ROME ET LE CLERGÉ FRANÇAIS SOUS LA CONSTITUANTE

 

CHAPITRE XII. — LE COMPLOT ARISTOCRATE.

 

 

I

Les écrivains ultramontains reprochent aux Constituants leur précipitation à mettre en vigueur la constitution civile du clergé. C'est bien le reproche inverse qu'ils ont mérité et qu'ils se sont d'ailleurs fait à eux-mêmes[1]. S'ils avaient mis quelque énergie à exiger l'application immédiate des décrets, aussitôt qu'ils se furent aperçus du but où tendaient les tergiversations romaines, il est très probable qu'ils auraient obtenu un meilleur succès. Mais, par leurs lenteurs à comprendre la situation, par leurs ajournements successifs devant le parti à prendre, par leur répugnance enfin à employer les moyens décisifs, ils donnèrent à leurs adversaires le temps de se reprendre, de se concerter et finalement de les mettre en échec.

Au moment où le roi envoya au pape ses propositions d'accord, à la fin de juillet, il n'y avait pas beaucoup d'évêques dans le clergé français pour souhaiter que la négociation n'aboutit pas. Les plus aristocrates se taisaient et attendaient.

Un mois après, quand le bruit transpira que la Cour romaine était mal disposée et faisait des difficultés, demandait des délais, ceux-ci reprirent courage et confiance[2].

Le 22 août, l'archevêque de Vienne, d'Aviau, condamne toute l'œuvre de la Constituante dans une pastorale conçue en termes généraux mais violents : On déchire l'Évangile, oui, on le déchire et vous vous taisez ![3]

Trois jours après, le 25 août, l'évêque d'Amiens lance une philippique contre ceux qui sapaient les règles de la hiérarchie catholique et déclarait d'avance intrus et schismatique quiconque entreprendrait d'exercer, sans l'intervention de la puissance légitime, l'autorité épiscopale sur aucune partie de son diocèse, ainsi que tous les prêtres qui y exerceraient leur autorité sans avoir reçu mission de lui ou de ses supérieurs en cause d'appel dans l'ordre hiérarchique de l'Église[4].

Même venant après les protestations des évêques de Léon, de Tréguier, de Toulon[5], de Senez[6], ces pastorales n'auraient eu en elles-mêmes qu'une minime importance si elles n'allaient fournir au pape un prétexte nouveau pour autoriser ses lenteurs et abriter ses calculs.

Pour arracher au pape le visa qui aurait donné les formes canoniques à la constitution civile du clergé, l'épiscopat français avait besoin d'être sinon unanime, du moins uni.

Déjà dans sa dépêche du 10 août, le nonce écrivait à Zelada :

En attendant la décision que prendra le Saint-Père sur le nouveau plan d'organisation du clergé, la majeure partie des évêques se préparent à faire des mandements dans leurs diocèses respectifs. Chez les évêques qui sont à Paris, il m'a semblé voir les dispositions les plus plausibles. Mais ils sont chez le plus grand nombre si déconcertés et si isolés qu'il sera difficile qu'il puisse y avoir entre eux tous cette intelligence et cet accord qui serait si nécessaires dans les circonstances actuelles.

L'évêque de Clermont, qui avait applaudi aux négociations ouvertes avec Rome, exprimait maintenant au nonce le désir que le pape ne fit pas trop ce concessions et se bornât au strict indispensable.

M. l'évêque de Clermont, en parlant dernièrement de ce sujet, me dit qu'il aurait désiré que le Saint-Père ne prononce pas, pour le moment, sur ce qui regarde la juridiction épiscopale, c'est-à-dire sur l'article de l'élection des curés et sur celui qui soumet les évêques au jugement de leur conseil. Je lui répondis, en termes généraux, que je pouvais l'assurer que le Saint-Père, en des matières si graves, ne bâterait pas son jugement et qu'il ne prendrait certainement aucune détermination même provisoire sans les plus mûres réflexions[7].

Sans doute la plupart des évêques qui sont à Paris souhaitent l'accord. Le nonce le constate dans sa dépêche du 23 août : Dans plusieurs conférences que j'ai eues avec de nombreux prélats et ecclésiastiques, j'ai pu m'assurer que la plus grande partie conviennent de la nécessité d'un expédient par intérim. Mais déjà l'opposition se fait jour et le nonce ajoute :

Néanmoins il y en a, mais ils sont en petit nombre, qui veulent que Sa Sainteté n'accorde rien provisoirement, mais insiste uniquement sur la convocation d'un concile national. Est de cet avis l'évêque de Tréguier, d'après ce qu'il m'a expliqué lui-même, mais sont aussi de cet avis, d'après ce que j'ai appris, ceux de Lyon, Quimper, Saint-Paul-de-Léon, Castres, etc. Il est certain qu'un concile national aurait pu préparer l'exécution du nouveau plan d'une manière plus légale et opportune, mais, vu que les circonstance des temps ne permettent pas de s'illusionner sur la convocation actuelle d'un concile national, il est indispensable de prendre l'autre parti[8].

 

L'opposition épiscopale va grandir à la faveur de l'inquiétude causée par le silence du pape. Les aristocrates, qui ont déjà provoqué les troubles sanglants de Montauban et de Nîmes, redoublent d'activité au mois d'août. Ils organisent alors la tentative du camp de Jalès. Partout ils enrégimentent dans leur parti des ecclésiastiques, qui sont leurs meilleurs agents[9]. Chaque jour davantage l'agitation religieuse sert de prétexte et de paravent à l'agitation contre-révolutionnaire.

Les évêques intransigeants s'efforcent de détourner le pape d'accorder le visa que le roi lui demande et que l'Assemblée attend. Dès le 8 septembre, Bernis écrit de Rome que plusieurs évêques ne veulent pas se prêter aux compromis proposés. Le 29 septembre il constate que parmi les évêques il y en a qui ont bien de la chaleur et d'autres qui sont bien tièdes. Le 20 octobre, il met les lenteurs du pape sur le compte de cette diversité d'opinions : Ce ne serait rien faire que de proposer des expédients qui puissent s'accorder avec les décrets de l'Assemblée nationale, si ces mêmes expédients étaient rejetés par nos évêques.

Les sentiments de Bernis étaient si connus que les évêques aristocrates lui adressaient, pour qu'il les communiquât au pape, leurs protestations les plus enflammées contre l'accord qu'il était chargé de négocier. L'archevêque d'Embrun lui écrivit le 30 octobre :

Si, par des ménagements qu'on n'aura pas manqué d'inspirer à la Cour de Home, le Saint-Père, par quelque adoucissement, laissait subsister en tout ou en partie le régime actuel, je ne vois plus de ressource, la religion est exilée à jamais de l'empire français. Nous manquerons de sujets, nous serons regardés comme de vils stipendiés que le peuple croira au-dessous de lui, puisqu'il les paye, et vous savez que le bien qu'on peut faire dépend de la considération dont on jouit. Si, au contraire, le Saint-Père décide, avec tout l'appareil qui environne le Saint-Siège, que cette malheureuse constitution n'est point admissible en principe, qu'elle est contraire à l'ordre établi par Jésus-Christ et reconnu par l'Église catholique, alors le courage renaîtra. Les curés, qui ont tout perdu par ignorance ou par intérêt, n'auront plus d'excuses. Ils commencent à s'apercevoir qu'ils ont été dupes ; ils ne cherchent qu'un prétexte pour revenir de leur apostasie... L'opinion commence à changer ; l'enthousiasme se dissipe ; il n'y a plus d'aristocrates ni de démocrates. La classe des mécontents absorbe toutes les autres. La bulle du Saint-Père, les assignats, les impôts et le sentiment du malheur surtout, feront le reste ; le calme sera rétabli[10].

 

Voilà qui était parler net. L'archevêque d'Embrun ne dissimulait pas qu'il comptait sur le pape pour opérer la contre-révolution. Son espoir ne devait pas être déçu.

Louis XVI était un croyant facile à émouvoir. Les évêques le savaient. Le fougueux Dillon, archevêque de Narbonne, lui adressa, le 22 septembre, une lettre qui sonnait comme un coup de clairon :

Sire, mon honneur et ma conscience ne peuvent se plier au joug des irrégularités sans nombre dont fourmillent les décrets de l'Assemblée nationale relatifs à la nouvelle constitution du clergé. Il m'est impossible d'acquiescer à la dégradation du siège archiépiscopal et primatial de Narbonne et d'archevêque métropolitain devenir, sans aucune forme canonique, évêque suffragant d'un autre siège. La puissance séculière n'a pas le droit de limiter ni d'étendre la juridiction spirituelle des évêques et encore moins de les forcer à en partager l'exercice avec des sujets indignes et désignés d'avance.

