ROME ET LE CLERGÉ FRANÇAIS SOUS LA CONSTITUANTE

 

CHAPITRE IV. — L'ÉPISCOPAT ET LES RÉFORMES.

 

 

Essayons cependant de serrer la question de plus près et demandons-nous jusqu'à quel point les évêques de Clermont et de Luçon, qui rompaient en visière avec le comité ecclésiastique et jetaient d'avance la réprobation sur l'œuvre qu'il allait entreprendre, étaient les interprètes des sentiments de leurs collègues, s'ils représentaient bien l'ensemble du haut clergé ? Question importante, car si le haut clergé était décidé, dès ce mois de février 1790, à la lutte ouverte contre la Révolution, l'intransigeance du pape s'autoriserait de l'intransigeance de l'épiscopat français. Mais, au contraire, si le haut clergé était encore divisé et indécis, la politique du pape ne pouvait avoir qu'un but : triompher de ses hésitations et le pousser à la résistance.

Parce que l'épiscopat fut presque unanime à refuser le serment à la constitution civile du clergé, on s'imagine volontiers qu'il fit bloc dès le début contre la Révolution, et c'est une grosse erreur. Nul n'aurait pu prévoir, dans ces premiers mois de 1790, la coalition générale qui sera un fait accompli un an plus tard. Il y avait encore à cette date, en dehors de Talleyrand et des futurs jureurs, des évêques qui se disaient et qui se croyaient patriotes et même philosophes. Il y en avait beaucoup tout au moins qui espéraient trouver un terrain d'entente avec le régime nouveau et qui répugnaient à un conflit violent. Sans doute les intransigeants faisaient des progrès, mais il ne semble pas qu'ils auraient réussi finalement à imposer aux autres leur tactique extrémiste, s'ils n'avaient rencontré au dehors, à Rome même, un appui inespéré et des encouragements précieux.

Vers novembre 1789, Camille Desmoulins ayant attaqué indistinctement dans son journal tous les calotins de l'Assemblée, reçut d'un député patriote une curieuse protestation qu'il publia dans son n° VI[1]. ... Les députés ecclésiastiques qui se mettent à la gauche du Président, disait le député, ont donné de fortes preuves de patriotisme. Serait-il raisonnable, par exemple, de comparer le doux et modéré prélat de Coutances avec le furieux et malhonnête évêque de Perpignan ? Ne faites-vous pas une grande différence de l'aimable philosophie de l'évêque d'Autun avec l'intolérance ultramontaine de l'évêque de Clermont ?... J'aurais pu mettre, il y a un mois, le cardinal de Rohan au nombre des très-bons ; mais d'Eymar, son grand vicaire, n'a pas voulu souffrir qu'il s'égarât plus longtemps auprès de La Rochefoucauld, Tréteau, etc. Le correspondant de Desmoulins n'exagérait pas. Il aurait pu énumérer de fortes preuves de patriotisme données par ces mêmes prélats qui résisteront si énergiquement à la constitution civile du clergé.

Sans doute, au moment des élections aux États généraux, la lutte avait été parfois fort vive entre les évêques soutenant leurs chanoines d'un côté et la plèbe des curés de l'autre. Plus d'un prélat s'était vu préférer pour la députation un de ses obscurs pasteurs. Plus d'un en gardait du dépit et de l'irritation. Et cependant les plus exaspérés firent en général contre fortune bon visage. La crainte de déplaire au roi, l'esprit de docilité dont ils étaient pénétrés depuis des siècles à l'égard des ministres, et aussi une sorte de sentiment des convenances qu'ils puisaient dans leur caractère les retinrent de faire du scandale. Bien peu se livrèrent à des protestations tapageuses et publiques. La plupart se bornèrent à exprimer leurs inquiétudes et à exhaler leurs plaintes dans des lettres particulières qu'ils écrivirent au garde des sceaux Barentin ou à Necker lui-même[2].

Ainsi l'évêque d'Agde dénonçait, le 5 janvier 1789, les libelles anonymes et scandaleux distribués à pleines mains par des malintentionnés pour échauffer les esprits. Il assurait que les pétitions recouvertes de signatures mendiées ou extorquées par la menace ne représentaient pas le vœu véritable de la province et il terminait par cette curieuse protestation de loyalisme et de docilité : Je suis témoin impartial et du principe de cette agitation et des manœuvres. J'ai prêté serment au Roy de lui donner avis de tout ce qui serait opposé à son service. J'ai l'honneur de vous en rendre le compte le plus fidèle...

L'évêque de Béziers rendait compte, le 3 avril, de l'assemblée du clergé de la sénéchaussée qu'il venait de présider... Mes deux confrères, racontait-il, MM. de Saint-Pons et d'Agde, quoique conduits par le même esprit (de conciliation), n'ont pu soutenir au delà du huitième jour les indécences et malhonnestetés d'une multitude prépondérante de 260 curés réunis et alliés entre eux. En effet, ils ont fait au reste de l'assemblée, c'est-à-dire aux 50 autres la loi la plus dure, la plus déraisonnable, et sur tous les points. Vous en jugerés par le cahier de doléances. Ces prétentions sont d'autant plus injustes qu'étant à peu près sans intérêt, même entre eux tous, ou n'ayant que de très minces propriétés, ils ont voulu disposer absolument de toutes les grandes possessions des 50 autres membres de l'assemblée. Mais, ayant ainsi soulagé son cœur, l'évêque ajoutait que son respect pour les ordres du Roi, son désir de concourir au bien général de son service et de l'État l'avaient engagé à rester jusqu'à la fin des opérations électorales, ferme à son poste. Il s'était concerté disait-il avec le commissaire du roi, dont il fait l'éloge, pour choisir tous les moyens que la sagesse et la prudence pouvaient lui suggérer, et il terminait sa lettre par cette phrase qui est d'un fonctionnaire modèle : Je me borne à désirer que Sa Majesté soit contente de ma conduite et de mon dévouement pour tout ce qui intéressera son service.

