il le fit précéder d’un grand rapport où il définissait et justifiait le
but que la République se proposait dans l’institution des fêtes nationales.
Ici encore il ne fit que rappeler, en les systématisant, des idées qui
étaient courantes alors, des idées très souvent émises depuis le fameux
mémoire que Talleyrand avait consacré à l’instruction publique dans les
derniers jours de la Constituante, mais il les magnifia, ces idées banales,
dans un langage merveilleux d’une sincérité admirable. Jamais il ne fut plus
grand. Son discours fut écouté au milieu d’une attention véritablement
religieuse entrecoupée seulement de temps en temps par des applaudissements
frénétiques. Le morceau a la valeur d’un testament, mais ce n’est pas le
testament d’un homme, c’est le testament de toute une génération, de celle
qui 1 a fait la première République et qui croyait par la République
renouveler le monde. À ce titre il mérite de nous arrêter un instant. La
Révolution commence une ère nouvelle dans l’histoire de l’humanité. Voilà
l’idée que Robespierre met tout d’abord en vedette ! Il fait de la Révolution
à la fois l’aboutissement de tous les progrès antérieurs et le point de
départ de tous les progrès futurs. En quelques phrases brèves il note les
conquêtes de l’esprit humain : Le
monde a changé, il doit changer encore. Qu’y a-t-il de commun entre ce qui
est et ce qui fut ? Les nations civilisées ont succédé aux sauvages errants
dans les déserts ; les moissons fertiles ont pris la place des forêts
antiques qui couvraient le globe. Un monde a paru au-delà des bornes du monde
; les habitants de la terre ont ajouté les mers à leur domaine immense ;
l’homme a conquis la foudre et conjuré celle du ciel. Comparez le langage
imparfait des hiéroglyphes avec les miracles de l’imprimerie ; rapprochez le
voyage des Argonautes de celui de La Pérouse ; mesurez la distance entre les
observations astronomiques des mages de l’Asie et les découvertes de Newton,
ou bien entre l’ébauche tracée par la main de Dibutade et les tableaux de
David. Ce que
la raison humaine a fait pour la connaissance et l’utilisation de la nature,
il faut maintenant qu’elle l’accomplisse pour le bonheur des sociétés, car il
y a une science de la politique, comme il y a une science du monde matériel : Tout
a changé dans l’ordre physique, tout doit changer dans Tordre moral et
politique. La moitié de la révolution du monde est déjà faite, l’autre moitié
doit s’accomplir... C’est à
la France que revient l’honneur, la mission en quelque sorte d’accomplir la
Révolution politique, de renverser les trônes qui ne sont plus étayés que par
« la ligue des riches et de tous les oppresseurs subalternes ». Et
Robespierre entonne un éloge ému de la France révolutionnaire : Le
peuple français semble avoir devancé de deux mille ans le reste de l’espèce
humaine ; on serait tenté même de le regarder, au milieu d’elle, comme une
espèce différente. L’Europe est à genoux devant les ombres des tyrans que
nous punissons. En
Europe, un laboureur, un artisan est un animal dressé pour les plaisirs d’un
noble ; en France, les nobles cherchent à se transformer en laboureurs et en
artisans, et ne peuvent pas même obtenir cet honneur. L’Europe
ne conçoit pas qu’on puisse vivre sans rois, sans nobles ; et nous, que l’on
puisse vivre avec eux. L’Europe
prodigue son sang pour river les chaînes de l’humanité, et nous pour les
briser. Nos
sublimes voisins entretiennent gravement l’univers de la santé du roi, de ses
divertissements, de ses voyages ; ils veulent absolument apprendre à la
postérité à quelle heure il a dîné, à quel moment il est revenu de la chasse,
quelle est la terre heureuse qui, à chaque instant du jour, eut l’honneur
d’être foulée par ses pieds augustes, quels sont les noms des esclaves
privilégiés qui ont paru en sa présence, au lever, au coucher du soleil. Nous
lui apprendrons, nous, les noms et les vertus des héros morts en combattant
pour la liberté ; nous lui apprendrons dans quelle terre les derniers
satellites des tyrans ont mordu la poussière ; nous lui apprendrons à quelle
heure a sonné le trépas des oppresseurs du monde. Oui,
cette terre délicieuse, que nous habitons et que la nature caresse avec
prédilection, est faite pour être le domaine de la liberté et du bonheur ; ce
peuple sensible et fier est vraiment né pour la gloire et pour la vertu. Ô ma
patrie ! si le destin m’avait fait naître dans une contrée étrangère et
lointaine, j’aurais adressé au ciel des vœux continuels pour ta prospérité ;
j’aurais versé des larmes d’attendrissement au récit de tes combats et de tes