On veut, Sire, introduire le presbytérianisme en France et il n'y a pas de secte plus ennemie de la royauté.

Je croirai, jusqu'à mon dernier soupir, qu'aucune autorité autre que celle de la violence n'a pu faire disparaître, ni remplacer la vôtre ; mais, comme il est trop manifeste que les circonstances actuelles ne permettent pas encore à Votre Majesté de faire usage de celle qui lui appartient, je la supplie de me permettre de déposer entre ses mains la réclamation que je fais contre toute infraction aux lois de l'Église et particulièrement contre toute violation des droits du siège auquel le choix de votre auguste aient, les lois de votre royaume et celles de l'Église catholique m'ont attaché.

Je réunis mes respectueuses instances à celles qui ont déjà été faites à Votre Majesté pour la tenue d'un concile national, c'est le seul remède aux maux qui nous affligent et lui nous menacent[11].

 

Les évêques aristocrates, comme on le voit, ne se donnaient plus la peine de dissimuler les arrière-pensées politiques auxquelles ils obéissaient. En résistant à la constitution civile du clergé, ils ont conscience de bien servir les véritables intérêts de la royauté. Ils s'en font gloire et s'excusent de désobéir en apparence aux ordres du roi en supposant que ces ordres lui sont arrachés par la violence. Louis XVI, qui commençait déjà sa politique de duplicité, laissait dire. En ne rappelant pas à leur devoir les évêques qui osaient mettre en doute sa sincérité, il propageait lui-même l'esprit d'insubordination et augmentait l'audace des contre-révolutionnaires qui pouvaient faire état de son silence pour prétendre qu'il était, au fond, d'accord avec eux.

La congrégation des cardinaux chargée d'examiner les propositions du roi de France se réunit le 24 septembre[12]. Elle émit un avis qui ne pouvait qu'encourager les intransigeants et aviver encore les scrupules du roi :

La plupart des votants ont été d'avis que le Saint-Père écrivit au roi un bref paternel, dans lequel il exposerait succinctement la doctrine de l'Église sur les questions dont il s'agit aujourd'hui et un autre bref aux évêques pour les affermir dans les bons principes, en les exhortant à lui fournir les moyens de tranquilliser les consciences, sans exciter de nouveaux troubles[13].

Autrement dit, le pape opposerait la doctrine catholique à la doctrine de la Constituante et, ayant souligné leurs discordances, il se tournerait ensuite vers les évêques pour leur demander conseil. Si on songe que la majorité des évêques de France avaient applaudi aux propositions de conciliation rédigées par les deux évêques de Vienne et de Bordeaux, si on songe qu'ils avaient déclaré qu'ils recouraient au pape pour obtenir de lui les moyens canoniques d'application qu'ils ne possédaient pas eux-mêmes, on comprendra dans quelle consternation ils furent plongés en apprenant cet ajournement. Ils avaient cri la conciliation possible, et le pape leur rappelait les principes du catholicisme. Ils lui avaient soumis une série d'expédients qui sauvegardaient, à leur sens, les formes canoniques, et le pape, sans même examiner ces expédients, les invitait à chercher autre chose I Comment les intransigeants n'en auraient-ils pas conclu que le pape ne désirait pas l'accord et qu'il les excitait au combat ?

Cependant Bernis ne craignait pas de présenter la manœuvre du pape comme un avantage remporté par le gouvernement français : Parlons franchement, Monsieur, la plupart des papes, dans les circonstances où nous sommes, moins prudents, moins éclairés que celui-ci, au lieu de consentir à la publication des décrets en question, les auraient solennellement désapprouvés et proscrits ; ainsi, on ne peut que savoir gré à Pie VI de sa profonde sagesse et de sa modération[14].

Profonde sagesse, oui. Le pape aurait risqué, en condamnant immédiatement la constitution civile du clergé, de mettre contre lui les évêques qui en avaient souhaité l'application. Le parti qu'il adoptait n'avait pour lui que des avantages. Les évêques conciliants continueraient d'attendre en silence sa décision définitive et jusque-là ne prêteraient aucun concours aux autorités. Les évêques intransigeants, eux, entraîneraient les indécis et rendraient de jour en jour l'accord plus difficile. Le pape resterait l'arbitre de la situation. Il forcerait les Constituants à composition.

 

II

Pendant que sous la haute direction du pape les aristocrates se préparaient à la lutte, l'Assemblée, confiante ou occupée à d'autres tâches, restait inactive et laissait aux nouvelles administrations locales qui venaient d'entrer en fonctions le soin d'appliquer ses décrets et de déjouer les ruses de ses ennemis. L'une après l'autre, vers la fin de septembre et le début d'octobre, elles notifiaient aux évêques la proclamation du roi du 24 août et les invitaient à coopérer avec elles à la réduction des paroisses, à la1 formation des conseils épiscopaux qui devaient remplacer les chapitres supprimés, à l'organisation des nouveaux diocèses, etc.

Les évêques répondirent aux mises en demeure des corps administratifs chacun avec leur tempérament propre. Les conciliants, ceux qui espéraient que les choses s'arrangeraient, faisaient des réponses évasives et polies, soulevaient, comme Boisgelin, des difficultés de forme, prétendaient qu'une proclamation du roi n'était pas une promulgation, bref, essayaient de gagner du temps. Les intransigeants, au contraire, acceptaient avec joie la bataille qui s'offrait, lançaient des protestations retentissantes, répondaient avec hauteur aux administrateurs, présidaient à des scènes théâtrales et essayaient, en criant à la persécution, d'ameuter les bonnes âmes et d'entraîner dans leur parti leurs collègues hésitants.

Les chapitres furent supprimés les premiers, leurs biens inventoriés, défense faite à leurs membres de se réunir en corps et en costume[15].

Partout, ou presque partout, les chanoines, qui représentaient dans le clergé le caste nobiliaire, ne cédèrent qu'à la force. Dans beaucoup d'endroits, i_s persistèrent à se réunir dans le chœur de leurs cathédrales, et pour avoir raison de leur obstination en dut murer les portes et mettre les scellés. A Cambrai un attroupement obligea les commissaires du roi, venus pour inventorier les meubles du chapitre à se retirer précipitamment sans avoir pu remplir leur mission[16]. Des protestations violentes accompagnaient la résistance. Les chanoines ne déclaraient pas seulement céder à la force, ils revendiquaient la propriété de leurs biens et jetaient l'anathème sur les futurs acquéreurs. Parfois, comme à Troyes, les protestations étaient suivies d'un pétitionnement parmi les habitants[17]. La campagne contre la nationalisation des biens du clergé, qui jusque-là n'avait pas été bien vive, prenait des proportions nouvelles.

Une brochure anonyme, attribuée à Jabineau par Barbier, La vraie conspiration dévoilée, reprochait au clergé de n'avoir défendu ses biens que très mollement, très gauchement, et émettait cependant cet espoir : Les biens du clergé, dont la propriété est aussi sacrée que toute autre, ne seront point vendus et la religion subsistera malgré les efforts de ses ennemis[18]. Quatre avocats au parlement de Rouen, Domat, syndic, Pothier, Bardet et Boniface signaient, le 2 novembre 1790, une Consultation sur l'intéressante question pour le peuple s'il y a sûreté à acquérir des biens du clergé[19], où ils concluaient qu'il n'y avait aucune sûreté à acquérir. L'Assemblée avait voté sous les menaces des factieux, la sanction du roi n'était pas libre. Il accepte et sanctionne tout ce qui lui est présenté (p. 17). Malheureuses campagnes ! qu'allez-vous devenir ? Chargées d'écrasants impôts, réduites à la circulation d'un dangereux et ruineux papier, vous verrez les fruits de la terre qui, pendant que le clergé possédait, rendaient au cultivateur le prix de ses sueurs, aller se perdre dans le gouffre de la capitale et y servir d'aliment aux dérèglements du luxe et du libertinage (p. 11). Mais le temps des factieux passera. Le clergé recouvrera ses biens et comme on ne pourra pas rembourser aux acquéreurs leurs capitaux, ils deviendront créanciers du trésor qui fera peut-être banqueroute. Qui acquèrera aura la conscience de l'injustice du contrat (p. 19).

La protestation descendait des hauteurs de la polémique pour s'organiser dans la pratique. On faisait circuler des Modèles de protestations à faire par les bénéficiers au directoire du district de la situation de leurs bénéfices, à la municipalité et partout où besoin sera[20]. Certains curés détournaient en chaire leurs ouailles de participer aux enchères[21].

