Les contre-révolutionnaires, qui ne cherchaient le salut que dans la politique du pire, se réjouirent du décret du 27 novembre par lequel la Constituante avait mis le clergé en demeure d'obéir à la loi. Ils y virent la promesse d'une future victoire et redoublèrent d'ardeur à attiser la révolte cléricale. La Gazette de Parts, qui passait pour l'organe des princes et de Marie-Antoinette, proclama avec une virulence accrue que la cause de la religion se confondait avec celle de la royauté et que l'une et l'autre tomberaient ou se relèveraient en même temps : La religion lève son étendard dans ces jours de proscription, comme on élevoit l'oriflamme, lorsque dans un jour de combat le roi étoit en danger. Chevaliers et chrétiens, réunissez-vous autour de l'Autel comme vous vous réuniriez autour du roi ![1] Le haut clergé se jetait maintenant à fond dans la bataille, oublieux de la réserve des premiers jours. Il ne se bornait plus à protester contre la seule constitution civile du clergé, il étendait ses critiques et ses âpres censures à l'œuvre tout entière de la Constituante. Chaque jour le champ du combat s'élargissait. L'évêque d'Amiens dénonçait la destruction de l'état religieux, cet état de sainteté préconisé par tous les Pères de l'Église, l'anéantissement du clergé tombé au rang d'un corps de fonctionnaires salariés, la destruction d'un grand nombre d'églises, monuments de la piété de nos pères envers Dieu... et surtout l'envahissement des biens d'Église. Prendre ces biens pour une autre destination, c'est violer les maximes les plus sacrées du droit naturel et divin, ecclésiastique et civil, reconnu universellement de toutes les nations catholiques depuis l'établissement de la religion jusqu'à nos jours. Le même prélat s'attaquait longuement à la Déclaration des droits de l'homme qui, d'après lui, présentait de nombreuses maximes entièrement opposées à la sainte Écriture et même à la saine raison. Par exemple, il est faux que les hommes naissent libres, car ils naissent dans un état de faiblesse et de dépendance. Il s'élevait contre l'article 6 de la Déclaration, qui semble ne donner pour règle à la liberté d'autres loix que celles qui sont l'expression de la volonté générale, d'où on pourroit conclure que la volonté des hommes est leur seule règle, qu'il n'y a point d'autres loix que celles que les hommes se font à eux-mêmes, ce qui supposeroit l'athéisme ou le déisme le plus révoltant. La liberté de la presse lui paraissait un mal épouvantable, car cette liberté permettait de publier toute sorte de mensonges, d'erreurs et d'impiétés qui brouillent toutes les idées et renversent tous les principes de la vertu. Il terminait enfin sa philippique en proclamant qu'il aimerait mieux perdre la vie que d'adhérer en rien à des choses contraires à la religion[2]. Tout en protestant pour la forme qu'il se soumettrait à la décision du pape quelle qu'elle fat, l'évêque d'Angoulême s'écriait : Je ne puis admettre une constitution entachée de toutes les erreurs que l'Église a condamnées, telles que le presbytérianisme, richérisme et luthéranisme, etc., une constitution schismatique qui nous sépare du chef de l'Église...[3] Augustin Barruel s'excusait auprès de ses lecteurs d'avoir paru croire que la constitution civile pouvait être baptisée. Il la jugeait maintenant radicalement incompatible avec le catholicisme et condamnait, lui aussi, mais bien tardivement, la proscription infamante de la solennité des vœux de religion et la spoliation des biens d'Église qui était, à cette date, chose déjà ancienne[4]. Du coup, Barruel regagnait les sympathies des aristocrates les plus violents[5]. Les curés maintenant entraient en lice, entraînés par leurs évêques. Cent cinq curés de Bretagne protestaient contre les décrets dans un écrit répandu à profusion[6]. Les deux agitations aristocratique et cléricale se confondaient chaque four de plus en plus et paraissaient obéir à un même mot d'ordre. Le plan était simple. Il s'agissait, d'une part, d'empêcher la mise en vigueur de la constitution civile du clergé par une abstention unanime et, d'autre part, de frapper d'impuissance le décret du 27 novembre en obtenant du roi qu'il refusât de le sanctionner. Le seul moyen de sauver l'Église catholique en France et de prévenir le schisme dont nous sommes évidemment menacés, écrivait l'évêque de Tréguier au chanoine Duparc dès le 25 octobre, est que les pasteurs du second ordre et les prêtres refusent unanimement de communiquer in divinis avec les évêques élus par les départements[7]. La plupart des pamphlets aristocrates répètent le même espoir : aucun évêque ne voudra participer au schisme en consacrant les nouveaux élus[8] ! Un jour, raconte la Correspondance secrète, le roi
trouva dans son livre d'heures une lettre anonyme qui lui représentait la
nécessité de profiter du soulèvement des prêtres pour sauver son trône. On a beau se croire dans un siècle de philosophie et
d'athéisme, la voix des prêtres tonne encore sur le peuple ; les prêtres
seuls élèvent ou renversent les trônes et malheur aux souverains qui osent
les attaquer. Henri III, Henri IV ont péri sous des poignards sacrés et le
poison romain a seul abrégé les jours du frère de votre épouse (Joseph II).
Mettez-vous donc, sire, à l'ombre de l'autel. Les prêtres relèveront votre
trône et tandis que du Nord au Midi vos braves chevaliers vont bientôt
presser vos sujets rebelles, les prêtres vous prépareront la voie, ils vous
proclameront le martyr de la religion, l'oint du Seigneur... En refusant sa sanction, le roi s'attirera la reconnaissance et le dévouement des prêtres et donnera le signal de la contre-révolution[9] ! Les aristocrates aimaient à se bercer de ces illusions. Mais, peu confiants ou peu logiques, beaucoup s'empressaient de passer la frontière, ce qui n'était pas le moyen d'encourager le roi à suivre leurs conseils[10]. Les évêques partisans de la conciliation restaient encore nombreux. Tous ceux qui étaient sincèrement religieux n'envisageaient pas sans effroi l'imminence du schisme. Ils voulaient espérer que le pape n'oserait pas prendre la responsabilité de le provoquer par un refus qu'ils ne s'expliquaient pas. Toute leur tactique consistait à demander des délais afin de donner à la réponse de Rome le temps d'arriver et de prévenir les malheurs qu'ils prévoyaient. L'évêque de Langres, La Luzerne, terminait une lettre qu'il adressait aux administrateurs du département de la Haute-Marne par un appel à la concorde dont la sincérité est indéniable et par l'espoir qu'il allait pouvoir à bref délai exécuter les décrets : Je n'ai pu voir sans douleur le corps le plus respectable de ce diocèse, dont la plupart des membres sont mes diocésains et mes enfans en J.-C., dont tous les autres peuvent le devenir incessamment, s'élever contre moi, avec une vivacité de démarches et d'expressions que certainement rien de ma part n'avait provoquée. Permettez cette représentation à mon caractère et, quelque expérience qu'a dû me donner l'usage des affaires, ce n'est pas ainsi que le bien public s'opère. Nous allons probablement bientôt être chargés de le procurer ensemble, non pas dans un même ordre de choses, mais dans la même étendue de pays. Ah ! ne divisons pas ce qui doit concourir au même but. Formons au contraire une union dont la mesure et les égards mutuels deviennent le lien et dont le bien public soit l'objet[11]. L'évêque d'Alois, Bausset, partageait les espérances de
l'évêque de Langres. Dans une lettre à ses curés, datée du 27 novembre, il
leur recommandait une tranquille confiance : Le chef
de la Nation a interrogé le chef de l'Église et nous devons attendre, dans la
sécurité que donne toujours la paix de la conscience, une décision qui peut
concilier tous les devoirs, calmer toutes les inquiétudes. Si, contre toute
espérance, nos vœux étalent trompés, si la Providence réservait notre vie à une
longue suite de peines et de contradictions, il faut au moins que notre
caractère soit exempt du plus léger soupçon de faiblesse ou de dissimulation[12]... L'évêque de Séez rappelait aux administrateurs du département qui le pressaient d'appliquer les décrets qu'il avait prêté le serment civique et il ajoutait : Je ne refuse pas d'exercer mes fonctions dans le département, mais je ne pourrai le faire qu'à l'époque où l'Église m'aura confié toute la juridiction nécessaire à cet effet[13]. L'abbé de Vauxpons, ayant été élu au nouvel évêché de Laval, avait refusé son élection. Son évêque, l'évêque de Dol, courut chez lui après son refus et, par des considérations prises dans le bien de l'Église, usa de toute son autorité pour l'obliger d'accepter, provisoirement toutefois et sous le bon plaisir du pape. Le prélat écrivit aussitôt à l'Assemblée électorale de Laval et dépêcha un courrier pour porter l'acceptation[14]. Cet espoir que Rome sanctionnerait était partagé par