vertus ; mon âme attentive aurait suivi avec une inquiète ardeur tous les
mouvements de ta glorieuse révolution ; j’aurais envié le sort de tes
citoyens, j’aurais envié celui de tes représentants. Je suis Français, je
suis l’un de tes représentants... O peuple sublime ! reçois le sacrifice de
tout mon être ; heureux celui qui est né au milieu de toi ! plus heureux
celui qui peut mourir pour ton bonheur ! Mais la
France ne remplira sa mission qui est de délivrer le monde des rois et des
prêtres que si elle applique dans son propre gouvernement les principes de la
stricte justice. Pour Robespierre comme pour les philosophes du XVIIIe siècle
la politique n’est qu’une branche de la morale, qu’une morale en action : Le
fondement unique de la société civile, c’est la morale !... L’immoralité est
la base du despotisme, comme la vertu est l’essence de la République... Robespierre
montre alors que toutes les crises de la Révolution ont été causées par les
agents plus ou moins cachés du despotisme, c’est-à-dire du crime, par « Lafayette
qui invoquait la Constitution pour relever la puissance royale », par
Dumouriez « qui invoquait la Constitution pour protéger la faction
girondine contre la Convention nationale », par Brissot qui voulait faire de
la Constitution « »un bouclier pour parer le coup qui menaçait le trône
», par « Hébert et ses complices qui réclamaient la souveraineté du peuple
pour égorger la Convention nationale et anéantir le gouvernement républicain
», par Danton « ménageant tous les crimes, lié à tous les complots,
promettant aux scélérats sa protection, aux patriotes sa fidélité ; habile à
expliquer ses trahisons par des prétextes de bien public... » Abordant alors
son véritable sujet, Robespierre recherchait les moyens de faire cesser ces
crises, et définissait les principes qui devaient guider la Convention et
qu’elle devait faire pénétrer dans l’âme des Français pour les rendre enfin
insensibles aux pièges du despotisme : Ne
consultez que le bien de la patrie et les intérêts de l’humanité. Toute
institution, toute doctrine qui console et qui élève les âmes doit être
accueillie ; rejetez toutes celles qui tendent à les dégrader et à les
corrompre. Ranimez, exaltez tous les sentiments généreux et toutes les
grandes idées morales qu’on a voulu éteindre ; rapprochez par le charme de
l’amitié et par le lien de la vertu les hommes qu’on a voulu diviser... Autrement
dit, Robespierre mettait en avant le critérium de l’utilité sociale des
doctrines et il conseillait la prédication du déisme, non pas tant parce que
le déisme était une doctrine vraie que parce qu’elle était une doctrine
socialement utile. Il trouve pour vanter le bienfait social de la croyance en
Dieu des accents qui ne sont pas sans beauté : Vous
qui regrettez un ami vertueux, vous aimez à penser que la plus belle partie
de lui-même a échappé au trépas ! Vous qui pleurez sur le cercueil d’un fils
ou d’une épouse, êtes-vous consolé par celui qui vous dit qu’il ne reste plus
d’eux qu’une vile poussière ! Malheureux qui expirez sous les coups d’un
assassin, votre dernier soupir est un appel à la justice éternelle !
L’innocence sur l’échafaud fait pâlir le tyran sur son char de triomphe :
aurait-elle cet ascendant, si le tombeau égalait l’oppresseur et l’opprimé ?
Malheureux sophiste ! de quel droit viens-tu arracher à l’innocence le
sceptre de la raison pour le remettre dans les mains du crime, jeter un voile
funèbre sur la nature, désespérer le malheur, réjouir le vice, attrister la
vertu, dégrader l’humanité ? Plus un homme est doué de sensibilité et de
génie, plus il s’attache aux idées qui agrandissent son être et qui élèvent
son cœur ; et la doctrine des hommes de cette trempe devient celle de
l’univers. Eh ! comment ces idées ne seraient-elles point des vérités ? Je ne
conçois pas du moins comment la nature aurait pu suggérer à l’homme des
fictions plus utiles que toutes les réalités ; et si l’existence de Dieu, si
l’immortalité de l’âme n’étaient que des songes, elles seraient encore la
plus belle de toutes les conceptions de l’esprit humain. Comme
s’il prévoyait qu’on allait exploiter contre lui cette adhésion au déisme et
en faire état pour le représenter comme un chrétien déguisé, comme un
intolérant, Robespierre ajoutait aussitôt : Je
n’ai pas besoin d’observer qu’il ne s’agit pas ici de faire le procès à
aucune opinion philosophique en particulier, ni de contester que tel
philosophe peut être vertueux, quelles que soient ses opinions, et même en
dépit d’elles, par la force d’un naturel heureux ou d’une raison supérieure.
