AUTOUR DE ROBESPIERRE

 

CHAPITRE PREMIER. — ROBESPIERRE JEUNE EN FRANCHE-COMTÉ.

 

 

Pluviôse an II.

 

Quand les adversaires de la Révolution s’attachent à confondre Robespierre avec la Terreur et à faire retomber sur ce grand démocrate tout le sang qui fut alors versé, ils sont dans leur rôle. Pour atteindre l’idée démocratique ils visent l’homme qui la personnifia et qui la fit triompher tant qu’il vécut. Mais, quand de soi-disant^ admirateurs du « bloc » révolutionnaire, quand de prétendus républicains se laissent aller à faire chorus, je ne puis m’empêcher ou d’accuser leur prodigieuse ignorance et leur manque égal de clairvoyance ou de me demander si l’amour du progrès qu’ils étalent est bien sincère. La vérité qui s’impose à quiconque sans parti pris s’informe avant de porter un jugement, à quiconque prend la peine de lire les textes et d’en dégager le sens à la lumière des circonstances, la vérité, Ernest Hamel l’a formulée depuis longtemps et elle crève les yeux : « Robespierre fut de tous les hommes de la Révolution celui qui sut allier au plus haut degré, sans jamais rien concéder au parti réactionnaire, la modération, la sagesse à ce qu’il fallait d’énergie et de rigueur pour le triomphe de l’idée républicaine[1]. »

Rien peut-être n’est plus révélateur du caractère exact de la politique de Robespierre que la mission que remplit son frère Augustin en Franche-Comté durant le mois de pluviôse an II (fin janvier et février 1794). Pendant que Robespierre aîné, sans cesse sur la brèche aux jacobins et à la Convention, s’interpose comme un médiateur entre hébertistes et dantonistes, les invite à faire le sacrifice de leurs rancunes particulières à l’intérêt de la République, tandis qu’il désavoue à la fois les violences du Père Duchesne, qui apeurent l’opinion, et les indulgences du Vieux Cordelier qui rendent courage aux aristocrates et discréditent l’institution révolutionnaire, tandis qu’il démasque courageusement les intrigants et les fripons des deux partis, les ultra- révolutionnaires qui pensent faire oublier par une surenchère démagogique les tares de leur vie publique et privée et les ultra-révolutionnaires qui comptent noyer leurs tripotages dans une amnistie générale et qui n’hésitent pas à chercher leur salut personnel dans la faillite du régime, Robespierre jeune combat dans une province française les mêmes adversaires, les mêmes erreurs et les mêmes calculs. Il s’efforce de se maintenir à égale distance du modérantisme et de l’exagération qui mènent par des voies différentes à la Contre-Révolution. Il se propose avant tout de faire aimer la République plutôt que de la faire craindre, tout en la faisant respecter, et il y réussit. Quand il part, il a gagné le cœur des populations reconnaissantes, mais les politiciens, pour qui la Terreur est une carrière, lui gardent de vives rancunes d’avoir arrêté leurs exploits et ils préparent leurs vengeances.

 

Robespierre jeune, au lendemain de la prise de Toulon, était revenu à l’improviste à Paris signaler au Comité de Salut public les divergences profondes qui les séparaient, lui, Ricord et Salicetti, de leurs deux autres collègues de mission, Barras et Fréron[2]. Il s’était plaint que ceux-ci ne songeaient qu’à terroriser, il avait dépeint leurs cruautés à Marseille, il avait dit un mot de leurs brigandages. Aux jacobins, il avait accusé Hébert, le 16 nivôse, d’être la cause des mouvements contre le culte qu’il jugeait impolitiques. Il avait donc adhéré à la politique de son frère, il dénonçait comme lui les exagérés et les fripons.

Or, Robespierre aîné venait précisément d’apprendre que le système de Barras et de Fréron, d’Hébert et de Chabot était alors appliqué dans la Haute-Saône par le représentant Bernard (de Saintes) qui terrorisait les populations pour se livrer à ses petites affaires en toute sécurité. Robespierre aîné était informé par un Vésulien, homme de valeur, le pharmacien Viennot, qui sera plus tard professeur de chimie à l’École centrale. Viennot lui avait sans doute été présenté par son ancien camarade de collège Humbert, chez qui Robespierre avait logé sous la Constituante, rue de Saintonge, au Marais. Viennot avait fait le voyage de Paris pour plaider devant Maximilien « la cause du patriotisme opprimé[3] ». Il lui avait représenté que le département de la Haute-Saône était un des plus patriotes de France, qu’il n’avait jamais été troublé pour ainsi dire par les querelles religieuses si graves ailleurs, car les prêtres réfractaires y avaient toujours été en petite minorité[4]. Il lui avait rappelé que ce département patriote avait levé à lui seul 12 bataillons de volontaires et avait mérité pour ce fait d’être cité en exemple au reste de la France[5], qu’il avait été le premier à payer ses contributions, que nulle part la loi et la Convention n’étaient plus respectées. Sans doute, au moment du 31 mai, l’administration départementale avait protesté contre la violence faite à la Convention, mais cette protestation était une preuve de la sincérité même de son obéissance. Les administrateurs n’avaient d’ailleurs pas tardé à adhérer au fait accompli. Comment se faisait-il donc que le représentant Bernard (de Saintes), sans prendre la peine de faire une enquête, sans visiter le département, ait destitué en bloc et placé en surveillance toutes les autorités constituées, qu’il ait mis sous le coup de la loi des suspects les magistrats en qui le peuple avait confiance et qu’il les ait remplacés par d’autres « immoraux et avides de gains », qui multipliaient les arrestations sous les prétextes les plus futiles ? Les prisons de Vesoul regorgeaient de centaines de détenus. Les meilleurs patriotes, ceux qui avaient donné des gages à l’ordre nouveau dès 1789, le président de la société populaire de Vesoul et son frère, étaient au nombre des reclus. Bernard de Saintes menaçait de faire couler le sang. Il avait écrit le 2 frimaire au commissaire national du district de Lure : « Puisque les Gauthier de Pomoy ont été renvoyés au tribunal révolutionnaire, dépêche- toi de les faire partir pour Paris, il ne faut pas laisser vivre les scélérats ni jeûner la guillotine[6]. » Ces malheureux furent plus tard acquittés par le tribunal révolutionnaire. Partout les agents de Bernard, notamment Joly, l’ancien procureur général syndic, que les Vésuliens appellent dans un mémoire « son favori et son vizir », fermaient les églises, les dévastaient, menaçaient les paisibles curés constitutionnels des pires violences s’ils continuaient leurs offices. En regard de ces excès que rien ne justifiait, Viennot dépeignait à Robespierre aîné la conduite personnelle du représentant du peuple. Il s’était entouré à Montbéliard, possession du duc de Wurtemberg, dont il avait fait la facile conquête, d’hommes d’affaires suspects, tels que le juif belfortain Tréfous qui faisait de fréquents voyages à Bâle, le banqueroutier bisontin Petitcolas qui avait changé son nom en celui de Pury, le maître de forges d’Audincourt, Rochet, etc. Avec le juif Tréfous, il avait passé un marché de 10.000 aunes de drap à raison de 36 francs, 10 sols l’aune, alors qu’un négociant de Vesoul, Genoux-Prachée, lui offrait la même marchandise pour 16 francs l’aune. Le marché parut si scandaleux à Hérault de Séchelles qu’il retint un moment Tréfous et lui reprocha d’avoir « acheté » son marché[7]. Le fermier des forges d’Audincourt, Rochet, était devenu le familier de Bernard, qui l’exempta par un arrêté spécial du paiement d’une somme de 16.000 livres qui était sa part dans la contribution de 250.000 livres dont avaient été frappées les campagnes du pays de Montbéliard[8]. Bernard fit mieux. Il nomma Rochet président du nouveau district de Montbéliard rattaché au département de la Haute-Saône. Il pourvut à l’approvisionnement de ses forges par des réquisitions[9], il recommanda ses fers à la Convention : « ils sont de première qualité, ils imitent l’acier...[10] », il l’autorisa à couper dans les forêts trente arpents[11], bref il traita Rochet en ami comme Tréfous.