Les évêques aristocrates se hâtaient d'appuyer les protestations de leurs chapitres : l'évêque de Mirepoix[22], l'évêque de Verdun[23], l'évêque de Soissons[24], l'évêque de la Rochelle[25], d'autres encore.

Comme il était naturel, les évêques supprimés dirigeaient le chœur des protestations. Le fougueux évêque de Léon, Jean-François de La Marche, ne daignait pas recevoir la dépêche par laquelle le district de Morlaix lui signifiait la suppression de son siège, pour la raison qu'il était désigné dans l'adresse sous le titre d'ancien évêque[26].

L'évêque de Lisieux, Jules Basile Féron de la Ferronnais, supprimé lui aussi, conjurait ses confrères conservés, les évêques de Bayeux, Évreux et Rouen, de ne pas porter atteinte à sa juridiction qu'il entendait conserver entière jusqu'au jugement du Saint-Père. Il invoquait à cet égard la consultation d'avocats qui avait décidé, le 15 mars précédent, que nul évêque ne devait abandonner l'exercice de la juridiction que l'Église lui a confiée et que l'évêque à qui on prétendait avoir réuni le diocèse voisin ne devait y faire aucun usage de cette juridiction incomplètement donnée[27]. Comment les évêques conservés, même les plus portés à l'essai loyal de la réforme, auraient-ils pu rejeter de semblables requêtes ? La bonne camaraderie, à défaut d'autre considération, leur faisait une obligation d'y souscrire. L'évêque de Bayeux, Joseph-Dominique de Cheylus, s'empressa de répondre le 10 octobre à son collègue de Lisieux : Je n'avois pas besoin, Monseigneur, de la consultation dont vous daignez me faire part pour savoir à quoi m'en tenir sur la valeur du décret qui, en supprimant votre siège, adjuge au mien la principale portion de son territoire. Je me suis expliqué d'une manière si positive dans les différentes réponses que les circonstances m'ont mis dans le cas de faire, qu'il ne peut rester aucun doute sur ma façon de penser à cet égard. Si les temps sont difficiles, les principes sont invertables et encore plus impérieux et nulle considération humaine ne pourra me faire fléchir dans la conduite qu'ils me tracent. Soyés bien assuré que je ne me regarderai comme évêque de Lisieux non seulement que lorsque vous y aurés consenti mais encore lorsque l'Église aura prononcé. La crainte peut bien inspirer cette sagesse timide qui n'ose s'opposer à l'injustice, mais la vérité s'inspire par le courage et la fermeté et l'on trouve ces sentiments en soy lorsqu'on ne redoute pas la lanterne, cet épouvantail des âmes faibles, dont je ne crois pas d'ailleurs qu'on veuille ressusciter la facétie en faveur des évêques. Soyés bien tranquille sur mes projets, je connois les bornes de mon diocèze que je ne franchirai pas, mais je n'en connois point au respectueux attachement avec lequel je suis, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur[28].

Par imitation, par respect humain, par esprit chevaleresque autant que par intérêt et par aristocratie, se grossissaient peu à peu les rangs des protestataires.

L'un des plus actifs fut certainement Henri-Joseph-Claude de Bourdeilles, évêque de Soissons. Mousquetaire avant d'entrer dans les ordres, M. de Bourdeilles était hautain, impérieux, inflexible[29]. Ses adversaires l'accusaient d'avarice parce qu'il cumulait les revenus des riches abbayes de Saint-Jean-des-Vignes et de Vendôme. Il mit à résister aux corps administratifs une ardeur joyeuse. Invité par le département, le 8 octobre 1790, à exécuter les décrets, il fit défense le même jour à ses prêtres de participer, directement ou indirectement, à la publication et à l'exécution de ces décrets, et il répondit au département qu'il se rendrait coupable d'hérésie s'il étendait sa juridiction sur le diocèse qui ne lui avait pas été attribué par l'institution canonique. Sommé une seconde fois, le 12 octobre, de dire s'il entendait continuer ses fonctions et prêter serment, il répondait par un refus hautain et faisait imprimer une Déclaration retentissante[30]. En même temps il présidait des réunions d'ecclésiastiques et organisait auprès des autres évêques une sorte de referendum sur la conduite à tenir. Il en faisait connaître le résultat à son collègue de Lisieux le 15 novembre : ... L'on nous a amusés depuis cinq mois, lui écrivait-il, et nous avons à nous reprocher notre silence. Plus de la moitié des quarante-cinq lettres d'évêques, à qui j'avais eu l'honneur d'écrire, forment les mêmes sentiments que nous. Tous paraissent vouloir se montrer en évêques...[31]

Comme on le voit par ce témoignage peu suspect, au milieu de novembre, les deux partis se balancent encore à peu près. Les protestataires devaient forcément gagner du terrain. Ils n'avaient pas seulement pour eux la lettre des canons, la sympathie qui s'attache aux persécutés : le silence persistant du pape travaillait pour leur cause en alarmant les consciences. Les prétentions des administrations élues composées de roturiers froissaient ces gentilshommes qui portaient les plus vieux noms de France. Bourdeilles souffrait de recevoir des sommations de la part de quelques vilains obscurs. Il faut voir comme il se moque dans ses lettres de Messeigneurs du département, avec quelle amertume méprisante il parle de ces personnages, dont l'un, dit-il, est un marchand de corde. Cecy n'est pas une plaisanterie[32]. Il souffre aussi pour des motifs plus respectables. Il voit les nouvelles autorités s'emparer des institutions qu'il a fondées, qu'il considère comme siennes, où il a mis un peu de son cœur et beaucoup de son argent : Vous n'imagineriez pas qu'étant à mon séminaire, que j'ai construit presque en entier, surtout où j'ai construit une chapelle on ne peut plus convenable, ils sont venus y mettre le scellé pour avoir apparemment la satisfaction de me priver d'y dire la messe et de m'obliger d'ériger dans mon antichambre un autel pour que mes séminaristes n'aient pas la peine de l'aller entendre à la paroisse...[33] Par l'état d'âme de Bourdeilles, nous pouvons juger de celui de ses confrères. Certains d'entre eux, qui habitaient des villes ayant fait autrefois partie du Saint-Empire romain germanique, n'hésitèrent pas à invoquer les privilèges dont leurs prédécesseurs avaient joui à cette époque : certains protestèrent auprès de la diète de Francfort — ainsi le cardinal de Rohan, prince-évêque de Strasbourg[34], l'évêque comte de Verdun[35].

L'archevêque de Lyon, de Marbeuf, égala Bourdeilles en violences. Repoussant le titre d'évêque métropolitain que lui avait donné le département du Rhône, il s'écriait : Je vais vous parler en évêque, en archevêque et en primat des Gaules, et il prononçait une condamnation sans appel de la constitution civile du clergé, œuvre impie qui frapperait la religion d'une subversion totale. La plupart de ses confrères, même les plus belliqueux, terminaient leurs plus violentes déclamations par la promesse de se soumettre quand même à la décision du pape ; Marbeuf, lui, ne parle même pas de l'avis du pape et ne sous-entend pas qu'il s'y soumettra[36].

Presque aussi intransigeant, l'évêque de Grasse proclamait : Le schisme est inévitable lorsque l'union avec le chef de l'église n'est pas telle que Jésus-Christ l'a établie[37].

Cependant le nombre des prélats disposés à la conciliation restait encore considérable. Plusieurs, dans la persuasion où ils étaient que le visa du pape allait arriver, prenaient leurs dispositions pour mettre en vigueur la constitution civile du clergé.

L'évêque de Tarbes, de Gain Montagnac, reçut notification, le 26 octobre, d'avoir à exécuter la constitution civile du clergé de la part de son propre vicaire général Castéran qui était aussi procureur général syndic. Il ne fit d'abord aucune réponse. Mais le département ayant renouvelé ses instances, le 10 novembre, il répondit par une Déclaration[38] des plus modérées et des plus conciliantes. En attendant la réponse du pape, il suspendait son obéissance en faisant des vœux pour que les deux puissances parviennent à un accord. Cet accord réalisé, il lui sera doux d'obéir aux ordres des administrateurs, il s'efforcera même de les prévenir. Ce n'était pas une assurance en l'air. L'évêque de Tarbes avait déjà fait choix des membres de son conseil épiscopal[39].