Il s’agit de considérer seulement l’athéisme comme national et lié à un
système de conspiration contre la République. Eh
! que vous importent à vous, législateurs, les hypothèses diverses par
lesquelles certains philosophes expliquent les phénomènes de la nature ? Vous
pouvez abandonner tous ces objets à leurs disputes éternelles : ce n’est ni
comme métaphysiciens, ni comme théologiens, que vous devez les envisager. Aux
yeux du législateur, tout ce qui est utile au monde et bon dans la pratique,
est la vérité. Cette
déclaration par laquelle Robespierre maintenait en principe les droits de la
pensée libre n’était pas pure précaution oratoire. Quelques jours plus tard,
le 26 floréal, un de ses amis, Julien fils, ayant proposé aux jacobins de
chasser les athées de la République, selon les conseils de Rousseau,
Robespierre s’y opposa énergiquement et avec succès. Robespierre
tient à l’idée de Dieu, mais parce que cette idée a une valeur sociale, la
moralité publique lui paraissant en dépendre. Il n’a jamais essayé,
remarquons-le, de définir Dieu, de prouver Dieu. Dieu lui apparaît comme une
sorte de fétiche verbal qui aimante les idées morales, fétiche précieux, à la
conservation duquel le bonheur des foules est attaché. Et Robespierre retrace
les dévouements que le fétiche a suscités dans le passé. Il s’attaque aux
encyclopédistes qu’il considère, avec beaucoup de raison, comme des bourgeois
épicuriens, très conservateurs dans le domaine des idées sociales. Il leur
oppose son maître Rousseau qui, lui, aimait le peuple, sans arrière-pensée. À la
secte des encyclopédistes il rattache tous ceux qui, dans la Révolution, ont
trahi la liberté, les Girondins, les Dantonistes, les Hébertistes, qui, tous
à l’en croire, faisaient semblant de combattre le fanatisme, mais en réalité
servaient sa cause par leurs excès comme par leurs indulgences. Pour abattre
le fanatisme, il ne faut, d’après lui, ni violence, ni faiblesse, mais une
fermeté clairvoyante. Fanatiques,
n’espérez rien de nous. Rappeler les hommes au culte pur de l’Être suprême,
c’est porter un coup mortel au fanatisme. Toutes les fictions disparaissent
devant la Vérité et toutes les folies tombent devant la Raison. Sans
contrainte, sans persécution, toutes les sectes doivent se confondre
d’elles-mêmes dans la religion universelle de la Nature. Nous vous
conseillerons donc de maintenir les principes que vous avez manifestés
jusqu’ici. Que la liberté des cultes soit respectée, pour le triomphe même de
la Raison, mais qu’elle ne trouble point l’ordre public et qu’elle ne
devienne point un moyen de conspiration. Si la malveillance
contre-révolutionnaire se cachait sous ce prétexte, réprimez- la, et
reposez-vous du reste sur la puissance des principes et sur la force même des
choses. On voit
par là en quoi différait la politique religieuse de Robespierre de celle des
Exagérés. Robespierre et les Hébertistes se proposent le même but : la
déchristianisation. Mais ils y tendent par des moyens différents. Les
Exagérés voulaient supprimer par les voies les plus rapides, au besoin par la
violence, toutes les cérémonies religieuses, publiques ou privées. Ils
fermaient les églises, arrêtaient les prêtres ou les forçaient à abdiquer,
considéraient comme un délit, comme un crime, tout acte de catholicisme, même
accompli dans le privé. Robespierre, lui, blâme l’emploi de la force, il veut
qu’on permette aux catholiques sincères et tranquilles de continuer leurs
pratiques, pourvu qu’elles ne soient pas un prétexte à rassemblements
aristocratiques. Il estime que les églises fermées doivent rester fermées, il
reconnaît le droit des communes à fermer celles qui sont encore ouvertes, il
applaudira aux nouvelles suppressions pourvu qu’elles s’opèrent sans
violence, mais, dans tous les cas, il demande qu’on respecte la liberté
religieuse, au moins dans le privé. Une manifestation catholique quelconque,
si elle n’est pas en même temps, par quelque côté, une manifestation
aristocratique, ne lui paraît pas un délit punissable. Les Exagérés faisaient
surtout œuvre négative. Ils se préoccupaient plus encore de détruire le
catholicisme que de le remplacer. Ils ouvraient bien des temples de la
Raison, mais ils y enseignaient moins des vérités morales et transcendantes
que des vérités politiques. Robespierre, lui, veut faire œuvre positive. Il
ne croit pas que la prédication civique suffise à tenir lieu du catholicisme
supprimé. Le point de vue moral, le point de vue social l’emporte chez lui
sur le point de vue politique. Le catholicisme n’est pas seulement pour lui
un système perfectionné de domination, une machine admirable à faire des
esclaves, c’est aussi une règle de vie, une morale. Et Robespierre entend que
la religion civique ait elle aussi sa morale et sa règle de vie. Il croit la
lui fournir en la faisant reposer sur les deux dogmes sociaux de
l’immortalité de l’âme et de l’existence de Dieu. Ainsi, pense-t-il, sera
ménagée la transition entre la religion ancienne et la nouvelle, entre le
catholicisme et la liberté. Ainsi sera ralliée définitivement à la République
la masse de la population imprégnée depuis des siècles d’esprit catholique. Robespierre
est tellement convaincu de la supériorité de sa méthode pour écraser l’ennemi
qu’il salue avec enthousiasme sa chute définitive : Prêtres
ambitieux, n’attendez donc pas que nous travaillions à rétablir votre empire
; une telle entreprise serait même au-dessus de notre puissance. Vous vous
êtes tués vous- mêmes, et on ne revient pas plus à la vie morale qu’à
l’existence physique. Et, d’ailleurs, qu’y a-t-il entre les prêtres et Dieu ?