La vente du splendide mobilier que les ducs de Wurtemberg avaient accumulé dans leurs châteaux de Montbéliard et d’Étupes donna lieu à un scandale qui indigna la population.

Les enchères avaient commencé avant même que l’inventaire fût terminé. Bernard participait aux enchères. Il achetait pour 300 livres en assignats une voiture du duc, pour plus de mille livres de linge de table, une foule de pièces de porcelaine, etc. Le crieur disait : A tant pour le Représentant, et chacun se taisait naturellement[12]. L’ancien acteur Naudet, l’homme à tout faire du représentant, peut-être en la circonstance son homme de paille, se fait adjuger fauteuils, bergères, chiffonnières, rideaux, pour plus de 3.000 livres, mais surtout « presque pour rien, dit M. L. Sahler, de petits tableaux, des gravures, des mosaïques, des fayences artistiques, des statuettes et des bustes en bronze, en marbre, des coupes de porcelaine ou d’agathe, des médaillons et des miniatures, des vases d’ivoire travaillé, des pyramides, des consoles ou pieds sculptés et dorés[13] ». « On en monterait plusieurs magasins », dit le même auteur. L’ami Rochet ne s’oublie pas. Châlits en bois sculpté, rideaux de damas, tapisseries, trumeaux, commodes en cuivre, fourneaux de fayence, dessus de portes à cadres dorés, secrétaire à cylindres, chaises et canapés, huit cabriolets, sophas, etc., sont sa part dans le butin. L’ami Tréfous est absent, mais Bernard prévoyant a pensé à lui. Il fit mettre de côté à son intention une série d’objets qui furent soustraits aux enchères, dix- huit lustres de cristal, douze flambeaux de cristal, divers bustes et colonnes, toute une bibliothèque d’ouvrages allemands, le tout pour 4.000 livres environ, naturellement payables en assignats. Bernard pousse la sollicitude jusqu’à faire charger sur cinq voitures les meubles de Tréfous. Il réquisitionne des chevaux d’artillerie pour conduire trois d’entre elles à Bâle, pendant que Rochet prête ses chevaux pour conduire les deux autres à la même destination. Le départ de ces voitures donna lieu à un incident. Sans tenir compte de la permission écrite donnée par Bernard aux voituriers, l’agent national du district de Montbéliard, le citoyen Bouillon, voulut s’opposer au départ du chargement. Mal lui en prit, Bernard le révoqua par arrêté du 1er pluviôse et le remplaça par un de ses favoris, l’ancien banqueroutier Petitcolas devenu Pury.

Le citoyen Viennot ne dut pas avoir beaucoup de peine à convaincre les Robespierre que Bernard de Saintes représentait dans la Haute-Saône le terrorisme d’affaires.

Robespierre jeune devait retourner à l’armée d’Italie rejoindre Ricord et Salicetti. Il fut décidé qu’il ferait Un crochet sur Vesoul en se rendant à sa destination. Il n’avait pas de mission particulière pour la Haute- Saône. Le Comité de Salut public ne lui remit à son départ aucuns pouvoirs. Il fut convenu, qu’il voyagerait d’abord en touriste pour se rendre compte, pour vérifier de visu et de auditu le récit du citoyen Viennot. Humbert, l’ancien condisciple de Robespierre aîné, avait un frère à Vesoul, ci-devant procureur. Ce frère était alors absent de cette ville. Il s’était rendu à Paris sans doute pour accompagner Viennot. Robespierre jeune profiterait de son absence pour s’établir dans sa maison. Afin de ne pas éveiller les susceptibilités de Bernard, il lui écrivit pour lui annoncer son arrivée et pour lui demander de se rencontrer à Vesoul avec lui.

Bernard, qui est en lutte avec la société populaire de Montbéliard et qui sait de quelle influence jouit Robespierre jeune dans les sphères gouvernementales, s’empresse de se rendre à l’invitation qui lui est adressée. Il en donne avis au Comité de Salut public le 30 nivôse. Pourtant il ne part pas pour Vesoul sans appréhension. Le jour même où il avait révoqué Bouillon, l’agent national de Montbéliard, coupable de s’être opposé au trafic de Tréfous, Bouillon avait osé lui répliquer qu’il était arrivé un autre représentant du peuple dans le département de la Haute-Saône qui lui ferait rendre compte de sa conduite[14].

Ce langage avait paru à Bernard séditieux au premier chef et il en avait tenu compte dans les motifs de son arrêté de révocation : « Considérant... que déprécier un représentant du peuple et mépriser ses arrêtés quand il est absent et que l’on compte sur l’arrivée d’un autre, est d’une âme basse, servile et capable même de trahison ! » Il pouvait se demander si Robespierre jeune n’avait déjà pas prêté l’oreille à toutes les plaintes dont sa conduite dans la Haute-Saône avait été l’objet, d’autant plus qu’il arrivait à Vesoul en compagnie de Viennot. Mais quels que fussent alors ses sentiments, il les garda pour lui.

Il rencontre Robespierre à Vesoul le 3 pluviôse-22 janvier 1794. Tous les deux se rendent le soir même à la société populaire. On offre à Bernard le fauteuil de la présidence que Robespierre avait déjà occupé. La discussion s’engage sur les administrateurs destitués et mis en réclusion pour cause de fédéralisme. Leurs partisans, qui sont nombreux dans la société, plaident leur cause avec chaleur. Qu’est-ce que le fédéralisme, demande un citoyen ? C’est le projet de remplacer la grande république une et indivisible par une poussière de petites républiques autonomes. Ce projet n’a jamais germé dans la tête des administrateurs de la Haute- Saône. Par leur arrêté du 14 juin 1793, ils se sont proposés de procurer à la Convention la liberté et la sécurité dont ils la croyaient dépourvue. Loin de penser à détruire le centre du gouvernement, ils voulaient l’affermir, le mettre hors de toute atteinte. La démonstration est si convaincante que personne ne se lève pour y répondre. Joly lui-même, le délégué, le vizir de Bernard de Saintes, reconnaît que les magistrats destitués n’étaient que « trompés » et il vote pour leur mise en liberté. Alors Robespierre, qui a échangé quelques mots avec Bernard, tire en ces termes la conclusion du débat : « Ceux à qui vous vous intéressez n’étaient pas coupables ; je vois avec plaisir que mon collègue partage mes opinions. Il me charge de vous annoncer que nous allons prendre des mesures qui contenteront tout le monde[15]. » Bernard ajoute quelques mots pro domo. Il parle « des causes bien excusables qui, de part et d’autre, ont pu l’entraîner dans quelque tort » et, séance tenante, il rédige lui-même l’arrêté qui accorde la liberté aux anciens administrateurs destitués. Tout est à la joie et à la concorde, Bernard semble tout à lait gagné aux idées de clémence de Robespierre. Il l’invite à dîner le soir même[16] et le lendemain ils se quittent en apparence les meilleurs amis du monde. Bernard revient à Montbéliard. Il est encore tout à l’indulgence. Le 10 pluviôse, 27 janvier, il rétablit dans ses fonctions d’administrateur du district le citoyen Berger qu’il avait destitué en même temps que Bouillon pour son attitude dans l’incident des voitures de Tréfous. Le même jour, il donne une compensation à Bouillon en le nommant commissaire national près le tribunal du district[17]. Peut-être espère-t-il, par ces mesures de réparation, prévenir des dénonciations qu’il redoute ?

