GIRONDINS ET MONTAGNARDS

 

CHAPITRE XI. — TALON ET LA POLICE DE BONAPARTE.

 

 

(Documents inédits.)

 

Une biographie d'Antoine-Orner Talon, qui fut mêlé directement à toutes les intrigues de la Cour, de Mirabeau, de Lafayette, de Monsieur, etc., sous la Constituante, rendrait les plus grands services. Les éléments de cette biographie existent dans les trois volumes de la précieuse Correspondance de Mirabeau avec La Marck publiée par M. de Bacourt en 1851, dans les mémoires de Lafayette, dans les pièces de l'Armoire de fer, etc., mais aussi dans les dossiers des Archives encore inédits.

Le dossier T² des Archives nationales renferme les titres de propriété de la famille de Talon qui ont été mis sous séquestre au moment des perquisitions diverses pratiquées à son domicile après le 10 août, quand il était en fuite en Angleterre.

Le dossier F⁷ 6243 concerne son associé, le négociant hollandais Boucherot, qui fut arrêté à Paris en pluviôse an VIII, comme suspect. Outre les divers interrogatoires que subit Boucherot, on y trouve une analyse du contrat d'association qu'il avait passé avec Talon le 31 décembre 1799. L'ancien lieutenant au Châtelet s'était obligé à commanditer Boucherot d'une somme de 1.800.000 livres. On trouve encore parmi les papiers de l'affaire plusieurs lettres de l'ambassadeur de Hollande, Schimmelpenninck, qui intervint en faveur du négociant Boucherot.

Le dossier F⁷ 6374, le plus important de tous, réunit les pièces de la procédure instruite contre Talon quand il revint en France sous le Consulat et qu'il fut arrêté pour complot contre la sûreté de l'Etat.

J'ai déjà emprunté à ce dossier quelques données de nature à éclairer les rapports de Danton avec la liste civile. Le moment est venu d'en publier intégralement les principales pièces et de résumer les autres.

 

I. — Rapport de police contre Talon.

Le rapport de police qui a provoqué l'arrestation de Talon est l'œuvre d'un agent qui vient d'Angleterre — il était encore à Londres cinq semaines auparavant. Cet agent est bien renseigné. Il sait écrire. Il ne doit pas être le premier venu. Ecrivant au ministre, dont il est connu, il n'a pas signé son rapport :

Il est des hommes qui depuis douze ans se sont perfectionnés avec d'autant plus de succès dans l'art de feindre qu'ils ont feint toujours. Vous les voyés aujourd'hui s'étayer des apparences de faiblesse pour mieux cacher leur audace et leurs prétentions. Ils ne se présentent comme soumis que pour mieux cacher qu'ils sont rebelles...

L'individu dont j'ai à parler plus particulièrement est M. Talon, cy devant lieutenant civil au Châtelet. Cet homme très marquant, quoique jamais apperçu, vient de s'introduire ou d'étre introduit à Paris comme tant d'autres ennemis des hommes ou des choses d'à présent. Il faut montrer au Gouvernement tout ce que la conduite de ce personnage habile doit lui faire craindre pour l'avenir en lui montrant l'influence dangereuse qu'elle a eu sur le passé. Il sentira combien il faut être en même tems ferme, cupide, adroit et constant dans ses projets pour avoir marché pendant autant d'années avec la même sécurité dans la plus orageuse carrière. Il sentira que de tels hommes ne changent pas de caractère pour changer de phisionomie. Ce sont toujours des Grecs qui travaillent à faire entrer leur perfide cheval dans les murs de la belliqueuse mais trop confiante Troyes (sic).

Dès l'hiver de 1788 à 1789, M. Talon et son oncle[1] distribuaient secrètement des sommes considérables pour arrêter et changer les dispositions des Etats généraux lors de leur naissance. J'ai porté, écrivit-il au roi, dans ces travaux périlleux, mon zèle et mes principes. J'ai imprimé dans la capitale le premier mouvement sans me permettre d'en calculer les conséquences. Je me suis laissé entrainer dans une nature de travail très hazardeux mais qui me présentait un but et des résultats qui étoffent suivant mon cour.

Quelques années s'étaient écoulées que M. Talon exerçait toujours son patronage de surveillance, écrivait de rechef au roi pour se louer de la méthode heureuse qu'il employait afin de parvenir à déconsidérer dans l'opinion publique le Corps législatif.

Plusieurs personnes concouraient à ces taches et obscurs travaux, savoir : MM. de Chevillon, Benoit[2], actuellement un des premiers chefs de division au ministère de l'intérieur, Bourdois, et le Trésorier de la Liste civile, Tourteau de Septeuil[3]. Ces manœuvres secrètes continuèrent en France jusqu'à la chute de la monarchie. A cette époque, c'est-à-dire après le 10 août, le zèle,. l'intrigue, l'orgueil blessé, l'amour du Roi, l'amour de l'or suivirent M. Talon en Angleterre et de cette isle on se mit en devoir de diriger de nouvelles trames. M. Benoit fut chargé de lui porter à Londres dix mille louis provenant de la caisse de la Liste civile. Cette caisse alors, pourvue de sommes considérables resta dans les mains de M. Tourteau de Septeuil, qui la gardera, m'a-t-on dit, avec le plus grand désintéressement jusqu'au retour d'un nouveau monarque.

M. Talon, transporté sur le sol de l'industrie et des spéculations, allia bientôt la science du calcul à celle de la politique. Il laissa dans l'intérieur la Révolution livrée à ses propres éléments et songea de s'occuper de ses intérêts en se parant toujours du noble soin de servir ceux des autres. Les princes avoient encore, ce qui dispensoit autrefois des qualités et des vertus, le prestige de la naissance et des titres, ns avoient encore la magie du pouvoir. M. Talon s'en approcha, en fut écouté et, en 1793, le Prétendant l'envoya à Philadelphie chargé d'une mission secrette pour le président des Etats-Unis. On peut lire à cet égard un ouvrage écrit par un homme de mérite très distingué, qui a pour titre Coup d'œil sur l'état actuel de nos rapports politiques avec les Etals-lJnis de l'Amérique septentrionale, par Joseph Fauchet[4]. M. Talon vint à Philadelphie avec une mission confidentielle du Prétendant. Il fut admis à une audience particulière de Washington avant l'arrivée du ministre Genest, etc.

Sans doute il est des écrits qui, dans les tems de discutions et de troubles politiques peuvent être justifiés. Les efforts que l'on fait dans certaines circonstances s'anoblissent par le mépris des dangers et même violer la justice est quelquefois lui rendre hommage. Mais qu'il y a loin de ce caractère à celui de M. Talon ! Toujours sous le voile, sans cesse écrivant des pages larmoyantes et réglant des mémoires lucratifs, vous le voyés toujours intéressé et jamais intéressant. Il conspirait avec le baron de Batz mais il ne se fut pas dévoué comme Despresmenil. M. Talon quitta l'Amérique et revint à Londres placer un nom déjà illustré par l'intrigue devant le gouvernement anglais. Furent-ils donc frappés tout à coup d'ignorance et de sottise ces hommes qui occupoient les premières places dans l'ancien ordre de choses lorsqu'ils allèrent demander des conseils et de l'appui aux ennemis mêmes de la France Monarchie comme de la France République ! Les tems ont prouvé que M. Talon voulut moins agir en homme prudent qui réfléchit qu'en homme avide qui compte parfaitement. Il laissa aux. Dumoustier[5], aux Cazalès le soin de tracer des homélies diplomatiques sous la dictée de Louis XVIII et regarda comme beaucoup plus profitable de travailler sous la direction et avec les fonds de la Grande-Bretagne à l'exportation des grains de France en Angleterre. Le Genevois Bellemy à Hambourg l'étaya merveilleusement dans la liaison et la confection des marchés, et Bourdois voyagea avec une activité sans égale pour les intérêts de la corporation marchande. M. Talon lui-même entreprit pour cet objet divers voyages en Hollande. Ses amis à Paris, ses amis à Londres, la puissance de l'or, tout lui fournit une égide impénétrable dont il est encore admirablement bien couvert.