Les prêtres sont à la morale ce que les charlatans sont à la médecine.
Combien le Dieu de la nature est différent du Dieu des prêtres ! Il ne
connaît rien de si ressemblant à l’athéisme que les religions qu’ils ont
faites. À force de défigurer l’Être suprême, ils l’ont anéanti autant qu’il
était en eux ; ils en ont fait tantôt un globe de feu, tantôt un bœuf, tantôt
un arbre, tantôt un homme, tantôt un roi. Les prêtres ont créé Dieu à leur
image ; ils l’ont fait jaloux, capricieux, avide, cruel, implacable. Ils
l’ont traité comme jadis les maires du palais traitèrent les descendants de
Clovis, pour régner sous son nom et se mettre à sa place. Ils l’ont relégué
dans Je ciel comme dans un palais, et ne l’ont appelé sur la terre que pour
demander à leur profit des dîmes, des richesses, des honneurs, des plaisirs
et de la puissance. Le véritable prêtre de l’Être suprême, c’est la Nature ;
son temple, l’univers ; son culte, la vertu ; ses fêtes, la joie d’un grand
peuple rassemblé sous ses yeux pour resserrer les doux nœuds de la fraternité
universelle et pour lui présenter l’hommage des cœurs sensibles et purs. Les
fêtes nationales formeront la conscience commune de la nation. Robespierre
les considère comme « le plus puissant moyen de régénération » : Que
toutes tendent à réveiller les sentiments généreux qui font le charme et
l’ornement de la vie humaine, l’enthousiasme de la liberté, l’amour de la
patrie, le respect des lois. Que la mémoire des tyrans et des traîtres y soit
vouée à l’exécration ; que celle des héros de la liberté et des bienfaiteurs
de l’humanité y reçoive le juste tribut de la reconnaissance publique ;
qu’elles puisent leur intérêt et leurs noms même dans les événements
immortels de notre révolution, et même dans les objets les plus sacrés et les
plus chers au cœur de l’homme ; qu’elles soient embellies et distinguées par
les emblèmes analogues à leur objet particulier. Invitons à nos fêtes et la
nature et toutes les vertus ; que toutes soient célébrées sous les auspices
de l’Être suprême ; qu’elles lui soient consacrées, qu’elles s’ouvrent et
qu’elles finissent par un hommage à sa puissance et à sa bonté. Robespierre
enfin, après avoir fait l’éloge des jeunes héros Bara et Viala, concluait en
proposant à la Convention un décret où il était dit : I.
Le peuple français reconnaît l’existence de l’Être suprême et l’immortalité
de l’âme. II.
Il reconnaît que le culte digne de l’Être suprême est la pratique des devoirs
de l’homme. III.
Il met au premier rang de ces devoirs de détester la mauvaise foi et la
tyrannie, de punir les tyrans et les traîtres, de secourir les malheureux, de
respecter les faibles, de défendre les opprimés, de faire aux autres tout le
bien qu’on peut, et de n’être injuste envers personne. IV.
Il sera institué des fêtes pour rappeler l’homme à la pensée de la Divinité
et à la dignité de son être. V.
Elles emprunteront leurs noms des événements glorieux de notre Révolution,
des vertus les plus chères et les plus utiles à l’homme, des plus grands
bienfaits de la nature. VI.
La République française célébrera tous les ans les fêtes du 14 juillet 1789,
du 10 août 1792, du 21 janvier 1793, du 31 mai 1793. VII.
Elle célébrera, aux jours de décadi, les fêtes dont l’énumération suit[4] : À
l’Être suprême et à la Nature[5]. Au
genre humain. Au
peuple français. Aux
bienfaiteurs de l’humanité. Aux
martyrs de la liberté. À
la Liberté et à l’Égalité. À
la République. À
la Liberté du monde. À
l’amour de la patrie. À
la haine des tyrans et des traîtres. À
la Vérité. À
la Justice. À
la Pudeur. À
la Gloire et à l’Immortalité. À
l’Amitié. À la Frugalité. Au
Courage. À
la bonne foi. À
l’héroïsme. Au
Désintéressement. Au
Stoïcisme. À
l’Amour. À
la Foi conjugale. À
l’Amour paternel. À
la Tendresse maternelle. À la Piété filiale. À
l’Enfance. À
la Jeunesse. À
l’Age viril. À
la Vieillesse. Au
Malheur. À
l’Agriculture. À
l’Industrie. À
nos Aïeux. À
la Postérité. Au
Bonheur. Les
derniers articles du projet de décret fixaient au 20 prairial la fête à
célébrer en l’honneur de l’Etre suprême et proclamaient le maintien de la
liberté des cultes, mais dans des limites étroites. Le
décret fut voté sans discussion au milieu d’un grand enthousiasme. La
Convention ordonna que le rapport de Robespierre serait traduit dans toutes
les langues, tiré à 200.000 exemplaires, envoyé aux communes, aux armées, aux
sociétés populaires pour être lu et affiché sur toutes les places publiques
et dans les camps. Quelques jours après, le 23 floréal, un arrêté du Comité
de Salut public fit graver au fronton des églises l’inscription : Le
peuple français reconnaît l’Être suprême et l’immortalité de l’âme. Les
agents nationaux furent chargés de donner lecture du discours de Robespierre
dans les temples républicains pendant trois décades consécutives. De
toutes les fêtes de la Révolution, la plus brillante, la plus populaire fut
certainement la Fête de l’Être suprême, célébrée à Paris et dans la plupart
des grandes villes le même jour, 20 prairial-8 juin. À
Paris, le grand peintre David avait été chargé de l’organisation de la fête.