Pendant ce temps Robespierre jeune se repose à Vesoul. Il n’a pas l’austérité mélancolique de son frère. Le beau sexe a pour lui des charmes. Il a emmené avec lui une créole, la citoyenne La Saudraye, femme d’un académicien, qui se plut dans le pays et fit part à Viennot de son intention d’acheter dans les environs le domaine de la Montoyotte[18]. Charles Nodier, qui vit cette femme au bras de Robespierre, dit qu’il ne la trouva « ni belle ni jolie » mais que cependant son aspect lui fit une profonde impression. « Il y avait quelque chose de pénétrant, de caustique et presque d’infernal dans son regard et dans son sourire[19]. » Robespierre ne parcourait pas seulement la carte du Tendre. Il causait et s’informait. De toutes parts les parents des suspects lui présentaient des suppliques auxquelles il ne pouvait donner satisfaction puisqu’il était sans pouvoirs pour la Haute-Saône. Il expose la situation au Comité de Salut public. Le Comité lui donne alors, par son arrêté de 5 pluviôse (25 janvier), pour le temps de son séjour dans les départements de la Haute-Saône, du Doubs et du Jura, les mêmes pouvoirs que ceux que Bernard, Duroy et Lejeune en avaient reçus précédemment[20] Dès lors Augustin Robespierre n’hésite plus. Les mises en liberté se succèdent par centaines sous sa plume. Les prisons se vident. En liberté, les suspects qui n’ont été enfermés que pour cette seule raison qu’ils suivaient les offices des prêtres réfractaires, « cette opinion doit être isolée de la Révolution ». En liberté, les cultivateurs dont les bras sont nécessaires à l’ensemencement des terres ; en liberté, ceux qui n’ont été arrêtés que pour des propos sans conséquence, « autant le gouvernement révolutionnaire doit être terrible envers les coupables, autant il doit venir au secours des êtres faibles, pusillanimes ou égarés[21] » ; en liberté les vieillards et les infirmes qui sont « dans un état de maladie tel qu’en les mettant en réclusion dans leur domicile, la sûreté publique est garantie et le but de la loi rempli » ; en liberté, ceux qu’on n’a mis en prison qu’en raison de leur parenté, en liberté les citoyennes Coucy mère et fille détenues comme femme et fille de noble, « attendu qu’elles n’ont jamais fait paraître des sentiments inciviques » ; en liberté, les parents des défenseurs de la patrie ; en liberté, la citoyenne Delisle, mère de cinq enfants et sur le point d’accoucher, « considérant, dit l’arrêté, que l’état où elle se trouve a des droits à l’humanité » ; en liberté, Charlotte Dard, de Faverney, « parce qu’elle a pu être égarée en écoutant les personnes au service desquelles elle se trouvait », etc., etc.

Robespierre d’ailleurs n’agit point sans discernement. Il distingue parmi les détenus ceux qui jouiront de leur entière liberté, ceux qui auront pour prison le territoire de la commune, ceux qui seront reclus dans leur maison, ceux qui seront tenus de quitter le pays pour retourner dans leur lieu d’origine[22]. Il prend des informations auprès des sociétés populaires. Il invite la société de Jussey à éclairer sa conscience « sur les différentes détentions qui ont eu lieu dans les communes de son arrondissement, et la société docile nomme des commissaires qui se transportent dans chacune d’elles « à l’effet de chercher la vérité et séparer le vray coupable du cultivateur égaré ou trompé ». A Luxeuil, où il se rend en personne, le 22 pluviôse, il consulte tous les habitants réunis et il prend le vœu de Comité de surveillance de la commune sur chaque détenu en particulier. A Menoux, petite commune du canton d’Amance, le 16 pluviôse, il fait droit, dit-il, « à l’exclamation d’un jeune enfant qui, apercevant le représentant du peuple, s’est écrié : Ah ! voilà que l’on vient nous rendre justice ! », il réunit les habitants sur la place, il les interroge, et, de retour à Vesoul, il signe la liberté des quinze suspects de la paroisse[23]. Il ne remet pas en liberté tout le monde, il garde sous les verrous les gens dangereux. Quand il apprend qu’il a eu tort de se montrer trop généreux, il reconnaît ses torts et réincarcère lui-même les individus qu’il a élargis, ainsi 24 pluviôse :

Considérant que notre religion a été surprise relativement à la mise en liberté de Joyaudet, de Roussey et de Tabourey, habitant la commune de Gourgeon, que le premier, frère de deux prêtres émigrés, n’a jamais donné la moindre preuve de patriotisme, qu’il s’est joint au contraire au parti aristocratique de sa commune pour étouffer le patriotisme naissant ; que le second a été destitué de sa place de maire par les représentants du peuple Michaud et Siblot, en raison de sa conduite suspecte et des faits atroces qui se sont passés dans lu commune de Gourgeon pendant qu’il était maire ; que le troisième, dont le fils soldat volontaire a déserté la République, est aussi d’un incivisme reconnu ; que les différentes imputations faites à ces trois individus sont affirmées et relatées dans une dénonciation de la société populaire de Jussey ; que ce qui donne le dernier degré de certitude à cette dénonciation est le mauvais esprit qui domine en cette commune et constaté par la désertion de douze volontaires qu’elle a fournis et qui sont passés au pays étranger, déclarons que notre arrêté portant l’élargissement de Joyaudet, Roussey et Tabourey demeure comme nul et non avenu, ordonnons qu’à la diligence de l’agent national du district de Jussey Us seront remis en arrestation dans la maison d’arrêt de cette commune[24].

 

Robespierre veut bien être indulgent mais il entend que son indulgence ne profite qu’à la République. Il applique en somme en Franche-Comté la politique que son frère aurait voulu étendre à toute la France en faisant voter le 30 frimaire le décret si vite resté lettre morte, qui instituait une commission pour trier les détenus.

Auprès des populations cette politique, généreuse sans faiblesse, obtint un succès complet. Robespierre jeune fit partout aimer la Convention et acclamer la Montagne. Mais cette politique contrariait trop d’intérêts et d’amours-propres parmi les petits despotes d’un jour pour qu’il s’y résignassent sans résistance.

 