D'autres prélats se montraient aussi accommodants. Le département du Morbihan faisait part à la Constituante, le 4 novembre, que l'évêque de Vannes, cc disposé à concourir aux changements qu'exige le nouvel ordre établi, s'occupait du choix de ses vicaires et avait pourvu provisoirement au service de la paroisse cathédrale[40].

L'évêque de Perpignan, M. d'Esponthez, se déclare prêt à organiser avec son synode diocésain la nomination des curés par élection, il promet l'extension de son conseil épiscopal, renouvelle son serment à la constitution civique...[41]

Grégoire dit dans ses Mémoires que plusieurs autres évêques, tels que ceux de Langres, Besançon, Blois, Chartres, Rodez avaient pris des mesures pour organiser leurs diocèses sur le plan de la Constitution civile du clergé[42].

Les Révolutions de Paris rendaient hommage au patriotisme des évêques de Saint-Malo et de Dol[43]. Au département de l'Hérault qui le pressait de constituer son conseil de vicaires, l'évêque de Béziers, Aymard-Claude de Nicolaï, répondit, le 9 novembre : a Je suis disposé à exercer, avec le secours du ciel, les fonctions de l'épiscopat dans toute l'étendue du département de l'Hérault, mais à l'époque seulement où, conformément aux lois de l'Église, je serai légitimement investi de la juridiction spirituelle nécessaire à cet effet[44].

Nombreux sont les évêques qui se retranchent, sans commentaires désobligeants, mais au contraire avec des formules de regret et de politesse, derrière l'obligation d'attendre la réponse du pape. Le département de la Loire-Inférieure écrit à l'évêque de Nantes, alors à Paris, de revenir dans son diocèse afin de mettre en vigueur la constitution civile du clergé. L'évêque ne répond pas. Le département lui écrit de nouveau le 2 octobre. Cette fois l'évêque fait une réponse évasive. Le département invite ses grands vicaires à participer à la réduction des paroisses. Les grands vicaires n'ont pas de pouvoirs. L'évêque déclare alors, le 22 octobre, qu'il faut patienter jusqu'a l'arrivée de la réponse du pape[45]. Les évêques de Tulle, d'Auch, de Dijon, de Saint-Flour, de la Rochelle, d'Embrun, d'Alais, suivent une conduite analogue[46]. L'évêque de Tulle accuse réception des décrets en remerciant le procureur général syndic de son honnêteté. L'archevêque d'Auch se confond en témoignages de sympathie pour les administrateurs du Gers qu'il révère et chérit[47].

 

III

Dès le mois de juillet les évêques députés à l'Assemblée avaient essayé de mettre de l'unité dans la conduite de leurs collègues des départements. Ils avaient pensé y parvenir en appuyant auprès du nonce et du pape lui-même les propositions d'accord, à la rédaction desquelles ils avaient participé. Leur déception fut grande quand le silence de Rome se prolongea. La mise en vigueur de la constitution civile par les autorités locales les prit au dépourvu. Leur premier mouvement fut de s'adresser à l'Assemblée pour lui demander un sursis. Le 11 octobre, l'évêque de Clermont en flt la demande à la tribune au nom de ses collègues. Mais l'Assemblée, qui commençait à soupçonner le complot aristocrate, refusa de l'entendre. Il fit imprimer son Dire et pria le président d'en donner connaissance en séance. Le président s'y refusa[48].

Le Dire de l'évêque de Clermont est un document à retenir parce qu'il est une preuve de plus que les plus influents et les plus sages des prélats désiraient ardemment que la réponse de Rome ne fût pas négative[49].

Mais l'Assemblée, indignée de la résistance inattendue qu'elle rencontrait, soupçonnant qu'on lui avait tendu un piège, ne voulait pas croire à la sincérité des sentiments de conciliation affichés par une partie de l'épiscopat. Aux premiers mots prononcés par l'évêque de Clermont, Dumetz s'était écrié qu'il avait reçu une lettre le matin même par laquelle on lui annonçait qu'on allait proposer dans la tribune un plan de contre-révolution[50].

Inversement, les évêques intransigeants n'étaient pas loin d'accuser leurs collègues de l'Assemblée de trahir les intérêts de l'Église par leurs compromis avec le pouvoir civil. Bourdeilles déplorait que le Dire de l'évêque de Clermont eût été tellement corrigé avant l'impression qu'il en était devenu méconnaissable[51]. Un de ses correspondants lui écrivait de Lyon pour le mettre en garde contre Boisgelin qu'il arrangeait de la belle manière : J'ai su toutes les manœuvres de ce petit caméléon de Boisgelin. Quel sot orgueil ! quelle ambition sans moyens ! que de prétentions sans talent ! Il y a trente ans qu'il me fait pitié...[52]

L'évêque de Clermont lui-même ne trouvait pas grâce devant le Journal ecclésiastique, devenu maintenant aussi rigide sur les principes qu'il l'était peu deux mois auparavant. L'évêque était repris par Barruel pour avoir dit que le concours des deux puissances était nécessaire pour changer la discipline. L'Église n'a-t-elle pas en elle-même tout ce qu'il faut pour régler à elle seule son organisation ? Barruel lui reprochait encore d'avoir pris à son compte la maxime à la mode : l'Église est dans l'État. M. de Bonnal avait terni sa noble fermeté par un mélange de faiblesse ou de condescendance inconnue aux Ambroises[53].

Le terrible Rougane se montrait plus amer encore que Barruel. Il reprochait à l'évêque de Clermont de n'avoir rien trouvé à redire aux nouvelles règles sinon qu'elles n'étaient pas encore acceptées par l'Église. Il constatait douloureusement que l'évêque espérait qu'elles seraient approuvées par le pape et, généralisant ses attaques, il s'en prenait à tous les évêques députés : Non seulement il a été question entre vous de donner des lettres de grands vicaires à ceux qui en auraient besoin pour la nouvelle juridiction, mais vous êtes censés rétracter les protestations faites par plusieurs d'entre vous, spécialement contre le décret qui permet le prêt à intérêt...[54]

Malgré ces défiances qu'ils sentaient monter autour d'eux, les évêques de l'Assemblée, Boisgelin en tête, persistaient dans leur dessein. Le pape leur avait fait savoir qu'il désirait connaître officiellement leur avis sur la réforme religieuse. Ils confièrent à Boisgelin le soin de rédiger en leur nom ce qu'ils appelaient l'Exposition des principes[55], une sorte d'apologie de leur conduite et d'appel suprême au bon vouloir du pape.

Le pape leur avait demandé de lui indiquer les expédients par lesquels la constitution civile du clergé pourrait être rendue canoniquement exécutoire et le schisme évité. Tout l'effort de leur dialectique consiste à démontrer au pape qu'ils ne possédaient pas eux-mêmes les pouvoirs nécessaires pour dénouer la crise, mais que de lui seul dépendait la solution. Ils avaient pensé à recourir à l'expédient des délégations : Il est possible sans doute que des évêques et des métropolitains, dont la suppression est prononcée par les décrets, délèguent leurs pouvoirs à ceux dont les sièges seroient conservés. Il semble que ce seroit un moyen de suppléer au défaut des formes canoniques et de consacrer le souvenir des principes dans un état de choses qui tend à les faire oublier[56]. Mais cette délégation ne changerait rien aux limites des diocèses anciens. Les évêques conservés exerceraient leurs pouvoirs dans les limites des diocèses supprimés comme délégués des évêques de ces diocèses. Leur délégation ne pourrait être donnée qu'à terme, dans une forme provisoire, jusqu'à ce que les formes canoniques eussent été remplies. Seul le pape, à défaut du concile, pouvait remplir ces formes canoniques, faire du provisoire le définitif.

Ils avaient songé aussi à donner leur démission. Mais il faut des motifs canoniques à des évêques pour donner leur démission. Les précédents montrent que des démissions de ce genre n'ont jamais été données sur un simple acte de l'autorité civile, mais après discussion dans une assemblée de l'Église. Faut-il que des évêques consacrent par leur démission l'oubli des formes canoniques ? (p. 16) ? Il est une liberté qui manque aux évêques : ce n'est pas cell de refuser leur démission, c'est celle de la donner sans l'autorité de l'Église. Il est des formes canoniques pour autoriser leur démission et pour la rendre valide. Il ne dépend pas d'eux d'abandonner le soin des fidèles qui leur sont confiés (p. 17). Seul le pape a mandat de recevoir et d'accepter la démission des évêques. Mais le pape accepterait-il ces démissions qu'il resterait encore à tracer les limites des nouveaux diocèses. Il serait nécessaire de recourir de nouveau à son intervention[57].