Il en avait tracé le plan à la tribune de la Convention, dès le 18 floréal,
et il avait eu un long mois pour en préparer l’exécution[6]. Un
soleil radieux illumina la journée. « Une mer de fleurs, dit Michelet, inonda
Paris : les roses de vingt lieues à la ronde y furent apportées et des fleurs
de toutes sortes, ce qu’il fallait pour fleurir les maisons et les personnes
d’une ville de 700.000 âmes. » Les
tambours battirent le rappel, les cloches sonnèrent à toute volée, puis le
canon tonna. Les citoyens des 48 sections se rendirent en groupes aux
Tuileries sur deux colonnes, les femmes d’un côté, les hommes de l’autre, six
de front ; entre deux colonnes, le bataillon des adolescents portant le
drapeau de la section. Les femmes tenaient des fleurs à la main, les hommes
des branches de chêne. « La joie qui rayonnait dans tous les yeux, dit
Tissot, le beau-frère de Goujon, avait quelque chose de calme et de
religieux. Les femmes étaient dans le ravissement. » Chaque section se rangea
autour d’un jalon qui lui indiquait sa place dans le jardin des Tuileries. À midi,
la Convention parut en corps, ses membres portant pour la première fois leur
costume officiel, l’habit bleu, la culotte courte, l’écharpe et le chapeau
aux plumes tricolores, tous un bouquet de blé, de fleurs et de fruits à la
main. Robespierre qui présidait la Convention depuis quatre jours était à
leur tête. Us prirent place sur un amphithéâtre adossé au palais. Un corps de
musique salua leur venue en jouant un air. Robespierre fit un signe. Dans la
foule immense le silence se fit. Il prit la parole et fit l’éloge de la
croyance en Dieu. ...
Il n’a point créé les rois pour dévorer l’espèce humaine ; il n’a point créé
les prêtres pour nous atteler, comme de vils animaux, au char des rois, et
pour donner au monde l’exemple de la bassesse, de l’orgueil, de la perfidie,
de la débauche et du mensonge ; mais il a créé l’univers pour publier sa
puissance ; il a créé les hommes pour s’aider et pour s’aimer mutuellement,
et pour arriver au bonheur par la route de la vertu... Quand
Robespierre eut fini, les artistes de l’Opéra exécutèrent l’hymne de
Desorgues, mis en musique par Gossec. Père
de l’Univers, suprême Intelligence, Bienfaiteur
ignoré des aveugles mortels Tu
révélas ton être à la reconnaissance Qui
seule éleva tes autels ! Les
chanteurs des sections auxquels les membres de l’Institut national de musique
avaient appris les jours précédents les hymnes de la cérémonie mêlèrent leurs
milliers de voix au chœur des musiciens de l’Opéra. Robespierre
prit une torche et mit le feu à un monument de l’Athéisme élevé au milieu du
grand bassin. Une statue de la Sagesse émergea des cendres de l’Athéisme.
Robespierre remonta à la tribune et prononça un second discours : « Il est
rentré dans le néant ce monstre que le génie des rois avait vomi sur la
France. Qu’avec lui disparaissent tous les crimes et tous les malheurs du
monde ! Armés tour à tour des poignards du fanatisme et des poisons de
l’athéisme, les rois conspirent toujours pour assassiner l’humanité. S’ils ne
peuvent plus défigurer la Divinité par la superstition pour l’associer à
leurs forfaits, ils s’efforcent de la bannir de la terre pour y régner seuls
avec le crime. » Cette
éloquence, à la mode du siècle vertueux et sensible, fit sur les
contemporains la plus vive impression. La Harpe, le littérateur en vogue,
écrivit à Robespierre pour lui envoyer ses félicitations. Boissy d’Anglas
compara l’orateur à « Orphée enseignant aux hommes les principes de la
civilisation et de la morale ». Après
un dernier hymne, le cortège se forma : les 24 premières sections en tête,
les 24 dernières en queue, entre les deux la Convention, l’Institut national
de musique la précédant, et, au milieu des députés, un char immense de forme
antique drapé de rouge, traîné par 8 bœufs aux cornes d’or, sur le char une
charrue avec une gerbe de blé et une presse d’imprimerie ombragées l’une et
l’autre par l’arbre de la liberté. On se mit en marche le long de la Seine
vers le Champ de Mars où devait s’exécuter la deuxième partie de la fête. En
passant devant les Invalides, les militaires qui y étaient nourris aux frais
de la République saluèrent la Convention « en portant leurs mains au ciel et
en jurant à la fois de mourir pour la liberté. » Au
Champ de Mars, une Montagne symbolique immense occupait l’ancien emplacement
de l’autel de la patrie. La Convention précédée par Robespierre monta au
sommet qu’ombrageait l’arbre de la liberté. Les musiciens et les chanteurs au
nombre de plusieurs milliers prirent place sur les côtés, les hommes à
droite, les femmes à gauche. Les bataillons carrés des adolescents
entouraient la Montagne. Les sections couvraient la plaine. L’encens brûlait.