l'abbé Royou lui-même, le directeur de l'Ami du Rot. S'il protestait dans son
numéro du 30 décembre contre la précipitation de l'Assemblée à exiger la
sanction royale, c'est qu'il croyait qu'avec un peu de patience elle aurait
donné à la sanction pontificale le temps d'arriver : L'Assemblée
ne devoit point exiger un serment qui annonce une grande défiance de ses
propres opérations ou l'envie de réduire au désespoir une classe de citoyens
déjà trop écrasés. Elle devoit procéder à l'exécution des décrets, sans se
tourmenter ni tourmenter les autres pour les faire approuver ; il eût été
temps de sévir lorsqu'elle auroit éprouvé de la part des évêques et des curés
une résistance ouverte. C'était là l'occasion de pratiquer cette tolérance si
prêchée par les philosophes.... Ce langage était tout différent de celui
de Barruel. Le regret de la rupture y perce à chaque mot. Dans leur sincère désir de concilier leurs devoirs envers la patrie et leur respect des rites sacramentels, certains évêques imaginaient les solutions les plus hardies, tel l'évêque de Blois, Thémines, qui n'hésitait pas à proposer la suppression du salaire des prêtres, la séparation de l'Église et de l'État, la réduction du catholicisme au niveau des cultes dissidents simplement tolérés : Il nous est venu, écrivait-il[15], une pensée peut-être salutaire, c'est d'acheter notre liberté et de rentrer dans notre héritage. Les temples et les synagogues ne sont pas une charge pour la nation, elle ne s'en mêle pas. Puisque nos biens nous ont fait tant d'ennemis et que nos dépouilles ne les ramènent point, nous sollicitons, Messieurs, comme une faveur, de ne recevoir aucun traitement pour nous, ni pour les dignes coadjuteurs de notre entreprise. Nous désirons offrir généreusement dans notre église cathédrale nos soins et notre sollicitude. Laissez-nous les âmes et prenez tout le reste, vous nous commanderez ailleurs, mais dés que vous entrerez dans l'église, vous y serez nos enfans et nos disciples... Mais les temps n'étalent pas encore mûrs pour ces solutions radicales si opposées à l'esprit du siècle. Les révolutionnaires, qui voulaient unir, au point de les confondre l'Église et l'État, ne les sépareront que contraints et forcés par la logique des circonstances. Ils ne désespéraient pas alors de lever les scrupules des prêtres patriotes et d'entraîner les hésitants. Camus s'efforçait de démontrer que la constitution civile du clergé pouvait entrer en application sans recours au pape, et sans violation des formes canoniques. Sa brochure recevait l'adhésion de vingt-neuf curés députés[16]. Avant même que le roi ait donné sa sanction au décret du 27 novembre, des prêtres désireux d'afficher leur civisme s'empressaient de prêter serment devant les municipalités[17]. L'archevêque de Sens, Loménie de Brienne, n'attendait pas plus longtemps pour obéir aux décrets et organisait son conseil épiscopal[18]. Dans toute la France partisans et adversaires du serment se jetaient les pamphlets à la tête avec cette charité évangélique qui caractérise d'ordinaire les polémiques des prêtres. Les réfutations de l'Exposition des principes se succédaient nombreuses et âpres. Le curé d'Huillaux, Laurent, député à l'Assemblée, ne voulait voir dans l'attitude des évêques que calcul et hypocrisie : Dieu, s'écriait-il, n'a pas livré las peuples à la domination des prêtres... mais... il a donné des prêtres aux peuples, ce qui est différent. Rappelant avec indignation les abus d'autrefois, il insinuait que le regret des richesses perdues inspirait au fond toutes les protestations : Vous avez profité de la longue absence du législateur pour élever le VEAU D'OR. Mais enfin le législateur a paru pour punir votre idolâtrie...[19] Le curé de Rongères, Tridon, également député à l'Assemblée, ayant protesté contre ce langage indigne d'un prêtre[20], à l'en croire, s'attira une réplique mordante de son contradicteur qui l'accusa de déprimer honteusement son sacerdoce en prêchant le dogme de l'obéissance aveugle, dogme favori, qui fait la base de l'hérésie épiscopale[21]. Plus hardi encore et plus philosophe, le curé de
Nouaillac, Paganel, qui siégera plus tard à la Convention sur les gradins de
la Montagne, ne voyait dans les protestations des évêques qu'un coup de la superstition, qui évoquait ses terreurs et ses
fantômes pour séduire la piété des peuples. Entrant pleinement dans la pensée
des Constituants, il définissait en ces termes le devoir du prêtre : Comme Prêtres-Citoyens, unissons-nous à la Nation ; comme Pasteurs et fonctionnaires
délégués par elle, faisons aimer et accomplir les volontés suprêmes de la
Nation. C'était mettre la Nation à la place de Dieu. Paganel
poursuivait dans sa logique : S'il en était autrement il n'y auroit pas unité de Nation. Le droit public dépendroit de deux
principes rivaux, les ministres du culte, au lieu d'être une portion de
l'État, en seroient une puissance et les prêtres qui, sous le rapport des
citoyens, feroient partie intégrante de la souveraineté, formeroient en même
temps, comme portion du clergé et sous le rapport de dépendance avec le chef
de l'Église, un pouvoir qui restreindroit la Souveraineté et pourroit en
contrarier les actes[22]. Béhin, curé d'Hervin-Coupigny et député à l'Assemblée, raillait l'importance que les évêques donnaient aux formes canoniques et se demandait s'ils étaient de bonne foi en réclamant le recours au pape ou au concile[23]. Ces prêtres philosophes se mettaient peu en peine de suivre leurs contradicteurs sur le terrain de la théologie et du droit canon. D'autres, plus profondément chrétiens, plus respectueux des formes, s'attachaient à réfuter pas à pas l'argumentation des évêques. Un docteur de Sorbonne, qui se disait ami de la Religion et des loix, s'efforçait de prouver que la constitution civile n'était pas hérétique puisqu'elle ne touchait qu'à la discipline, qu'elle n'était pas schismatique, puisque les rapports du pape avec les différentes Églises nationales sont matière d'opinion et non de foi. Elle ne portait pas atteinte à l'autorité spirituelle, car le conflit, l'usurpation de juridiction spirituelle ne pourrait naître que de la résistance du clergé, c'est-à-dire d'un vice qui n'était pas inhérent à la constitution. L'Église devait se soumettre. Si elle résistait, les suites seraient affreuses. L'incrédulité seule y gagnerait. Le serment était licite, car il n'obligeait point à approuver expressément tous les décrets ou même à reconnaître la compétence de l'Assemblée dans les matières ecclésiastiques. Avait-on attendu la permission du pape pour prêter le premier serment, le serment de 4 février, renouvelé le 14 juillet ? On se plaignait du despotisme de l'Assemblée. Avait-on oublié dans quelle dépendance le Parlement tenait la puissance ecclésiastique ? Les scrupules invoqués, peut-être respectables, n'avaient donc pas de fondement[24]. L'abbé Charrier de la Roche, député de Lyon à l'Assemblée, dans une épaisse consultation, bourrée de références, raisonnait à peu près de même que ce docteur anonyme. Avec beaucoup d'à-propos il montrait que la Constituante avait été loin d'approcher des hardiesses de Louis XIV qui avait présumé de régler seul, dans l'édit célèbre de 1695 sur la juridiction de l'Église, des questions beaucoup plus graves. Cet édit obligeait les bénéficiers pourvus de leurs titres en cour de Rome de se munir du visa de l'évêque diocésain, défendait aux réguliers d'administrer le sacrement de pénitence sans la permission des évêques, ordonnait aux évêques de visiter ou de faire visiter tous les ans au moins une partie de leurs diocèses, etc. Autant d'empiétements évidents de la puissance civile sur la puissance spirituelle !... En comparant ce despotisme absolu avec ce qu'a fait l'Assemblée nationale, jugeons avec impartialité lequel des deux a excédé dans l'étendue de ses droits et l'exercice de son pouvoir, ou celui qui, bien au delà du concile de Trente et de l'ancienne discipline de l'Église, a sacrifié tous les droits du second ordre à l'ambition, à la domination du premier ; ou celui qui n'a fait que rétablir, conformément aux règles primitives et aux anciens canons de l'Église, les droits et les devoirs des uns et des autres dans les justes bornes de la sagesse et de la modération... Et l'abbé Charrier protestait contre la thèse ultramontaine qui faisait des évêques les délégués du Saint-Siège. Bossuet, Pavillon s'intitulaient évêques par la Providence divine ! Que les évêques de ce temps se souviennent qu'ils tiennent leurs pouvoirs de Jésus-Christ ! Si le schisme se produit, ils en seront