L'évêque d'Évreux déclamait amèrement, le 21 mars 1789, contre l'esprit de cabale et d'insubordination apporté par les curés à l'assemblée qu'il avait présidée. Il demandait qu'à l'avenir on cessât de convoquer les curés en aussi grand nombre : La justice ne peut pas vouloir qu'il y ait une classe qui, par sa supériorité de trente suffrages contre un, puisse absolument écraser tout le reste. C'est cependant, Monsieur, ce qui arrive aujourd'hui, et le clergé pourra-t-il se trouver représenté lorsque le plus grand nombre de ses députés sera pris parmy les curés qui, en général, n'ont pas d'intérest à défendre nos propriétés foncières, les droits de nos fiefs, la juridiction qui conserve la discipline et qui à cela joignent l'inhabitude et l'ignorance complette de nos grandes affaires dont ils ne se sont jamais occupés. Le grand seigneur qu'il était avait donc souffert cruellement, mais le fonctionnaire faisait valoir cette souffrance comme une preuve de son zèle : Mon zèle pour le bien public et mon dévouement au Roy ont pu seuls me faire supporter des outrages, je ne crains pas de me servir de ce mot, auxquelles (sic) je n'étais point accoutumé dans mon diocèze. Je n'ai opposé à tout cela que la patience et la modération la plus soutenue, mais je sens très bien, Monsieur, que s'il était question d'une seconde assemblée composée de la même manière, je n'aurais peut-être pas le courage de m'y exposer.

L'évêque de Gap, le 23 mars 1789, raconte qu'il a été la veille à deux doigts de sa perte, que le peuple, soulevé par le bruit répandu qu'il était de société, ainsi que l'évêque de Sisteron, dans le commerce des grains avec un négotiant de Marseille, a assiégé sa maison, cassé ses vitres, sa porte et sa toiture. Convenés, conclut-il, qu'il faut avoir du courage pour rester encore thés moi, après une scène aussi scandaleuse. Il reste cependant.

L'évêque de Rieux dénonce, le 26 février, l'esprit de vertige et d'erreur, d'anarchie et républicain qui semble se manifester partout ouvertement. Il donne avis que le second consul de sa ville épiscopale s'est permis de convoquer les trois ordres de son diocèse. Le ministre le remercie de son attention à l'informer de ce qui se passe.

On a l'impression, en lisant la correspondance que les évêques échangèrent alors avec les ministres, que la plupart d'entre eux ne demandaient pas mieux que de rester de bons courtisans. Même les plus attachés à leurs privilèges sont avant tout désireux de plaire au roi et à son gouvernement. Ils sont pleins d'attentions pour Necker, le ministre protestant, le ministre patriote. L'archevêque de Bourges, lui rendant compte de ce qui s'est passé dans l'assemblée du clergé qu'il a présidée, ajoute : J'ai été bien fâché de partir de Paris sans avoir l'honneur de vous voir. J'en ai marqué tous mes regrets à madame Necker[3].

L'évêque corse de Sagone rend compte à Necker de sa conduite pendant les élections dans les mêmes termes qu'un subordonné fait un rapport à son chef, et ce n'est pas un exemple isolé, c'est, au contraire, le cas général[4].

Certains ne seraient pas fâchés de se rendre utiles et de se mettre en vedette en jouant le rôle d'agents du ministère. Ils donnent des conseils en même temps que des informations. Ils se concertent avec Necker pour conduire leur province, aplanir les difficultés suscitées par tes privilégiés, obtenir de bons choix dans les élections.

Il faut voir dans ses lettres comment le très ambitieux archevêque d'Aix, Boisgelin, se multiplie et fait valoir ses services[5]. Il n'est pas jusqu'au très orgueilleux archevêque de Narbonne Dillon qui ne propose ses moyens pour entraver l'exaltation et l'effervescence et qui ne dépêche au Ministre un homme à lui qui court bien la poste pour avoir une prompte réponse[6].

Quelques-uns sont portés vers les réformes par un mouvement spontané et sincère, tel Jean-Baptiste de Chabot, évêque de Saint-Claude, qui prononça dans l'assemblée générale du bailliage d'Aval un discours d'une généreuse inspiration. Il y demandait non seulement l'égalité devant l'impôt, mais la réforme des lois criminelles, la réforme de la Constitution, la suppression de la mainmorte qu'il qualifiait de fléau, etc.[7]

Aussi hardi, l'évêque de Langres, la Luzerne, dans un écrit intitulé : La forme d'opiner aux États généraux, prenait parti pour la nation contre le despotisme : Le souverain, disait-il, n'a de pouvoir que par la Nation... Lorsque la volonté générale lui est opposée, son autorité tombe et s'anéantit ; ce qui est vrai en principe est encore plus vrai dans le fait (p. 62). Et plus loin : Il est dangereux qu'il n'y ait qu'un seul pouvoir dans une grande Nation, car si cet unique pouvoir est celui du Souverain, il dégénère en despotisme[8].

Ce langage ne doit pas nous étonner si nous songeons que l'esprit du siècle avait pénétré dans toutes les classes de la société. Beaucoup d'évêques se disaient philosophes. Beaucoup fréquentaient les académies toutes imprégnées des doctrines régnantes. D'où il ne faut pas être surpris, écrit le curé Rougane, si nos évêques et les autres ecclésiastiques députés à l'Assemblée se sont trouvés comme électrisés, préparés à entendre et laisser passer le philosophisme des droits prétendus de l'homme et du citoyen...[9]

Tous, même les plus dépités, même les plus effrayés, sont encore très loin de la pensée que quelque secours pourrait leur venir de Rome. Ce n'est pas vers Borne qu'ils tournent leurs regards, mais vers Versailles.