Les mises en liberté ordonnées par Robespierre jeune étaient autant de critiques à l’adresse de ceux qui avaient incarcéré un si grand nombre d’innocents ou d’in offensifs. Ces terroristes, qui avaient cru sauver la France en jetant les suspects par centaines dans les prisons, étaient maintenant livrés aux critiques dérisoires de l’opinion, aux rancunes et aux vengeances de leurs victimes. Leur irritation, faite de peur autant que de conviction, se manifesta d’abord au club de Besançon, d’où étaient partis les émissaires de Bernard envoyés à travers la province, en octobre 1793, pour épurer les autorités, dresser les listes de suspicion, régénérer les sociétés populaires. Il y avait là des hommes jeunes et ardents, pressés de faire une carrière et que les scrupules ne gênaient point. Ils étaient groupés autour d’un journal de combat, la Vedette, qui savait passionner les esprits autour des idées et plus encore autour des personnes. Us avaient formé jusque-là l’état-major des représentants en mission, ils étaient leurs informateurs et leurs agents d’exécution. Ils se virent menacés. Briot, ancien professeur de rhétorique au collège, âgé d’une vingtaine d’années, rédigeait la Vedette, de concert avec l’ex-abbé Dormoy. Après s’être montré l’ami de Charles Hesse, « le général Marat », qui avait commandé à Besançon en 1792, il était passé dans le camp girondin et avait raillé à la fin de 1792 le déisme de Robespierre. Au moment du procès du roi il avait d’abord soutenu 9ue la Convention ne pouvait s’ériger en tribunal, puis brusquement il avait applaudi au supplice de Louis XVI. A la veille du 31 mai les sections de Besançon l’avaient envoyé à Paris pour porter aux Girondins les encouragements des honnêtes gens, il avait blâmé l’insurrection montagnarde, puis brusquement il s’en était fait le panégyriste. Pour éviter la conscription, dont le menaçait son âge, il avait su capter la confiance du général Reed commandant la division qui l'avait Pris comme aide de camp, bien qu’il n’eût jamais servi. On l’avait vu ensuite promener son sabre dans les clubs de la contrée, menaçant les feuillants, les épurant, les Incarcérant. Il avait accompagné Bernard de Saintes dans l’expédition de Montbéliard et Bernard l’avait chargé d’approvisionner sa cave[25]. Briot dès lors rejoignait les hébertistes dans leurs fureurs. Il étalait dans la Vedette une violente colère contre tout ce qui touchait aux prêtres et à la religion. Cela ne l’empêchait pas de rester en bons termes avec le beau monde de Besançon qu’il protégeait. Le Comité de Salut public ayant destitué l’adjudant-général Viennot, frère du fameux comte Viennot-Vaublanc qui avait été un des chefs du côté droit à la Législative, et qui avait émigré, Bernard (de Saintes), sans doute, stylé par Briot, prit la défense de cet officier et écrivit au Comité de Salut public, le 15 octobre 1793, qu’il n’était pas noble, qu’il était abhorré de sa famille comme républicain, et que d’ailleurs il était chéri des Sans-Culottes de Besançon[26]. Viennot-Vaublanc fut maintenu en fonctions et la coterie de Briot plaça ce frère d’émigré à la présidence de la société populaire de Besançon. Le même Briot, si dur pour les feuillants et les fédéralistes, prenait sous sa protection un noble Joseph Droz de Rozel, qui se fera plus tard un nom comme académicien, mais qui n’était guère connu jusque-là que par les sentiments royalistes qu’il avait affichés avant le 10 août. Il était allé jusqu’à offrir à Louis XVI ses services avant l’insurrection. Mais, converti par son protecteur Briot au jacobinisme, Joseph Droz écrivait à ce dernier pendant la mission même de Robespierre, qu’il fallait traiter toutes les affaires à coups de sabre[27] et former dans le Doubs une armée révolutionnaire qui traquerait les suspects des montagnes. L’abbé Dormoy, qui est alors le second de Briot, fréquente les ci-devant conseillers au parlement, fait mettre en liberté l’un d’eux, Maire, dont il épouse la fille qui lui apporte une large dot. Tels étaient les rigides terroristes bisontins que l’indulgence de Robespierre jeune indigna et qui se préparèrent à y faire obstacle. Le représentant Lejeune venait d’arriver à Besançon pour y remplacer Bernard (de Saintes) que le Comité de Salut public envoyait à Dijon. Lejeune, jacobin sincère, qui s’était fait remarquer par sa motion de fermer les théâtres et d’établir sur les places publiques des forges °ù le peuple verrait forger « les armes de la vengeance », Lejeune, étranger au pays, fut vite circonvenu par la coterie qui dirigeait la société populaire. Dès le lendemain de son arrivée à Besançon il mandait au Comité de Salut public, le 6 pluviôse, 25 janvier 1794, que « le fanatisme avait encore de profondes racines surtout dans la montagne. Les malveillants, ajoutait-il, les ennemis secrets de la Révolution, les émissaires des tyrans coalisés se servent de ce moyen pour égarer les habitants des campagnes et faire du Jura et du Doubs une nouvelle Vendée. Déjà la tête de plusieurs de ces scélérats, au nombre desquels sont quelques prêtres, vient de tomber sur l’échafaud ». Cette lettre promettait.

Bernard (de Saintes), qui avait quitté Montbéliard le 10 pluviôse pour se rendre à Dijon, s’arrêta en passant ù Besançon et ne manqua pas de visiter son collègue Lejeune. Celui-ci lui fit des reproches sur la faiblesse qu’il avait montrée à Vesoul et à Montbéliard en relâchant en foule les suspects. Bernard s’excusa en rejetant la faute sur Robespierre jeune. Les deux représentants se rendirent le 12 pluviôse à la société populaire. Les amis de Briot demandèrent compte à Bernard de la conduite qu’il avait tenue à la fin de sa mission. Ils lui reprochèrent particulièrement d’avoir destitué le district de Saint-Hippolyte composé de terroristes et d’en avoir traduit quelques-uns au tribunal criminel de Vesoul[28]. Bernard « développa les raisons qui l’avaient forcé d’être sévère contre des hommes que la société populaire défendait comme vrais républicains[29] ». Les partisans de Briot lui répliquèrent qu’il s’était laissé tromper par des intrigants. Après une discussion prolongée, qu’on devine avoir été vive, finalement le sentiment des partisans de la rigueur soutenus par Lejeune prévalut. Il fut décidé que la société nommerait des commissaires pour « se transporter près du représentant qui était à Vesoul [c’est-à-dire près de Robespierre jeune], afin de lui porter en même temps et les réclamations de la société et le vœu de Lejeune et Bernard ». Lejeune avait parlé « avec une loyauté républicaine » « des torts de son collègue [Bernard] dans la conduite qu’il avait tenue à Vesoul et lui avait reproché une faiblesse momentanée ». Bernard s’était humilié devant Lejeune comme il s’était humilié quelques jours plus tôt devant Robespierre. Il avoua lui-même ses erreurs, « d’une manière généreuse et grande », dit la Vedette, et il invita les patriotes à le dénoncer. Quelques jours plus tard, dans une lettre écrite de Dijon au Comité de Salut public, le 17 pluviôse (5 février 1794), il s’accusait « d’avoir coopéré avec son collègue Robespierre le jeune à la mise en liberté de tous les administrateurs du département de la Haute-Saône, du district et de la municipalité de Vesoul, incarcérés après qu’il les eût destitués pour avoir pris des arrêtés fédéralistes sur les journées du 31 mai et 2 juin », il peignait la société populaire de Vesoul comme une « société plus que modérée qui admettait un clergé dans son sein et qui n’avait jamais su dénoncer les aristocrates, mais bien s’intéresser chaudement à leur sort et leur donner des attestations de civisme ; société qui avait eu la bassesse d’aller chercher en triomphe les reclus lors de leur mise en liberté et de les fêter comme les sauveurs de la République qu’ils avaient voulu perdre, société qui trouvait bon que douze prêtres, masqués de leur domino, promenassent les morts dans les rues avec des cierges, des croix, des lanternes et étourdissent les citoyens de leurs croassements lugubres ». Le même jour il écrivait aux sans-culottes de Montbéliard une lettre conçue dans le même esprit où il s’efforçait de les exciter de son mieux contre la politique de faiblesse qu’il s’accusait d’avoir suivie un moment :

A la honte des anciens Français, je n’ai pas trouvé sur une route la même énergie, le même culte patriotique qu’à Montbéliard. J’ai vu des croix sur les chemins, des hommes et des femmes sans cocarde nationale, que j’ai fait incarcérer. J’ai vu des prêtres masqués en domino, éclairer en plein midi les morts et les vivants, avec des cierges, des crêpes et autres bougreries semblables que vous ne connaissez plus, je me suis entendu appeler Monsieur et prononcer des vous à toute minute ; et, dans cette étonnante position, je me suis écrié : Où est mon petit Montbéliard qui va si bien ! et j’y ai envoyé tout le monde prendre des leçons de civisme. Cela, ma foi, vous fait bien honneur et doit vous donner une nouvelle énergie.

Cependant, arrivé à Dijon, j’y vois avec plaisir le patriotisme et la raison ressusciter, car la première demande que m’ont fait les corps administratifs, qui sont de ma création, est d’ordonner la fermeture de leurs églises et de chasser les prêtres. Vous sentez que, quoique je ne peux prendre un tel arrêté, je trouverai bien le moyen de satisfaire ces braves gens.

Mon coup d’essai ici a été de prendre gîte dans la maison du Crésus Micault, président du parlement, et j’ai eu assez bon nez ; car outre que la cave est meublée de fort bon vin, c’est qu’il s’y est trouvé quelques petites armoiries, qui m’ont mis dans le cas de confisquer, au profit de la nation, ce superbe hôtel. J’ai donc fait une bonne capture, qui, j’espère, sera suivie de quelques autres, et, en outre, j’envoie chercher le maître à Luxeuil pour le faire juger émigré. Si cela est, 400.000 livres de rentes vont tomber dans les coffres de la nation.