responsables car ils peuvent au moins par provision exécuter les lois nouvelles en se servant du procédé des délégations[25]. Les administrations locales secondaient de leur mieux le zèle des curés patriotes, publiaient à leurs frais leurs brochures apologétiques et les répandaient dans le peuple[26] ou bien se livraient elles-mêmes, par la plume de leurs procureurs généraux syndics, à de véritables consultations théologiques. Il est facile de se moquer, avec notre esprit d'aujourd'hui, de ces laïques qui dissertaient de choses d'Église et imitaient le Pascal des Provinciales. Je ne les trouve pas, pour ma part, si ridicules puisqu'ils étaient pour la plupart de sincères catholiques et que l'Église de ce temps-là était encore l'assemblée des prêtres et des fidèles. Il y a quelque grandeur candide dans cette argumentation, que le conseil général du département de la Marne oppose à l'évêque de Reims : L'œil attentif de l'Être suprême a veillé sur l'œuvre de nos Représentans. Quelle qu'ait été la : disposition de leurs cœurs, leur main n'a écrit dans la Constitution que ce que le doigt de Dieu traçoit, et ils n'ont porté de loi pour faire revivre les droits de l'homme et pour rappeler la discipline ecclésiastique qui ne soit fondée sur les maximes de l'Homme-Dieu et sur les règles saintes de l'Église[27]. La force du courant populaire était telle que les aristocrates les plus perspicaces, les plus rassis ne s'imaginaient pas qu'il fût possible de le remonter. Avec la plupart des chefs patriotes ils prophétisaient que le clergé se soumettrait finalement et que le pape serait heureux de baptiser ce qu'il ne pouvait empêcher. Le 6 décembre, le comte de La Marck, qui servait d'intermédiaire entre la Cour et Mirabeau, écrivait à l'agent autrichien Mercy-Argenteau : Ceux qui ont provoqué ce serment — de la constitution civile — et ceux qui l'ont appuyé savent bien que la grande majorité des ecclésiastiques obéira et que ceux qui résisteront de bonne foi ne paraîtront être que des victimes volontaires. On s'est empressé cependant d'envoyer un courrier à Rome pour obtenir du pape l'accomplissement des formalités spirituelles qui doivent lever les difficultés que le clergé avait opposées. Comme on a lieu de croire, d'un côté, que, jusqu'au retour du courrier, l'Assemblée ne provoquera pas la sanction du Roi au décret, et que, de l'autre, on est convaincu que le pape accordera tout, les espérances que quelques esprits avaient fondées sur ce nouveau motif de mécontentement se réduiront à peu de chose[28]. C'était traiter avec bien du dédain le plan contre-révolutionnaire. II Les députés du côté gauche partageaient pour la plupart le sentiment du comte de La Marck. La cabale des évêques, écrivait le député de Brest, Legendre[29], s'arrêtera à l'arrivée de la bulle, ou en tout cas à l'exécution du décret du 27 qui sera sanctionné incessamment. Le curé de Bernay, Thomas Lindet, avec un beau mépris pour le corps dont il faisait partie, annonçait à ses commettants, le 1er décembre, que les auteurs de l'Exposition des principes allaient s'empresser de jurer pour ne pas perdre leurs 20 ou 30.000 livres[30]. Plus prévoyant, parce qu'il était plus religieux et parce qu'il savait par expérience quelle puissance exerçait sur l'âme de ses confrères le respect des rites traditionnels, le curé d'Embermesnil, Grégoire, était moins confiant. Il craignait l'échéance du serment et, si on l'en croit, il fit ce qu'il put pour la retarder[31]. Le comité ecclésiastique, qui avait déjà prêché la temporisation avant la loi du serment, persista dans son attitude prudente et réservée. Il conseilla de ne pas presser la sanction du roi. Mais l'Assemblée n'écoutait plus le Comité ecclésiastique. Elle lui reprochait d'avoir endormi sa vigilance. Les chefs du côté gauche veulent obtenir l'exécution immédiate du décret sur le serment afin de devancer la réponse de Rome. L'un d'eux, Gaultier de Biauzat, qui joua un rôle important dans cette crise, a exposé très clairement les raisons de leur attitude. Il écrivait le 14 décembre à ses électeurs de Clermont-Ferrand Ce retard de la sanction est l'effet d'une imprudence ou d'une fausse démarche ; c'est que le Roi a écrit à Rome et que le courrier ne peut être de retour que le 24 ou le 26 de ce mois. L'on ne doute pas que, quel que soit l'avis du Pape, le décret sera sanctionné ; niais l'on improuve qu'on ait pris ce parti qui pourrait faire croire à quelques personnes qu'on a jugé l'avis du Pape nécessaire pour la validité du décret, du serment ou de la sanction. Nous travaillons actuellement avec quelques-unes des personnes qui approchent le plus près du Roi pour obtenir la sanction avant l'arrivée du courrier. C'est un procédé très délicat à suivre, et principalement pour éviter l'explosion des idées de résistance ou d'improbation de la démarche déjà faite...[32] Autrement dit, la gauche regrettait d'avoir laissé croire, par ses atermoiements antérieurs, qu'elle comptait sur la sanction pontificale pour rendre possible la mise en vigueur de ses décrets. Elle comprenait la faute commise et se hâtait de la réparer. N'osant pas blâmer ouvertement la nouvelle négociation entamée par le roi, puisqu'elle avait autorisé l'ancienne au moins par son silence, elle s'appliquait à à la désavouer par le fait en brusquant les choses. L'obstacle à vaincre est désormais la résistance du roi. Les jacobins déchaînent une vaste agitation qu'ils intensifient tous les jours. De tous les points de la France les adresses affluent à l'Assemblée. Le 13 décembre, Biauzat fait lecture à la tribune d'une délibération des administrateurs du Puy-de-Dôme qui réclament des mesures énergiques contre les évêques rebelles : Daignez réfléchir que les jours de clémence ne font que des ingrats et que, tant de fois outragée, la patrie veut enfin une vengeance éclatante[33]. Le lendemain, Biauzat écrivait aux mêmes administrateurs pour les inviter à lui faire parvenir de nouvelles plaintes qui lui serviraient à peser sur l'esprit du roi par l'intermédiaire du garde des sceaux qui apparaît ainsi gagné à cette tactique : Je dois vous observer, disait-il, que pour autoriser M. le garde des sceaux à presser la sanction du décret sur le serment, il faudra le munir de preuves établissant qu'il convient d'éviter le trop long retard comme le refus. Je voudrais bien que vous m'écrivissiez, par forme de questions pressantes, sur ce retard. Votre lettre, partant le 18, me parviendrait le 21, ou, en cas de durée de mauvais temps, le 22, et je m'en servirais le même soir pour contribuer à presser la sanction, de manière qu'elle soit accordée avant l'arrivée du courrier parti pour Rome. Vous pèserez mes observations et vous verrez s'il ne serait pas convenable d'exprimer dans une délibération les dangers du retard de cette sanction, sans cependant faire apercevoir que l'on est instruit de l'envoi à Rome. Vous chargeriez notre président de m'écrire pour savoir les causes de ce retard. Remarquez que ce que nous faisons ici à ce sujet n'étant qu'une négociation secrète, ce n'est pas au président de l'Assemblée nationale qu'il faut écrire[34]. Le jour même où Biauzat écrivait cette lettre qui nous éclaire sur la tactique de la gauche, le célèbre acteur Larive venait déclamer à la barre une adresse de l'assemblée électorale du département de Paris où étaient dénoncées les tentatives de l'épiscopat pour soulever la piété crédule. L'opposition de la puissance spirituelle à la puissance temporelle n'est qu'une antithèse de l'ignorance, une hérésie en politique, un blasphème contre l'Évangile ![35] En vain le roi s'efforçait de calmer l'agitation et d'aller au-devant des demandes d'explication. Dès le 14 décembre, il faisait parvenir à l'Assemblée un message du garde des sceaux où il était dit : L'intention du Roi a toujours été de donner une pleine et entière exécution aux décrets de l'Assemblée nationale du 12 juillet, dont celui du 27 novembre est une conséquence. Le Roi s'occupe des moyens d'en assurer l'exécution et prévenir tout ce qui pourrait la contrarier. Sa Majesté me charge de dire à l'Assemblée nationale, qu'elle a donné assez de preuves de ses principes, de son attachement à la Constitution pote qu'on ne puisse élever aucun doute sur les motifs qui l'ont déterminée à retarder la sanction de ce décret[36]. Ces assurances ne satisfirent pas la gauche qui avait son parti pris. La presse jacobine redoublait d'attaques contre
l'entourage du roi, contre l'Assemblée elle-même : L'opinion
publique, écrivaient les Révolutions de Paris, soutiendra la révolution contre la mollesse de l'Assemblée
nationale et les irrésolutions du roi. L'opinion publique a décrété avant
l'Assemblée, a sanctionné avant le roi le serment imposé aux évêques. Ils le