Il n'en manque pas qui se laissent entraîner par le courant général, qui font bonne figure aux nouveautés et se disposent à plaire à la nouvelle puissance populaire, s'ils sentent l'ancienne chanceler.

L'évêque de Bordeaux, le fin et adroit Champion de Cicé, rendant compte, le 12 avril, des opérations électorales, se plaint du caractère féroce et emporté qu'ont montré jusqu'à la fin ces Messieurs de la noblesse. Il demande au ministre de soutenir les intérêts de la minorité de la noblesse et de permettre, aux gentilshommes bien intentionnés et bons serviteurs du roi qui la composent, d'avoir une représentation distincte et de rédiger leurs cahiers. Le cahier des bien intentionnés est tout prêt, très sage et point contraire à l'opinion par TÊTE[10].

Plusieurs prélats, en quittant leurs diocèses pour se rendre aux États généraux, adressèrent à leurs ouailles des mandements où ils exprimaient éloquemment leur espoir de réformes, leur foi en la régénération. Au dire des Nouvelles ecclésiastiques, le mandement de l'évêque d'Orange, daté du 23 mars 1789, présentait les avis les plus sages, les plus chrétiens, les plus dignes d'un vrai pasteur. Le même journal cite ce passage d'un mandement de l'archevêque de Paris en date du 24 avril : Il est des droits et des devoirs immuables, que nous croyons nécessaire de remettre sous les yeux. Et d'abord, N. T. C. F., les intérêts du Peuple, le salut du Peuple, voilà la loi suprême, voilà le premier principe et comme la fin dernière de tout gouvernement juste[11].

Quand les États généraux s'ouvrirent, ce ne furent pas seulement des curés, comme on le croit d'ordinaire, qui poussèrent le clergé à se réunir au tiers. Certains prélats agirent de toutes leurs forces dans le même sens. C'est l'évêque de Chartres qui proposa, lors de la première demande des commissaires du tiers, le 27 mai, de se rendre sur-le-champ dans la chambre des Communes. Le 24 juin 1789, le clergé fut conduit dans la chambre du tiers par les archevêques de Vienne et de Bordeaux, les évêques de Coutances, de Chartres et de Rodez.

L'archevêque de Bordeaux fut nommé rapporteur du comité de Constitution et il collabora activement à la déclaration des droits. Il la justifia même à la tribune, le 27 juillet 1759, dans un discours qui,fit une vive impression. Sa réputation de patriotisme était si bien établie que Louis XVI crut donner un gage au parti révolutionnaire en le nommant garde des sceaux en même temps qu'il nommait ministre de la feuille l'archevêque de Vienne, Pompignan, un autre libéral[12]. Ni l'un ni l'autre des deux archevêques, après leur entrée au ministère, ne renièrent leur passé politique. L'archevêque de Bordeaux mit une hâte toute particulière à obtenir du roi la sanction du grand décret du 2 novembre qui dépouillait le clergé[13]. Il n'est pas douteux qu'ils furent tous les deux du nombre des ministres qui conseillèrent au roi la fameuse démarche du 4 février 1790, qui fut saluée dans toute la France patriote par une explosion de joie, comme le gage du triomphe définitif des réformes.

Il y eut des évêques qui firent chanter des Te Deum en l'honneur des arrêtés du 4 août qui supprimaient les dîmes, et de ce nombre fut Asseline, évêque de Boulogne, qui se distinguera plus tard parmi les plus intransigeants des prélats réfractaires[14].

L'archevêque d'Aix, Boisgelin, grand seigneur mondain et ambitieux, qui voyait surtout dans la Révolution l'occasion d'exercer les facultés d'homme d'État qu'il se supposait[15], n'avait pas tardé à réparer la faute qu'il avait commise en tardant à rejoindre le tiers état en juin 1789. Il avait été l'un des plus énergiques, dans la nuit du 4 août, à dénoncer les abus de la féodalité. On l'avait vu demander, lors de la discussion de la déclaration des droits, que les droits politiques fussent garantis à tous les citoyens sans distinction. Il fut l'un des premiers, à la séance du 11 août, à signer l'abolition des dîmes. L'un des premiers aussi il comprit que pour éviter une dépossession entière, le clergé devait se résoudre à de grands sacrifices. Avec les évêques de Langres et de Nîmes, il proposa, le 9 août, de gager l'emprunt et les intérêts de la dette sur les biens d'Église. Très longtemps, il défendra la Constituante contre les reproches des aristocrates : Ne dites pas tant de mal de l'Assemblée, écrivait-il à son amie, la comtesse de Gramont, elle serait sage et raisonnable s'il y avait quelqu'un qui pût raisonner avec elle. Nos ministres ne disent rien. Ils parlent quand nous leur faisons peur. Ils parlent pour dire ce qu'ils croient que nous voulons. Ils s'y trompent et ne dirigent rien...[16]

Boisgelin ne désespère pas d'être ce quelqu'un qui serait capable de raisonner avec l'Assemblée et de la conduire dans le droit chemin. Si le décret du 2 novembre est voté, c'est, écrit-il le lendemain, la taule du clergé. ... On dirait que nos respectables confrères ne sont point sortis de la salle des Augustins[17]. Je leur ai dit depuis deux mois : Faites une offre, prévenez le moment, ils n'ont pas voulu. Je leur ai redit au dernier moment : Vous verrez quelle est l'offre que j'ai faite[18], il a fallu dire si elle est possible. Il n'y a pas eu moyen de le faire au nom du clergé. Je n'ai pas pu le mettre dans la conclusion. Il n'y a rien à faire avec les corps. Voilà pourquoi je voulais une commission parce que je regarde une commission comme la raison de] l'assemblée et comme la loi des corps. Tout manque et je ne sais plus ce élue deviendront nos destinées[19].