Amis, il ne me reste plus qu’à vous prier de vous maintenir dans votre bonne réputation, et en cela mon amour- propre est de moitié avec le vôtre[30].

 

Comme on le pense bien, les Tape-durs du Doubs firent circuler la lettre de Bernard et ils s’efforcèrent dès lors de représenter Robespierre jeune comme un protecteur déguisé des aristocrates et des prêtres. A la même date, les hébertistes faisaient passer Robespierre aîné pour un feuillant, pour un modéré.

Aux critiques de Lejeune et de Bernard (de Saintes) vinrent bientôt se joindre celles d’un autre représentant, Duroy, que le Comité de Salut public avait chargé d’établir le gouvernement révolutionnaire dans la Haute-Marne et dans la Haute-Saône par le même arrêté qui avait envoyé Bernard de Saintes dans la Côte-d’Or et la Saône-et-Loire (arrêté du 9 nivôse). Duroy était un Montagnard sincère, très zélé et très désintéressé. Il donnera sa vie à ses idées après l’échec de l’insurrection du 1er prairial. Fut-il influencé par Lejeune et par Bernard (de Saintes) ? Peut-être. Il revenait de l’armée du Rhin où Lacoste et Baudot, Lebas et Saint-Just avaient porté l’esprit public à un niveau très élevé. Il est possible que le contraste qu’il constata entre l’atmosphère fiévreuse d’une ville frontière comme Strasbourg où l’on vivait dans l’angoisse Patriotique, dans le soupçon constant des conspirations, et la tranquille placidité d’un petit centre provincial comme Vesoul, il est possible que ce contraste lui eût fait une mauvaise impression et qu’il ait été spontanément porté à prendre de la conduite de son collègue Une idée fâcheuse. Robespierre jeune conviendra lui- même que le procureur Humbert, frère de l’ami de Maximilien, dans la maison duquel il logeait à Vesoul, jouissait d’une mauvaise réputation civique et il expliquera que cette circonstance fut « un moyen pour prévenir les esprits contre lui et contre ce qu’il avait fait[31]. »

Toujours est-il que Duroy, après son passage à Vesoul, écrivit à Maximilien personnellement, de Chaumont, le 25 pluviôse :

J’ai remarqué avec douleur que ton frère n’étoit plus le même... Je lui ai dit en particulier ma façon de penser. Je lui ai tenu le langage de l’amitié, de la franchise et du civisme. J’ai vu qu’il ne me comprenait pas. Je l’ai laissé à Vesoul et je me suis rendu dans le département de la Haute-Marne, parce que mes principes ne s’accordent pas avec ceux qu’il manifeste actuellement...[32]

 

Dans une nouvelle lettre du 7 ventôse, adressée cette fois au Comité de Salut public, Duroy reviendra, en termes plus nets encore, sur son dissentiment avec Robespierre jeune. Il déclarera ne pouvoir approuver un arrêté que celui-ci avait pris sur les subsistances le 24 pluviôse précédent[33] et il ajoutera qu’il pensait que sa mission dans la Haute-Saône aurait dû faire cesser celle de Robespierre jeune qui devrait être à l’armée d’Italie. Mais déjà, à cette date du 7 ventôse, Augustin Robespierre n’était plus en Franche-Comté.

 

Désavoué par les trois représentants Lejeune, Bernard (de Saintes) et Duroy, accusé par le club de Besançon, le frère de Robespierre avait puisé dans sa conscience la force de continuer son œuvre. La démarche tentée auprès de lui par les clubistes bisontins après la séance du 12 pluviôse n’avait produit aucun effet, car c’est précisément après cette date qu’il prononce ses plus nombreuses mises en liberté. Il est probable qu’il se sentait soutenu et encouragé par Robespierre aîné, puisqu’il prolongea son séjour en Franche-Comté trois semaines encore. Il trouvait un dédommagement à l’hostilité que lui témoignaient les terroristes de Besançon dans les marques de sympathie de plus en plus nombreuses qu’il recevait de toutes les autres sociétés populaires.

Épurée en brumaire par Briot qui lui avait fait honte de son modérantisme, la société de Gray avait d’abord penché du côté de la société de Besançon avec laquelle elle entretenait des rapports de bon voisinage. Au début de pluviôse, au début même de la mission de Robespierre jeune, elle s’était émue des vexations que faisaient éprouver aux cultivateurs des communes environnantes les agents chargés de l’approvisionnement de Ville-Affranchie, c’est-à-dire de Lyon. Ces commissaires délégués par les représentants à Lyon faisaient le recensement des grains, les mettaient en réquisition et défendaient aux propriétaires sous menaces de mort d’y toucher, de les vendre ou même d’y puiser pour leur consommation, « de manière, dit le registre du club, que les citoyens qui n’ont pas quelques provisions sont obligés d’avoir besoin à côté d’un grenier bien rempli ». Ils commettaient en outre toutes sortes de violences et brisaient les images des saints[34]. Le club, soutenu par les autorités de Gray, traduisit leur chef, Maillot, à sa barre, l’interrogea, et le fit arrêter ainsi que ses auxiliaires.

Cette arrestation était une grave mesure qu’il fallait se hâter de faire approuver par les représentants en mission dans la contrée. Le club de Gray eut d’abord l’idée de s’adresser à Lejeune qui était à Besançon. Il délégua auprès de celui-ci deux de ses membres Silvant aîné et l’ex-abbé Cournot[35] qui furent fraîchement reçus. Lejeune leur déclara qu’il entendait entretenir avec ses collègues en mission à Commune-Affranchie de bonnes relations[36]. Il les renvoya sans leur donner satisfaction. Ainsi déçus les Graylois se tournèrent vers Robespierre jeune. Cournot, accompagné d’un autre clubiste, Avenne, se mit en route pour Vesoul. Ils furent très bien accueillis. Robespierre jeune annula les réquisitions faites par Maillot et ses agents, mais peu après il les remit en liberté. Les Graylois reconnaissants l’invitèrent à venir dans leur ville. Il promit de faire droit à leur désir. Il avait sans doute déjà l’intention de se rendre à Besançon même pour se mesurer en face avec ses adversaires. Gray était presque sur la route. Robespierre séjourna deux jours au moins à Gray, les 25 et 26 pluviôse[37]. Il fut reçu au club par « des cris de Vive la République, Vive la Montagne, et des applaudissements universels ». Il prononça aussitôt un discours dont la netteté ne laissait rien à désirer : « Je viens faire connaître, dit-il, les intentions de la Convention : faire justice à tous, tirer de l’oppression les opprimés et punir les oppresseurs, s’il en existe. » Le procès- verbal de la séance résume ainsi la suite de son discours :

Après avoir fait la différence des représentants du peuple qui se montrent à tous, parce qu’ils veulent l’intérêt de tous, d’avec les rois qui se cachent et s’isolent de ce qu’ils appellent leur peuple, parce que la misère publique et particulière les accuse, je viens, a-t-il ajouté, consulter les cœurs, parler à vos vertus, vous demander quelles sont vos inquiétudes, quels sont vos besoins. J’aurai rempli mon devoir, j’aurai contenté mon cœur si je parviens à soulager les malheureux. Partout j’ai consulté les citoyens. C’est par leurs lumières que j’ai toujours agi, guidé par eux. Je ne crains point de m’écarter, le peuple n’est jamais injuste.

 

Des applaudissements « réitérés » saluèrent sa péroraison. Il convoqua pour le lendemain la société et tous les habitants dans l’église la plus spacieuse, et, comme on lui parlait encore de l’affaire Maillot, il invita la société « à ne jamais discuter sur les subsistances », autrement dit à écarter de ses débats une question brûlante qui pouvait être une pomme de discorde. Il cita « l’exemple de la Convention qui, ne discutant jamais sur ces sortes d’objets, travaillait continuellement et faisait des frais énormes pour approvisionner la République ». Le lendemain, 26 pluviôse au soir, devant une foule immense rassemblée dans l’église, Robespierre déclara qu’il avait été « envoyé par la Convention pour recevoir les plaintes des personnes en arrestation ».

