Pluviôse an II. Quand
les adversaires de la Révolution s’attachent à confondre Robespierre avec la
Terreur et à faire retomber sur ce grand démocrate tout le sang qui fut alors
versé, ils sont dans leur rôle. Pour atteindre l’idée démocratique ils visent
l’homme qui la personnifia et qui la fit triompher tant qu’il vécut. Mais,
quand de soi-disant^ admirateurs du « bloc » révolutionnaire, quand de
prétendus républicains se laissent aller à faire chorus, je ne puis
m’empêcher ou d’accuser leur prodigieuse ignorance et leur manque égal de
clairvoyance ou de me demander si l’amour du progrès qu’ils étalent est bien
sincère. La vérité qui s’impose à quiconque sans parti pris s’informe avant
de porter un jugement, à quiconque prend la peine de lire les textes et d’en
dégager le sens à la lumière des circonstances, la vérité, Ernest Hamel l’a
formulée depuis longtemps et elle crève les yeux : « Robespierre fut de tous
les hommes de la Révolution celui qui sut allier au plus haut degré, sans
jamais rien concéder au parti réactionnaire, la modération, la sagesse à ce
qu’il fallait d’énergie et de rigueur pour le triomphe de l’idée républicaine[1]. » Rien
peut-être n’est plus révélateur du caractère exact de la politique de
Robespierre que la mission que remplit son frère Augustin en Franche-Comté
durant le mois de pluviôse an II (fin janvier et février 1794). Pendant que Robespierre aîné,
sans cesse sur la brèche aux jacobins et à la Convention, s’interpose comme
un médiateur entre hébertistes et dantonistes, les invite à faire le
sacrifice de leurs rancunes particulières à l’intérêt de la République, tandis
qu’il désavoue à la fois les violences du Père Duchesne, qui apeurent
l’opinion, et les indulgences du Vieux Cordelier qui rendent courage aux
aristocrates et discréditent l’institution révolutionnaire, tandis qu’il
démasque courageusement les intrigants et les fripons des deux partis, les
ultra- révolutionnaires qui pensent faire oublier par une surenchère
démagogique les tares de leur vie publique et privée et les ultra-révolutionnaires
qui comptent noyer leurs tripotages dans une amnistie générale et qui
n’hésitent pas à chercher leur salut personnel dans la faillite du régime,
Robespierre jeune combat dans une province française les mêmes adversaires,
les mêmes erreurs et les mêmes calculs. Il s’efforce de se maintenir à égale
distance du modérantisme et de l’exagération qui mènent par des voies
différentes à la Contre-Révolution. Il se propose avant tout de faire aimer
la République plutôt que de la faire craindre, tout en la faisant respecter,
et il y réussit. Quand il part, il a gagné le cœur des populations
reconnaissantes, mais les politiciens, pour qui la Terreur est une carrière,
lui gardent de vives rancunes d’avoir arrêté leurs exploits et ils préparent
leurs vengeances. Robespierre
jeune, au lendemain de la prise de Toulon, était revenu à l’improviste à
Paris signaler au Comité de Salut public les divergences profondes qui les
séparaient, lui, Ricord et Salicetti, de leurs deux autres collègues de
mission, Barras et Fréron[2]. Il s’était plaint que ceux-ci
ne songeaient qu’à terroriser, il avait dépeint leurs cruautés à Marseille,
il avait dit un mot de leurs brigandages. Aux jacobins, il avait accusé
Hébert, le 16 nivôse, d’être la cause des mouvements contre le culte qu’il
jugeait impolitiques. Il avait donc adhéré à la politique de son frère, il
dénonçait comme lui les exagérés et les fripons. Or,
Robespierre aîné venait précisément d’apprendre que le système de Barras et
de Fréron, d’Hébert et de Chabot était alors appliqué dans la Haute-Saône par
le représentant Bernard (de Saintes) qui terrorisait les populations pour se livrer à
ses petites affaires en toute sécurité. Robespierre aîné était informé par un
Vésulien, homme de valeur, le pharmacien Viennot, qui sera plus tard
professeur de chimie à l’École centrale. Viennot lui avait sans doute été
présenté par son ancien camarade de collège Humbert, chez qui Robespierre
avait logé sous la Constituante, rue de Saintonge, au Marais. Viennot avait
fait le voyage de Paris pour plaider devant Maximilien « la cause du
patriotisme opprimé[3] ». Il lui avait représenté que
le département de la Haute-Saône était un des plus patriotes de France, qu’il
n’avait jamais été troublé pour ainsi dire par les querelles religieuses si
graves ailleurs, car les prêtres réfractaires y avaient toujours été en
petite minorité[4]. Il lui avait rappelé que ce
département patriote avait levé à lui seul 12 bataillons de volontaires et
avait mérité pour ce fait d’être cité en exemple au reste de la France[5], qu’il avait été le premier à
payer ses contributions, que nulle part la loi et la Convention n’étaient
plus respectées. Sans doute, au moment du 31 mai, l’administration
départementale avait protesté contre la violence faite à la Convention, mais
cette protestation était une preuve de la sincérité même de son obéissance.
Les administrateurs n’avaient d’ailleurs pas tardé à adhérer au fait
accompli. Comment se faisait-il donc que le représentant Bernard (de
Saintes), sans prendre la peine de faire une enquête, sans visiter le
département, ait destitué en bloc et placé en surveillance toutes les autorités
constituées, qu’il ait mis sous le coup de la loi des suspects les magistrats
en qui le peuple avait confiance et qu’il les ait remplacés par d’autres «
immoraux et avides de gains », qui multipliaient les arrestations sous les
prétextes les plus futiles ? Les prisons de Vesoul regorgeaient de centaines
de détenus. Les meilleurs patriotes, ceux qui avaient donné des gages à
l’ordre nouveau dès 1789, le président de la société populaire de Vesoul et
son frère, étaient au nombre des reclus. Bernard de Saintes menaçait de faire
couler le sang. Il avait écrit le 2 frimaire au commissaire national du
district de Lure : « Puisque les Gauthier de Pomoy ont été renvoyés au
tribunal révolutionnaire, dépêche- toi de les faire partir pour Paris, il ne
faut pas laisser vivre les scélérats ni jeûner la guillotine[6]. » Ces malheureux furent plus
tard acquittés par le tribunal révolutionnaire. Partout les agents de
Bernard, notamment Joly, l’ancien procureur général syndic, que les Vésuliens
appellent dans un mémoire « son favori et son vizir », fermaient
les églises, les dévastaient, menaçaient les paisibles curés constitutionnels
des pires violences s’ils continuaient leurs offices. En regard de ces excès
que rien ne justifiait, Viennot dépeignait à Robespierre aîné la conduite
personnelle du représentant du peuple. Il s’était entouré à Montbéliard,
possession du duc de Wurtemberg, dont il avait fait la facile conquête,
d’hommes d’affaires suspects, tels que le juif belfortain Tréfous qui faisait
de fréquents voyages à Bâle, le banqueroutier bisontin Petitcolas qui avait
changé son nom en celui de Pury, le maître de forges d’Audincourt, Rochet,
etc. Avec le juif Tréfous, il avait passé un marché de 10.000 aunes de drap à
raison de 36 francs, 10 sols l’aune, alors qu’un négociant de Vesoul,
Genoux-Prachée, lui offrait la même marchandise pour 16 francs l’aune. Le
marché parut si scandaleux à Hérault de Séchelles qu’il retint un moment
Tréfous et lui reprocha d’avoir « acheté » son marché[7]. Le fermier des forges
d’Audincourt, Rochet, était devenu le familier de Bernard, qui l’exempta par
un arrêté spécial du paiement d’une somme de 16.000 livres qui était sa part
dans la contribution de 250.000 livres dont avaient été frappées les campagnes
du pays de Montbéliard[8]. Bernard fit mieux. Il nomma
Rochet président du nouveau district de Montbéliard rattaché au département
de la Haute-Saône. Il pourvut à l’approvisionnement de ses forges par des
réquisitions[9], il recommanda ses fers à la
Convention : « ils sont de première qualité, ils imitent l’acier...[10] », il l’autorisa à couper
dans les forêts trente arpents[11], bref il traita Rochet en ami
comme Tréfous. La
vente du splendide mobilier que les ducs de Wurtemberg avaient accumulé dans
leurs châteaux de Montbéliard et d’Étupes donna lieu à un scandale qui
indigna la population. Les
enchères avaient commencé avant même que l’inventaire fût terminé. Bernard
participait aux enchères. Il achetait pour 300 livres en assignats une
voiture du duc, pour plus de mille livres de linge de table, une foule de
pièces de porcelaine, etc. Le crieur disait : A tant pour le Représentant, et
chacun se taisait naturellement[12]. L’ancien acteur Naudet,
l’homme à tout faire du représentant, peut-être en la circonstance son homme
de paille, se fait adjuger fauteuils, bergères, chiffonnières, rideaux, pour
plus de 3.000 livres, mais surtout « presque pour rien, dit M. L.