Ce fut dans un de ses voyages à Amsterdam que son zèle pour la cause de la Royauté lui fit imaginer une opération financière dont Barème et la cupidité plutôt que Cujas et l'honneur lui firent découvrir les résultats.

Ce fut chez Couder[6], banquier d'Amsterdam, que l'on s’occupa de négocier la livraison de Surinam aux Anglais. Un nommé Syke, associé de Couder même, qui tenait encore du gouvernement statoudérien un des premiers emplois de l'Administration, s'engagea pour une somme énorme de faire capituler le Gouverneur et de remettre cette colonie aux troupes anglaises. La trame, ou plutôt l'opération commerciale, se fit, et M. Talon, pour sa part, gagna plus de cent mille louis dans un acte d'association pour lequel, en sa qualité de lieutenant au Châtelet, il eût fait pendre autrefois le scélérat qui l'aurait imité.

Et, naguerres, lorsque les Russes menaçaient de leur courage irréfléchi les soldats français et bataves qui s'immortalisèrent sur le Helder, M. Talon, trop connu dans les principales villes de la Hollande, y envoya sa femme recevoir les avis clandestins et les conseils parricides de ceux qui voulaient trahir leur pays et le livrer aux armes britanniques[7].

Mais quels motifs secrets portent M. Talon à se faire annoncer dans quelques maisons sous le nom de Valto ? Ses relations à Paris ne sont-elles pas inquiétantes d'après son caractère connu ? La circonspection m'empêche d'en nommer quelques-unes, cependant je me demanderai ce qu'il fait avec un sieur Bellart, homme de loi très déclaré contre le Gouvernement ? Que fera-t-il avec MM. de Sainte-Foix, de Grave, Choiseul-Gouffier, avec Greffulh, nouvellement arrivé de Londres, qui a dirigé tant de moyens contre la France depuis dix ans, Greffulh si publiquement enrichi par les faux assignats ; Greffulh en rapport avec trop d'hommes importants à Paris pour que j'en veuille citer un seul ; Greffulh qui s'expliquait encore dernièrement en Angleterre avec si peu de ménagement sur les destinées de la France, qui souriait de pitié au nom du Consul, au récit des travaux et des lumières du Gouvernement ; qui, après avoir payé pendant la guerre toutes les sommes pour l'armée de Condé, pour les intrigues de Crawfurt[8] et de Wickam[9], pour celles des frères Babouin, des chefs de Chouans, vient d'établir un comptoir à Paris, rue Vivienne ? Que fera-t-il avec M. de Calonne, dont il est l'intime ami et qu'il feint probablement de voir peu ou point dans cette capitale ?

Je terminerai mes observations par cette dernière. La ligne droite qu'a parcouru le principal auteur du traité de Pilnitz pour arriver à Bonaparte ne m'empêchera pas de dire avec confiance au Ministre de la Police générale : Vous avez affaire à un homme qui trompe le Consul et vous, lorsqu'il vous assure qu'il vient pour vous consacrer sous le rideau des talens et des connaissances dont, jusqu'à ce jour il a donné à la nation française un bien faible échantillon. L'homme qui du teins de son Ministère avait discrédité la monarchie par ses scandaleuses déprédations, qui croyait remplacer la conscience et la lumière d'un bon administrateur par de fastueux discours, l'homme qui prépara les fautes du dernier monarque, les malheurs illustres du peuple et toutes les folies de l'Emigration, l'ami de M. Pitt, du prince de Condé, de ses fils, de M. de Vaudreuil, etc., arriverait uniquement pour étayer le premier Consul de sa honteuse expérience ! Oh ! Certes on ne croira point à cet astucieux dévouement ! La démarche de M. de Calonne cache d'autres vues et d'autres intérêts[10]. Un seul homme que je crois maintenant en France pourrait révéler son secret. C'est un membre de l'opposition du Parlement anglais, plus intéressant par ce qu'il sait de particulier que M. Fox par l'éloquence de ses multiples motions ; ce membre de l'opposition se nomme sire Bourdet[11]. Disons-le, les offres de service de M. de Calonne sont la robe de Déjanire qu'il présente au redoutable Hercule.

Les voici donc enfin presque tous réunis sur le sol de la France, ceux qui en veulent bien moins encore aux principes républicains qu'aux personnages qui les ont accrédités, ceux même que j'entendis il y a cinq semaines à Londres ridiculiser l'élévation de Bonaparte, sa naissance, les moïens qu'il emploie pour donner du charme à son pouvoir ! Les voici tous réunis, ces hommes qui voyent avec tant de plaisir la Révolution perdre de son influence, qui se flattent de la faire changer entièrement de direction, et de voir toutes les idées de la Monarchie préparer insensiblement le retour des préjugés et de la superstition ! Pénétrés dans leurs cercles et voyés comme ils jouissent de pouvoir tourner librement en dérision les. hommes qui marquent le plus énergiquement dans nos grandes crises politiques ou. comme Guerriers ou comme Législateurs ! Bonaparte, Masséna, Cambacérès, Fouché, Bournonville, etc. Votre ouvrage, vos grands talens, vos vertus politiques ne vous feront jamais trouver grâce devant le tribunal des rois,. Le premier seul serait absous s'il redressait le trône de Louis XVIII, encore serait-il jugé n'avoir fait qu'un devoir d'expiation, mais le cabinet de Saint-James l'a résolu. Il faut que les monarchies, qui toutes reposent sur des préjugés, tuent la République qui repose sur des principes. Le cabinet de Saint-James ; qui exerce le pouvoir d'une monarchie universelle, au profit duquel se font tous les échanges dans les quatre parties du monder qui sépare à son gré les puissances de l'Europe de celles de l'Amérique ou de l'Asie, vise à ce but de destruction dans la paix comme dans la guerre. Il a tout calculé. Dans vingt ans„ la France subira le sort de la Pologne. Une guerre de dix années a déjà produit son effet dévastateur, une paix de quelque terras doit énerver à son tour les vertus guerrières qui furent redoutables à nos ennemis et qui sont le seul espoir crue nous ayons pu conserver.