Il en est qui, coupables de quelques fautes, semblent les avoir expiées par plusieurs mois de détention. D’autres plus criminels doivent rester jusqu’à ce que la paix régnant au dedans et au dehors de la République ne fasse plus de tous les Français qu’un peuple de frères. Animé de ces sentiments, en me montrant ferme et sincère envers ces derniers coupables, je ne respire, je n’éprouve d’autres sentiments que celui de faire des heureux. La probité et l’intégrité que j’ai reconnues dans le comité de surveillance prouve que tous ont mérité leur sort. Veuillez donc bien me dire quels sont ceux qui assez punis méritent aujourd’hui la liberté.

 

On examina alors la liste des détenus. Sur chacun d’eux Robespierre consulta l’assemblée. Il remit en liberté à peu près la moitié de la liste. La séance se termina à huit heures trois quarts dans l’effusion et dans l’enthousiasme que vint encore accroître un trait de générosité du citoyen Silvant aîné qui supplia le représentant de rendre à un suspect mis en liberté sa place qu’il occupait. Mais Robespierre refusa de faire droit à cette demande désintéressée ! « Les places des administrations doivent être occupées par des hommes jouissant de la confiance de tous. » Robespierre fut reconduit chez lui au chant des hymnes patriotiques.

Le lendemain il se rendait à Besançon où il rencontrait Lejeune. Il passait trois jours avec lui et assistait à trois séances de la société populaire[38], celle-ci était loin d’être unanime. Une forte opposition s’y était révélée contre Briot et contre Dormoy. Elle était conduite par les hommes du Comité de surveillance et notamment par deux d’entre eux, par l’ex-prêtre Melchior Proudhon[39] et par le négociant Piedmontois[40]. Ceux-ci entourèrent Robespierre, l’encouragèrent. Robespierre les admit à sa table. Dès le premier jour, 27 pluviôse, Robespierre s’expliqua au club sur les accusations que Bernard (de Saintes) avait portées contre lui. Dans une séance précédente, on s’en souvient, le club avait reproché à Bernard son indulgence, mais, satisfaite de son repentir, elle avait décidé sur la proposition de Rambour que les reproches qu’elle lui avait adressés ne seraient pas inscrits à son procès-verbal, afin « d’ensevelir tout ce qui pourroit tendre à aigrir ou à diviser les esprits et à affaiblir le respect dû à la représentation nationale » (séance du 23 pluviôse d’après la Vedette). L’intervention de Robespierre ranimait la querelle. La séance fut orageuse. Finalement le club décida de « rapporter sa délibération du 23 pluviôse qui annulait le procès-verbal du 12 du, même mois relatif à sa dénonciation du représentant Bernard ; il doit être présenté à la lecture dans la séance du 30[41] ». On devine que Briot et ses amis avaient fait un grand effort pour maintenir le club dans la voie de la rigueur. Mais Robespierre s’entêta. Le lendemain un renfort lui vint de Montbéliard. Sans se laisser toucher par les compliments hyperboliques que Bernard leur avait adressés de Dijon, les Sans-culottes Montbéliardais avaient décidé au contraire de dénoncer ses actes aux clubs voisins et notamment au club de Vesoul. Us avaient dépêché à Vesoul dans cette intention deux des leurs, Berger et Morel, qui devaient dénoncer le scandale de la vente du mobilier du prince et de la nomination du banqueroutier Petitcolas-Pury à la place d’agent national[42].

N’ayant pas trouvé Robespierre à Vesoul, Berger et Morel se rendirent ensuite à Besançon où ils arrivèrent le 28 pluviôse sur les six heures du soir. La discussion reprit à la société populaire sur le cas de Bernard : « Plusieurs membres ont paru successivement à la tribune et ont inculpé Bernard d’avoir vendu les meubles du ci-devant prince de Montbéliard sans en avoir achevé l’inventaire, d’avoir fait cesser la confection de l’inventaire des effets de l’évêque Schwarzer ; d’en avoir ordonné le transport au château, sans vérification ; d’avoir pris pour lui et ses entours des effets d’or et d’argent, entre autres une tabatière en or, qui avaient été fournis par les habitants de Montbéliard en paiement de la contribution patriotique. » Les députés de Montbéliard précisèrent ces accusations. Si on en croit Briot, Robespierre jeune « aurait outragé son collègue absent ». Il aurait même promis « de faire tomber sa tête ». Il aurait « porté la terreur dans l’âme des membres de la société, injurié et menacé l’un des trois citoyens qui seuls avaient osé défendre Bernard[43] ». Lejeune se serait interposé. Il aurait eu « le courage de défendre son collègue contre les déclamations forcenées de Robespierre ». Le 29 pluviôse enfin, les députés de Montbéliard mirent en cause Petitcolas-Pury. Ils revinrent sur l’incident des caisses envoyées à Bâle par ordre de Bernard. Ils terminèrent « par une apostrophe à Robespierre », à qui ils demandèrent justice au nom de la société de Montbéliard[44]. Nous ignorons quelle décision précise sortit de ces scandaleux débats, si Robespierre jeune prit un arrêté pour donner satisfaction aux plaintes qui s’étaient produites. Il n’est pas exact, comme le dit Charles Nodier, qu’il fut dépourvu de pouvoirs dans le Doubs. Ses pouvoirs s’étendaient même dans le Jura. Mais ils étaient limités par les pouvoirs égaux de Lejeune avec lequel il était tenu de se concerter et il est probable que celui-ci couvrit les partisans de Bernard (de Saintes). Mais, du silence de la Vedette et des gémissements de Briot il est permis d’inférer que finalement la victoire resta à Robespierre. Briot déclare qu’en présence du frère de Catilina le silence fut imposé comme un devoir. Charles Nodier qui assista à ces scènes nous dit — et son souvenir peut ici être retenu — qu’au moment du départ d’Augustin, la cour de son auberge était « pleine de femmes qui l’attendaient avec impatience pour lui présenter les réclamations des détenus ». Il aurait déclaré qu’il ne pouvait plus rien pour personne, mais il aurait promis à la foule émue qu’il porterait sa plainte à la Convention, « qu’il dévoilerait devant elle les injustes et horribles rigueurs des proconsuls » et il aurait fini par cette phrase que Nodier n’avait pu oublier : « je reviendrai ici avec le rameau d’or ou je mourrai pour vous ; car je vais défendre à la fois ma tête et celle de vos parents[45]. » Faisons la part de la littérature et du romantisme. Il reste que, dans la forteresse même du terrorisme, Robespierre avait fait taire les partisans de Bernard et qu’il quitta Besançon, la tête haute, laissant derrière lui les regrets des foules et la reconnaissance des jacobins sages et sincères. Il était à Lyon, le 3 ventôse, et il annonçait à son frère l’envoi d’un rapport sur sa mission en Franche-Comté. Dans cette même lettre, il repoussait du pied les accusations de modérantisme dont Bernard, « cet être petit et immoral », s’était fait contre lui l’organe. Il méprisait « sa stupide dénonciation ». Il définissait en terminant l’idée directrice qui avait inspiré ses actes en ces paroles d’une belle élévation :

Rien n’est plus facile que de conserver une réputation révolutionnaire aux dépens de l’innocence. Les hommes médiocres trouvent, dans ce moyen, le voile qui couvre toutes leurs noirceurs ; mais l’homme probe sauve l’innocence aux dépens de sa réputation. Je n’ai amassé de réputation que pour faire le bien, et je veux la dépenser en défendant l’innocence. Ne crains point que je me laisse affaiblir par des considérations particulières ni par des sentiments étrangers au bien public. Le salut de mon pays, voilà mon guide ; la morale politique, voilà mon moyen. C’est cette morale que j’ai nourrie, échauffée et fait naître dans toutes les âmes. On crie sincèrement Vive la Montagne dans les pays que j'ai parcourus. Sois sûr que j’ai fait adorer la Montagne et qu’il est des contrées qui ne font encore que la craindre, qui ne la connaissent pas et auxquelles il ne manque qu’un représentant digne de sa mission, qui élève le peuple, au lieu de le démoraliser. Il existe un système d’amener le peuple à niveler tout ; si on n’y prend garde tout se désorganisera[46].