Sahler, de petits tableaux, des gravures, des mosaïques, des fayences
artistiques, des statuettes et des bustes en bronze, en marbre, des coupes de
porcelaine ou d’agathe, des médaillons et des miniatures, des vases d’ivoire travaillé,
des pyramides, des consoles ou pieds sculptés et dorés[13] ». « On en monterait
plusieurs magasins », dit le même auteur. L’ami Rochet ne s’oublie pas.
Châlits en bois sculpté, rideaux de damas, tapisseries, trumeaux, commodes en
cuivre, fourneaux de fayence, dessus de portes à cadres dorés, secrétaire à
cylindres, chaises et canapés, huit cabriolets, sophas, etc., sont sa part
dans le butin. L’ami Tréfous est absent, mais Bernard prévoyant a pensé à
lui. Il fit mettre de côté à son intention une série d’objets qui furent
soustraits aux enchères, dix- huit lustres de cristal, douze flambeaux de
cristal, divers bustes et colonnes, toute une bibliothèque d’ouvrages
allemands, le tout pour 4.000 livres environ, naturellement payables en
assignats. Bernard pousse la sollicitude jusqu’à faire charger sur cinq
voitures les meubles de Tréfous. Il réquisitionne des chevaux d’artillerie
pour conduire trois d’entre elles à Bâle, pendant que Rochet prête ses
chevaux pour conduire les deux autres à la même destination. Le départ de ces
voitures donna lieu à un incident. Sans tenir compte de la permission écrite
donnée par Bernard aux voituriers, l’agent national du district de
Montbéliard, le citoyen Bouillon, voulut s’opposer au départ du chargement.
Mal lui en prit, Bernard le révoqua par arrêté du 1er pluviôse et le remplaça
par un de ses favoris, l’ancien banqueroutier Petitcolas devenu Pury. Le
citoyen Viennot ne dut pas avoir beaucoup de peine à convaincre les
Robespierre que Bernard de Saintes représentait dans la Haute-Saône le
terrorisme d’affaires. Robespierre
jeune devait retourner à l’armée d’Italie rejoindre Ricord et Salicetti. Il
fut décidé qu’il ferait Un crochet sur Vesoul en se rendant à sa destination.
Il n’avait pas de mission particulière pour la Haute- Saône. Le Comité de
Salut public ne lui remit à son départ aucuns pouvoirs. Il fut convenu, qu’il
voyagerait d’abord en touriste pour se rendre compte, pour vérifier de
visu et de auditu le récit du citoyen Viennot. Humbert, l’ancien
condisciple de Robespierre aîné, avait un frère à Vesoul, ci-devant
procureur. Ce frère était alors absent de cette ville. Il s’était rendu à
Paris sans doute pour accompagner Viennot. Robespierre jeune profiterait de
son absence pour s’établir dans sa maison. Afin de ne pas éveiller les
susceptibilités de Bernard, il lui écrivit pour lui annoncer son arrivée et
pour lui demander de se rencontrer à Vesoul avec lui. Bernard,
qui est en lutte avec la société populaire de Montbéliard et qui sait de
quelle influence jouit Robespierre jeune dans les sphères gouvernementales,
s’empresse de se rendre à l’invitation qui lui est adressée. Il en donne avis
au Comité de Salut public le 30 nivôse. Pourtant il ne part pas pour Vesoul
sans appréhension. Le jour même où il avait révoqué Bouillon, l’agent
national de Montbéliard, coupable de s’être opposé au trafic de Tréfous,
Bouillon avait osé lui répliquer qu’il était arrivé un autre représentant du
peuple dans le département de la Haute-Saône qui lui ferait rendre compte de
sa conduite[14]. Ce
langage avait paru à Bernard séditieux au premier chef et il en avait tenu
compte dans les motifs de son arrêté de révocation : « Considérant...
que déprécier un représentant du peuple et mépriser ses arrêtés quand il est
absent et que l’on compte sur l’arrivée d’un autre, est d’une âme basse,
servile et capable même de trahison ! » Il pouvait se demander si Robespierre
jeune n’avait déjà pas prêté l’oreille à toutes les plaintes dont sa conduite
dans la Haute-Saône avait été l’objet, d’autant plus qu’il arrivait à Vesoul
en compagnie de Viennot. Mais quels que fussent alors ses sentiments, il les
garda pour lui. Il
rencontre Robespierre à Vesoul le 3 pluviôse-22 janvier 1794. Tous les deux
se rendent le soir même à la société populaire. On offre à Bernard le
fauteuil de la présidence que Robespierre avait déjà occupé. La discussion
s’engage sur les administrateurs destitués et mis en réclusion pour cause de
fédéralisme. Leurs partisans, qui sont nombreux dans la société, plaident
leur cause avec chaleur. Qu’est-ce que le fédéralisme, demande un citoyen ?
C’est le projet de remplacer la grande république une et indivisible par une
poussière de petites républiques autonomes. Ce projet n’a jamais germé dans
la tête des administrateurs de la Haute- Saône. Par leur arrêté du 14 juin
1793, ils se sont proposés de procurer à la Convention la liberté et la
sécurité dont ils la croyaient dépourvue. Loin de penser à détruire le centre
du gouvernement, ils voulaient l’affermir, le mettre hors de toute atteinte.
La démonstration est si convaincante que personne ne se lève pour y répondre.
Joly lui-même, le délégué, le vizir de Bernard de Saintes, reconnaît que les
magistrats destitués n’étaient que « trompés » et il vote pour leur mise en
liberté. Alors Robespierre, qui a échangé quelques mots avec Bernard, tire en
ces termes la conclusion du débat : « Ceux à qui vous vous intéressez
n’étaient pas coupables ; je vois avec plaisir que mon collègue partage mes
opinions. Il me charge de vous annoncer que nous allons prendre des mesures
qui contenteront tout le monde[15]. » Bernard ajoute quelques
mots pro domo. Il parle « des causes bien excusables qui, de part et d’autre,
ont pu l’entraîner dans quelque tort » et, séance tenante, il rédige lui-même
l’arrêté qui accorde la liberté aux anciens administrateurs destitués. Tout
est à la joie et à la concorde, Bernard semble tout à lait gagné aux idées de
clémence de Robespierre. Il l’invite à dîner le soir même[16] et le lendemain ils se quittent
en apparence les meilleurs amis du monde. Bernard revient à Montbéliard. Il
est encore tout à l’indulgence. Le 10 pluviôse, 27 janvier, il rétablit dans
ses fonctions d’administrateur du district le citoyen Berger qu’il avait
destitué en même temps que Bouillon pour son attitude dans l’incident des
voitures de Tréfous. Le même jour, il donne une compensation à Bouillon en le
nommant commissaire national près le tribunal du district[17]. Peut-être espère-t-il, par ces
mesures de réparation, prévenir des dénonciations qu’il redoute ? Pendant
ce temps Robespierre jeune se repose à Vesoul. Il n’a pas l’austérité
mélancolique de son frère. Le beau sexe a pour lui des charmes. Il a emmené
avec lui une créole, la citoyenne La Saudraye, femme d’un académicien, qui se
plut dans le pays et fit part à Viennot de son intention d’acheter dans les
environs le domaine de la Montoyotte[18]. Charles Nodier, qui vit cette
femme au bras de Robespierre, dit qu’il ne la trouva « ni belle ni jolie »
mais que cependant son aspect lui fit une profonde impression. « Il y
avait quelque chose de pénétrant, de caustique et presque d’infernal dans son
regard et dans son sourire[19]. » Robespierre ne
parcourait pas seulement la carte du Tendre. Il causait et s’informait. De
toutes parts les parents des suspects lui présentaient des suppliques
auxquelles il ne pouvait donner satisfaction puisqu’il était sans pouvoirs
pour la Haute-Saône. Il expose la situation au Comité de Salut public. Le
Comité lui donne alors, par son arrêté de 5 pluviôse (25 janvier), pour le temps de son séjour
dans les départements de la Haute-Saône, du Doubs et du Jura, les mêmes
pouvoirs que ceux que Bernard, Duroy et Lejeune en avaient reçus précédemment[20] Dès lors Augustin Robespierre
n’hésite plus. Les mises en liberté se succèdent par centaines sous sa plume.