Boisgelin ne jugeait pas plus sévèrement le maladroit égoïsme du clergé que les députés patriotes qui siégeaient à gauche[20].

Parce qu'il n'avait pas réussi à obtenir avant le décret du 2 novembre la commission de parler au nom du clergé tout entier, il ne faudrait pas croire que l'archevêque d'Aix fût un isolé au milieu des autres prélats députés. Bien au contraire. Il exerçait et il exercera longtemps sur la majorité d'entre eux une influence prépondérante. Il réussit par exemple à obtenir que les évêques ne protesteraient pas contre la mise en vente des biens d'Église. Et c'est à bon droit que, le 4 mai 1791, dans sa réponse au pape, Boisgelin peut se rendre ce témoignage, au nom de tous ses collègues et au sien propre : Nous n'avons pas troublé d'un seul mot, d'une seule plainte le cours des opérations fondées sur l'hypothèque des biens qu'on nous a ravis[21]. Je veux bien que pour beaucoup qui suivirent Boisgelin, ce silence sur la vente des biens d'Église n'ait été qu'une tactique habile. Ce silence énigmatique n'était pas cependant de nature à encourager le pape dans une attitude violente contre la Révolution. Le pape, qui condamnera bientôt l'œuvre civile de la Constituante, ne pouvait oublier la part considérable que plusieurs prélats avaient prise à cette œuvre. Il ne pouvait ignorer que tous les évêques députés avaient prêté le serment civique, à la grande séance du 4 février 1790, et le serment civique, c'était l'approbation formelle des décrets constitutionnels jusque-là votés par l'Assemblée[22]. Les prélats restés dans leurs diocèses avaient imité ceux de l'Assemblée et comme eux juré devant les municipalités d'être fidèles à la Constitution. Certains l'avaient fait avec joie, avec ostentation. Homme et citoyen, s'était écrié l'évêque de Mâcon, comment puis-je exprimer les douces émotions que j'éprouve en me voyant au milieu de mes frères pour leur porter, ainsi que vient de le faire un Roi Citoyen, des paroles de consolation, de paix et de concorde[23]. Le cardinal Loménie de Brienne, archevêque de Sens, avait profité de l'occasion pour justifier son ministère, sous lequel, disait-il, les droits de la nation ont été constamment rappelés, la nécessité de son consentement aux impôts solennellement reconnue, son nom même, ce nom si imposant et si sacré, prononcé tant de fois et peut-être pour la première par le Gouvernement[24].

Le pape savait tout cela, mais il savait aussi qu'il y avait dans le haut clergé un parti intransigeant qui déplorait comme une faiblesse et presque comme une trahison la prudence et la modération de la plupart des évêques députés à l'Assemblée. Ce parti comprenait naturellement les ecclésiastiques dont les bénéfices, dont les sièges étaient menacés par les réformes, ceux qui gardaient rancune au bas clergé de n'avoir pas été envoyés aux États généraux, ceux dont la piété sincère mais formaliste s'effrayait de toutes les innovations. Déjà certains prélats commencent à prendre le chemin de l'émigration. Les évêques de Pamiers et d'Apt passent la frontière dès le printemps de 1789. L'évêque d'Auxerre va prendre les eaux à Ems et y reste. L'évêque de Saint-Orner, pour raison de santé, passe l'hiver en Italie et ne revient pas[25]. L'archevêque de Paris, de Juigné, séjourne à Chambéry dès la fin de 1789. L'évêque d'Arras, de Conzié, aristocrate fougueux et brouillon, vient s'établir à Turin, auprès du comte d'Artois, peu de temps après. D'autres, qui sont restés dans leurs diocèses, commencent contre la Constituante une lutte sourde et déguisée, et s'efforcent d'alarmer les croyants sur le péril que court la foi. L'évêque de Blois blâme le serment civique dans une lettre rendue publique[26]. Les évêques de Dol et de Bayeux ne prêtent le même serment qu'en l'entourant d'explications restrictives et leur exemple est suivi par de nombreux ecclésiastiques[27]. La suppression des dîmes avait déjà provoqué plus d'une protestation[28], l'abolition des vœux monastiques fit pousser les hauts cris au clergé aristocrate. Le Journal ecclésiastique, d'ordinaire plus modéré, sanglota, s'indigna, vitupéra : Sors des enfers, Voltaire, sortez-en Diderot, d'Alembert, Helvétius, et vous tous, adeptes ou héros d'une philosophie antireligieuse... Venez, Luther, venez, Calvin, et que toutes les sectes sorties de votre sein triomphent !... Les autels de la banque s'élèvent où s'immolait le Dieu du pauvre, le Dieu de l'affligé et le Dieu des consolations célestes. Là ce sont des lais qui vont se prostituer où vécurent les vierges du Seigneur...[29] Plus d'un mandement frappa des peines canoniques les moines qui profiteraient des décrets pour quitter leur couvent[30]. Mais la plupart du temps les prélats aristocrates s'en tenaient à une critique vague et générale de l'œuvre de l'Assemblée.