L'Angleterre a dit dans son profond orgueil : Une nation qui détruit ses lois et ses institutions n'en peut rétablir d'autres, elle doit finir par passer sous le joug de ses voisins. Il faut pour lue servir de ses expressions lui laisser sa jactance, son engouement militaire. Le crédit est tout. Les capitaux mêmes ne sont rien devant lui. La France est vaincue bientôt car la véritable puissance ne se mesurera jamais sur l'étendue du sol, mais sur les progrès de l'industrie. La nôtre, disent avec assurance les ministres anglais, fait la loi à l'Univers. Toutes les monarchies qui nous environnent et qui ont une espèce de système de finances sont devenues nos tributaires, leurs sujets sont pour ainsi dire- les nôtres puisqu'ils sont les. consommateurs-nés des produits de la Grande-Bretagne et de la France.... Ah ! Il est échappé, m'a t'on assuré, an Sénateur Perregaux de dire, il y a peu de jours,. jamais ils ne parviendront à établir un gouvernement ! Cela peut-être parce que des hommes dangereux et des opinions plus dangereuses encore circulent aujourd'hui librement en France. L'un. et l'autre égare le pouvoir, l'influence avec succès. Que les hommes nouveaux se gardent des hommes anciens ! Les principes. de la Révolution dégagée de ses excès peuvent seuls les garantir de l'abîme où l'ou essayera de les précipiter. Ils doivent à jamais se faire craindre de l'Etranger, ils sont perdus s'ils cherchent à s'en faire aimer !.

 

Le rapport du policier fit impression, car, quelques semaines plus tard, le premier jour complémentaire an XI, 18 septembre 1803, le Grand Juge, Ministre de la Justice, Regnier, le futur duc de Massa, lançait un mandat d'arrêt contre Talon, en vertu de l'article 46 de la Constitution sur les crimes contre la Sûreté de l'Etat. Talon était en bonne fortune chez une daine quand les gendarmes se présentèrent à son domicile. ils ne l'y trouvèrent pas et ils ne purent le saisir que le quatrième jour complémentaire[12]. Il fut conduit au Temple et interrogé cinq jours plus tard par le magistrat de sûreté qui avait reçu tout préparé l'interrogatoire des mains de Regnier, qui l'avait d'ailleurs auparavant soumis à l'approbation de Bonaparte lui-même.

 

II. — L'interrogatoire de Talon.

L'an douze de la République française, le cinq vendémiaire, par devant nous, Pierre Farde, magistrat de sûreté du premier arrondissement du département de la Seine, a été amené le sieur Talon, détenu au Temple, où nous nous sommes transporté, par ordre du Grand Juge et ministre de la Justice, à l'effet d'interroger le dit sieur Talon, arrêté comme prévenu de conspiration. A quoi nous avons procédé ainsi qu'il suit :

-- Quels sont vos nom, prénom, âge, profession, demeure et lieu de naissance ?

— Je m'appelle Antoine-Omer Talon, âgé de 42 ans, propriétaire, natif de Paris, y demeurant rue Grange-Batelière, n° 5.

— Quelle charge remplissiés-vous en France avant 1789 ?

— J'en ai rempli trois : celle d'avocat du Roi au Châtelet pendant 5 ans ; celle de conseiller au parlement de Paris pendant environ 6 ans, et lieutenant civil au Châtelet.

— A quelle époque êtes-vous entré à l'Assemblée constituante ?

— A l'époque du mois de décembre 1789.

— Quand et pourquoi avés-vous donné votre démission de membre de cette Assemblée ?

— Je n'ai point donné ma démission. Je suis resté jusqu'à la fin et je n'ai jamais signé aucune protestation contre les délibérations. Je fais cette réflexion, pensant que cette question pourrait avoir rapport à mes opinions pendant le cours de l'Assemblée.

— De quelles fonctions particulières et secrètes avés-vous alors été chargé par la Cour ?

— Se n'ai jamais été chargé par la Cour d'aucune fonction particulière ni secrète. Cette question me paraît particulièrement étrangère à mon mandat d'arrêt. Comme magistrat, chargé de l'administration de la police de la ville de Paris, de la sûreté personnelle du Roi, j'ai eu des rapports intimes que j'ai combinés avec mes fonctions de magistrat et de député. Je n'ai aucune objection à les communiquer. Ils portent :

1° Sur la sûreté personnelle du Roi qui a été attaqué ;

2° Sur les différentes oppositions et menées du parti qui était en opposition avec la majorité de l'Assemblée ;

3° Sur le désir qu'avait la grande majorité de l'Assemblée de voir le Roi consentir aux différentes réformes et institutions qu'elle désirait. Quant aux détails, ils seraient tellement à l'infini qu'ils passent les bornes d'un interrogatoire.

— Les pièces trouvées dans l'armoire de fer prouvent que vous étiés agent secret de la Cour et l'un des dispensateurs de la Liste civile. En quoi consistèrent sous ces rapports vos fonctions ?

— Je n'ai jamais été dispensateur secret de la Liste civile, mais il a été pris, à cette époque, diverses mesures pour la sûreté personnelle du roi, qui avoit mis à ma disposition des fonds qu'on avait fait verser entre les mains d'un nommé M. Randon de la Tour, un des cinq commissaires de la Trésorerie. Je n'ai jamais personnellement distribué ni fait distribuer aucune somme d'argent qui ne fût pour l'objet cy dessus mentionné.

— Je vous invite à me faire connaître les principales mesures que vous fûtes chargé de prendre pour la sûreté personnelle du roi.

— Ces mesures ont consisté : V à avoir une surveillance exacte de Police ; 2° des personnes sûres dans quelques compagnies de différents bataillons de la Garde nationale que l'on avait soin de faire venir au Château lorsqu'on était averti par les agens de police de quelques mouvements populaires dans les fauxbourgs qui menaçaient de se rendre au Château.

— Quel rôle avés-vous, en qualité de Lieutenant civil du Châtelet, joué dans le procès de M. de Favras ? En quoi avés-vous concouru au parti que Monsieur, frère de Louis XVI, prit de le sacrifier pour n'être pas lui-même compromis ?

— Celui d'un magistrat qui préside au tribunal, qui juge un grand coupable. Il n'a jamais été question, dans l'instruction criminelle, de Monsieur.

— Je vous observe, sur la première partie de votre réponse, qu'elle est bien vague, et sur la dernière que la question n'a pas pour objet de savoir si Monsieur se trouve dans l'instruction criminelle, mais bien de connaître les manœuvres \qui ont été employées pour sacrifier M. de Favras ; c'est là-dessus que je vous invite à donner des détails.

— A ma connaissance, M. de Favras n'a point été sacrifié, il a été condamné pour un crime qui méritait la mort d'après toutes les ordonnances des anciens rois de France, puisqu'il a été jugé convaincu du crime d'embauchage. J'ai dû ignorer même l'instruction criminelle dont était chargée la partie publique. Mon devoir était de prononcer après des conclusions et le rapport fait au tribunal et nullement de m'immiscer dans ce qui avait rapport à l'instruction.

— Aviés-vous d'avance connaissance de l'évasion de Louis XVI vers Varennes et en quoi avés-vous contribué à ce voyage ?

— Je n'ai eu aucune connaissance du départ du roi pour Varennes. A cette époque et déjà depuis 6 mois j'avais donné ma démission de ma place de lieutenant civil et, n'étant plus chargé d'aucune partie de l'administration intérieure et secrète de Paris, j'avais cessé toute relation avec le roi. J'ignorais tellement ce projet de départ du roi que je revins de la campagne le matin de la nuit de son évasion.

— A quelle époque de la Révolution avés-vous quitté la France et où vous êtes-vous immédiatement retiré ?

— J'ai quitté la France le 4 septembre 1792, immédiatement après les massacres du 2 septembre. Danton, alors ministre de la justice, me donna mon passeport pour le Havre, où je m'embarquai pour l'Angleterre et, le mois de février suivant, je partis pour l'Amérique septentrionale.