Les prisons se vident. En liberté, les suspects qui n’ont été enfermés que
pour cette seule raison qu’ils suivaient les offices des prêtres réfractaires,
« cette opinion doit être isolée de la Révolution ». En liberté, les
cultivateurs dont les bras sont nécessaires à l’ensemencement des terres ; en
liberté, ceux qui n’ont été arrêtés que pour des propos sans conséquence, « autant
le gouvernement révolutionnaire doit être terrible envers les coupables,
autant il doit venir au secours des êtres faibles, pusillanimes ou égarés[21] » ; en liberté les
vieillards et les infirmes qui sont « dans un état de maladie tel qu’en
les mettant en réclusion dans leur domicile, la sûreté publique est garantie
et le but de la loi rempli » ; en liberté, ceux qu’on n’a mis en prison qu’en
raison de leur parenté, en liberté les citoyennes Coucy mère et fille
détenues comme femme et fille de noble, « attendu qu’elles n’ont jamais fait
paraître des sentiments inciviques » ; en liberté, les parents des défenseurs
de la patrie ; en liberté, la citoyenne Delisle, mère de cinq enfants et sur
le point d’accoucher, « considérant, dit l’arrêté, que l’état où elle se
trouve a des droits à l’humanité » ; en liberté, Charlotte Dard, de Faverney,
« parce qu’elle a pu être égarée en écoutant les personnes au service
desquelles elle se trouvait », etc., etc. Robespierre
d’ailleurs n’agit point sans discernement. Il distingue parmi les détenus
ceux qui jouiront de leur entière liberté, ceux qui auront pour prison le
territoire de la commune, ceux qui seront reclus dans leur maison, ceux qui
seront tenus de quitter le pays pour retourner dans leur lieu d’origine[22]. Il prend des informations
auprès des sociétés populaires. Il invite la société de Jussey à éclairer sa
conscience « sur les différentes détentions qui ont eu lieu dans les communes
de son arrondissement, et la société docile nomme des commissaires qui se
transportent dans chacune d’elles « à l’effet de chercher la vérité et
séparer le vray coupable du cultivateur égaré ou trompé ». A Luxeuil, où il
se rend en personne, le 22 pluviôse, il consulte tous les habitants réunis et
il prend le vœu de Comité de surveillance de la commune sur chaque détenu en
particulier. A Menoux, petite commune du canton d’Amance, le 16 pluviôse, il
fait droit, dit-il, « à l’exclamation d’un jeune enfant qui, apercevant le
représentant du peuple, s’est écrié : Ah ! voilà que l’on vient nous rendre
justice ! », il réunit les habitants sur la place, il les interroge, et, de
retour à Vesoul, il signe la liberté des quinze suspects de la paroisse[23]. Il ne remet pas en liberté
tout le monde, il garde sous les verrous les gens dangereux. Quand il apprend
qu’il a eu tort de se montrer trop généreux, il reconnaît ses torts et
réincarcère lui-même les individus qu’il a élargis, ainsi 24 pluviôse : Considérant
que notre religion a été surprise relativement à la mise en liberté de
Joyaudet, de Roussey et de Tabourey, habitant la commune de Gourgeon, que le
premier, frère de deux prêtres émigrés, n’a jamais donné la moindre preuve de
patriotisme, qu’il s’est joint au contraire au parti aristocratique de sa
commune pour étouffer le patriotisme naissant ; que le second a été destitué
de sa place de maire par les représentants du peuple Michaud et Siblot, en
raison de sa conduite suspecte et des faits atroces qui se sont passés dans
lu commune de Gourgeon pendant qu’il était maire ; que le troisième, dont le
fils soldat volontaire a déserté la République, est aussi d’un incivisme
reconnu ; que les différentes imputations faites à ces trois individus sont affirmées
et relatées dans une dénonciation de la société populaire de Jussey ; que ce
qui donne le dernier degré de certitude à cette dénonciation est le mauvais
esprit qui domine en cette commune et constaté par la désertion de douze
volontaires qu’elle a fournis et qui sont passés au pays étranger, déclarons
que notre arrêté portant l’élargissement de Joyaudet, Roussey et Tabourey
demeure comme nul et non avenu, ordonnons qu’à la diligence de l’agent
national du district de Jussey Us seront remis en arrestation dans la maison
d’arrêt de cette commune[24]. Robespierre
veut bien être indulgent mais il entend que son indulgence ne profite qu’à la
République. Il applique en somme en Franche-Comté la politique que son frère
aurait voulu étendre à toute la France en faisant voter le 30 frimaire le
décret si vite resté lettre morte, qui instituait une commission pour trier
les détenus. Auprès
des populations cette politique, généreuse sans faiblesse, obtint un succès
complet. Robespierre jeune fit partout aimer la Convention et acclamer la
Montagne. Mais cette politique contrariait trop d’intérêts et
d’amours-propres parmi les petits despotes d’un jour pour qu’il s’y
résignassent sans résistance. Les
mises en liberté ordonnées par Robespierre jeune étaient autant de critiques
à l’adresse de ceux qui avaient incarcéré un si grand nombre d’innocents ou
d’in offensifs. Ces terroristes, qui avaient cru sauver la France en jetant
les suspects par centaines dans les prisons, étaient maintenant livrés aux
critiques dérisoires de l’opinion, aux rancunes et aux vengeances de leurs
victimes. Leur irritation, faite de peur autant que de conviction, se
manifesta d’abord au club de Besançon, d’où étaient partis les émissaires de
Bernard envoyés à travers la province, en octobre 1793, pour épurer les
autorités, dresser les listes de suspicion, régénérer les sociétés
populaires. Il y avait là des hommes jeunes et ardents, pressés de faire une
carrière et que les scrupules ne gênaient point. Ils étaient groupés autour
d’un journal de combat, la Vedette, qui savait passionner les esprits autour
des idées et plus encore autour des personnes. Us avaient formé jusque-là
l’état-major des représentants en mission, ils étaient leurs informateurs et
leurs agents d’exécution. Ils se virent menacés. Briot, ancien professeur de
rhétorique au collège, âgé d’une vingtaine d’années, rédigeait la Vedette, de
concert avec l’ex-abbé Dormoy. Après s’être montré l’ami de Charles Hesse, «
le général Marat », qui avait commandé à Besançon en 1792, il était passé
dans le camp girondin et avait raillé à la fin de 1792 le déisme de
Robespierre. Au moment du procès du roi il avait d’abord soutenu 9ue la
Convention ne pouvait s’ériger en tribunal, puis brusquement il avait
applaudi au supplice de Louis XVI. A la veille du 31 mai les sections de
Besançon l’avaient envoyé à Paris pour porter aux Girondins les
encouragements des honnêtes gens, il avait blâmé l’insurrection montagnarde,
puis brusquement il s’en était fait le panégyriste. Pour éviter la
conscription, dont le menaçait son âge, il avait su capter la confiance du
général Reed commandant la division qui l'avait Pris comme aide de camp, bien
qu’il n’eût jamais servi. On l’avait vu ensuite promener son sabre dans les
clubs de la contrée, menaçant les feuillants, les épurant, les Incarcérant.