prêteront, ce serment...[37] Marat intitulait
son numéro du 9 décembre Révolte
du Roi contre la Constitution. Le bruit courait que les aristocrates se proposaient d'enlever
Louis XVI et de le conduire en Belgique pour le mettre à la tête de la
contre-révolution. Marat prétendait savoir que le 17 du mois une personne anciennement attachée à son service l'avait
surpris fondant en larmes dans son cabinet et s'efforçant de les cacher à
tous les regards[38]. Les efforts
faits la veille pour le faire fuir auraient été la cause de ces larmes. tin
certain Philippe Hervieux accusait le comte d'Angivillers, directeur des
bâtiments, d'être l'auteur principal du retard apporté à la sanction
attendue. Les ministres actuels ne peuvent balancer
son influence sur l'esprit de Louis XVI[39]. Cette phrase,
répétée par le journaliste, aurait été prononcée publiquement par le nouveau
garde des sceaux, Duport Dutertre, si on en croit la Correspondance
secrète qui la note trois jours avant qu'elle eût paru dans la Chronique
de Paris[40]. III Le grand débat que tout annonçait eut lieu le 23 décembre. Camus demanda à la séance du matin que le président se rendit chez le roi sur-le-champ pour s'informer des motifs pour lesquels le décret du 27 novembre n'était pas encore sanctionné et pour le prier de donner immédiatement cette sanction. La proposition de Camus fut adoptée sans débat. A la séance du soir le président, qui était alors Dandré, fit connaître la réponse que le roi lui avait remise par écrit. Louis XVI protestait qu'il méritait la confiance de l'Assemblée, qu'il attendait d'un moment à l'autre l'effet des mesures qu'il avait prises pour appliquer les décrets en évitant de troubler la tranquillité publique ; autrement dit, il demandait qu'on lui laissât le temps d'obtenir une réponse de Rome. Camus remonta à la tribune. Le décret du 27 novembre étant un décret constitutionnel, le roi ne pouvait refuser son acceptation. Tout délai compromettrait la tranquillité publique. Il y a eu trop de délais ! L'Assemblée ne souffrirait pas qu'on portât atteinte à la Constitution et Camus évoquait le souvenir du serment du Jeu de Paume, glorifiait la fermeté que l'Assemblée avait montrée quand elle avait porté les derniers coups au despotisme royal. Vous avez épuisé tous les palliatifs, il n'y a plus d'autres ressources, soyez ce que vous devez être ou renoncez à la liberté. Et Camus montrait l'anarchie grandissante dans le clergé par suite de l'incertitude régnante, réveillait le vieux gallicanisme, faisait craindre la mévente des biens d'Église et proposait en terminant de faire une nouvelle démarche auprès du roi pour lui représenter les inconvénients sans nombre qui résultent du décret du 27 novembre, pour lui représenter ce qu'exige la sûreté de la Constitution, et pour l'inviter à peser, dans sa sagesse, dans son amour pour les peuples et pour la religion, tous ces motifs et pour le prier d'envoyer demain une réponse définitive.. En vain Toulongeon et Duquesnoy essayèrent de gagner du temps. Toulongeon contesta que la chose publique fût en danger pour qu'on dût agir avec cette précipitation. Si elle y était réellement, vous n'auriez pas accordé de délai. Il demanda l'ajournement jusqu'au 1er janvier. Duquesnoy, un homme de Mirabeau, après avoir dit beaucoup de mal du haut clergé, invita l'Assemblée à se montrer tolérante et à ne pas faire le jeu des fanatiques qui désiraient des martyrs. Camus et Chasset soulevèrent une chicane de forme. La réponse du roi était-elle signée de lui et contresignée d'un ministre ? Avait-elle une valeur légale ? Hautain et provocant, l'abbé Maury railla ce formalisme et formula le souhait que, dans l'intérêt et la cause aristocratique, on pressât la sanction, qu'on l'arrachât par la violence : Je vous observe que le terme fatal de la sanction des décrets constitutionnels n'est pas limité avec une grande précision, et que la liberté non des membres de cette assemblée, mais du chef de l'État demande de grandes précautions, parce que tout acte de violence serait un bienfait pour... Des murmures violents l'interrompirent. Il acheva cependant sa pensée : Je dis qu'un acte de violence deviendrait un acte conservatoire. C'était dire, à mots couverts mais très clairs, que la sanction qu'on allait arracher au roi n'aurait, aux yeux du haut clergé aucune valeur, car ce serait une sanction forcée. Ce que le haut clergé, chez qui la religion du roi était au moins aussi vive que la religion du pape, aurait pu accorder au roi libre, il serait en droit de le refuser au roi contraint. Rien ne montre mieux combien il eût été facile à un autre roi que Louis XVI d'obtenir de l'épiscopat l'adhésion à la constitution civile du clergé, même en l'absence de toute autorisation du pape. L'Assemblée dédaigna l'avertissement menaçant de l'abbé Maury. Après des interventions de Barnave, de Chapelier, de Coroller, de Muguet de Nanthou, de Camus, de Biauzat et de Chasset, elle ordonna que son président se retirerait de nouveau vers le roi pour lui demander une réponse signée et contresignée[41]. C'était le moyen assuré de forcer la sanction, en substituant à la responsabilité royale, qui n'existait pas d'après la Constitution, la responsabilité ministérielle. Mais c'était commettre une imprudence grave, ear c'était avertir publiquement le pays que le roi ne pensait pas, non seulement comme l'Assemblée, mais même comme ses ministres. C'était révéler aux aristocrates et au pape le secret des divisions et des faiblesses du pouvoir, et c'était leur donner un encouragement précieux. Louis XVI, qui avait sa dignité, regimba d'abord contre la sommation qui lui était adressée. La reine et Mme Élisabeth le suppliaient de ne pas céder et de s'enfuir au besoin aux Pays-Bas[42]. Il craignait les reproches du pape. Plus encore, il craignait ses propres remords s'il prenait la responsabilité du schisme. Mais, d'autre part, l'impopularité de la reine, attaquée chaque jour avec virulence, alarmait sa tendresse. S'il résistait, c'était l'émeute, un nouveau 6 octobre peut-être plus sanglant. Déjà il s'était plaint au président de l'Assemblée, quelques jours auparavant, de la manière la plus énergique, des calomnies lancées contre la reine par le Journal de Paris[43]. Il consulta Malouet et Boisgelin par une lettre où il leur dit ses appréhensions. Malouet pensait que le schisme pouvait être évité, que les évêques au dernier moment se délégueraient mutuellement leurs pouvoirs. Boisgelin le détrompa : Les évêques sages seront forcés, en dépit d'eux-mêmes, de refuser le serment, si les formes ne sont pas remplies ; chaque évêque dispersé ne peut pas y suppléer et M. Malouet semble avoir confondu ce que l'Église peut faire avec ce qu'on peut faire sans l'Église[44]. Les évêques de l'Assemblée se réunirent en conférence sous la présidence de Boisgelin pour examiner la lettre du roi. Ils constatèrent que la majorité avait son siège fait, qu'elle était décidée à imposer ses volontés : On m'a dit, écrivait Boisgelin après la conférence, les motifs des chefs, ils ne veulent point reconnaître le recours à Rome. On annonçait le retour du courrier pour le 27 ; ils veulent le prévenir. Si la réponse est favorable, ils ont le droit de regarder l'exécution comme la suite du décret antérieur. Si la réponse est négative ou même dilatoire, ils accuseront le pape et le clergé de n'avoir pas prévenu la rigueur de l'exécution. Et Boisgelin ajoutait avec tristesse : Voilà ce que j'ai toujours craint. Le principe de la Cour de Rome devait être de faire tout ce qu'elle devait faire et de ne différer que ce qui pouvait être moins pressant et moins difficile ; quand il ne manque que des formes canoniques, le pape peut les remplir, il le peut, il le doit ; et tels sont les articles que Votre Majesté lui avait proposés. Autant au moins que l'Assemblée, la Cour de Rome partagerait la responsabilité du schisme. Mais-que faire ? En évêque sage
qu'il était, Boisgelin ne voulait songer qu'à l'intérêt du roi qu'il
confondait avec l'intérêt de l'Église : Je ne
séparerai jamais la religion de l'État, ni l'État de votre personne, parce
que la religion et l'État tombent avec le roi. Or l'intérêt du roi
était de subir les circonstances, tout en cherchant encore des moyens possibles d'empêcher le schisme. Boisgelin
parlait maintenant en bon courtisan, en bon royaliste : Si l'on était assuré du concours du pape et de la
promptitude de sa réponse, Votre Majesté pourrait sanctionner d'avance le
décret sans inconvénient. Les départements exécuteraient le décret quand les
évêques se conformeraient à la réponse du pape ; mais on ne peut pas combiner
des circonstances sur lesquelles on est dans le doute et dans l'incertitude.