- N'avés-vous pas alors été chargé de quelque mission par les princes émigrés ?

— Je n'ai jamais eu aucune communication ni directe ni indirecte avec les princes français ni aucun de leurs agens. Les opinions que j'avais manifestées pendant le cours de l'Assemblée constituante m'ont même attiré de leur part plusieurs persécutions pendant le tems de mon séjour dans les pays étrangers.

— A quelle époque de la Révolution avés-vous été à Londres, combien de voyages avés-vous faits et dans quels tems ?

— 1° Depuis septembre 1792 jusqu'en février 1793, ce qui fait cinq mois.

2° Je suis revenu en Angleterre au mois d'avril 1797 et j'en suis reparti le 4 juin de la même année pour l'Amérique septentrionale.

3° J'y suis revenu en 1798 dans le mois de mars, j'y ai séjourné six semaines. Je suis parti pour le continent.

4° J'y suis revenu l'année d'ensuite 1799 au commencement d'avril et j'y ai séjourné jusqu'en septembre 1801 que je suis venu à Francfort et le 18 brumaire je suis arrivé à Paris.

Dans les différents séjours que j'ai faits en Angleterre je puis être resté huit mois à Londres. Le reste du tems je l'ai employé à parcourir la totalité de l'Angleterre, n'y ayant pas une province que je n'aye parcouru.

— Quels sont les ministres anglais avec lesquels vous avés eu des relations de politique et d'amitié ?

— Je n'ai jamais eu à proprement parler aucune relation politique avec aucun ministre en Angleterre. Cependant j'ai vu M. Pitt, pendant mon premier séjour en Angleterre. Il fut question à cette époque d'une proposition de négociation relativement au roi, qui étoit alors en prison. Danton accepta de faire sauver par un décret de déportation la totalité de la famille royale. J'envoyai à mes dépens un ami pour faire la même communication au roi de Prusse, qui était à Coblentz. Il étoit muni d'une lettre de M. le duc Darcour (sic) pour avoir une confiance à laquelle je n'avois pas droit d'attendre, n'étant pas connu du roi de Prusse. Il s'adressa d'abord à l'archiduchesse Cristine (sic) qui, je crois, était à Ruremonde. Il lui communiqua ses instructions ainsi qu'à l'électeur de Cologne, qui étoit avec elle. W de Metternich lui refusa un passeport pour continuer sa route jusqu'à Coblentz et, de vive voix, l'assura qu'il écrivait à l'Empereur et au roi de Prusse, et lui ajouta que Mr de Stadion, alors ambassadeur de l'empereur à Londres, me donnerait la réponse. Il revint me trouver à Londres et je fis passer- ces détails à M. Pitt. n me fut démontré, n'ayant pu avoir aucune réponse, que les puissances étrangères se refusaient aux sacrifices pécuniaires demandés par Danton, qui cependant avoit mis pour condition que la somme ne lui serait comptée que lorsque la famille royale aurait été mise entre les mains des commissaires nommés pour la recevoir.

Après l'exécution du roi, j'eus une longue conversation avec M. Pitt, relative à la France, dans laquelle il me proposa comme aux autres Français un traitement. Ma réponse fut que, n'étant point du parti de ce qu'on appelait l'émigration, je préférois d'aller tenter la fortune en Amérique. n me dit sur ce refus qu'il estimait les gens qui ne portaient pas les armes contre leur patrie et que je pouvais disposer de lui si je revenais en Angleterre. C'est à cette disposition de sa part que J'ai dû la facilité d'y séjourner et d'y voyager, ayant eu trois dénonciations de la part du Comité des princes pour quitter l'Angleterre.

— Pouvés-vous faire connaître l'ami dont vous venés de parler ?

— Il s'appelle Esprit Bonnet et demeure à Paris, rue Caumartin.

— On sait que vous vous êtes abouché non seulement avec M. Pitt, mais encore avec M. Dundas. Expliqués-moi quelle est la nature des affaires que vous avez traitées avec eux ?

— Jamais je n'ai vu ni parlé à M. Dundas. J'ai été averti des dénonciations faites contre moi par son sous-secrétaire d'Etat, M. Huskisson, et M. Dundas eut la complaisance d'en avertir M. Pitt, qui donna des ordres à l'office de Mr le duc de Portland pour qu'on me laissât tranquille. J'ai été à Wimbledon pour le remercier et il venoit de partir pour le Conseil d'Etat.

— N'avés-vous jamais été leur agent dans aucun pays, depuis votre sortie de France ?

— Jamais, Monsieur. Si mes principes politiques avoient été connus du gouvernement, je n'aurois pas eu à répondre à cette question.

— Avés-vous quelques fois correspondu avec eux directement ou indirectement et à quel sujet ?

— Je n'ai jamais écrit ni reçu aucune lettre d'eux.

— Quelle influence avés-vous eu sur la livraison de Surinam aux Anglais ?

— C'est avec plaisir que je réponds à cette question, puisqu'elle a été la source de toutes les calomnies, dont peut-être en ce moment je suis la victime. Je n'observerai pas que cette question est antérieure à mon amnistie. Je n'ai jamais ni vu ni connu ni eu aucune relation directe et indirecte avec le gouverneur de Surinam, Mr Frédérici. J’ai su en Hollande que la colonie de Surinam voulait se mettre sous la protection du gouvernement anglais ! Depuis 5 ans que durait la guerre, la presque totalité des produits de cette colonie se trou-voit amassée dans les magasins. Je conçus la possibilité, en prenant les devants et en m'associant une maison puissante de Londres, d'y faire une grande acquisition à vil prix ; je partis sur-le-champ pour Londres et je proposai cette spéculation à sir Fr. Baring. Il l'accepta et il fit partir sur-le-champ un navire neutre qui arriva 15 jours avant la reddition de la colonie, et la personne chargée de cette opération eut le tems d'y faire des acquisitions immenses. La copie de mon acte d'association, quelques lettres de correspondance ont été remises au ministre Fouché par le citoyen Laubépie, qui est venu à Londres et a été porteur de ma justification ; elle a dû passer sous les yeux du Premier Consul.

Quant à la négociation de la reddition de Surinam, j'y ai été complètement étranger. Cette calomnie a servi de prétexte et de base pour m'éloigner de ma patrie et empêcher la réalisation des espérances qu'à cette époque le Premier Consul avoit bien voulu donner à ma famille. Je ne prétends ni ne veux désigner personne, mais j'ai la conviction intime que mon persécuteur ingrat envers moi est connu du Premier Consul.

— Avec quels ministres anglais le marché de cette colonie a-t-il été négocié, et par qui l'a-t-il été ?

— Cette négociation a dû se faire avec M. Dundas comme ministre des colonies. J'ai dû ignorer qui en a été chargé et quand je le saurois, j'ai trop à cœur de conserver l'estime du Premier Consul pour faire de mon interrogatoire un acte de dénonciation.

— A combien de millions ce marché a-t-il été conclu par le ministère anglais ?. Combien en avés-vous personnellement retiré ?

— Je l'ignore entièrement. Je n'en ai rien retiré.

— Quelle est l'époque de l'entrée des Anglais dans cette colonie ?

— C'est environ 4 ou 5 mois avant le 18 brumaire.

— La Hollande étoit-elle déjà alliée à la France ?