Il avait accompagné Bernard de Saintes dans l’expédition de Montbéliard et
Bernard l’avait chargé d’approvisionner sa cave[25]. Briot dès lors rejoignait les
hébertistes dans leurs fureurs. Il étalait dans la Vedette une violente
colère contre tout ce qui touchait aux prêtres et à la religion. Cela ne
l’empêchait pas de rester en bons termes avec le beau monde de Besançon qu’il
protégeait. Le Comité de Salut public ayant destitué l’adjudant-général
Viennot, frère du fameux comte Viennot-Vaublanc qui avait été un des chefs du
côté droit à la Législative, et qui avait émigré, Bernard (de Saintes), sans doute, stylé par Briot,
prit la défense de cet officier et écrivit au Comité de Salut public, le 15
octobre 1793, qu’il n’était pas noble, qu’il était abhorré de sa famille
comme républicain, et que d’ailleurs il était chéri des Sans-Culottes de
Besançon[26]. Viennot-Vaublanc fut maintenu
en fonctions et la coterie de Briot plaça ce frère d’émigré à la présidence
de la société populaire de Besançon. Le même Briot, si dur pour les
feuillants et les fédéralistes, prenait sous sa protection un noble Joseph
Droz de Rozel, qui se fera plus tard un nom comme académicien, mais qui
n’était guère connu jusque-là que par les sentiments royalistes qu’il avait
affichés avant le 10 août. Il était allé jusqu’à offrir à Louis XVI ses
services avant l’insurrection. Mais, converti par son protecteur Briot au
jacobinisme, Joseph Droz écrivait à ce dernier pendant la mission même de
Robespierre, qu’il fallait traiter toutes les affaires à coups de sabre[27] et former dans le Doubs une
armée révolutionnaire qui traquerait les suspects des montagnes. L’abbé
Dormoy, qui est alors le second de Briot, fréquente les ci-devant conseillers
au parlement, fait mettre en liberté l’un d’eux, Maire, dont il épouse la
fille qui lui apporte une large dot. Tels étaient les rigides terroristes
bisontins que l’indulgence de Robespierre jeune indigna et qui se préparèrent
à y faire obstacle. Le représentant Lejeune venait d’arriver à Besançon pour
y remplacer Bernard (de Saintes) que le Comité de Salut public envoyait à Dijon.
Lejeune, jacobin sincère, qui s’était fait remarquer par sa motion de fermer
les théâtres et d’établir sur les places publiques des forges °ù le peuple
verrait forger « les armes de la vengeance », Lejeune, étranger au pays, fut
vite circonvenu par la coterie qui dirigeait la société populaire. Dès le
lendemain de son arrivée à Besançon il mandait au Comité de Salut public, le
6 pluviôse, 25 janvier 1794, que « le fanatisme avait encore de profondes
racines surtout dans la montagne. Les malveillants, ajoutait-il, les ennemis
secrets de la Révolution, les émissaires des tyrans coalisés se servent de ce
moyen pour égarer les habitants des campagnes et faire du Jura et du Doubs une
nouvelle Vendée. Déjà la tête de plusieurs de ces scélérats, au nombre
desquels sont quelques prêtres, vient de tomber sur l’échafaud ». Cette
lettre promettait. Bernard
(de
Saintes), qui avait
quitté Montbéliard le 10 pluviôse pour se rendre à Dijon, s’arrêta en passant
ù Besançon et ne manqua pas de visiter son collègue Lejeune. Celui-ci lui fit
des reproches sur la faiblesse qu’il avait montrée à Vesoul et à Montbéliard
en relâchant en foule les suspects. Bernard s’excusa en rejetant la faute sur
Robespierre jeune. Les deux représentants se rendirent le 12 pluviôse à la
société populaire. Les amis de Briot demandèrent compte à Bernard de la
conduite qu’il avait tenue à la fin de sa mission. Ils lui reprochèrent
particulièrement d’avoir destitué le district de Saint-Hippolyte composé de
terroristes et d’en avoir traduit quelques-uns au tribunal criminel de Vesoul[28]. Bernard « développa les
raisons qui l’avaient forcé d’être sévère contre des hommes que la société
populaire défendait comme vrais républicains[29] ». Les partisans de Briot
lui répliquèrent qu’il s’était laissé tromper par des intrigants. Après une
discussion prolongée, qu’on devine avoir été vive, finalement le sentiment
des partisans de la rigueur soutenus par Lejeune prévalut. Il fut décidé que
la société nommerait des commissaires pour « se transporter près du
représentant qui était à Vesoul [c’est-à-dire près de Robespierre jeune],
afin de lui porter en même temps et les réclamations de la société et le vœu
de Lejeune et Bernard ». Lejeune avait parlé « avec une loyauté républicaine
» « des torts de son collègue [Bernard] dans la conduite qu’il avait tenue à
Vesoul et lui avait reproché une faiblesse momentanée ». Bernard s’était
humilié devant Lejeune comme il s’était humilié quelques jours plus tôt
devant Robespierre. Il avoua lui-même ses erreurs, « d’une manière généreuse
et grande », dit la Vedette, et il invita les patriotes à le dénoncer.
Quelques jours plus tard, dans une lettre écrite de Dijon au Comité de Salut
public, le 17 pluviôse (5 février 1794), il s’accusait « d’avoir coopéré avec son collègue
Robespierre le jeune à la mise en liberté de tous les administrateurs du
département de la Haute-Saône, du district et de la municipalité de Vesoul,
incarcérés après qu’il les eût destitués pour avoir pris des arrêtés
fédéralistes sur les journées du 31 mai et 2 juin », il peignait la société
populaire de Vesoul comme une « société plus que modérée qui admettait un
clergé dans son sein et qui n’avait jamais su dénoncer les aristocrates, mais
bien s’intéresser chaudement à leur sort et leur donner des attestations de
civisme ; société qui avait eu la bassesse d’aller chercher en triomphe les
reclus lors de leur mise en liberté et de les fêter comme les sauveurs de la
République qu’ils avaient voulu perdre, société qui trouvait bon que douze
prêtres, masqués de leur domino, promenassent les morts dans les rues avec
des cierges, des croix, des lanternes et étourdissent les citoyens de leurs
croassements lugubres ». Le même jour il écrivait aux sans-culottes de
Montbéliard une lettre conçue dans le même esprit où il s’efforçait de les
exciter de son mieux contre la politique de faiblesse qu’il s’accusait
d’avoir suivie un moment : A
la honte des anciens Français, je n’ai pas trouvé sur une route la même
énergie, le même culte patriotique qu’à Montbéliard. J’ai vu des croix sur
les chemins, des hommes et des femmes sans cocarde nationale, que j’ai fait
incarcérer. J’ai vu des prêtres masqués en domino, éclairer en plein midi les
morts et les vivants, avec des cierges, des crêpes et autres bougreries
semblables que vous ne connaissez plus, je me suis entendu appeler Monsieur
et prononcer des vous à toute minute ; et, dans cette étonnante
position, je me suis écrié : Où est mon petit Montbéliard qui va si bien ! et
j’y ai envoyé tout le monde prendre des leçons de civisme. Cela, ma foi, vous
fait bien honneur et doit vous donner une nouvelle énergie. Cependant,
arrivé à Dijon, j’y vois avec plaisir le patriotisme et la raison
ressusciter, car la première demande que m’ont fait les corps administratifs,
qui sont de ma création, est d’ordonner la fermeture de leurs églises et de
chasser les prêtres. Vous sentez que, quoique je ne peux prendre un tel
arrêté, je trouverai bien le moyen de satisfaire ces braves gens. Mon
coup d’essai ici a été de prendre gîte dans la maison du Crésus Micault,
président du parlement, et j’ai eu assez bon nez ; car outre que la cave est
meublée de fort bon vin, c’est qu’il s’y est trouvé quelques petites
armoiries, qui m’ont mis dans le cas de confisquer, au profit de la nation,
ce superbe hôtel. J’ai donc fait une bonne capture, qui, j’espère, sera
suivie de quelques autres, et, en outre, j’envoie chercher le maître à
Luxeuil pour le faire juger émigré. Si cela est, 400.000 livres de rentes