Si Votre Majesté ne peut pas se défendre des instances renouvelées, si vos
ministres ne les préviennent pas, il importe sans doute pour elle et pour la
chose que son acceptation semble un acte forcé. Votre Majesté fait une
réflexion bien intéressante sur la position de la reine, son intérêt en est
un pour l'État comme pour Votre Majesté ; et c'est pourquoi il ne faut pas
attendre que les chefs recourent encore à des attroupements. Il ne faut pas
céder aux émeutes ; s'il faut céder, ce doit être pour les prévenir et
l'insistance opiniâtre de l'Assemblée devient, dans l'état actuel, la loi de
la contrainte... La loi de la contrainte, un acte forcé, Boisgelin mettait à l'aise la conscience du monarque et croyait lui préparer pour l'avenir des retours offensifs. Il ne se doutait guère que la duplicité qu'il conseillait conduirait Louis 'XVI à l'échafaud et la monarchie au tombeau. Il avait parlé en courtisan. Il se souvint à la fin de sa
lettre qu'il était évêque : Que deviendraient
cependant les évêques destitués ? Que deviendraient les diocèses, livrés à
des intrus, qu'aucune forme canonique n'aurait légitimés ? Tant son
illusion était grande, Boisgelin imaginait une solution qui prouve jusqu'à
l'évidence avec la sincérité de ses sentiments de conciliation sa
méconnaissance absolue de ce qui se passait à Rome : C'est alors, Sire, qu'un second courrier doit arracher au
pape un consentement forcé ; c'est alors qu'instruit par ces tristes effets dont son refus serait la cause, il se
presserait sans doute de les réparer. Il se passerait quelque temps entre la
destitution des évêques et l'élection de ceux qu'on voudrait leur substituer,
et dans cet intervalle on pourrait recevoir la réponse de Rome. Loin
de songer à réparer les mauvais effets dont son
refus était la cause, le pape allait encore les aggraver ! La
violence faite au roi, au lieu de l'incliner à la conciliation, fut, au
contraire, une excuse qu'il mettra en avant pour motiver sa résistance. Louis XVI suivit les conseils de l'archevêque d'Aix. Il s'arrangea pour qu'il fût bien établi que son consentement était forcé. Il laissa d'abord son ministre de l'intérieur, Saint-Priest, lui offrir sa démission. Il accepta cette démission[45]. La journée de Noël se passa sans qu'il prit une décision. La matin du 26 décembre, le ministre démissionnaire le supplia de nouveau de sanctionner le décret en signant la réponse qu'avait préparée le garde des sceaux Duport du Tertre. Il lui représentait, dans une curieuse consultation de droit constitutionnel, que les ministres avaient seuls la responsabilité légale. Le roi n'avait pas à écrire sa réponse. La Constitution ne lui demandait qu'une signature. Simple formalité. Le roi n'avait pas à délibérer. Ceci regardait ses ministres. Plus il tarderait à répondre, plus on pourrait en conclure que le roi aurait délibéré sur ce qu'il ferait. C'est ce qu'il fallait éviter à tout prix. La responsabilité ministérielle devait toujours couvrir le roi[46]. Louis XVI céda. Si on en croit les Souvenirs du marquis de Bouillé, qui était alors à la cour, Louis XVI aurait dit au comte de Fersen, confident de la reine au moment où il donnait sa signature : J'aimerais mieux être roi de Metz que de demeurer roi de France dans un telle position ; mais cela finira bientôt[47]. IV L'Assemblée accueillit par de longs applaudissements la réponse royale, en ordonna l'impression et l'envoi aux municipalités. Elle était confiante dans son immense popularité, dans la masse du bas clergé qui l'avait suivie jusque-là. Elle escomptait la passion populaire pour vaincre tous les obstacles. Elle avait le mépris du haut clergé qu'elle croyait plus attaché aux biens terrestres qu'aux vérités éternelles. Thomas Lindet, futur évêque constitutionnel de l'Eure, écrivait le 19 décembre 1790 : Les murmures augmentent dans Paris sur les délais de la sanction du serment ecclésiastique. Ces nouvelles aventures n'engagent pas le peuple à prendre patience. Je crois que les dispositions pénales du décret du 27 novembre seront plus efficaces que tous les raisonnements et que tous les rescrits de Rome pour convaincre ceux qui seraient incrédules à l'autorité de l'Assemblée....[48] La plupart des hommes de gauche partageaient ces illusions. Chose curieuse, beaucoup d'aristocrates ne luttaient que par acquit de conscience et étaient persuadés, eux aussi, du triomphe final de l'Assemblée. Le comte de Fersen écrivait, le 3 janvier 1791, à son père : Beaucoup de gens croient que cela (le refus de serment) fera un grand mouvement dans les provinces. Je n'en crois rien. Le peuple n'entend pas cet article de foi ; il n'est pas à sa portée et il sera toujours enchanté de choisir son curé et son évêque[49]. Le comte de La Marck, moins pessimiste que Fersen, espérait qu'il y aurait une opposition sérieuse dans quelques provinces et s'en réjouissait. Mais il estimait lui aussi que la grande majorité du clergé jurerait : Le nouveau serment imposé au clergé peut aussi causer des troubles, écrivait-il à Mercy, le 30 décembre 1790, si la réponse du pape est un refus. On s'attend à ce que la grande majorité du clergé obéira ; mais la minorité relativement à tout le royaume pourra être une majorité dans quelques provinces, et si la résistance, même sur des points isolés, se communique des prêtres au peuple, on ne saurait calculer les maux qui pourront en résulter[50]. La réalité dépassa les espérances de La Marck et des plus déterminés des aristocrates. Tous les évêques en fonctions sauf quatre[51] refusèrent le serment. Combien y eut-il parmi les simples prêtres de jureurs et de non-jureurs ? Les aristocrates, le pape lui-même, dans son bref du 13 avril, ont prétendu que la majorité était de leur côté. L'Assemblée décréta le 12 mars 1791, que les départements dresseraient une statistique. Les éléments de cette statistique existent aux Archives nationales, mais pour quarante-trois départements seulement. M. Sagnac a calculé que, pour ces quarante-trois départements, il y eut 14.047 assermentés et 10.395 réfractaires, ce qui donne une proportion de 57,6 p. 100 de jureurs. Le pape et les aristocrates auraient donc menti quand ils affirment que les réfractaires furent plus nombreux que les assermentés, et c'est en effet l'opinion de M. Sagnac[52]. M. Sagnac ne s'est pas aperçu que, même pour les départements dont il a les statistiques, les états qu'il analyse ne concernent pas la totalité du clergé, mais seulement le clergé fonctionnaire public. Tous les prêtres, en effet, n'étaient pas astreints au serment, mais seulement les évêques et leurs vicaires généraux, les supérieurs et directeurs des séminaires, les curés et vicaires, les professeurs des collèges, etc., c'est-à-dire tous les ecclésiastiques conservés dans la nouvelle organisation. Étaient exclus de l'obligation la foule des moines et des prêtres des congrégations séculières, les prêtres habitués, obitiers, familiers ou succursalistes très nombreux dans certaines régions, comme dans le Cantal et dans le Jura, les anciens chanoines et prébendiers, tous supprimés, en un mot tous les ecclésiastiques non fonctionnaires publics. Dans quelle proportion ces prêtres non employés par l'État étaient-ils par rapport aux autres ? C'est ce qu'il faudrait savoir pour pouvoir apprécier les chiffres donnés par M. Sagnac[53]. Il n'est peut-être pas impossible de connaître cette proportion, mais il y faut le dépouillement de nombreuses archives locales et recourir notamment aux déclarations des bénéficiers faites en 1790. En attendant cette enquête qui sera longue, nous sommes cependant autorisés dès maintenant à faire subir une correction aux conclusions de M. Sagnac qui ne portent que sur une partie du clergé. Il se peut que, considérant l'ensemble, le pape ait été dans son droit en affirmant que les jureurs ne représentaient qu'une minorité[54]. J'ajoute qu'il y a dans les statistiques analysées par M. Sagnac d'autres causes d'erreurs qui lui ont échappé. Dans plus d'une région il y eut des prêtres patriotes non fonctionnaires publics qui prêtèrent le serment sans y être tenus. Les administrations se sont empressées de les faire figurer dans leurs listes. La statistique générale du clergé fonctionnaire