— Il y avoit 4 ou 5 ans.

- N'avés-vous pas alors fait quelques voyages de Londres en Hollande ? Quels étaient les principaux personnages de ce dernier pays avec lesquels vous vous étiés abouché ? Quel étoit l'objet de ces voyages ?

— Sur mon honneur, je ne suis point sorti d'Angleterre, et mon départ a été pour me rendre à Francfort, où mes enfants sont venus me chercher, et je suis parti avec eux pour me rendre à Paris.

— Quels rapports avés-vous eu en Hollande avec la famille de celui qui étoit à cette époque gouverneur de Surinam ?

— Je n'ai jamais vu personne du gouvernement batave.

— Avés-vous vu hors de France les enfants d'Orléans ? Où et à quelle époque ? De quelle espèce ont été vos relations avec eux ?

— J'ai vu une fois M. d'Orléans l'aîné à Hambourg, au commencement de l'année 1797. Il arriva à Philadelphie que j'y étois encore. Là, je l'ai vu plusieurs fois et je l'ai laissé dans les Etats-Unis. De retour en Angleterre, je m'y suis trouvé avec lui et ne l'ai point vu ni ne lui ai point parlé. La démarche qu'il avoit faite de se raccommoder avec les princes ayant ôté toute espèce de communication entre nous, il me fit demander si j'étais brouillé avec lui. Ma réponse fut qu'il était le maitre de ses opinions et que mes visites lui feraient du tort auprès de sa famille. Je n'ai eu aucune relation politique avec lui.

— N'avés-vous pas, à une certaine époque, combiné un plan pour assurer leur retour en France et leur faire un parti ?

— Jamais, et quand cette idée aurait pu me venir, leur incapacité l'auroit détruite.

— Outre les enfans d'Orléans, quels sont les princes français que vous avés vus depuis votre sortie de France ?

— Aucun.

— A quelle occasion avés-vous encouru la disgrâce du comte d'Artois et de ceux qui sont autour de lui ? Ne lui avés-vous pas écrit, ne lui avésvous pas remis des projets pendant votre séjour à Londres ?

— Je l'attribue aux opinions que j'ai manifestées dans l'Assemblée constituante et aux efforts que j'ai faits pour que la conduite du roi se trouvât conforme au système que l'Assemblée désirait. Jamais je ne lui ai écrit ni à personne de son conseil. Je ne lui ai remis aucun projet.

— Avés-vous vu le comte de Lille[13] depuis son émigration, où et quand ? Comme Lieutenant civil au Châtelet, vous l'aviés servi dàns le procès de M. de Favras. Depuis a-t'il eu des sujets de mécontentement contre vous et quels sont-ils ?

— Je ne l'ai jamais vu. Je ne me suis jamais trouvé dans les mêmes pays où il résidait.

— Depuis qu'il est hors de France, ne lui avés-vous point écrit pour l'entretenir de ses prétentions et des moyens de les réaliser un jour ?

— Jamais, et mon vœu est que ses prétentions, s'il en a, ne puissent point se réaliser.

— N'aviés-vous pas fait en France un voyage pour le Directoire exécutif ? Etoit-ce avec votre vrai nom ou sous un nom déguisé ? Quel était ce nom et quelle qualité preniés-vous ?

— J'ai fait deux voyages en France dans l'intervalle de mes retours d'Amérique en Europe mais uniquement pour voir mes enfans, ma femme, et tâcher de sauver quelques débris de ma fortune, toujours sous des noms déguisés, Madame Talon ayant été avertie par Barras lui-même que je serais fusillé si j'étais pris. A mon premier voyage je m'appellois Lichtenberg et â l'autre Vanomeren. Je prenais toujours la qualité de négociant.

— Quelle était l'époque et l'objet de ces deux voyages ?

— Le premier à la lin d'octobre 1797. Séjourné 3 semaines. Le 2e dans le mois de juin 1798. Séjourné 2 mois et demi. Logé rue Grange-Batelière, hôtel du même nom. L'objet de ces deux voyages était de faire sortir toute ma famille.

— Quels autres motifs aussi puissans vous engagèrent, vous connu de tant de monde à Paris, vous riche comme vous l'étiés déjà, à venir braver ici toute la sévérité des Loin qui s'exécutoient encore contre les émigrés et contre les agens aussi notoires de l'ancienne Cour ?

— H s'en falloit encore beaucoup à cette époque que j'eus une fortune suffisante pour pourvoir à mes enfans et à toute ma famille entièrement ruinée. Je voulais décider par moi-même ma femme et mes enfans à me suivre dans mes établissements en Amérique, et ce n'est que le changement du 18 brumaire qui a fourni à Mme Talon des motifs pour me faire changer d'avis. Depuis je me suis déterminé à former l'établissement de mes enfans dans ma patrie, chose que j'ai effectuée par le mariage que j'ai fait de ma fille dans ce pays-ci.

- Etiés-vous seul dans ces deux voyages ou qui aviés-vous avec vous ?

- J'étois seul avec mon domestique au premier et Mr Lichtenberg, Alsacien, dont j'avais pris le nom à mon premier voyage, m'accompagna au second et logea avec moi.

— Quelles affaires l'avoient attiré à Paris ?

— Il n'est venu que par complaisance pour moi. Je ne sais ce qu'il est devenu.

— N'étiés-vous pas secrètement chargé de quelques ouvertures de négociation avec le Directoire ou quelques-uns de ses membres ou ne prîtes-vous pas sur vous d'en faire pour vous en donner le mérite aux yeux du ministère anglais ?

— Non, jamais, aucune.

Attendu l'heure qu'il est, nous avons renvoyé à demain dix heures du matin la continuation du présent interrogatoire après en avoir donné lecture au sieur Talon et qu'il l'a eu signé...

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ce jourd'hui, six vendémiaire an 12, nous, magistrat de sûreté susdit, nous sommes rendu au Temple et, ayant fait comparaître par devant nous le sieur Talon, lui avons fait les questions suivantes

— A quelle époque êtes-vous revenu des Etats-Unis d'Amérique en Angleterre ? Combien de tems avés-vous passé à Londres avant votre dernier retour en France ?

— J'y suis revenu au commencement d'avril 1799 et je suis resté à Londres, en différentes époques, pendant ledit tems à peu près 7 ou 8 mois, ayant employé cet espace de tems à parcourir toutes les parties de l'Angleterre.

— Le comte d'Artois n'a-t-il pas voulu vous faire expulser d'Angleterre, et pourquoi ?

— Oui, j'ai dû attribuer cette persécution, comme je l'ai dit plus haut, aux opinions que j'ai manifestées à l'Assemblée et à la conduite que j'ai tenue dehors.

— Quelle assés forte protection vous y a fait rester malgré lui ?

— Je vous l'ai déjà dit, M. Pitt.

— Quels ministres anglais avés-vous vus à Londres dans les derniers tems que vous y avés passés ?

— Du nouveau ministère je n'ai vu personne, n'en connaissant aucun. Huit jours avant mon départ, j'ai passé chés M. Pitt pour le prier, dans le cas où je reviendrais, de protéger mon retour en Angleterre et de permettre que je lui écrivisse directement.

— Il paroit qu'il existait une grande intimité entre vous et lui. D'où venoit cette liaison et comment vous avoit-il connu ?