vont tomber dans les coffres de la nation. Amis,
il ne me reste plus qu’à vous prier de vous maintenir dans votre bonne
réputation, et en cela mon amour- propre est de moitié avec le vôtre[30]. Comme
on le pense bien, les Tape-durs du Doubs firent circuler la lettre de Bernard
et ils s’efforcèrent dès lors de représenter Robespierre jeune comme un
protecteur déguisé des aristocrates et des prêtres. A la même date, les
hébertistes faisaient passer Robespierre aîné pour un feuillant, pour un
modéré. Aux
critiques de Lejeune et de Bernard (de Saintes) vinrent bientôt se joindre
celles d’un autre représentant, Duroy, que le Comité de Salut public avait
chargé d’établir le gouvernement révolutionnaire dans la Haute-Marne et dans
la Haute-Saône par le même arrêté qui avait envoyé Bernard de Saintes dans la
Côte-d’Or et la Saône-et-Loire (arrêté du 9 nivôse). Duroy était un Montagnard
sincère, très zélé et très désintéressé. Il donnera sa vie à ses idées après
l’échec de l’insurrection du 1er prairial. Fut-il influencé par Lejeune et
par Bernard (de Saintes)
? Peut-être. Il revenait de l’armée du Rhin où Lacoste et Baudot, Lebas et
Saint-Just avaient porté l’esprit public à un niveau très élevé. Il est
possible que le contraste qu’il constata entre l’atmosphère fiévreuse d’une
ville frontière comme Strasbourg où l’on vivait dans l’angoisse Patriotique,
dans le soupçon constant des conspirations, et la tranquille placidité d’un
petit centre provincial comme Vesoul, il est possible que ce contraste lui
eût fait une mauvaise impression et qu’il ait été spontanément porté à
prendre de la conduite de son collègue Une idée fâcheuse. Robespierre jeune
conviendra lui- même que le procureur Humbert, frère de l’ami de Maximilien,
dans la maison duquel il logeait à Vesoul, jouissait d’une mauvaise
réputation civique et il expliquera que cette circonstance fut « un moyen
pour prévenir les esprits contre lui et contre ce qu’il avait fait[31]. » Toujours
est-il que Duroy, après son passage à Vesoul, écrivit à Maximilien
personnellement, de Chaumont, le 25 pluviôse : J’ai
remarqué avec douleur que ton frère n’étoit plus le même... Je lui ai dit en
particulier ma façon de penser. Je lui ai tenu le langage de l’amitié, de la
franchise et du civisme. J’ai vu qu’il ne me comprenait pas. Je l’ai laissé à
Vesoul et je me suis rendu dans le département de la Haute-Marne, parce que
mes principes ne s’accordent pas avec ceux qu’il manifeste actuellement...[32] Dans
une nouvelle lettre du 7 ventôse, adressée cette fois au Comité de Salut
public, Duroy reviendra, en termes plus nets encore, sur son dissentiment
avec Robespierre jeune. Il déclarera ne pouvoir approuver un arrêté que
celui-ci avait pris sur les subsistances le 24 pluviôse précédent[33] et il ajoutera qu’il pensait
que sa mission dans la Haute-Saône aurait dû faire cesser celle de
Robespierre jeune qui devrait être à l’armée d’Italie. Mais déjà, à cette
date du 7 ventôse, Augustin Robespierre n’était plus en Franche-Comté. Désavoué
par les trois représentants Lejeune, Bernard (de Saintes) et Duroy, accusé par le club de
Besançon, le frère de Robespierre avait puisé dans sa conscience la force de
continuer son œuvre. La démarche tentée auprès de lui par les clubistes
bisontins après la séance du 12 pluviôse n’avait produit aucun effet, car
c’est précisément après cette date qu’il prononce ses plus nombreuses mises
en liberté. Il est probable qu’il se sentait soutenu et encouragé par
Robespierre aîné, puisqu’il prolongea son séjour en Franche-Comté trois
semaines encore. Il trouvait un dédommagement à l’hostilité que lui
témoignaient les terroristes de Besançon dans les marques de sympathie de
plus en plus nombreuses qu’il recevait de toutes les autres sociétés
populaires. Épurée
en brumaire par Briot qui lui avait fait honte de son modérantisme, la
société de Gray avait d’abord penché du côté de la société de Besançon avec
laquelle elle entretenait des rapports de bon voisinage. Au début de
pluviôse, au début même de la mission de Robespierre jeune, elle s’était émue
des vexations que faisaient éprouver aux cultivateurs des communes
environnantes les agents chargés de l’approvisionnement de Ville-Affranchie,
c’est-à-dire de Lyon. Ces commissaires délégués par les représentants à Lyon
faisaient le recensement des grains, les mettaient en réquisition et
défendaient aux propriétaires sous menaces de mort d’y toucher, de les vendre
ou même d’y puiser pour leur consommation, « de manière, dit le registre du
club, que les citoyens qui n’ont pas quelques provisions sont obligés d’avoir
besoin à côté d’un grenier bien rempli ». Ils commettaient en outre toutes sortes
de violences et brisaient les images des saints[34]. Le club, soutenu par les
autorités de Gray, traduisit leur chef, Maillot, à sa barre, l’interrogea, et
le fit arrêter ainsi que ses auxiliaires. Cette
arrestation était une grave mesure qu’il fallait se hâter de faire approuver
par les représentants en mission dans la contrée. Le club de Gray eut d’abord
l’idée de s’adresser à Lejeune qui était à Besançon. Il délégua auprès de
celui-ci deux de ses membres Silvant aîné et l’ex-abbé Cournot[35] qui furent fraîchement reçus.
Lejeune leur déclara qu’il entendait entretenir avec ses collègues en mission
à Commune-Affranchie de bonnes relations[36]. Il les renvoya sans leur
donner satisfaction. Ainsi déçus les Graylois se tournèrent vers Robespierre
jeune. Cournot, accompagné d’un autre clubiste, Avenne, se mit en route pour
Vesoul. Ils furent très bien accueillis. Robespierre jeune annula les
réquisitions faites par Maillot et ses agents, mais peu après il les remit en
liberté. Les Graylois reconnaissants l’invitèrent à venir dans leur ville. Il
promit de faire droit à leur désir. Il avait sans doute déjà l’intention de
se rendre à Besançon même pour se mesurer en face avec ses adversaires. Gray
était presque sur la route. Robespierre séjourna deux jours au moins à Gray,
les 25 et 26 pluviôse[37]. Il fut reçu au club par « des
cris de Vive la République, Vive la Montagne, et des applaudissements
universels ». Il prononça aussitôt un discours dont la netteté ne laissait
rien à désirer : « Je viens faire connaître, dit-il, les intentions de la Convention
: faire justice à tous, tirer de l’oppression les opprimés et punir les
oppresseurs, s’il en existe. » Le procès- verbal de la séance résume ainsi la
suite de son discours : Après
avoir fait la différence des représentants du peuple qui se montrent à tous,
parce qu’ils veulent l’intérêt de tous, d’avec les rois qui se cachent et
s’isolent de ce qu’ils appellent leur peuple, parce que la misère publique et
particulière les accuse, je viens, a-t-il ajouté, consulter les cœurs, parler
à vos vertus, vous demander quelles sont vos inquiétudes, quels sont vos
besoins. J’aurai rempli mon devoir, j’aurai contenté mon cœur si je parviens
à soulager les malheureux. Partout j’ai consulté les citoyens. C’est par
leurs lumières que j’ai toujours agi, guidé par eux. Je ne crains point de
m’écarter, le peuple n’est jamais injuste. Des
applaudissements « réitérés » saluèrent sa péroraison. Il convoqua pour le
lendemain la société et tous les habitants dans l’église la plus spacieuse,
et, comme on lui parlait encore de l’affaire Maillot, il invita la société «
à ne jamais discuter sur les subsistances », autrement dit à écarter de ses
débats une question brûlante qui pouvait être une pomme de discorde. Il cita
« l’exemple de la Convention qui, ne discutant jamais sur ces sortes
d’objets, travaillait continuellement et faisait des frais énormes pour
approvisionner la République ». Le lendemain, 26 pluviôse au soir, devant une