public s'en trouve ainsi faussée. Beaucoup de prêtres consentirent à jurer afin de conserver leurs places, mais refusèrent ensuite d'entrer en rapports avec les nouveaux évêques constitutionnels. Cette catégorie curieuse de jureurs non schismatiques, qui croyaient pouvoir jurer en conscience parce que le serment n'était rien de plus qu'une soumission à l'autorité publique, mais qui ne croyaient pas pouvoir cesser d'obéir aux anciens évêques qui étaient toujours pour eux les évêques légitimes, cette catégorie curieuse n'a pas été recensée à part et entre dans le compte global des assermentés[55]. M. Sagnac ne l'a pas distinguée, faute d'une connaissance suffisante des questions ecclésiastiques. Il n'a pas tenu compte enfin des rétractations qui furent nombreuses après la publication des brefs du pape et des serments avec restriction acceptés pour valables par les municipalités complaisantes. Avant que toutes ces rectifications soient faites, il ne parait pas possible d'affirmer dès maintenant que les jureurs furent, même au début, plus nombreux que les réfractaires. A lire les statistiques, nous touchons du doigt la raison de la faillite de l’œuvre religieuse de la Constituante : la pénurie presque absolue de prêtres assermentés dans certains départements. Dans la ci-devant Bretagne et dans la Normandie, dans la ci-devant Flandre et dans la ci-devant Alsace, le nombre des assermentés est infime : 8 p. 100 dans le Bas-Rhin, 11 dans le Morbihan, 17 dans la Mayenne, 23 dans le Finistère, 19 dans le Nord, 19 dans le Pas-de-Calais et ces chiffres, je le répète, sont supérieurs à la réalité. Il y eut des districts où on comptait en tout et pour tout un assermenté (Rochefort, Vannes). Valenciennes en compte 3, Hazebrouck 5. Qu'importe après cela qu'il y eût d'autres régions où inversement, le nombre des réfractaires fut infime ? Les assermentés furent dans l'Indre 84 p. 100, dans le Loiret 90 p. 100. le Var 96 p. 100, les Hautes-Pyrénées 77 p. 100, la Haute-Saône 71, etc. Dans ces départements-là, 1 l'application de la constitution civile allait toute seule. La France n'en était pas moins coupée en deux. Dans toute une partie du territoire, la réforme religieuse ne pourrait être imposée — si elle le pouvait — que par la force. La Constituante avait voulu créer une Église nationale et faire servir la religion à consolider l'ordre nouveau. Le résultat, c'était qu'un grand nombre de prêtres, jusque-là bons serviteurs de la Révolution, par scrupule de conscience, parce que le pape n'avait pas voulu faire le geste rituel qu'ils attendaient, étaient obligés à une lutte qui n'était primitivement ni dans leur cœur ni dans leurs prévisions. Le résultat, c'est que le parti aristocrate était grossi du formidable renfort des consciences timorées, c'était qu'au lieu d'instituer une Église d'État, la Constituante n'avait institué que l'Église d'un parti, l'Église du parti au pouvoir, en lutte dès le premier jour avec l'ancienne Église devenue l'Église du parti provisoirement vaincu. Les querelles politiques vont être de plus en plus mêlées de religion. Mais précisément parce que la question était politique au premier chef, les révolutionnaires ne pouvaient reculer sans compromettre toute leur œuvre. Quelle joie, quelle bonne fortune pour les émigrés et pour les aristocrates ! Le sentiment monarchique avait été impuissant à leur fournir une revanche et voilà que le ciel leuç venait en aide I Le sentiment religieux fut le grand levier dont ils se servirent pour provoquer la contre-révolution. Dès le 21 janvier 1791, Mirabeau donnait à la Cour, dans
sa 43e note, des conseils scélérats : On ne pouvait
pas, disait-il, trouver une occasion plus
favorable de coaliser un grand nombre de mécontents d'une plus dangereuse
espèce et d'augmenter la popularité du roi aux dépens de celle de l'Assemblée
nationale. Il fallait : 1° provoquer le plus
grand nombre d'ecclésiastiques fonctionnaires publics à refuser le serment ;
2° provoquer les citoyens actifs des paroisses qui sont attachées à leurs
pasteurs à se refuser aux réélections ; 3° porter l'Assemblée nationale à des
moyens violents contre ces paroisses, tels que de faire mander à la barre les
officiers municipaux des grandes villes, de casser les municipalités et de
requérir le roi d'employer la force publique pour exécuter les décrets,
d'empêcher que l'Assemblée n'adopte des palliatifs qui lui permettraient de
reculer d'une manière insensible et de conserver sa popularité... La
Cour et les aristocrates ne suivirent que trop cette politique du pire. Par la force des choses, la Constituante fut obligée de réformer la constitution civile afin de la rendre malgré tout applicable. Elle donna prise ainsi au reproche de jouer au concile et la constitution civile du clergé, qui avait été faite pour être mise en vigueur avec le concours de l'épiscopat, put être présentée, à cause de ses additions, comme une œuvre avant tout politique. Les premiers évêques constitutionnels furent obligés d'employer les notaires et les juges pour se faire accorder l'institution canonique[56]. La procédure de l'appel comme d'abus imaginée par le décret du 15 novembre 1790, dut elle-même être complétée. Il y avait des provinces où aucun évêque n'avait juré, où par conséquent il était impossible de faire faire des sommations par ministère de notaire. Un nouveau décret, celui des 27-30 janvier 1791, pourvut à cette difficulté en renvoyant les nouveaux évêques devant le directoire du département qui leur désignait dans toute la France un évêque consécrateur. Par une nouvelle dérogation â la constitution civile, le décret des 21-25 février permit le sacre hors de la paroisse cathédrale. Le même décret dispensa les nouveaux prélats de demander pour leur consécration la permission de l'évêque du lieu. Le comité ecclésiastique dut se résigner à fonctionner à la manière des congrégations romaines. Il résolvait les difficultés canoniques et liturgiques qui lui étaient soumises. Treilhard, son président, envoyait aux nouveaux élus une longue et précise instruction sur la marche qu'ils devraient suivre pour leur sacre et leur institution canonique[57]. Le comité ecclésiastique fut consulté sur les points les plus délicats. L'évêque des Côtes-du-Nord lui demanda un jour quelle conduite il devait tenir à l'égard d'un curé constitutionnel qui, avec son vicaire, scandalisait tous ses paroissiens. Le comité répondit par une consultation minutieuse[58]. La pénurie des prêtres obligea d'abréger les délais des stages fixés par les décrets aux aspirants aux fonctions ecclésiastiques. Il fallut aussi permettre aux prêtres d'un département d'être nommés dans un autre[59]. Comme les séculiers étaient insuffisants, on recourut aux anciens religieux qui reçurent une prime, la moitié de leur pension de retraite, en plus du traitement de leur nouvel emploi[60]. Le recrutement des prêtres fut la grande affaire des nouveaux évêques. Beaucoup improvisèrent des séminaires qu'ils peuplèrent de jeunes gens sans vocation nommés prêtres au bout d'un stage ridiculement insuffisant. Ces séminaristes fabriqués à la grosse n'édifièrent guère leurs paroissiens et contribuèrent au discrédit de l'Église nationale. Il fallait du temps pour élire les nouveaux pasteurs. En
attendant, dans les paroisses dont les prêtres refusaient le serment, qui
dirait la messe et qui distribuerait les sacrements ? L'Assemblée n'avait pas
prévu le cas. Le décret du 27 novembre, sanctionné le 26 décembre, faisait
défense, sous peine de poursuites, à tous les prêtres non jureurs de
s'immiscer dans aucune fonction publique. Or, baptiser, marier, enterrer,
donner la communion, confesser, prêcher, étaient en ce temps-là des fonctions
publiques. En prenant le décret à la lettre, les prêtres réfractaires,
c'est-à-dire, dans certains départements, tous les prêtres, devaient cesser
subitement leurs fonctions. Le département du Pas-de-Calais ordonna en effet
aux insermentés de quitter leurs églises. La municipalité d'Arras protesta : Les marguilliers sont déjà venus nous demander qui
chantera vêpres ; il y a deux morts à enterrer, on nous demande qui enterrera
? Et vraisemblablement ces questions vont se renouveler à chaque instant. Que