Les évêques ne peuvent pas non plus solutionner par leurs seules forces le problème des élections par le peuple. Sans doute, il leur est loisible d'assimiler l'élection des curés par les évêques à une simple présentation. Ils peuvent par une disposition libre et volontaire, après un examen sévère des mœurs et de la doctrine des nouveaux élus, leur accorder l'institution canonique, mais jusqu'ici ils ont été en possession du droit de nommer aux cures, ils ne peuvent pas abandonner ce droit sans y être autorisés. Seul le pape peut donner cette autorisation (p. 28-29).

De même pour toutes les autres questions litigieuses. Les évêques individuellement ne peuvent pas les résoudre. C'est à l'Église représentée par son chef à donner son concours, son consentement.

Cette obligation du recours à Rome, l'Exposition des principes la justifiait contre les impatiences révolutionnaires par des arguments très forts. Elle rappelait que le comité ecclésiastique avait reconnu la nécessité des formes canoniques puisqu'il avait proposé de supplier le roi de prendre les mesures nécessaires pour l'exécution (p. 52). Elle rappelait que l'Assemblée avait toléré, au moins par son silence, les négociations entamées par Louis XVI et elle interprétait ce silence comme un aveu d'incompétence. Pourquoi l'Assemblée n'a-t-elle point déclaré l'incompétence de l'autorité que nous avons réclamée, si l'Assemblée n'a point de doute sur sa propre autorité ? L'Assemblée a craint de compromettre les intérêts de la puissance civile en reconnaissant les bornes placées sur les confins des deux puissances. C'est parce qu'elle a le sentiment des droits de l'Église qu'elle reste dans le silence. Son silence est l'aveu de la justice et de la nécessité de nos réclamations (p. 53).

L'intervention du pape était le seul moyen d'éviter le schisme. C'était d'une part avertir l'Assemblée du danger de précipiter l'application de la réforme et d'autre part avertir le pape qu'il serait responsable du schisme s'il n'employait pas les moyens dont seul il disposait. Nous voulons éviter le schisme. Nous voulons employer tous les moyens de la sagesse et de la charité pour prévenir les troubles dont une déplorable scission peut devenir l'ouvrage. Nous n'avons pas seulement exposé les principes. Nous avons considéré leurs rapports avec les différentes mesures que peuvent occasionner les dispositions variées du zèle et de la religion dans des circonstances difficiles, et nous pensons que notre premier devoir est d'attendre avec confiance la réponse  du successeur de saint Pierre qui, placé dans le centre de l'unité catholique et de la communion, doit être l'interprète et l'organe du vœu de l'Église universelle (p. 54).

Ces assurances pacifiques étaient sincères. Après avoir adopté l'Exposition des principes, les évêques députés envoyèrent à leurs collègues des départements une sorte de plan de conduite en vingt-huit articles qui avait pour but de mettre de l'unité dans leurs démarches[58]. Ce plan leur recommandait de répondre par l'inertie aux notifications des autorités : ne pas concourir à la suppression des chapitres, témoigner leur regret de la dispersion des chanoines, énoncer dans leurs réponses aux autorités le vœu d'attendre la réponse du pape à la lettre du roi ; les évêques supprimés continueront à exercer leur juridiction, etc. Mais le plan posait à cette résistance passive des limites et recommandait déjà bien des concessions et des tempéraments. L'article VII défendait aux directeurs des séminaires supprimés d'opposer de la résistance. L'article VIII renfermait sous une forme indirecte ce conseil de modération à l'adresse des évêques supprimés : L'évêque supprimé par les décrets doit considérer dans sa sagesse s'il ne serait pas convenable de s'abstenir de tous les actes publics qui ne sont pas nécessaires. L'article X prévoyait le cas où l'évêque supprimé pourrait donner sa délégation à son collègue conservé : Si des circonstances impérieuses déterminent l'évêque supprimé à donner sa délégation — ce qu'il ne devrait faire qu'après avoir épuisé tous autres moyens —, il faudrait qu'elle fût publique et motivée, provisoire, à terme, et bornée à l'intervalle de temps nécessaire pour l'observation des formes canoniques, et à la charge, par l'évêque désigné, de faire mention des lettres de vicariat dans tous les actes concernant les paroisses dépendantes de l'évêché supprimé. On pense que la délégation ne doit pas excéder le terme d'une année. L'article XI reconnaissait explicitement le droit des évêques à démissionner entre les mains des archevêques dont ils étaient suffragants. L'article XV faisait défense aux évêques métropolitains de donner l'institution aux évêques élus d'après les nouvelles formes, mais sans une autorisation ou délégation du pape, seulement dans l'état actuel des choses et jusqu'à ce que la discipline établie par l'Église eût été changée par un acte de la puissance ecclésiastique. C'était assez dire que la défense n'était que provisoire. Pour remplacer l'office canonial supprimé, les articles XVI et XVII autorisaient les évêques à employer leurs séminaristes les dimanches et à transférer dans le chœur l'office paroissial. L'article XVIII prévoyait la coopération des évêques avec les autorités pour la réduction du nombre des paroisses et faisait seulement une obligation aux évêques de ne pas prononcer ces réductions sans avoir rempli les formes canoniques à l'effet de constater la nécessité ou la grande utilité de la réunion pour le bien spirituel des fidèles. L'article XIX ne faisait pas défense aux évêques de composer leur conseil de la manière prescrite par les décrets, mais leur conseillait seulement de surseoir en attendant que l'Église ait prononcé. L'article XX accédait à la suppression de la juridiction des officialités dans tout ce qui avait rapport aux choses civiles : L'évêque doit regarder ses grands vicaires comme revêtus des mêmes pouvoirs que par le passé, en observant néanmoins que la partie de juridiction que les officiaux tenaient de la puissance civile ne peut plus avoir lieu, et que ceux mêmes qui exerçaient les pouvoirs dans cette partie ne doivent plus prendre le titre d'officiaux. L'article XXI était inspiré par le désir d'éviter tout ce qui pourrait compliquer l'application régulière des décrets considérée comme prochaine : En cas de vacance d'une cure il est au pouvoir de l'évêque de nommer un curé ; il est de sa sagesse de ne nommer qu'un desservant. L'article XXII précisait cette pensée de conciliation : Dans le cas où le district présenterait un sujet qui aurait les qualités requises pour remplir une cure vacante, l'évêque, ne pouvant reconnaître la validité de l'élection, peut lui donner l'administration de la paroisse en qualité de desservant, si mieux il n'aime lui donner des provisions pleno jure, sans faire aucune mention de l'élection. L'évêque ne reconnaîtrait pas l'élection, mais, en pratique, il mettrait le nouvel élu en possession.

Il n'est pas étonnant que l'Exposition des principes ait été mal accueillie par les membres du clergé qui poussaient à la rupture et à la guerre civile. Le curé Rougane reproche aux évêques qui l'ont rédigée de prétendre que la puissance civile doit concourir avec l'Église pour désigner les limites des diocèses, d'où il suit que la juridiction des évêques, toute divine qu'elle est, dépend pour son étendue, au moins en partie, de la volonté de la puissance civile[59]. Vous reconnaissez dans l'Assemblée, continue-t-il, le droit de faire des changernens dans la religion, comme d'ôter la juridiction des évêques, de la restreindre, ou de l'augmenter dans d'autres et d'ériger de nouveaux diocèses ; tout ce que vous demandez, c'est d'être appelés pour seconder ses vues. On ne peut se réduire à moins... Jusqu'à présent, c'étoit le contraire ; la puissance civile ne faisoit que servir, seconder en protégeant l'Église et ses canons, même dans ce qui regarde la distribution et le rang des diocèses... (p. 3) Il s'indigne que les évêques de l'Assemblée n'aient pas crié tout de suite à l'hérésie, au schisme, n'aient pas déclaré tout net : Nous n'obéirons point, nous sommes chrétiens catholiques. Il s'indigne qu'au premier choc ils aient reculé et cédé plus qu'on ne leur demandait, puisqu'au lieu d'une voie de fait qu'employait l'Assemblée, ils lui ont reconnu un droit, après avoir fait imprimer qu'elle n'en avait aucun (p. 9). Il lui semble évident que le but de l'Exposition est de faire agréer [le plan de l'Assemblée] par tous les évêques du royaume. Elle en présente les moyens et les motifs d'une manière que je pourrais dire pressante et même insidieuse. Il ne faut que l'entendre (p. 14). Ne prévoit-elle pas que les évêques supprimés peuvent céder leurs pouvoirs à ceux dont les sièges sont conservés ? Dès que cela est possible et praticable, la volonté du Souverain qui a droit de concours doit l'obtenir, surtout après avoir lu (p. 14). Rougane relève le passage de l'Exposition où il était dit que la crainte du schisme devait diriger la conduite des ministres de la religion qui ne devaient pas provoquer des troubles par leur refus de démission. Par ce moyen, s'écrie-t-il avec horreur, on pourrait se passer du concours de Rome ! Il n'hésite pas à dire que les évêques de l'Assemblée, en donnant leur appui indirect aux décrets, exposent à la fureur des révolutionnaires ceux de leurs confrères qui, fidèles à leurs devoirs, ont déclaré et déclareront par la suite ne pouvoir se démettre de leurs pouvoirs (p. 17). Ils ont protesté ne pouvoir participer à la discussion des décrets et voilà qu'ils proposent les moyens de les mettre à exécution. Ils sont devenus les esclaves et les flatteurs de cette funeste Assemblée. Et Rougane croit savoir qu'ils avaient déjà pris la résolution de se céder entre eux leurs pouvoirs pour faciliter l'application de la constitution civile et qu'ils n'y ont renoncé que devant la résistance de plusieurs de leurs confrères (p. 17, note).