foule immense rassemblée dans l’église, Robespierre déclara qu’il avait été «
envoyé par la Convention pour recevoir les plaintes des personnes en
arrestation ». Il
en est qui, coupables de quelques fautes, semblent les avoir expiées par
plusieurs mois de détention. D’autres plus criminels doivent rester jusqu’à
ce que la paix régnant au dedans et au dehors de la République ne fasse plus
de tous les Français qu’un peuple de frères. Animé de ces sentiments, en me
montrant ferme et sincère envers ces derniers coupables, je ne respire, je
n’éprouve d’autres sentiments que celui de faire des heureux. La probité et
l’intégrité que j’ai reconnues dans le comité de surveillance prouve que tous
ont mérité leur sort. Veuillez donc bien me dire quels sont ceux qui assez
punis méritent aujourd’hui la liberté. On
examina alors la liste des détenus. Sur chacun d’eux Robespierre consulta
l’assemblée. Il remit en liberté à peu près la moitié de la liste. La séance
se termina à huit heures trois quarts dans l’effusion et dans l’enthousiasme
que vint encore accroître un trait de générosité du citoyen Silvant aîné qui
supplia le représentant de rendre à un suspect mis en liberté sa place qu’il
occupait. Mais Robespierre refusa de faire droit à cette demande
désintéressée ! « Les places des administrations doivent être occupées
par des hommes jouissant de la confiance de tous. » Robespierre fut reconduit
chez lui au chant des hymnes patriotiques. Le
lendemain il se rendait à Besançon où il rencontrait Lejeune. Il passait
trois jours avec lui et assistait à trois séances de la société populaire[38], celle-ci était loin d’être
unanime. Une forte opposition s’y était révélée contre Briot et contre
Dormoy. Elle était conduite par les hommes du Comité de surveillance et
notamment par deux d’entre eux, par l’ex-prêtre Melchior Proudhon[39] et par le négociant Piedmontois[40]. Ceux-ci entourèrent Robespierre,
l’encouragèrent. Robespierre les admit à sa table. Dès le premier jour, 27
pluviôse, Robespierre s’expliqua au club sur les accusations que Bernard (de
Saintes) avait portées contre lui. Dans une séance précédente, on s’en
souvient, le club avait reproché à Bernard son indulgence, mais, satisfaite
de son repentir, elle avait décidé sur la proposition de Rambour que les
reproches qu’elle lui avait adressés ne seraient pas inscrits à son
procès-verbal, afin « d’ensevelir tout ce qui pourroit tendre à aigrir ou à
diviser les esprits et à affaiblir le respect dû à la représentation
nationale » (séance du 23 pluviôse d’après la Vedette). L’intervention de Robespierre
ranimait la querelle. La séance fut orageuse. Finalement le club décida de «
rapporter sa délibération du 23 pluviôse qui annulait le procès-verbal du 12
du, même mois relatif à sa dénonciation du représentant Bernard ; il doit
être présenté à la lecture dans la séance du 30[41] ». On devine que Briot et ses
amis avaient fait un grand effort pour maintenir le club dans la voie de la
rigueur. Mais Robespierre s’entêta. Le lendemain un renfort lui vint de
Montbéliard. Sans se laisser toucher par les compliments hyperboliques que Bernard
leur avait adressés de Dijon, les Sans-culottes Montbéliardais avaient décidé
au contraire de dénoncer ses actes aux clubs voisins et notamment au club de Vesoul.
Us avaient dépêché à Vesoul dans cette intention deux des leurs, Berger et
Morel, qui devaient dénoncer le scandale de la vente du mobilier du prince et
de la nomination du banqueroutier Petitcolas-Pury à la place d’agent national[42]. N’ayant
pas trouvé Robespierre à Vesoul, Berger et Morel se rendirent ensuite à
Besançon où ils arrivèrent le 28 pluviôse sur les six heures du soir. La
discussion reprit à la société populaire sur le cas de Bernard : « Plusieurs
membres ont paru successivement à la tribune et ont inculpé Bernard d’avoir
vendu les meubles du ci-devant prince de Montbéliard sans en avoir achevé
l’inventaire, d’avoir fait cesser la confection de l’inventaire des effets de
l’évêque Schwarzer ; d’en avoir ordonné le transport au château, sans
vérification ; d’avoir pris pour lui et ses entours des effets d’or et
d’argent, entre autres une tabatière en or, qui avaient été fournis par les
habitants de Montbéliard en paiement de la contribution patriotique. » Les
députés de Montbéliard précisèrent ces accusations. Si on en croit Briot,
Robespierre jeune « aurait outragé son collègue absent ». Il aurait même
promis « de faire tomber sa tête ». Il aurait « porté la terreur dans l’âme
des membres de la société, injurié et menacé l’un des trois citoyens qui
seuls avaient osé défendre Bernard[43] ». Lejeune se serait interposé.
Il aurait eu « le courage de défendre son collègue contre les déclamations
forcenées de Robespierre ». Le 29 pluviôse enfin, les députés de Montbéliard
mirent en cause Petitcolas-Pury. Ils revinrent sur l’incident des caisses
envoyées à Bâle par ordre de Bernard. Ils terminèrent « par une apostrophe à
Robespierre », à qui ils demandèrent justice au nom de la société de
Montbéliard[44]. Nous ignorons quelle décision
précise sortit de ces scandaleux débats, si Robespierre jeune prit un arrêté
pour donner satisfaction aux plaintes qui s’étaient produites. Il n’est pas
exact, comme le dit Charles Nodier, qu’il fut dépourvu de pouvoirs dans le
Doubs. Ses pouvoirs s’étendaient même dans le Jura. Mais ils étaient limités
par les pouvoirs égaux de Lejeune avec lequel il était tenu de se concerter
et il est probable que celui-ci couvrit les partisans de Bernard (de Saintes). Mais, du silence de la Vedette
et des gémissements de Briot il est permis d’inférer que finalement la
victoire resta à Robespierre. Briot déclare qu’en présence du frère de
Catilina le silence fut imposé comme un devoir. Charles Nodier qui assista à
ces scènes nous dit — et son souvenir peut ici être retenu — qu’au moment du
départ d’Augustin, la cour de son auberge était « pleine de femmes qui
l’attendaient avec impatience pour lui présenter les réclamations des détenus
». Il aurait déclaré qu’il ne pouvait plus rien pour personne, mais il aurait
promis à la foule émue qu’il porterait sa plainte à la Convention, « qu’il
dévoilerait devant elle les injustes et horribles rigueurs des proconsuls »
et il aurait fini par cette phrase que Nodier n’avait pu oublier : « je
reviendrai ici avec le rameau d’or ou je mourrai pour vous ; car je vais
défendre à la fois ma tête et celle de vos parents[45]. » Faisons la part de la
littérature et du romantisme. Il reste que, dans la forteresse même du
terrorisme, Robespierre avait fait taire les partisans de Bernard et qu’il
quitta Besançon, la tête haute, laissant derrière lui les regrets des foules
et la reconnaissance des jacobins sages et sincères. Il était à Lyon, le 3
ventôse, et il annonçait à son frère l’envoi d’un rapport sur sa mission en
Franche-Comté. Dans cette même lettre, il repoussait du pied les accusations
de modérantisme dont Bernard, « cet être petit et immoral », s’était fait
contre lui l’organe. Il méprisait « sa stupide dénonciation ». Il définissait
en terminant l’idée directrice qui avait inspiré ses actes en ces paroles
d’une belle élévation : Rien
n’est plus facile que de conserver une réputation révolutionnaire aux dépens
de l’innocence. Les hommes médiocres trouvent, dans ce moyen, le voile qui
couvre toutes leurs noirceurs ; mais l’homme probe sauve l’innocence aux
dépens de sa réputation. Je n’ai amassé de réputation que pour faire le bien,
et je veux la dépenser en défendant l’innocence. Ne crains point que je me
laisse affaiblir par des considérations particulières ni par des sentiments
étrangers au bien public. Le salut de mon pays, voilà mon guide ; la morale