Sur une colonne montait un trompette pour avertir le peuple du moment où les
refrains des hymnes devaient être repris en chœur. Gossec dirigeait la
musique. On entonna plusieurs hymnes dont l’hymne fameux de M. J. Chénier : Dieu
du peuple, des rois, des cités, des campagnes, De
Luther, de Calvin, des enfants d’Israël Toi
que le Guèbre adore au fond de ses montagnes En
invoquant l’astre du ciel, Ici
sont rassemblés sous ton regard immense De
l’empire français les fils et les soutiens. Cet
hymne, dit Tissot, « produisit une espèce de frissonnement intérieur et
de recueillement religieux, que l’on ne saurait exprimer, même après l’avoir
senti au milieu de 500.000 témoins, tous frappés de la même émotion. » Cent
mille voix redirent le refrain qui était un serment : Avant
de déposer nos glaives triomphants Jurons
d’anéantir le crime et les tyrans. Les
hommes chantaient une strophe, les femmes en chantaient une autre et le
refrain était repris par tous les assistants. Finalement, les filles jetèrent
leurs fleurs vers le ciel, les adolescents tirèrent leurs sabres, les
vieillards les bénirent. « Une décharge générale d’artillerie,
interprète de la vengeance nationale, a retenti dans les airs et tous les
citoyens et citoyennes, confondant leurs sentiments dans un embrassement
fraternel, ont terminé la fête en élevant vers le ciel ce cri de l’humanité
et du civisme : Vive la République ![7] » M.
Aulard veut que Robespierre en présidant cette belle fête « crut vraiment
qu’il inaugurait une religion nouvelle[8] ». M. Aulard est cependant
obligé de convenir que les contemporains n’eurent aucunement cette
impression. Il sait qu’on n’attendit pas le 18 floréal ni le 20 prairial pour
célébrer l’Être suprême. Il remarque même qu’à Lunéville les Jacobins avaient
organisé le culte de l’Être suprême « avant même la proclamation du Culte de
la Raison » (sic)[9], comme s’il y avait eu une
proclamation officielle du culte de la Raison ! Il cite lui-même plusieurs
témoignages qui établissent que le décret du 18 floréal fut accueilli en
province « comme la conséquence de la cérémonie du 20 brumaire »,
c’est-à-dire comme la conséquence de la fête de la Raison. M. Aulard avoue
même qu’ « en fait, une grande partie de la France sembla ignorer la révolution
religieuse tentée par Robespierre[10] ». Singulière révolution
religieuse dont les contemporains ne s’aperçoivent pas, mais que M. Aulard a
pu découvrir grâce aux pamphlets thermidoriens ! La
vérité, c’est qu’il n’y eut aucune révolution religieuse à ce moment-là. La
révolution religieuse avait eu lieu en brumaire quand les prêtres
abdiquèrent. En floréal, Robespierre se proposait de consolider cette
révolution religieuse en voie d’achèvement, bien loin d’en provoquer une
autre. L’objet qu’il se proposait, nous le connaissons par le discours qu’il
prononça le 18 floréal et que nous avons analysé tout à l’heure. Nous le
connaissons aussi par une lettre que l’ami de Robespierre, Payan, agent national
de la commune de Paris, lui écrivait le lendemain même du 18 floréal : Ce
décret, disait Payan, « va rallier à la même doctrine les patriotes des
départements incertains et divisés : il ne crée point une religion et des
prêtres, mais prouve que les législateurs ne veulent point ravir au peuple le
dogme consolant de l’existence de Dieu et de l’immortalité de l’âme ».
Rallier les patriotes divisés autour d’une doctrine commune et autour du
gouvernement, tel était l’objet primordial que s’était proposé Robespierre,
simple organe en cela du Comité de Salut public et de la Convention
elle-même. Les patriotes étaient divisés ou plutôt désorientés par la double
exécution des dantonistes et des hébertistes, il fallait faire cesser leurs
doutes, leurs hésitations, il fallait leur offrir un centre de ralliement.