faire ? Nous ne nous dissimulons pas de quel danger serait pour la
tranquillité publique et quelles funestes conséquences pourrait avoir la
désertion des prêtres et la clôture des églises...[61] Partout les
mêmes craintes se firent jour. Une cessation générale et concertée du culte
pouvait mettre instantanément la moitié de la France en feu. Heureusement les
intentions du pape n'étaient pas encore connues et la guerre sacrée ne se
produisit que dans quelques cas exceptionnels[62]. Mais
l'Assemblée eut peur. Par son instruction du 21 janvier 1791, véritable
encyclique qui devait être lue par les curés ou à leur défaut par les
municipalités, dans toutes les églises, elle s'efforça de calmer l'agitation
et de rassurer les fidèles. Battant en retraite, elle demande aux
réfractaires, en quelque sorte comme un service, de continuer l'exercice de
leur ministère jusqu'à leur remplacement. à y en eut qui ne furent pas
remplacés avant un an et plus. Les curés destitués obtinrent une pension de
500 livres. Dans cette marche en arrière le comité ecclésiastique allait plus loin encore que l'Assemblée elle-même. Un décret formel en date du 4 janvier avait interdit d'accepter des serments précédés ou suivis de préambules, d'explications ou de restrictions. Or, le comité répondait invariablement, aux nombreuses administrations qui le consultaient sur la validité de pareils serments, de les reconnaître comme valables[63]. A la demande d'un évêque constitutionnel, qui était en même temps député, Joubert, un délai supplémentaire était accordé aux réfractaires pour satisfaire à la loi. Le décret du 18 mars leur donna pour réfléchir tout le temps nécessaire. Jusqu'à leur remplacement leur serment fut admissible. Les administrations, les clubs, les patriotes influents se mirent en campagne pour décider les réfractaires à revenir sur leurs refus[64]. Il y eut même des serments acceptés après l'expiration du délai légal[65]. La Marck avait raison de signaler à Mercy-Argenteau les
atermoiements et les regrets de l'Assemblée : L'embarras
que donne à l'Assemblée le décret sur le serment des ecclésiastiques
fonctionnaires publics est cependant très évident. On voudrait bien n'avoir
pas ordonné ce serment, que ceux-là mêmes qui le prêtent regardent comme
inutile, et les comités, à défaut de l'Assemblée, ne cherchent qu'à déguiser,
qu'à graduer une rétractation que personne n'ose avouer. On avait supprimé
toutes explications et l'on a donné des explications. On avait refusé de
déclarer qu'on n'entendait point toucher au spirituel et l'Assemblée a
presque fait cette déclaration...[66] Mais le temps n'était plus aux ménagements et aux palliatifs. Le mal était fait. Il alla en empirant. Les remèdes les plus énergiques furent insuffisants à le guérir. Il fallut se rendre à l'évidence. Il était impossible d'imposer à la France, à toute la France, l'Église constitutionnelle. On dut se résigner à laisser vivre en marge, à côté d'elle, ce qui restait de l'ancienne Église. Il y eut ainsi deux cultes catholiques entre lesquels on fut obligé d'établir un modus vivendi que ni les idées ni les lois n'avaient prévu. Sous la pression des faits, les idées et les lois évoluèrent. Du système de l'Église d'État se dégagea peu à peu, non sans heurts et sans déchirements, le système de l'Église libre. La résistance du pape, inspirée par des intérêts égoïstes, se retourna en définitive contre le catholicisme. La manœuvre romaine dénoua les liens qui unissaient les deux pouvoirs. Après l'Église libre, l'État libre. |
[1] Gazette de Paris, du 9 décembre 1790. Le même journal ouvrait une souscription pour les prêtres que la privation de traitement réduirait à la misère. Il reproduisait tous les jours les protestations les plus violentes élevées par les évêques ou les prêtres contre les décrets.
[2] Déclaration de M. l'évêque d'Amiens au sujet du serment-civique lue à la séance du département de la Somme, le 29 novembre 1790. Arch. nat. DXXIX b 25.
[3] Lettre de M. l'évêque d'Angoulême à M. le procureur général du département de la Charente, 24 déc. 1790. Bib. nat. Ld⁴ 3147.
[4] Journal ecclésiastique de décembre 1790, p. 447 et suiv.
[5] Cf. Mémoires ou correspondance secrète du Père Lenfant, confesseur du roi, Paris, 1834, t. I, p. 33, p. 108.
[6] Protestation de 105 curés de la Bretagne contre la nouvelle organisation civile du clergé adressée à l'Assemblée nationale, s. l. n. d. Bib. nat. Ld⁴ 3083.
[7] Lettre citée dans le Bulletin d'autographes de la maison Noël Charavay, août 1910, p. 20.
[8] Conseils donnés à un ecclésiastique concernant sa conduite, son ministère dans les circonstances actuelles, le serment civique, 4 décembre 1790, p. 27. Bib. nat., Ld⁴ 3131.
[9] Lescure, Correspondance secrète, t. II, p. 489-491, à la date du 18 décembre 1790.
[10] Les émigrations continuent en abondance, Correspondance du Père Lenfant, à la date du 3 décembre 1790, p. 60. L'archevêque de Vienne émigrait à Genève, le 9 décembre 1790. Nestor Albert, Histoire de M. de Thiollaz, 1907, L I, p. 105.
[11] Lettre de M. l'évêque de Langres à MM. les administrateurs du département de la Haute-Marne, Langres, 20 décembre 1790, Bib. nat., Ld⁴ 3141, p. 55.
[12] Lettre de M. l'évêque d'Alais à M. le curé de... en lui envoyant l'instruction pastorale de Mgr l'évêque de Boulogne, Paris, 27 novembre 1790. Bib. nat., Ld⁴ 3116, p. 28.
[13] Réponse de M. l'évêque de Séez... Séez, 13 déc.1790, Bib. net., Ld⁴ 3146, p. 9.
[14] Guillon, Collection des brefs de Pie VI pondant la Révolution française, Paris, 1798, t. I, p. 76, note.
[15] Lettre de M. l'évêque de Blois à MM. les administrateurs du département du Loir-et-Cher, s. l. n. d. Bib. nat., Ld⁴ 3148, p. 12.
[16] Développement de l'opinion de M. Camus..., Imp. nat., 1790. Bib. nat., Le²⁹ 1131. Parmi les signataires, je vois Lecesve, Ballard, Gouttes, Saurine, Aubry, Latyl, mais ni Grégoire ni Janet.
[17] Gazette de Paris du 7 décembre 1790 et discours de Camus, du 23 décembre 1790.
[18] Correspondance du Père Lenfant, t. I, p. 93, lettre du 3 décembre 1790.
[19] F. X. Laurent, curé d'Huillaux, député du département de l'Allier. Déclaration d'un curé membre de l'Assemblée nationale sur la Constitution du clergé, Paris, Cussac, 1799, p. 19.
[20] Réponse à la déclaration d'un curé membre de l'Assemblée nationale sur la Constitution du clergé, Paris, Crapart 1790. Bib. nat, Ld⁴ 3094.
[21] Un petit mol à M. Tridon, de la part de M. Laurent, auteur de la Déclaration. Bib. nat., Ld⁴ 3096, p. 8.
[22] Lettre de M. Paganel, curé de Nouaillac, procureur syndic du district de Villeneuve (sur Lot), à MM. les curés et vicaires desservant le même district.... A Agen, Vve Noubel, déc. 1790. Bib. nat., Ld⁴ 3144, p. 11.
[23] Lettre de M. Béhin, curé d'Hervin-Coupigny, député à l'Assemblée nationale de la ci-devant province d'Artois à M***, sur l'écrit intitulé Exposition des principes... 9 déc. 1790. Bib. nat., Ld⁴ 3136.
[24] Apologie du serment civique par un prestre de la maison et société de Sorbonne, ami de la religion et des lois, Paris, 1790, 21 p. Bib. nat., Ld⁴ 3126.
[25] Charrier de la Roche, député de Lyon à l'Assemblée nationale. Examen des principes sur les droits de la religion, la jurisdiction et le régime de l'Église catholique, relativement l'influence de l'autorité séculière dans la Constitution civile du clergé, Paris, Leclerc, 1790, 101 p. fin décembre 1790. Bib. nat., Ld⁴ 3160.
[26] La lettre de Paganel, analysée plus haut, fut imprimée en vertu d'un arrêté du district de Villeneuve, en date du 21 décembre 1790, les Observations de Le Coz, principal du collège de Quimper, par ordre du département du Finistère, la réponse de Nusse, curé-maire de Chavignon, à l'évêque de Soissons, par ordre du département de l'Aisne, etc. Il est Mutile) d'indiquer ici les nombreux pamphlets qui parurent dans ce mois de décembre 1790 pour et contre la constitution civile du clergé. On les trouvera au catalogue de la Bibliothèque nationale. Je n'ai voulu que marquer les principales positions des thèses en présence...
[27] Lettre adressée par le Conseil général du département de la Marne, à M. l'évêque du siège de Reims, déterminé par la loi de l'État pour être celui du département, 1er déc. 1790, Bib. nat., Ld⁴ 3135, p. 7.