politique, voilà mon moyen. C’est cette morale que j’ai nourrie, échauffée et
fait naître dans toutes les âmes. On crie sincèrement Vive la Montagne dans
les pays que j'ai parcourus. Sois sûr que j’ai fait adorer la Montagne et qu’il
est des contrées qui ne font encore que la craindre, qui ne la connaissent
pas et auxquelles il ne manque qu’un représentant digne de sa mission, qui
élève le peuple, au lieu de le démoraliser. Il existe un système d’amener le
peuple à niveler tout ; si on n’y prend garde tout se désorganisera[46]. C’était
prévoir en bon prophète la démoralisation et la désorganisation
thermidoriennes. Robespierre
jeune parti, les terroristes, qu’avait contenus sa présence, reprirent peu à
peu courage. Dès le 3 ventôse, son ami le pharmacien Viennot, était incarcéré
à Vesoul et maintenu trois mois en prison, par ordre du Comité de Sûreté
générale sur une dénonciation de Bernard. La société populaire de Vesoul
protestait contre cette arrestation et envoyait une délégation à Paris pour
le sauver de la guillotine[47]. L’agent national Boisot, qui
s’attendait à être arrêté à son tour, écrivait à Robespierre jeune, pour lui
peindre les alarmes de ses amis. Pour être plus sûr d’être écouté, il
écrivait aussi quelques jours plus tard une longue lettre émouvante à M me de
La Saudraye dont il réclamait l’intercession : On
nous effraye tous les jours de l’arrivée du citoyen Bernard. L’on nous dit
qu’il a obtenu une nouvelle mission pour ce département. De certains hommes
se pavanent de joie ; ils ont la figure riante et se promettent des plaisirs
dignes d’eux. La liste de proscription est déjà faite. Nous sommes 80
désignés pour victimes. Sa vengeance n’aura point de bornes ; c’est un
sceptre de fer qui doit nous écraser. Tous les hommes qui ont du courage, de
l’austérité, des principes ou de la vertu ; tous les hommes qui n’ont pas,
comme lui et ses partisans, embrassé la république comme un métier, et la
révolution comme une ressource et un moyen de régner par l’intrigue, mais qui
aiment la patrie et la liberté, sont pour le bonheur du peuple, tous ces
hommes seront immolés. C’est la vengeance du crime contre la vertu ; c’est la
conspiration du vice contre les mœurs ; c’est en petit contre nous, ce que la
conspiration d’Hébert et compagnie était contre la liberté publique. Je ne
fais pas un doute dans mon opinion particulière que cet homme corrompu, sans
vertu et sans morale, perdu de débauche et dégoûtant par ses excès en tout
genre, ne soit vraiment du parti des étrangers qui, ne pouvant vaincre la
République par la force des armes, veulent anéantir la liberté par la corruption
des mœurs et révolter le peuple par leur tyrannie et leurs injustices
criantes. Une
telle lettre, dont l’accent de sincérité ne trompe pas, fait connaître
jusqu’au fond l’âme des robespierristes, qui, en province comme à Paris,
représentaient ce qu’il y avait de meilleur, de plus sain et de plus droit
dans le parti révolutionnaire. Robespierre
jeune intervint auprès de son frère, et Bernard ne retourna plus en
Franche-Comté. Dans ses lettres à Maximilien datées de Nice du 6 germinal et
le 16 germinal[48], il revint sur Bernard de
Saintes dans les mêmes termes que le Vésulien Boisot. Il compare comme lui
Bernard aux hébertistes. « Je n’ai pas suivi le système de ces hommes
immoraux et pervers qui affectent le philosophisme pour ne point laisser voir
qu’ils sont sans mœurs et sans vertus, qui abattent une croix pour qu’on ne
s’occupe pas de leurs dilapidations et de leurs crimes. » Paroles
remarquables et plus justes qu’on ne pense ! Il fait l’éloge de Viennot et de
Boisot « hommes purs et capables », du juge Galmiche « homme probe et à
talent[49] ». Il demande à son frère de
faire rappeler Bernard dans le sein de la Convention et il l’avertit qu’il
écrit au Comité de Sûreté générale une lettre dont il lui envoie copie et qui
contenait une intervention en faveur de Viennot[50]. Dans le
Doubs, comme dans la Haute-Saône, les jacobins qui avaient soutenu
Robespierre jeune furent inquiétés après son départ. La coterie de Briot, qui
avait d’abord été très ébranlée[51], reprit peu à peu son aplomb.
Elle parvint à triompher des hésitations de Lejeune et, sous prétexte que les
deux hommes qui dirigeaient le Comité de surveillance, Proudhon et
Piedmontois, étaient hostiles à la colonie suisse que Bassal avait installée
dans un couvent transformé à son intention en manufacture d’horlogerie, elle
les fit destituer le 14 messidor an II[52]. Mais Piedmontois et Proudhon
étaient des hommes énergiques qui n’hésitèrent pas à en appeler au club, où
ils reparurent, malgré leur mise en surveillance, et au Comité de Salut
public où ils demandèrent à être interrogés[53]. Nous croyons sans peine avec Charles Nodier que la nouvelle du 9 thermidor plongea dans une stupeur inquiète et indignée la grande majorité des républicains francs-comtois. « Hélas ! se disait-on, qu’allons-nous devenir ? Nos malheurs ne sont pas finis, puisqu’il nous reste encore des amis et des parents et que MM. Robespierre sont morts ! » Et Charles Nodier ajoute cette phrase qui est la vérité historique : « Cette crainte n’était pas sans motif, car le parti de Robespierre venait d’être immolé par le parti de la Terreur. » Mais la lâcheté humaine est telle que ces mêmes clubs qui avaient acclamé Robespierre jeune, qui l’avaient escorté, enguirlandé de fleurs et de couronnes, qui pleuraient de joie à ses arrêtés libérateurs, s’empressèrent après thermidor de féliciter ses vainqueurs, parmi lesquels figurait naturellement Bernard (de Saintes). |
[1]
Histoire de Robespierre, 1867, t. III, p. 403.
[2]
Voir Edmond Poupé, Lettres de Barras et de Fréron en mission dans le Midi,
1910 (notamment la lettre du 6 nivôse).
[3]
Mémoire du citoyen Viennot à l’administration centrale du département sur
les inculpations qui lui sont faites, fructidor an VII, p. 9.
[4]
285 assermentés contre 118 réfractaires.
[5]
Constatant que le département de la Haute-Saône avait en 4 jours envoyé une
levée de 6.000 hommes à l’armée du Rhin, la Législative avait décrété le 1er
septembre 1792 que ce département avait bien mérité de la patrie.
[6]
Les citoyens composant la commune de Vesoul réunis en société populaire à
Bernard de Saintes sur son compte-rendu de la partie critiquée de sa mission,
an III, pièces justificatives, n° 10.
[7]
Voir dans Armand Lods, Bernard de Saintes et la réunion de Montbéliard à la
France (Mémoires de la société d’émulation de Montbéliard, t. XIX,
1888), le fac-similé de la curieuse lettre par laquelle Bernard essaie de se
justifier auprès d’Hérault de Séchelles, datée du 13 du 2e mois. On voit par
cette lettre que Tréfous avait aussi obtenu un marché de couvertures jusqu’à
concurrence de 18.000 livres en numéraire.
[8]
Arrêté du 10 pluviôse an II, publié par M. Maurice Pigallet. Les
Conventionnels en mission dans le Doubs, en appendice de l'Annuaire du
Doubs, à partir de 1906.
[9]
Arrêté du 21 nivôse an II : « Dans les districts où se trouvent des fourneaux
ou forges en réquisition pour la République, les administrateurs prendront les
mesures les plus actives pour constater les besoins en fourrages, chevaux et
harnais des maîtres de forges, ainsi que des subsistances propres à la
nourriture des ouvriers et des mineurs, donneront tous ordres nécessaires pour
faire conserver ou fournir aux maîtres de forges ce qui sera nécessaire à
l’entretien de leurs fourneaux, forges, charrois de charbon, mines, de manière
qu’ils n’en puissent manquer, et pour faire approvisionner leurs ouvriers de
subsistances au moins pour un mois chaque fois..., etc. »
[10]
Lettre du 13 octobre 1793 à la Convention. M. Pigallet, Arrêtés de Bernard,
p. 57 du tirage à part.