 

C’était prévoir en bon prophète la démoralisation et la désorganisation thermidoriennes.

 

Robespierre jeune parti, les terroristes, qu’avait contenus sa présence, reprirent peu à peu courage. Dès le 3 ventôse, son ami le pharmacien Viennot, était incarcéré à Vesoul et maintenu trois mois en prison, par ordre du Comité de Sûreté générale sur une dénonciation de Bernard. La société populaire de Vesoul protestait contre cette arrestation et envoyait une délégation à Paris pour le sauver de la guillotine[47]. L’agent national Boisot, qui s’attendait à être arrêté à son tour, écrivait à Robespierre jeune, pour lui peindre les alarmes de ses amis. Pour être plus sûr d’être écouté, il écrivait aussi quelques jours plus tard une longue lettre émouvante à M me de La Saudraye dont il réclamait l’intercession :

On nous effraye tous les jours de l’arrivée du citoyen Bernard. L’on nous dit qu’il a obtenu une nouvelle mission pour ce département. De certains hommes se pavanent de joie ; ils ont la figure riante et se promettent des plaisirs dignes d’eux. La liste de proscription est déjà faite. Nous sommes 80 désignés pour victimes. Sa vengeance n’aura point de bornes ; c’est un sceptre de fer qui doit nous écraser. Tous les hommes qui ont du courage, de l’austérité, des principes ou de la vertu ; tous les hommes qui n’ont pas, comme lui et ses partisans, embrassé la république comme un métier, et la révolution comme une ressource et un moyen de régner par l’intrigue, mais qui aiment la patrie et la liberté, sont pour le bonheur du peuple, tous ces hommes seront immolés. C’est la vengeance du crime contre la vertu ; c’est la conspiration du vice contre les mœurs ; c’est en petit contre nous, ce que la conspiration d’Hébert et compagnie était contre la liberté publique. Je ne fais pas un doute dans mon opinion particulière que cet homme corrompu, sans vertu et sans morale, perdu de débauche et dégoûtant par ses excès en tout genre, ne soit vraiment du parti des étrangers qui, ne pouvant vaincre la République par la force des armes, veulent anéantir la liberté par la corruption des mœurs et révolter le peuple par leur tyrannie et leurs injustices criantes.

 

Une telle lettre, dont l’accent de sincérité ne trompe pas, fait connaître jusqu’au fond l’âme des robespierristes, qui, en province comme à Paris, représentaient ce qu’il y avait de meilleur, de plus sain et de plus droit dans le parti révolutionnaire.

Robespierre jeune intervint auprès de son frère, et Bernard ne retourna plus en Franche-Comté. Dans ses lettres à Maximilien datées de Nice du 6 germinal et le 16 germinal[48], il revint sur Bernard de Saintes dans les mêmes termes que le Vésulien Boisot. Il compare comme lui Bernard aux hébertistes. « Je n’ai pas suivi le système de ces hommes immoraux et pervers qui affectent le philosophisme pour ne point laisser voir qu’ils sont sans mœurs et sans vertus, qui abattent une croix pour qu’on ne s’occupe pas de leurs dilapidations et de leurs crimes. » Paroles remarquables et plus justes qu’on ne pense ! Il fait l’éloge de Viennot et de Boisot « hommes purs et capables », du juge Galmiche « homme probe et à talent[49] ». Il demande à son frère de faire rappeler Bernard dans le sein de la Convention et il l’avertit qu’il écrit au Comité de Sûreté générale une lettre dont il lui envoie copie et qui contenait une intervention en faveur de Viennot[50].

Dans le Doubs, comme dans la Haute-Saône, les jacobins qui avaient soutenu Robespierre jeune furent inquiétés après son départ. La coterie de Briot, qui avait d’abord été très ébranlée[51], reprit peu à peu son aplomb. Elle parvint à triompher des hésitations de Lejeune et, sous prétexte que les deux hommes qui dirigeaient le Comité de surveillance, Proudhon et Piedmontois, étaient hostiles à la colonie suisse que Bassal avait installée dans un couvent transformé à son intention en manufacture d’horlogerie, elle les fit destituer le 14 messidor an II[52]. Mais Piedmontois et Proudhon étaient des hommes énergiques qui n’hésitèrent pas à en appeler au club, où ils reparurent, malgré leur mise en surveillance, et au Comité de Salut public où ils demandèrent à être interrogés[53].

Nous croyons sans peine avec Charles Nodier que la nouvelle du 9 thermidor plongea dans une stupeur inquiète et indignée la grande majorité des républicains francs-comtois. « Hélas ! se disait-on, qu’allons-nous devenir ? Nos malheurs ne sont pas finis, puisqu’il nous reste encore des amis et des parents et que MM. Robespierre sont morts ! » Et Charles Nodier ajoute cette phrase qui est la vérité historique : « Cette crainte n’était pas sans motif, car le parti de Robespierre venait d’être immolé par le parti de la Terreur. » Mais la lâcheté humaine est telle que ces mêmes clubs qui avaient acclamé Robespierre jeune, qui l’avaient escorté, enguirlandé de fleurs et de couronnes, qui pleuraient de joie à ses arrêtés libérateurs, s’empressèrent après thermidor de féliciter ses vainqueurs, parmi lesquels figurait naturellement Bernard (de Saintes).

 

 

 



[1] Histoire de Robespierre, 1867, t. III, p. 403.

[2] Voir Edmond Poupé, Lettres de Barras et de Fréron en mission dans le Midi, 1910 (notamment la lettre du 6 nivôse).

[3] Mémoire du citoyen Viennot à l’administration centrale du département sur les inculpations qui lui sont faites, fructidor an VII, p. 9.

[4] 285 assermentés contre 118 réfractaires.

[5] Constatant que le département de la Haute-Saône avait en 4 jours envoyé une levée de 6.000 hommes à l’armée du Rhin, la Législative avait décrété le 1er septembre 1792 que ce département avait bien mérité de la patrie.

[6] Les citoyens composant la commune de Vesoul réunis en société populaire à Bernard de Saintes sur son compte-rendu de la partie critiquée de sa mission, an III, pièces justificatives, n° 10.

[7] Voir dans Armand Lods, Bernard de Saintes et la réunion de Montbéliard à la France (Mémoires de la société d’émulation de Montbéliard, t. XIX, 1888), le fac-similé de la curieuse lettre par laquelle Bernard essaie de se justifier auprès d’Hérault de Séchelles, datée du 13 du 2e mois. On voit par cette lettre que Tréfous avait aussi obtenu un marché de couvertures jusqu’à concurrence de 18.000 livres en numéraire.

[8] Arrêté du 10 pluviôse an II, publié par M. Maurice Pigallet. Les Conventionnels en mission dans le Doubs, en appendice de l'Annuaire du Doubs, à partir de 1906.

[9] Arrêté du 21 nivôse an II : « Dans les districts où se trouvent des fourneaux ou forges en réquisition pour la République, les administrateurs prendront les mesures les plus actives pour constater les besoins en fourrages, chevaux et harnais des maîtres de forges, ainsi que des subsistances propres à la nourriture des ouvriers et des mineurs, donneront tous ordres nécessaires pour faire conserver ou fournir aux maîtres de forges ce qui sera nécessaire à l’entretien de leurs fourneaux, forges, charrois de charbon, mines, de manière qu’ils n’en puissent manquer, et pour faire approvisionner leurs ouvriers de subsistances au moins pour un mois chaque fois..., etc. »

[10] Lettre du 13 octobre 1793 à la Convention. M. Pigallet, Arrêtés de Bernard, p. 57 du tirage à part.