— Il n'a jamais existé d'intimité entre M. Pitt et moi. Je l'ai vu en totalité 4 ou 5 fois : J'ai lieu de croire qu'il avoit conçu quelqu'estime pour les efforts quoiqu'inutiles que j'ai fait pour Louis XVI. Il savoit man éloignement pour les princes émigrés.

— Ne vous donna-t-il pas une commission secrète écrite ou verbale dont l'objet était de venir en France dissiper pour vous ou vos amis les préventions qui y existoient contre lui ? De préparer quelques bases d'un rapprochement politique avec le Premier Consul et lui, de faire à ce sujet quelques ouvertures à des hommes puissans et à ceux qui les approchaient ?

— Non, jamais je n'ai eu aucune commission de cette nature, mais pour satisfaire au but que parait avoir mon interrogatoire, je dirai qu'il est à ma connaissance qu'il le désirait infiniment.

— N'est-ce pas pour remplir votre mission que vous vantiés sans cesse la beauté du sistème politique anglais, la prépondérance de ses forces et les avantages exclusifs d'une alliance intime entre la France et l'Angleterre ?

— Non. Si je me suis quelque fois émincé sur la forme du gouvernement anglais, c'est que, malgré ses grands défauts et abus, je le regarde comme une des meilleures organisations sociales.

— Si ce n'est pas par mission expresse, n'avés-vous pas du moins, par suite de vos anciens rapports avec lui et avant la guerre, envoyé directement au indirectement à M. Pitt des notions sur ce que vous soupçonniés des dispositions du gouvernement français à son égard et à l'égard du ministère anglais ?

— Sur mon honneur, jamais.

— Si ce n'est à lui-même, êtes-vous bien sûr de n'avoir adressé avant la déclaration de guerre aucune lettre de ce genre à personne de Londres ?

— Jamais.

— Si l'on vous en produit d'écrites dans cet esprit par vous depuis votre retour en France, reconnaissés-vous qu'elles constateront que vous êtes chef d'une agence secrette anglaise ici et qu'elles donneroient au gouvernement le droit de vous traiter comme tel ?

— Il servit impossible de me représenter un papier quelconque que raye écrit pour le gouvernement anglais. Je me suis permis une seule fois de mettre quelques idées sur le papier, et c'est entre lés mains du ministre Fouché qu'elles ont été remises. J'ignore si cela a passé sous les yeux du Premier Consul.

— Ne vous est-il pas à quelque époque. arrivé d'Angleterre des propositions quelconques que vous avés tenté de faire passer au ministre. des relations extérieures par la voye et les conseils. de M. de Sainte-Foix avec qui vous êtes très lié ?

— Jamais. Je suis lié avec M. de Sainte-Foix qui est mon oncle.

— Qui voyés-vous 'ordinairement, du tems de la votation pour le Consulat à vie ? Quels propos. teniés.-vous ?

— Je n'ai jamais eu d'autre société que celle que j'ai actuellement. Je n'ai tenu aucun propos relativement à cet objet, mon opinion fixe et hien réfléchie est que tout homme qui aime son pays et qui désire sa tranquillité doit faire des vœux- pour la conservation du Premier Consul et

la durée de son pouvoir.

- N'avés-vous, dans ce tems-là, rien écrit à Londres de relatif à cet objet ?

— Non. Jamais. La réponse cy dessus prouve que je n'ai dû rien écrire puisqu'elle est mon opinion irrévocable.

— A qui vous êtes-vous primitivement adressé pour obtenir la faculté de rentrer en France ?

— Personnellement, je ne me suis adressé à aucun individu. Ma famille a fait des démarches de son propre mouvement auprès du ministre Fouché.

— Tout ce que vous possédiés en France avait été confisqué pendant votre émigration. Cependant vous avés aujourd'hui plusieurs millions. Quelle spéculation ou affaire autre que le marché pour Surinam a pu si rapidement porter votre fortune bien au delà de ce qu'elle étoit sous l'ancien régime ? De combien l'estimés-vous ?

— Je ne demande pas mieux. que de donner l'état de ma fortune. Le voici non tel qtie l'exagération le fait, mais tel qu'il est facile de le prouver si le même motif qui me fait faire la demande veut en avoir la pretme. De mon ancienne fortune j'ai tout perdu. Mon amnistie m'a ôté trente mille livres de rente sur l'Etat, seul objet que je pouvais retrouver. J'ai :a valeur de dix-huit cent mille francs dont la moitié est destinée à l'établissement de mes enfans à raison de .300.000 francs de dot. J'ai de plus ma propriété en Saintonge que Madame Talon a racheté de la Nation avec l'argent que je lui ai envoyé de l'Amérique. Cet objet peut être estimé. de 4 à 500.000 francs.

— Vous ne la dites que de 2 millions 300.000 francs ; vous avés récemment donné cent mille écus en mariage à une de vos filles, vous en réservés autant à chacun de vos autres enfans, quelle probabilité y-a-t-il qu’à votre âge vous vous détachiés ainsi de près de la moitié de vos capitaux ?

— Sur ce que j'ai de plus sacré et de plus cher au monde, mon honneur et ma liberté, je dis la vérité et voici les motifs qui m'ont déterminé à faire un pareil sacrifice. Je suis encore jeune, mes enfans pouvant attendre longtems ma succession. J'ai voulu. les faire jouir de mon vivant et en me réservant la moitié de ce que je possède argent comptant. J'ai la confiance par mon travail de quelques années de recouvrer une partie du sacrifice que j'ai fait pour eux. J'ai pris un intérêt dans une maison de commerce où je vais travailler tous les matins. J'y trouve utilité et une occupation dont, j'ai besoin. Les moyens de cette maison et le talent de celui qui la dirige sont connus du sénateur Pérégaux. Ceux qui connaissent mon attachement pour mes enfants et ma façon de penser ne seront point étonnés de ma conduite.

— Combien avés-vous de fonds dans la Banque de Londres ?

— J'ai retiré pendant le cours des négociations les fonds que j'y avois. Il n'est que la dot de ma fille dont j'aurais fait la même disposition si cela avait été en mon pouvoir.

— Où sont vos autres fonds ? Vous êtes-vous rattaché à la France par l'achat de quelques propriétés foncières dans ce pays ?

— J'ai 300 actions de Banque sous le nom de Boucherot et C. Le reste, je le fais valoir en opérations de change et en arbitrages. Je n'ai d'autres propriétéS que celles que j'ai en Saintonge. Les charges que j'ai dans ma famille m'obligent à me livrer à des spéculations qui fassent rapporter un intérêt un peu fort, pour pouvoir y subvenir.

— Depuis que la guerre a rendu impossible l'accomplissement de votre mission présumée en France, n'avés-vous pas travaillé par vos discours ordinaires à y semer des influences contraires aux vues du gouvernement, soit en censurant avec amertume et à tout propos sa marche, soit en professant l'opinion la plus forte sur l'absurdité de la descente qu'il prépare, soit en détournant des militaires qui croyaient à son succès, soit en répandant que si le Premier Consul s'opiniâtrait dans ce projet le ministre anglais le ferait assassiner ?

— C'est la plus atroce et la plus infâme des calomnies, si j'ai été accusé de cela. Mon désir est la paix, mon vœu tout pour l'avantage de mon pays. Quant à la personne du Premier Consul, s'il étoit attaqué, je croirois de mon intérêt et de mon devoir d'aller le défendre.