Au moment de la Grande Peur et des désordres qui en furent la conséquence, les ministres eurent l'idée d'employer les évêques à calmer l'agitation[31]. La grande majorité se conformèrent docilement aux ordres du roi. Il y en eut cependant qui profitèrent de l'occasion pour souffler sur les passions en mettant les désordres sur le compte de l'esprit nouveau. Ainsi l'évêque de Vence dénonça les effets de l'anarchie, retraça les devoirs des sujets envers les rois et mit en garde contre les libelles[32]. L'évêque de Senez déplora le tumulte et la corruption des grandes villes, s'effraya du précipice affreux qu'on creusait sous les pas des Français, menaça de la colère divine[33]. L'archevêque de Bourges dénonça les philosophes comme les véritables auteurs des troubles[34]. Entre tous, se distingua l'évêque de Tréguier, Le Mintier. Dans un langage d'une violence voulue, il s'écria qu'il ne garderait pas un coupable silence devant les périls que faisaient courir à la monarchie les écrits incendiaires. On attaque l'Église ! On veut supprimer l'autorité du roi ! Le sang a coulé dans la capitale ! Les prêtres sont menacés de tomber dans la condition de commis appointés ! Le soldat est sourd à la voix de ses chefs ! La populace est déchaînée ! On dispute sur tout ! Le doyen des substituts du procureur général du roi dénonça au parlement de Rennes cette déclamation véhémente qui décèle un esprit de fermentation si opposé à celui de notre Sainte Religion et aux vues paternelles et pacifiques du Roi[35]. L'évêque fut ensuite dénoncé à la Constituante et poursuivi devant le Châtelet qui d'ailleurs l'acquitta.

Si les évêques de l'Assemblée s'étaient gardés, une fois le décret voté, de protester contre la sécularisation des biens d'Église et contre leur mise en vente, certains de leurs collègues du second ordre n'imitèrent pas leur réserve. L'un d'eux, qui paraît avoir été lié avec le nonce, l'abbé Chapt de Rastignac, député du bailliage d'Orléans, consacrait un mémoire de 250 pages à démontrer l'injustice de l'opération, son caractère aléatoire, ses funestes effets et à semer l'inquiétude dans l'esprit des futurs acquéreurs[36]. Rastignac avait bientôt des imitateurs qui renchérissaient sur ses protestations. Il s'agit de savoir, écrit l'un d'eux qui garde l'anonymat, non pas si les biens du domaine et du clergé peuvent être mis en vente, mais s'il se présentera des acquéreurs. L'Assemblée nationale a décidé qu'ils seront vendus ; et moi, je demande s'ils seront achetés. Je demande si l'acquisition des immeubles tant domaniaux qu'ecclésiastiques, dont l'aliénation est regardée comme une des plus importantes ressources du moment, offrirait cette garantie, cette sûreté sans laquelle on ne se décide ordinairement à aucune opération qui exige des avances pécuniaires[37]. Sans doute ces manifestations sont encore isolées, mais elles sont symptomatiques.

Les prélats de l'Assemblée, qui ont été choisis par les assemblées électorales pour leur sympathie aux réformes ou pour leur modération, forment la partie la plus libérale du haut clergé. Déjà les défections commencent dans leurs rangs, défections encore timides, provoquées par la lassitude. Dés le 2 août 1789, l'évêque de Bazas invoque ses infirmités et sa faiblesse pour demander qu'on lui nomme un suppléant[38]. L'évêque de Castres quitte l'Assemblée en septembre sous prétexte d'aller prendre les eaux. Le 6 novembre, il réclame lui aussi qu'on lui nomme un remplaçant[39]. L'archevêque-duc de Reims, n'ayant pas réussi à se faire envoyer à Rome pour seconder Bernis, demandait d'abord un congé de maladie, puis écrivait au garde des sceaux pour lui faire part de sa démission et demander un successeur[40]. L'évêque d'Orange, Du Tillet, qui jouissait d'un renom de libéralisme, revenait à Orange dans les premiers jours de novembre 1789, pour soigner sa santé, disait-il[41].

Les évêques qui restent à l'Assemblée commencent à être environnés de suspicions. Des prêtres hardis leur reprochent publiquement leurs compromissions avec les révolutionnaires, leur font honte de leur mollesse à défendre la cause de la religion, déversent sur eux l'injure et la calomnie. Autour d'un polémiste vigoureux, d'une dialectique serrée et d'une brutale franchise, Rougane, ancien curé de Clermont-Ferrand, homme de cœur qui paiera de sa vie ses convictions[42], il se forme peu à peu une coterie intransigeante, petite mais redoutée, qui ne tardera pas à tourner les yeux vers Rome et qui, en attendant, fait une rude guerre à toutes les défaillances. Au début de 1790, Rougane lance son terrible pamphlet intitulé Observations réfléchies sur différentes motions de M. l'évêque d'Autun et sur la conduite de ses confrères dans l'Assemblée[43]. Après de violentes attaques contre le traditeur Talleyrand, Rougane regrettait que les évêques ne se fussent pas encore retirés tous en masse de l'Assemblée. En se retirant tous, ils n'auraient fait que se conformer à leurs mandats qui leur défendaient de délibérer autrement que par ordre... Malheureusement on ne pouvait s'y attendre : Il y a parmi eux trop de lâches, de prophânes, d'ambitieux, qui pis est, de philosophes, qu'on voit monter à la tribune avec une légèreté indécente pour y discourir sur des mots ou sur des questions qu'ils devraient avoir honte de traiter...[44]

Ces furieuses attaques ne laissaient pas de produire quelque effet. A partir du mois de février 1790, on constate un changement de ton dans le langage de certains évêques députés. L'abbé Maury, l'abbé d'Eymar ne sont plus seuls à crier à la persécution. L'évêque de Nancy, l'évêque de Clermont font chorus. De plus en plus les intransigeants affectent de croire que l'Assemblée en veut à la religion. Leurs tentatives répétées pour faire déclarer le catholicisme religion d'État sont interprétées par la gauche comme autant de manœuvres destinées à soulever le peuple au nom du ciel. Dés le 13 février 1790, au cours de la discussion sur la suppression des vœux monastiques, Charles de Lameth dénonçait, en termes énergiques, la tactique cléricale : Si, pour sauver une opulence si ridicule aux yeux de la raison, si contraire à l'esprit de l'Évangile, on appelle l'inquiétude des peuples sur nos sentiments religieux, si l'on fait naître, par une motion incidente à l'ordre du jour et très insidieuse[45], les moyens d'attaquer la confiance si légitimement due à cette Assemblée, si l'on a le projet absurde et criminel d'armer le fanatisme pour défendre les abus ; si jamais cette intention a pu être conçue, si elle a pu n'être pas aperçue, je la dénonce à la patrie[46].