Comment ? D’une part, en prouvant aux plus déterminés des déchristianisateurs
que le règne des prêtres était passé et bien passé, que les fêtes nationales
désormais organisées allaient remplacer définitivement les offices
catholiques abolis ; d’autre part, en faisant oublier aux citoyens, hier
encore catholiques, leur ancienne religion par des fêtes qui l’emporteraient
sur les cérémonies catholiques pour la magnificence esthétique comme pour la
vertu morale. Ce
double but, Payan, l’ami de Robespierre, le mit parfaitement en relief dans
une adresse présentée à la Convention au nom de la Commune, le 25 floréal : Ce
n’est point une religion que vous avez créée ; ce sont des principes simples,
éternels, que le souvenir récent de la superstition de l’athéisme vous a mis
dans le cas de rappeler aux hommes... C’est en vain que la malveillance
s’efforcera de persuader que votre innocent décret fera sortir de sa tombe
ensanglantée le monstre hideux du fanatisme ; le législateur qui l’a proposé
a, dans son rapport, assimilé les prêtres aux rois. D’après cette idée bien
juste, il n’y aura pas un grand nombre de citoyens qui puissent désirer
d’être prêtres aujourd’hui. Quel est celui qui ne préfère pas des principes
simples, éternels comme la nature, à un culte mystique, inexplicable ? un
Dieu juste et bienfaisant au Dieu des prêtres ?...[11] Autrement
dit, pour Payan, fidèle interprète de la pensée de Robespierre, le décret du
18 floréal sonne le glas du catholicisme. Le système de fêtes nationales
qu’il met à sa place n’est pas, à proprement parler, une religion, car il n’y
aura pas de prêtres républicains pour célébrer les offices décadaires ; ce
que la Convention institue n’est qu’une morale politique et sociale, mais une
morale sublime qui garde de la religion tous les bons effets sans les vices. Robespierre
put croire avoir atteint l’objet qu’il se proposait : rallier les catholiques
patriotes et les patriotes philosophes dans une même adoration de la
République et de Dieu. Les félicitations affluaient à la Convention. La
commission des dépêches qui recevait les adresses déclarait que le décret du
18 floréal « excitait les acclamations universelles du peuple[12] ». Les
plus violents des déchristianisateurs n’étaient pas les derniers à applaudir.
Lequinio, qui avait à Rochefort, en brumaire, nié la vie future, faisait
maintenant aux Jacobins l’éloge le mieux senti du rapport de Robespierre. «
Il a été, disait-il, applaudi à chaque phrase. Nous aurions voulu l’applaudir
toutes les fois qu’il imprimait dans nos âmes des sentiments élevés et dignes
de la liberté. » Le poète Silvain Maréchal, un des athées les plus déterminés
qu’il y eût alors, parla avec force éloges de la fête du 20 prairial[13]. Si les
déchristianisateurs se félicitaient ainsi, ce n’est pas, comme on l’insinue,
par flatterie pour le dictateur ; ils avaient des raisons sérieuses d’être
satisfaits. La déchristianisation continuait avec une vigueur accrue. Il
semblait bien que le rappel de la liberté des cultes inséré dans le décret du
18 floréal n’avait qu’une valeur de principe, qu’une valeur d’attente. C’est
après le 18 floréal qu’ « il fut procédé à la fermeture du plus grand
nombre d’églises ». M. Aulard le constate, et nous pouvons l’en croire[14]. « Les déprêtrisations
forcées, répète-t-il, devinrent en quelques endroits bien plus nombreuses que
du temps d’Hébert[15] ». Il est vrai que M.
Aulard ajoute que ce fut malgré Robespierre que ces églises furent fermées,
ces prêtres déprêtrisés, mais, comme d’habitude, il ne donne à l’appui de son
insinuation pas le moindre commencement de preuve. Si Robespierre avait été
vraiment le dictateur, le pontife qu’il nous dépeint, il aurait pu sans doute
empêcher, entraver la chute irrémédiable du catholicisme. S’il ne l’a pas
fait, c’est ou qu’il n’était pas dictateur ou c’est qu’il ne l’a pas voulu.
Nous n’avons aucune raison de douter des sentiments d’aversion qu’il
exprimait si hautement et si souvent à l’égard des prêtres. Ce n’était pas un
de ces anticléricaux qui mangent du prêtre en paroles après boire et qui se
servent ensuite de son ministère. Il ne pratiquait pas dès le collège, au
grand scandale de ses professeurs en soutane. On ne peut pas lui reprocher,
comme à Danton, de n’avoir pas mis sa vie d’accord avec ses principes. Ce qui
est vrai, c’est que Robespierre blâmait les violences inutiles et funestes. Ce qui
est vrai, c’est qu’il a essayé de rallier les catholiques à la Révolution et
il y a réussi dans une large mesure. Payan, son ami, disait, le lendemain de
la fête du 20 prairial, devant la Commune de Paris : « Tous les citoyens
étaient satisfaits du culte simple et naturel rendu à l’Être suprême, ils ne
regrettaient ni leurs prêtres, ni leurs superstitions, ils promettaient de
chérir la vertu et la liberté ; ils croyaient satisfaire à leur dette envers
la Divinité et la patrie. Le sentiment de la fraternité unissait tous les
cœurs... » Cette union, cette réconciliation que Payan constatait à Paris,
d’autres témoignages prouvent qu’elle s’est produite dans le reste du pays. À
Lyon, la ville pieuse, la fête fut célébrée avec un enthousiasme général. Il
en fut de même à peu près partout. Loin
d’avoir favorisé le catholicisme, le décret du 18 floréal sembla lui avoir
porté le dernier coup et compléter l’œuvre commencée avec précipitation le 20
brumaire. Les étrangers ne s’y trompèrent pas. Le pamphlétaire royaliste
Mallet du Pap, écrit dans ses Mémoires : « La fête de l’Être suprême
produisit au dehors un effet extraordinaire ; on crut véritablement que
Robespierre allait fermer l’abîme de la Révolution[16]. » Hélas !