[11] L. Sahler, Notes sur Montbéliard, 1905, p. 25.

[12] Voir dans le livre cité de M. Sahler le détail des enchères.

[13] Sahler, p. 29.

[14] Arrêté de Bernard du 1er pluviôse.

[15] Procès-verbaux des principales séances de la société populaire de Vesoul, auxquelles ont assisté les représentants Robespierre le jeune et Bernard de Saintes, dans A. Lods, pp. 158-159.

[16] Les citoyens composant la commune de Vesoul réunis en société populaire à Bernard de Saintes sur son compte rendu de la partie critiquée de sa mission, p. 13.

[17] Arrêtés de Bernard, publiés par M. Pigallet.

[18] Voir l’intéressante lettre de l’agent national Boisot à la citoyenne La Saudraye, datée de Vesoul, le 1er germinal, 21 mars 1794, dans Lods, p. 180-182. Dans un mémoire daté de pluviôse an IV, Mme de La Saudraye expose que son mari est mort depuis neuf mois, — donc il vivait encore quand elle accompagna Robespierre en Franche-Comté — qu’il avait 15.000 livres de revenu avant la Révolution mais qu’il perdit tous ses biens notamment une habitation qu’il possédait à Saint-Domingue et qui fut incendiée le 2 septembre 1792. Il habitait la France depuis vingt années et cultivait les lettres avec passion. Quant à elle, elle n’avait plus que quelques proches ruinés dans les colonies. Toute sa fortune consiste en une petite maison dans un faubourg de Sens, en une rente de 2.000 livres et dans la vente partielle de la bibliothèque de son mari. (Catalogue d’autographes Charavay, 1862, p. 274).

[19] Souvenirs de Charles Nodier, t. I, 1872, p. 301.

[20] L’arrêté est signé Collot d’Herbois, Barère, Jeanbon Saint-André, Billaud-Varenne et Maximilien Robespierre. Les considérants disent que Robespierre jeune s’est transporté dans la Haute-Saône pour faire Parvenir au Comité des renseignements que les circonstances rendaient nécessaires.

[21] Arrêté du 18 pluviôse dans Pli. Maréchal, La Révolution dans la Haute-Saône, p. 287. Nous avons publié les arrêtés de Robespierre jeune dans les Annales révolutionnaires, 1916, t. VIII, pp. 79-130.

[22] Voir l’intéressant arrêté du 22 pluviôse reproduit par M. Ph. Maréchal en fac-simile.

[23] Ph. Maréchal, pp. 284-285.

[24] Ph. Maréchal, p. 295.

[25] Voici une réquisition signée Briot : « Au nom du représentant du Peuple, le citoyen Fallot, vis-à-vis la Halle, est requis de fournir douze bouteilles de son meilleur vin rouge, dont il lui sera fait état sur les deniers provenant de la vente des immeubles du ci-devant prince, pour l’état-major de la force armée à Montbéliard. Signé : Briot, aide de camp. » (A. Lods, p. 343.)

[26] A. Lods, p. 142.

[27] Lettre du 22 pluviôse (10 février 1794), dans Sauzay, Histoire de la persécution dans le Doubs, t. V, p. 309.

[28] Sauzay, t. V, p. 324. Les jacobins de Besançon protestèrent contre ces destitutions dans une lettre au club des jacobins de Paris qui la renvoya au Comité de Sûreté générale.

[29] Vedette du 13 pluviôse an II.

[30] A. Lods, pp. 162-163. Sur la lamentable histoire du président Micault qui fut condamné à mort comme émigré et exécuté, alors qu’il n’avait pas quitté la France, voir l’article de M. Marion. Quelques exemples de l’application des lois sur l’émigration (Revue historique, juin 1911).

[31] Lettre de Robespierre jeune en date du 3 ventôse an II.

[32] Cité par E. Hamel, t. III, p. 405.

[33] Cet arrêté devait être très semblable à celui qu’il prit le lendemain 25 pluviôse : « Vu l’exposé des besoins du district de Lure en subsistances, sur ce qui nous a été dit que les habitants de plusieurs communes étaient obligés de se nourrir de pain d’avoine, que le sol de ce district, peu productif en blé, a été presque totalement stérilisé par la sécheresse ; que la ressource des pommes de terre et d’autres denrées qui pourraient remplacer le blé, est presque nulle, arrêtons que la réquisition faite dans ce district pour le département des Vosges est provisoirement suspendue : en conséquence les communes chargées du contingent de ladite réquisition sont tenues de fournir aux besoins des autres communes d’après les ordres qu’elles recevront de l’administration du district, sous peine d’être poursuivies et traitées comme rebelles aux lois. » Ph. Maréchal, p. 201.

[34] Registre des délibérations du club de Gray, séance du 9 pluviôse (Arch. de la Haute-Saône)

[35] C’était l’oncle du célèbre philosophe du même nom.

[36] Voir la lettre de Lejeune en date du 6 pluviôse.

[37] Registre du club de Gray. Avant d’aller à Gray il fit une visite à Luxeuil le 22 pluviôse. Il était de retour à Vesoul le 24 pluviôse.

[38] D’après la brochure de Briot intitulée Aux représentons du peuple Membres du Comité de Salut public et de Sûreté générale, datée du 20 thermidor an II, 16 p. Le récit de Charles Nodier dans ses Souvenirs est fantaisiste.

[39] Le cousin du fameux socialiste.

[40] D’après Briot, le Comité de surveillance de Besançon avait fait mettre le scellé sur les malles de Bernard à leur passage dans la ville avait dénoncé Bernard au Comité de surveillance de Dijon (brochure citée). Ceci est confirmé par les archives de la Côte-d’Or.

[41] Vedette du 30 pluviôse.

[42] 2D’après l'Extrait des registres de la société populaire et montagnarde de Montbéliard, en date du 2 ventôse (dans A Lods, p. 326 et suiv.).

[43] D’après la brochure de Briot. Ce citoyen outragé par Robespierre n’est autre que Briot lui-même que Robespierre désignera dédaigneusement dans sa lettre du 3 ventôse à son frère en ces termes : « un rédacteur corrompu d’un journal qui se fabrique dans le département du Doubs. » Un autre contradicteur fut le frère de Vaublanc qui présidait la société (même lettre).

[44] Procès-verbal de la société de Montbéliard.

[45] Souvenirs de Charles Nodier, t. I, 1872, p. 304.

[46] Lettre publiée à la suite du rapport de Courtois du 16 nivôse an III, p. 293.

[47] Les citoyens composant la commune de Vesoul, réunis en société populaire, à Bernard (de Saintes) sur le compte-rendu..., p. 10 et pièces justificatives et Mémoire du citoyen Viennot, an VII.

[48] Analysées dans Hector Fleischmann, en appendice des Mémoires de Charlotte Robespierre, pp. 352 et 353. La lettre du 16 germinal, qui fit partie de la collection Benjamin Filon, est publiée in extenso dans le catalogue de la collection Morrisson, t. V, pp. 284-285.

[49] Boisot, Viennot et Galmiche figurent dans la liste des candidats aux places qui fut trouvée dans les papiers de Robespierre. Mais le nom dc Galmiche a été estropié en Garnerin. (Rapport de Courtois, nivôse III, p. 139.)

[50] Cette lettre a été publiée dans les Annales révolutionnaires, 1917, t. IX, pp. 114-116.

[51] Si on en croit le pamphlet Quand la Perruque a fait son teins, œuvre d’un homme très bien informé (paru en l’an III), Briot aurait écrit à Robespierre jeune deux lettres à Besançon pour lui demander excuses. « Tu lui en écrivis d’autres à l’armée d’Italie et qui étaient le chef-d'œuvre la lâcheté ! Et ces dernières existent, mon cher ami, tu me comprends. »

[52] Arrêtés de Lejeune publiés par M. Pigallet.

[53] Archives nationales F⁷ 3822 (rapport du bureau de police générale du 5 thermidor).