Des accusations si injurieuses, jetées du haut de la tribune, prouvent évidemment combien chaque jour plus profonds se creusaient les soupçons, les rancunes, les méfiances entre la Révolution et le haut clergé.

N'oublions pas qu'à la même date, au début de février 1790, les deux évêques du comité ecclésiastique s'en retiraient et préludaient à cette tactique de l'abstention qui sera celle de l'épiscopat presque tout entier dans la discussion de la constitution civile du clergé.

Il n'est pas douteux que le nombre des prélats ouvertement favorables à la Révolution ou partisans d'une conciliation diminue peu à peu. L'audace des intransigeants croît et provoque les alarmes et les représailles des patriotes. Mais il ne faut rien exagérer. Non seulement l'épiscopat n'est pas encore unanime, non seulement ses grands chefs négocient et louvoient, mais les intransigeants se cherchent encore et n'ont pas de programme arrêté et de plan d'attaque. Cà et là partent des coups de feu isolés, simples escarmouches avant une bataille qui n'aura peut-être pas lieu ou qu'on aperçoit très éloignée.

Si le pape était décidé à conformer son attitude à celle du clergé français, les protestations que j'ai notées n'étaient ni assez générales, ni assez qualifiées pour lui donner l'espoir d'entraîner derrière lui, par une offensive hardie, l'ensemble de l'épiscopat.

Qu'on ne prétende pas que Pie VI a pu être mal informé des choses de France, qu'il a pu se faire illusion par de faux rapports sur les forces véritables du parti intransigeant I Le pape était au contraire tenu très exactement au courant de ce qui se passait, non seulement par son représentant officiel à Paris, le nonce Dugnani, mais par plusieurs autres informateurs officieux plus ou moins bénévoles.

Le récent historien de Pie VI accuse Dugnani d'avoir induit le pape en erreur sur le véritable caractère des affaires de France. Il le rend même responsable des fâcheux malentendus qui se sont produits au début entre Borne et la Révolution[47]. Mais M. Jules Gendry ne justifie la sévérité de ce jugement d'aucun exemple, d'aucune preuve. Il se borne à citer un rapport dans lequel Dugnani note la violente opposition du bas clergé contre le haut clergé au moment de la réunion des États généraux et ce rapport prouve simplement que le nonce était de cœur avec les aristocrates[48]. M. Gendry insiste d'ailleurs plus loin sur l'insignifiance du rôle joué par Dugnani. Toute sa politique, dit-il, semble consister à donner des informations à la secrétairerie d'État et à en attendre les ordres. Dans aucune circonstance urgente, il n'osera ni prendre une décision, ni même l'insinuer à sa Cour. Il prétextera toujours de la gravité des événements pour se retrancher dans l'abstention et pour s'en rapporter uniquement à la sagesse et à la prudence de Sa Sainteté qui, dit-il, abondamment éclairée d'En Haut, peut seule arrêter les résolutions opportunes[49].

M. J. Gendry est trop sévère pour Dugnani. Les dépêches de ce diplomate montrent que c'était un esprit avisé et pondéré, qu'il tint exactement sa Cour au courant de la situation, sans rien cacher ni exagérer. Il estimait une conciliation nécessaire avec la Révolution et il déclarait au pape que cette conciliation était réclamée par la majorité du clergé et de l'épiscopat.

Il est vrai que Pie VI était renseigné et conseillé par d'autres correspondants, en qui il avait peut-être plus de confiance que dans le nonce lui-même.

Dès 1786, l'abbé Salamon, un Avignonnais rusé et actif, conseiller-clerc au parlement de Paris, inaugurait avec le secrétaire d'État un commerce épistolaire très suivi et très familier[50]. Le secrétaire d'État, qui était alors Boncompagni, lui témoignait une grande confiance, l'appelait son cher ami. Dugnani ayant dû s'absenter en 1788 pour prendre les eaux de Plombières, ce fut Salamon qu'on chargea de le suppléer[51]. Plus tard, quand Dugnani sera définitivement rappelé, c'est encore Salamon qui le remplacera en qualité d'internonce. Or, les sentiments de ce personnage nous sont connus[52]. C'était un aristocrate très ardent dont l'aristocratie s'échauffait encore par les événements dont sa patrie d'Avignon était le théâtre. Il poussa le pape de toutes ses forces dans les voies de l'intransigeance[53].

Tel que nous le connaissons, avec son orgueil, borné et têtu, Pie VI était naturellement plus disposé à écouter les inspirations des violents que les avertissements des sages. Il admirait l'abbé Maury. Il lui faisait transmettre ses félicitations par le nonce, dès la fin de 1789. C'est à lui et non à Boisgelin ou à quelque autre prudent qu'il confiait la défense de ses intérêts à Avignon et en France. Il recevait les premiers émigrés, les Polignac, si impopulaires en France, avec une très grande distinction, il accordait au duc de Polignac un entretien d'une heure en tête à tête[54].