Rougane disait tout haut ce que les évêques aristocrates se disaient à l'oreille, ce qu'il confiaient à leurs lettres particulières. Quand il reçut l'Exposition des principes et le plan de conduite qui y était annexé, Bourdeilles fit part immédiatement de ses méfiances : Vous y verrez, écrit-il à un de ses confrères le 21 novembre, les deux derniers articles qui me causent depuis deux jours quelques inquiétudes, surtout certain règlement en vingt-huit articles qui ne vaut rien du tout. Marquez-moi, Monseigneur, si on vous l'a envolé et avertissez-moi lorsque vous partirez pour aller à la barre[60] parce que je veux être le premier arrivé et profiter de tous les droits que m'accordent ma vieillesse et d'avoir été le premier attaqué. Je serai alors intrépide dès que je [me] verrai appuyé par un aussi bon deffenseur[61].

Si Rougane et Bourdeilles avaient eu connaissance des commentaires dont le rédacteur de l'Exposition des principes accompagnait son œuvre, leur défiance se serait plus encore alarmée.

Le 9 novembre, Boisgelin envoyait à Bernis l'Exposition des principes, pour qu'il la soumit au pape. Il avait soin d'insister sur ce point qu'elle représentait non pas seulement son opinion personnelle, mais l'opinion réfléchie de tous ses collègues : Je n'ai pas voulu laisser subsister une phrase, une expression qu'ils n'aient pas approuvée. Je puis dire qu'ils ont signé chaque ligne. — Sa Sainteté, continuait-il, doit être assurée que cet ouvrage a d'abord été conçu par le désir de répondre à son vœu. J'avais lieu de croire qu'après la proclamation du roi, au milieu des déclarations de plusieurs évêques, il était à désirer que Sa Sainteté fût instruite des sentiments d'un certain nombre d'évêques tels que les députés de l'Assemblée. C'est pour elle-même qu'il me vint dans l'esprit de faire une exposition des principes. Cette exposition était désirée par tous les évêques prêts à recevoir les réquisitions des départements. C'est un double hommage que nous rendons à Sa Sainteté, en lui présentant un ouvrage dont elle a fait naître l'idée. Après ce début insinuant, destiné à bien disposer le pape et à le convaincre que son œuvre représentait le sentiment général des évêques de France, Boisgelin s'expliquait adroitement sur le but pratique qu'il poursuivait : Nous n'avons exposé que les principes. Votre Éminence peut juger pourtant de l'intérêt que j'ai mis à parler avec sagesse des mesures proposées. Plus il est démontré que ces mesures ne remplissent pas les décrets, plus il est sûr qu'elles ne blessent pas les principes ; et cette observation vraiment importante laisse la liberté de prendre provisoirement, en attendant la discussion au fond, celles que Sa Sainteté jugerait convenables[62]. C'était clair. Plus que jamais, Boisgelin préconisait le recours aux solutions provisoires, exposées dans les instructions envoyées à Bernis le 1er août. Dans sa pensée, l'Exposition des principes avait pour but d'arracher au pape ce visa provisoire qui écarterait le schisme. C'est ainsi qu'il la présentait en l'envoyant au roi, le 11 novembre : Cette déclaration devenait indispensable pour concourir même aux vues de Votre Majesté... Le pape attend que les dispositions de l'Église gallicane lui soient mieux connues, avant de rien décider de lui-même : il est de la plus grande importance, dans l'état actuel, qu'il puisse donner une réponse et tracer une conduite au moins provisoire, dans laquelle les évêques puissent se réunir[63].

Boisgelin pouvait se vanter, avec une sérieuse apparence de raison, d'avoir traduit le sentiment de l'épiscopat. 30 évêques, membres de l'Assemblée, lui donnèrent immédiatement leurs signatures[64], 98 autres ecclésiastiques également députés, signèrent à leur tour le 17 novembre, les évêques des départements envoyèrent en foule leurs adhésions[65].

L'Exposition des principes fut cependant fort loin d'atteindre le but que s'était proposé son auteur. Il avait cru servir la cause de la conciliation. Il ne fit qu'augmenter les divisions et les rendre plus irrémédiables.

D'abord l'Exposition arrivait trop tard. Appuyant en juillet les propositions du roi, elle aurait peut-être triomphé des hésitations romaines, elle aurait du moins fait impression. Le pape n'aurait pas pu prétendre, comme il le fit, que les propositions du roi n'engageraient pas les évêques de France. Il aurait été privé d'un prétexte à prolonger ses lenteurs. Puis, le plan de conduite annexé à l'Exposition aurait eu cet effet d'empêcher les divisions de se mettre parmi les évêques sur la conduite à tenir. Il aurait peut-être prévenu les écarts volontaires des aristocrates, encouragé les modérés.

Au milieu de novembre, l'Exposition vient trop tard. Depuis six semaines, le conflit est engagé sur toute la surface du territoire entre les autorités civiles et les autorités religieuses. Des paroles, des actes regrettables ont été échangés de part et d'autre. Les positions sont prises. De l'irréparable a été commis. Les évêques aristocrates se sont appliqués à brouiller les cartes et y ont réussi.

L'Exposition ne sera pas comprise ni du pape, ni de l'Assemblée. Le pape, au lieu de la considérer pour ce qu'elle était, pour un appel suprême à son intervention, affectera de n'y voir qu'un rappel aux principes du catholicisme, qu'une invitation à résister à une œuvre anti-canonique. L'Assemblée n'y voudra pas voir autre chose, elle aussi. Débordée par les événements qu'elle n'a pas su diriger, excitée par les administrations locales et par les clubs, elle considère l'Exposition comme une déclaration de guerre, comme le manifeste de la coalition épiscopale et aristocratique. Ainsi l'Exposition accéléra la rupture qu'elle voulait prévenir.

La position de Boisgelin était d'ailleurs instable, et ses habiletés trop adroites. En proclamant si souvent que l'intervention du pape était l'unique, l'indispensable solution, en ajoutant qu'il était bien décidé, lui personnellement, Boisgelin, à ne pas exercer dans d'autres diocèses une juridiction sans autorisation et sans formes canoniques[66], il croyait sans doute flatter la vanité bien connue du pontife, mais il se mettait à sa discrétion. Rassuré sur les intentions des évêques conciliants, convaincu qu'ils lui obéiraient, quoi qu'il advint, le pape pouvait poursuivre sans scrupule, sa politique personnelle.

Les choses, sans doute, auraient pris une autre tournure, si Boisgelin et ses amis, au lieu de bêler des supplications vaines, avaient tenu au pape un langage plus ferme, s'ils avaient pris garde de se mettre à sa discrétion.