— Quel but aviés-vous en prêchant fréquemment qu'il ne manquait à votre bonheur que de voir en France la Constitution américaine.

— Je n'ai jamais tenu un tel propos, car dans mes opinions politiques et d'après mes observations dans ce pays-là, je le trouve extrêmement vicieux sous plusieurs points.

— Qui vous avait donné l'instruction de tâcher de rallier les anciens Cordeliers comme vous aviés fait du tems de la Cour ?

— Je n'ai jamais eu aucun rapport avec les Cordeliers. J'ai eu des rapports avec Danton et ces rapports étaient à l'effet de découvrir ce qui pouvait intéresser la sûreté individuelle du roi.

— Bien certain qu'une Révolution quelconque ne peut se faire sans désordre que doit désirer l'Angleterre, n'était-il pas le but de votre mission ?

— Les principes que je viens d'énoncer et dont je jure de ne jamais me départir, seront ma réponse à cette demande.

— Connoissés-vous une dame Boucherot qui a été arrêtée il y a quelque tems ? Savez-vous d'où elle venoit ?

— Oui, je la connais, c'est la femme de M. Boucherot dont j'ai déjà parlé. Elle revient des eaux de Barèges pour la deuxième année.

— La voyez-vous souvent ?

— Oui, très souvent, puisque je vais tous les jours chés son mari.

— Quel rôle a-t-elle joué dans la guerre civile de l'Ouest ? Quel fut le motif d'une première arrestation qui lui fit passer plusieurs mois au Temple ?

— Je l'ignore entièrement. Je .ne la connais que depuis trois ans qu'elle est mariée à M. Boucherot. Je n'étais pas en France lorsqu'elle a été mise au Temple.

— Son mari n'y a-t-il pas aussi été, et pourquoi ?

— Il a été au Temple, accusé, je crois, d'avoir accaparé du bled.

— Est-il françois ou de quelle nation ?

— Il est françois, mais ses parens l'ont envoyé dès sa plus tendre jeunesse en Hollande, où il a fait son éducation commerciale.

— Depuis quand et par quelles circonstances vous êtes-vous particulièrement uni d'intérêts avec lui ?

— Je l'ai connu, il y a 7 ans. Mon idée étant toujours de m'occuper de commerce, deux des premiers négociants d'Amsterdam où il était lui-même établi, me l'indiquèrent comme un jeune homme du plus grand talent. Lui ayant reconnu probité et capacité, je m'attachai à lui. Lorsque je fus décidé à revenir m'établir dans ma patrie, je lui proposai de transporter son établissement dans son ancienne patrie. La société avec son ancien associé était au moment de finir, il accepta. On peut avoir sur lui des renseignements auprès du sénateur Pérégaux.

— Comment arrive-t-il qu'après ce que vous axés dit de soins pris pour vous éviter toute relation pouvant vous compromettre, vous ayés confié une partie considérable de votre fortune à un négociant étranger, dont la femme surtout, par sa conduite politique précédente, devait exciter les continuelles défiances du gouvernement ?

— M. Boucherot est mon ami. Ma confiance en lui est entière et j'ai tout lieu d'être persuadé et bien assuré que sa femme fatiguée de la vie qu'elle a menée, des malheurs qui en ont été la suite, et remplie d'attachement pour son mari, sentira combien il est important pour son mari, pour son crédit, de se renfermer dans les soins de son ménage. Je puis certifier qu'elle tient cette conduite. On lui a complètement rendu justice à la préfecture de police. On lui a fait des excuses sur l'erreur qui avait occasionné son arrestation et on lui a fait donner, ainsi qu'à M. Boucherot, leur parole d'honneur de ne point parler de cet événement. Je ne donne ces détails que pour satisfaire à la question qui m'est faite.

— Vous n'ignoriés pas qu'un voyage de la femme de ce négociant, votre associé, avait paru suspect au gouvernement à cause de ses anciennes relations avec les princes ? Comment vous, publiquement connu pour avoir autrefois traité avec le ministère anglois, avés-vous pu dans les circonstances présentes, peu de jours après la sortie de cette femme du Temple, vous proposer un voyage vers les frontières de France à Genève, qu'y alliés.vous faire ?

— Je n'allois point avec la dame Boucherot dont la santé ne permet point un pareil voyage ; l'allais avec une autre personne dont le passeport est dans mes papiers. Mon but étoit d'aller voir Lyon et Genève que je ne cannois pas-

— Ne comptiés-vous pas sortir, par ce côté, de France, parce que l'arrestation de Madame Boucherot vous- avait fait peur ?

— En aucune manière, je n'ai jamais compté sortir de France. Des intérêts trop chers m'y fixent, l'établissement de ma seconde fille.

— D'où vient le portrait de Louis XVI qui a été trouvé dans votre secrétaire ?

— Le roi me l'a donné lui-même à la fin de l'Assemblée constituante.

— Que sont les lettres qui s'y sont trouvées ?

— Ce sont des lettres d'affaires, d'amis, il y en a de très anciennes.

— Quelle raison aviés-vous eu de découcher la nuit du mardi au mercredi, où l'on vous a inutilement demandé à votre porte à la pointe du jour ?

— J'ai invité le magistrat à ne point écrire ma réponse et à vouloir bien la faire de vive voix. au Grand Juge.

— Présumiés-vous qu'on vous recherchoit et vouliés-vous dès lors partir clandestinement ?

— En aucune manière.

— Quelles sont les personnes que vous voyés le plus habituellement à Paris, principalement entre les fonctionnaires publics ?

— Je vois M. Pérégaux, M. Desmarets, ma société en amis particuliers est composée de Lombard, Taradeau, Duperray, Lesparenty Boucherot, etc.

— Depuis quand n'avés-vous pas écrit à Londres et â qui ? Depuis quand n'en avés-vous pas reçu et de qui ?

— Je n'ai écrit aucune lettre à partir des négociations, excepté une à la maison Ramson et Morland pour lui envoyer la procuration de ma fille et de mon gendre à l'effet de toucher son dividende. Je n'en ai reçu aucune depuis la même époque, exceptée la réponse à celle-là.

— Quelles sont les personnes que vous avés vues revenant de Londres,, depuis que la guerre a éclaté entre les deux pays ?

— Je n'ai vu qu'une seule personne que je connois très peu qui s'appelle Madame Wholl, qui me sollicitait de m'intéresser pour son mari. Ma réponse a été que je n'en avois ni le pouvoir ni la possibilité..

— Ne vous a-t-il été remis ni lettres ni renseignements verbaux d'aucune des nombreuses connoissances que vous avés en Angleterre ?

— Aucune espèce. J'observerai que je connais très peu de monde en Angleterre.

— De quelles personnes présumés-vous que seraient des lettres qui seroient arrivées de Londres par voyes détournées, qui, sans être à votre adresse,. seroient évidemment destinées pour vous et portant sur quelques intentions du ministère anglais, relativement au gouvernement français ?

— Je ne prévois personne, à moins qu'un certain M. Hubert, dont je n'ai reçu aucune lettre depuis son départ, n'ait imaginé de m'écrire.

— Votre intention, en rentrant en France, a-t-elle été de vous fixer définitivement dans ce pays ?

— Oui et c'est encore mon intention, si je puis me flatter d'y rester Tranquille et tellement oublié que je ne me retrouve plus dans la même position où je me trouve.