Pie VI avait cependant comprimé jusque-là l'expression de ses sentiments intimes, il avait fait violence à sa nature pour des raisons de haute politique. Pourquoi se décide-t-il brusquement, en mars 1790, à rompre le silence et à sortir de son expectative ? Jusque-là, le parti intransigeant n'avait eu sur le clergé de France qu'une assez faible influence. Une partie importante de l'épiscopat se résignait visiblement au fait accompli. Les deux archevêques qui siégeaient au conseil du roi collaboraient loyalement à l'exécution des décrets. Et voilà que le pape, désavouant lui-même sa tactique conciliante, semble un instant vouloir fournir aux violents un chef inattendu !

Il est temps d'examiner la correspondance de notre ambassadeur à Home et de lui demander quelques éclaircissements sur l'attitude du Saint-Siège.

 

 

 



[1] Les Révolutions de France el de Brabant, t. I, p. 245.

[2] Ces lettres figurent aux Archives nationales dans le carton AA. 62. C'est de ce carton que sont tirés les extraits qui suivent.

[3] Lettre du 20 mars 1789.

[4] La lettre de l'évêque de Sagone est du 9 juin 1789. Cf. encore les lettres de l'évêque de Poitiers (15 avril 1789), de l'évêque de Mimes (4 avril 1789), de l'évêque de Mende (3 avril 1789), de l'évêque de Limoges (24 mars), de l'évêque de Conserans (18 avril), de l'évêque de Cominges (3 mai), de l'archevêque de Bordeaux (31 mars), de l'évêque de Bazas (16 mars), etc.

[5] Cf. Lettres des 13 février, 4 mars, 19 février, 6 avril 1789.

[6] Lettre du 9 février 1789.

[7] Discours prononcé le 6 avril 1789 par Mgr Jean-Baptiste de Chabot, évêque de Saint-Claude, dans l’assemblée des trois ordres du bailliage d'Aval, 3. p. in-8°. Arch. nat., AA 62.

[8] Le curé royaliste Rougane s'indigne de ce langage et proteste contre le libéralisme des évêques dans une curieuse brochure intitulée Plaintes à M. Burke sur sa lettre à M. l'archevêque d'Aix, 87 p. (1791). Bib. nat., Ld⁴ 3647.

[9] Rougane, Copie d'une lettre envoyée de Paris au Souverain Pontife le 24 avril 1792, 48 pages. Bib. nat. Ld⁴ 3889, p. 15.

[10] C'est l'archevêque qui souligne. Voir aussi sa lettre du 12 mars 1789.

[11] Les Nouvelles ecclésiastiques du 28 août 1790. Le mandement de l'archevêque de Bordeaux en date du 14 février 1789 est cité par Jean Wallon, Paris, 1876. Le Clergé de 1789, p.174. Le mandement de l'évêque d'Angoulême, Philippe-François d'Albignac de Castelnau, est publié dans le Journal ecclésiastique de mai 1789, p. 84 et suiv.

[12] Louis XVI annonça ces deux nominations à l'Assemblée le 4 août 1789 par un billet qui se termine ainsi : Les choix que je fais dans votre assemblée même vous annoncent le désir que j'ai d'entretenir avec elle la plus confiante et la plus amicale harmonie. Le billet royal était accueilli par une joie générale. A Aulard. Histoire de la Révolution, p. 38, note.

[13] Le décret était sanctionné dés le 4 novembre. L'archevêque de Bordeaux en avisa l'Assemblée par lettre.

[14] Voir son mandement du 12 août 1789 aux Archives nationales, F¹⁹ 459.

[15] Sur ce personnage, consulter l'étude de M. Bans parue dans la Revue historique, t. LXXIX-LXXX, 1902.

[16] Cette lettre est simplement datée ce 8. Mais on voit par le contexte qu'il s'agit du 8 octobre 1789. Arch. nat. M. 788.

[17] Salle où se réunissaient les assemblées du clergé.

[18] Il avait proposé de faire au trésor une avance de 400 millions.

[19] Arch. nat., M. 788.

[20] Cf. par exemple ce qu'écrit Thomas Lindet, curé de Sainte-Croix de Bernay, à la date du 8 octobre 1789 : Le clergé et la religion recevront ici le coup mortel par la faute, je ne crains pas de le dire, des députés de cette classe, dont la stupidité et l'intrigue sont également accusées ; à la date du 6 novembre 1789 : Le règne du clergé n'est plus de ce monde, pour trop conserver il a tout perdu.

[21] Lettre des évêques députés d l'Assemblée nationale, en réponse au bref du pape... p. 31-32. Le pamphlet de l'abbé ultramontain Bonnaud : Réclamation pour l'Église gallicane contre l'invasion des biens ecclésiastiques et l'abolition de la dîme, paru en 1792, fut désavoué par Boisgelin et les évêques députés qui en interdirent la vente. Correspondance de Salamon, p. 456, 489.

[22] Seul l'évêque de Perpignan parut vouloir faire quelque restriction à son serment. (Moniteur, réimp., t. III, p. 300.)

[23] Discours prononcé le dimanche 14 février 1790 par M. l'évêque de Mâcon dans l'église cathédrale avant le Te Deum par lui ordonné sur l'invitation de MM. les officiers municipaux de cette ville relativement à la séance du Roi dans l'Assemblée nationale le jeudi 4 du même mois, jour cl jamais mémorable, lequel discours a été suivi de la prestation du serment civique par tous les citoyens de la même ville... Mâcon, 9 pages. Bib. nat. LB³⁹ 2980.

[24] Discours prononcé par Son Éminence Mgr le cardinal Loménie de Brienne, en prêtant le serment civique, entre les mains des maires, officiers municipaux et notables de la ville de Sens. Extrait des registres de l'Hôtel de Ville de Sens, le mercredi 28 avril 1789. 8 p. in-4°, 1790. Bib. nat. LB³⁹ 3338.

[25] Cf. Pisani, Les derniers évêques de l'ancien régime, p. 12 du tirage à part (extrait du Correspondant du 10 novembre 1908).