Le cardinal archevêque de Sens, le célèbre Loménie de Brienne, était infiniment mieux inspiré, quand il exposait au pape, le 25 novembre, quelques jours à peine après la publication de l'Exposition des principes, les raisons de la conduite qu'il se proposait de tenir. Il ne servirait de rien de le dissimuler, disait-il en substance, la Constituante fera appliquer ses décrets. La majorité des prêtres passera avec plaisir dans le parti des novateurs. Que doit faire l'évêque ? Déserter son troupeau ? Abandonner son siège ? Ce serait lâcheté et trahison. Restera-t-il à son poste, et refusera-t-il d'exécuter les décrets ? Mais ce serait devancer le jugement du Saint-Siège. D'ailleurs, il est impossible de laisser les fidèles sans secours. Il faut donc rester à son poste, et s'accommoder tant bien que mal des difficiles circonstances, en sauvegardant le plus possible les règles canoniques, et en manifestant une modération qui détournera du clergé de plus grands maux. Pour lui, voici la règle de conduite qu'il s'est faite. On a expulsé ses chanoines. Il le déplore. Mais que faire ? Interrompre le culte divin dans la cathédrale ? Il faut craindre que le peuple d'aujourd'hui ne s'accommode de cette interruption des offices et que la foi ne s'en ressente. Aussi, quand les magistrats sont venus lui demander de rétablir les prières et les offices, s'est-il conformé à leur désir. Il ne veut pas anticiper les décisions pontificales pour ce qui est de la circonscription des diocèses. Il s'abstiendra d'exercer ses fonctions spirituelles dans les paroisses nouvellement annexées à son diocèse, aussi longtemps du moins que les évêques qui les avaient dans leur ressort y exerceront leur juridiction. Mais si ces évêques s'absentaient, s'ils étaient obligés par la force de renoncer à leurs fonctions, il les suppléerait dans ces paroisses, devenues veuves. Il ne répugnera pas d'ailleurs à déléguer ses pouvoirs aux évêques voisins, pour les paroisses de son diocèse qui en ont été détachées. S'il voulait refuser sa délégation, les fidèles iraient d'eux-mêmes au nouveau diocèse, institué par les décrets. L'élection des curés est donnée aux laïques. Mais les curés nouvellement élus devront demander aux évêques leur institution. On pourra regarder le droit de nomination des laïques comme un simple droit de patronage. Les curés tiendront comme auparavant leurs pouvoirs de l'évêque et la hiérarchie sera conservée[67].

Ainsi Loménie ne se bornait pas comme Boisgelin à proposer des expédients. Il les mettait en vigueur de sa propre autorité. Interprétant à sa manière le silence du pape, il le mettait à profit pour placer Rome devant le fait accompli. Nul doute que si les évêques qui désiraient rendre la constitution civile exécutoire (ils étaient nombreux) avaient tenu une conduite semblable, le pape ne se fût empressé d'envoyer l'homologation exigée par les formes canoniques. Pour ne pas perdre le royaume de France, dont la population formait alors le tiers de la catholicité, il aurait peut-être usé de ses pouvoirs souverains qui, au jugement des évêques, lui permettaient de baptiser la constitution civile du clergé. Mais l'Exposition des principes prouva au pape que la grande majorité de l'épiscopat lui obéirait dans tous les cas.

 

 

 



[1] Voir, par exemple, la correspondance de Gaultier de Biauzat publiée par Francisque Mège. Paris, 1890, t. II, lettres du mois de décembre 1790.

[2] Bernis était trop dévoué au parti du comte d'Artois pour qu'il se soit privé, dans ses correspondances particulières, de faire connaître les brefs du 10 juillet. Les autres cardinaux, qui n'étaient tenus à aucune réserve, ont pu en révéler sinon le contenu, du moins l'existence et les tendances, aux émigrés de Rome.

[3] Lettre pastorale de M. l'Archevêque de Vienne au clergé séculier et régulier et aux fidèles de son diocèse. Arch. nat. ADXVIII. 24 (reproduite dans la collection ecclésiastique de Barruel, t. I, p. 474-507. La phrase citée est à la p. 487). Le département de l'Isère dénonça l'archevêque à la Constituante par lettre du 26 novembre 1790 (Arch. nat. DXXIX b 25).

[4] Arch. nat ADXVIIIc 24. L'Instruction pastorale de l'évêque d'Amiens fut envoyée à Camus le 22 octobre 1790 par Louvet, alors juge au tribunal de Montdidier. Louvet trouvait le document fort dangereux. La phrase citée est à la page 94.

[5] L'évêque de Toulon avait émigré en Italie. Sa pastorale datée du 1er juillet 1790, est publiée dans la Collection ecclésiastique de Barruel, t. I, p. 446-469. Elle fut dénoncée à la Constituante. (Cf. plus haut au chapitre précédent).

[6] Le 13 août, l'évêque supprimé de Senez écrivit à l'évêque de Digne pour lui signifier qu'il ne renonçait pas à son siège et qu'il entendait continuer sa juridiction comme auparavant. Cf. sa lettre dans la Collection ecclésiastique de Barruel, t. I. 396-400.

[7] Dépêche du 10 août 1790. Communication de M. Sevestre.

[8] A la fin de sa dépêche, qui est en chiffres, le nonce note les bruits malveillants qu'on fait circuler contre la papauté. Dans les cafés et les lieux publics on parle plus que jamais de Rome. On dit que le pape excite les cours d'Europe à envoyer des troupes en France et d'autres calomnies semblables. Ce sent, je crois, les envoyés avignonnais et nos autres ennemis capitaux qui répandent et cherchent à accréditer ces bruits qui tendent à aigrir le peuple et à faire regarder le pape comme le principal ennemi de la Constitution et le plus à craindre s'il conserve une grande influence en France.

[9] M. Ernest Daudet cite les abbés de la Bastide, de la Molette, de Siran, de Bruges, de Lavondès. Histoire de l'Émigration, Paris, 1901, t. I, p. 33.

[10] Theiner, t. I, p. 297-298.

[11] Dillon n'avait garde de tenir cette lettre secrète. Il en envoya copie à Borne. Theiner l'a retrouvée aux archives du Vatican. Theiner, t. I, p. 296.

[12] Cette congrégation comprenait les cardinaux suivants Albani, doyen du Sacré Collège ; Rezzonico, camerlingue ; Colonna, vicaire du pape, évêque de Palestrina, Borromeo, préfet de la congrégation de l'Immunité ecclésiastique ; Carafa, préfet de la congrégation des Évêques et Réguliers ; de Zelada ; Antonelli, préfet de la congrégation de la Propagande ; Archinto ; préfet de la congrégation des Rites ; Gerdil, préfet de la congrégation de l'Index ; Pallotta, préfet de la congrégation du Concile ; Garampi, évêque de Montefiascone, protecteur du Collège Germanique ; Carrare, membre de plusieurs congrégations ; Busca, ci-devant gouverneur de Rome ; Borgia, ci-devant secrétaire de la Propagande ; Sabriati, préfet de la congrégation de la Signature des grâces ; Braschi, neveu du pape ; Carandini, préfet de la congrégation du Bon gouvernement ; Campanelli, prodataire. Le secrétaire était le prélat Rovarella. Faisaient encore partie de la congrégation : Valent Gonzaga, membre de la congrégation du Saint-Office et Livizzani, préfet de la congrégation des Eaux et forêts (Dépêche de Bernis du 22 septembre).

[13] Dépêche de Bernis du 29 septembre.

[14] Dépêche du 13 octobre.

[15] Le chapitre de Montpellier fut supprimé le 16 octobre (Saurel, t. I, 241). Il y eut pourtant des régions où la suppression des chapitres fut tardive. A Bourges, elle n'eut lieu que le 11 janvier 1791 ; à Saint-Pons de l'Hérault, ils étaient encore en fonctions le 8 février (P. de la Gorce, t. I, p. 313).

[16] Cf. dans le Moniteur du 7 novembre 1790, le rapport fait par Merlin (de Douai) sur ces faits, à la séance de la veille.

[17] Babeau, Histoire de Troyes, t. I, p. 403.

[18] La vraie conspiration dévoilée, 65 pages in-8°, datée, à la dernière page, du 20 août 1790. Cf. p. 27 et p. 14. Bib. nat., Lb³⁹ 3896.

[19] A Paris, de l'imp. de Noël Dumahat, 22 pages. Bib. nat., Lb³⁹ 4318.

[20] 8 pages in-8°. Bib. nat. Lb¹⁹ 2981.

[21] Sur cette action des curés, voir mon étude : La lecture des décrets au prône, dans mon livre La Révolution et l'Église, Paris, 1910, p. 47-48, p. 54-57.

[22] L'évêque de Mirepoix fut dénoncé par le département de la Haute-Garonne le 10 novembre 1790. Arch. nat., DXXIX b 25.

[23] Cf. Arch. nat., F¹⁹ 451.

[24] Rapport de Voldel à la séance du 26 novembre 1790.

[25] Déclaration du 12 novembre 1790. Bib. nat. Ld⁴ 3103.

[26] Cf. sa longue et véhémente protestation, datée du 13 octobre, dans la Collection Barruel, t. I, p. 412-418.