[28] Correspondance de La Marck et de Mirabeau, t. II, p. 397.
[29] Correspondance de Legendre, lettre du 19 décembre 1790. La Révolution française, t. XL, p. 50.
[30] Correspondance de Thomas Lindet, publiée par A. Montier, Paris, 1899, p. 245.
[31] Dans l'espérance de voir arriver la réponse du Souverain Pontife, plusieurs fois moi-même j'ai engagé M. le garde des sceaux à ne pas presser la sanction du Roi, uniquement pour tranquilliser ceux qui croient que la Constitution heurte la religion et pour éviter un choc funeste entre le sacerdoce et l'empire. Grégoire, Légitimité du serment (1791), cité par A. Gazier, Études sur l'histoire religieuse de la Révolution, Paris, 1887, p. 13, note 1.
[32] Gaultier de Biauzat, sa vie et sa correspondance, par Francisque Mège, Paris, Lechevalier, 1890, t. II, p. 349.
[33] Moniteur, t. VI. p. 622.
[34] Gaultier de Biauzat, lettre du 14 décembre 1790, post-scriptum.
[35] Moniteur, réimp., t. VI, p. 638.
[36] Procès-verbal de l'Assemblée nationale, séance du mardi 14 décembre 1790 au matin, p. 25.
[37] Révolutions de Paris, n° 75, n° du 11 au 18 décembre 1790.
[38] Ami du peuple, du 23 décembre. Cf. la même version dans la Correspondance secrète du 24 décembre, t. II, p. 492.
[39] Chronique de Paris, du 6 décembre.
[40] Correspondance secrète du 3 décembre, t. II, p. 487.
[41] Un pamphlet réfractaire, daté de juin 1791, fait retomber sur Camus la responsabilité de la sanction du décret du 27 novembre. C'est contre l'avis du comité ecclésiastique qu'il aurait fait la motion d'exiger du roi l'acceptation du décret et quand une personne de ses amis lui a reproché d'avoir insisté si vivement sur ce point, il a répondu : C'est Barnave qui l'a voulu ! Lettre de M. de Talleyrand, ancien évêque d'Autun, chef à la communion des Talleyrandistes, sur son rapport concernant l'admission égale et indéfinie de tous les cultes religieux. Paris, 1791, 70 p. Bib. nat., Lb³⁹ 5017.
[42] Correspondance secrète, t. II, p. 492.
[43] Paroles de Dandré, à la séance du 23 décembre. Le roi avait déclaré à Dandré que la reine était comme lui infiniment attachée à la Révolution. Moniteur, t. VI, p. 706.
[44] Pièces de l'armoire de fer, n° LXXI. Lettre de Boisgelin au roi (non datée, mais postérieure au 24 décembre et antérieure au 26).
[45] Elle est notifiée à l'Assemblée à la séance du vendredi 24 décembre. Elle avait été offerte le 22. Pièces de l'armoire de fer, ne 175. Il faut noter que le comte de Fersen, l'ami de Marie-Antoinette, était au mieux avec Saint-Priest : Sa maison est la mienne, écrit Fersen, il me comble de bontés, de politesses et de confiance. Je sais par lui tout ce qui se passe, et souvent mime Il me consulte. Le comte de Fersen et la Cour de France, par R. M. de Klinckowström, t. I, p. LIV.
[46] Pièce de l'armoire de fer, n° 175.
[47] Souvenirs du marquis de Bouillé, t. 1, p. 185.
[48] Correspondance éditée par A. Montier, p. 251.
[49] Correspondance de Fersen, Didot, 1877, t. I, lettre LVIII.
[50] Correspondance de Mirabeau avec le comte de La Marck, publiée par de Bacourt, 1851, t. II, p. 531.
[51] L'archevêque de Sens (Loménie de Brienne), les évêques d'Orléans (Jarente), d'Autun (Talleyrand), de Viviers (Savine), auxquels il faut ajouter l'évêque de Babylone (Du Bourg Miroudot), le coadjuteur de Sens (Martial de Loménie), l'évêque de Lydda (Gobel).
[52] Article de M. Ph. Sagnac, dans la Revue d'histoire moderne, t. VIII, p. 97 et suiv.
[53] Les écarts peuvent, par suite de cette considération, être considérables. Ainsi la liste de M. Sagnac pour le département de la Loire-Inférieure (le district de Nantes non-compris) ne présente que 438 noms (97 jureurs et 341 réfractaires). Or, d'après la Statistique du clergé nantais à la Révolution, de l'abbé Cahour, citée par Sciout (t. II, p. 50), sur 1050 prêtres habitant le département, 189 seulement jurèrent. Le pourcentage des jureurs sur la totalité du clergé au lieu d'être de 22 p. 100, comme dans la statistique de M. Sagnac, tombe alors à 5,6 p. 100.
[54] L'abbé Grégoire a prétendu prouver que le clergé assermenté était bien Supérieur en nombre au clergé insermenté. Dans son Histoire de l’émigration ecclésiastique, publiée en appendice de ses Mémoires (1840, t. II, p. 175), il fait ce raisonnement : D'après un calcul du chef du bureau des émigrés, Morice, qui lui a communiqué le chiffre, le 9 mai 1805, il y avait 18 000 ecclésiastiques émigrés avant 1793 : Environ 18 000 autres se sont déportés eux-mêmes ou ont été déportés n, soit 36.000.. Supposons toutefois et pour un moment, que le nombre des ecclésiastiques émigrés fut double ; et, pour élever cette hypothèse à l'absurde, supposons autant d'ecclésiastiques insermentés restés en France. Ces 72.000 ne constitueraient que la minorité du clergé, et la conséquence certaine serait encore que la majorité du clergé avait prêté le serment. Ce fait a été démontré par Lanjuinais. J'ignore où Lanjuinais a fait cette démonstration.
[55] Le nombre des jureurs non schismatiques parait avoir été considérable dans tous les départements. Dans l'Ain, une note du directoire du département, en date du 7 juin 1790, évalue à 201e nombre des jureurs qui se sont rétractés et à 40 ou 50 celui des jureurs qui ont refusé de lire la lettre pastorale du nouvel évêque constitutionnel (Arch. nat., DXIX, 21). Quelques amis de la liberté et de l'égalité de Belley écrivirent à Danton, le 4 septembre 1792, pour se plaindre que beaucoup de curés en fonctions, qui refusaient de reconnaître l'évêque Royer et qui s'étaient secrètement rétractés, continuaient à toucher leur traitement. L'évêque et ses vicaires généraux n'osaient pas les dénoncer et envoyer au département les procès-verbaux constatant leurs refus de communion. Le 20 septembre, Danton transmit la lettre à Roland et Roland écrivit le 24 au département de l'Ain pour l'inviter à faire une enquête (Arch. nat., F¹⁹ 398).
[56] On sait que de tous les évêques jureurs en fonctions, Talleyrand seul consentit à sacrer les nouveaux évêques élus (Marolles et Expilly).
[57] Arch. nat., DXIX, 27. L'instruction n'est pas datée, mais elle n'est pas beaucoup postérieure au décret du 21 février.
[58] Arch. nat., DXIX, 30.
[59] Décret des 7-9 janvier 1791. Cf. aussi le décret des 4-6 avril 1791.
[60] Décret des 7-9 janvier 1791. Cf. aussi le décret des 4-6 avril 1791.
[61] Abbé Deramecourt, Le clergé du diocèse d'Arras, Boulogne el Saint-Orner pendant la Révolution, 1885, t. II, p. 105. La municipalité de Nantes écrivait au comité ecclésiastique le 10 janvier pour lui signaler les dangers de la grève du culte (Arch. nat., DXIX, 102, fol. 612).
[62] Par exemple à Nevers où neuf curés sur onze cessèrent simultanément leurs fonctions. Abbé Joseph Dasse, Guillaume Tollet. Nevers, 1905, p. 29.
[63] Réponses de ce genre sont faites, le 29 mars, à Dargennes, procureur de la commune de Moyaux (Calvados) ; le 29 février, au directoire du département du Pas-de-Calais ; le 8 mars. au département de la Creuse (Feuilles de travail du comité ecclésiastique, fol. 592, 588, 613. Arch. nat., DXIX, 101).
[64] On répandit dans le public une caricature représentant une scène du serment dans une église. Le curé est en chaire. Le maire est au-dessous de lui et lui ordonne de jurer en même temps qu'il tire une corde fixée à une poulie. La corde lève le bras du curé.
[65] Ainsi celui du curé de Saint-Laurent de Rouen (Feuilles du comité ecclésiastique, fol. 597, Arch. nat., DXIX, 101).
[66] Correspondance de Mirabeau avec La Marck, t. III, p. 25 (26 janvier 1791).