[11]
L. Sahler, Notes sur Montbéliard, 1905, p. 25.
[12]
Voir dans le livre cité de M. Sahler le détail des enchères.
[13]
Sahler, p. 29.
[14]
Arrêté de Bernard du 1er pluviôse.
[15]
Procès-verbaux des principales séances de la société populaire de Vesoul,
auxquelles ont assisté les représentants Robespierre le jeune et Bernard de
Saintes, dans A. Lods, pp. 158-159.
[16]
Les citoyens composant la commune de Vesoul réunis en société populaire à
Bernard de Saintes sur son compte rendu de la partie critiquée de sa mission,
p. 13.
[17]
Arrêtés de Bernard, publiés par M. Pigallet.
[18]
Voir l’intéressante lettre de l’agent national Boisot à la citoyenne La
Saudraye, datée de Vesoul, le 1er germinal, 21 mars 1794, dans Lods, p.
180-182. Dans un mémoire daté de pluviôse an IV, Mme de La Saudraye expose que
son mari est mort depuis neuf mois, — donc il vivait encore quand elle
accompagna Robespierre en Franche-Comté — qu’il avait 15.000 livres de revenu
avant la Révolution mais qu’il perdit tous ses biens notamment une habitation
qu’il possédait à Saint-Domingue et qui fut incendiée le 2 septembre 1792. Il
habitait la France depuis vingt années et cultivait les lettres avec passion.
Quant à elle, elle n’avait plus que quelques proches ruinés dans les colonies.
Toute sa fortune consiste en une petite maison dans un faubourg de Sens, en une
rente de 2.000 livres et dans la vente partielle de la bibliothèque de son
mari. (Catalogue d’autographes Charavay, 1862, p. 274).
[19]
Souvenirs de Charles Nodier, t. I, 1872, p. 301.
[20]
L’arrêté est signé Collot d’Herbois, Barère, Jeanbon Saint-André,
Billaud-Varenne et Maximilien Robespierre. Les considérants disent que
Robespierre jeune s’est transporté dans la Haute-Saône pour faire Parvenir au
Comité des renseignements que les circonstances rendaient nécessaires.
[21]
Arrêté du 18 pluviôse dans Pli. Maréchal, La Révolution dans la Haute-Saône, p.
287. Nous avons publié les arrêtés de Robespierre jeune dans les Annales
révolutionnaires, 1916, t. VIII, pp. 79-130.
[22]
Voir l’intéressant arrêté du 22 pluviôse reproduit par M. Ph. Maréchal en
fac-simile.
[23]
Ph. Maréchal, pp. 284-285.
[24]
Ph. Maréchal, p. 295.
[25]
Voici une réquisition signée Briot : « Au nom du représentant du Peuple, le
citoyen Fallot, vis-à-vis la Halle, est requis de fournir douze bouteilles de
son meilleur vin rouge, dont il lui sera fait état sur les deniers provenant de
la vente des immeubles du ci-devant prince, pour l’état-major de la force armée
à Montbéliard. Signé : Briot, aide de camp. » (A. Lods, p. 343.)
[26]
A. Lods, p. 142.
[27]
Lettre du 22 pluviôse (10 février 1794), dans Sauzay, Histoire de la
persécution dans le Doubs, t. V, p. 309.
[28]
Sauzay, t. V, p. 324. Les jacobins de Besançon protestèrent contre ces
destitutions dans une lettre au club des jacobins de Paris qui la renvoya au
Comité de Sûreté générale.
[29]
Vedette du 13 pluviôse an II.
[30]
A. Lods, pp. 162-163. Sur la lamentable histoire du président Micault qui fut
condamné à mort comme émigré et exécuté, alors qu’il n’avait pas quitté la
France, voir l’article de M. Marion. Quelques exemples de l’application des
lois sur l’émigration (Revue historique, juin 1911).
[31]
Lettre de Robespierre jeune en date du 3 ventôse an II.
[32]
Cité par E. Hamel, t. III, p. 405.
[33]
Cet arrêté devait être très semblable à celui qu’il prit le lendemain 25
pluviôse : « Vu l’exposé des besoins du district de Lure en subsistances, sur
ce qui nous a été dit que les habitants de plusieurs communes étaient obligés
de se nourrir de pain d’avoine, que le sol de ce district, peu productif en
blé, a été presque totalement stérilisé par la sécheresse ; que la ressource
des pommes de terre et d’autres denrées qui pourraient remplacer le blé, est
presque nulle, arrêtons que la réquisition faite dans ce district pour le
département des Vosges est provisoirement suspendue : en conséquence les
communes chargées du contingent de ladite réquisition sont tenues de fournir
aux besoins des autres communes d’après les ordres qu’elles recevront de
l’administration du district, sous peine d’être poursuivies et traitées comme
rebelles aux lois. » Ph. Maréchal, p. 201.
[34]
Registre des délibérations du club de Gray, séance du 9 pluviôse (Arch. de la
Haute-Saône)
[35]
C’était l’oncle du célèbre philosophe du même nom.
[36]
Voir la lettre de Lejeune en date du 6 pluviôse.
[37]
Registre du club de Gray. Avant d’aller à Gray il fit une visite à Luxeuil le
22 pluviôse. Il était de retour à Vesoul le 24 pluviôse.
[38]
D’après la brochure de Briot intitulée Aux représentons du peuple Membres du
Comité de Salut public et de Sûreté générale, datée du 20 thermidor an II, 16
p. Le récit de Charles Nodier dans ses Souvenirs est fantaisiste.
[39]
Le cousin du fameux socialiste.
[40]
D’après Briot, le Comité de surveillance de Besançon avait fait mettre le
scellé sur les malles de Bernard à leur passage dans la ville avait dénoncé
Bernard au Comité de surveillance de Dijon (brochure citée). Ceci est confirmé
par les archives de la Côte-d’Or.
[41]
Vedette du 30 pluviôse.
[42]
2D’après l'Extrait des registres de la société populaire et montagnarde de
Montbéliard, en date du 2 ventôse (dans A Lods, p. 326 et suiv.).
[43]
D’après la brochure de Briot. Ce citoyen outragé par Robespierre n’est autre
que Briot lui-même que Robespierre désignera dédaigneusement dans sa lettre du
3 ventôse à son frère en ces termes : « un rédacteur corrompu d’un journal qui
se fabrique dans le département du Doubs. » Un autre contradicteur fut le frère
de Vaublanc qui présidait la société (même lettre).
[44]
Procès-verbal de la société de Montbéliard.
[45]
Souvenirs de Charles Nodier, t. I, 1872, p. 304.
[46]
Lettre publiée à la suite du rapport de Courtois du 16 nivôse an III, p. 293.
[47]
Les citoyens composant la commune de Vesoul, réunis en société populaire, à
Bernard (de Saintes) sur le compte-rendu..., p. 10 et pièces justificatives et Mémoire
du citoyen Viennot, an VII.
[48]
Analysées dans Hector Fleischmann, en appendice des Mémoires de Charlotte
Robespierre, pp. 352 et 353. La lettre du 16 germinal, qui fit partie de la
collection Benjamin Filon, est publiée in extenso dans le catalogue de la
collection Morrisson, t. V, pp. 284-285.
[49]
Boisot, Viennot et Galmiche figurent dans la liste des candidats aux places qui
fut trouvée dans les papiers de Robespierre. Mais le nom dc Galmiche a été
estropié en Garnerin. (Rapport de Courtois, nivôse III, p. 139.)
[50]
Cette lettre a été publiée dans les Annales révolutionnaires, 1917, t. IX, pp.
114-116.
[51]
Si on en croit le pamphlet Quand la Perruque a fait son teins, œuvre d’un homme
très bien informé (paru en l’an III), Briot aurait écrit à Robespierre jeune
deux lettres à Besançon pour lui demander excuses. « Tu lui en écrivis d’autres
à l’armée d’Italie et qui étaient le chef-d'œuvre la lâcheté ! Et ces
dernières existent, mon cher ami, tu me comprends. »
[52]
Arrêtés de Lejeune publiés par M. Pigallet.
[53]
Archives nationales F⁷ 3822 (rapport du bureau de police générale du 5
thermidor).