[27] Cf. sa lettre non datée. Arch. nat. AA. 62. Dés le 13 août 1790, l'évêque de Senez avait écrit à l'évêque de Digne, pour lui déclarer qu'il entendait garder l'administration de son diocèse (Cf. Collection Barruel, t. I, p. 396 à 400). La consultation d'avocats qu'invoque l'évêque de Lisieux est celle dont nous avons parlé p. 186,

[28] Arch. nat. AA, 62,

[29] Ed. Fleury, Le clergé de l'Aisne pendant la Révolution, Paris, 1853, p. 145.

[30] Déclaration de l'évêque de Soissons à MM. les administrateurs du directoire du département de l'Aisne. 8° pièce. Bib. nat., Ld⁴ 3885. Cf. pour les détails, Ed. Fleury, t. I, p. 145-164.

[31] Arch. nat. AA. 62.

[32] Lettre citée à l'évêque de Lisieux.

[33] Lettre citée à l'évêque de Lisieux.

[34] Déclaration de Son Altesse Sérénissime et Éminentissime Mgr le cardinal de Rohan, prince-évêque de Strasbourg, adressée au clergé séculier et régulier de son diocèse sur la Constitution civile du clergé... 11 pages in-8°. Donné à Ettenheim-Munster, le 20 novembre 1790. Bib. nat. Ld⁴ 3110. Le 24 novembre 1790, Rohan écrivit au roi pour le prier d'excuser des démarches que son devoir lui avait dictées dans les circonstances fâcheuses où nous nous trouvons. Arch. nat. F¹⁹ 464. L'archevêque de Mayence, métropolitain de Rohan, appuya ses réclamations auprès de la diète et auprès de Louis XVI. Copie de la lettre de son Altesse Électorale Mgr l'archevêque de Mayence à Son Altesse Ém. Mgr le cardinal de Rohan, 14 décembre 1790. Bib. nat. Ld⁴ 3119.

[35] Déclaration de M. l'évêque  de Verdun adressée à MM. les administrateurs du directoire du district de Verdun, en réponse à leur lettre du 30 octobre. 7 p. pièce. Bib. nat. Ld⁴ 3089. Les jacobins de Verdun protestèrent contre cette déclaration le 26 novembre 1790. Arch. nat., DXXIX b 23.

[36] Déclaration de M. l'archevêque de Lyon, primat des Gaules, en réponse à la proclamation du département de Rhône-et-Loire du 15 novembre 1790... Bib. net. Ld⁴ 3133A.

[37] Instruction pastorale de Mgr l'évêque de Grasse à tous les fidèles de son diocèse... 22 octobre 1790. Bibl. nat. Ld⁴ 3099.

[38] Déclaration de M. François de Gain, évêque de Tarbes, adressée à MM. les administrateurs du département des Hautes-Pyrénées, en réponse à leur arrêté du 10 de ce mois et à l'arrêté du directoire du 26 octobre. Tarbes, 12 novembre1790. Bib. nat. Ld⁴ 3102. Cette pièce est analysée dans le livre de l'abbé Dantin, p. 50.

[39] Abbé L. Dantin, p. 47. Une liste des membres du conseil est donnée par M. Dantin d'après l'abbé Loustau.

[40] Rapport de Voidel, 26 novembre 1790. Moniteur, réimp., t. VI, p. 483.

[41] Abbé Sicard, Ancien clergé de France, t. II, p. 403.

[42] Mémoires de Grégoire publiés par H. Carnot, 1840, t. II, p. 16.

[43] N° 71. 13-20 novembre 1790, p. 303. D'après ce journal l'évêque de Saint-Malo aurait déclaré vouloir obéir aux décrets dès qu'ils lui furent notifiés.

[44] Déclaration de M. l'évêque de Béziers à MM. les administrateurs du directoire du département de l'Hérault, en réponse à leur arrêté du 29 octobre 1790 (9 novembre). Bib. nat. Ld. 3100. Cf. aussi chanoine Saurel, Histoire religieuse du département de l'Hérault pendant la Révolution, 1894, t. I, p. 255.

[45] A. Lallié, Le diocèse de Nantes pendant la Révolution, 1893, p. 39 et suivantes.

[46] Cf. Arch. nat. DXXIX b 25 ; Réponse de M. l'archevêque d'Auch au procureur général syndic du département du Gers, qui l'avait invité au nom du département à exécuter dans son diocèse la constitution civile du clergé par lettre du 20 novembre 1790, Bib. nat. Ld⁴ 3119 ; Déclaration de M. l'évêque de la Rochelle à MM. les administrateurs du directoire du district de la Rochelle... 12 novembre 1790. Bib. nat, Ld⁴ 3103 ; Réponse de M. l'archevêque d'Embrun à MM. les officiers municipaux de la même ville... Bib. nat. Ld⁴ 3120. Lettre de M. l'évêque d'Alais à M. le curé de.... en lui envoyant l'instruction pastorale de M. l'évêque de Boulogne (27 novembre 1790) Bib. nat., Ld⁴ 3116.

[47] P. de la Gorce, t. I, p. 304.

[48] Dire de M. l'évêque de Clermont à l'Assemblée nationale au nom des évêques députés à cette assemblée. Bib. nat. Le²⁹ 1005. Vers le même temps Boisgelin écrivait au pape une lettre que Bernis qualifia de très judicieuse (dépêche du 20 octobre 1790).

[49] L'évêque de Clermont se flattait que cette réponse arriverait incessamment et que ses vues sages et prudentes pourraient opérer le plus heureux accord.

[50] Moniteur, réimp., t. VI, p. 93.

[51] Lettre du 15 novembre 1790 à l'évêque de Lisieux. Arch. nat. AA. 62.

[52] Arch. nat. AA. 62. Lettre non signée adressée à l'évêque de Lisieux alors à Paris et datée simplement 27 (sans doute 27 novembre).

[53] Journal ecclésiastique, n° d'octobre 1790, p. 232-234.

[54] Ne vous y fiez pas, par Rougane, ancien curé d'Auvergne. p. 12. Bib. nat. Ld⁴ 3164.

[55] Exposition des principes sur la constitution civile du clergé par les évêques députés à l'Assemblée nationale. Paris, 1790. Bib. nat. Ld⁴ 3090 A., datée à la dernière ligne du 30 octobre 1790.

[56] Exposition des principes, p. 12.

[57] P. 15-24. L'évêque de Boulogne, Asseline, dans une instruction pastorale datée du 24 octobre, avait offert sa démission pour rétablir l'union. Son instruction fut adoptée par une quarantaine d'évêques.

[58] Ce plan, tenu secret, fut découvert plus tard dans les papiers de l'armoire de fer. Il a été imprimé sous le n° XIX dans le t. III du recueil officiel de ces papiers.

[59] Adresse aux évêques de l'Assemblée nationale qui ont signé l'Exposition. Bib. nat. Ld⁴ 3109, p. 2.

[60] Bourdeilles s'attend à être traduit à la barre de l'Assemblée pour avoir à répondre de ses protestations.

[61] Lettre du 21 novembre 1790. Arch. nat. AA. 62. Le destinataire n'est pas désigné. C'est peut-être l'évêque de Lisieux

[62] La lettre de Boisgelin à Bernis figure dans Theiner, t. I, p. 298-299.

[63] La lettre de Boisgelin au roi, découverte dans l'armoire de fer, a été publiée dans le recueil de la commission des douze, sous le n° LXXV. Boisgelin envoya au roi les deux premiers exemplaires imprimés de l'Exposition. Le cardinal de La Rochefoucauld en présentera un exemplaire au président de l'Assemblée le 20 novembre. Voir sa lettre d'envoi aux Arch. nat., DXXIX b 25.

[64] Le cardinal de La Rochefoucauld, les archevêques de Reims, d'Aix, d'Arles, de Damas, de Toulouse, de Bourges, les évêques de Poitiers, Montauban, Condom, Beauvais, le Mans, >limes, Rodez, Limoges, Montpellier, Perpignan, Agen, Chartres, Laon, Saint-Flour, Châlons-sur-Marne, Oléron, Dijon, Saintes, Coutances, Luçon, Clermont, Usés, Conserans.

[65] Liste des évêques députés à l'Assemblée nationale qui ont signé l'Exposition des principes et, des autres ecclésiastiques députés qui y ont adhéré et des évêques qui y ont envoyé leur adhésion (119 évêques). Bib. nat. Ld⁴ 3108.

[66] Expressions de sa lettre à Bernis, du 9 novembre.

[67] La lettre de Brienne est dans Theiner, t. I, p. 300-304.