Si Robespierre avait pu réunir dans un même sentiment patriotique la majorité
des Français, cet instant fut court et son triomphe sans lendemain. La
calomnie, l’envie, la peur et le crime allaient ruiner son œuvre et la
République elle-même. Les
parlementaires corrompus qu’il avait fait rappeler de leurs missions dans les
départements et que menaçait ou importunait sa probité rigide virent dans la
fête de l’Être suprême le moyen de jeter du ridicule sur le justicier qu’ils
redoutaient et haïssaient. Ils n’étaient pas moins déistes pour la plupart
que Robespierre lui- même et, quand ils l’eurent renversé, ils se gardèrent
bien de rapporter le décret du 18 floréal et de répudier l’Être suprême.
Beaucoup finiront, comme de juste, dans la peau de dévots repentis et zélés.
Mais, en attendant, ils firent courir le bruit que Robespierre n’était qu’un
catholique déguisé, qu’il visait à rétablir le clergé constitutionnel et à
s’en faire un instrument de domination. Ils le traitèrent entre eux de pontife.
Quelques- uns même, comme Bourdon de l’Oise et Lecointre, l’invectivèrent en
sourdine à la fête du 20 prairial. Les membres du Comité de Sûreté générale
montaient quelques jours après la machine de guerre qui s’appela l’affaire
Catherine Théot, dans l’espoir de compromettre Robespierre avec une vieille
dévote inoffensive[17]. Bref, ils lancèrent la légende
qui n’a que trop fait fortune, puisqu’elle est répétée de nos jours par des
historiens qu’on juge accrédités. On peut
maintenant apprécier la légende. Je serais payé de ma peine si j’avais
convaincu quelques-uns de mes lecteurs qu’il est temps de réhabiliter l’homme
d’État qui, du commencement jusqu’à la fin de sa carrière politique, n’eut
qu’une passion, celle du bien public et qui marcha vers le haut idéal qu’il
s’était fixé avec une rectitude de pensée et d’action admirable et
réconfortante. Robespierre aima d’un amour profond et désintéressé le peuple,
le vrai peuple aux mains calleuses et au cœur chaud. Il l’aima jusque dans
ses faiblesses, jusque dans ses préjugés. Il comprit, que pour l’élever à la
Révolution et le détacher de ses superstitions, il ne fallait pas heurter de
front sa mentalité séculaire, ébranler d’un seul coup ses croyances
fondamentales. Il s’ingénia à lui présenter l’émancipation nécessaire sous la
forme la moins troublante à son entendement. Il lui parla le seul langage qui
lui était accessible. On peut penser ce qu’on voudra du déisme de Robespierre. Qu’on le trouve périmé, usé, je n’y contredis pas, mais il a ménagé le passage entre le catholicisme exclusif et tyrannique et la pensée libre. Il a été un échelon nécessaire. Quelle injustice aussi de reprocher à Robespierre son déisme quand on n’adresse pas le même reproche à ses adversaires, quand on a pour ceux-ci, notamment pour ce Danton si trouble, toutes les indulgences. On ne peut faire à Robespierre un crime d’avoir été de son temps. On doit lui tenir compte, un très grand compte de ce qu’il a toujours subordonné son idéal religieux à son idéal social. Il aimait moins Dieu que le peuple et il n’aimait Dieu que parce qu’il le croyait indispensable au peuple. |
[1]
C’est ce que j’ai démontré dans mes Origines des cultes révolutionnaires.
Paris, Cornély, 1904.
[2]
Voir l’étude sur Robespierre et la déchristianisation dans mon livre La
Révolution et l’Eglise.
[3]
Culte de la Raison, 2e éd., p. 266.
[4]
Cette énumération était textuellement empruntée au rapport antérieur de
Mathieu.
[5]
Remarquez cette formule panthéiste : L’Être suprême et la Nature !
[6]
Cf. Julien Tiersot, Les fêtes et les chants de la Révolution française,
Hachette, 1908, ch. VI.
[7]
Procès-verbal officiel.
[8]
Culte de la Raison, p. 323.
[9]
Culte de la Raison, p. 333.
[10]
Culte de la Raison, p. 346.
[11]
Aulard, Culte de la Raison, p. 286.
[12]
Le 14 prairial (Moniteur, XX, 633). Cf. aussi le 7 prairial (Moniteur,
XX, 573).
[13]
Dans son Tableau des événements révolutionnaires, paru en l’an III.
[14]
Histoire politique de la Révolution, p. 480.
[15]
Culte de la Raison, p. 353.
[16]
Cité par E. Hamel, Histoire de Robespierre, III, 544.
[17]
J’ai étudié l’affaire Catherine Théot dans mes Contributions à l’histoire
religieuse de la Révolution. Alcan, 1906.