[26] L'évêque fut dénoncé pour ce fait par Palasne-Champeaux au nom du comité des recherches, à la séance du 15 avril. Moniteur, t. IV, p. 132.

[27] L'évêque de Dol déclara : Nous n'entendons pas qu'on puisse interpréter notre serment comme une approbation ni comme une adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale en ce qui concerne la religion. L'évêque de Bayeux ajouta au texte du serment cette exception formelle : si ce n'est dans ce qui pourrait être contraire à la religion. Cf. le Journal ecclésiastique, n° d'avril 1790, p. 452-455. — Dès ce moment plus d'un curé aristocrate refuse de lire au prône les décrets de l'Assemblée qui ne lui plaisent pas (malgré l'ordre royal du 26 février 1790). Cf. Journal ecclésiastique, n° de mars 1790.

[28] Plusieurs de ces protestations figurent  dans les papiers du comité ecclésiastique ; exemples : les Très humbles et très respectueuses remontrances... des curés du clergé de la sénéchaussée de Toulouse (Arch. nat. DXIX 24), les Protestations du clergé des villes et châtellenies de la Flandre maritime contre les atteintes portées aux propriétés ecclésiastiques par les arrêtés du 4 août, datées de Cassel, 28 oct. 1789 (Arch. nat., DXIX 27), etc. Cf. aussi (dans le Moniteur, t. IV, p. 90), la protestation des députés d'Alsace du côté droit contre la nationalisation des biens d'Église et la suppression des vœux monastiques, la protestation du bureau des États du Cambrésis qui retire leurs pouvoirs aux députés de la province à l'occasion du décret du 2 novembre (dans le Moniteur, t. II, p. 166).

[29] Numéro de mars 1790, p. 288-289.

[30] L'évêque d'Ypres, dénoncé pour ce fait par Bouche à la séance du 21 avril 1790, l'évêque de Blois, dénoncé par Palasne-Champeaux, le 15 avril, etc.

[31] Lettre du Roi aux archevêques et évêques de son royaume, 2 sept. 1789, 4 p. in-4°.

[32] Cf. son mandement dans le Journal ecclésiastique de décembre 1789, p. 310 et suiv.

[33] Journal ecclésiastique de février 1790, p. 205 et suiv.

[34] Vicomte de Brimant, M. de Puységur et l'église de Bourges..., Bourges, 1896, p. 55.

[35] Mandement de Mgr l'évêque et comte de Tréguier (14 sept. 1789). Bib. nat. Lb³⁹ 2447. Cet exemplaire est suivi de la dénonciation du substitut Joseph-Marie Brossays Duperray.

[36] Questions sur la propriété des biens fonds ecclésiastiques en France par M. l'abbé DE CHAUT DE RASTIGNAC, prêtre, docteur de la maison et société de Sorbonne, vicaire général du diocèse d'Arles, prévôt de Restigné en l'église Saint-Martin de Tours, abbé commendataire en l'abbaye royale de Saint-Mêmin de Mici, député à l'Assemblée nationale, seconde édition, Paris, 1789, 264 p. in-8°. Bib. nat. Lb³⁹ 2514 A.

[37] Doutes proposés par un homme de loi sur l'acquisition des biens du domaine et du clergé. Avril 1790. De l'imp. de la Delaguette, 24 p. in-8°, p. 1. Lb³⁹ 3260. Voir aussi le Résumé des observations essentielles sur les biens du clergé, Paris, 1790, 54 p. in-8°. Bib. nat. Lb³⁹ 2788 ; Le cri de la patrie et de la religion, Paris 1790, 42 p. Bib. nat. Lb³⁹ 2783.

[38] Lettre au garde des sceaux. Arch. nat., AA 62.

[39] Lettre à De Lessart, Arch. nat., AA 62.

[40] Lettre du 23 déc. 1789. Arch. nat., AA 62.

[41] Abbé Bonnel, Notice biographique sur Du Tillet, Meaux, 1880, p. 75-76.

[42] Il fut condamné à mort par le tribunal révolutionnaire e 29 floréal an II. Voir son interrogatoire dans H. Wallon, Histoire du tribunal révolutionnaire, 1881, t. III, p. 452-456.

[43] 84 pages in-8°. Bib. nat. Lb³⁹ 3153.

[44] Observations réfléchies..., p. 56.

[45] Allusion à la proposition faite par l'évêque de Nancy de décréter le catholicisme religion d'État.

[46] Moniteur, réimp., t. III, p. 363.

[47] Jules Gendry. Pie VI, sa vie, son pontifical, t. II, p. 108.

[48] Un autre indice de son aristocratie est l'amitié étroite qui l'unissait à l'abbé Maury et dont celui-ci se vante dans une lettre publique. Cf. Copie d'une lettre écrite par M. l'abbé Maury aux consuls de Valréas, sa patrie... Paris, 30 décembre 1789, p. 1.

[49] Gendry, t. II, p. 122.

[50] D'après M. J. Gendry, ils échangeaient une lettre toutes les semaines, t. II, p. 102.

[51] Gendry, t. II, p. 104.

[52] Cf. ses Mémoires publiés par l'abbé Bridier, sa Correspondance publiée en partie par M. le vicomte de Richement. M. J. Gendry indique l'existence de lettres qui ne paraissent pas avoir été connues par M. Richement, même dans le supplément qu'il a donné à sa publication dans les Mélanges de l'École française de Rome, t. XVIII, p. 419 et suiv. Quelques-unes de ces lettres encore inédites m'ont été communiquées par M. l'abbé Sevestre.

[53] Cf. Gendry, t. II, p. 136, note.

[54] Lettre de Bernis à Montmorin du 17 novembre 1789.