— Qu'est-ce qu'une note trouvée dans vos papiers, dans laquelle sont rappelées les sommes payées par le gouvernement français au gouvernement anglais depuis l'an 1362 jusqu'en 1541 ?

— C'est une note de différents manuscrits ou renseignements ayant rapport à l'ancienne histoire de France qu'un de mes amis nommé M. Lair a acheté dans le cours de la Révolution et dont il désire se défaire.

— Qu'est-ce qu'une chanson aussi trouvée dans vos papiers commençant par ces mots peuple romain, si quelquefois, etc., et finissant par ceux-ci, en attendant qu'on l'élimine[14].

— Quand elle a passé sous mes yeux et que je l'ai parafé, j'ai eu le désir de regarder ce que c'était, car je ne l'ai jamais lue.

— Quelle pouvait être votre intention en recueillant et conservant ce pamphlet, évidemment dirigé contre le gouvernement et contre toutes les premières autorités de l'Etat, et que tout français loyal et ami de son pays eût dû rejeter avec indignation au lieu de la conserver dans ses papiers ?

— Je partage complètement cette opinion, et si une pareille chose s'est trouvée sur ma cheminée, je puis certifier que ma désapprobation sur de pareils jeux d'esprit est aussi vraye qu'elle peut l'être chés la personne qui m'interroge.

— Vous avez dit au commencement de votre interrogatoire que pendant l'Assemblée constituante vous n'aviés distribué ni fait distribuer aucune somme d'argent, assureriés-vous que vous n'en avés distribué ni fait distribuer pendant l'Assemblée législative ?

— Du moment que l'Assemblée constituante a été finie j'ai été entièrement étranger à tout ce qui s'est fait en France, et je n'ai paru au 10 août, au château des Tuileries, que parce que j'ai cru que mon devoir et mon honneur m'y appeloient. Je n'en suis même sorti qu'après la défaite entière des Suisses. Qu'il me soit permis de déclarer que j'ai dit la vérité dans toute son exactitude, sans me permettre la réflexion que cet interrogatoire est l'histoire de ma vie privée et politique plus que l'explication de mon mandat d'arrêt. Qu'il me soit permis aussi d'instruire le Grand Juge de la manière dont j'ai été transféré dans ma maison. Le gendarme, malgré mes représentations, m'a fortement lié avec une chaîne, précaution destinée pour les coupables dont le châtiment doit épouvanter leurs pareils et tranquilliser la société. La chaîne ayant endommagé mon poignet, j'ai prié le magistral de sûreté de la faire desserrer, il a eu l'humanité d'obtempérer à ma demande.

Lecture faite, a dit ses, réponses contenir vérité-, y persister et a signé avec nous

FARDEL — Omer TALON.

 

Du complot contre la sûreté de l'Etat, dont le Grand Juge avait accusé Talon, il n'existait aucune preuve. Les papiers saisis ne se rapportaient qu'aux opérations commerciales. du prévenu. C'était, par exemple, un contrat d'association conclu à Londres le 14 juin 1799 entre Talon et le Danois J. de Corsvell pour acheter à Surinam de grandes quantités de sucre, de café et de coton. Corsvell, qui appartenait à une nation neutre, était commandité par Talon, qui fournissait l'argent. Il s'engageait à ne pas révéler le nom de Talon. Les contestations des deux associés ne devaient pas être portées devant les tribunaux sous l'astreinte d'un dédit de 10.000 livres sterling.

Le Grand Juge Régnier reconnut implicitement, dans le rapport (non daté) qu'il adressa à Bonaparte, que les bases juridiques d'une poursuite devant les tribunaux manquaient. Il ne reprocha à Talon que ses liaisons équivoques, ses propos répréhensibles et il conclut que par mesure administrative on l'éloignât de Paris à plus de 20 lieues.

Mais cette conclusion parut trop anodine à Bonaparte. Un arrêté des Consuls du 27 vendémiaire an XII (20 octobre 1803) mit Talon en surveillance à l'Île de Sainte-Marguerite, où plus tard Bazaine sera interné.

Le séjour était agréable. Si on en croit un rapport de police qu'un sieur Achard adressa au préfet du Var, le 9 ventôse an XII, l'ancien lieutenant civil- au Châtelet aurait pris son malheur en philosophe : Talon est fort gai et fort content, dit lé policier. Il vivifie cette Isle depuis qu'il y est. C'est actuellement un endroit charmant. Il a fait faire de superbes allées tout autour et dans l'intérieur de la partie boisée. C'est un vrai bois de Boulogne avant 89. II occupe une fort jolie maison qu'il a réparée et embellie. Il a fait construire une remise pour sa voiture et une jolie écurie pour ses quatre chevaux. Il m'a dit qu'il profitait lien des chemins qu'il a fait construire et qu'il se promenait tout le jour, soit à pied, soit à cheval, soit en voiture.

Malgré la douceur du climat méditerranéen, et bien qu'il fût encore jeune, le Conseiller d'État Pelet exposa, le 9 ventôse an XIII, un an seulement après la visite du policier, que Talon avait été opéré d'une fistule et qu'il souffrait en outre d'une rétention d'urine. Sa sœur, Mme Descorches, avait présenté un placet à l'Empereur pour demander la permission pour le malade de se faire soigner à Montpellier. Pelet proposa de lui accorder cette faveur et le ministre approuva le 12 ventôse.

Peu après, Talon obtint la levée de sa surveillance, car je vois au dossier qu'on rendit à sa sœur, Mme Descorches, la plupart de ses papiers saisis à son domicile lors de la perquisition[15]. La biographie Didot le fait mourir à Gretz (Seine-et-Marne), le 18 août 1811. Il n'avait que 51 ans.

 

 

 



[1] Le financier Sainte-Foy.

[2] Il s'agit de Benoît, dit d'Angers, dit d'Azy, ancien agent de Danton, mêlé de près aux scandales de la liquidation de la Compagnie des Indes. Voir mon livre L'Affaire de la Compagnie des Indes.

[3] Réfugié en Angleterre après le10 août, Septeuil rentra en France en 1799.

[4] G. Fauchet avait été ministre de France aux États-Unis.

[5] Sans doute le comte de Moustier qui fut ambassadeur à Berlin.

[6] Sans doute Coudere, voir COLENBRANDER, Gedenstukken, t. IV, p. 501, 606-7.

[7] Mme Talon avait accompagné Boucherot en Hollande en l'an VIII.

[8] Sir James Crawfurd, ministre d'Angleterre à Hambourg.

[9] Wickham, ministre d'Angleterre en Suisse.

[10] Calonne avait obtenu la permission de rentrer en France en 1802.

[11] Sir Francis Burdett.

[12] Au cours de la perquisition, on saisit quelques papiers et une boite en or émaillé garnie de diamants sur laquelle est le portrait de Louis XVI. Talon déclara que nette boite lui avait été donnée par le roi à la fin de la Constituante.

[13] C'était- le nom de Louis XVIII en exil.

[14] Cette chanson satirique dirigée contre Bonaparte et ses assemblées a été imprimée dans les Annales historiques de la Révolution française, t. V, 1928, p. 176 et 177.

[15] Je reconnois avoir reçu tous les papiers trouvés chez M. Talon et déposés aux archives de la police générale de l'Empire. Ce 9 thermidor an 13. Ch. Descorches. L'expression tous les papiers est inexacte, car il reste aux Archives beaucoup de pièces purement commerciales et des contrats de propriété.